“Gaudium et Spes”
La communauté
chrétienne s‘est toujours sentie solidaire du genre humain. C’est
pourquoi le Concile Vatican II veut s’adresser à tous les hommes de plus
en plus angoissés par l’évolution actuelle du monde. (1 à 3)
La condition
humaine dans le monde d’aujourd’hui
“L’Église a le
devoir de scruter les signes des temps et de les interpréter à la
lumière de l’Évangile.”
Le genre humain
vit actuellement des changements profonds et rapides provoqués par
l’intelligence et l’activité créatrice des hommes; et de ces
transformations peuvent naitre de graves difficultés:
― excès
de richesses d’un côté et de nombreux peuples affamés de l’autre,
― vif
désir de liberté et nombreuses et nouvelles formes d’asservissement,
― dissensions
sociales, économiques, raciales, idéologiques, politiques,
― multiplication
des échanges mais les mêmes mots ne veulent pas toujours dire la même
chose, d’où des incompréhensions douloureuses;
― progrès
techniques, scientifiques, parfois en désaccord avec la morale ou les
exigences éthiques.
― remise
en question des valeurs psychologiques, morales et religieuses: d’où
éloignement de multitudes toujours plus importantes des pratiques
religieuses,
― accroissement
des contradictions et des déséquilibres, notamment entre l’intelligence
pratique moderne et la pensée spéculative qui ne réussit plus à dominer
ses flots de connaissances, et encore moins à en faire les synthèses
indispensables,
― tensions
au sein des familles, défiances et inimitiés entre les races ou les
catégories sociales.
D’où les âpres
revendications entre les nations riches et les autres. Pourtant,
“sous ces revendications se cache une aspiration plus profonde et plus
universelle: les personnes et les groupes ont soif d’une vie pleine et
libre, d’une vie digne de l’homme.”
Mais en vérité
tous ces déséquilibres sont la manifestation de questions fondamentales
auxquelles les théories matérialistes ne donnent pas de réponse:
“Qu’est-ce que l’homme? Que signifient la souffrance, le mal, la mort,
qui subsistent malgré tant de progrès?... Que peut apporter l’homme à la
société? Que peut-il en attendre? Qu’adviendra-t-il après cette vie?”
(3 à 10)
L’Église et la
vocation humaine
Quels sont les
signes véritables de la présence ou du dessein de Dieu dans le monde?
Qu’est-ce que l’homme? Quelle est son origine? Où va-t-il?
Ces questions, ces
difficultés, l’Église les ressent, et elle seule, instruite par la
Révélation, peut apporter une réponse. “La Bible, en effet, enseigne
que l’homme a été créé à l’image de Dieu, capable de connaître et
d’aimer son Créateur, et qu’il a été constitué Seigneur de toutes les
créatures terrestres... Mais Dieu n’a pas créé l’homme solitaire: il le
créa homme et femme... car l’homme, de par sa nature profonde est un
être social.” (12)
L’homme, créé
libre, a abusé de sa liberté, se voulant comme Dieu. “Divisé en
lui-même, l’homme se découvre enclin au mal, submergé de multiples maux
qui ne peuvent provenir de son Créateur qui est bon... Mais le Seigneur
en personne est venu pour restaurer l’homme dans sa liberté.” 13)
Parlant de l’homme
et de sa nature, le décret Gaudium et Spes donne un certain
nombre de conseils:
― l’homme
doit estimer et respecter son corps qui a été créé par Dieu,
― l’homme
est dans le vrai quand il se reconnaît supérieur aux éléments matériels:
“Par son intériorité, il dépasse en effet l’univers des choses...
Participant à la lumière de l’intelligence divine... il a fait
progresser les sciences empiriques, les techniques et les arts
libéraux”,
― l’homme,
intelligent, doit trouver sa perfection dans la sagesse, sagesse
indispensable pour humaniser ses propres découvertes,
― ”Par
le don de l’Esprit, l’homme doit parvenir, dans la foi, à contempler et
à goûter le mystère de la volonté divine.” (14 et 15)
Conscience
et liberté
“Au fond de sa
conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas
donnée lui-même... C’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme;
sa dignité est de lui obéir et c’est elle qui le jugera. La conscience
est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul
avec Dieu et où sa voix se fait entendre.”
(16)
“C’est toujours
librement que l’homme doit se tourner vers le bien.”
La liberté est
très estimée des hommes d’aujourd’hui qui, malheureusement, l’utilisent
mal et la considèrent comme “la licence de faire n’importe quoi.”
Dieu a voulu laisser l’homme à son propre conseil pour qu’il puisse
chercher et trouver Dieu. C’est la dignité de l’homme de pouvoir agir
selon des choix conscients et non sous l’effet de pulsions instinctives
et de contraintes extérieures. “Mais c’est seulement par le secours
de la grâce divine que la liberté humaine, blessée par le péché, peut
s’ordonner à Dieu d’une manière effective et intégrale.” (17)
Le
mystère de la mort
L’homme affronté à
la souffrance, est véritablement tourmenté par la peur d’une destruction
définitive qu’il rejette et refuse. Même les techniques modernes les
plus sophistiquées ne trouvent de solution, ou de remède à la mort
inéluctable. Seule l’Église, “instruite par la révélation divine,
affirme que Dieu a créé l’homme en vue d’une fin bienheureuse, au-delà
des misères du temps présent.” La foi chrétienne enseigne que la
mort corporelle sera un jour vaincue et que l’homme adhérera à Dieu dans
la communion d’une vie divine inaltérable. (18)
L’athéisme
“L’aspect le plus
sublime de la dignité humaine se trouve dans cette vocation de l’homme à
communier avec Dieu.”
Si l’homme existe,
c’est que Dieu l’a appelé à la vie, par amour. “Mais beaucoup de nos
contemporains... rejettent explicitement le rapport intime et vital qui
unit l’homme à Dieu; à tel point que l’athéisme compte parmi les faits
les plus graves de ce temps.”
