Monsieur le Curé,
Le Sauveur Jésus m'a
dit un jour :
« On craint que ce ne
soit pas ma parole que vous entendez. Afin de détromper ou de
rassurer ceux qui vous dirigent, je veux vous indiquer la différence
qui existe entre une personne trompée par le démon ou égarée par son
imagination et celles qui sont conduites par l’Esprit de Dieu.
Faites connaître mon enseignement à ce sujet, et qu'on vous juge
après sans crainte de se tromper.
Ma fille, à quels
signes reconnaît-on le principe des choses extraordinaires qui se
passent dans une âme vertueuse? Je vais vous l’indiquer. Si le démon
ou l’imagination sont le principe de ces merveilles en cette
personne, elle demeurera encore vertueuse, au moins extérieurement.
Mais examinez sa conduite et sa manière d’agir; vous y découvrirez
promptement un orgueil secret, une certaine fierté, un attachement à
tout ce qu'elle éprouve et très peu de docilité. Elle sera sans
douceur, mansuétude, humilité et simplicité. Si elle obéit, elle
obéira par orgueil. Si l’orgueil ne trouve pas de soutien dans son
obéissance, elle n’obéira pas. Elle parlera beaucoup à tout le monde
et avec plaisir de ce qu'elle éprouve; ou bien elle le cachera et
n’en dira rien, pas même à son directeur; elle usera de détours et
de ruses, elle manquera de droiture, de simplicité. Ces signes sont
infaillibles; une personne orgueilleuse, insubordonnée, hypocrite et
fausse n'est point une personne conduite par l’Esprit de Dieu, mais
par les penchants de sa nature corrompue.
Celles, au contraire,
qui sont dirigées par l’Esprit de Dieu sont humbles, soumises et
unies à Dieu, indifférentes à toutes choses, sans volonté propre et
obéissant en tout, sans chercher ou demander raison des ordres
qu'elles reçoivent.
Elles ne parlent à
personne de ce qu'elles éprouvent. Elles restent dans l’oubli et le
silence de leur cœur; elles en parlent pourtant à leurs directeurs,
et c'est là le premier mouvement que j’inspire à leur âme.
Les unes en parlent
facilement, mais toujours avec cette humilité qui est le signe
distinctif de mon esprit et de mon cœur; les autres n’en parlent
qu’avec peine, elles en parlent néanmoins et gagnent plus de mérite
en surmontant leur peine à parler de ce qui se passe entre elles et
moi.
Naturellement le
directeur de ces personnes cherchera à les éprouver. Il leur fera
même subir des épreuves très pénibles et très difficiles. Elles
supporteront tout sans se plaindre et avec une patience admirable,
parce qu'elles auront toujours mon exemple sous leurs yeux. Rien ne
les rebutera, elles se soumettront à tout. Elles feront aujourd'hui
ce qu’on leur commandera et ne le feront plus demain si on le leur
défend. Elles agiront moins par elles-mêmes que d’après la volonté
de leur directeur. Elles auront foi à sa parole comme à ma propre
parole et ne se fieront nullement sur elles.
À ces signes on
reconnaîtra l’esprit de Satan ou mon esprit en ces personnes, les
mouvements de mes grâces les plus signalées.
Quelquefois, c'est mon
esprit qui travaille une âme comme un laboureur le champ de sa
famille; mais le démon veut y semer l’ivraie de son esprit et
étouffer le bien que j’ai fait à cette âme.
Voici la manière d’agir
du démon. Écoutez-moi attentivement.
Le démon, ma fille,
n’agit pas de la même manière vis-à-vis de toutes sortes de
personnes. Il consulte le caractère, l’inclination, la force ou la
faiblesse de chacun; il considère l’état des âmes, leur amour pour
moi ou leur peu d’affection, et puis il commence habilement son
œuvre.
Il voit une personne
pieuse comblée d'une de ces grâces si admirables et si admirées
parmi les saints. Que fait le démon? Il essaye de la porter à la
vanité, de lui faire comprendre qu'elle doit être quelque chose
puisqu’elle a reçu de pareilles grâces. S’il est repoussé, il ne se
décourage point, il revient à la charge et il l’importune si fort
que, si cette âme n’y apporte prompt remède et ne court à moi dans
ces circonstances, le souffle du démon sera en elle comme un levain
qui la fera fermenter dans la révolte contre son Sauveur par
l’orgueil le plus coupable et le plus criminel.
