CHEMIN DE SAINTETÉ

adveniat regnum tuum

CHAPITRE I

PRÉDESTINATION DE MARIE A LA DIGNITÉ AUGUSTE
DE MÈRE DU VERRE INCARNÉ

Dieu le Père engendre son Fils en lui-même. Dans la contemplation de soi-même qui le ravit, il voit naître son Fils, comme un miroir, où il se trouve représenté substantiellement, comme l'enseigne l'Apôtre (Épître aux Hébreux, I, 3). Ce miroir l'absorbe dans l'amour de lui-même; et en cet amour du Père et du Fils est produit le divin Esprit. Renfermé dans ce cercle éternel qui est sa vie et sa béatitude, il est vivant et bienheureux en lui-même, et il eût  pu vivre ainsi éternellement, sans se communiquer au dehors et sans se donner à nous. Mais de toute éternité, ayant eu dessein de nous manifester son amour par l'Incarnation de son divin Fils, il s'est premièrement pourvu d'une aide, la très-sainte Vierge Marie. Sans doute, lui-même eût formé de ses mains l'humanité de son Fils, ce chef-d'œuvre admirable, comme il devait former les anges, s'il eût voulu l'envoyer au monde dans une chair immortelle et glorieuse ; et dans cette génération temporelle, le Fils n'eût pas eu besoin de mère, non plus qu'Adam dans sa création. Mais, prévoyant notre péché [1] et voulant qu'il fût expié par la mort de son propre Fils, il résolut de l'envoyer au monde dans notre chair passible et mortelle, afin que, dans cette même chair, il endurât la mort en faveur des pécheurs. Pour l'engendrer donc de la sorte, Dieu le Père se choisit, avec beaucoup de convenance, la très-sainte Vierge comme aide ou comme épouse. Car Dieu le Père, qui seul peut envoyer la personne de son Fils, veut que dans le mystère de l'Incarnation Marie soit son Épouse, en ce sens que le Père, qui est le principe de la génération de son Verbe selon sa divinité, destine la sainte Vierge à devenir le principe de la génération du même Verbe selon l'humanité [2].

Le mariage est l'expression sainte du Père éternel, qui engendre et porte en soi son Verbe, et fait seul, par sa personne, ce que le mari et la femme expriment au dehors, en produisant ensemble un fils qui est le terme de leur génération. Mais parce que Dieu le Père engendre son Verbe dans une féconde virginité, il veut exprimer dans sa sainte épouse seule, et montrer au dehors cette fécondité vierge et sans corruption. De plus, comme il engendre son Verbe de toute éternité par sa connaissance, par retour, et par vue sur lui-même, il veut que Marie, l'image très-parfaite et très-sainte de sa fécondité vierge, l'engendre aussi avec connaissance; et pour cela même il décrète qu'elle donnera à la génération du Verbe dans la chair son consentement d'une manière expresse et solennelle, ce qui présuppose la connaissance et la raison. Tandis que le reste des mères ne sauront pas ce qui devra naître d'elles, il veut que Marie connaisse auparavant quel sera le fils qu'elle concevra : un ange lui apprendra que ce fils sera le propre Fils du Très-Haut, Dieu et homme tout ensemble, le Rédempteur du monde, et que son règne n'aura point de fin.

En voulant avoir ainsi l'agrément de Marie, Dieu le Père montre, par cette conduite si pleine de révérence envers sa sainte épouse, l'estime qu'il fait d'elle et l'amour qu'il lui porte comme époux. Je ne puis exprimer, et je dois dire que nulle créature ne le pourra jamais, quelle est l'affection et la tendresse de Dieu le Père envers la très-sainte Vierge [3], en cette qualité d'épouse. Il s'applique tout entier à la lui témoigner; et cela est infini, immense, incompréhensible à tout esprit créé.

L'épouse entre en possession de son époux, qui devient sien, et ensuite en communauté de tous les biens qu'il possède. Elle entre en unité de cœur et d'âme, en unité d'esprit, de pensées, de vouloir; d'où il suit qu'elle a part à ses desseins, à ses ordres, à ses œuvres. Ainsi Dieu le Père, comme un saint et fidèle époux, veut mettre la très-sainte Vierge en union et en parfaite jouissance de sa personne, de ses trésors, de sa gloire et de tous ses biens.

C'est une chose inconcevable comment Dieu eut cette divine épouse présente à son, esprit avant la formation de toutes les créatures. Pour lui, il n'y a ni futur ni passé; tout. est présent à ses yeux, il voit distinctement toutes choses dans la lumière éternelle. De toute éternité, il y avait donc en Dieu un caractère, une figure qui représentait Jésus-Christ et sa mère, le Verbe incarné et tous ses membres; dès lors Marie était aussi présente aux yeux de Dieu que si déjà elle eût été formée, que si elle eût été 'effectivement au monde. Ce consentement célèbre de Marie, nécessaire à l'Incarnation, sur lequel reposait tout l'édifice de la religion qu'il préméditait, toutes les figures et les prophéties, toute l'économie du salut, il le prévoyait et le connaissait avant tous les temps. Il voyait déjà au fond de l'âme de la très-sainte Vierge, remplie de foi, de sagesse, de soumission, quels seraient sa pensée et son sentiment, sachant la force et la vertu de la grâce dont il devait la remplir. Connaissant donc sa volonté et la disposition de son cœur, et tirant déjà d'elle son consentement, qu'il voyait aussi réellement que quand elle le confirma à l'ange, il réglait là-dessus, de toute éternité, le saint mystère de l'Incarnation.