Les
causes de l’athéisme
― On
ne peut rien affirmer de Dieu, et les problèmes liés à l’existence de
Dieu semblent dénués de bon sens.
― On
se révolte contre le mal dans le monde. Si Dieu existait, il n’y aurait
pas tous ces malheurs.
― On
pense qu’un jour, les sciences humaines expliqueront tout.
― La
civilisation moderne rend souvent difficile l’approche de Dieu et
conduit à l’indifférence.
― Les
croyants eux-mêmes portent parfois une grosse responsabilité en ne
vivant pas conforméméent à leur foi.
Il résulte de ce
qui précède des réaction critiques en face des religions. (19)
“Le désir
d’autonomie humaine est parfois poussé à un point tel qu’il fait
obstacle à toute dépendance à l’égard de Dieu... L’homme est considéré
comme étant en lui-même sa propre fin.”
Il faut ajouter à
tout ce qui précède que la libération de l’homme: économique, sociale,
sexuelle, s’opposerait par sa nature, à toute religion, dans la mesure
où, espérant une vie future, la religion le détournerait de
l’édification de la cité terrestre.(20)
L’Église
face à l’athéisme
L’Église, fidèle à
Dieu et à l’homme réprouve avec fermeté “ces doctrines et ces
manières de faire funestes qui contredisent la raison et l’expérience
commune et font déchoir l’homme de sa noblesse native.” L’Église
estime que la reconnaissance de Dieu ne s’oppose pas, au contraire, à la
dignité de l’homme. “Car l’homme a été établi en société, intelligent
et libre, par Dieu son Créateur. Mais surtout, comme fils, il est appelé
à l’intimité même de Dieu et au partage de son propre bonheur. L’Église
enseigne, en outre, que l’espérance eschatologique ne diminue pas
l’importance des tâches terrestres, mais en soutient bien plutôt
l’accomplissement par de nouveaux motifs.” À l’opposé, quand manque
le support divin, les hommes tombent souvent dans le désespoir.
Le remède à
l’athéisme ne peut être trouvé que dans la présentation adéquate de la
doctrine et dans la pureté de vie de l’Église et de ses membres, sous la
conduite du Saint-Esprit.“Il faut surtout le témoignage d’une foi
vivante et adulte, c’est-à-dire d’une foi formée à reconnaître
lucidement les difficultés et capable de les surmonter. D’une telle foi,
de très nombreux martyrs ont rendu, et continuent de rendre un éclatant
témoignage... Enfin, ce qui contribue le plus à révéler la présence de
Dieu, c’est l’amour fraternel des fidèles qui travaillent d’un cœur
unanime pour la foi de l’Évangile et qui se présentent comme un signe
d’unité... Car l’Église sait parfaitement que son message est en accord
avec le fond secret du cœur humain quand elle défend la vocation de
l’homme, et rend ainsi l’espoir à ceux qui n’osent plus croire à la
grandeur de leur destin.” (21)
“Le mystère de
l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe Incarné.
Adam, en effet, le premier homme, était la figure de Celui qui devait
venir, le Christ Seigneur.”
Nouvel Adam, le
Christ manifeste l’homme à lui-même. Image du Dieu invisible, Il est
l’homme parfait.“Né de la Vierge Marie, Il est vraiment devenu l’un
de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché. Agneau Innocent, par
son sang librement répandu, Il nous a mérité la vie; et en Lui, Dieu
nous a réconcilié avec Lui-même et entre nous, nous arrachant à
l’esclavage du diable et du péché... Devenu conforme à l’image du Fils,
premier-né d’une multitude de frères, le chrétien reçoit les prémices de
l’Esprit qui le rendent capable d’accomplir la loi de l’amour... C’est
par le Christ et dans le Christ que s’éclaire l’énigme de la douleur et
de la mort qui, hors de son Évangile, nous écrase. Le Christ est
ressuscité, par sa mort il a vaincu la mort, et il nous a abondamment
donné la vie pour que, devenus fils dans le Fils, nous clamions dans
l’Esprit: Abba, Père!” (22)
La communauté
humaine
Le dialogue entre
les hommes n’est possible que dans le respect réciproque de leur pleine
dignité spirituelle. (23) Dieu a voulu que les hommes constituent une
unique famille et se traitent comme des frères. Créés à l’image de Dieu,
ils sont tous appelés à une même fin, Dieu Lui-même. “À cause de
cela, l’amour de Dieu et du prochain est le premier et le plus grand
commandement... La charité est la loi dans sa plénitude.” Jésus a
prié: “Que tous soient un, Père, comme Toi et moi nous sommes un.”
(24)
De par son
caractère social, il y a une étroite corrélation entre l’essor de la
personne et le développement de la société. Parmi les liens sociaux
essentiels on doit citer: la famille et la communauté politique. Il
existe également d’autres liens sociaux, comme les associations ou
toutes sortes d’institutions de droit public ou privé. L’homme reçoit
beaucoup de la vie sociale, mais, de nos jours, en raison du contexte
ambiant, de l’orgueil et de l’égoïsme qui pervertissent le climat
social, beaucoup d’hommes sont détournés du bien et portés au mal.(25)
“Il faut donc rendre accessible à l’homme tout ce dont il a besoin
pour mener une vie vraiment humaine, par exemple: nourriture, vêtement,
habitat, droit de choisir librement son état de vie et de fonder une
famille, droit à l’éducation, au travail, à la réputation, au respect...
à la sauvegarde de sa vie privée et à une juste liberté, y compris en
matière religieuse. Aussi l’ordre social et son progrès doivent-ils
toujours tourner au bien des personnes.” (26)
Le Concile insiste
beaucoup sur le respect dû à l’homme, et sur le devoir de considérer son
prochain comme un autre soi-même. Et d’abord, “de nous faire le
prochain de n’importe quel homme...
