Monsieur le Curé,
C'est avec la plus
entière et la plus parfaite soumission que je désire me conformer à
votre volonté. Vous m’ordonnez de faire un effort et de tenter la
découverte d'une expression de ce que j’éprouve dans mes méditations
sur la passion.
Je vais essayer, je
ferai comme je pourrai; pardonnez-moi si je ne fais point de la
manière que vous le désireriez, et que ma bonne volonté me fasse
trouver grâce près de vous.
Après avoir médité sur
Jésus en croix, modèle de toutes les vertus, j'ai vu se dérouler la
suite du plan général que je vous ai tracé. Jésus en croix fait
connaître la justice de son Père, et cette connaissance est l’effroi
du pécheur impénitent.
Ce sujet m’a retenue
dans le tabernacle admirable pendant trois jours à l’heure de ma
méditation.
Vous savez, Monsieur,
et vous voyez combien la justice de Dieu apparaît dans Jésus en
croix. Je ne m’arrêterai point là-dessus. D’ailleurs, dans ma
méditation, cette vue de la justice divine sur Jésus en croix a
brillé pendant un instant seulement, et parce que c'est là, je
pense, on mystère insondable, il ne m’a point été permis de m’y
arrêter. Mon intelligence et mon cœur se sont portés pendant les
trois jours sur l’effroi que doit causer au pécheur impénitent Jésus
crucifié.
Jésus en croix est la
victime sur laquelle Dieu a exercé la rigueur de sa justice et la
sévérité de ses jugements. Or, Jésus était juste et il n’avait en
lui que l’apparence du péché pour lequel il venait mourir afin de
sauver le monde. Que doit donc attendre le pécheur impénitent qui ne
veut point renoncer à son péché, et que la mort frappera à l'heure
où il y pensera le moins?
Telle est la vue
générale que j’aperçus le premier jour où il me fut donné d’entrer
dans le tabernacle admirable pour y voir la justice de Dieu
manifestée dans Jésus en croix.
Voici la vue en son
détail ou l’enseignement que mon esprit puisait dans cette vue.
Jésus était juste,
saint et impeccable. Le cœur de Jésus ne pouvait ressentir
l’impression d’aucun vice, d’aucune mauvaise inclination, ni de la
plus petite imperfection, tandis que les saints, même les plus
grands saints, par un effet de la nature corrompue, ont éprouvé en
eux ces impressions, bien qu'ils n’en aient pas été les victimes. La
divinité qui remplissait son cœur y enfermait la sainteté parfaite
de Dieu, et repoussait par conséquent tout ce qui n'était pas saint,
et l’empêchait par des barrières infinies d’arriver jusqu’à lui.
L’esprit de Jésus était
éclairé de la lumière même de la divinité qui le divinisait,
c'est-à-dire lui donnait la plus entière conformité et la plus
grande participation à la sainteté de Dieu, pour qu'il fût l’esprit
de l’Homme-Dieu.
L'âme de Jésus était
remplie par la divinité qui se communiquait à elle d’une manière si
intime que l'âme du Sauveur était tout absorbée dans la divinité,
devenait une même chose avec elle, et pourtant sans confusion et en
conservant toutes ses puissances et toutes ses facultés distinctes
de la divinité. L'âme de Jésus était, comme celle des autres hommes,
douée des mêmes facultés, l’entendement, la mémoire, la volonté et
la raison; mais ces facultés étaient divinisées dans le Sauveur
Jésus.
Le corps de Jésus était
pur et saint; car son âme étant pleine de grâces, possédant toutes
les vertus dans un degré infiniment plus élevé qu’on ne peut le
concevoir, participant aux perfections de la divinité, étant
divinisée elle-même, ne pouvait conduire le corps que d'une manière
divine. Car c'est l'âme qui est le guide du corps, qui le fait agir
et opère par lui ce qu'elle veut. Or, l'âme de Jésus étant divinisée
par son union à la divinité, divinisait le corps de Jésus par son
union avec lui. Dans le corps de Jésus se trouvait la divinité du
Verbe de Dieu et l’âme de Jésus divinisée par son union avec elle;
et le corps, l'âme, la divinité étaient si parfaitement unis, qu’ils
ne formaient qu'un seul être ou une seule personne, la personne du
Fils de Dieu fait homme; personne juste, sainte et impeccable. En
Jésus il a trois substances : la substance divine, la substance de
l'âme et la substance du corps. Ces trois substances font deux
natures, la nature divine et la nature humaine. Ces deux natures
font une seule personne, la personne du Fils de Dieu fait homme, qui
s’appelle Jésus-Christ.