Il en usait de même dans la vocation de tous ses enfants adoptifs, qui sont les membres de Jésus-Christ, l'achèvement de ce grand mystère, et desquels Marie, mère du Verbe selon la chair, devait être véritablement la mère selon l'esprit. Si, dans le dessein de Dieu, l'épouse devait être donnée à l'époux, comme une aide semblable à lui, ce n'était pas seulement pour qu'elle contribuât à la naissance des enfants; mais encore pour qu'elle concourût par sa sollicitude maternelle, par sa tendresse et sa bonté, par la sagesse de ses conseils, à leur éducation et à leur établissement. Sans doute, en nous prédestinant à devenir les membres de son Fils, Dieu le Père nous a appelés, selon le décret de sa volonté et par un pur effet de sa grâce, qu'il nous a donnée en Jésus-Christ, avant tous les siècles: nous ayant déjà comme créés en lui, et ayant préparé les œuvres saintes qu'il désirait que nous fissions pour sa gloire [4]. Mais en appelant ainsi chacun de nous, en lui préparant, dès l'éternité, la mesure des moyens intérieurs et extérieurs de sanctification qu'il lui donne dans le temps, Dieu tenait sa sainte épouse présente à son esprit. Il voyait ce qui lui eût agréé, ce qu'elle aurait désiré pour chacun, si elle eût été au monde, et il agissait selon les intentions, selon les désirs et les prières de Marie qu'il prévoyait.

C'est pourquoi dans la plénitude des temps, lorsqu'il aura donné l'être à sa sainte épouse, il lui montrera l'économie de ses desseins sur chaque âme; et elle les agréera expressément. Quelque vastes que soient ces desseins de Dieu, Marie, le chef-d'œuvre des mains du Tout-Puissant, après l'humanité de son Fils, Marie, toute remplie du Saint-Esprit, les. connaîtra clairement; car Dieu lui fera voir la conduite admirable qu'il aura tenue et celle qu'il tiendra dans la suite, et tirera d'elle son consentement et son agrément sur toutes choses. C'est ce qu'il fera paraître, une fois pour toutes, dans le moment de l'accomplissement de son œuvre par excellence, l'Incarnation du Verbe, qui est comme la clef du bâtiment universel de l'Église et du monde; puisque alors il exigera d'elle. publiquement, à la face d'un archange et d'un témoin irréprochable de sa cour, ce consentement solennel; faisant ainsi paraître visiblement ce que de toute éternité il avait résolu invisiblement de faire avec elle (et cette conduite de Dieu explique comment il se fait que toutes les grâces ont été et seront données à jamais par l'entremise de Marie) [5]. Ainsi le Père éternel, l'ayant choisie pour son aide dans la formation de sa famille, forme avec elle Jésus-Christ dans toute son étendue, le chef et tous ses membres, sa postérité et tous ses descendants [6].

Il en use de la même sorte avec elle pour le reste des circonstances du grand œuvre de l'Incarnation, et spécialement pour la création de l'univers qui en est la suite. En sa qualité d'homme, le Verbe incarné avait besoin d'une demeure temporelle, et sa mère aussi. Tous les membres de Jésus-Christ étaient pareillement dans cette nécessité, et Dieu avait résolu de créer ce monde pour leur aider à passer la vie, avant qu'ils allassent le glorifier dans le ciel [7]. Car c'est pour le Verbe incarné que Dieu a fait ce monde; si bien que, qui n'est à Jésus-Christ, qui ne subsiste en lui, qui n'est uni à lui par son esprit et par sa grâce, n'est pas digne des créatures; et s'il en use, c'est avec injustice, n'étant pas partie de celui pour lequel principalement toutes choses ont été créées.

Dieu avait fait ce grand ciel si magnifique, si auguste, cette terre si admirable, à cause de la dignité de Jésus-Christ et de ses membres. A proportion de la dignité des personnes, on leur donne des meubles précieux; pour conduire un prince, un roi, on allume quantité de flambeaux autour de sa personne; au lieu qu'un artisan sera content d'une petite bougie ou d'une mèche trempée dans une goutte d'huile. Destinant donc ce monde à servir d'hôtellerie à son Fils, Dieu avait résolu de le créer dans cette grandeur si magnifique et cette beauté si rare, afin qu'il fût un lieu sortable à la dignité auguste de celui qui devait l'habiter. Ainsi il a fait le soleil si merveilleux, et dans cette beauté et cette magnificence, parce qu'il devait être le flambeau de son Fils; les cieux si vastes, si resplendissants, parce qu'ils étaient destinés à être le toit et le lambris de sa maison; il a créé la terre si belle, parce qu'elle devait servir à le porter, à être l'escabeau de ses pieds. Voulant enfin qu'elle fournît par ses productions à l'entretien de la vie de son Fils et qu'elle fût le lieu de son séjour, il l'a remplie de tant de rares beautés dans la variété de ses fleurs, dans la diversité de ses fruits, et dans le reste des créatures, qu'il a faites avec une perfection, un poids, un nombre et une mesure proportionnés à l'excellence de celui à qui elles étaient destinées; non pas pour qu'elles fussent l'objet de sa joie et de ses complaisances, car tout cela n'est pas digne du Fils de Dieu; mais seulement pour marquer sa dignité et la grandeur de sa condition et de sa naissance.

