De très nombreux auteurs ont, au
cours des siècles, mais surtout à partir de XIIIe
siècle, parlé de Saint Joseph,
pour célébrer sa grandeur, ses vertus et sa sainteté. Nous avons relevé plus
loin, dans un chapitre consacré aux Pères de l’Église, ce que l’on connaissait
de Saint Joseph dans les premiers siècles de l’Église. C’est peu, et nous savons
pourquoi: il fallait d’abord insister sur la divinité de Jésus et éviter toutes
les confusions, qui auraient pu être fatales, si l’Église, placée dans un monde
païen, s’était trop attardée sur Marie et sur sa Famille, donc sur Joseph. A
partir du moment où la doctrine, sur Jésus-Christ et le Verbe de Dieu, était
bien fixée, et où le besoin s’en faisait sentir, on pouvait enfin contempler
Saint Joseph et sa sainteté.
Saint Joseph est un cas à part
parmi les grands hommes que la terre a portés. De l’un d’eux, Jésus dit un jour,
en parlant de Jean Baptiste: “Parmi les enfants des femmes, il n’y en a pas
eu de plus grands que Jean le Baptiste.” Curieusement Jésus, de son vivant,
n’a jamais fait allusion à son père nourricier. Pourtant Saint Joseph fut
probablement, encore plus grand que Saint Jean Baptiste, mais il ne convenait
pas, alors, de mettre en avant aussi bien Marie que Joseph. De nos jours, ces
raisons n’existent plus, et notre Saint Père le pape Jean Paul II, au contraire,
incite fortement l’Église à se mettre toujours davantage sous la protection de
Saint Joseph.
En effet, Saint Joseph fut grand
tant par ses privilèges que par la sainteté de sa vie. Parmi les privilèges, il
faut d’abord citer l’immense faveur qu’il eut de pouvoir reposer sa tête sur le
Coeur de Jésus. Et cela, non pas une seule fois comme Saint Jean à la Cène, mais
durant des années. Et puis, nous comprendrons peu à peu, en lisant les saints,
que Joseph fut, lui aussi, associé à la Passion de Jésus, mais toujours d’une
manière cachée, celle qui fut la sienne tout au long de sa vie.
Afin de mieux mettre en évidence
l’évolution de la pensée de l’Église contemplant la grandeur, la sainteté et la
gloire de Saint Joseph, et pour bien montrer comment, et pourquoi Saint Joseph
fut tellement aimé par de nombreux saints et fidèles chrétiens, et pour mieux
mettre en évidence comment il fut véritablement leur modèle, nous placerons les
écrits que nous avons retenus, à l’intérieur de rubriques montrant, les unes, la
grandeur de Saint Joseph, les autres ses vertus. Puis nous contemplerons Saint
Joseph Protecteur des mourants. Enfin nous donnerons, au chapitre 7, quelques
exemples de la confiance que de nombreux saints ont accordée à Saint Joseph.
On verra bien ainsi comment a
progressivement évolué, à partir du XIIe siècle, la pensée de l’Église sur la
vie du père adoptif de Jésus, et sur le culte de dulie à lui rendre. Il y aura
inévitablement des redites, chacune des réflexions et contemplations ayant
révélé une vérité, élément de la Vérité. Ces redites, même si elles peuvent
conduire à un certain agacement, ont au moins le mérite de rassurer et de faire
découvrir ce que fut la véritable personnalité de Saint Joseph, et cela tout au
long des huit derniers siècles.
André DOZE
[1] auteur
contemporain, prêtre depuis 1954 et chapelain à Lourdes, résume
brièvement l’évolution du développement de la connaissance de Saint Joseph dans
l’Église, au cours des siècles, jusqu’à nos jours.
La Bible ne parle que très peu de
Saint Joseph, le silencieux. Et n’entrent dans son mystère que ceux qui ont fait
l’expérience de son rôle auprès de Jésus et de Marie, d’abord, dans l’Église
ensuite. Seule “l’union au Christ peut apporter graduellement, modestement,
simplement, des éléments de réponse. C’est en Jésus seulement, guidé par Marie,
que l’on peut tenter de parler de Joseph.” Et surtout de le comprendre.
