« Après la sainte
communion, Notre-Seigneur m’a dit :
— Laissez-vous
aller à l’impression de la grâce.
J’ai obéi, et ce
divin Sauveur a commencé son opération. Mais que dirai-je
maintenant ? O bonté infinie de mon Dieu, aidez-moi à parler,
afin que vous soyez de plus en plus connue et bénie sur la
terre !
— Regardez,
me dit tout à coup Notre-Seigneur, voilà celui pour
lequel vous avez prié ; je vous l’amène, afin qu’il vous
remercie de ce que vous avez fait. Voyez à son égard l’excès de
ma miséricorde, continua-t-il ; si je l’avais
laissé sur la terre, il aurait eu l’ambition de ceindre son
front d’une couronne temporelle, et maintenant je lui donne au
ciel une couronne de gloire.
Je voyais, par une
vue intellectuelle, cette âme à côté de Jésus. Comme elle se
tournait vers moi :
— Ah ! — lui
ai-je dit — c’est Notre-Seigneur qu’il faut remercier, car
pour moi je ne suis rien; ce sont ses mérites que j’ai offerts à
Dieu.
Cet âme me dit
alors :
— C’est à la
sainte Vierge que je dois mon salut; quand j’ai été traduite
devant le tribunal de Dieu, j’ai été couverte des mérites
infinis de Jésus-Christ, et c’est par la protection de saint
Joseph que je suis sortie du purgatoire.
— O âme trop
heureuse, — lui ai-je dit —, priez pour moi; et je
répétais, dans un transport de reconnaissance envers la
miséricorde infinie de Dieu : Heureuse âme, priez pour moi ;
prosternons-nous ensemble aux pieds de Notre-Seigneur
Jésus-Christ; aidez-moi à lui rendre mes devoirs.
Notre-Seigneur m’a
dit :
— Maintenant,
celui-ci priera pour vous.
Et je répétais :
— Priez pour
moi ! Mais, repris-je, comment vous invoquerai-je
désormais ?
— Je m’appelle
Ferdinand, nommez-moi Ferdinand ; je vous assure que je
m’appelais Ferdinand.
Il me semblait
qu’il répétait ainsi son nom plusieurs fois comme preuve de la
vérité que je voyais, car j’ignorais qu’il eût ce nom. Il
ajouta :
— Je règne
maintenant avec Jésus-Christ ; je suis couronné dans les cieux.
Je lui dis :
— Je sais que la
bonté de Dieu est bien grande; cependant je n’osais penser que
vous fussiez déjà entré dans la gloire, mais j’ai compris que
c’était un chef-d’œuvre de la miséricorde divine.
Tout ce que je
voyais, entendais et comprenais, me mettait hors de moi; l’excès
de la divine charité envers cette âme me ravissait; les larmes
et les sanglots accompagnaient cette émotion intérieure. Mais en
ce doux moment la cloche du tour a sonné, et, comme l’obéissance
m’appelait, j’ai quitté Notre-Seigneur pour aller remplir les
devoirs de mon office. Alors, voulant m’assurer si ce que je
venais de voir n’était point une illusion, j’ai demandé à une
sœur que je rencontrai, et qui devait savoir le nom du prince en
question, comment on l’appelait. Elle m’a répondu : “Il
s’appelait Ferdinand”. Cette réponse a fait en moi une vive
impression, parce que c’était la marque de la vérité;
d’ailleurs, l’opération de Dieu en mon âme était des plus
fortes ».
« Comme ces bonnes
gens voyaient que cette petite Bretonne, simple comme eux,
entendait parfaitement leur langage et leurs peines, tâchant de
les adoucir par la voix de la religion, ils s’en allaient
contents; mais bientôt ils revenaient et m’amenaient leurs
voisins; malgré la charité que j’avais pour eux, je m’excusais
de les recevoir, afin de ne point m’éloigner de l’esprit de
silence propre à notre sainte vocation. Notre-Seigneur, qui
voyait cela, me donna le moyen de les satisfaire, et de plus
celui de les soulager dans leurs maladies, en m’inspirant une
dévotion qui consiste à porter sur soi l’Évangile de la
Circoncision.
