Monsieur le Curé,
Le Sauveur Jésus m’a donné un jour un enseignement que je viens vous
soumettre. Voici comment il m'a parlé, et comment j'ai retenu ses
paroles.
« Ma fille, me dit-il, je veux vous expliquer ce qu'on ne vous a
jamais expliqué, savoir : l’union de l'âme avec le corps, la manière
dont l'âme anime et vivifie le corps, et les rapports qui existent
entre les puissances de l'âme.
L’âme est un être spirituel, qui n'a ni corps, ni figure, ni
couleur, de telle sorte qu'elle ne peut tomber sous les sens. Elle
est indivisible, parce quelle est spirituelle; elle est le principe
vital du corps : séparé de l'âme, le corps est sans vie. Or, comme
Dieu est le vivificateur de toutes choses et que tout ce qui a vie
l'a reçue de lui, l'âme vient de Dieu. Elle est donc éternelle dans
son principe, puisqu’elle vient de Dieu; elle est éternelle aussi
dans sa fin, car elle ne finira jamais.
Dieu a fait l'âme à son image et l'a douée de qualités en rapport
de ressemblance avec ses attributs divins. L'âme pense, juge,
connaît, veut, parce que Dieu veut, connaît, juge et pense. Elle a
reçu une imitation de l’immensité de Dieu par son agilité qui lui
fait parcourir en un clin d’œil toute l’étendue de la terre, et lui
permet de se transporter de la terre au ciel, et du ciel au plus
profond des enfers.
L'âme est un esprit doué de facultés, Dieu a donné à cet esprit un
instrument pour l’exercice de ses facultés, c'est le corps dans
lequel elle habite, qu'elle vivifie, qu'elle anime, qu'elle met en
mouvement comme il lui plaît.
Le corps a plusieurs membres qui ont chacun un usage particulier
et qui sont tous animés par l’âme. L'âme est indivisible. Elle est
aussi bien dans la plus petite partie du corps que dans la plus
grande; elle y est toute entière. Cependant il n'y a pas plusieurs
âmes dans un seul corps; il n'y a qu’une, bien que le corps ait
plusieurs parties.
Voilà pourquoi quand un homme perd un de ses membres, un bras, une
jambe, un œil ou une partie de lui-même, à moins que cette partie ne
soit une partie essentielle, comme le cœur ou la tête, l’âme demeure
tout entière dans le corps, bien qu'elle n’agisse plus dans la
partie qui a été enlevée. Elle agirait en l'homme sur ce membre
enlevé, s'il n’était point enlevé; si elle n’agit plus, c'est qu'il
n'est plus uni avec le corps, et par conséquent sous l’action de
l'âme.
L’âme habite dans tout le corps, mais elle a pour siège
particulier la tête et le cœur. C'est de là qu'elle répand sa
vitalité dans tout le corps, qu'elle se rend présente dans toutes
ses parties, qu'elle les vivifie toutes, qu'elle les met toutes en
mouvement, qu'elle commande à toutes. Voilà pourquoi si on enlève la
tête ou le cœur à un homme l'âme qui n'a plus son siège principal se
sépare du corps qui demeure sans vie.
L'âme, pour user d’une comparaison, est comme un cercle, dont les
rayons appartiennent au cercle et ne font qu'un avec le cercle;
toutes les facultés appartiennent à l'âme et ne font qu'un avec
elle.
Les diverses facultés de l'âme sont : l’imagination, la mémoire,
l’entendement, la volonté et la raison.
L’imagination est la faculté de l'âme par laquelle elle se
représente les choses ou les objets, ce qui vous montre combien
l’ouïe et la vue ont un grand rapport avec elle. L’imagination jette
à la mémoire, avec qui elle a une union intime, les objets qu'elle a
vus ou les choses qu'elle a entendues. L’entendement est comme la
chambre du conseil de ce qui se passe dans l'âme. Il voit les
choses, les considère, les examine et les présente à la volonté,
selon le jugement qu'il en fait. Il a pour conseiller et pour
flambeau la raison.
Il faut que la raison et l’entendement soient d’accord, sans cela
on ne fait point le bien. La raison sans l’entendement ne peut rien,
et l’entendement sans la raison ne marche point dans la voie droite.
