Monsieur le Curé,
Un jour, après la
sainte communion, le Sauveur Jésus m'a ainsi parlé du scandale :
« Ma fille, me dit-il,
une des choses que j'ai le plus recommandées pendant ma vie à mes
disciples, c'est la fuite du scandale; je vous le répète, le monde
sera maudit à cause de ses scandales. Malheur aussi à l'homme qui
scandalise!
Le scandale, c'est
l’exemple du mal donné à autrui par une parole ou une action qui
n'est point, en entier ou en partie, conforme au bien.
Le scandale, c'est l'action mauvaise des autres, accomplie après
et par suite de l’audition d'une parole ou de la vue d'une action
qui n'est point, en entier ou en partie, conforme au bien.
Le scandale enfin, c'est l’action mauvaise des autres, accomplie
sous le faux prétexte d'une parole entendue ou d'un acte vu qu'on
dit coupable, quand même cette parole ou cette action n'ont en rien
que d’innocent.
Celui qui accomplit une action et prononce une parole coupables ou
revêtues d’apparence de culpabilité avec l’intention d’entraîner le
prochain dans le mal, celui-là est coupable du premier scandale,
quand même son action demeurerait sans effet. Il est coupable encore
de cette sorte de scandale par la parole qu'il prononce ou l’acte
qu'il accomplit, n’eût-il pas l’intention de scandaliser, si par
cette parole ou cette action il entraîne au mal son prochain.
Celui qui, entendant une parole déréglée ou voyant une action
criminelle, se laisse entraîner à parler ou agir de la même manière,
est coupable de la seconde espèce de scandale.
Celui qui, entendant une parole bonne et convenable ou voyant une
action qui n'a rien que de conforme au bien, l’interprète
volontairement en mauvaise part pour agir lui-même d'une manière
criminelle, est coupable de la troisième espèce de scandale.
J’appelle le premier scandale, scandale infernal, parce qu’à
l’exemple des démons, celui qui donne ce scandale travaille à la
ruine des âmes. C'est de ce scandale que j'ai dit : Malheur à
l'homme par qui le scandale arrive!
J’appelle le second scandale, scandale des enfants, parce que les
enfants sont plus susceptibles, à cause de leur faiblesse ou de leur
ignorance, de se laisser entraîner au mal en le voyant, ou bien
parce que ceux qui se laissent entraîner au mal par sa vue sont
faibles comme des enfants. C'est pour faire éviter ce scandale que
j'ai dit : Si quelqu'un devait être un sujet de scandale pour un de
ces petits enfants qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui
qu'on attachât à son cou une meule de moulin et qu'on le jetât au
fond de la mer.
J’appelle le troisième scandale, scandale d’aveuglement. C'est de
ce scandale que j’ai dit à mes disciples des pharisiens qui
s’étaient scandalisés de mes paroles : Laissez-les, ce sont des
aveugles qui conduisent des aveugles.
Ces trois sortes de scandale sont des péchés plus ou moins graves,
selon la réflexion plus ou moins grande de celui qui veut entraîner
au mal; selon que son acte, cause ou occasion de péché, est plus ou
moins coupable; ou moins considérable; selon que l’acte criminel,
posé et fondé injustement sur un autre acte qui n'est nullement
défendu, est plus ou moins opposé à la règle du bien.
Voyez, ma fille, combien la première sorte de scandale est un
grand péché. Je m’arrête sur ce scandale parce que le scandale des
enfants n'est que la conséquence du scandale infernal, et que le
scandale d’aveuglement n'est point un véritable scandale.
Celui qui scandalise, en effet, offense Dieu par l'acte mauvais
qu'il accomplit. Il se révolte contre Dieu, il brise le joug du
Seigneur pour s’incliner sous celui de Satan. Ce n'est pas tout, en
même temps qu'il est fils rebelle à Dieu, il est ministre plein
d’activité du prince des ténèbres; il le remplace d'une manière
visible sur la terre dans son œuvre de destruction et de ruine
éternelle pour les âmes. Son acte, c'est une semence de mort jetée
sur les âmes; c'est une pierre lancée sur le chemin du ciel pour
précipiter dans les enfers ceux qu'elle rencontre; c'est un filet
qui captive et retient pour le mal celui qui n'a pas la force de le
briser ou de l’éviter. Son acte, c'est un homicide, non pour le
temps, mais pour l’éternité. O ma fille, malheur, malheur, trois
fois malheur au scandaleux!
C’est moi qui exercerai ma vengeance sur lui. C'est moi qui lui
demanderai compte de toutes ces âmes pour lesquelles j'avais répandu
mon sang sur le Calvaire, pour lesquelles j’étais mort sur la croix,
et qu'il a perdues, qu'il a de nouveau livrées à Satan et abîmées
éternellement dans les gouffres de l’enfer.
Ces âmes étaient ma propriété, elles étaient le prix de mon sang :
il me les a ravies, malheur à lui! Mon sang se dressera sur sa tête
et retombera sur son front plus terrible que sur le front des Juifs
qui l’ont versé.
J’apparaîtrai au scandaleux dans toute la fureur d'un père dont a
tué l’enfant, d'un rédempteur à qui l’on a ravi celui qu'il avait
sauvé, d'un Dieu auquel on donne ses malédictions et les
malédictions d’autrui, tandis qu’on ne lui devait qu’amour, louange
et remerciement. Que répondra-t-il à ma colère, que répondra-t-il à
mon amour paternel irrité contre lui, parce qu'il a séparé de moi
pour jamais des âmes que j’affectionnais comme Dieu et comme
Sauveur? Pourra-t-il supporter la sévérité de mon regard?
Pourra-t-il supporter les reproches de ma voix? Tout s’élèvera au
dehors pour demander vengeance contre le scandaleux, et tout en moi
lui apparaîtra exerçant cette vengeance. Il y aura désormais entre
lui et moi une séparation éternelle. O ma fille, malheur, malheur,
trois fois malheur au scandaleux!
Ma fille, fuyez le scandale comme un des péchés qui m’affligent le
plus. Qu'il n'y ait jamais rien dans vos paroles, dans vos regards,
dans vos habits, dans votre tenue, dans vos actions qui puisse
scandaliser votre prochain. Il faut souvent peu de chose pour
scandaliser une âme et la perdre à jamais.
Craignez d'avoir part aux malédictions que j'ai lancées contre le
monde et ses scandales.
Ne scandalisez point; réparez, au contraire, même les scandales
des autres qui devraient les réparer eux-mêmes et qui ne le font
pas. »
Ainsi ma parlé le Sauveur Jésus. Sa voix était forte et terrible
comme le tonnerre, quand il menaçait les scandaleux, et pénétrait
jusqu’au fond de mon âme.
J’étais saisie de crainte; il m’a rassurée en me disant de m’unir à
lui, de demeurer attachée à lui, et qu'en agissant ainsi j’éviterais
le scandale.
Je serais bien coupable et bien ingrate envers le Sauveur Jésus, si
je pouvais jamais m’oublier à ce point de scandaliser personne. Non,
jamais je ne le ferai volontairement; puisse-t-il arriver que je ne
scandalise jamais, même contre ma volonté, et par suite de ma
faiblesse et de mon inclination au mal; je me recommande, à cet
effet, à vos ferventes prières.
Recevez, Monsieur le Curé et très respectable Père en
Notre-Seigneur, l’offrande des sentiments de vénération profonde et
d’entière soumission à tous vos désirs,
De votre très humble servante,
Marie.
Mimbaste, 8 juin 1842.
SOURCE : http://jesusmarie.free.fr/
|