CHAPITRE
VII
Premier
Priorat
(suite)
1608-1615
Quelques
rares
événements
vinrent
interrompre,
pendant
ce
premier
priorat,
la
monotonie
de
l'existence
de
la
Mère
Madeleine.
D'abord
la
fondation
du
Carmel
de
Tours,
dont
on
a
vu
les
préliminaires
au
chapitre
précédent
et
qui
suivit
de
très
près
l'élection
de
la
Vénérable.
Si
celle-ci
n'y
fut
pas
mêlée
directement,
elle
dut,
à
n'en
pas
douter,
être
un
peu
affectée
par
certaines
difficultés
qui
surgirent,
durant
la
première
année,
entre
le
fondateur
et
la
prieure.
Le
bon
M.
de
Fontaines
se
croyait
un
droit
de
surveillance
sur
la
communauté,
et
jusque
sur
les
confessions
des
Sœurs ;
de
son
côté
la
Mère
Anne
de
Saint-Barthélemy
défendait
doucement,
mais
fermement,
la
liberté
de
ses
religieuses.
Grâce
à
sa
patiente
adresse
du
reste,
et
à
l'intervention
pacifique
des
supérieurs,
tout
rentra
bientôt
dans
l'ordre
et
la
bonne
harmonie.
Dans
les
deux
années
suivantes,
les
fondations
de
Rouen
et
de
Bordeaux
fournirent
à
la
Mère
Isabelle
des
Anges
l'occasion
de
repasser
au
faubourg
Saint-Jacques.
Ce
fut
une
joie
pour
la
Mère
Madeleine,
qui
lui
déféra
pendant
ces
courts
séjours
les
honneurs
de
la
supériorité.
On-a
conservé
à
ce
propos
un
souvenir
assez
piquant.
Le
noviciat
de
l'Incarnation
se
recrutait
alors
en
grande
partie
dans
les
rangs
de
la
haute
société.
Isabelle
le
savait.
Or,
tandis
que
Madeleine
de
Saint-Joseph
lui
faisait
visiter
le
monastère
et
ses
offices,
soumettant
humblement
toutes
choses
au
contrôle
de
celle
qu'elle
vénérait
comme
l'une
de
ses
premières
Mères,
l'aimable
Espagnole remarqua
«
les
écuellées
de
soupe
que
notre
bienheureuse
Mère
faisait
faire
aux
grandes
dames...
;
et
elle,
ayant
pitié
de
ce
que
l'on
donnait
tant
de
soupe
à
des
personnes
si
délicates,
notre
bienheureuse
Mère
lui
dit
:
«
Ma
Mère,
de
quoi
les
nourririons-nous!
»
Trente
ans
après,
la
Mère
Isabelle
en
parlait
encore,
et
témoignait
avec
admiration
à
ses
Filles
de
Limoges
« qu'elle
avait
trouvé
dans
le
couvent
de
Paris
toutes
les
pratiques
de
la
religion
dans
leur
vigueur
»,
sous
la
houlette
d'une
si
digne
supérieure.
«
Ces
deux
saintes
âmes
renouvelèrent
ensemble
une
si
étroite
amitié
et
contractèrent
une
liaison
si
particulière
en
Notre-Seigneur,
qu'elle
a
duré
toute
leur
vie.
»
Vers
1610
encore
se
place
un
«
petit
voyage
»
que
la
Vénérable fit
au
Carmel
d'Amiens,
on
ne
sait
pour
quel
motif.
«
Bien
qu'elle
y
demeurât
très
peu,
elle
profita
beaucoup
[à
la
communauté]
par
ses
saints
avis
et
par
les
exemples
des
rares
vertus
qu'elle
y
pratiqua.
»
Puis,
ce
fut
le
retour
d'Anne
de
Saint-Barthélemy
au
Grand
Couvent.
Elle
y
séjourna
quelques
semaines,
mais
un
nuage
planait
sur
la
consolation
réciproque
que
Mère
et
Filles
avaient
de
se
revoir.
La
Bienheureuse
était
à
ce
moment
préoccupée
du
projet
de
passer
en
Flandre,
tant
pour
répondre
aux
appels
réitérés
d'Anne
de
Jésus
que
pour
retrouver
le
gouvernement
des
Carmes
Déchaussés,
et
surtout
pour
obéir
à
un
ordre
d'En-Haut.
