CHEMIN DE SAINTETÉ

adveniat regnum tuum

Lettre VII
De l’union de l'âme avec le corps.
Comment l'âme est la vie du corps.
Union des puissances de l'âme.
Du rôle de chaque faculté dans la constitution du péché

Monsieur le Curé,

Le Sauveur Jésus m’a donné un jour un enseignement que je viens vous soumettre. Voici comment il m'a parlé, et comment j'ai retenu ses paroles.

« Ma fille, me dit-il, je veux vous expliquer ce qu'on ne vous a jamais expliqué, savoir : l’union de l'âme avec le corps, la manière dont l'âme anime et vivifie le corps, et les rapports qui existent entre les puissances de l'âme.

L’âme est un être spirituel, qui n'a ni corps, ni figure, ni couleur, de telle sorte qu'elle ne peut tomber sous les sens. Elle est indivisible, parce quelle est spirituelle; elle est le principe vital du corps : séparé de l'âme, le corps est sans vie. Or, comme Dieu est le vivificateur de toutes choses et que tout ce qui a vie l'a reçue de lui, l'âme vient de Dieu. Elle est donc éternelle dans son principe, puisqu’elle vient de Dieu; elle est éternelle aussi dans sa fin, car elle ne finira jamais.

Dieu a fait l'âme à son image et l'a douée de qualités en rapport de ressemblance avec ses attributs divins. L'âme pense, juge, connaît, veut, parce que Dieu veut, connaît, juge et pense. Elle a reçu une imitation de l’immensité de Dieu par son agilité qui lui fait parcourir en un clin d’œil toute l’étendue de la terre, et lui permet de se transporter de la terre au ciel, et du ciel au plus profond des enfers.

L'âme est un esprit doué de facultés, Dieu a donné à cet esprit un instrument pour l’exercice de ses facultés, c'est le corps dans lequel elle habite, qu'elle vivifie, qu'elle anime, qu'elle met en mouvement comme il lui plaît.

Le corps a plusieurs membres qui ont chacun un usage particulier et qui sont tous animés par l’âme. L'âme est indivisible. Elle est aussi bien dans la plus petite partie du corps que dans la plus grande; elle y est toute entière. Cependant il n'y a pas plusieurs âmes dans un seul corps; il n'y a qu’une, bien que le corps ait plusieurs parties.

Voilà pourquoi quand un homme perd un de ses membres, un bras, une jambe, un œil ou une partie de lui-même, à moins que cette partie ne soit une partie essentielle, comme le cœur ou la tête, l’âme demeure tout entière dans le corps, bien qu'elle n’agisse plus dans la partie qui a été enlevée. Elle agirait en l'homme sur ce membre enlevé, s'il n’était point enlevé; si elle n’agit plus, c'est qu'il n'est plus uni avec le corps, et par conséquent sous l’action de l'âme.

L’âme habite dans tout le corps, mais elle a pour siège particulier la tête et le cœur. C'est de là qu'elle répand sa vitalité dans tout le corps, qu'elle se rend présente dans toutes ses parties, qu'elle les vivifie toutes, qu'elle les met toutes en mouvement, qu'elle commande à toutes. Voilà pourquoi si on enlève la tête ou le cœur à un homme l'âme qui n'a plus son siège principal se sépare du corps qui demeure sans vie.

L'âme, pour user d’une comparaison, est comme un cercle, dont les rayons appartiennent au cercle et ne font qu'un avec le cercle; toutes les facultés appartiennent à l'âme et ne font qu'un avec elle.

Les diverses facultés de l'âme sont : l’imagination, la mémoire, l’entendement, la volonté et la raison.

L’imagination est la faculté de l'âme par laquelle elle se représente les choses ou les objets, ce qui vous montre combien l’ouïe et la vue ont un grand rapport avec elle. L’imagination jette à la mémoire, avec qui elle a une union intime, les objets qu'elle a vus ou les choses qu'elle a entendues. L’entendement est comme la chambre du conseil de ce qui se passe dans l'âme. Il voit les choses, les considère, les examine et les présente à la volonté, selon le jugement qu'il en fait. Il a pour conseiller et pour flambeau la raison.

