LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

Sœur Marie de Saint-Pierre
(Perrine Éluère)
1816-1848

JOURNAL SPIRITUEL

29
Le Prince d'Orléans

« Après la sainte communion, Notre-Seigneur m’a dit :

— Laissez-vous aller à l’impression de la grâce.

J’ai obéi, et ce divin Sauveur a commencé son opération. Mais que dirai-je maintenant ? O bonté infinie de mon Dieu, aidez-moi à parler, afin que vous soyez de plus en plus connue et bénie sur la terre !

Regardez, me dit tout à coup Notre-Seigneur, voilà celui pour lequel vous avez prié ; je vous l’amène, afin qu’il vous remercie de ce que vous avez fait. Voyez à son égard l’excès de ma miséricorde, continua-t-il ; si je l’avais laissé sur la terre, il aurait eu l’ambition de ceindre son front d’une couronne temporelle, et maintenant je lui donne au ciel une couronne de gloire.

Je voyais, par une vue intellectuelle, cette âme à côté de Jésus. Comme elle se tournait vers moi :

Ah ! — lui ai-je dit — c’est Notre-Seigneur qu’il faut remercier, car pour moi je ne suis rien; ce sont ses mérites que j’ai offerts à Dieu.

Cet âme me dit alors :

C’est à la sainte Vierge que je dois mon salut; quand j’ai été traduite devant le tribunal de Dieu, j’ai été couverte des mérites infinis de Jésus-Christ, et c’est par la protection de saint Joseph que je suis sortie du purgatoire.

O âme trop heureuse, — lui ai-je dit —, priez pour moi; et je répétais, dans un transport de reconnaissance envers la miséricorde infinie de Dieu : Heureuse âme, priez pour moi ; prosternons-nous ensemble aux pieds de Notre-Seigneur Jésus-Christ; aidez-moi à lui rendre mes devoirs.

Notre-Seigneur m’a dit :

— Maintenant, celui-ci priera pour vous.

Et je répétais :

Priez pour moi ! Mais, repris-je, comment vous invoquerai-je désormais ?

Je m’appelle Ferdinand, nommez-moi Ferdinand ; je vous assure que je m’appelais Ferdinand.

Il me semblait qu’il répétait ainsi son nom plusieurs fois comme preuve de la vérité que je voyais, car j’ignorais qu’il eût ce nom. Il ajouta :

Je règne maintenant avec Jésus-Christ ; je suis couronné dans les cieux.

Je lui dis :

Je sais que la bonté de Dieu est bien grande; cependant je n’osais penser que vous fussiez déjà entré dans la gloire, mais j’ai compris que c’était un chef-d’œuvre de la miséricorde divine.

Tout ce que je voyais, entendais et comprenais, me mettait hors de moi; l’excès de la divine charité envers cette âme me ravissait; les larmes et les sanglots accompagnaient cette émotion intérieure. Mais en ce doux moment la cloche du tour a sonné, et, comme l’obéissance m’appelait, j’ai quitté Notre-Seigneur pour aller remplir les devoirs de mon office. Alors, voulant m’assurer si ce que je venais de voir n’était point une illusion, j’ai demandé à une sœur que je rencontrai, et qui devait savoir le nom du prince en question, comment on l’appelait. Elle m’a répondu : “Il s’appelait Ferdinand”. Cette réponse a fait en moi une vive impression, parce que c’était la marque de la vérité; d’ailleurs, l’opération de Dieu en mon âme était des plus fortes ». [1]

L’Évangile de la Circoncision

« Comme ces bonnes gens voyaient que cette petite Bretonne, simple comme eux, entendait parfaitement leur langage et leurs peines, tâchant de les adoucir par la voix de la religion, ils s’en allaient contents; mais bientôt ils revenaient et m’amenaient leurs voisins; malgré la charité que j’avais pour eux, je m’excusais de les recevoir, afin de ne point m’éloigner de l’esprit de silence propre à notre sainte vocation. Notre-Seigneur, qui voyait cela, me donna le moyen de les satisfaire, et de plus celui de les soulager dans leurs maladies, en m’inspirant une dévotion qui consiste à porter sur soi l’Évangile de la Circoncision.