Elle
quitta
effectivement
la
France
en
octobre
1611,
y
laissant
bien
vivant
le
souvenir
de
ses
vertus.
La
même
année
1611
avait
vu
expirer
le
triennat
de
la
Mère
Madeleine.
Mais
la
communauté,
si
heureuse
sous
son
gouvernement,
la
maintint
à
sa
tête
pour
un
nouveau
mandat
(3o
mai).
Un
peu
avant
cette
réélection,
M.
Gallemant
vint
faire
au
monastère
la
visite
canonique.
L'humilité
de
la
Servante
de
Dieu « édifia
extrêmement
»
ses
Sœurs
en
cette
circonstance;
«
car
elle,
s'étant
aperçue
que
M.
Gallemant
était
fort
satisfait
de
sa
conduite,
et
craignant
qu'au
lieu
de
la
reprendre,
il
témoignât
au
Chapitre
sa
satisfaction,
elle
lui
fit
paraître
le
déplaisir
qu'elle
recevrait
s'il
l'épargnait,
et
le
supplia
de
ne
la
pas
priver
de
la
grâce
qu'elle
attendait
d'être
reprise
de
ses
fautes;
ce
qu'elle
lui
demanda
avec
tant
de
chaleur
que,
pour,
lui
satisfaire,
il
la
reprit
de
sa
grande
douceur
».
Vers
la
même
époque,
la
Vénérable
servit
d'instrument
à
la
Providence
pour
promouvoir
la
réalisation
d'une
grande
œuvre.
Il
y
avait
longtemps
déjà
que
M.
de
Bérulle,
désolé
«
des
plaies
profondes,
invétérées,
de
l'Église
de
France
»,
désirait
ardemment
y
voir
apporter
remède
par
quelque
institut
spécialement
consacré
à « donner
à
Dieu
des
prêtres
dignes
de
ce
nom
».
Nombre
d'âmes
pieuses
ou
d'ecclésiastiques
du
premier
mérite
—
parmi
lesquels
saint
François
de
Sales,
Marie
de
l'Incarnation,
Anne
de
Saint-Barthélemy,
Madeleine
de
Saint-Joseph
—
le
pressaient
d'exécuter
lui-même
ce
dessein;
mais,
arrêté
par
son
humilité,
il
ne
s'était
senti
jusque-là
«
ni
poussé,
ni
animé
à
l'entreprendre
».
Un
jour
enfin,
«
qu'il
parlait
de
cette
affaire
avec
la
Vénérable
Mère
[Madeleine],
il
fut
tellement
touché
du
Saint-Esprit,
que...,
comme
dans
un
transport,
il
s'écria
avec
le
prophète
:
“Annuntiate
inter
gentes
studia
ejus”.
Pendant
qu'il
disait
ces
paroles,
Dieu
lui
révéla
ce
qu'il
souhaitait
de
cette
Congrégation
» ;
et,
sous
l'action
de
cette
grâce
puissante,
il
se
mit
à
en
exposer
tout
le
plan
à
la
Servante
de
Dieu.
Alors
celle-ci,
«
emportée
en
quelque
sorte
du
même
Esprit
et
éclairée
de
la
même
lumière,
s'écria
:
“Qu'entends-je
?
Je
suis
vraiment
ravie
hors
de
moi
de
tout
ce
que
vous
«
me
dites
!
Et
plût
à
Dieu
que
ma
vie
puisse
contribuer
à
cette
œuvre
:
je
ne
l'épargnerais
pas
!
Qu'attendez-vous
?
Et
de
quoi
doutez-vous
encore ?
Voulez-vous
des
indices
plus
certains
de
l'appel
et
des
ordres
de
Dieu ?”
»
Si
efficaces
furent
ces
paroles
que
M.
de
Bérulle
resta
persuadé,
résolu
à
agir.
Et
l'évêque
de
Paris...
approuvant
son
dessein,
usant
même
de
son
autorité
pour
lui
enjoindre
de
le
réaliser,
la
Congrégation
de
l'Oratoire
fut
instituée.
»
Tel
est
le
récit
du
P.
Gibieuf.