La terre était donc destinée aussi à servir de demeure passagère à la très-sainte Vierge et à tous les membres de Jésus-Christ; à l'Église, qui devait s'y répandre de toute part et y établir le règne de Dieu. Or, dans la disposition qu'il donnait à l'univers, Dieu le Père avait présente aussi l'aide qu'il s'était choisie pour la formation de sa famille; il réglait la demeure temporelle de cette même épouse, celle de son fils et de tous ses enfants d'adoption [8].

D'après cela, on ne peut avoir difficulté d'entendre ces paroles de l'Écriture, dites de la Sagesse éternelle [9], appliquées par l'Église à la très-sainte Vierge : J'ai été formée par le Très-Haut, j'ai été conçue avant toute créature. C'est moi qui ai fait naître dans le ciel une lumière qui ne s'éteindra jamais; et, semblable à une nuée, j'ai couvert toute la terre. (Eccli., cap. XXIV.) De toute éternité, présente aux yeux du Père éternel, mon époux, je portais en moi toutes les créatures, qui paraissent maintenant dans le monde, comme une nuée féconde, qui contient dans la douceur de ses eaux tous les fruits qui doivent naître par elle. J'ai habité dans les lieux les plus sublimes, dans les profondeurs de Dieu le Père.

J'ai fait seule le tour des cieux; c'est moi qui, par la puissance de mon époux, donnais le tour à ces grands cieux qui doivent être la demeure et la récompense des justes; en mon époux, je descendais au fond des abîmes, où il doit exercer sa justice. J'étais présente, en esprit, à toute l'étendue des mers, et il n'y a pas un seul recoin de la terre habitable où je n'aie posé le pied, où je n'aie été présente, dans le dessein de Dieu le Père, qui n'a rien voulu faire ni entreprendre sans communiquer à ma bassesse la grandeur de ses miséricordes, la profondeur de ses jugements, l'étendue de ses grâces et la fécondité de ses richesses. En union avec lui, je suis devenue la reine de toutes les nations; et, par sa puissance, les cœurs des grands, comme ceux des plus petits, m'ont été également assujettis et soumis [10].

Recherchant en tout cela ma paix et mon repos, je n'ai rien pu trouver qui fît ma consolation et ma joie, que ceux qui ont l'honneur d'appartenir à mon auguste époux en qualité d'enfants, et qui doivent entrer en possession de son saint héritage. Voyant donc mes inclinations, connaissant tous mes dégoûts et mon aversion pour les choses extérieures du monde, et sachant que je ne puis me complaire qu'en son aimable Fils et en ses membres, le saint Époux de mon cœur m'a dit et m'a commandé, par le droit absolu qu'il a sur mon âme, me donnant les témoignages de son amour : Ma fille et mon épouse, je veux vous rendre participante de mes plus douces et de mes plus saintes opérations dans l'incarnation de mon Verbe je veux pareillement conduire par vous mon Église et me reposer sur vous du soin de mes enfants. Demeurez en Jacob, qui est l'image de ma famille : assistez tous les membres de mon Église; que par vous la grâce se dilate dans leur intérieur, pour que vous soyez en eux aussi l'héritière de ma gloire. Jetez dans mes élus les racines premières de leur béatitude; continuez encore tout le cours de leur vie, et ne les quittez point que vous ne les consommiez dans ma gloire.

En ce même esprit, l'Église applique encore à la très-sainte Vierge une partie du vine chapitre des Proverbes, qui sert de matière à l'épître des fêtes de sa Conception et de sa Nativité. Le Seigneur m'a possédée au commencement de ses voies, etc. Dieu, qui désirait sortir de soi par les voies de son divin amour, paraît ici occupé de la jouissance amoureuse et de la possession de sa sainte épouse; et de même la très-sainte Vierge, sa divine amante, nous y est montrée habitant en lui de toute éternité. C'est de quoi elle se glorifie elle-même comme du plus grand bien et du plus insigne honneur qui pussent lui arriver : Le Seigneur m'a possédée au commencement de ses voies : comme, en effet, c'est le principe et le fondement de tous ses autres biens et de ses grâces magnifiques. Car de quelles richesses et de quels ornements Dieu, qui surabonde en lui-même de beautés, de richesses et de perfections divines, ne la revêt-il pas pour la rendre digne de devenir l'objet de ses délices, et de lui être alliée en cette auguste qualité d'épouse ! Il faut qu'il fasse hors de soi, dans une pure créature, autant qu'il est possible, une expression parfaite de sa divinité.