Voici comment je
conçois cette pratique d’après ce qu’il m’a communiqué. Le démon
met tout en œuvre pour ravir à Notre-Seigneur Jésus-Christ
l’héritage conquis sur la croix, et il cherche sans cesse à
dérober à ce bon Pasteur les brebis rachetées d’un si grand
prix. Pour le mettre en fuite et empêcher ce loup ravisseur
d’approcher du bercail, Jésus désire, comme il me l’a fait
connaître, voir ses brebis marquées de son saint Nom et portant
sur elles l’Évangile qui annonce à toutes les nations que le
Verbe incarné a été nommé Jésus. Cet aimable Sauveur me fit
connaître la vertu de ce Nom sacré : il chasserait le démon, et
ceux qui auraient recours à cet acte de piété en recevraient de
très grandes grâces. Il me dit aussi de mettre au bas de cet
Évangile quelques paroles rappelant la victoire qu’il a
remportée sur Satan en prenant par amour pour nous le nom de
Jésus. Cette petite dévotion fut d’abord approuvée de mes
supérieurs; leur charité permit plus tard qu’on imprimât
l’Évangile de la Circoncision et qu’on gravât sur la même
feuille le saint Enfant-Jésus et les initiales de son Nom
adorable. La feuille était ensuite pliée et renfermée dans un
petit morceau d’étoffe sur lequel on brodait une croix avec le
Sacré-Cœur: ce qui faisait l’effet d’une médaille que l’on porte
sur soi. Cette pratique reçut aussi l’approbation d’un grand
vicaire ,
comme étant très conforme à l’esprit de l’Église ; car on voit
dans l’histoire que les premiers chrétiens avaient l’habitude de
porter sur eux le saint Évangile.
Notre-Seigneur
m’avait fait connaître qu’il ne fallait point vendre ces pieux
objets, mais les répandre en son nom, afin que tous pussent s’en
procurer facilement ; qu’il demandait cette aumône à la
communauté pour sa gloire, et qu’il saurait bien l’en
récompenser en prenant soin des affaires de la maison. Nos
dignes supérieurs me donnèrent la permission de satisfaire le
désir de l’Enfant-Jésus. Bientôt une infinité de personnes
portèrent sur elles avec dévotion cet Évangile, et l’Enfant-Jésus
ne tarda pas à les récompenser par des grâces spéciales
.
J’étais continuellement occupée à disposer ces petits Évangiles;
mais, quoique je fusse fort assidue à ce travail, je ne faisais
pas assez pour contenter tous ceux qui en désiraient. Alors nos
chères sœurs voulurent bien m’aider; j’étais enchantée de ce
nouveau commerce, tout au profit et à la gloire du saint Enfant.
Je fis pour lui un très joli petit Évangile, que je mis au cou
de sa statue; comme il m’avait dit de ne point vendre ces objets
et que beaucoup de gens riches voulaient donner quelque
rétribution, je mis une bourse dans la main de mon petit roi, et
nous disions à ces personnes : “Donnez ce que vous voudrez
à Jésus, cela servira à lui acheter des langes”. Cet
aimable Enfant leur payait au centuple ces aumônes par les
grâces qu’il leur accordait. Il recueillit ainsi dans sa petite
bourse une somme assez considérable. Alors notre Révérende Mère
acheta des langes à Jésus, je veux dire des corporaux; la
communauté, par les ordres de notre Mère, travailla ces langes,
qui furent offerts au saint Enfant, en grande cérémonie, à sa
fête du Saint-Sacrement et distribués dans l’octave aux
paroisses pauvres du diocèse. on fit aussi un trousseau pour un
pauvre petit enfant naissant, qui représentait la pauvreté de
Jésus à sa naissance ».
« La bonne et
candide sœur nous apprend encore que Notre-Seigneur demandait
comme une aumône qu’on distribuât ces feuilles le plus possible
et qu’on y écrivit à la fin ces mots :
Quand Jésus fut nommée,
Satan vaincu fut désarmé ».
« Il m’a fait
connaître combien il lui était glorieux qu’on célébrât sa
victoire par ces paroles; elles font frémir de rage le démon; il
bénira les personnes qui porteront sur elles cet Évangile; il
les défendra contre les attaques de Satan ».
