« Je ne peux
retenir mes larmes d’après ce que Notre-Seigneur vient de me
dire, après L’avoir reçu dans la sainte communion. Voici les
terribles paroles de ce divin Sauveur :
— La face de la
France est devenue hideuse aux yeux de mon Père ; elle provoque
sa justice ! Offrez-lui donc la Face de son Fils qui charme son
Cœur, pour attirer sur cette France sa miséricorde ; sans quoi,
elle sera châtiée. Là est son salut! c’est-à-dire en la Face du
Sauveur. Voyez quelle preuve de ma bonté pour la France, qui ne
me paie que d’ingratitude.
Alors j’ai dit : —
Seigneur, est-ce bien vous qui ne donnez ces lumières ?
Notre-Seigneur m’a
répondu :
— Auriez-vous pu
vous les procurer vous-même dans la dernière communication ?
C’est exprès que je vous ai laissée depuis huit jours dans des
ténèbres si profondes, afin de vous faire discerner mon
opération.
Père éternel, nous
vous offrons la Face adorable de votre Fils bien-aimé, pour
l’honneur et la gloire de votre saint Nom et pour le salut de la
France ! ».
« Permettez-moi de
vous ouvrir mon pauvre cœur, blessé par un glaive de douleur, à
cause de la nouvelle application que Notre-Seigneur m’a donnée
ce matin sur son précieux chef couronné d’épines et sur sa Face
adorable qui est un butte aux outrages des ennemis de Dieu et de
l’Église. Il m’a fait entendre de nouveau ses douloureuses
plaintes! Et ce divin Sauveur me faisait entendre qu’Il
cherchait dans notre maison des âmes pour cicatriser ses
blessures en réparant les outrages qui lui sont faits et en
appliquant sur ses divines plaies le vin de la compassion et
l’huile de la charité. Et il me semblait que Notre-Seigneur me
disait que si la Communauté s’appliquait à cet exercice de
réparation, Il lui donnerait un baiser d’amour qui serait le
gage du baiser éternel. Il me semble aussi, ma Révérende
Mère, que Notre-Seigneur me disait de vous remercier de ce que
vous aviez déjà fait pour Lui en cette œuvre de réparation des
blasphèmes et qu’Il vous engageait à continuer. J’avais peine à
prendre la résolution de parler de ces choses, à cause que je
craignais l’illusion, et je disais à Notre-Seigneur que, malgré
le désir que j’avais de Le voir glorifié, je n’aurais pourtant
jamais voulu dire une chose qui fût seulement un simple effet de
mon imagination. Mais il me semblait que Notre-Seigneur me
pressait de plaider sa cause et de demander pour Lui du
soulagement à ses cruelles douleurs. J’ai senti pendant près de
deux heures la présence de ce divin Sauveur dans mon âme.
— Mon Sauveur,
lui ai-je dit, ah ! veuillez vous choisir un plus digne
instrument. Cherchez une Thérèse ou une Gertrude.
Et les sanglots et
les larmes ont un peu soulagé mon pauvre cœur. Cette journée a
été pour moi pleine d’angoisse ; mais heureuses souffrances,
puisqu’il me semblait que Notre-Seigneur me faisait connaître
qu’en me voyant prendre part à ses peines et les partager avec
lui, il en été consolé !
Oh ! ma bonne et
Révérende Mère, je vous demande en grâce, pour l’amour et la
consolation de Notre-Seigneur que vous vouliez envoyer dans
quelques-unes de nos maisons les prières de la Réparation des
blasphèmes qui sont si agréables à Notre-Seigneur: aussi je les
ai dites deux fois dans cette journée en priant ce divin Sauveur
de les recevoir comme le précieux parfum que sainte Madeleine
son amante Lui versa sur la tête quelques jours avant sa
Passion.
Voilà à peu près,
ma Révérende Mère, ce qui s’est passé dans mon âme. Il y avait
cinq semaines que Notre-Seigneur n’avait rien opéré en moi
d’extraordinaire: seulement j’étais toujours appliquée à la
réparation des blasphèmes, en soupirant après la naissance de
cette œuvre, toutefois dans une grande paix, m’occupant du
troupeau dont la garde m’a été remise ; tous les jours je le
mène paître dans les divines prairies des mystères de la vie et
de la Passion du Bon Pasteur qui a donné sa vie pour ses brebis,
afin qu’aucune d’elles ne périsse. ».
|