Le Seigneur, dit-elle, l'Époux céleste, m'a possédée en soi et m'a tenue présente à ses yeux, non-seulement dès le début de ses voies, quand il a commencé son ouvrage, et qu'il a tiré du néant toutes ses créatures, mais bien auparavant. Dans son éternité, méditant les ouvrages de son divin amour, lui qui ordonne tout en sa sagesse et sa charité, il s'est approprié son épouse; il a voulu qu'elle devînt la mère de son Fils, et qu'elle contribuât à former son Église et toutes les créatures qui en sont les dépendances.

Cette sainte épouse fait ici, comme dans le livre de l'Ecclésiastique, le dénombrement magnifique des créatures que Dieu forma dans son idée, lorsqu'il ordonna toutes choses; et dans ce détail elle montre qu'elle était déjà conçue et présente dans l'esprit de son Époux. Les abîmes n'étaient pas, et déjà j'étais conçue. Les fontaines n'étaient point encore sorties de la terre; la pesante masse des montagnes n'était pas encore formée, et j'étais enfantée avant les collines dans le sein de Dieu. Il n'avait point encore créé la terre ni les fleuves, ni affermi le monde sur ses pôles, et déjà j'étais conçue. Quand, dans l'œuvre de la création, il étendait les cieux, qu'il environnait les abîmes de leurs bornes, et leur prescrivait une loi inviolable; lorsqu'il suspendait les nuées au-dessus de la terre, et qu'il mettait dans leur équilibre les eaux des fontaines; lorsqu'il renfermait la mer dans ses limites, et qu'il imposait la loi aux eaux, afin qu'elles ne passassent point leurs bornes; lorsqu'il posait les fondements de la terre, j'étais avec lui.

Après avoir ainsi exposé, comme dans l'Ecclésiastique, la suite de la formation des créatures et avoir dit qu'elle était présente à l'esprit de son auguste Époux, la très-sainte Vierge ajoute : J'étais avec lui, et avec lui je réglais toutes choses, c'est-à-dire, j'ordonnais et je formais toutes les créatures par la puissance, la sagesse et l'amour de mon divin Époux, par lequel j'étais toute possédée. Il faisait ainsi en moi toutes ces œuvres grandes et admirables : Fecit mihi magna qui potens est; mais à chacun des six jours de la création, cette œuvre n'était que comme un jeu et un amusement pour lui, comparée à la génération de son Verbe, et à la participation qu'il doit donner de sa divinité aux membres de l'Église. Aussi mes délices sont-elles d'être avec les enfants des hommes : mon âme, qui éprouve en soi les sentiments de mon Époux et les dispositions de son cœur à l'égard de toutes choses, sentant que ses délices les plus douces et les plus agréables sont de régner dans les âmes et de vivifier les cœurs de ses enfants.

Maintenant donc, mes enfants, qui êtes enfants du, Père, écoulez attentivement sa discipline et ses conseils; et, après lui avoir prêté l'oreille, restez attachés à la sagesse, conservez ses paroles en votre âme, et les goûtez avec plaisir en votre intérieur. Prenez garde de ne vous point lasser par quelque tentation que ce puisse être, ni par la désolation qui se rencontre dans la croix. Bienheureux celui qui m'écoute, qui trouve accès auprès de moi, qui a cet attrait de rechercher avec soin et assiduité mon audience et ma conversation. Il doit beaucoup attendre; car Dieu le Père, comme époux, use de ses dons en moi et par moi, avec une libéralité (19) excessive. Celui qui recevra cette grâce, qui viendra chercher dans mon sein l'aliment de son âme, trouvera la vie, et avec elle le bonheur éternel. C'est dans cette source qu'on puise les secrets des plus profonds mystères et des vérités les plus sublimes. Par mon Époux, qui est le conseil même et l'équité, qui est la prudence et la force, je suis en possession de tous ces dons. Par moi, les rois règnent, et les législateurs ordonnent et règlent, la justice, Dieu voulant être en moi, pour le monde, la source de tous les biens [11].

RÉFLEXIONS PRATIQUES

Ames privilégiées, à qui l'esprit de Dieu fait goûter les mystères de la sainte Vierge, considérez que s'il vous découvre quelque chose de ces mystères, c'est pour aider à votre sanctification, en augmentant en vous, à proportion des lumières qu'il vous donne, le respect, la confiance et l'amour que vous devez à votre sainte Mère. Tâchez donc de comprendre les obligations immenses que vous avez à cette vraie mère des vivants, et par la considération de l'amour si constant, si pur, si privilégié, si généreux, si magnifique, qu'elle a toujours eu pour vous, concevez pour elle un amour vraiment filial, qui vous la fasse aimer de tout votre cœur, de toute votre âme, de toutes vos forces, et, par-dessus tout, après Dieu et Jésus-Christ son Fils.