Aussi
ce
Père
n'a
pas
cru
trop
s'avancer
en
déclarant
que
«
certainement
nul
n'a
plus
contribué
à
rétablissement
de
l'Oratoire
de
Jésus
que
la
vénérable
Mère ».
L'Hôtel
du
Petit-Bourbon,
au
faubourg
Saint-Jacques
vit
peu
après
(octobre
1611)
naître
cette Société
qui devait;
dans
la première
moitié
du
XVIIe
siècle,
jeter
un
si
vif
éclat,
et
travailler
avec
tant
de
succès
à
la
réforme
du
clergé et
de
l'aristocratie
française.
La
Mère
Madeleine — c'est
toujours
le
P.
Gibieuf qui
l'assure — ne
se
contenta
pas
d'avoir
en
quelque
sorte
mené
à
terme
cette
sainte
entreprise
par
ses
vœux,
ses
prières
et
ses
larmes ;
elle
continua
encore
avec
sollicitude
à
en
prendre
soin
jusqu'à
sa
mort ».
Et
c'est
peut-être
pour l'en
remercier
au
nom
de tous
ses
confrères,
comme pour
lui
exprimer
sa
gratitude
personnelle,
que
le premier
défunt
de
la
Congrégation
lui apparut,
rayonnant
de
gloire,
tandis
qu'on
célébrait
ses
obsèques — (Il
s'agit
d'Odet
de
Saint-Gilles).
A
l'année
1614
encore,
ou
à
l'une
des
années
suivantes,
il
faut
rapporter
une
gravé
«
inflammation
de
poumons
»
qui
tint
la
Servante
de
Dieu
au
lit
pendant
six
semaines
ou
deux
mois,
et
durant
laquelle
elle
donna
de
grands
exemples
dé
vertu.
Elle
ne
se
remit
jamais
complètement,
mais
n'en
resta
pas
moins
austère
dans
sa
vie
comme
par
le
passé.
Enfin
le
printemps
1614
vit
s'accomplir
deux
événements
marquants
:
la
béatification
de
sainte
Thérèse,
à
l'occasion
de
laquelle
la
Mère
Madeleine
dut
organiser
de
grandes
solennités
dans
son
couvent,
et
l'entrée
au
Carmel
de
Mme
Acarie.
Libre
du
fait
de
la
mort
de
son
mari,
cette
sainte
femme
n'aspirait
plus
qu'à
se
consacrer
à
Dieu
selon
le
vœu
de
sa
jeunesse.
Chaque
monastère
la
considérant
comme
Mère
et
fondatrice
eût
été
trop
heureux
de
la
recevoir.
Mais,
outre qu'elle
voulait
être
converse,
comme
sainte
Thérèse
le
lui
avait
enjoint
dans
une
de
ses
apparitions,
elle
désirait
entrer
dans
le
plus
pauvre
des
huit
Carmels
alors
fondés
en
France.
Les
supérieurs
eurent
peine
à
accepter
ces
conditions ;
cependant
ils
le
firent,
par
respect
pour
là
conduite
du
Saint-Esprit
sur
cette
âme
privilégiée.
Ils
considérèrent
aussi
que
sa
réputation
lui
attirerait,
si
elle
restait
à
Paris
ou
à
proximité,
une
multitude
de
visites
qui
troubleraient
sa
solitude
et
celle
de
ses
compagnes.
Ainsi
ils
l'adressèrent
au
couvent
d'Amiens,
où
elle
entra
en
février
1614.
Pendant
les
derniers
temps
.de
son
séjour
dans
le
mondé,
la
Mère
Madeleine
l'avait
hospitalisée
dans
les
locaux
extérieurs
du
Grand
Couvent,
afin de
lui
faciliter
le
règlement
de
ses
affaires
et
la
séparation
d'avec
ses
proches.
Si
elle
n'eut
pas
la
consolation
de
recevoir
un
tel
sujet
en
son
noviciat,
elle
avait
eu,
peu
d'années
auparavant,
celle
de
fiancer
au
Christ
une
autre
prédestinée,
dont
sa
plume
a
immortalisé
la mémoire.
C'est
de
son
récit
que
sera
tiré
tout
ce
qui
va
suivre.
Catherine
de
Jésus
de
Nicolas
naquit
à
Bordeaux
(1588)
«
de
gens
de
bien
et
fort
vertueux
».
