Monsieur le Curé,
C’est avec une entière
soumission que je viens vous soumettre ce que j’éprouve depuis
quelque temps dans ma nouvelle manière de vivre.
Il me semble que mon
âme est dans une nouvelle vie, dans le centre de la lumière et des
connaissances intérieures et spirituelles. Ce centre merveilleux
m’apparaît comme un appartement qui n’est ni grand ni petit; il est
fermé, mais non pas par aucun mur, parce qu'il est tout spirituel.
Ce nouvel appartement où se retire mon âme, le Sauveur Jésus m’a
appris à le nommer le tabernacle admirable. J’y aperçois une grande
croix de douze à quinze pieds de hauteur, dont le Christ est de
grandeur naturelle. Elle repose sur un beau piédestal, qui me paraît
être de marbre ainsi que la croix, mais qui ne l’est pas, parce que
tout y est spirituel. Il y a dans ce tabernacle admirable comme une
atmosphère vivante de lumières, de connaissances et de sentiments
divers qui portent vers Dieu. Il est impossible d’y entrer sans en
être tout pénétré. Or, j'ai vu clairement que ces lumières, ces
connaissances et ces sentiments viennent de la croix du tabernacle
admirable comme d’une source intarissable.
Je ne puis pas
pénétrer, quand je le veux, ni demeurer autant que je le veux dans
le tabernacle admirable. Il m’est néanmoins quelquefois permis d’y
entrer, d’y goûter et d'y recevoir les instructions qui s'y donnent,
quoique sans paroles. C'est une des faveurs les plus signalées que
puisse m’accorder le Sauveur Jésus. Il me l’accorde pour me donner
plus de force et de vigueur afin d’opérer le bien, car je sens cette
force et cette vigueur me pénétrer et m’envelopper intérieurement et
extérieurement, sans que rien soit capable ensuite de m’en
dessaisir.
Vous comprendrez
difficilement ce que j’entends par des instructions sans paroles; je
veux dire, Monsieur, que dans le tabernacle admirable, mon âme voit
les choses si clairement que, soit sur Dieu, sur Jésus-Christ, sur
Marie, sur soi-même, sur la religion, elle s’instruit comme si elle
entendait parler. Souvent elle voit et ne comprend pas; mais elle
goûte avec suavité les étonnants mystères qui sont devant elle.
D’autres fois, un
pouvoir invisible m’empêche d’entrer dans le tabernacle admirable,
ou bien me force d’en sortir dès que j'y suis entrée.
O Monsieur, que de
bonté en ce Sauveur Jésus! Qui me donnera de me confondre en actions
de grâces devant lui, de lui donner à jamais et mon esprit et mon
cœur, et mon âme et tout ce que j’ai!
Je vous prie de vouloir
agréer, Monsieur le Curé, l’hommage de mon plus profond respect et
de ma soumission entière à votre jugement, auquel je soumets toutes
choses.
Votre très humble
servante,
Marie.
Mimbaste, 1er
août 1843. |