CHEMIN DE SAINTETÉ

adveniat regnum tuum

Sœur Marie de Saint-Pierre
(Perrine Éluère)
1816-1848

JOURNAL SPIRITUEL

47
Marie, canal des grâces

Explication...

« Comment vous exprimer, ma Révérende Mère, par de faibles paroles des choses aussi incompréhensibles ? Cependant, avec le secours du saint Enfant-Jésus, j’essayerai d’en balbutier quelques mots, qui, quoique imparfaitement dits, pourront néanmoins vous donner lumière sur l’état actuel de mon âme.

Ah ! si je savais écrire, si je savais parler! Non, jamais jusqu’ici je n’avais bien connu le précieux don que Jésus nous a fait en nous léguant sa Mère. O mystère de clémence et d’amour ! Aussitôt  qu’il nous eut enfantés sur la croix, au milieu des plus affreuses souffrances, il a remis tous ces nouveau-nés entre les bras de Marie, la plus tendre des mères, afin qu’elle les nourrît et les élevât pour la vie éternelle. Dans cette vue, il a rempli son sein du lait de la grâce et de la miséricorde; il a fait cette divine Mère légataire des biens immenses qu’il avait acquis pendant sa laborieuse vie et sa douloureuse passion, afin qu’elle devînt le canal admirable d’où découleraient des mérites infinis sur la sainte Église, son Épouse.

J’ai encore été éclairée sur ce mystère: le Saint-Esprit, du plus pur sang de Marie, avait formé le corps adorable de notre divin Sauveur. Ce corps sacré était né de cette tendre Mère, elle avait des droits sur lui; c’est pourquoi, après sa mort, il a été déposé entre ses bras maternels. Cet aimable Jésus m’a fait entendre qu’il avait voulu lui rendre tout ce qu’il avait reçu d’elle pour opérer la rédemption du monde. Elle l’avait nourri de son lait très pur; Jésus, pour la remercier, lui a remis son sang, dont il l’a faite la dépositaire: oui, elle était là, debout au pied de la croix, afin de recevoir ce dépôt dans le précieux vaisseau de son cœur maternel! Marie avait donné à Jésus son corps adorable, et Jésus le lui a rendu après sa mort, orné de ses glorieuses plaies, afin qu’elle puisât, dans ses fontaines sacrées, la vie éternelle pour les enfants que son amour lui avait engendrés avant son dernier soupir. Oui, Jésus est à Marie avec tous ses trésors, et Marie est aux hommes avec toutes ses tendresses! Oh qu’elle est grande la miséricorde de cette Mère ! Elle nous tend ses bras bienfaisants, elle nous invite à puiser le lait de la grâce sur son sein virginal : son Cœur est toujours ouvert pour nous recevoir.

— Tant que l’homme est sur la terre, il est dans un état d’enfance ; au ciel seulement il sera dans l’âge parfait ; c’est pourquoi il doit sans cesse recourir à sa Mère comme un petit enfant.

Oui, je le vois clairement dans la lumière de Dieu, l’homme doit sans cesse recourir à la très sainte Vierge, sa Mère, s’il veut parvenir à l’âge parfait de la vie éternelle. Voilà les deux grands mystères de la maternité de Marie que l’Enfant-Jésus veut m’apprendre : Marie, Mère de Dieu, et Marie, Mère de l’homme. C’est pourquoi il m’applique continuellement à le considérer au sein de sa Mère, se nourrissant de son lait virginal, afin de m’apprendre par son exemple à recourir à elle, pour me nourrir du lait de ses vertus

Elle [1] m’a fait comprendre que, de même qu’elle choisit certains lieux, afin d’y répandre ses grâces avec profusion, ainsi elle choisirait mon âme pour en faire le théâtre de ses miséricordes. Je n’ai pas tardé à ressentir l’effet de cette promesse, car aujourd’hui, après la sainte communion, l’Enfant-Jésus, m’apparaissant au sein de sa divine Mère, m’a fait connaître plus clairement sa volonté: ce grand mystère est un trésor caché dans le champ de son Église, et il le découvre à qui il lui plaît. Il y a eu des âmes chargées par lui d’honorer les mystères de sa Passion; à cet effet, il les a marquées de ses sacrés stigmates; mais, pour moi, il me charge, malgré mon indignité, de porter l’état de sa petite enfance. Déjà il m’a préparée lui-même à cette faveur. Voici qu’aujourd’hui il daigne, par la sainte communion, m’unir à lui et me faire entrer dans son Cœur adorable, afin que je m’approche du sein virginal de son auguste Mère ; c’est lui qui me conduit à cette source de grâces et de bénédictions, me disant de puiser le lait de la divine miséricorde dans l’esprit de charité avec lequel il a puisé lui-même; car il a pris ce lait pour tous les hommes, et, pour tous les hommes, il l’a répandu en versant son sang sur la croix. Je dois, à son exemple, m’approprier cette mystérieuse liqueur sur le sein de Marie, au nom de tous mes frères, et la répandre ensuite sur le monde entier, comme une rosée céleste, pour rafraîchir et purifier la terre dévorée par le feu de la concupiscence et pleine de corruption.