Elle
fut
élevée
fort
soigneusement
et
chèrement ;
et
dit-on
qu'en
son
jeune
âge
elle
plaisait
à
tous
ceux
qui
la
voyaient
».
Vers
sept
ans,
«
trouvant
un
livre
de
sainte
Catherine
de
Sienne,
elle
y
lut
et
y
reçut
les
premiers
touchements
de
la
grâce.
»
Dès
lors,
elle
vola
de
vertus
en
vertus.
Plus
tard,
elle
confiera
à
la
Mère
Madeleine
:
«
Depuis
le
commencement
jusques
à
l'âge
de
vingt-deux
ans,
je
ne
crois
pas
avoir
laissé
passer
une
seule
occasion
de
mortification
qui
se
soit
présentée
:
Notre-Seigneur
m'y
donnait
une
telle
force
que
je
ne
le
vous
puis
dire.
»
Ce
qu'elle
disait
avec
grand
abaissement
et
confusion
d'elle-même
de
se
voir
à
la
fin
plus
mauvaise
qu'au
commencement,
encore
que
ce
fût
bien
le
contraire.
»
On
la
reçut
au
Carmel
sans
«
aucun
dot
de
religion,
étant
pourvue
de
biens
beaucoup
plus
recommandables.
Elle
fit
un
noviciat
si
vertueux,
qu'elle
semblait
un
ange...
Elle
était
toujours
fort
recueillie,
sans
être
aucunement
renfermée
ni
mélancolique ;
toujours
désireuse
de
la
retraite,
et
prête
à
faire
telle
action
qu'on
lui
eût
voulu
ordonner.
Et
quand
la
Mère
prieure
—
[celle
même
qui
écrit
ces
choses] — l'allait
voir
en
sa
cellule
et
qu'elle
lui
demandait
:
“Que
faites-vous
ici,
ma
Sœur ?”
Elle
lui
répondait
pour
l'ordinaire
:
«
Je
regarde
Dieu
qui
remplit
ceci.
»
Et
puis
elle
se
taisait.
»
Après
certaines
appréhensions
que
lui
donnait
le
sentiment
de
son
indignité,
« elle
fit
profession
le
28
août
1609,
ayant
dès
lors
quelque
vue
des
choses
grandes
que
Dieu demandait
d'elle.
Sans
l'entendre,
elle
se
soumettait...
[et]
disait
:
“Je
me
jette
en
Dieu,
comme
en
un
abîme
profond
pour
faire
de
moi
des
choses
qui
semblent
n'avoir
point
de
limites
ni
de
fin”
»
Sœur
Catherine
de
Jésus
fut,
dès
le
début
de
sa
vie
religieuse
attaquée
de
fréquentes
maladies
dont
plusieurs
la
réduisirent
à
l'extrémité.
Avec
quels
désirs
ce
séraphin
de
la
terre
appelait
alors
le
ciel
!
Mais
Notre-Seigneur
voulait
seulement
«
l'acheminer
à
ses
desseins,
qui
étaient
de
la
faire
entrer
dans
sa
vie
sainte
et
souffrante,
et
de
la
faire
vivre
d'une
autre
vie
et
mourir
d'une
autre
mort
que
celle
qu'elle
comprenait
et
se
représentait.
»
Ce
fut
durant
la
plus
notable de
ses
maladies
que
«
Dieu
la
fit
changer
de
voie
».
Catherine
avait
vingt-deux
où
vingt-trois
ans ; le
Seigneur
«
l'éleva
alors,
raconte
Madeleine
de
Sainte
Joseph,
en
une
vie
intérieure
si
grande et
si
particulière
que
l'on
n'en
peut
dire
que
peu
de
choses,
parce
que
les
plus
grandes
en
étaient
cachées,
Dieu
ne
voulant
pas
découvrir
au
monde
les
secrets
qu'il
met
dans
ses
saints
à
cause
qu'il
n'est
pas
capable
de
les
entendre.
Je
dirai
donc
qu'en
ce
temps,
Jésus-Christ...
l'attira
à
soi
et
prit
possession
d'elle,
la
marquant
de
sa
marque,
pour
la
faire
être
à
lui
dès
ce
moment
pour
son
éternité.