Il faut que la raison et l’entendement soient d’accord, sans cela on ne fait point le bien. La raison sans l’entendement ne peut rien, et l’entendement sans la raison ne marche point dans la voie droite. L’entendement reçoit les lumières de la raison et celles de Dieu. Lorsque les lumières de Dieu sont plus grandes, plus apparentes ou plus claires que celles de la raison, l’entendement doit toujours les préférer. Quand Dieu laisse l’entendement aux lumières de la raison, c’est d’après ces lumières qu'il doit se diriger.

Quand l’entendement a jugé une chose, il la présente à la volonté comme à la reine et à la supérieure des autres facultés. Si ce qui lui est proposé lui plaît, la volonté l’agrée; s'il en est autrement, ou qu'elle s’en défie, elle le renvoie à l’entendement et demande un second conseil. L’entendement scrute de nouveau dans la mémoire et l’imagination et tâche de faire agréer ce qu'il présente.

Le démon accourt toujours dans le conseil qui se forme parmi les facultés de l'âme, il cherche à répandre ses ténèbres et à faire réussir le plaidoyer selon ses vues.

Mais la volonté a un censeur, un témoin de ses actes, une voix qui lui dit qu'ils sont bons ou mauvais, qu'elle peut agréer ou refuser ce qui lui est présenté; c'est la conscience.

Si la volonté agit contre le sentiment de sa conscience, celle-ci élève la voix qui n'est autre que la voix de Dieu, et qui est chargée de reproches amers et incessants. Si la volonté agit selon le sentiment de la conscience, tout se conserve en bonne harmonie et en paix parmi les facultés de l'âme, parce qu'elles sont réglées selon le bien. Quand la conscience est satisfaite, toutes les facultés sont dans la jouissance de la paix et de la tranquillité; quand elle fait entendre des reproches, tout est dans le trouble, parce que la conscience fait germer le remords dans l'âme.

Ainsi donc, quand l’entendement consulte la volonté, la volonté doit écouter la voix de la conscience et agir d'après cette voix.

Telle est l’union des facultés.

Je veux maintenant vous parler de l’esprit. L’esprit est la partie la plus subtile et la plus spirituelle de l’imagination. C'est le souffle qui met en mouvement toutes les autres facultés de l'âme. L'esprit est ce qui fatigue le plus la volonté, ce qui lui donne le plus de peine; car malgré ses soins et sa vigilance, souvent elle n’en est point maîtresse, il lui échappe, elle ne peut le retenir. Il se transporte où il veut, sans que les distances, les portes ou les murailles soient pour lui un obstacle; il va dans le ciel et dans les enfers; il pénètre même le cœur d'une personne; il est toujours en mouvement, il n'a jamais un moment de repos. Quand il est en dehors des facultés, elles sont calmes et tranquilles; s'il revient dedans, il les met toutes en mouvement, il les occupe toutes; il leur donne à toutes travail et activité.

La volonté est plus ou moins maîtresse de l’esprit, selon qu'elle lui donne plus ou moins de liberté.

Il y a diverses sortes d’esprits. Les uns sont turbulents, inconstants ou légers, les autres pesants et assoupis; ceux-ci vifs et pénétrants, ceux-là réfléchis et avisés. Tous ont en eux cette partie spirituelle et subtile de l’imagination, mais tous ne l’ont pas au même degré; de là leur diversité.

Si l’esprit, comme je vous l’ai dit, met toutes les facultés en mouvement, c'est de lui que procèdent, comme d'un premier principe intérieur, tous les actes de ces facultés.

L’esprit siège dans la tête et dans le cœur; c'est là qu'il accomplit toutes ses opérations, dans la tête par les idées, dans le cœur par les pensées.

