CHEMIN DE SAINTETÉ

adveniat regnum tuum

Sœur Marie de Saint-Pierre
(Perrine Éluère)
1816-1848

JOURNAL SPIRITUEL

50
J'ai vu, j'ai entendu des choses...

La sainte Vierge m’est apparue...”

Depuis le jour que je vous écrivais pour vous rendre compte de ma conscience, il a plu à Notre-Seigneur et à sa sainte Mère d’opérer bien des choses dans l’âme de leur indigne servante. Cette tendre Mère et le saint Enfant-Jésus, depuis près de cinq mois, ont pris possession de la petite chapelle de mon cœur; c’est là que je contemple sans cesse le ravissant mystère de la maternité divine. O grandeur de Marie, ô privilège incomparable auquel je n’avais jamais bien pensé ! Bienheureuse Vierge, vous allaitez votre Créateur, vous nourrissez le pain de vie qui nourrit tous les êtres! Soyez éternellement bénie d’avoir fourni le sang très pur dont a été formé le corps adorable de notre Sauveur. Soyez bénie encore d’avoir donner à Jésus enfant votre lait, que ce divin Rédempteur a changé en son sang pour le faire couler sur nous par la blessure de son Cœur sacré et par ses autres plaies.

Ma Révérende Mère, je tremble à la vue de ma misère et de mon incapacité, en pensant qu’il me faut parler maintenant d’un mystère admirable de miséricorde et d’amour, confié par la très sainte Vierge à cette pauvre petite servante de l’Enfant-Jésus. Si je me tais, je ferai de la peine à ma divine Mère; et si je parle, je crains de ne pas bien rendre son céleste langage. Je la prie donc de conduire elle-même ma plume.

La Salette

Depuis hier, après la sainte communion, je suis sous l’impression d’une grâce très puissante. J’ai vu, j’ai entendu des choses ravissantes ; la sainte Vierge s’est communiquée plusieurs fois à moi. cette auguste Mère m’est apparue dans l’intérieur de mon âme, mais cette fois elle ne tenait point entre ses bras le divin Enfant : elle était seule. Alors j’ai vu couler par torrents son lait virginal, et les anges recevaient dans des vases célestes cette précieuse liqueur. Je les ai priés de la répandre sur le clergé, sur les maisons de notre saint Ordre, enfin sur le monde entier. Cette vue me ravissait. Le soir, la même merveille se représentant de nouveau à mon esprit, je me sentis pressée de demander à la sainte Vierge l’explication de ce prodige; j’ai supplié les anges et les saints de lui porter ma prière, et, me tenant prosternée à ses pieds, je lui ai dit :

— O ma bonne Mère, que signifie une chose si étonnante ? L’année dernière vous êtes descendue sur la terre[1] pour nous montrer votre divin Fils irrité et nous annoncer des malheurs ; et je vois des grâces se répandre à flots sur nous ?...

La sainte Vierge m’a répondu :

— Oui, ma fille, il est certain que je suis apparue l’année dernière, seule, sans mon Fils : la terre n’était pas digne de sa visite. J’ai annoncé des malheurs qui seraient infailliblement arrivés sans ma médiation. J’ai découvert mon sein à mon Fils irrité, je lui ai montré les mamelles qui l’avaient allaité, alors il a révoqué la sentence de la famine ; il n’a pu se résoudre à priver de pain mes enfants, à cause de l’amour avec lequel je l’ai nourri de mon lait; et son bras, levé pour frapper, est tombé désarmé sur mon sein, d’où il a fait couler des torrents de lait qui ont fécondé la terre.

A ces paroles, je me suis écriée :

— O mystère d’amour! Mystère d’amour!

La sainte Vierge a ajouté :

— Dites ces choses à vos supérieurs, afin que ma miséricorde soit aussi connue que l’étaient les maux dont Dieu vous avait menacés; par là on saura quelle est la vertu de mon sein.

Elle m’a ensuite donné grande confiance pour l’extension de l’œuvre réparatrice, me disant :

— Mon Fils a des ressorts cachés dans sa providence : il les fera agir quand l’heure sera venue.

