Monsieur le Curé,
La considération de
Jésus en croix comme modèle de toutes les vertus m’a retenue
plusieurs jours dans le tabernacle admirable.
Chaque jour c'étaient
des lumières et des connaissances diverses sur chacune de ces vertus
données à mon âme et des désirs immenses de les posséder. Ce
n’étaient point des instructions comme celles que je reçois
ordinairement. Je vous l’ai déjà dit, dans le tabernacle admirable
je n’entends ni la voix ni la parole du Sauveur; mais je vois, je
comprends, j’ai l’intelligence de ce qui se présente à moi, et je
voudrais toujours voir ces choses, toujours reposer mon intelligence
sur elles et y prendre mon repos. Aussi, il est impossible que
j’essaye de vous exprimer ce que j’ai éprouvé sur l’amour de
Jésus-Christ pour son Père; amour qui lui fait prendre un corps et
une âme semblable à notre âme, pour vivre d’une vie pareille à notre
vie et qui le fait mourir sur la croix pour offrir à Dieu un
sacrifice digne de lui; sur la soumission entière et parfaite du
Sauveur Jésus à la volonté de son Père, par laquelle il lui sacrifie
sa volonté pour accomplir la sienne; sur le désir infini de
réparation de la gloire de son Père; sur l’abandon et la confiance
sans bornes en Dieu son Père, entre les mains de qui il remet son
âme pour mourir.
Il est impossible que
j’essaye de vous exprimer ce que j'ai vu de l'amour de Jésus-Christ
pour tous les hommes, pour ses bourreaux, pour moi, et de vous
montrer le tableau de lumière qui s'est fait autour de cette parole
que je voyais en caractères de feu dans le Cœur de Jésus : « J’ai
soif. » C'était la soif de notre salut, du salut des pauvres
pécheurs dont il était dévoré. Il aurait voulu pouvoir dire à tous
comme il le dit au bon larron : « Aujourd'hui, vous serez avec moi
dans le paradis. » c'était là le désir de son cœur, désir immense,
qu'il manifestait dans cette parole d'un Dieu mourant pour la
rédemption des hommes : « J’ai soif ! »
Il est impossible que
j’essaye de vous exprimer l’humilité de Jésus en croix, de ce Dieu
souverainement grand et élevé, anéanti dans les supplices et la
mort. Il est impossible que j’essaye de vous exprimer son obéissance
qui le soumet à ses bourreaux, sa patience qui l’empêche de se
plaindre, sa douceur qui en a fait dans ses supplices l’agneau de
Dieu effaçant les péchés des hommes.
Chacune de ces vertus
de Jésus en croix m'a retenue un jour en oraison devant mon Sauveur.
Je ne puis dire autre chose. Si je veux écrire, ma plume s’arrête,
parce que l’expression lui manque; si je veux parler, ma langue est
comme sans mouvement. On ne peut rendre par une parole extérieure,
sensible une parole insensible et intérieure. Je ne puis exprimer un
enseignement que j’ai reçu dans l’éclat d'une lumière sortie de la
croix, par des signes de convention sortis de la langue de l'homme
et qu'on appelle la parole.
Recevez, Monsieur le
Curé, l’assurance de ma profonde reconnaissance, de mon respect le
plus grand et de ma vénération la plus entière.
Monsieur le Curé,
J’ai l’honneur d’être
votre très humble servante,
Marie.
Mimbaste, 9 août 1843. |