L'homme doit avoir en
lui nécessairement le corps et l'âme. S'il n'avait que le corps, il
ne serait point homme, ce serait une machine sans vie, une statue
sans mouvement. S'il n’avait que l'âme, il ne serait point homme, ce
serait une intelligence spirituelle; il faut, pour que l'homme
existe, qu'il y ait union entre le corps et l'âme, qui se conservent
sans se confondre, car l'âme ne devient point matière ni le corps un
esprit. Ils se conservent mutuellement, et leur union compose
l'homme.
Jésus-Christ est
vraiment homme. Il est homme uni à la divinité. L'union de la nature
divine avec la nature humaine ne fait point que la nature humaine
soit confondue avec la nature divine. La nature humaine est
parfaitement et entièrement conservée en Jésus-Christ, sans cela il
ne serait point homme. La nature divine ne se confond point avec la
nature humaine par son union avec le corps et l'âme de Jésus-Christ;
elle se conserve telle qu'elle a été de toute éternité; s'il en
était autrement, Jésus-Christ ne serait point Dieu. Aussi, de même
que le corps et l'âme unis entre eux, sans se confondre, forment
l'homme, ainsi la réunion de la nature divine et de la nature
humaine forment, sans se confondre aucunement, une seule personne,
la seconde personne de la sainte Trinité faite homme pour nous.
Tel est Jésus-Christ,
Dieu et homme en même temps; par conséquent infiniment juste,
infiniment saint, infiniment impeccable. Tel est Jésus-Christ, en
qui rien ne peut déplaire à Dieu son Père, dont il est la splendeur
et la gloire. Tel est Jésus-Christ, la justice et la sainteté par
excellence. En lui par conséquent rien ne méritait le courroux de
Dieu son Père, et c'est lui que je vois en croix, c'est lui que je
vois victime de la sévérité des jugements de Dieu. Il n'y a en lui
que l’apparence de nos péchés, dont il a voulu se charger, et
cependant quelles rigueurs, quelles punitions, quelles vengeances
Dieu exerce sur lui! Tous les maux que le péché a attirés sur le
monde pèsent sur lui, le torturent et l’accablent.
Si le Juste et le Saint
des saints est ainsi traité, que sera-ce du pécheur coupable et
impénitent, du pécheur qui s’abandonne à toutes ses passions, qui se
fait un plaisir d’offenser Dieu, qui se roidit et se dresse contre
le ciel, qui arme le bras de la justice divine par ses iniquités,
qui l’oblige à le frapper par son obstination dans le mal et son
impénitence? Malédiction éternelle de Dieu, flammes vengeresses et
dévorantes de l’enfer, n’anéantirez-vous point ce pécheur? Non, mais
pendant l’éternité vous l’étreindrez vivant sans le lâcher jamais.
Le lendemain, je vis
combien Jésus en croix doit épouvanter le pécheur impénitent qui
abuse du sang de son Sauveur, en refusant de se convertir.
Jésus-Christ, par sa
mort et les mérites de sa mort, nous a obtenu les grâces qui nous
sont nécessaires pour opérer notre salut. Les sacrements et les
actes de religion sont la source où nous pouvons aller puiser ces
grâces. Que fait le pécheur impénitent? Il néglige ces grâces qui
lui sont offertes, il n’en profite pas. Elles sont là devant lui
pour le retirer de la mort et lui donner la vie, et il refuse la vie
pour rester dans la mort. O folie et aveuglement du pécheur! Que
fait-il encore? Il ne se contente pas d’abuser ainsi de ces grâces
en les négligeant, il en abuse en les profanant; il les fait servir
à sa ruine, à sa condamnation. O désolation des désolations et
malheur des malheurs! Le péché est un effet de la faiblesse humaine;
mais la persévérance dans le péché n'est-elle point un effet d'une
malice satanique? Que dira ce pécheur à l'heure où Dieu lui
demandera compte de l’administration de son âme? Quelle contenance
fera-t-il? Quel sera son courage? Ne fuira-t-il pas dans les feux de
l’enfer, parce qu'il ne pourra supporter l'œil courroucé de Dieu?