Comme la révélation du Père à son peuple ne se fit que progressivement, de
la même façon, le dévoilement de Joseph se fera de manière progressive, par
la volonté du Père Éternel de qui tout vient.
Joseph s’efface, mais on sent sa
présence partout dans les Évangiles de l’Enfance. Joseph est le voile qui couvre
la virginité de Marie et la grandeur du Sauveur des âmes. Il protège l’Enfant
contre les puissances de mort, mais “Jésus va augmenter entre ses mains. Il
va croître étonnamment, en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant
les hommes... Et, dès qu’il le faudra, Joseph disparaîtra...
Avant de s’attarder sur sa propre
réflexion, André Doze médite sur la connaissance progressive que l’Église eut de
Saint Joseph. Dès que le mystère de Dieu commence à se clarifier dans l’Église,
les hommes peuvent commencer à s’intéresser à Marie (Concile d’Éphèse en 431),
puis à Joseph. Au Moyen-Âge Saint Bernard entrevoit les raisons pour lesquelles
il voulait renvoyer son épouse enceinte: il n’était pas digne d’elle. Puis
Ubertin de Casale exprime en 1305 ce qui deviendra une intuition fondamentale de
la pensée chrétienne: “Marie est parfaitement sanctifiée par Jésus, et
Joseph, est parfaitement sanctifié par l’intermédiaire de Marie... Saint Joseph
fut donc l’homme le plus pur en virginité, le plus profond en humilité, et le
plus élevé en contemplation.” Pour Ubertin de Casale, Saint Joseph “est
l’aboutissement, l’heureuse conclusion de l’Ancienne Loi.” [2]
Plus tard Bernardin de Sienne, puis
Isidore de Isolani (voir ci-dessous: une étrange prophétie) et Jean Gerson
montreront l’importance du mariage de Marie et de Joseph. Et bientôt nous
assisterons aux relations privilégiées entre Thérèse d’Avila et Saint Joseph à
qui elle confia les Carmels de sa réforme. Saint Alphonse de Liguori médite sur
la croissance de l’amour dans le coeur de Joseph qui, en continuant à vivre
avec Jésus, ne cessait d’admirer toujours plus sa sainteté. Ce qui fait dire à
Ernest Hello: “Il me semble que le nom de Jésus devait avoir pour lui des
secrets étonnants. Il me semble que son humilité devait prendre, quand il
commandait, des proportions gigantesques, incommensurables avec les sentiments
connus. Son humilité devait rejoindre son silence dans son lieu, dans son abîme.
Son silence et son humilité devaient grandir, appuyés l’un sur l’autre?”
[3]
La reconnaissance officielle de
Saint Joseph commencera à se faire avec le pape Pie IX qui l’étendit à toute
l’Église le 10 septembre 1847. Plus tard, il proclama Saint Joseph Patron de
l’Église universelle, le 8 décembre 1870, au cours du Concile Vatican I.
Isidore de ISOLANI, dominicain,
véritable prophète de Saint Joseph, fut probablement, selon le pape Benoît XIV,
et avec Jean Gerson, l’un des écrivains qui auront le plus contribué à faire
connaître Saint Joseph et à étendre son culte.
En 1522, dans un ouvrage dédié au
pape Adrien VI, intitulé “La somme des dons de Saint Joseph,” Isidore
Isolani écrivait prophétiquement :“Une grande joie sera donnée dans l’avenir
à l’Église militante par la connaissance de la sainteté du divin Joseph.
L’Esprit-Saint ne manquera pas, en effet, d’émouvoir le coeur des fidèles,
jusqu’à ce que l’Église universelle honore le divin Joseph d’une nouvelle
vénération, fonde des monastères, bâtisse des églises et érige des autels en son
honneur ...