Dès qu'elle a connu le choix que Dieu a fait de vous pour vous amener à sa connaissance et à son amour, elle vous a aimées comme ses enfants; depuis ce moment, vous avez été toujours présentes à ses yeux, toujours l'objet des affections de son cœur. Comme une mère remplie de sagesse, de prévoyance, de sollicitude, elle. s'est occupée de votre bonheur, avant que vous fussiez au monde. Dès l'instant de votre naissance, elle n'a cessé de veiller sur vous, elle vous a préparé de loin toutes sortes de secours, elle vous a facilité de toutes manières l'accomplissement des desseins que, de toute éternité, Dieu avait formés sur vous. Votre naissance de parents chrétiens, et dans un pays qui avait été consacré longtemps auparavant à Marie, dans un pays qui est comme son patrimoine, son douaire, son royaume; votre éducation chrétienne, les soins que vous avez reçus dès l'enfance; les touches secrètes du Saint-Esprit qui vous ont déterminées à vous donner à Dieu; les sages conseils que vous avez reçus pour votre conduite intérieure; votre première communion, votre vocation à l'état que vous avez embrassé, et tant d'autres secours particuliers et privilégiés, qui vous sont bien connus tous ces moyens sont autant de grâces que vous avez reçues par les mains de Marie, et autant de marques certaines de son amour. Efforcez-vous donc de lui en témoigner, jusqu'au dernier soupir. de votre vie, une juste et vive reconnaissance. Pour un cœur sensible et généreux, la reconnaissance augmente en proportion des bienfaits; la vôtre doit aller toujours croissant, puisque Marie ne cessera pas de vous faire du bien, et qu'aux faveurs. dont elle vous a prévenues jusqu'ici, elle ajoutera sans cesse des faveurs nouvelles : le propre de cette excellente et tout aimable Mère étant de ne faire que du bien à ses enfants.

Proposez-vous de lui témoigner votre reconnaissance, surtout les jours de ses fêtes et de ses octaves. Lorsque vous récitez son saint Office, lorsque vous assistez aux vêpres célébrées en son honneur, la veille, ou le jour de ses fêtes, renouvelez vos sentiments de gratitude envers elle, spécialement lorsque le prêtre chante ce beau Capitule, que l'Église ne se lasse pas de répéter toute l'année : Ab initio et ante soecula creata sum. Figurez-vous que Marie, dans la personne du prêtre, adresse elle-même ces paroles à ses enfants, pour les exciter à la reconnaissance et à la confiance qu'ils lui doivent. Dans la voix du prêtre célébrant, l'Église, toujours conduite par la foi, ne veut entendre, en effet, que la voix de la très-sainte Vierge, qui prend plaisir à nous rappeler ses bontés anciennes, et à nous donner de nouvelles assurances de sa sollicitude et de son amour maternel. Dès le commencement et dès avant les siècles, dit-elle, j'ai été créée dans la pensée de Dieu le Père, pour concourir avec lui à la sanctification de ses enfants, qui sont aussi les miens; et, dans toute la suite des âges, je ne cesserai point d'avoir pour eux la même sollicitude que j'ai fait paraître depuis qu'il m'a mise au monde, ayant dès ce jour exercé constamment devant lui ce ministère d'amour, dans sa sainte maison, qui est l'Église.

Lorsque le prêtre termine ce touchant Capitule, témoignez à Dieu le Père votre reconnaissance pour une si aimable et si ravissante invention de son amour; et dites-lui, dans un saint transport d'action de grâces, avec toute l'Église, ces paroles : Deo gratias !

Vous adressant ensuite avec humilité et vénération à Marie, et vous agenouillant devant elle, avec l'Église, pour faire hommage .à sa grandeur de tout ce que vous êtes, respectez et agréez la part que Dieu lui a donnée dans sa royauté sur vous, protestez-lui qu'elle est votre véritable reine et réjouissez-vous de lui appartenir. Enfin chantez avec ferveur ses louanges, et demandez-lui, avec une confiance pleine et entière, la continuation de ses faveurs pour vous et pour tout le peuple chrétien, mêlant pour cela votre voix à celle de l'Église dans le chant de l'Ave maris stella. Cette hymne est comme la réponse de l'Église à l'invitation amoureuse que Marie lui a faite, dans le Capitule, de recourir à elle pour tous les besoins. Je vous salue, étoile de la mer, sainte Mère de Dieu toujours vierge, porte bienheureuse du ciel. Vous qui avez reçu ce salut de la bouche de l'archange Gabriel, établissez-nous dans la paix, devenant pour nous, plus véritablement et plus heureusement qu'Ève, la mère des vivants. Rompez les chaînes de nos crimes, rendez la lumière à nos yeux aveuglés, éloignez tous les maux, demandez tous les biens. Vous n'avez qu'à montrer à Jésus le sein qui le porta, à lui rappeler que vous êtes sa Mère; il exaucera vos prières, lui qui a bien voulu se mettre entre vos mains, en naissant pour nous. Vierge incomparable, la plus douce des vierges : après nous. avoir délivrés de nos fautes, rendez-nous doux et chastes; faites que notre vie soit sans tache, que nous marchions par la voie sûre qui conduit au ciel; afin qu'ayant le bonheur de voir Jésus, nous nous conjouissions avec vous éternellement.


[1] Bulla Pii Papoe IX, ad Concept. Immaculat. Virginis primordia, uno eodemque decreto, cum divinae Sapientiae Incarnatione fuerant praestituta.