L’entendement reçoit les lumières de la raison et celles de Dieu.
Lorsque les lumières de Dieu sont plus grandes, plus apparentes ou
plus claires que celles de la raison, l’entendement doit toujours
les préférer. Quand Dieu laisse l’entendement aux lumières de la
raison, c’est d’après ces lumières qu'il doit se diriger.
Quand l’entendement a jugé une chose, il la présente à la volonté
comme à la reine et à la supérieure des autres facultés. Si ce qui
lui est proposé lui plaît, la volonté l’agrée; s'il en est
autrement, ou qu'elle s’en défie, elle le renvoie à l’entendement et
demande un second conseil. L’entendement scrute de nouveau dans la
mémoire et l’imagination et tâche de faire agréer ce qu'il présente.
Le démon accourt toujours dans le conseil qui se forme parmi les
facultés de l'âme, il cherche à répandre ses ténèbres et à faire
réussir le plaidoyer selon ses vues.
Mais la volonté a un censeur, un témoin de ses actes, une voix qui
lui dit qu'ils sont bons ou mauvais, qu'elle peut agréer ou refuser
ce qui lui est présenté; c'est la conscience.
Si la volonté agit contre le sentiment de sa conscience, celle-ci
élève la voix qui n'est autre que la voix de Dieu, et qui est
chargée de reproches amers et incessants. Si la volonté agit selon
le sentiment de la conscience, tout se conserve en bonne harmonie et
en paix parmi les facultés de l'âme, parce qu'elles sont réglées
selon le bien. Quand la conscience est satisfaite, toutes les
facultés sont dans la jouissance de la paix et de la tranquillité;
quand elle fait entendre des reproches, tout est dans le trouble,
parce que la conscience fait germer le remords dans l'âme.
Ainsi donc, quand l’entendement consulte la volonté, la volonté
doit écouter la voix de la conscience et agir d'après cette voix.
Telle est l’union des facultés.
Je veux maintenant vous parler de l’esprit. L’esprit est la partie
la plus subtile et la plus spirituelle de l’imagination. C'est le
souffle qui met en mouvement toutes les autres facultés de l'âme.
L'esprit est ce qui fatigue le plus la volonté, ce qui lui donne le
plus de peine; car malgré ses soins et sa vigilance, souvent elle
n’en est point maîtresse, il lui échappe, elle ne peut le retenir.
Il se transporte où il veut, sans que les distances, les portes ou
les murailles soient pour lui un obstacle; il va dans le ciel et
dans les enfers; il pénètre même le cœur d'une personne; il est
toujours en mouvement, il n'a jamais un moment de repos. Quand il
est en dehors des facultés, elles sont calmes et tranquilles; s'il
revient dedans, il les met toutes en mouvement, il les occupe
toutes; il leur donne à toutes travail et activité.
La volonté est plus ou moins maîtresse de l’esprit, selon qu'elle
lui donne plus ou moins de liberté.
Il y a diverses sortes d’esprits. Les uns sont turbulents,
inconstants ou légers, les autres pesants et assoupis; ceux-ci vifs
et pénétrants, ceux-là réfléchis et avisés. Tous ont en eux cette
partie spirituelle et subtile de l’imagination, mais tous ne l’ont
pas au même degré; de là leur diversité.
Si l’esprit, comme je vous l’ai dit, met toutes les facultés en
mouvement, c'est de lui que procèdent, comme d'un premier principe
intérieur, tous les actes de ces facultés.
L’esprit siège dans la tête et dans le cœur; c'est là qu'il
accomplit toutes ses opérations, dans la tête par les idées, dans le
cœur par les pensées.
Quand une idée est formée dans l’esprit, celui-ci la présente à la
mémoire qui la communique à l’entendement. Celui-ci consulte la
raison, et puis il juge selon les lumières qu'il reçoit de Dieu, de
la raison et de l’esprit. Quand il a jugé, il présente son jugement
à la volonté; la volonté le présente à la conscience qu'elle
consulte comme son censeur. La conscience, par les lumières qu'elle
reçoit de l’entendement et le rapport intime qui est entre eux, fait
connaître son sentiment à la volonté, et la volonté agit selon le
sentiment de la conscience pour avoir la paix, ou bien elle en
appelle à un second conseil. Celui qui a présenté l’idée à l’esprit
et l’a formée en lui préside à ce conseil, savoir Dieu, le démon ou
l’esprit lui-même, chacun tâchant de faire réussir sa cause.