Jésus-Christ, par sa
mort et par la satisfaction qu'il a offerte à Dieu pour les péchés
des hommes, n'a pas voulu pour cela délivrer l'homme de toute
satisfaction. Il a donné à Dieu la satisfaction que l'homme ne
pouvait lui donner. Mais pour que cette satisfaction que
Jésus-Christ a donnée à Dieu devienne utile à l'homme, l'homme doit
faire ce qui lui est imposé et donner à Dieu la satisfaction qu’il
veut agréer de sa part, après la satisfaction de son Fils sur la
croix.
Or, la première
satisfaction que Dieu demande à l'homme, c'est le repentir et
l’intention de ne plus pécher. Dieu connaît la faiblesse de l'homme,
aussi est-il disposé à lui pardonner ses fautes, dès qu'il a le
repentir dans son âme.
Que fait le pécheur
impénitent en face de Jésus en croix, en face de la satisfaction que
le Sauveur donne à Dieu pour le salut de tous les hommes? Il dit à
Dieu, il dit à Jésus : Vous me demandez satisfaction pour mes
péchés, vous me demandez repentir de mes péchés, vous me demandez
résolution de ne plus pécher; demandez O Dieu! et vous, Christ,
demandez aussi; mais votre demande sera repoussée, le repentir ne
sera jamais dans mon cœur. O parole impie, parole blasphématoire,
parole qui soulève l’indignation du Très-Haut, parole qui fait
tomber ses malédictions et ses vengeances! O mon Dieu! je ne puis
par moi-même faire autre chose que pécher et vous offenser, mais je
ne veux point persévérer dans le péché, je ne veux point résister à
votre grâce. Je veux recueillir de votre bouche paternelle le pardon
que vous m’offrez. Sauveur Jésus, réparateur des péchés de mon âme,
vous avez eu pitié de moi, je veux du moins ne pas rendre inutiles
vos souffrances et vos douleurs. Si je vous ai offensé, dès ce jour
je veux vous aimer. Je déteste mes péchés; je vous promets, avec
votre grâce, de les fuir comme à l’approche d’un serpent. Je veux
m’unir à vous, vivre de vous, en vous et pour vous.
Ah! mieux eût valu pour
le pécheur impénitent que Jésus-Christ ne fût jamais venu sur la
terre. Mieux eût valu pour lui que jamais la croix n’eût élevé le
Fils de Dieu entre le ciel et la terre; les crimes de ce pécheur
n’eussent point été si considérables ni si outrageants pour Dieu. O
sort mille fois malheureux de ce pécheur! Effroi de son âme au
tribunal de Dieu et terreur à nulle autre pareille! Mon Dieu, grâce
pour moi, et que je vous aime à jamais!
Le troisième jour, je
vis dans ma méditation combien Jésus en croix est la terreur des
pécheurs impénitents, par la grandeur des tourments qu'ils
s’attirent en rendant les mérites du Sauveur inutiles.
J'ai vu l’effroi de ce
pécheur avant sa mort; je l’ai vu aussi dans l’enfer. Mon âme en est
encore toute saisie d’effroi.
Quels moments que ceux
qui précèdent la mort d'un pécheur impénitent, quelles douleurs dans
son âme, quelles terreurs en son esprit, quels regrets en son cœur,
quel désespoir insoutenable! Il voit toutes les jouissances, tous
les plaisirs, toutes les séductions de sa vie; il n’en reste plus
rien, tout a passé, voici la mort. Toute sa vie est comme un tableau
devant ses yeux. Il la regarde et il tremble, il la regarde et il
désespère, il la regarde et il voudrait ne point la voir. Pauvre
pécheur, s'il avait plutôt regardé Dieu et sa miséricorde, Dieu et
sa bonté paternelle, Jésus et sa croix, Jésus et ses blessures,
Jésus et son Cœur ouvert, Jésus et son sang, les âmes pieuses qui
prient pour lui, qui ne désespèrent point de la générosité de Dieu,
les âmes pieuses qui font une sainte violence à la justice divine;
s'il savait lancer une parole de repentir, une parole d'amour, une
parole de supplication vers le ciel, il serait sauvé! Mais non, ses
yeux sont fermés et ne voient point la miséricorde de Dieu, ni la
satisfaction du Sauveur, ni les prières de ceux qui l’aiment. Ses
yeux sont fermés, et cependant il voit la justice de Dieu et sa main
chargée de vengeances; il voit la croix de Jésus, non comme un
instrument de salut, mais comme une verge éternelle qui le torturera
à jamais. Il entend des voix non de prières et de supplications en
sa faveur, mais des voix accusatrices pour sa condamnation. Sa
bouche ne demande point pardon, elle ne prononce que des blasphèmes
et des malédictions. Quelle agitation, quel trouble, quels
mouvements affreux en tout son être! Pauvre pécheur! On veut le
consoler, mais les consolations ne pénètrent point dans son cœur. On
veut ranimer en lui la foi, et la foi reparaît non pour le sauver,
mais pour le consumer comme le feu d’un vaste incendie. La foi
l’éclaire et le brûle. Le bandeau de l’aveuglement est tombé de ses
yeux, il voit. Mais quoi? L’éternité qui s’ouvre devant lui chargée
de supplices et de maux inventés et créés par un Dieu vengeur de son
nom et de sa gloire. Il voit entre Dieu et lui une distance infinie
qu'il ne pourra franchir jamais, et il s’affaisse sous le poids de
ses iniquités.