M. Olier suppose ici que, si l'homme n'eût pas péché, le Verbe se serait incarné sans naître de la femme ; et quelque extraordinaire que ce sentiment puisse paraître, il n'est contraire ni à l'Écriture ni aux saints docteurs.

[2] M. Olier appelle génération temporelle du Verbe le mystère de l'Incarnation; il attribue cette génération au Père éternel, et il dit que dans ce mystère la sainte Vierge est épouse du Père éternel.

Plusieurs saints docteurs, parmi lesquels il suffit de citer saint Athanase, saint Ambroise, saint Cyrille d'Alexandrie, interprètent du mystère de l'Incarnation ces paroles du second psaume : Le Seigneur m'a dit :: Vous êtes mon Fils; je vous ai engendré aujourd'hui. Apposite additur es, quod generationem ante saecula declarat, dit saint Athanase; erat enim semper filius. Ad jecit autem illud : hodie genui te, ut generationem secundum carnem commonstraret. Illud enim hodie, tempus indicat, quare pro temporali generatione adjiciunlur istaec hodie, genui te. (Biblioth. veterum Patrum, t. V, p..195.) L'Église applique ces mêmes paroles au mystère de la naissance de Jésus-Christ, dans la messe de Noël, et saint Paul nous apprend qu'elles s'entendent également de la résurrection de Jésus-Christ. (Actes des Apôtres, XIII, 33.) Il est donc bien permis de dire que le Père éternel engendre son Fils dans le mystère de l'Incarnation; non pas sans doute dans ce sens que l'union hypostatique du Verbe avec la nature humaine s'opère par voie de génération, mais parce que le Verbe, éternellement engendré du Père, et par conséquent engendré au moment où il s'unit à la nature humaine, prend alors une vie nouvelle, devient Homme-Dieu, fils naturel et non adoptif du Père éternel, qui seul peut lui dire: Vous êtes mon Fils; aujourd'hui je vous ai engendré. Le Fils de Dieu fait homme n'est pas le fils de la sainte Trinité, ni le fils du Saint-Esprit, mais le Fils unique du Père éternel.

Il n'est donc pas contraire à la vérité que cette génération temporelle du Verbe soit attribuée au Père. Toutes les oeuvres ad extra sont communes aux trois personnes de la sainte Trinité, ainsi que la foi nous l'enseigne. Unus solus Deus unum est universorum principium, dit le grand concile de Latran. La raison en est que, comme dit saint Thomas : « Creare convinit Deo secundum suum esse quod est ejus essentia quoe est communie tribus personis. (1re p. q., XLV, a. 6 c.) Créer convient à Dieu selon son être, qui est son essence, laquelle est commune aux trois personnes. » Donc l'Incarnation, c'est-à-dire la création, la formation de là nature humaine et son élévation à l'union hypostatique, est l'effet des trois personnes de la sainte Trinité, et le même concile de Latran a dit : Unigenitus Dei Filius a tota Trinitate communiter est incarnatus. Mais le langage des saintes Écritures et l'usage de l'Église nous autorisent à attribuer par appropriation certaines oeuvres au Père, d'autres au Fils, d'autres au Saint-Esprit, selon le point de vue sous lequel on les considère et le rapport que nous remarquons entre les oeuvres et les divines personnes. Les divines Écritures, les symboles et les écrits des Pères attribuent les grâces au Saint-Esprit, parce que ce sont autant d'effets de la charité de Dieu à notre égard, et que le Saint-Esprit procède comme amour du Père et du Fils. Pour cela, la génération temporelle du Verbe étant principalement une oeuvre de grâce et de sanctification, la manifestation de l'amour de Dieu à l'égard des hommes, on l'attribue par appropriation au Saint-Esprit, et nous disons dans le Symbole . Incarnatus est de Spiritu sancto ex Maria Virgine; c'est pourquoi la sainte Vierge est appelée l'épouse du Saint-Esprit. Mais cette même génération temporelle peut être considérée comme une mission temporelle du Verbe dans le monde, et ainsi envisagée on peut l'attribuer au Père, parée que les missions temporelles des personnes divines du Fils et du Saint-Esprit sont en rapport avec leur procession éternelle. De là M. Olier conclut que la sainte Vierge a été admise en participation de la divine fécondité du Père éternel, et comme le Fils unique de Dieu le Père est en même temps le fils de la sainte Vierge, il appelle celle-ci l'épouse du Père éternel. Ces deux dénominations, épouse du Père éternel et épouse du Saint-Esprit, sont consacrées par le langage des saints docteurs. La première a été plus communément employée par les anciens. Saint Thomas d'Aquin dit dans un sermon pour le IVe dimanche de Carême : Fuit sponsa Patris,et materFilii,et habitaculum Spiritus sancti; et saint Bonaventure : Te matrem Dei laudamus, te aeterni Patris sponsam omnis terra veneratur. Tu templum et sacrarium Spiritus sancii, totius beatissimae Trinitatis nobile triclinium sancta Maria a Deo Patre sponsa electa; Verbi Dei Mater praeelecta, a Spiritu sancto protecta, ora pro nobis. (Opuscul. t. I, Parisiis, 164.) Richard de Saint-Laurent explique la doctrine que nous venons d'exposer. Le Saint-Esprit, dit-il, vient en Marie pour séparer dans sa chair sa plus pure substance, dont il forme le corps que le Fils de Dieu devait prendre, et c'est pour cela qu'il est dit que Marie a conçu par la vertu du Saint-Esprit, et le Fils de Dieu peut dire au Saint-Esprit cette parole de Job : Vous m'avez revêtu de peau et de chair... Cependant toute la bienheureuse Trinité a opéré l'Incarnation du Fils, parce que les oeuvres de la Trinité sont inséparables, elles appartiennent aux trois divines personnes. Ideo de Spiritu sancto dicitur Maria concepisse, et potest dicere Filius Spiritui sancto illud Job : Pelle et carnibus vestisti me; nihilominus tamen sancta Trinitas operata est Filii incarnationem, nam inseparabilia sunt opera Trinitatis. (De Laud. B. M., lib. III, cap. I.).