Toutes les idées qui viennent de Dieu sont bonnes; celles qui
viennent du démon sont mauvaises ou tendent au mal; celles qui
viennent de l’esprit sont indifférentes. Elles n'ont point toutes la
même intensité dans le bien ni dans le mal, parce que l'esprit qui
les élabore n'a pas en tout la même force, la même vigueur, le même
souffle. L'esprit tire sa force de Dieu qui la lui donne, mais il
l’augmente avec les connaissances qu'il acquiert par l’étude et
l’application. Quand l'esprit cherche à augmenter sa force, toutes
les facultés lui prêtent secours, et puis, à son tour, il leur fait
part des connaissances qu'il a acquises pour les perfectionner
elles-mêmes.
L'esprit prend son origine dans l’imagination et siège par
conséquent dans la tête où réside cette faculté de l'âme. Il siège
aussi dans le cœur par les pensées.
Les pensées, comme les idées, ont plusieurs principes. Elles
viennent de Dieu, du démon, de la nature corrompue ou de l'esprit
lui-même.
Que les pensées viennent de l'un ou de l'autre de ces principes,
elles sont présentées à la volonté qui les livre à l’entendement,
afin qu'elles soient jugées comme les idées. Ce commerce intérieur
s’appelle réflexion, considération, méditation.
Puisqu'il y a plusieurs principes, il doit y avoir plusieurs
sortes de pensées. Celles qui viennent de Dieu étant formées par le
souffle de sa grâce, sont toutes bonnes. Celles qui viennent du
démon, de la nature corrompue ou de la partie inférieure de l'âme,
sont mauvaises ou tendent au mal; celles qui viennent de l'esprit
sont indifférentes, elles deviennent bonnes si elles sont saisies
par Dieu, sa grâce et son esprit; mauvaises, si le démon ou
l’entraînement au mal prend empire sur elles.
Or, pour toutes les pensées, comme pour les idées, il n'est pas
nécessaire de tenir toujours conseil; la volonté seule, par les
lumières et les connaissances qu'elle reçoit de l’entendement, les
accueille ou les rejette, selon qu'elle croit devoir le faire. Ce
serait un travail trop pénible et trop fatigant qu'un jugement
séparé et distinct formé par le conseil de toutes les facultés de
l'âme, pour chaque idée et chaque pensée.
Ce conseil n'a lieu que pour les grandes pensées, les pensées
graves et importantes. Dans les autres cas, la volonté agit comme un
avocat qui donne ses avis pour des affaires de peu d’importance,
selon les lumières qui sont en son esprit, et qui ne fait un
plaidoyer selon les règles que devant les juges et le tribunal de
justice.
" L'esprit est indépendant de toutes les autres facultés, et la
volonté les domine toutes. La volonté pourtant règne plus dans le
cœur que dans la tête, parce que c'est dans le cœur qu'elle réside.
La volonté est reine et maîtresse des autres facultés; mais il lui
faut un maître à elle aussi, c'est Dieu ou Satan.
Dieu et Satan se la disputent, l'un et l'autre lui demandent la
préférence. Tant que la volonté délibère, elle est en de rudes
combats.
Dieu et Satan plaident chacun leur cause devant la volonté, en
montrant les avantages de leur parti respectif. Or, comme Dieu ne
trompe jamais, il montre non seulement les avantages, mais aussi les
peines et les difficultés qui se présenteront sous son drapeau. Le
démon, au contraire, montre les roses et cache les épines; il parle
de plaisirs et de jouissances; il ne dit mot des peines et des
tribulations dont il abreuve ceux qui l’écoutent.
Dieu parle à la volonté par les mouvements de sa grâce, par les
consolations de la vertu, par les avis et conseils des hommes sages
et surtout de ses ministres.