Voici comment je conçois cette pratique d’après ce qu’il m’a communiqué. Le démon met tout en œuvre pour ravir à Notre-Seigneur Jésus-Christ l’héritage conquis sur la croix, et il cherche sans cesse à dérober à ce bon Pasteur les brebis rachetées d’un si grand prix. Pour le mettre en fuite et empêcher ce loup ravisseur d’approcher du bercail, Jésus désire, comme il me l’a fait connaître, voir ses brebis marquées de son saint Nom et portant sur elles l’Évangile qui annonce à toutes les nations que le Verbe incarné a été nommé Jésus. Cet aimable Sauveur me fit connaître la vertu de ce Nom sacré : il chasserait le démon, et ceux qui auraient recours à cet acte de piété en recevraient de très grandes grâces. Il me dit aussi de mettre au bas de cet Évangile quelques paroles rappelant la victoire qu’il a remportée sur Satan en prenant par amour pour nous le nom de Jésus. Cette petite dévotion fut d’abord approuvée de mes supérieurs; leur charité permit plus tard qu’on imprimât l’Évangile de la Circoncision et qu’on gravât sur la même feuille le saint Enfant-Jésus et les initiales de son Nom adorable. La feuille était ensuite pliée et renfermée dans un petit morceau d’étoffe sur lequel on brodait une croix avec le Sacré-Cœur: ce qui faisait l’effet d’une médaille que l’on porte sur soi. Cette pratique reçut aussi l’approbation d’un grand vicaire [2], comme étant très conforme à l’esprit de l’Église ; car on voit dans l’histoire que les premiers chrétiens avaient l’habitude de porter sur eux le saint Évangile.

Notre-Seigneur m’avait fait connaître qu’il ne fallait point vendre ces pieux objets, mais les répandre en son nom, afin que tous pussent s’en procurer facilement ; qu’il demandait cette aumône à la communauté pour sa gloire, et qu’il saurait bien l’en récompenser en prenant soin des affaires de la maison. Nos dignes supérieurs me donnèrent la permission de satisfaire le désir de l’Enfant-Jésus. Bientôt une infinité de personnes portèrent sur elles avec dévotion cet Évangile, et l’Enfant-Jésus ne tarda pas à les récompenser par des grâces spéciales [3]. J’étais continuellement occupée à disposer ces petits Évangiles; mais, quoique je fusse fort assidue à ce travail, je ne faisais pas assez pour contenter tous ceux qui en désiraient. Alors nos chères sœurs voulurent bien m’aider; j’étais enchantée de ce nouveau commerce, tout au profit et à la gloire du saint Enfant. Je fis pour lui un très joli petit Évangile, que je mis au cou de sa statue; comme il m’avait dit de ne point vendre ces objets et que beaucoup de gens riches voulaient donner quelque rétribution, je mis une bourse dans la main de mon petit roi, et nous disions à ces personnes : “Donnez ce que vous voudrez à Jésus, cela servira à lui acheter des langes”. Cet aimable Enfant leur payait au centuple ces aumônes par les grâces qu’il leur accordait. Il recueillit ainsi dans sa petite bourse une somme assez considérable. Alors notre Révérende Mère acheta des langes à Jésus, je veux dire des corporaux; la communauté, par les ordres de notre Mère, travailla ces langes, qui furent offerts au saint Enfant, en grande cérémonie, à sa fête du Saint-Sacrement et distribués dans l’octave aux paroisses pauvres du diocèse. on fit aussi un trousseau pour un pauvre petit enfant naissant, qui représentait la pauvreté de Jésus à sa naissance ».

« La bonne et candide sœur nous apprend encore que Notre-Seigneur demandait comme une aumône qu’on distribuât ces feuilles le plus possible et qu’on y écrivit à la fin ces mots :

                                   Quand Jésus fut nommée,
                                   Satan vaincu fut désarmé ».
[4]

« Il m’a fait connaître combien il lui était glorieux qu’on célébrât sa victoire par ces paroles; elles font frémir de rage le démon; il bénira les personnes qui porteront sur elles cet Évangile; il les défendra contre les attaques de Satan ».

« Tandis que je cherchais les moyens de couvrir les frais de ces dépenses,[5] Notre-Seigneur m’ordonna de m’adresser à son serviteur, Monsieur Dupont, et de lui dire que l’Enfant-Jésus lui demandait cette œuvre de charité comme la dîme des biens qu’il lui avait donnés, et que cette œuvre lui serait fort agréable. Je dis alors à ce divin Sauveur :

Si vous vouliez me promettre quelque bien pour lui, ou du moins quelque grâce pour sa famille.