Voir le chapitre v, pages 76, 77, 78, 79.

[3] Bulla SS. D. N. Pii Papoe IX ad definit. Imm. Concept. Ineffabilis Deus, cum ab omni aeternitate praeviderit luctuosissimam totius humani generis ruinam, ex Adami transgressions derivandam..., ab initio et ante sacula Unigenito Filio suo Matrem, ex qua caro factus in beata temporum plenitudine nasceretur, elegit atque ordinavit, tantoque prae creaturis universis est prosecutus amore, ut in illa una sibi propensissima voluntate complacuerit.

[4] C'est par appropriation, et en traduisant les paroles de saint Paul, Épître aux Éphésiens, que M. Olier attribue au Père notre vocation à la grâce, bien que ce don de Dieu soit l'œuvre commune des trois divines personnes. « Béni soit Dieu, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui nous a choisis en lui avant le commencement du monde, pour que nous fussions saints et immaculés en sa présence dans la charité. » (Chap I, 3-6.)

[5] S. Ephrem, groece. Tom. III, p. 532. Per te omnis gloria, honor et sanctitas ab ipso primo Adam, et usque ad consummationem saeculi, Apostolis, Prophetis, justis et humilibus corde, sola immaculatissima, derivata est, derivatur, se derivabitur, atque in te gaudet, gratia plena, omnis creatura.

D. Alb. Mag. sup. Missus. Beata Virgo proprie dicitur Porta coeli: quia per ipsam exivit quidquid gratiae unquam creatura vel increatum in hunc mundum venit vel venturum fuit : omnium enim bonorum Mater est, et Mater gratias, et Mater misericordiae : et etiam ipsa gratia increata tanquam aquœductu exivit ab ipsa et venit in mundum. Item per ipsam intravit quidquid unquam boni de cadis in terram descendit, et e converso. Unde dicit Filius ejus : Venerunt mihi omnia bons pariter cum illa. (Quaest. CXLVII.)

S. Bern. Senens. Tom..IV, p. 91 et 129. Dictum est enim quod nulla gratia de coelo, nisi ea dispensante, ad nos descendit. Hoc enim singulare officium divinitus ab aeterno adepta est, sicut ipsa testatur dicens : Ab oeterno ordinata sum, scilicet dispensatrix gratiarum coelestium. Totus mundus post primorum nostrorum parentum culpam, amore tantes Virginis a Deo praeservatus est. Maria namque per multa millia annorum antequam nasceretur, primo et principaliter Adam et Evam, et totem ejus posteritatem praeservavit in esse. Constat, nempe quod ex propria transgressione Adam et Eva, non solum mortis, sed annihilationis exterminium meruerunt, et divina ultio, quae personarum acceptionem ignorat, sicut nec culpam Angelicam, sic nec etiam humanam dimisisset impunem. Sed propter praecipuam reverentiam, et singularissimam dilectionem quam habebat ad Virginem, praeservavit; quia eam ab aeterno super omnes creaturas Deo uniendas, quae creandae erant, superexcessive dilexit. De ipsa nasci debebat Dei Filius Jesus Christus, qui secundum corpulentam substantiam in Adam existens erat solum de Virgine et de nulla alia educendus. Induisit ergo misericors Deus primis parentibus, nec eos annihilavit : quia sic non fuisset exorta beata Virgo, nec per consequens, Christus sive Deus carnem vestiisset humanam. Ergo propter istam nobilem creaturam Deus salvavit parentes primos de prima eorum transgressions. (Serm. V, de Nativ. B. Virg., cap. II.)

[6] S. Bernard. Senens. De Assumpt. B. V., art. II, cap. I. Unde ab ipso Deo Patre recepit fontalem foecunditatem ad omnes generandos electos, et etiam ipsos Angelos in aliquo gustu et gradu et experientia divinorum, quum etiam ab ipso exordio creationis et glorificationis eorum, preeviderint eam futuram Matrem Dei. Igitur ipsa Virgo, ex hoc habet a Patre rationem primitatis et sublimitatis regalis et imperialis super omném creatam naturam.