Voilà a peu près ce que la sainte Vierge m’a dit et fait connaître. Maintenant j’éprouve une certitude pleine et parfaite de son apparition aux petits bergers ; je la signerais de mon sang pour la gloire de ma tendre Mère. C’était sur la montagne des douleurs qu’elle nous avait adoptés comme ses enfants ! sur la montagne aussi, elle vient remplir l’office d’une Mère bonne et généreuse; et, en annonçant aux hommes qu’ils méritent, à cause de leurs péchés, d’être privés du pain nécessaire à leur vie, elle leur montre en même temps son sein d’où doit découler le lait de la miséricorde. Oui, par une lumière spéciale, je vois dans cette montagne mystérieuse l’emblème de la sainte Vierge ; et cette fontaine miraculeuse qui coule depuis l’apparition est le symbole de sein très pur de Marie, où se trouve une source de grâces dont les eaux limpides ne cessent de se répandre sur nous. Ah ! que rendrons-nous à cette Mère si aimable ?

La France, bien-aimée de Marie!...

O heureux Français, enfants trop aimés de Marie, sachons reconnaître la bienveillance de notre auguste Mère, nous lui devons notre salut! Bénissons-la en mangeant notre pain de chaque jour, nous en sommes redevables à son intercession. Mais convertissons-nous au Seigneur, approchons-nous de son trône avec humilité et surtout avec confiance, car nous avons de puissants médiateurs: le Fils auprès de son Père, et la Mère auprès de son Fils ! Le Fils montre à son Père son côté ouvert et les plaies qu’il a reçues; la Mère montre à son Fils le sein et les mamelles qui l’on nourri ; l’un et l’autre parlent pour nous par des voix de sang et de lait qu’ils font partir de la région de leurs Cœurs. Le Fils refusera-t-il à sa Mère ce qu’elle lui demande pour nous ? Le Père refusera-t-il à son Fils ce qu’il lui demande en notre faveur ? Comment donc pourrons-nous être refusés ? Si nous le craignons à cause de la grandeur de nos crimes, ah! joignons nos larmes à ces deux précieuses liqueurs : le sang de Jésus, le lait de Marie; et les larmes de nos yeux feront comme une trinité puissante qui rendra sur la terre un témoignage très assuré de notre salut.

Les promesses relatives au salut de la France s’accompliront, si l’œuvre réparatrice se propage selon le désir de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Si la très sainte Vierge a sauvé la France des malheurs dont elle était menacée, il est bien juste que, par reconnaissance, quelques âmes s’appliquent à l’honorer au non de tous les Français, qui ont été comme nourris sans le savoir du lait mystérieux de cette tendre Mère. Et c’est en mémoire de cet acte héroïque de charité envers la France que, malgré mon indignité, j’ai été choisie pour honorer le mystère de sa maternité divine.

Maternité divine et réparation

Il est facile de reconnaître que ces communications ne sont point étrangères à l’œuvre réparatrice dont j’ai précédemment parlé ; elles s’y rattachent, au contraire, par une liaison très étroite. D’abord, le Seigneur me paraissait irrité contre les pécheurs de la France, à cause des nombreux blasphèmes et des violations du dimanche ; il menaçait d’engloutir dans les eaux de sa justice notre perfide patrie, si elle n’apaisait sa colère en réparant les outrages faits à la gloire de son Nom, et il promettait de pardonner encore une fois si ses ordres étaient exécutés. Après de grandes contradictions excitées par Satan, la Réparation est enfin née dans la France, et le Seigneur, fidèle à sa parole, a calmé son courroux : il a changé sa justice en miséricorde, et, comme signe d’allégresse, il a fait couler sur la France un lait mystérieux par l’entremise de sa sainte Mère, qui est le canal de ses grâces ! La justice de Dieu m’avait effrayée, maintenant sa miséricorde me ravit. »


[1] Allusion à l’apparition de La Salette.

   

 

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