De plus, tout ce
qui s’oppose à la vie elle-même, comme toute espèce d’homicide, le
génocide, l’avortement, l’euthanasie et même le suicide délibéré; tout
ce qui constitue une violation de l’intégrité de la personne humaine,
comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes
psychologiques, tout ce qui est offense à la dignité de l’homme, comme
les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires,
les déportations, l’esclavage, la prostitution, le commerce des femmes
et des jeunes... toutes ces pratiques et d’autres analogues sont en
vérité infâmes. Tandis qu’elles corrompent la civilisation, elles
déshonorent ceux qui s’y livrent plus encore que ceux qui les subissent
et insultent gravement à l’honneur du Créateur.”
(27)
L’enseignement de
Jésus va jusqu’à aimer ses ennemis et à pardonner les offenses. “On
doit distinguer entre l’erreur, toujours à rejeter, et celui qui se
trompe, qui garde toujours sa dignité de personne... Dieu seul juge et
scrute les cœurs.” Jésus insiste: “Moi, je vous dis: aimez vos
ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent et priez pour ceux qui
vous persécutent.” (28)
“Tous les hommes
ne sont pas égaux quant à leur capacité physique, qui est variée, ni
quant à leurs forces intellectuelles et morales qui sont diverses, mais,
toute forme de discrimination touchant les droits fondamentaux de la
personne, qu’elle soit sociale ou culturelle... doit être dépassée et
éliminée, comme contraire au dessein de Dieu. En vérité, il est
affligeant de constater que ces droits fondamentaux de la personne ne
sont pas encore partout garantis. Il en est ainsi lorsque la femme est
frustrée de la faculté de choisir librement son époux ou d’élire son
état de vie, ou d’accéder à une éducation et une culture semblables à
celles que l’on reconnaît à l’homme... Que les institutions, privées ou
publiques s’efforcent de se mettre au service de la dignité et de la
destinée humaines. Qu’elles luttent activement contre toute forme
d’esclavage, social ou politique...”
(29)
Le décret
Gaudium et Spes déplore que beaucoup de gens qui ”professent des
idées larges et généreuses, continuent à vivre comme s’ils n’avaient pas
de solidarité sociale. Bien plus, dans certains pays, beaucoup font peu
de cas des lois et des prescriptions sociales...” Et le Concile
d’inciter tous les hommes à considérer les solidarités sociales comme
les principaux devoirs de l’homme d’aujourd’hui. (30)”Car souvent la
liberté humaine s’étiole lorsque l’homme tombe dans un état d’extrême
indigence, comme elle se dégrade lorsque, se laissant aller à une vie de
trop grande facilité il s’enferme sur lui-même...” (31)
Rien ne se fera
dans les groupes humains si un large développement culturel n’est pas
assuré. D’où l’importance de l’éducation des jeunes.
Et,”pour que
tous les citoyens soient poussés à participer à la vie des différents
groupes qui constituent le corps social, il faut qu’ils trouvent en
ceux-ci des valeurs qui les attirent et qui les disposent à se mettre au
service de leurs semblables.” (31)
Dieu veut sauver
tous les hommes, mais pas isolément. Il a voulu faire un peuple qui Le
servirait dans la sainteté.”Le Verbe incarné a sanctifié les liens
humains, notamment ceux de la famille, source de la vie sociale. Il
s’est volontairement soumis aux lois de sa patrie. Il a voulu mener la
vie même d’un artisan de son temps et de sa région... et Il a clairement
affirmé que des fils de Dieu ont l’obligation de se comporter entre eux
comme des frères.” (32)
L’activité humaine
dans l’univers
Par la science et
la technique l’homme a étendu sa maîtrise sur presque toute la nature.
Les richesses se multiplient, la famille humaine se constitue comme une
communauté au sein de l’univers, mais “quel usage faire de ces
richesses?” (33)Seule l’Église peut répondre... Ce gigantesque
effort des hommes correspond au dessein de Dieu,” mais, même si tout
l’univers est soumis à l’homme créé à l’image de Dieu, c’est le nom de
Dieu, Créateur, qui doit être glorifié par toute la terre. Le travail de
l’homme “est un prolongement de l’œuvre du Créateur et un service à
ses frères.” Les victoires du genre humain sont un signe de la
grandeur divine et une conséquence de son dessein ineffable. Le message
chrétien, bien loin de détourner l’homme de la construction du monde
l’incite au contraire à étendre son pouvoir sur l’univers et à
s’intéresser à tous ses semblables.(34)
Pourtant “l’homme
vaut plus par ce qu’il est que par ce qu’il a. De même, tout ce que font
les hommes pour faire régner plus de justice, une fraternité plus
étendue, un ordre plus humain dans les rapports sociaux, dépasse en
valeur les progrès techniques.” Mais pour être vraiment un bien,
l’activité humaine doit contribuer à l’épanouissement de l’individu
selon la plénitude de sa vocation, conformément au dessein de Dieu.(35)
Or, curieusement “beaucoup de nos contemporains semblent redouter un
lien trop étroit entre l’activité concrète et la religion: ils y voient
un danger pour leur autonomie.”
S’agissant des
réalités terrestres, cette autonomie est légitime et l’on constate que
la recherche dans tous les domaines du savoir n’est jamais opposée à la
foi. Mais “la créature sans son Créateur s’évanouit... et l’oubli de
Dieu rend opaque la créature elle-même.” (36) De plus il ne faut jamais
oublier la présence du mal qui a détérioré l’activité humaine.
L’activité
humaine est détériorée par le péché
Le bien et le mal
s’entremêlent de telle sorte que la hiérarchie des valeurs est troublée
et que les individus et les groupes, ne regardant plus que leurs seuls
intérêts propres, l’homme menace de détruire le genre humain lui-même.
L’homme doit sans cesse combattre les puissances des ténèbres et
s’attacher au bien. “Toutes les activités humaines, quotidiennement
déviées par l’orgueil de l’homme et l’amour désordonné de soi, ont
besoin d’être purifiées et amenées à leur perfection par la Croix et la
résurrection du Christ.” Alors l’homme peut remercier son divin
Bienfaiteur, user des choses et en jouir dans un esprit de pauvreté et
de liberté: “Tout est à vous, mais vous êtes au Christ et le Christ
est à Dieu.” (37)
L’activité humaine
s’achève dans le mystère pascal dont le décret rappelle les principaux
points du dogme:
― Le
Verbe de Dieu s’est fait chair, Il est mort et ressuscité.