« Tandis que je
cherchais les moyens de couvrir les frais de ces dépenses,
Notre-Seigneur m’ordonna de m’adresser à son serviteur, Monsieur
Dupont, et de lui dire que l’Enfant-Jésus lui demandait cette
œuvre de charité comme la dîme des biens qu’il lui avait donnés,
et que cette œuvre lui serait fort agréable. Je dis alors à ce
divin Sauveur :
— Si vous
vouliez me promettre quelque bien pour lui, ou du moins quelque
grâce pour sa famille.
Notre-Seigneur me
répondit :
— Son amour est
assez grand pour me rendre ce service sans qu’il soit besoin
qu’on lui promette des grâces afin de l’y engager, et, pour cet
amour désintéressé, je le récompenserai plus magnifiquement dans
le ciel ; quant à vous, faites cette commission comme étant ma
petite domestique ; ne craignez point de demander pour moi, et
vous aurez le même mérite que si vous faisiez l’œuvre.
« Voici à peu près
les paroles que Notre-Seigneur m’a fait entendre :
— Ma fille, ne vous
affligez point de ce que le travail de vos petits Évangiles ne
vous laisse pas jouir de ma présence comme vous le voudriez ;
car il vaut mieux sacrifier ces consolations pour empêcher que
je ne sois offensé. J’ai dessein de sauver des âmes par cette
dévotion, elle a déjà fait éviter plusieurs péchés.
[S’adressant à la
Mère prieure, la sœur ajoute] :
« Notre-Seigneur
m’a dit encore qu’il désirait qu’avec l’argent reçu des petits
Évangiles, vous fassiez célébrer cinquante messes pour sa plus
grande gloire et pour la salut des âmes, et qu’ensuite, si on en
recueillait assez pour couvrir les frais d’une impression
nouvelle des prières de la réparation, je devais être convaincue
qu’il n’y a point d’illusion de ma part, mais reconnaître que ce
divin Sauveur s’est communiqué à mon âme.
Vous savez que je
ne pensais plus à réclamer l’impression de ces prières. D’après
Monseigneur l’Archevêque, on ne peut les comprendre que
difficilement; mais aujourd’hui Notre-Seigneur les demande pour
les âmes religieuses, afin qu’elles attirent sa miséricorde sur
la France, qu’elles apaisent sa justice et que les méchants
soient confondus. J’abandonne ces choses à vos lumières, ma très
Révérende Mère ; tout ce que je cherche, c’est que la sainte
volonté de Dieu soit faite ».
« A l’époque du
tirage, plusieurs jeunes gens, sollicités par la tendresse de
leurs mères, qui craignaient de perdre en eux leurs soutiens,
ont consenti à porter sur eux le petit Évangile, et ne sont pas
tombés au sort
.
D’autres ont obtenu des conversions particulières. Ainsi, une
jeune personne faisait gémir ses parents par les injures dont
elle les accablait, se livrant à de terribles accès de colère;
elle a porté le petit Évangile, et cela seul a suffi pour
chasser le démon; elle a aussitôt demandé pardon à ses parents,
et s’est approchée des sacrements. Un pécheur endurci, réduit à
l’extrémité, refusait opiniâtrement de recevoir les secours de
la religion; son respectable curé, désolé de voir cette brebis
de son troupeau devenir la proie du loup infernal, eut recours
au petit Évangile ; il en fit mettre un au pied du lit de ce
malade, qui, touché aussitôt, demanda les sacrements et mourut
en bon chrétien. Un autre, qui avait depuis de longues années
abandonné la pratique de ses devoirs, voulut bien cependant
porter le petit Évangile, et réciter la prière qui y est jointe;
il sentit dès lors une grâce puissante, qui le sollicitait sans
cesse de revenir à Dieu; il fut plusieurs mois rebelle, mais
enfin, cédant à la vertu du saint Nom de Jésus, il alla se jeter
aux pieds d’un confesseur, et sa parfaite conversion a rempli de
joie ceux qui avaient gémi sur sa conduite passée.
