“La
sainte Vierge m’est apparue...”
Depuis le jour que
je vous écrivais pour vous rendre compte de ma conscience, il a
plu à Notre-Seigneur et à sa sainte Mère d’opérer bien des
choses dans l’âme de leur indigne servante. Cette tendre Mère et
le saint Enfant-Jésus, depuis près de cinq mois, ont pris
possession de la petite chapelle de mon cœur; c’est là que je
contemple sans cesse le ravissant mystère de la maternité
divine. O grandeur de Marie, ô privilège incomparable auquel je
n’avais jamais bien pensé ! Bienheureuse Vierge, vous allaitez
votre Créateur, vous nourrissez le pain de vie qui nourrit tous
les êtres! Soyez éternellement bénie d’avoir fourni le sang très
pur dont a été formé le corps adorable de notre Sauveur. Soyez
bénie encore d’avoir donner à Jésus enfant votre lait, que ce
divin Rédempteur a changé en son sang pour le faire couler sur
nous par la blessure de son Cœur sacré et par ses autres plaies.
Ma Révérende Mère,
je tremble à la vue de ma misère et de mon incapacité, en
pensant qu’il me faut parler maintenant d’un mystère admirable
de miséricorde et d’amour, confié par la très sainte Vierge à
cette pauvre petite servante de l’Enfant-Jésus. Si je me tais,
je ferai de la peine à ma divine Mère; et si je parle, je crains
de ne pas bien rendre son céleste langage. Je la prie donc de
conduire elle-même ma plume.
Depuis hier, après
la sainte communion, je suis sous l’impression d’une grâce très
puissante. J’ai vu, j’ai entendu des choses ravissantes ; la
sainte Vierge s’est communiquée plusieurs fois à moi. cette
auguste Mère m’est apparue dans l’intérieur de mon âme, mais
cette fois elle ne tenait point entre ses bras le divin Enfant :
elle était seule. Alors j’ai vu couler par torrents son lait
virginal, et les anges recevaient dans des vases célestes cette
précieuse liqueur. Je les ai priés de la répandre sur le clergé,
sur les maisons de notre saint Ordre, enfin sur le monde entier.
Cette vue me ravissait. Le soir, la même merveille se
représentant de nouveau à mon esprit, je me sentis pressée de
demander à la sainte Vierge l’explication de ce prodige; j’ai
supplié les anges et les saints de lui porter ma prière, et, me
tenant prosternée à ses pieds, je lui ai dit :
— O ma bonne
Mère, que signifie une chose si étonnante ? L’année dernière
vous êtes descendue sur la terre
pour nous montrer votre divin Fils irrité et nous annoncer des
malheurs ; et je vois des grâces se répandre à flots sur
nous ?...
La sainte Vierge
m’a répondu :
— Oui, ma
fille, il est certain que je suis apparue l’année dernière,
seule, sans mon Fils : la terre n’était pas digne de sa visite.
J’ai annoncé des malheurs qui seraient infailliblement arrivés
sans ma médiation. J’ai découvert mon sein à mon Fils irrité, je
lui ai montré les mamelles qui l’avaient allaité, alors il a
révoqué la sentence de la famine ; il n’a pu se résoudre à
priver de pain mes enfants, à cause de l’amour avec lequel je
l’ai nourri de mon lait; et son bras, levé pour frapper, est
tombé désarmé sur mon sein, d’où il a fait couler des torrents
de lait qui ont fécondé la terre.
A ces paroles, je
me suis écriée :
— O mystère
d’amour! Mystère d’amour!
La sainte Vierge a
ajouté :
— Dites ces
choses à vos supérieurs, afin que ma miséricorde soit aussi
connue que l’étaient les maux dont Dieu vous avait menacés; par
là on saura quelle est la vertu de mon sein.
Elle m’a ensuite
donné grande confiance pour l’extension de l’œuvre réparatrice,
me disant :
— Mon Fils a
des ressorts cachés dans sa providence : il les fera agir quand
l’heure sera venue.