― Il
nous révèle que Dieu est Amour.
― Le
Christ agit dans le cœur des hommes par la puissance de son Esprit aux
multiples dons.
― Le
Christ nous a laissé l’Eucharistie, sacrement de la foi et repas de la
communion fraternelle, anticipation du banquet céleste.
― Le
Christ a vaincu la mort et les fils de Dieu ressusciteront en Lui.
“Les valeurs de
dignité, de communion fraternelle et de liberté que nous aurons
propagées... nous les retrouverons plus tard, quand nous serons purifiés
de toute souillure, illuminés, transfigurés, lorsque le Christ remettra
à son Père un Royaume éternel et universel.” (38 et 39)
Le
rôle de l’Église dans le monde de ce temps
L’Église est dans
le monde. Elle n’est pas du monde, mais, ferment et âme de la société
humaine, elle vit et agit avec lui, et partage le sort de toute
l’humanité. Fondée par le Christ Rédempteur, l’Église, composée de
membres de la cité terrestre qui forment la famille des enfants de Dieu,
“croit pouvoir largement contribuer à humaniser toujours plus la famille
des hommes et son histoire.” (40) “L’Église a reçu la mission de
manifester le mystère de Dieu, de ce Dieu qui est la fin ultime de
l’homme, et révèle en même temps à l’homme le sens de sa propre
existence, c’est-à-dire sa vérité essentielle. L’Église sait
parfaitement que Dieu, dont elle est la servante, répond aux plus
profonds des désirs du cœur humain que jamais ne rassasient les
nourritures terrestres.”
Les hommes ne
pourront jamais être indifférents aux problèmes religieux, car Dieu, qui
a créé l’homme à son image, peut seul répondre à ses questions par
l’incarnation du Fils, par l’Évangile qui proclame la liberté des
enfants de Dieu et rejette tout esclavage dû au péché, par le respect de
la dignité humaine. “L’ordre divin, loin de supprimer la juste
autonomie des créatures, et en particulier de l’homme, la rétablit et la
confirme au contraire dans sa dignité.” (41)
“La mission propre
que le Christ a confiée à son Église n’est d’ordre ni politique, ni
économique ou social: le but qu’il lui a assigné est d’ordre religieux.
Mais, de cette mission religieuse découlent une fonction, des lumières
et des forces qui peuvent servir à constituer et à affermir la
communauté des hommes selon la loi divine... L’énergie que l’Église est
capable d’insuffler à la société moderne se trouve dans cette foi et
dans cette charité effectivement vécues.”
Par ailleurs, il
convient de noter que l’Église n’est liée à aucune forme particulière de
culture, ni à aucun système économique ou social, mais que, au
contraire, elle peut être un lien étroit entre les diverses communautés
humaines. Ce qu’elle désire par-dessus tout, c’est de pouvoir se
développer librement.(42)
Forte de ses
convictions ci-dessus exposées, l’Église exhorte les chrétiens à remplir
avec zèle et fidélité leurs tâches terrestres, conduits par l’esprit de
l’Évangile et conformément à cet esprit évangélique: “Ce divorce
entre la foi et le comportement quotidien d’un grand nombre est à
compter parmi les plus graves erreurs de notre temps... En manquant à
ses obligations terrestres, le chrétien manque à ses obligations envers
le prochain, bien plus envers Dieu lui-même, et il met en danger son
salut éternel.” Les laïcs, appelés à être les témoins du Christ au
cœur de la communauté humaine, doivent prendre leurs responsabilités au
service de leurs frères, de l’Église et de Dieu, soutenus par les
évêques et les prêtres qui, prêchant le message du Christ, les guideront
dans la lumière de l’Évangile.
Malheureusement
l’Église “sait fort bien que, au cours de sa longue histoire, parmi
ses membres, clercs et laïcs, il n’en manque pas qui se sont montrés
infidèles à l’Esprit de Dieu.” Nous devons être conscients de ces
défaillances et les combattre avec vigueur, afin qu’elles ne nuisent pas
à la diffusion de l’Évangile.(43)
L’Église, de son
côté, reçoit beaucoup du monde des hommes et de son hitoire.
“L’expérience des siècles passés, le progrès des sciences, les richesses
des diverses cultures sont également utiles à l’Église.” L’Église a
appris à exprimer le message du Christ en se servant des langues des
divers peuples, ainsi que de la sagesse acquise par de nombreuses
civilisations. L’Église s’enrichit sans cesse et “un échange vivant
entre l’Église et les diverses cultures peut ainsi être promu... Bien
plus, l’Église reconnaît que, de l’opposition même de ses adversaires et
de ses persécuteurs, elle a tiré de grands avantages et qu’elle peut
continuer à le faire.” (44)
Le Christ est
l’alpha et l’oméga. L’Église tend vers un but unique: la venue du Règne
de Dieu et le salut du genre humain: “l’Église est le sacrement
universel du salut... Le Seigneur est le terme de l’histoire humaine;
c’est Lui que le Père a ressuscité d’entre les morts et fait siéger à sa
droite.” Vers Lui nous marchons pour réaliser pleinement son dessein
d’amour.
Quelques questions
urgentes
Après avoir montré
quelle est la dignité humaine et le rôle des hommes dans l’univers, le
décret Gaudium et Spès évoque quelques problèmes contemporains urgents
tels que le mariage et la famille, la culture, la vie économico-sociale,
la vie politique et la solidarité.(46)
Le
mariage et l’amour conjugal
Le mariage,“commnauté
profonde de vie et d’amour que forme le couple a été fondé et doté de
ses lois propres par le Créateur.” Ce lien sacré, ordonné à la
procréation et à l’éducation des enfants, exige l’entière fidélité des
époux et échappe à la fantaisie de l’homme. Malheureusement, de nos
jours, “la dignité de cette institution... est ternie par la
polygamie, l’épidémie du divorce, l’amour soi-disant libre, ou d’autres
déformations. De plus, l’amour conjugal est souvent profané par
l’égoïsme, l’hédonisme et par des pratiques illicites entravant la
génération, ou encore d’autres graves perturbations.” Le mariage est
l’image de l’union du Christ avec l’Église. Les époux chrétiens sont
fortifiés et comme consacrés par le sacrement de mariage qui leur
permettra de parvenir à leur perfection personnelle et à la sainteté.