Et
cela
que
je
dis
qu'elle
fut
marquée
de
sa
marque,
ce
sont
les
propres
termes
qu'elle
me
dit.
Et
je
ne
puis
pas
exprimer
ce
que
c'était
cela,
sinon
que
c'était
un
effet
de
Dieu
en
l'âme,
qui
lui
était
montré
en
qualité
de
marque
ou
de
cachet
imprimé
au
plus
intime
d'elle-même,
comme
une
chose
arrêtée
et
assurée
à
Sa
Divine
Majesté.
Et
cet
effet
fut
opéré
par
Jésus,
comme
enfant,
lequel
la
prit
à
lui
pour
appartenir
au
mystère
de
son
enfance.
»
« ...
Il
prit
donc
possession
de
cette
âme,
et,
selon
que
je
puis
juger,
il
demeura
en
elle
par
présence
et
par
opération
jusqu'au
dernier
soupir
de
sa
vie...
Et
ses
opérations
principales
n'étaient
pas
pour
la
consoler,
mais
pour
la
sanctifier ;
en
sorte
que
cette
pureté
divine
qui
opérait
en
elle,
rencontrant
les
souillures
qui
sont
en
l'âme
par
le
péché
originel,
la
purifiait
en
telle
sorte
que
la
nature
souffrait
beaucoup,
et
cela
avait
quelque
conformité
à
ce
qu'on
nous
apprend
de
l'état
du
purgatoire.
»
La
Vénérable
décrit
ailleurs
un
autre
aspect
des
intimes
souffrances
de
Sœur
Catherine
de
Jésus
:
«
Cette
Divine
Majesté,
écrit-elle,
avait
pris
un
si
grand
pouvoir
sur
elle,
qu'il
ne
lui
restait
rien
d'elle
dont
elle
pût
user
selon
le
cours
el
l'usage
ordinaire
que
nous
avons
de
nous-mêmes.
Et
elle
disait
fort
souvent
:
“Je
n'ai
plus
rien
à
moi,
je
ne
suis
plus
à
moi;
une
puissance
au-dessus
de
moi
me
possède
et
me
tient
toute,
je
ne
puis
plus
agir
que
ce
qu'elle
me
fait
faire
ou
ce
qu'elle
me
permet
de
faire”.
»
Quelques
années
plus
tard,
c'est
l'âme
sainte
du
Sauveur
qui
est
manifestée
à
la
jeune
moniale
et
qui
exerce
sur
elle
une
souveraine
attraction.
Cela
«
opérait
en
elle
une
langueur
incroyable
».
Langueur
d'amour,
si
nous
l'entendons
bien,
et
pour
cette
fois
accompagnée
de
grandes
douceurs.
«
Mais
le
Fils
de
Dieu
ne
laissait
pas,
quelques
jours
durant,
de
se
cacher
d'elle,
et
lui
laisser
porter
les
efforts
[de
l'enfer] ;...
même
plusieurs
fois
l'esprit
malin
lui
imprimait
de
telles
choses
qu'elle
croyait
que
cette
âme
sainte
de
Jésus
ne
l'avait
plus
agréable.
»
C'est
que,
en
faisant
à
Catherine
cette
nouvelle
faveur,
Notre-Seigneur
avait
surtout
pour
but
de
«
lui
communiquer
quelque
portion
des
souffrances
qu'il
lui
a
plu...
de
souffrir
en
terre
pour
les
hommes
;
particulièrement,
il
lui
imprimait
quelque
chose
du
délaissement
du
Père
éternel
qu'il
porta
en
la
croix...
Cela
faisait
en
elle
un
effet
si
grand
et
si
extrême
qu'elle
croyait
retourner
au
néant
».
Madeleine
de
Saint-Joseph
prend
soin
ici
de
nous
avertir
que
cette
«
sorte
d'épreuve...
ne
se
peut
pas
expliquer,
parce
que, comme
elle
était
toute
divine,
on
n'y
peut
quasi
trouver
de
termes
ni
de
nom,
et
n'en
peut-on
donner
autre
raison,
sinon
que
Celui
qui
est
tout-puissant
l'a
voulu
et
l'a
fait
ainsi...