Diverses personnes
ont ressenti les effets merveilleux de cette salutaire dévotion,
dans leurs maladies ou infirmités corporelles. Une petite fille
a été délivrée d’une grosse fièvre, qui l’avait réduite à
l’extrémité ; tout annonçait sa fin prochaine ; son oncle lui
passa au cou le petit Évangile; ils le récitèrent pendant neuf
jours avec les oraisons qui y sont jointes, et l’enfant fut
parfaitement guérie.
Une dame avait à la
gorge, depuis sept ans, un ulcère qui l’empêchait quelquefois de
prendre sa nourriture ; elle avait même de la peine à faire la
sainte communion; on lui avait administré beaucoup de remèdes
inutilement. Ayant pris sur elle le petit Évangile, elle a été
guérie si promptement, que les personnes qui la traitaient en
furent d’un étonnement extrême; aussi leur a-t-elle fait
connaître à quel divin remède elle devait sa guérison.
Un grand nombre de
femmes enceintes ont été comme miraculeusement délivrées par le
petit Évangile ; c’est surtout sur elles qu’il s’est opéré le
plus de grâces extraordinaires.
Une petite fille, à
qui nous avions donné un Évangile du saint Nom de Jésus, fit une
chute très grave. Quand on la releva, elle ne pouvait faire
aucun mouvement ; ses parents, désolés, craignaient qu’elle
n’eût les reins brisés, et voulaient aller chercher le médecin,
lorsque l’enfant se mit à crier : “N’y allez point, mais
donnez-moi ma petite relique ; le bon Jésus peut me guérir”.
On lui mit au cou le petit Évangile; aussitôt elle cessa de
crier, s’endormit profondément, et, à son réveil, se trouva
guérie sans se ressentir aucunement de sa chute. La foi de cette
enfant avait été récompensée; tous ceux qui croiront comme elle
n’espéreront pas en vain.
Plusieurs
missionnaires ont porté des Évangiles du saint Nom de Jésus dans
les pays étrangers ; je citerai, en terminant, la conversion
d’un grand pécheur.
Le 26 décembre
1845, il vint une personne, tout éplorée, recommander aux
prières un homme qui était à l’extrémité ; « mais,
disait-elle, il n’y a pas moyen de lui parler des sacrements,
car il est comme un furieux ». On remit à cette personne un
petit Évangile pour le passer au cou du malade, et une feuille
pour réciter les prières du saint Nom de Jésus. Cette dame,
pleine de foi et de zèle, ayant appris que deux hommes devaient
veiller toute la nuit auprès du moribond, les pria de tâcher de
lui mettre au cou le petit Évangile, et de réciter les prières
de la feuille ; ils le lui promirent, et s’acquittèrent de leur
mission auprès de ce malheureux, qui parut tout d’un coup
changé. Le voyant plus calme, ils lui proposèrent un prêtre; il
accepta, et, après s’être confessé, il reçu le saint viatique et
mourut dans de très bonnes dispositions. Satan, furieux de voir
cette proie lui échapper, a, pour s’en venger sans doute, tourné
sa rage contre moi. Dieu sait ce que j’ai souffert de lui au
moment de la mort de cet homme; pendant deux heures, j’avais
autour de moi comme une légion de démons ; j’étais comme
possédée ; il me semblait entendre leur voix horrible me
solliciter par leurs discours les plus séduisantes; l’action de
ces esprits infernaux à mon égard était des plus violentes ; je
n’avais jamais eu pareil combat à soutenir; mais le divin Époux
de mon âme m’a fortifiée par sa puissance, et sa grâce m’a
rendue victorieuse. J’allai me jeter aux pieds de notre
Révérende Mère, qui fut effrayée en voyant la pâleur de mon
visage ; je lui découvris les angoisses de mon pauvre cœur; elle
eut la charité de me consoler, et, quand elle m’eut donné sa
bénédiction, je me sentis aussitôt délivrée et je passai la nuit
dans la paix du Seigneur ».