Notre-Seigneur me répondit :

— Son amour est assez grand pour me rendre ce service sans qu’il soit besoin qu’on lui promette des grâces afin de l’y engager, et, pour cet amour désintéressé, je le récompenserai plus magnifiquement dans le ciel ; quant à vous, faites cette commission comme étant ma petite domestique ; ne craignez point de demander pour moi, et vous aurez le même mérite que si vous faisiez l’œuvre.

« Voici à peu près les paroles que Notre-Seigneur m’a fait entendre :

— Ma fille, ne vous affligez point de ce que le travail de vos petits Évangiles ne vous laisse pas jouir de ma présence comme vous le voudriez ; car il vaut mieux sacrifier ces consolations pour empêcher que je ne sois offensé. J’ai dessein de sauver des âmes par cette dévotion, elle a déjà fait éviter plusieurs péchés.

[S’adressant à la Mère prieure, la sœur ajoute] :

« Notre-Seigneur m’a dit encore qu’il désirait qu’avec l’argent reçu des petits Évangiles, vous fassiez célébrer cinquante messes pour sa plus grande gloire et pour la salut des âmes, et qu’ensuite, si on en recueillait assez pour couvrir les frais d’une impression nouvelle des prières de la réparation, je devais être convaincue qu’il n’y a point d’illusion de ma part, mais reconnaître que ce divin Sauveur s’est communiqué à mon âme.

Vous savez que je ne pensais plus à réclamer l’impression de ces prières. D’après Monseigneur l’Archevêque, on ne peut les comprendre que difficilement; mais aujourd’hui Notre-Seigneur les demande pour les âmes religieuses, afin qu’elles attirent sa miséricorde sur la France, qu’elles apaisent sa justice et que les méchants soient confondus. J’abandonne ces choses à vos lumières, ma très Révérende Mère ; tout ce que je cherche, c’est que la sainte volonté de Dieu soit faite ».

Les grâces obtenues

« A l’époque du tirage, plusieurs jeunes gens, sollicités par la tendresse de leurs mères, qui craignaient de perdre en eux leurs soutiens, ont consenti à porter sur eux le petit Évangile, et ne sont pas tombés au sort [6]. D’autres ont obtenu des conversions particulières. Ainsi, une jeune personne faisait gémir ses parents par les injures dont elle les accablait, se livrant à de terribles accès de colère; elle a porté le petit Évangile, et cela seul a suffi pour chasser le démon; elle a aussitôt demandé pardon à ses parents, et s’est approchée des sacrements. Un pécheur endurci, réduit à l’extrémité, refusait opiniâtrement de recevoir les secours de la religion; son respectable curé, désolé de voir cette brebis de son troupeau devenir la proie du loup infernal, eut recours au petit Évangile ; il en fit mettre un au pied du lit de ce malade, qui, touché aussitôt, demanda les sacrements et mourut en bon chrétien. Un autre, qui avait depuis de longues années abandonné la pratique de ses devoirs, voulut bien cependant porter le petit Évangile, et réciter la prière qui y est jointe; il sentit dès lors une grâce puissante, qui le sollicitait sans cesse de revenir à Dieu; il fut plusieurs mois rebelle, mais enfin, cédant à la vertu du saint Nom de Jésus, il alla se jeter aux pieds d’un confesseur, et sa parfaite conversion a rempli de joie ceux qui avaient gémi sur sa conduite passée.

Diverses personnes ont ressenti les effets merveilleux de cette salutaire dévotion, dans leurs maladies ou infirmités corporelles. Une petite fille a été délivrée d’une grosse fièvre, qui l’avait réduite à l’extrémité ; tout annonçait sa fin prochaine ; son oncle lui passa au cou le petit Évangile; ils le récitèrent pendant neuf jours avec les oraisons qui y sont jointes, et l’enfant fut parfaitement guérie.

Une dame avait à la gorge, depuis sept ans, un ulcère qui l’empêchait quelquefois de prendre sa nourriture ; elle avait même de la peine à faire la sainte communion; on lui avait administré beaucoup de remèdes inutilement. Ayant pris sur elle le petit Évangile, elle a été guérie si promptement, que les personnes qui la traitaient en furent d’un étonnement extrême; aussi leur a-t-elle fait connaître à quel divin remède elle devait sa guérison.

Un grand nombre de femmes enceintes ont été comme miraculeusement délivrées par le petit Évangile ; c’est surtout sur elles qu’il s’est opéré le plus de grâces extraordinaires.