Les
âmes
à
qui
Dieu
aura
donné
expérience
de
cette
voie
ici
l'entendront,
et
les
autres
auront,
s'il
leur
plaît,
seulement
quelque
dévotion
à
ses
travaux
et
à
ce
que
Dieu
a
aimé
et
opéré
en
elle.
»
Un
peu
plus
haut,
la
Mère
avait
écrit
ces
lignes
non
moins
émouvantes
dans
leur
simplicité
:
«
Il
semblait
que
Sa
Divine
Majesté
prît
plaisir
à
la
faire
pâlir,
et...
que
les
paroles
de
Job
lui
pouvaient
être
appropriées,
où
il
dit
:
Contre
la
feuille
que
le
vent
emporte,
vous
montrez
votre
puissance.
Car
cette
âme,
innocente
et
enfantine
en
apparence,
semblait
être
un
objet
des
effets
de
Dieu
les
plus
puissants
et
les
plus
pénibles.
»
Petite
feuille
secouée
par
la
tempête,
cette
privilégiée
de
Jésus
possédait
une
force
d'âme
à
la
hauteur
de
ses
glorieuses
épreuves.
«
Aussitôt
[qu'elle]
avait
un
peu
de
repos,
elle
s'offrait
à
Dieu
pour
porter
encore
davantage
de
peines.
»
Et
elle
ne
concevait
pas
qu'il
pût
en
être
autrement..
«
Un
jour,
entendant
dire
à
une
personne
qu'elle
endurait
beaucoup
de
travaux
intérieurs
et
qu'elle
eût
bien
désiré
en
être
délivrée,
elle
en
demeura
fort
étonnée,
et
ne
le
voulut
jamais
croire,
disant
que
celle
qui
lui
parlait
le
disait
par
humilité...
[Pour
elle],
elle
eût
fait
grand
scrupule
d'avoir
demandé
à
Dieu
le
moindre
adoucissement
en
ses
peines,
telles
qu'elles
fussent
0.
»
Non
contente
même
des
rigueurs
de
l'Amour
à
son
endroit,
elle
y
ajoutait
celles
de
la
pénitence;
et
sa
prieure,
mue
par
l'Esprit
de
Dieu,
les
lui
permettait
dans
une
proportion
presque
déconcertante.
Une
telle
correspondance
à
la
grâce
n'allait
pas,
chacun
le
pense
bien,
sans
la
pratique
de
toutes
les
Vertus.
On
remarquait
en
particulier
l'obéissance
de
la
jeune
Carmélite,
obéissance
parfois
plus
admirable
qu'imitable.
Sa
modestie,
son
affabilité,
rayonnaient
aussi
autour
d'elle.
Elle
parlait
peu,
niais
alors,
dit
quelque
part
la
Mère
Madeleine,
«
il
semblait
que
l'on
voyait
parler
un
petit
ange
».
Aussi
ses
compagnes
l'entouraient-elles
d'une
tendre
affection
et
d'une
vénération
discrète.
A-t-on
trop
parlé
de
cette
petite
Sœur
?
Mais
Catherine
de
Jésus
n'est-elle
pas
le
plus
beau
fleuron
de
la
couronne
de
Madeleine
de
Saint-Joseph?
D'ailleurs,
emprunter,
pour
faire-connaître
Catherine,
la
plume
de
Madeleine,
n'était-ce
pas
obliger
en
quelque
sorte
celle-ci
à
nous
éclairer
elle-même
sur
ses
propres
voies
intérieures ?
Car
aurait-elle
si
bien
compris
l'âme
choisie
commise
à
ses
soins,
aurait-elle
exposé
de
façon
si
lumineuse,
quoique
si
sobre,
les
purifications
transcendantes
auxquelles
cette
âme
fut
soumise,
si
elle
n'avait
elle-même
eu
de
ces
choses
une
expérience
personnelle ?
Catherine
de
Jésus
fut
la
première
à
qui
la
Vénérable
Madeleine
donna
l'habit.
Chez
la
première
dont
elle
reçut
les
vœux
la
vertu
parut
également
«
avec
un
éclat
extraordinaire
»,
quoique
tout
autre.
Dès
son
entrée
en
religion,
Marie
de
Saint-Barthélemy — tel
était
son
nom
—
se
sentit
attirée
à
imiter
dans
ses
abaissements
Celui
qui,
pour
l'amour
de
nous,
a
daigné
prendre
la
forme
d'esclave,
et
elle
se
regarda,
mais
sérieusement,
comme
une
pauvre
servante
à
regard
dé
toutes
ses
Sœurs
».