Avant la fin des temps, tous les
peuples connaîtront et adoreront le nom du Seigneur, et vénéreront aussi les
dons magnifiques que Dieu a accordés à Saint Joseph, et qu’il a laissés si
longtemps comme inconnus. C’est alors que le nom de Joseph recevra les hommages
de toute la terre. On bâtira des temples en son honneur, on célébrera des fêtes,
les peuples lui feront des voeux; car le Seigneur parlera à leur intelligence et
à leur coeur, et de grands hommes scruteront les dons intérieurs de Dieu, cachés
en Saint Joseph, et trouveront un trésor précieux, tel qu’on n’en trouve pas de
pareil parmi les Pères de l’ancienne alliance.
Ces lumières seront données par
les saints anges... Le nom de Saint Joseph sera en tête du calendrier, et sa
fête sera honorée comme une fête principale. Le vicaire de Jésus-Christ
ordonnera, sous l’impulsion de l’Esprit-Saint, que la fête de ce très saint
homme, appelé Père de Jésus-Christ et Époux de Marie, soit célébrée dans toute
l’Église: et ainsi, celui qui dans le ciel a toujours été au-dessus, ne sera pas
au-dessous sur la terre.”
Devant les divers problèmes
qu’avaient posés les deux généalogies de Saint Joseph: celle de Saint Luc et
celle deSsaint Matthieu, Michel Gasnier, dominicain, écrivait en 1958:
“D’après le témoignage de saint Jérôme, Julien l’Apostat tirait argument de
cette divergence pour nier la vérité des récits évangéliques. Et dès cette
époque, on chercha à résoudre la difficulté... Dès le IIIè siècle on invoqua la
double filiation en usage chez les Hébreux: la naturelle, et la légale, selon la
loi dite du lévirat... Cette hypothèse a semblé si sérieuse qu’elle a été
adoptée par la plupart des Pères de l’Église.”
[4]
Donnant quelques conseils d’ordre
moral à propos de la venue de Joseph et de Marie à Bethléem, Ludolphe le
Chartreux écrit:“Le nom de “Joseph” signifie accroissement et figure tous
ceux qui veulent grandir spirituellement. Si donc nous voulons payer au
Souverain Roi le tribut de dévotion, nous devons marcher dans la voie des
vertus, et aller de Galilée, c’est-à-dire des plaisirs mondains, en Judée,
c’est-à-dire à la confession et à la louange de Dieu, car Galilée signifie
émigration, circuit, roue qui tourne, et Judée veut dire confession. Ensuite
nous irons de Nazareth à Bethléem, c’est-à-dire de la vie active où fleurissent
les vertus, jusqu’à la jouissance de la vie contemplative, où les âmes trouvent
leur vrai repos, car Nazareth signifie fleur, et Bethléem maison du pain,
c’est-à-dire maison de la réfection.”
La grandeur de Saint Joseph était
donc déjà cachée dans son nom. Voyons maintenant comment les saints et les
auteurs spirituels ont compris la grandeur de Saint Joseph, et comment ils l’ont
exprimée.
Les principales vertus de Saint
Joseph que nous avons retenues sont :
– Joseph, le juste
– L’humilité de Joseph
homme de silence
– La patience et
l’obéissance de Joseph
– La virginité de Saint
Joseph et son corollaire l’amour de Joseph pour Jésus et pour Marie
– La pauvreté de Saint
Joseph
– Saint Joseph, homme de
prière et de vie intérieure.
[1] André
DOZE Joseph, Ombre du Père - Éditions des Béatitudes.
[3] Ernest
HELLO, Physionomie des saints - Éditions Palmé - 1875 - Cité
par André DOZE.
[4] Michel
GASNIER (auteur du XXè siècle) “Les silences de Saint Joseph”
Éditions Le Laurier.
[5] Cité
par Mgr VILLEPELET dans “Les plus beaux textes sur Saint Joseph”
- Éditions du Vieux Colombier (1959).
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