« Monseigneur ne
voulait point se décider en faveur de l’œuvre; sa prudence
l’empêchait de prendre cette initiative. je vis bien qu’il n’y
avait d’espérance et de consolation pour moi que dans la prière,
par l’entremise de Marie, notre puissante avocate, et je récitai
tous les jours le chapelet afin d’obtenir le salut de la France
et l’établissement de la Réparation dans toutes les villes du
royaume; toutes mes prières et mes communions, tous mes désirs,
toutes mes pensées se dirigeaient vers cette œuvre si chère à
mon cœur. J’aurais voulu, si cela eût été possible, la proclamer
par toute la France, en faisant connaître à ma patrie les
malheurs qui la menaçaient. Ah ! que je souffre d’être seule
dépositaire d’une chose qui est si importante, et que je suis
obligée de garder dans le silence du cloître! Vierge sainte,
apparaissez dans le monde à quelqu’un, et faites-lui part de ce
qui m’est communiqué au sujet de la France. »
[Suite à une
communication de Sœur Marie de Sainte à la Mère Supérieure,
juste au début du mois de septembre 1846, et, avant l’apparition
sur la « sainte montagne »...]
« En 1846, vers les
premiers jours du mois de septembre, à la veille de partir avec
ma famille pour Saint-Servan, en Bretagne, j’allai prendre le
commissions de la Révérende Mère, dont quelques parents
demeuraient à Saint-Malo. Je fus obligé d’écrire la liste, assez
longue, des commissions qui m’étaient données. Nous nous
entretînmes ensuite de la sœur Marie de Saint-Pierre.
Voici ce qu’elle
vient de me dire — ajouta la Révérende Mère. Et comme au
même instant je me trouvais un crayon à la main, j’écrivis ce
qui suit: Notre-Seigneur s’adressant à la sœur, lui dit :
Ma mère a parlé aux hommes de ma colère; elle veut la
fléchir; elle m’a montré son sein et m’a dit : “Voilà
le sein qui vous a nourri, laissez-lui répandre des bénédictions
sur mes autres enfants” .Alors elle est descendue,
pleine de miséricorde, sur la terre; ayez donc confiance en
elle.
Je mis ces lignes
dans mon livre de prières et je n’y pensai plus. Ne me
trouvais-je pas devant un langage mystérieux, où le passé se
confondait avec le présent et le futur ? Je me contentai donc de
me maintenir, d’une manière un peu vague, dans la conviction où
j’étais depuis longtemps, que la sœur était la confidente de
Notre-Seigneur. Cette conviction prit un nouvel essor lorsque,
le 22 octobre de la même année, je reçus copie de la première
lettre de Monsieur le curé Corps, relative à l’apparition de la
sainte Vierge à la Salette, le 19 septembre. C’était
l’accomplissement de la prédiction des premiers jours de
septembre. J’en fis une copie et me hâtai de l’expédier à
Monsieur le curé de Corps, qui ne tarda pas à m’écrire : “Dès
le premier jour, j’ai cru ; aujourd’hui, si on peut parler
ainsi, je crois double”.
Je m’étais fait une
loi de ne rien écrire de ce qui m’était révélé, en secret, des
communications de la sœur Saint-Pierre. Mais il est évident que,
dans le cas dont je viens de parler, j’obéissais à un bon
mouvement, puisque la phrase que j’ai transcrite ne se trouve
pas dans le recueil des Révélations. A ce propos, la Révérende
Mère me dit :
— J’ordonnais
toujours à la sœur de mettre par écrit ce qu’elle voulait me
rapporter; mais il est probable que, dans la circonstance
actuelle, je l’aurai écoutée, et par mégarde j’aurai oublié ma
formule ordinaire, qui tendait à la tenir dans l’humilité: Ma
fille, par obéissance, allez écrire ce que vous voulez dire, je
n’ai pas le temps de vous écouter. Or, j’ai bien pu, dans
l’espace de cinq ans, faire plusieurs fois le même oubli,
surtout lorsque la communication était courte et débitée avec la
volubilité ordinaire de la sœur. Et dans ces cas-là elle se
serait bien gardée de prendre la plume.
Cette explication
est bien simple, bien naturelle, ce semble, et tout à fait
concluante.