— Je veux que vous soyez bien petite, mais que vous ayez un grand cœur.

Voici une petite prière qui m’a été inspirée, avec laquelle je dois recueillir cette liqueur mystérieuse sur le sein maternel de Marie :

O très sainte et très digne Mère de Dieu, faites couler à grand flots sur tous les hommes, qui sont vos enfants, le lait de la grâce et de la miséricorde.

[La très sainte Vierge m’a dit que je devais] bien connaître le grand privilège qui m’était accordé par la bonté de son Fils.

Ma très Révérende Mère, comment vous expliquer ce que j’ai ressenti pendant cette opération de la grâce. Oh! que c’est une chose admirable et incompréhensible de se trouver, comme un petit enfant, dans l’union de Jésus sur le sein de sa Mère, la divine Marie ! Oh ! comme elle donne abondamment ce lait de miséricorde : La source, m’a-t-elle dit, est intarissable.

Mais, hélas ! qui suis-je, moi misérable et indigne, pour ainsi députée afin de puiser à cette fontaine pour le salut des pécheurs ? Je me suis prosternée la face contre terre, confessant à Dieu mon indignité pour une telle mission; mais le Seigneur choisit toujours les instruments les plus faibles pour faire éclater davantage sa puissance.

Objection au sujet du lait...

Je dois répondre d’après les lumières que j’ai reçues à ce sujet:

— Le lait très pur de la sainte Vierge, dira-t-on, est vénérable ; saint Louis, roi de France, en avait apporté quelques gouttes de la Terre-Sainte, et il les estimait comme une des plus grandes richesses de son trésor royal ; mais il sera toujours vrai de dire que ce lait sacré de Marie n’a pas la vertu de purifier les pécheurs. Ce privilège n’appartient qu’au sang précieux du Sauveur. C’est précisément le raisonnement que je faisait moi-même, lorsque Notre-Seigneur daigna m’instruire. Voici, à peu près, ce qu’il m’a enseigné: il est certain que le lait proprement dit de la substance de la très sainte Vierge, dont a été nourri le Verbe incarné dans son enfance, n’avait point alors la vertu de sanctifier les âmes, ce serait une erreur de le croire; mais ce lait sacré, ayant rempli les veines adorables de notre Sauveur, est devenu le sang d’un Dieu. Par la rédemption, nous avons été faits enfants du Père céleste et frères de Notre-Seigneur Jésus-Christ; la Mère de Jésus est devenue notre Mère. Alors le Sauveur l’a établie dépositaire des richesses et des mérites infinis de sa vie et de sa Passion; il lui a rendu le corps et le sang adorables qu’il avait reçus d’elle; il a rempli ses mamelles d’un lait mystérieux et divin, pour nourrir les nouveaux enfants qu’il avait engendrés sur la croix, et dont elle est la Mère dans l’ordre de la grâce. Ainsi, quand Notre-Seigneur m’envoie au sein de Marie chercher le lait de la miséricorde pour le salut des pécheurs, il n’y a en ce procédé rien de contraire à la foi, ni à la doctrine de l’Église, qui nomme la très sainte Vierge le refuge des pécheurs, la trésorière de son Fils. Les mamelles virginales et le lait mystérieux dont j’ai parlé dans cette relation sont l’image des douceurs de la grâce, et la figure de l’effusion de la miséricorde. »

« Je vous salue, ô Marie, conçue sans péché, vigne mystérieuse, qui avez produit la divine grappe de raisin foulé plus tard au pressoir de la croix: il en est sorti un vin sacré, déposé dans le précieux vaisseau de votre Cœur, afin que vous le distilliez sur les enfants dont vous êtes devenue la Mère sur la montagne du Calvaire!»[2]


[1] La sainte Vierge.
[2] Document C, Lettre VII.

   

 

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