“Les enfants concourent à leur manière, à la sanctification des
parents.” (47 et 48)
Conscient des
difficultés du mariage, le Concile cite la Parole de Dieu “invitant
les fiancés à entretenir et soutenir leurs fiançailles par une affection
chaste, et les époux leur union par un amour sans faille... Associant
l’humain et le divin, un tel amour conduit les époux à un don libre et
mutuel d’eux-mêmes qui se manifeste par des sentiments et des gestes de
tendresse et il imprègne toute leur vie... Cet amour ratifié par un
engagement mutuel et consacré au Christ,... exclut donc tout adultère et
tout divorce.” Le Concile reconnaît également l’égale dignité
personnelle de l’homme et de la femme. “Il faut instruire à temps les
jeunes, et de manière appropriée, de préférence au sein de la famille,
sur la dignité de l’amour conjugal, sa fonction son exercice: ainsi
formés à la chasteté, ils pourront, le moment venu, s’engager dans le
mariage après des fiançailles vécues dans la dignité.” (49)
“Les enfants sont
le don le plus excellent du mariage et ils contribuent grandement au
bien des parents eux-mêmes. Dieu Lui-même qui a dit: “il n’est pas bon
que l’homme soit seul”, et qui, dès l’origine, a fait l’être humain
homme et femme, a voulu lui donner une participation spéciale dans son
œuvre créatrice: soyez féconds et multipliez-vous.” Ainsi, lorsqu’ils
transmettent la vie, les époux savent qu’ils sont les coopérateurs de
l’amour de Dieu Créateur. “Dans leur manière d’agir, que les époux
sachent bien qu’ils ne peuvent pas se conduire à leur guise, mais qu’ils
ont l’obligation de toujours suivre leur conscience, une conscience qui
doit se conformer à la loi divine.”
Si, malgré leurs
désirs, des époux n’ont pas d’enfant, leur mariage reste cependant une
communauté de vie et garde son indissolubilité. (50)
Les conditions de
vie actuelles ne favorisent pas toujours l’équilibre nécesaire
indispensable à la vie familiale pour que la fidélité soit sauvegardée,
et malheureusement “là où l’intimité conjugale est interrompue, la
fidélité peut courir des risques et le bien des enfants être
compromis...”
Dieu est le Maître
de la vie. Il a confié aux hommes le ministère de la vie. “La vie
doit donc être sauvegardée avec un soin extrême dès la conception:
l’avortement et l’infanticide sont des crimes abominables... En ce qui
concerne la régulation des naissances, il n’est pas permis aux enfants
de l’Église, fidèles à ces principes, d’emprunter des voies que le
Magistère, dans l’explicitation de la loi divine, désapprouve.” (51)
La famille est une
école d’enrichissement humain; elle exige une communion des âmes
empreinte d’affection et une attentive coopération des parents dans
l’éducation des enfants. La présence agissante du père est indispensable
tout autant que la légitime promotion sociale de la femme. La famille
est le fondement de la société: aussi le mariage doit-il être promu et
protégé. Il est du devoir du pouvoir civil de reconnaître leur nature,
de défendre la morale publique et de favoriser la prospérité des foyers.
Les prêtres ont le devoir de soutenir la vocation des époux dans leur
vie conjugale et familiale. (52)
Autres points
importants
La
culture
Le mot culture
désigne tout ce par quoi l’homme affine et développe les multiples
capacités de son esprit et de son corps et s’efforce de soumettre
l’univers par la connaissance et le travail... La culture comporte
nécessairement un aspect historique et social,... sociologique et même
ethnologique... À partir des usages hérités, se forme un patrimoine
propre à chaque communauté humaine. (53)
L’homme moderne
vit aujourd’hui un nouvel âge de l’histoire humaine: développement des
techniques, essor des moyens de communication, développement des
sciences exactes, de la psychologie et des disciplines historiques,
industrialisation, urbanisation, accroissement des échanges, etc...(54)
Nous sommes les témoins de la naissance d’un nouvel humanisme.(55) Que
faire pour que les échanges culturels n’aboutissent pas à la disparition
de la sagesse ancestrale et au génie propre de chaque peuple?
”Comment favoriser le dynamisme et l’expansion d’une culture nouvelle
sans que disparaisse la fidélité vivante à l’héritage des traditions?”
Et comment faire la synthèse de toutes les valeurs humaines en cours
d’émiettement? (56)
Voici
quelques principes dont il faut tenir compte:
Tout d’abord, le
décret reprenant à son compte l’enseignement de Vatican I, déclare
“qu’il existe deux ordres de savoir distincts, celui de la foi et celui
de la raison.” Ces deux savoirs ne sont pas contradictoires.(59)
“Les chrétiens, en
marche vers la cité, doivent rechercher et goûter les choses d’en haut,
mais cela, pourtant, loin de la diminuer, accroît plutôt la gravité de
l’obligation qui est la leur de travailler avec tous les hommes à la
construction d’un monde plus humain.”
Le mystère de la
foi chrétienne leur en fournit les stimulants et des soutiens
inappréciables. En cultivant la terre, en prenant part à la vie sociale,
en s’appliquant à la philosophie, à l’histoire, aux sciences, en
développant les arts, “l’homme reçoit des clartés nouvelles de cette
admirable Sagesse qui depuis toujours était auprès de Dieu... trouvant
ses délices parmi les hommes. L’esprit humain, moins esclave des choses,
peut plus facilement s’élever à l’adoration et à la contemplation du
Créateur.”