Quels moments et
quelles souffrances!
Je vis d'autres
pécheurs impénitents n’éprouver à cette heure ni peine ni remords.
Il semblait que Dieu les avait abandonnés à eux-mêmes, et leur
trépas ressemblait à celui des animaux sans raison.
Mais quel réveil! La
justice de Dieu ne les frappera-t-elle pas d’une manière d’autant
plus sensible qu'ils s'y attendent moins. Je suivis ces pécheurs
dans le lieu de leur supplice.
Comment exprimer leur
état, leurs peines, leurs tourments, leurs afflictions dans ce lieu
d’éternelle douleur! Ils aperçoivent les perfections et les
amabilités de Dieu, ou plutôt ils les comprennent sans les voir; ils
comprennent que Dieu seul pouvait être leur bonheur et qu'ils en
sont séparés pour jamais, et cette pensée fait leur premier et plus
cruel tourment.
Ils voient la grandeur
et l’énormité de leurs péchés, les grâces et les moyens de salut que
Dieu leur avait ménagés dans sa bonté et dont ils n'ont point
profité; et le remords le plus cuisant, parce qu'il est inutile et
sans remède, fait leur second et insupportable tourment.
Ils voient que les maux
qui les accablent n’auront jamais de fin, qu'ils dureront toujours
et avec la même intensité. O vie désespérante qui leur fait pousser
des cris et des hurlements affreux, des blasphèmes et des
malédictions contre le ciel! O mon Dieu, quelle haine dans leur âme
contre vous! quelle haine contre eux-mêmes! Quelle haine contre ceux
qui les ont entraînés au mal! Est-ce qu'ils ne sont point au plus
intime de ces âmes comme des orages d’imprécations, de malédictions,
de blasphèmes, d’injures, de menaces qui sillonnent les enfers pour
en raviver les flammes à jamais? Quelle vue et quel spectacle! Mon
âme en fut effrayée et put à peine considérer la violence du feu de
ces abîmes, et la fureur des démons à tourmenter les damnés dans
tous leur sens.
Justice de mon Dieu,
préservez-moi de ces rigueurs! Mon âme, de quoi me plaindrais-je?
Les maux que Dieu m’envoie ne sont-ils pas un effet de sa
miséricorde? Non, je ne veux point murmurer, Seigneur, de mes peines
d’ici-bas, pour néanmoins en point mériter de plus terribles dans
l’éternité. Faites de moi ce qu'il vous plaira. Que ma vie soit un
martyre de chaque jour et de chaque instant, pourvu que je sauve mon
âme! Quelles que soient mes souffrances, votre religion sainte me
les rendra douces et faciles à supporter; le souvenir de l’enfer,
dussent-elles durer un millier d’années sur la terre, me les fera
supporter comme un fardeau léger. Que je souffre, ô Jésus crucifié,
et que je vous aime toujours! Que mon corps et mon âme soient
affligés par toutes les épreuves les plus fortes et les plus
pénibles; mais qu'à ce prix mon cœur vous demeure attaché, qu'il ne
soit jamais séparé de vous, qu'il n’ait pour vous qu’amour et
reconnaissance, même au milieu de mes plus grandes tribulations !
Voilà, Monsieur, ce que
j’ai vu, ce que j’ai éprouvé, ce que j’ai compris autant que mon
esprit pouvait le comprendre, ce que j’ai senti en moi autant que
mon âme était capable de sentiment. Je le sens, je n’ai pu vous
montrer par cette lettre la lumière que j’ai vue, c'est Dieu seul
qui la montre; je n’ai pu vous marquer en leur perfection les
enseignements que j’ai reçus. Dieu seul pourrait le faire; je n’ai
pu vous tracer les sentiments de mon cœur pendant ces heures de
communications intimes avec Jésus, c'est là le secret du Roi que je
ne puis dévoiler. Mais j’ai essayé de vous montrer ma bonne volonté
et le désir que j’ai d’obéir à tout ce qu'il vous plaira de me
commander.