Quand une idée est formée dans l’esprit, celui-ci la présente à la mémoire qui la communique à l’entendement. Celui-ci consulte la raison, et puis il juge selon les lumières qu'il reçoit de Dieu, de la raison et de l’esprit. Quand il a jugé, il présente son jugement à la volonté; la volonté le présente à la conscience qu'elle consulte comme son censeur. La conscience, par les lumières qu'elle reçoit de l’entendement et le rapport intime qui est entre eux, fait connaître son sentiment à la volonté, et la volonté agit selon le sentiment de la conscience pour avoir la paix, ou bien elle en appelle à un second conseil. Celui qui a présenté l’idée à l’esprit et l’a formée en lui préside à ce conseil, savoir Dieu, le démon ou l’esprit lui-même, chacun tâchant de faire réussir sa cause.

Toutes les idées qui viennent de Dieu sont bonnes; celles qui viennent du démon sont mauvaises ou tendent au mal; celles qui viennent de l’esprit sont indifférentes. Elles n'ont point toutes la même intensité dans le bien ni dans le mal, parce que l'esprit qui les élabore n'a pas en tout la même force, la même vigueur, le même souffle. L'esprit tire sa force de Dieu qui la lui donne, mais il l’augmente avec les connaissances qu'il acquiert par l’étude et l’application. Quand l'esprit cherche à augmenter sa force, toutes les facultés lui prêtent secours, et puis, à son tour, il leur fait part des connaissances qu'il a acquises pour les perfectionner elles-mêmes.

L'esprit prend son origine dans l’imagination et siège par conséquent dans la tête où réside cette faculté de l'âme. Il siège aussi dans le cœur par les pensées.

Les pensées, comme les idées, ont plusieurs principes. Elles viennent de Dieu, du démon, de la nature corrompue ou de l'esprit lui-même.

Que les pensées viennent de l'un ou de l'autre de ces principes, elles sont présentées à la volonté qui les livre à l’entendement, afin qu'elles soient jugées comme les idées. Ce commerce intérieur s’appelle réflexion, considération, méditation.

Puisqu'il y a plusieurs principes, il doit y avoir plusieurs sortes de pensées. Celles qui viennent de Dieu étant formées par le souffle de sa grâce, sont toutes bonnes. Celles qui viennent du démon, de la nature corrompue ou de la partie inférieure de l'âme, sont mauvaises ou tendent au mal; celles qui viennent de l'esprit sont indifférentes, elles deviennent bonnes si elles sont saisies par Dieu, sa grâce et son esprit; mauvaises, si le démon ou l’entraînement au mal prend empire sur elles.

Or, pour toutes les pensées, comme pour les idées, il n'est pas nécessaire de tenir toujours conseil; la volonté seule, par les lumières et les connaissances qu'elle reçoit de l’entendement, les accueille ou les rejette, selon qu'elle croit devoir le faire. Ce serait un travail trop pénible et trop fatigant qu'un jugement séparé et distinct formé par le conseil de toutes les facultés de l'âme, pour chaque idée et chaque pensée.

Ce conseil n'a lieu que pour les grandes pensées, les pensées graves et importantes. Dans les autres cas, la volonté agit comme un avocat qui donne ses avis pour des affaires de peu d’importance, selon les lumières qui sont en son esprit, et qui ne fait un plaidoyer selon les règles que devant les juges et le tribunal de justice.
" L'esprit est indépendant de toutes les autres facultés, et la volonté les domine toutes. La volonté pourtant règne plus dans le cœur que dans la tête, parce que c'est dans le cœur qu'elle réside.

La volonté est reine et maîtresse des autres facultés; mais il lui faut un maître à elle aussi, c'est Dieu ou Satan.

Dieu et Satan se la disputent, l'un et l'autre lui demandent la préférence. Tant que la volonté délibère, elle est en de rudes combats.

Dieu et Satan plaident chacun leur cause devant la volonté, en montrant les avantages de leur parti respectif. Or, comme Dieu ne trompe jamais, il montre non seulement les avantages, mais aussi les peines et les difficultés qui se présenteront sous son drapeau. Le démon, au contraire, montre les roses et cache les épines; il parle de plaisirs et de jouissances; il ne dit mot des peines et des tribulations dont il abreuve ceux qui l’écoutent.

Dieu parle à la volonté par les mouvements de sa grâce, par les consolations de la vertu, par les avis et conseils des hommes sages et surtout de ses ministres.