Il existe un
risque réel: que l’homme en vienne à penser qu’il se suffit à lui-même.
Mais cette tentation ne découle pas forcément de la culture moderne qui
a des valeurs positives: par exemple le souci de la vérité dans les
recherches scientifiques, le travail en équipe, le sens de la
solidarité, etc,... Toutes ces valeurs pourront être comme une
préparation à l’accueil du message évangélique, et ouvrir à la charité
divine.(57) C’est ce que l’histoire de l’Église met en évidence, elle
qui a su utiliser les ressources des diverses cultures “pour exposer
sa prédication et répandre le message évangélique à toutes les
nations... La Bonne Nouvelle du Christ rénove constamment la vie et la
culture de l’homme... Elle ne cesse de purifier et d’élever la moralité
des peuples.” (58) Car la culture doit toujours être subordonnée au
développement de la personne et du genre humain.(59)
Les
devoirs des chrétiens par rapport à la culture
Tous les hommes
ont droit à la culture, mais il existe ici un devoir important pour les
chrétiens: “travailler à ce que, tant en matière économique qu’en
matière politique, tant au plan national qu’au plan international”,
le respect de la dignité humaine soit toujours sauvegardé. En
conséquence il convient de lutter contre l’analphabétisme et agir pour
donner, à ceux qui en sont capables, les moyens de poursuivre des études
supérieures.(60)
“La famille est au
premier chef comme la mère nourricière de l’éducation: en effet, les
enfants enveloppés d’amour, découvrent plus aisément la hiérarchie des
valeurs, tandis que des éléments d’une culture éprouvée s’impriment
d’une manière presque inconsciente dans l’esprit des adolescents au fur
et à mesure qu’ils grandissent.” (61)
L’harmonie entre
le christianisme et certaines cultures n’est pas toujours facile à
réaliser et il est souvent nécessaire de déterminer les moyens adéquats
pour communiquer aux hommes la vraie doctrine du Christ et permettre son
application dans la vie quotidienne.“Que les croyants vivent donc en
très étroite union avec les autres hommes de leur temps et qu’ils
s’efforcent de comprendre à fond leurs façons de penser et de sentir,
telles qu’elles s’expriment par la culture.” (62)
La
vie économique et sociale
Le décret Gaudium
et Spes revient encore une fois sur la nécessité du respect de la
dignité humaine, même dans la vie économico-sociale qui se caractérise
trop souvent, dans notre monde moderne, par une emprise croissante de
l’homme sur la nature pour mieux satisfaire les besoins accrus de la
famille humaine, les interdépendances, l’intensification des relations,
et les interventions de plus en plus fréquentes des pouvoirs publics:
“Dans la vie économico-sociale, il faut honorer et promouvoir la dignité
de la personne humaine, sa vocation intégrale et le bien de toute la
société.”
Malheureusement,
dans ce contexte, les sujets d’inquiétude sont nombreux. On assiste de
plus en plus “à une régression de la condition des faibles et au
mépris des pauvres.” Le luxe côtoie la misère et les déséquilibres
graves se produisent, d’une part entre les secteurs agricoles,
industriels et les services, et d’autre part entre les nations ou les
régions plus développées et les autres nations. La paix du monde est en
danger. De nombreuses réformes sont nécessaires dans la vie
économico-sociale, et l’Église, à la lumière de l’Évangile estime qu’une
conversion des mentalités et des attitudes est nécessaire et urgente.
C’est ce que le Concile veut confirmer.(63)
Certes, il faut
encourager le progrès technique, l’esprit d’entreprise et
l’accroissement de la production au profit de tous, “mais le but
fondamental d’une telle production n’est pas la seule multiplication des
biens produits ni le profit ou la puissance, c’est le service de l’homme
tout entier... besoins matériels et exigences de la vie intellectuelle
et morale... C’est pourquoi l’activité économique, conduite selon ses
méthodes et ses lois propres, doit s’exercer dans les limites de l’ordre
moral, afin de répondre au dessein de Dieu sur l’homme.” (64)
Il convient que le
plus grand nombre possible d’hommes puisse prendre une part active au
développement économique qui, cependant, “ne peut être laissé, ni au
seul jeu quasi automatique de l’activité économique des individus, ni à
la seule puissance publique...“ C’est le devoir de tous de
contribuer au progrès de la communauté à laquelle ils appartiennent et,
dans les pays en voie de développement, “l’emploi de toutes les
disponibilités s’impose avec un caractère d’urgence, et ceux qui gardent
leurs ressources inemployées mettent gravement en péril le bien commun.”
(65) Il faut faire disparaître les “énormes inégalités
économiques qui s’accompagnent de discriminations individuelle et
sociale.” Il convient aussi que les agriculteurs, les jeunes
surtout, s’appliquent à développer leurs compétences professionnelles.
Il faut, dans la mesure du possible, là où la mobilité est nécessaire,
aménager, pour les familles, des conditions de vie relativement stables.
Pour cela il faut créer des emplois dans leurs régions d’origine et se
préoccuper “d’assurer à chacun un emploi suffisant et adapté, et la
possibilité d’une formation technique et professionnelle adéquate.” (66)
Quelques principes
directeurs à propos de la vie économique
Le
droit au travail
― Le
travail des hommes passe avant les autres préoccupations de la vie
économique, car c’est par son travail que l’homme assure sa subsistance
et celle de sa famille.
― Par
son travail l’homme est associé à l’œuvre rédemptrice de Jésus-Christ
“De là découlent, pour tout homme, le devoir de travailler loyalement et
le droit au travail.”
― Compte
tenu des fonctions, de la productivité de chacun, de la situation de
l’entreprise et du bien commun, “la rémunération du travail doit
assurer à l’homme des ressources qui lui permettent, à lui et à sa
famille, une vie digne sur le plan matériel, social, culturel et
spirituel. “
― ”Il
importe donc d’adapter tout le processus du travail productif aux
besoins de la personne et aux modalités de son existence... en tenant
toujours compte du sexe et de l’âge,”
et en assurant les
temps de repos et de loisir suffisants qui permettent d’avoir une vie
familiale culturelle, sociale et religieuse.(67)
En
ce qui concerne l’organisation économique:
― ”Il
faut promouvoir la participation active de tous à la gestion des
entreprises.”