Satan parle à la volonté par le plaisir et les vanités du monde,
les mauvais exemples, les paroles et les discours des hommes
perverses, et leurs railleries contre la religion.
La raison et la conscience viennent au secours de la volonté et la
conseillent. La raison est la lumière de la volonté; la conscience,
la voix qui lui dit de marcher selon cette lumière. La conscience et
la raison ont les rapports les plus intimes. Elles sont presque
toujours du même avis. Voici les principes et les sentiments de la
conscience : fais le bien, évite le mal. Ne fais point à autrui ce
que tu ne voudrais point qu'il fit à ton égard; rends à chacun ce
qui lui est dû.
Si la volonté agit contre la conscience, celle-ci le lui reproche.
La conscience est l’organe de Dieu, comme la nature corrompue est
l’organe de Satan. Aussi, quand la volonté agit selon la conscience,
c'est-à-dire selon Dieu dont elle est l’organe, elle a pour ennemis
le démon, le monde, la nature corrompue ou la partie inférieure de
l'âme, mais Dieu lui donne grâce et secours pour la faire triompher
de ses ennemis. Dieu retire ses grâces à celui qui suit le parti du
démon; il le poursuit par le remords, car il est écrit qu'il n'y a
point de paix pour l’impie. Suivre le parti de la conscience, c'est
marcher dans le chemin de la vertu, car la conscience est le germe
merveilleux qui développe le bien en vous. Suivre la voie de la
nature corrompue, c'est marcher dans le chemin du vice, car la
nature corrompue est le germe déplorable qui développe le mal dans
les âmes.
Telles sont les luttes et les combats des facultés en face de Dieu
et de Satan. Malheur à l'âme qui s’habitue à donner la victoire à
Satan contre Dieu! le dernier combat sera un combat de mort pour
elle et de victoire pour Dieu. Heureuse l'âme qui s’attache toujours
à Dieu! elle aura vite affaiblie ses ennemis, et Dieu l’illuminera
de sa lumière, la fortifiera par ses grâces et la verra toujours
d’un œil de complaisance. Le démon cherchera, mais en vain, à la
troubler : la paix se trouve dans le service de Dieu.
Quand la volonté se révolte contre Dieu, la conscience devient le
témoin de Dieu, et la mémoire, le livre où s’inscrit cette révolte,
qui est plus ou moins coupable, selon que le consentement est plus
ou moins parfait et la matière plus ou moins considérable. »
Vous penserez de ceci ce qu'il vous plaira. J'ai connu que le
Sauveur aurait eu de bien plus grandes lumières à me donner
là-dessus, et je confesse que, par moi-même, je suis non seulement
incapable de les acquérir, mais même d'avoir su jamais ce que je
viens d’écrire, s'il ne me l’avait appris lui-même.
Il me les a apprises lui-même avec bonté et je les ai retenues
naturellement et sans difficulté comme pendant le jour mon œil
reçoit et conserve la lumière du soleil, comme mon oreille reçoit et
conserve, autant que cela est nécessaire, les paroles prononcées
qu'elle entend. Ses instructions se sont gravées aussi facilement en
moi que l’empreinte des doigts de ma main sur une cire molle.
Comment cela s’opère-t-il? Je ne le sais point, mais il en est
ainsi, et je me soumets à la volonté de Dieu comme je me soumets à
votre volonté, qui ne peut et ne doit pas être différente de la
volonté de Dieu, puisque vous êtes revêtu du caractère sacerdotal,
selon l’ordre de Melchisédech, comme Jésus-Christ mon Sauveur. Je
suis fille de Dieu par le baptême, je suis aussi votre fille en Dieu
et vous me représentez l’autorité de Dieu lui-même. Je dois par
conséquent me soumettre à votre volonté, attendre, écouter et suivre
toutes vos décisions. Or, pour cela, je dois me montrer à vous telle
que je suis et ne vous rien cacher; je le fais ainsi.
Recevez, Monsieur le Curé, l’assurance de mes sentiments très
respectueux avec lesquels je suis,
Votre très humble servante,
Marie
Mimbaste, 11 juillet 1842.
SOURCE : http://jesusmarie.free.fr/
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