[7] Cornel. a Lapide in Eccli. Ego feci ut in coelo oriretur lumen indeficiens. (Eccli. XXIV, 6.) Ad litteram : Ego fui causa cur Deus creavit lucem, coelos, mare, flumina totumque universum. Hujus enim creatio ordinata fuit ad justificationem et glorificationem sanctorum, factam a Christo per beatam Virginem, tanquam ad suum finem : ordo enim natures creatus et institutus est propter ordinem gratias. Quia ergo B. Virgo fuit Mater Christi, se consequenter fuit medium nostrœ redemptionis, se totius ordinis gratiarum a Christo instituti: hinc pariter fuit causa finalis creationis Universi : Universi enim finis est Christus, ejusque Mater et sancti : ut scilicet, sancti in Universo hoc per Christum et B. Virginem, gratia et gloria donenturr. Quare creationis universi causa finalis fuit praedestinatio Christi, B. Virginis et sanctorum. Licet enim Universi partes quaadam sint Christus et B. Virgo, ideoque eo posteriores in genere causse mperialis; tamen in genere causas finalis sunt priores. Quare inter creationem Universi, et Nativitatem Christi ac B. Virginis, est mutua quaedam contradependentia : nec enim Deus nasci voluit Christum et B. Virginem, nisi in Universo hoc; nec vicissim voluit, Universum hoc existere sine Christo et B. Virgine; imo propter illos illud creavit. Totum enim Universum ad Christum et B. Virginem, ordinemque gratiarum, velut ad sui complementum et finem referri et ordinari voluit. Vide nostrum Suerez, Vasquez; Valentiam, p III, q. 1, ac Patrem Canisium, ib. V, Marial. cap. VI, et lib. I, cap. XII.

[8] Cornel. a Lapide in Eccli. cap. XXIV. Christus ergo et B. Virgo sunt causa finalis, ob quam creatum est universum, ac proinde ejusdem sunt causa, formalis, puta exemplaris, scilicet idea. Ordo enim gratiarum, in quo primus est Christus et B. Virgo, est idea et exemplar juxta quod Deus creavitet disposuit ordinem natures, totiusque universi. Vide Dionys. Carthus., qui omnia quae hoc capite dicuntur sigillatim B. Virgini accommodat.

[9] Ces paroles et d'autres semblables ont, en effet, pour objet le Verbe divin, en tant qu'il devait s'incarner, et qu'il était déjà présent, comme tel dans la prescience divine. Cela n'empêche pas qu'on ne les rapporte aussi très-légitimement à la très-sainte Vierge, non-seulement parce que nous avons été créés aussi nous-mêmes dans la prescience divine, comme étant le corps de Jésus-Christ notre chef, dont Marie est membre, mais à cause des privilèges singuliers de cette auguste créature, destinée à être le principe de Jésus-Christ selon l'humanité et sa coopératrice dans l'oeuvre de la Rédemption. Aussi ces mêmes paroles de l'Écriture, qui sont dites de la Sagesse éternelle, sont-elles appliquées par les saints docteurs et par l'Église elle-même à l'auguste Vierge Marie.

Bulla Pii IX ad Concept. Immacul. B. M. V. Idcirco vel ipsissima verba, quibus divinœ Scripturœ de increata.Sapientia loquuntur, ejusque sempiternas origines repraesentant, consuevit (catholica Ecclesia, quae a sancto semper edocta Spiritu columna est ac firmamentum veritatis) tum in ecclesiasticis officiis, tum in sacrosancta liturgia adhibere, et ad illius Virginis primordia transferre.

[10] Les écrivains ecclésiastiques, en appliquant ces paroles à Marie, leur donnent deux sens : le premier est relatif à l'ordre de la rédemption; le second, à celui de la création du monde, comme celui que donne ici M. Olier; et quoique ces deux sens soient différents entre eux, ils sont également fondés l'un et l'autre.

[11] Les saints docteurs attestent bien que toutes les grâces sont données par les mains de Marie; mais nous ne les voyons guère expliquer comment elle a été l'instrument de celles que Dieu avait accordées avant qu'elle vînt au monde. Parmi les modernes eux-mêmes, qui ont profilé des lumières des anciens docteurs, Bossuet ne l'explique pas, en traitant cette matière, ni saint Alphonse de Liguori non plus, quoiqu'il ait composé un écrit sur ce sujet; et c'est ce que M. Olier expose ici d'une manière aussi heureuse que solide. Que dès l'éternité Dieu ait eu présents les désirs de la très-sainte Vierge et les prières qu'elle ferait dans le temps, par rapport à chacun des chrétiens dont elle devait être la mère et la médiatrice auprès de lui, et qu'il y ait eu égard, c'est une conséquence de l'ordre que sa sagesse a voulu suivre dans l'œuvre de notre salut; puisque c'est d'après la prévision de ce que Jésus-Christ devait demander et opérer dans le temps pour eux, qu'il a décrété la prédestination, la justification et la glorification de ses élus, et qu'enfin la maternité divine de Marie, aussi bien que l'Incarnation, avaient été résolues, de toute éternité, par un seul et même décret, comme l'a déclaré N. S. le Pape Pie IX, dans la bulle déjà citée.
 

   

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