Monsieur le Curé,
Je viens soumettre avec
confiance à votre jugement l’enseignement que j’ai reçu sur l’état
de viduité.
« Ma fille, me dit le
Sauveur Jésus, la femme est soumise à son mari et lui doit
obéissance tant qu'il vit. La mort seule peut rompre ses liens, mais
elle les rompt entièrement; de telle sorte qu'elle peut contracter
un nouveau mariage, car elle est libre. Si cette femme ne peut
garder la continence, si elle ne se sent point assez de force, de
vigueur et de courage pour demeurer chaste en sa viduité, qu'elle se
lie par un nouveau mariage. Mais qu'elle se garde de chercher cette
nouvelle union uniquement pour satisfaire ses passions; qu'elle se
marie pour plaire à Dieu dans l’observation de ses lois et de ses
commandements, et la pureté de son âme. Pour cela, il lui est permis
de chercher à plaire à celui qu'elle choisit pour son époux; mais
dans cette recherche, qu'elle n’oublie pas qu'il doit y avoir en
elle plus de gravité que si elle n’avait point été mariée, et que
jamais elle ne doit permettre rien de contraire à la volonté de
Dieu. Elle doit agir comme je vous l’ai indiqué dans les relations
entre deux fiancés. Tel est, ma fille, le droit d’une veuve; elle
peut se marier une seconde, une troisième, une quatrième fois si
elle devient libre une, deux ou trois fois par la mort de son mari.
Néanmoins, ma fille,
il est bien glorieux pour une veuve de ne point contracter un second
mariage et de demeurer fidèle à son époux, même mort. D’ailleurs, si
elle a une véritable affection pour celui qu'elle a perdu bien que
les liens du corps soient rompus elle ne voudra pas rompre et briser
les liens du cœur; elle n’usera de la liberté qui lui a été donnée
que pour servir Dieu avec plus de fidélité et avancer de plus en
plus dans la vertu.
Quelles raisons une
veuve pourrait-elle donner afin de se marier de nouveau? Sa
jeunesse, sa faiblesse, la recherche d’un appui et d’un soutien?
Mais la jeunesse est-elle donc une obligation pour un second
mariage? La faiblesse? Est-ce donc le mariage qui donne la force, ou
bien le Très-Haut, qui s’appelle de Dieu fort, le Tout-Puissant? La
recherche d’un appui et d’un soutien? Est-ce donc sur quelqu’un qui
a lui-même besoin de soutien qu'elle espère pouvoir se soutenir
suffisamment? Faut-il jamais préférer l’appui d’un homme, trop
faible pour se soutenir lui-même, à celui de Dieu, qui soutient le
monde entier?
Sans doute, comme je
vous l’ai déjà dit, il est permis à une veuve de s’unir encore en
mariage; mais en vérité je vous le dis, il est bien plus parfait
qu'elle ne le fasse point et bien plus convenable qu'elle
s’ensevelisse dans la retraite, au souvenir de son époux enseveli
dans le tombeau.
Il en est peu qui
comprennent ces paroles; heureuses celles qui les comprennent et les
mettent en pratique!
Heureuses les veuves
qui, dès le premier jour de leur veuvage, prennent des habits de
deuil et de tristesse, qu'elles ne quittent que pour le suaire blanc
de leur tombeau!
Heureuses les veuves
qui vivent de telle manière que tous ceux qui les voient disent
non-seulement : Voilà une veuve! Mais encore : Voilà une veuve
chrétienne!
Heureuses les veuves
qui sont ainsi en spectacle aux hommes et aux anges par leur retenue
et leur modestie!
Une veuve ne doit
point chercher à plaire au monde par ses ajustements, ni par la
somptuosité de ses habits. Elle ne doit point vivre, comme vit le
monde, dans le bruit et le tumulte. Elle ne doit point chercher les
assemblées du monde, fréquenter les places, ni les promenades
publiques. Son unique occupation doit être de chercher à plaire à
Dieu. elle doit fuir toutes les pompes extérieures, toutes les
parures, tous les ornements du corps et ne s’occuper que de rendre
son âme de plus en plus belle, de plus en plus ornée de vertus, de
plus en plus enflammée par l’amour de Dieu. Il faut que toute sa
beauté soit intérieure. Peu importe que les hommes ne voient et ne
pénètrent point cette lumière dont resplendira son âme. Dieu la
verra bien, cela doit lui suffire.
Néanmoins il ne doit
y avoir rien de désordonné dans une veuve. Qu'elle soit toujours
vêtue d’une manière convenable à sa condition, mais avec simplicité
et sans apprêt.