Une petite fille, à qui nous avions donné un Évangile du saint Nom de Jésus, fit une chute très grave. Quand on la releva, elle ne pouvait faire aucun mouvement ; ses parents, désolés, craignaient qu’elle n’eût les reins brisés, et voulaient aller chercher le médecin, lorsque l’enfant se mit à crier : “N’y allez point, mais donnez-moi ma petite relique ; le bon Jésus peut me guérir”. On lui mit au cou le petit Évangile; aussitôt elle cessa de crier, s’endormit profondément, et, à son réveil, se trouva guérie sans se ressentir aucunement de sa chute. La foi de cette enfant avait été récompensée; tous ceux qui croiront comme elle n’espéreront pas en vain.

Plusieurs missionnaires ont porté des Évangiles du saint Nom de Jésus dans les pays étrangers ; je citerai, en terminant, la conversion d’un grand pécheur.

Le 26 décembre 1845, il vint une personne, tout éplorée, recommander aux prières un homme qui était à l’extrémité ; « mais, disait-elle, il n’y a pas moyen de lui parler des sacrements, car il est comme un furieux ». On remit à cette personne un petit Évangile pour le passer au cou du malade, et une feuille pour réciter les prières du saint Nom de Jésus. Cette dame, pleine de foi et de zèle, ayant appris que deux hommes devaient veiller toute la nuit auprès du moribond, les pria de tâcher de lui mettre au cou le petit Évangile, et de réciter les prières de la feuille ; ils le lui promirent, et s’acquittèrent de leur mission auprès de ce malheureux, qui parut tout d’un coup changé. Le voyant plus calme, ils lui proposèrent un prêtre; il accepta, et, après s’être confessé, il reçu le saint viatique et mourut dans de très bonnes dispositions. Satan, furieux de voir cette proie lui échapper, a, pour s’en venger sans doute, tourné sa rage contre moi. Dieu sait ce que j’ai souffert de lui au moment de la mort de cet homme; pendant deux heures, j’avais autour de moi comme une légion de démons ; j’étais comme possédée ; il me semblait entendre leur voix horrible me solliciter par leurs discours les plus séduisantes; l’action de ces esprits infernaux à mon égard était des plus violentes ; je n’avais jamais eu pareil combat à soutenir; mais le divin Époux de mon âme m’a fortifiée par sa puissance, et sa grâce m’a rendue victorieuse. J’allai me jeter aux pieds de notre Révérende Mère, qui fut effrayée en voyant la pâleur de mon visage ; je lui découvris les angoisses de mon pauvre cœur; elle eut la charité de me consoler, et, quand elle m’eut donné sa bénédiction, je me sentis aussitôt délivrée et je passai la nuit dans la paix du Seigneur ».

La Salette

« Monseigneur ne voulait point se décider en faveur de l’œuvre; sa prudence l’empêchait de prendre cette initiative. je vis bien qu’il n’y avait d’espérance et de consolation pour moi que dans la prière, par l’entremise de Marie, notre puissante avocate, et je récitai tous les jours le chapelet afin d’obtenir le salut de la France et l’établissement de la Réparation dans toutes les villes du royaume; toutes mes prières et mes communions, tous mes désirs, toutes mes pensées se dirigeaient vers cette œuvre si chère à mon cœur. J’aurais voulu, si cela eût été possible, la proclamer par toute la France, en faisant connaître à ma patrie les malheurs qui la menaçaient. Ah ! que je souffre d’être seule dépositaire d’une chose qui est si importante, et que je suis obligée de garder dans le silence du cloître! Vierge sainte, apparaissez dans le monde à quelqu’un, et faites-lui part de ce qui m’est communiqué au sujet de la France. »[7]

Lettre de Monsieur Dupont

[Suite à une communication de Sœur Marie de Sainte à la Mère Supérieure, juste au début du mois de septembre 1846, et, avant l’apparition [8] sur la « sainte montagne »...]

« En 1846, vers les premiers jours du mois de septembre, à la veille de partir avec ma famille pour Saint-Servan, en Bretagne, j’allai prendre le commissions de la Révérende Mère, dont quelques parents demeuraient à Saint-Malo. Je fus obligé d’écrire la liste, assez longue, des commissions qui m’étaient données. Nous nous entretînmes ensuite de la sœur Marie de Saint-Pierre.