― Il
faut assurer aux travailleurs le droit de fonder librement des
associations capables de les représenter, de participer à l’organisation
de la vie économique, et de les défendre si besoin est. Le Concile
préconise le dialogue en cas de conflit, mais comprend que la grève soit
un moyen nécessaire mais ultime, dans les cas graves.(68)
Dieu a confié la
terre aux hommes pour leur usage.“On doit toujours tenir compte de
cette destination universelle des biens. C’est pourquoi l’homme, dans
l’usage qu’il en fait, ne doit jamais tenir les choses qu’il possède
légitimement comme n’appartenant qu’à lui, mais les regarder aussi comme
communes.” Le Concile insiste pour que la faim disparaisse dans le
monde: “Donne à manger à celui qui a faim, car, si tu ne lui as pas
donné à manger, tu l’as tué.” De même “il importe de poursuivre
le développement des services familiaux et sociaux, principalement de
ceux qui contribuent à la culture et à l’éducation.” (69)
“Les
investissements doivent tendre à assurer des emplois et des revenus
suffisants tant à la population active d’aujourd’hui qu’à celle de
demain.”
C’est le but à
atteindre: faire face aux besoins des individus d’aujourd’hui, prévoir
l’avenir pour la génération qui vient. (70) La propriété privée donne à
chaque personne l’occasion d’exercer ses responsabilités.“Il est donc
très important de favoriser l’accession des individus et des groupes à
un certain pouvoir sur les biens extérieurs... ” car la propriété
privée assure à chaque homme une “zone indispensable d’autonomie
personnelle et familiale. ” C’est un prolongement de la liberté
humaine, et une source de sécurité non négligeable.(71)
La propriété
privée a aussi un caractère social... Là où ce caractère social n’est
pas respecté, la propriété peut devenir une occasion fréquente de
convoitises et de graves désordres.” Dans beaucoup de secteurs
économiques, et dans ce domaine particulier, des réformes s’imposent.”
La
communauté politique
La communauté
politique a subi de profondes transformations, notamment en ce qui
concerne les droits et les devoirs de chacun. On désire que les droits
des personnes soient mieux protégés; que la participation à
l’organisation politique soit réelle; que grandisse le respect envers
ceux qui professent des opinions ou des religions différentes. “Pour
instaurer une vie politique vraiment humaine, rien n’est plus important
que de développer le sens intérieur de la justice, de la bonté, du
dévouement au bien commun.” La communauté politique existe pour le
bien commun qui “comprend l’ensemble des conditions de vie sociale
permettant aux hommes, aux familles et aux groupements de s’accomplir
plus complètement et plus facilement.”
La communauté
politique et l’autorité publique trouvent leur fondement dans la nature
humaine et relèvent d’un ordre fixé par Dieu. “L’autorité politique
doit toujours se déployer dans les limites de l’ordre moral, en vue du
bien commun.” (73 et 74)
Tous les hommes ne
peuvent pas œuvrer dans les organisations politiques, mais le Concile
insiste: “Que tous les citoyens se souviennent du droit et du devoir
qu’ils ont d’user de leur libre suffrage, en vue du bien commun... Que
les droits de toutes les personnes, des familles et des groupes ainsi
que leur exercice soient reconnus, respectés et valorisés, non moins que
les devoirs civiques auxquels sont astreints tous les citoyens... Il est
inhumain qu’un gouvernement en vienne à des formes totalitaires ou à des
formes dictatoriales qui lèsent gravement le droit des personnes ou des
groupes sociaux.” Cependant les chrétiens doivent donner l’exemple
et montrer par les faits comment on peut harmoniser l’autorité avec la
liberté, l’initiative personnelle et les besoins des autres, les
avantages de l’unité avec les diversités fécondes.(75)
L’Église ne se
confond pas avec la communauté politique; bien plus, elle n’est liée à
aucun système politique. Communauté politique et Église sont
indépendantes l’une de l’autre quoique toutes deux au service des
hommes. Car, même “vivant dans l’histoire humaine, l’homme conserve
intégralement sa vocation éternelle.” (76)
La
sauvegarde de la paix
Sur le point
d’achever l’inventaire de tout ce qui concerne la vie de l’Église dans
le monde, le Concile se penche sur le très grave problème du maintien de
la paix, “en ces années où les douleurs et les angoisses de guerres
tantôt dévastatrices, tantôt menaçantes, pèsent si lourdement sur
nous... C’est pourquoi le Concile se propose de lancer un appel ardent
aux chrétiens pour que, avec l’aide du Christ, auteur de la paix, ils
travaillent avec tous les hommes à consolider cette paix entre eux, dans
la justice et l’amour, et à en préparer les moyens.” (77)
La paix n’est pas
l’absence de guerre; elle est le fruit d‘un ordre inscrit dans la
société humaine par son divin fondateur. “La paix terrestre, qui naît
de l’amour du prochain est elle-même image et effet de la paix du Christ
qui vient de Dieu le Père. Car le Fils incarné en personne, Prince de la
paix, a réconcilié tous les hommes avec Dieu par sa croix, rétablissant
l’unité de tous en un seul peuple et un seul corps.” (78)
Éviter
la guerre
Malgré ses
horreurs, la guerre continue à poursuivre ses ravages, et des guerres
larvées existent et traînent en longueur. “Dans bien des cas, le
recours aux procédés du terrorisme est regardé comme une nouvelle forme
de guerre.” Le Concile rappelle la valeur permanente du droit des
gens et de ses principes universels. Il s’insurge contre les génocides
qui doivent être condamnés “comme des crimes affreux et avec la
dernière énergie.”