Voilà a peu près ce
que la sainte Vierge m’a dit et fait connaître. Maintenant
j’éprouve une certitude pleine et parfaite de son apparition aux
petits bergers ; je la signerais de mon sang pour la gloire de
ma tendre Mère. C’était sur la montagne des douleurs qu’elle
nous avait adoptés comme ses enfants ! sur la montagne aussi,
elle vient remplir l’office d’une Mère bonne et généreuse; et,
en annonçant aux hommes qu’ils méritent, à cause de leurs
péchés, d’être privés du pain nécessaire à leur vie, elle leur
montre en même temps son sein d’où doit découler le lait de la
miséricorde. Oui, par une lumière spéciale, je vois dans cette
montagne mystérieuse l’emblème de la sainte Vierge ; et cette
fontaine miraculeuse qui coule depuis l’apparition est le
symbole de sein très pur de Marie, où se trouve une source de
grâces dont les eaux limpides ne cessent de se répandre sur
nous. Ah ! que rendrons-nous à cette Mère si aimable ?
O heureux Français,
enfants trop aimés de Marie, sachons reconnaître la
bienveillance de notre auguste Mère, nous lui devons notre
salut! Bénissons-la en mangeant notre pain de chaque jour, nous
en sommes redevables à son intercession. Mais convertissons-nous
au Seigneur, approchons-nous de son trône avec humilité et
surtout avec confiance, car nous avons de puissants médiateurs:
le Fils auprès de son Père, et la Mère auprès de son Fils ! Le
Fils montre à son Père son côté ouvert et les plaies qu’il a
reçues; la Mère montre à son Fils le sein et les mamelles qui
l’on nourri ; l’un et l’autre parlent pour nous par des voix de
sang et de lait qu’ils font partir de la région de leurs Cœurs.
Le Fils refusera-t-il à sa Mère ce qu’elle lui demande pour
nous ? Le Père refusera-t-il à son Fils ce qu’il lui demande en
notre faveur ? Comment donc pourrons-nous être refusés ? Si nous
le craignons à cause de la grandeur de nos crimes, ah! joignons
nos larmes à ces deux précieuses liqueurs : le sang de Jésus, le
lait de Marie; et les larmes de nos yeux feront comme une
trinité puissante qui rendra sur la terre un témoignage très
assuré de notre salut.
Les promesses
relatives au salut de la France s’accompliront, si l’œuvre
réparatrice se propage selon le désir de Notre-Seigneur
Jésus-Christ.
Si la très sainte
Vierge a sauvé la France des malheurs dont elle était menacée,
il est bien juste que, par reconnaissance, quelques âmes
s’appliquent à l’honorer au non de tous les Français, qui ont
été comme nourris sans le savoir du lait mystérieux de cette
tendre Mère. Et c’est en mémoire de cet acte héroïque de charité
envers la France que, malgré mon indignité, j’ai été choisie
pour honorer le mystère de sa maternité divine.
Il est facile de
reconnaître que ces communications ne sont point étrangères à
l’œuvre réparatrice dont j’ai précédemment parlé ; elles s’y
rattachent, au contraire, par une liaison très étroite. D’abord,
le Seigneur me paraissait irrité contre les pécheurs de la
France, à cause des nombreux blasphèmes et des violations du
dimanche ; il menaçait d’engloutir dans les eaux de sa justice
notre perfide patrie, si elle n’apaisait sa colère en réparant
les outrages faits à la gloire de son Nom, et il promettait de
pardonner encore une fois si ses ordres étaient exécutés. Après
de grandes contradictions excitées par Satan, la Réparation est
enfin née dans la France, et le Seigneur, fidèle à sa parole, a
calmé son courroux : il a changé sa justice en miséricorde, et,
comme signe d’allégresse, il a fait couler sur la France un lait
mystérieux par l’entremise de sa sainte Mère, qui est le canal
de ses grâces ! La justice de Dieu m’avait effrayée, maintenant
sa miséricorde me ravit. »
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