Voici ce qu’elle vient de me dire — ajouta la Révérende Mère. Et comme au même instant je me trouvais un crayon à la main, j’écrivis ce qui suit: Notre-Seigneur s’adressant à la sœur, lui dit : Ma mère a parlé aux hommes de ma colère; elle veut la fléchir; elle m’a montré son sein et m’a dit : “Voilà le sein qui vous a nourri, laissez-lui répandre des bénédictions sur mes autres enfants” .Alors elle est descendue, pleine de miséricorde, sur la terre; ayez donc confiance en elle.

Je mis ces lignes dans mon livre de prières et je n’y pensai plus. Ne me trouvais-je pas devant un langage mystérieux, où le passé se confondait avec le présent et le futur ? Je me contentai donc de me maintenir, d’une manière un peu vague, dans la conviction où j’étais depuis longtemps, que la sœur était la confidente de Notre-Seigneur. Cette conviction prit un nouvel essor lorsque, le 22 octobre de la même année, je reçus copie de la première lettre de Monsieur le curé Corps, relative à l’apparition de la sainte Vierge à la Salette, le 19 septembre. C’était l’accomplissement de la prédiction des premiers jours de septembre. J’en fis une copie et me hâtai de l’expédier à Monsieur le curé de Corps, qui ne tarda pas à m’écrire : “Dès le premier jour, j’ai cru ; aujourd’hui, si on peut parler ainsi, je crois double”.

Je m’étais fait une loi de ne rien écrire de ce qui m’était révélé, en secret, des communications de la sœur Saint-Pierre. Mais il est évident que, dans le cas dont je viens de parler, j’obéissais à un bon mouvement, puisque la phrase que j’ai transcrite ne se trouve pas dans le recueil des Révélations. A ce propos, la Révérende Mère me dit :

J’ordonnais toujours à la sœur de mettre par écrit ce qu’elle voulait me rapporter; mais il est probable que, dans la circonstance actuelle, je l’aurai écoutée, et par mégarde j’aurai oublié ma formule ordinaire, qui tendait à la tenir dans l’humilité: Ma fille, par obéissance, allez écrire ce que vous voulez dire, je n’ai pas le temps de vous écouter. Or, j’ai bien pu, dans l’espace de cinq ans, faire plusieurs fois le même oubli, surtout lorsque la communication était courte et débitée avec la volubilité ordinaire de la sœur. Et dans ces cas-là elle se serait bien gardée de prendre la plume.

Cette explication est bien simple, bien naturelle, ce semble, et tout à fait concluante.

Il est touchant, plus qu’on ne peut penser et dire, de voir notre auguste Mère confier à de pauvres petits enfants les amertumes de son cœur maternel. N’est-il pas suffisant qu’elle ait été arrosée du sang de son divin Fils sur le Calvaire ? Faut-il aujourd’hui qu’une génération impie, le blasphème à la bouche, rappelle les affreuses stations des rues de Jérusalem ? Et que deviendrons-nous, si Marie ne peut plus retenir le bras de Jésus ?... » [9]

La joie de sœur Saint-Pierre

« Je vous rends grâces, ô divine Marie, de m’avoir donné ces deux petits bergers, comme des trompettes éclatantes pour faire retentir sur la montagne, aux oreilles de la France, ce qui m’a été communiqué dans la solitude. La voix de mes chers petits associés fut bientôt entendue de toute la terre; leurs publications produisirent une grande impression sur les âmes; le rapport si frappant de leur communications avec les miennes fit penser à mes dignes supérieurs qu’il serait utile d’en donner connaissance pour la gloire de Dieu et l’avancement de son œuvre.

Notre-Seigneur dans l’Évangile a dit : “Je vous bénis, mon Père, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux grands du siècle, et vous les avez révélées aux petits; oui, ô Père, parce qu’il vous a plu d’en agir ainsi”. Il me semble que nous pouvons appliquer ces paroles à l’œuvre de la Réparation et aux pauvres petits instruments dont Dieu s’est servi pour l’établir dans l’Église. O mon Dieu, que vos voies sont incompréhensibles et cachées aux yeux des hommes ! Qui ne sera dans l’étonnement en voyant ce que Notre-Seigneur et la sainte Vierge ont accompli pour faire naître une si grande œuvre ? Ils ont choisi sur la terre une petite trinité de personnes, les plus ignorantes, les plus méprisables, dans l’âme desquelles ils ont opéré des prodiges de grâce, afin de les rendre propres à concourir ensemble à l’accomplissement des desseins de l’adorable Trinité pour la gloire de son très saint Nom. La première est une petite bergère qui s’était consacrée au saint Enfant-Jésus pour garder ses brebis sur la montagne du Carmel; les deux autres sont deux petits bergers qui gardaient leurs troupeaux sur la montagne de la Salette. Ces trois petits missionnaires sont chargés d’annoncer à la France les malheurs dont elle es menacée, à cause de la transgression des commandements du Seigneur; tous les trois ont aussi mission d’annoncer pardon et miséricorde, si l’on revient à Dieu par la pénitence.