Il est touchant,
plus qu’on ne peut penser et dire, de voir notre auguste Mère
confier à de pauvres petits enfants les amertumes de son cœur
maternel. N’est-il pas suffisant qu’elle ait été arrosée du sang
de son divin Fils sur le Calvaire ? Faut-il aujourd’hui qu’une
génération impie, le blasphème à la bouche, rappelle les
affreuses stations des rues de Jérusalem ? Et que
deviendrons-nous, si Marie ne peut plus retenir le bras de
Jésus ?... »
« Je vous rends
grâces, ô divine Marie, de m’avoir donné ces deux petits
bergers, comme des trompettes éclatantes pour faire retentir sur
la montagne, aux oreilles de la France, ce qui m’a été
communiqué dans la solitude. La voix de mes chers petits
associés fut bientôt entendue de toute la terre; leurs
publications produisirent une grande impression sur les âmes; le
rapport si frappant de leur communications avec les miennes fit
penser à mes dignes supérieurs qu’il serait utile d’en donner
connaissance pour la gloire de Dieu et l’avancement de son
œuvre.
Notre-Seigneur dans
l’Évangile a dit : “Je vous bénis, mon Père, de ce que vous
avez caché ces choses aux sages et aux grands du siècle, et vous
les avez révélées aux petits; oui, ô Père, parce qu’il vous a
plu d’en agir ainsi”. Il me semble que nous pouvons
appliquer ces paroles à l’œuvre de la Réparation et aux pauvres
petits instruments dont Dieu s’est servi pour l’établir dans
l’Église. O mon Dieu, que vos voies sont incompréhensibles et
cachées aux yeux des hommes ! Qui ne sera dans l’étonnement en
voyant ce que Notre-Seigneur et la sainte Vierge ont accompli
pour faire naître une si grande œuvre ? Ils ont choisi sur la
terre une petite trinité de personnes, les plus ignorantes, les
plus méprisables, dans l’âme desquelles ils ont opéré des
prodiges de grâce, afin de les rendre propres à concourir
ensemble à l’accomplissement des desseins de l’adorable Trinité
pour la gloire de son très saint Nom. La première est une petite
bergère qui s’était consacrée au saint Enfant-Jésus pour garder
ses brebis sur la montagne du Carmel; les deux autres sont deux
petits bergers qui gardaient leurs troupeaux sur la montagne de
la Salette. Ces trois petits missionnaires sont chargés
d’annoncer à la France les malheurs dont elle es menacée, à
cause de la transgression des commandements du Seigneur; tous
les trois ont aussi mission d’annoncer pardon et miséricorde, si
l’on revient à Dieu par la pénitence.
Ces trois messagers
travaillent ensemble à la même œuvre; chacun fait sa partie
selon sa profession; la petite bergère du Carmel est chargée de
prier, d’écrire, de garder le silence dans sa solitude; les
petits bergers de la Salette, au contraire, doivent parler à
haute voix sur le sommet de la montagne; et paraître en public
aux yeux d’innombrables pèlerins qui viennent entendre leurs
prédications. Bientôt tous sont instruits des crimes que le ciel
leur reproche et de la colère divine allumée contre eux; ils
sont consternés, et se demandent ce qu’ils feront pour la
désarmer. Consolez-vous: la bergère du Carmel sait le secret
d’apaiser la justice, allez la visiter. Comme les bergers de la
Salette, elle vous dira: Dieu est extrêmement irrité contre son
peuple à cause de la violation du dimanche et des blasphèmes.
depuis quatre ans, elle entend gronder l’orage qui menace la
France; mais votre sort est entre vos mains. Offrez pour vos
crimes une œuvre réparatrice, et vous obtiendrez miséricorde;
vous verrez alors couler « le lait et le miel » du sein de « la
montagne de Dieu ». Marie est cette montagne mystérieuse qui,
par l’excellence de son élection, était élevée au-dessus des
anges et des saints !
Cependant n’ayez
pas une confiance présomptueuse. Prions, prions et pleurons nos
péchés; car il viendra un temps, qui n’est pas éloigné, où la
France sera ébranlée jusque dans ses fondements. Alors elle
tremblera; mais elle ne sera pas engloutie, si aux yeux du
Seigneur apparaît l’œuvre réparatrice dans les villes de ce
royaume: celle qui devait être réduite en cendres ne sera que
légèrement blessée. »
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