Je veux terminer en
vous disant, autant que je saurai m’exprimer, comment Jésus en croix
fait reconnaître la miséricorde de Dieu.
La miséricorde de Dieu
me fut manifestée de trois manières dans le tabernacle admirable par
la vue de Jésus en croix.
La miséricorde de Dieu
se manifeste dans les biens qu'elle nous donne, dans les maux
qu'elle nous envoie, et dans la félicité qu'elle nous accorde dans
le ciel. Or, Jésus en croix manifeste ce triple aspect de la
miséricorde de Dieu.
La miséricorde de Dieu
est une mer immense et infinie, dans laquelle se trouvent tous les
biens, tous les dons et toutes les grâces qui nous sont réservés.
Or, le péché mit au commencement un mur de séparation entre Dieu et
l'homme, et Dieu ne pouvait plus faire miséricorde à l'homme ni
verser sur lui l’abondance de ses bienfaits. L'homme était séparé de
Dieu par une distance infinie, le péché. Mais Jésus vint sur la
terre, monta sur l’arbre de la croix, rendit réparation pour le
péché de l'homme, et la miséricorde continua son œuvre, en donnant à
l'homme des grâces encore plus abondantes.
La miséricorde de Dieu
se manifeste dans les maux qu'il nous envoie. Châtier, c'est aimer;
châtier, c'est faire expier, châtier, c'est rappeler le souvenir de
Dieu; châtier, c'est punir ici-bas pour ne point punir dans l’autre
vie. Les maux que Dieu nous envoie sont des traits que la justice de
Dieu lance sur l'âme; mais ces traits ne sont point mortels, ils
sont au contraire cause de vie, parce qu'ils sont trempés dans les
eaux de la miséricorde et qu'ils attirent les grâces de Dieu. Or,
c'est de Jésus en croix que nous recevons cette effusion de la
miséricorde de Dieu; c'est lui qui demande pardon à Dieu pour nos
péchés, et nous fait envoyer les maux de la vie pour nous préserver
de ceux de l’éternité. Ces maux sont une participation à ses
douleurs et, unis à elles, ils nous sanctifient et expient nos
péchés.
Enfin, la miséricorde
de Dieu se manifeste en nous donnant le bonheur du ciel. C'est
encore Jésus en croix qui manifeste sous ce rapport la miséricorde
de Dieu; car c'est par sa croix qu'il a fermé les portes de l’enfer
et ouvert celles du ciel. C'est par sa croix qu'il nous a délivrés
de l’esclavage de Satan et rendus fils de Dieu.
O croix de Jésus,
mystère dans le temps! O croix de Jésus, mystère dans l’éternité!
Jésus en croix, vous ravissez nos cœurs sur la terre! Jésus en
croix, vous captivez nos esprits sur la terre! Jésus en croix, vous
attirez tous nos regards! Jésus en croix, vie de notre vie! Jésus en
croix, mort de notre mort! Jésus en croix, bonheur et félicité de
l'âme sur la terre! Jésus en croix espoir du bonheur et de la
félicité du ciel !
Croix de Jésus, lumière
du ciel! croix de Jésus, repos des âmes dans le ciel! croix de
Jésus, lien éternel entre les âmes et Dieu dans le ciel! croix de
Jésus, à vous gloire à jamais !
O Jésus en croix, que
mon âme se consume à vous aimer! O croix de Jésus, que je vous
porte, non un instant sur mes épaules comme le Cyrénéen, mais toute
ma vie, tous les jours, et qu’avec vous je me présente à Dieu pour
lui demander miséricorde pour l’éternité.
Je vous prie, Monsieur,
en finissant, d’excuser ma si longue lettre et la manière dont je
l’ai écrite. Vous n'y goûterez point ce que j'ai goûté dans le
tabernacle admirable; vous n'y verrez point les lumières que j'y ai
vues; vous n'y prendrez point les connaissances qui m’ont été
données. Je donne ce que je puis donner par obéissance et de grand
cœur.
Recevez, Monsieur le
Curé, l’assurance de mes sentiments de vénération, de respect et
d’obéissance avec lesquels je suis, Monsieur le Curé,
Votre très humble
servante,
Marie.
Mimbaste, 14 août 1843. |