Une autre personne
reçoit les mêmes faveurs. Que fera le démon? Il lui inspirera de les
tenir cachées, de n’en parler à personne. Ainsi il troublera sa paix
et son repos et la détournera, par ces inquiétudes, de Dieu et de la
vertu.
Que fera le démon
vis-à-vis d'une autre personne ainsi favorisée? Il la poussera à en
parler facilement, elle en entretiendra ses amis. Ils divulgueront
cette nouvelle, qui relèvera l’estime que l’on a d’elle. Elle s’en
apercevra et recevra sans s’en douter le germe d’orgueil que le
démon lui glissera aussitôt dans l’âme. Elle se croira élevée au
dessus des autres. Pauvre âme! l’orgueil l’aura abaissée plus bas
que terre et séparée de Dieu.
D’autres fois le démon
se transformera en ange de lumière; il simulera mon langage et ma
manière de parler, afin de prendre empire sur une âme, et puis, il
lui glissera l’erreur et le mensonge, sources de tout péché.
Enfin, ma fille, quand
une personne est vertueuse et qu'elle éprouve les bienfaits de ma
grâce, sans pourtant participer à mes grâces que je n’accorde que
par un effet tout particulier de ma bonté, le démon se sert de
toutes les dispositions qui sont en elle pour la perdre. Si son
imagination est vive et son tempérament pétulant, il la frappera par
certaines visions, lui persuadant qu'elle a des révélations, et elle
le croira si fort qu'il n'y aura point moyen de la dissuader. Il se
servira de sa négligence, de son imprudence, de sa trop grande
familiarité, en un mot de tout ce qui peut être défectueux en elle
pour l’entraîner à sa perte et à sa ruine.
Toutes ces personnes
doivent dire à leur directeur ce qui se passe en elles, sans cela
elles tombent infailliblement dans les pièges de leur plus grand
ennemi.
Le directeur connaîtra
si elles sont dans la bonne voie d’après leur obéissance et leur
soumission à ses avis et à ses conseils. Si elles n’écoutent point
la voix de leur directeur, elles ne sont point conduites par mon
esprit. Si elles cachent ce qui leur est dit, et si celui qui leur
parle les oblige à ne rien dire à leur confesseur, elles ne sont
point conduites par mon esprit, ce n'est pas ma voix qu'elles
entendent; car je n’ai jamais défendu de parler de ce que je disais,
d’en parler du moins à ceux qui dirigent les âmes que je me plais à
enseigner.
Écrivez ces mots, ma
fille, ils seront utiles à beaucoup d’âmes illusionnées et trompées
par l’esprit de mensonge, quand elles les auront lus. Écrivez-les et
celui qui vous dirige verra bien clairement quel est le principe qui
les a dictés. Il y verra un caractère de franchise et de vérité qui
n’appartiennent point à Satan, mais seulement à la vérité incarnée,
à Dieu lui-même.
Qu’il vous juge et
qu'il dise franchement à son tour ce qu'il pense de vous et de celui
qui vous parle.
Allez en paix, ma
fille, votre directeur sait bien que c'est moi qui vous parle.
Depuis longtemps il aurait mis fin aux épreuves qu'il vous impose.
C'est au souffle de mon esprit qu'il les continue et que son
directeur l’engage à les continuer. »
Je vous dis toutes ces
choses, Monsieur le Curé, avec la plus grande et la plus entière
confiance. Je les dis aussi par obéissance et soumission, je ne
prétends vous rien apprendre, de moi-même je ne sais rien. Je ne
fais que vous rapporter ce que j’ai entendu. Vous en jugerez comme
il vous plaira, ou plutôt comme vous devez le faire pour la gloire
de Dieu et pour le salut de l’âme de votre enfant en Jésus-Christ
Notre-Seigneur.
Recevez, Monsieur,
l’assurance de tout mon respect et de ma parfaite considération.
Votre très-humble
servante,
Marie.
Mimbaste, 20 juin 1843. |