Ces trois messagers travaillent ensemble à la même œuvre; chacun fait sa partie selon sa profession; la petite bergère du Carmel est chargée de prier, d’écrire, de garder le silence dans sa solitude; les petits bergers de la Salette, au contraire, doivent parler à haute voix sur le sommet de la montagne; et paraître en public aux yeux d’innombrables pèlerins qui viennent entendre leurs prédications. Bientôt tous sont instruits des crimes que le ciel leur reproche et de la colère divine allumée contre eux; ils sont consternés, et se demandent ce qu’ils feront pour la désarmer. Consolez-vous: la bergère du Carmel sait le secret d’apaiser la justice, allez la visiter. Comme les bergers de la Salette, elle vous dira: Dieu est extrêmement irrité contre son peuple à cause de la violation du dimanche et des blasphèmes. depuis quatre ans, elle entend gronder l’orage qui menace la France; mais votre sort est entre vos mains. Offrez pour vos crimes une œuvre réparatrice, et vous obtiendrez miséricorde; vous verrez alors couler « le lait et le miel » du sein de « la montagne de Dieu ». Marie est cette montagne mystérieuse qui, par l’excellence de son élection, était élevée au-dessus des anges et des saints !

Cependant n’ayez pas une confiance présomptueuse. Prions, prions et pleurons nos péchés; car il viendra un temps, qui n’est pas éloigné, où la France sera ébranlée jusque dans ses fondements. Alors elle tremblera; mais elle ne sera pas engloutie, si aux yeux du Seigneur apparaît l’œuvre réparatrice dans les villes de ce royaume: celle qui devait être réduite en cendres ne sera que légèrement blessée. »[10]


[1] « Cette communication fut, comme toutes les autres, mise sous les yeux de Monseigneur Morlot. Ce prélat en fut si frappé et y vit tellement une inspiration surnaturelle, qu’il crut devoir en écrire à la pieuse mère du défunt, la reine Amélie, qu’on savait tristement préoccupée du sort éternel de son fils. Il est facile de comprendre quelle précieuse et légitime consolation procura à cette chrétienne inquiète et affligée la charitable démarche de l’archevêque ». Abbé Janvier: “Vie de la Sœur Marie de Saint-Pierre”.
[2] Ce n’était qu’une approbation verbale. Plus tard, quinze jours après la mort de la Sœur, Monsieur Dupont obtint l’approbation officielle.
[3] Document G, page 1.
[4] Abbé Janvier: “La vie de la Sœur Marie de Saint-Pierre”.
[5] Dans les premiers temps...
[6] N’ont pas été appelés à faire leur service militaire.
[7] Document C, page 57.
[8] La Vierge Marie est apparue, le 19 septembre 1846, à La Salette, dans les Alpes, diocèse de Grenoble, à deux petits enfants: Mélanie et Maximin.
      Notre Mère du ciel y est apparue en pleurs... Elle y demanda, à « son peuple » — la France — la sanctification du saint jour du Dimanche et la réparation du blasphème. « Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller le bras de mon Fils; il est si lourd que je ne puis plus le retenir. Oh! si vous saviez combien je souffre pour vous!... » Elle confia également aux enfants un secret assez important sur l’état et l’avenir de l’Église. Ce même secret suscita bien des polémiques. Il fut, malgré cela, approuvé à Rome, par le Chanoine Lippidi. Mélanie, quand à elle, entra au couvent et, après bien des vicissitudes, rendit son âme à Dieu à Altamura, en Italie, où son corps repose. Maximin, après avoir été zouave pontifical, mourut presque dans l’oubli.
[9] Abbé Janvier - « Vie de Monsieur Dupont », T 1, page 161. — Document T, page 9.
[10] Document C. page 63.

   

 

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