Aujourd’hui, le
risque de guerre n’a pas disparu; aussi faut-il tenir compte des
conventions internationales qui existent, concernant le sort des soldats
blessés et des prisonniers. Ces accords doivent toujours être observés.
(79)
En raison des
progrès scientifiques mis en œuvre, la guerre totale, qui peut pousser
la volonté humaine aux plus atroces décisions, n’est pas à exclure. Le
Concile déclare: “Tout acte de guerre qui tend indistinctement à la
destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs
habitants, est un crime contre Dieu et contre l’homme lui-même, et doit
être condamné fermement et sans hésitation.” (80)
La course aux
armements, curieusement, sert à détourner des adversaires éventuels.
Cependant la course aux armements n’assure pas vraiment la paix
véritable: on dépense des sommes fabuleuses, et on ne peut soulager les
misères... Il faut définir des voies nouvelles. (81) Nous devons tendre
vers un temps où toute guerre sera rigoureusement interdite, mais cela
nécessite l’institution d’une autorité publique universelle. En
attendant il faut soutenir la bonne volonté de ceux qui s’efforcent
d’éliminer la guerre.“Il faut instamment prier Dieu de leur donner
l’énergie d’entreprendre avec persévérance et de poursuivre avec force
cette œuvre d’immense amour des hommes... mais cela suppose qu’ils
renoncent à l’égoïsme national et au désir de dominer les autres
nations.”
Malheureusement
les chefs d’état sont, en grande partie, dépendants des opinions et des
sentiments de la multitude. Ce sont donc les mentalités qu’il faudrait
changer. “Ne nous leurrons pas de fausses espérances... L’humanité
déjà en grand péril, risque d’en venir, malgré la possession d’une
science admirable, à cette heure funeste où elle ne pourra plus
connaître d’autre paix que la paix redoutable de la mort.” (82)
La
communauté internationale
“Pour bâtir la
paix, la toute première condition est l’élimination des causes de
discordes entre les hommes... qui proviennent souvent des excessives
inégalités d’ordre économique.”
Il ne faut pas négliger non plus l’esprit de domination et toutes les
passions égoïstes. Ces maux se retrouvent au niveau des nations
elles-mêmes. Pour vaincre ces tendances mauvaises, il est indispensable
que les institutions internationales développent et affermissent leur
coopération et leur coordination... (83) par exemple “en aidant la
croissance générale des nations en voie de développement, en subvenant
aux misères des réfugiés dans le monde entier, ou en fournissant
assistance aux émigrants et à leurs familles.” Les institutions
internationales déjà existantes doivent poursuivre activement les
efforts déjà entrepris.(84)
Quelques
pistes de coopération économique dans le domaine
international:
― développer”l’éducation
et la formation professionnelle pour préparer les citoyens de chaque
nation à faire face aux diverses tâches de la vie économique et
sociale.” Pour cela, il convient “d’inciter des experts étrangers à
venir apporter leurs compétences au service de cette mission.”
― il
faudrait aussi en finir “avec l’appétit de bénéfices excessifs,” et
― faire
cesser “les stratégies militaristes ainsi que les manœuvres dont le but
est de propager ou d’imposer une idéologie.” (85)
Quelques
règles pour les nations:
― Les
nations en voie de développement “se souviendront que le progrès
prend sa source et son dynamisme avant tout dans le travail et le
savoir-faire des pays eux-mêmes.”
― Les
nations développées ont “le devoir très pressant d’aider les nations
en voie de développement... et, dans les négociations avec les nations
plus faibles et plus pauvres, à tenir compte du bien de ces dernières.”
― La
communauté internationale a un rôle important: “coordonner et
stimuler le développement en veillant à distribuer les ressources
prévues avec le maximum d’efficacité.”
― La
fondation d’institutions capables de promouvoir et de réglementer le
commerce international avec les nations moins développées.
― Passer
des méthodes archaïques à des méthodes plus productives, en matière
d’exploitation agricole.
En ce qui concerne
l’explosion démographique dans certains pays, “le Concile exhorte
tous les hommes à se garder des solutions préconisées en public ou en
privé, et parfois imposées, qui sont en contradiction avec la loi
morale.” (86 et 87)
Rôle des chrétiens
“La plus grande
partie du globe souffre encore d’une telle misère que le Christ
Lui-même, dans la personne des pauvres, réclame comme à haute voix la
charité de ses disciples.”
Les chrétiens doivent éviter ce scandale, et, à l’exemple des évêques,
soulager dans la mesure de leurs moyens, ”les misères de ce temps, en
prenant non seulement sur ce qui est superflu, mais aussi sur ce qui est
nécessaire... Partout où la chose semble opportune, on conjuguera
l’action des catholiques avec celle des autres frères chrétiens.”
(88) Par ailleurs, “pour encourager et stimuler la coopération entre
tous, il est tout-à-fait nécessaire que l’Église soit présente dans la
communauté des nations, tant par ses organes officiels que par la
collaboration des chrétiens.” À cet égard, il convient d’être
attentif à la formation des jeunes.(89)
“Le Concile, pour
sa part, estime très souhaitable la création d’un organisme de l’Église
universelle, chargé d’inciter la communauté catholique à promouvoir
l’essor des régions pauvres et la justice sociale entre les nations.”
(90)
En conclusion
L’enseignement de
Gaudium et Spes est l’enseignement permanent de l’Église depuis son
origine.
Un dialogue doit
être établi entre tous les hommes et d’abord au sein même de l’Église:
“Ce qui unit les fidèles est plus fort que ce qui les divise.”
L’unité de tous
les chrétiens est désirée et attendue. Il faut poursuivre activement les
efforts entrepris.
Un dialogue est
aussi nécessaire avec tous ceux qui croient en l’existence de Dieu:
“Dieu est le Père, le Principe et la fin de tous les hommes: nous sommes
tous appelés à être des frères.”
Enfin, pour
réaliser le dessein de Dieu, les chrétiens doivent savoir qu’ils sont
tous appelés à rendre service aux hommes de leur temps. (91 à 93)
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