Satan parle à la volonté par le plaisir et les vanités du monde, les mauvais exemples, les paroles et les discours des hommes perverses, et leurs railleries contre la religion.

La raison et la conscience viennent au secours de la volonté et la conseillent. La raison est la lumière de la volonté; la conscience, la voix qui lui dit de marcher selon cette lumière. La conscience et la raison ont les rapports les plus intimes. Elles sont presque toujours du même avis. Voici les principes et les sentiments de la conscience : fais le bien, évite le mal. Ne fais point à autrui ce que tu ne voudrais point qu'il fit à ton égard; rends à chacun ce qui lui est dû.

Si la volonté agit contre la conscience, celle-ci le lui reproche. La conscience est l’organe de Dieu, comme la nature corrompue est l’organe de Satan. Aussi, quand la volonté agit selon la conscience, c'est-à-dire selon Dieu dont elle est l’organe, elle a pour ennemis le démon, le monde, la nature corrompue ou la partie inférieure de l'âme, mais Dieu lui donne grâce et secours pour la faire triompher de ses ennemis. Dieu retire ses grâces à celui qui suit le parti du démon; il le poursuit par le remords, car il est écrit qu'il n'y a point de paix pour l’impie. Suivre le parti de la conscience, c'est marcher dans le chemin de la vertu, car la conscience est le germe merveilleux qui développe le bien en vous. Suivre la voie de la nature corrompue, c'est marcher dans le chemin du vice, car la nature corrompue est le germe déplorable qui développe le mal dans les âmes.

Telles sont les luttes et les combats des facultés en face de Dieu et de Satan. Malheur à l'âme qui s’habitue à donner la victoire à Satan contre Dieu! le dernier combat sera un combat de mort pour elle et de victoire pour Dieu. Heureuse l'âme qui s’attache toujours à Dieu! elle aura vite affaiblie ses ennemis, et Dieu l’illuminera de sa lumière, la fortifiera par ses grâces et la verra toujours d’un œil de complaisance. Le démon cherchera, mais en vain, à la troubler : la paix se trouve dans le service de Dieu.

Quand la volonté se révolte contre Dieu, la conscience devient le témoin de Dieu, et la mémoire, le livre où s’inscrit cette révolte, qui est plus ou moins coupable, selon que le consentement est plus ou moins parfait et la matière plus ou moins considérable.
 »

Vous penserez de ceci ce qu'il vous plaira. J'ai connu que le Sauveur aurait eu de bien plus grandes lumières à me donner là-dessus, et je confesse que, par moi-même, je suis non seulement incapable de les acquérir, mais même d'avoir su jamais ce que je viens d’écrire, s'il ne me l’avait appris lui-même.

Il me les a apprises lui-même avec bonté et je les ai retenues naturellement et sans difficulté comme pendant le jour mon œil reçoit et conserve la lumière du soleil, comme mon oreille reçoit et conserve, autant que cela est nécessaire, les paroles prononcées qu'elle entend. Ses instructions se sont gravées aussi facilement en moi que l’empreinte des doigts de ma main sur une cire molle.

Comment cela s’opère-t-il? Je ne le sais point, mais il en est ainsi, et je me soumets à la volonté de Dieu comme je me soumets à votre volonté, qui ne peut et ne doit pas être différente de la volonté de Dieu, puisque vous êtes revêtu du caractère sacerdotal, selon l’ordre de Melchisédech, comme Jésus-Christ mon Sauveur. Je suis fille de Dieu par le baptême, je suis aussi votre fille en Dieu et vous me représentez l’autorité de Dieu lui-même. Je dois par conséquent me soumettre à votre volonté, attendre, écouter et suivre toutes vos décisions. Or, pour cela, je dois me montrer à vous telle que je suis et ne vous rien cacher; je le fais ainsi.

Recevez, Monsieur le Curé, l’assurance de mes sentiments très respectueux avec lesquels je suis,
Votre très humble servante,

Marie
Mimbaste, 11 juillet 1842.

SOURCE : http://jesusmarie.free.fr/

   

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