Une veuve, plus que
personne, doit comprendre que les plaisirs de la vie sont passagers
et fugitifs, que tout disparaît promptement sur la terre, qu'il n'y
a point de joie de longue durée et que par conséquent elle ne doit
point y attacher son cœur. Les joies, les satisfactions, le
contentement, la paix ne doivent pourtant pas être éloignés d’elle;
elle les trouvera non point dans la chair, non point dans les sens,
non point dans le monde, non point dans la vie animale et terrestre,
mais en Dieu, joie, félicité, bonheur, paix et consolation des âmes.
Qu'elle s’attache à Dieu, et Dieu lui donnera dans sa vie chaste et
pure les chastes et pures délices dont il enivre les âmes qui ont
les yeux levés au ciel.
Dieu ne manque jamais
aux âmes qui le prennent pour la part de leur héritage, qui
s’abandonnent à lui, qui lui demandent secours et appui, qui lui
donnent le nom de père et le regardent comme tel. Il est
spécialement le Dieu des veuves et des orphelins, c'est-à-dire qu'il
veille davantage sur eux. Les veuves et les orphelins ont en effet
peu de secours et d’appui sur la terre, mais ils ont l’appui et le
secours de Dieu; Dieu les garde, les protège et les délivre de tout
danger. Qui donc affligera celui que Dieu console ? Qui attaquera
celui que Dieu défend ? Qui menacera celui que Dieu protège ?
Une veuve doit mettre
toute sa confiance en Dieu et s’abandonner à lui, marcher en sa
présence et tendre avec un grand désir vers la perfection.
Pour cela elle doit
veiller sur sa maison, sur ses intérêts temporels, non pour s'y
attacher, mais pour en faire l’usage le plus convenable et le plus
en rapport avec les sentiments pieux et charitables que Dieu met
dans son cœur. Elle ne doit point rester oisive. Elle doit
travailler selon sa condition. Elle doit nourrir son cœur de bonnes
pensées, de saints désirs, de sentiments de charité envers Dieu et
le prochain, faire de bonnes œuvres selon ses facultés et ses
loisirs. Elle doit veiller soigneusement sur sa chasteté, fuir
toutes occasions dangereuses, garder sa réputation intacte et à
l’abri de toute détraction. Elle l’obtiendra si elle est vigilante,
si elle s’observe, si elle est modeste, réservée, éloignée du monde.
Toute détraction injuste, toute calomnie tombera d’elle-même, si
jamais elle en était victime par la perversité des méchants.
Une veuve ne doit
point oublier que la chasteté pour elle comme pour tous est un don
de Dieu ; par conséquent, elle doit la demander à Dieu souvent, tous
les jours, ne point se croire plus forte qu'elle ne l’est, se
rappeler que toute chair est faible et que Dieu seul accorde la
victoire sur les passions, et entretient le cœur humain dans le
bien, la vérité et la vertu.
Dieu ne lui refusera
pas ce qu'elle lui demandera avec un cœur pur et droit, il la
fortifiera, il la rendra inébranlable comme une colonne d’airain.
Une veuve, ma fille,
trouve un modèle accompli de la manière dont elle doit se comporter
et agir pendant sa vie. L’Église, que j’ai acquise par mon sang et
que j’ai établie sur la terre, est mon épouse. Je suis son époux.
Or, depuis mon ascension, mon épouse est demeurée veuve parce que je
suis monté au ciel. Je suis et je serai néanmoins avec elle par le
sacrement de mon amour et par mes grâces, mais je ne serai avec elle
d'une manière visible que dans le ciel. Or, ma fille, que fait
l’église ? Elle a constamment les yeux fixés sur moi. Son cœur m’est
uni par des liens indissolubles. Elle vit dans la fidélité de
l'amour qu'elle m’a juré, et elle persévérera jusqu’à la fin. Elle
ne s’attache point aux biens périssables de ce monde. Je suis sa
richesse, son tout. Elle ne soupire qu’après le moment de ma
possession. Elle ne demande que la consommation pour l’éternité de
notre union dans le royaume de mon Père. Elle passe en faisant le
bien.
Que les veuves
agissent ainsi, qu'elles s’attachent à Dieu et coulent le reste de
leur vie dans la pratique du bien.
Ce que je viens de
vous dire, ma fille, d'une femme qui a perdu son époux, je le dis
aussi d’un homme qui perdu son épouse. Il peut se marier de nouveau
; il fera mieux de ne pas contracter un second mariage.
Qu'il agisse comme je
l'ai indiqué pour une femme veuve, car l'homme, comme la femme, a
une âme à sauver, un Dieu à aimer et à adorer. Il a comme elle des
devoirs à remplir. Heureux celui qui est fidèle et marche dans la
crainte et l’amour de Dieu ! »
Telle est l’instruction
que m'a donnée le Sauveur Jésus. Il me semble avoir dit à peu près
toutes ses paroles.
Recevez, Monsieur le
Curé, l’assurance de ma profonde vénération.
Votre très-humble
servante,
Marie.
Mimbaste, 15 octobre
1842.
SOURCE : http://jesusmarie.free.fr/
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