A
elle
le
labeur
fatigant,
les
emplois vils
où
répugnants ;
le
vieux
et
l'usé en
fait
de
vêtement,
l'incommode
en
fait
de
jour,
on
eût
besoin
une
cellule
pour
une
Mère
de
dehors
qui
devait
venir
au
Grand
Couvent.
Sœur Marie
offrit
incontinent
à
la
prieure,
qui
était
alors
la
Mère
Madeleine
de
lui
quitter
la
sienne
et
lui
témoigna
qu'elle
serait
fort
bien...
dans
un
petit
lieu
qui
servait
à
serrer
le
linge
sale,
et
qui
était
sans
nulle
fenêtre.
Cette
sage
Mère,
qui
connaissait
parfaitement
ce
que
là
vertu
de
sa
fille
était
capable
de porter,
et
qui
fut
bien
aise
de
donner
en
elle
un
grand
exemple
de
soumission
aux
autres
religieuses,
lui
dit
:
«
Quoi,
ma
Sœur,
le
Fils
de
Dieu
n'avait
pas
en
ce
monde
où
appuyer
son
chef,
et
vous
demandez
un
lieu
où
vous
trouviez
votre
petit
accommodement
?
L'allée
du
dortoir
ne
vous
pourrait-elle
pas
suffire
?
»
Alors
cette
sainte
fille
lui
répondit :
«
Vous
dites
vrai,
ma
Mère,
et
j'ai
failli.
»
Et
se
disposait
à
passer
la
nuit
sur
le
carreau.
Mais
la
Mère,
satisfaite...
de
ce
merveilleux
dégagement,
lui
ordonna
de
demeurer
en
sa
cellule.
»
Une
autre
caractéristique
de
la
vie
intérieure
de
Sœur
Marie
fut
une
rare
dévotion
à
la
Reine
du
Ciel.
La
Mère
Madeleine
en
jeta,
si
l'on
peut
dire,
les
fondements
dans
son
âme
le
jour
où
elle
«
la
reçut
à
faire
profession
».
«
Ma
Sœur,
lui
dit-elle,
priez
la
Sainte
Vierge
de
vouloir
être
votre
caution
envers
son
Fils
des
vœux
que
vous
allez
lui
faire ;
suppliez-la
d'être
votre
supplément,
non
seulement
pour
ce
qui
vous
manque
pour
accomplir
dignement
le
sacrifice
que
vous
êtes
sur
le
point
de
lui
offrir
;
mais
aussi
pour
toutes
les
actions
religieuses
et
saintes
que
vous
avez
dessein
de
faire
pour
l'honorer
et
pour
le
servir
durant
le
cours
de
votre
vie.
»
Cette
bonne
âme
reçut
ces
paroles,
non
comme
la
simple
voix
de
sa
supérieure,
mais
comme
un
ordre
exprès...
de
Dieu
»,
et
depuis
elle
mil
en
Marie
u
toute
son
espérance
et
tout
son
appui
».
Sans
cesse
elle
lui
répétait
«
ces
paroles
amoureuses
: “Monstra
te
esse
Matrem!”
»,
s'efforçant
d'unir
ses
actions
à
celles
de
cette
divine
Mère,
et
«
par
là,
on
l'a
vue
faire
toutes
choses...
dans
une
perfection
merveilleuse
».
Elle
avait
demandé
à
Dieu
de
pouvoir
toujours
observer
la
règle
et.
servir
ses
Sœurs,
sans
être
jamais
réduite
à
avoir
besoin
de
leurs
services.
Cette
grâce
lui
fut
accordée.
Après
avoir
quarante
ans
durant
porté
l'observance
«
avec
une
fidélité
incomparable
»
et
travaillé
pour
sa
communauté,
elle
mourut
les
armes
à
la
main,
assistant
encore
debout
à
l'office
un
quart
d'heure
avant
de
rendre
le
dernier
soupir,
bien
que
déjà
elle
ressentît
les
approches
de
la
mort.
A
côté
de
ces
deux
âmes
s'en
épanouissaient
d'autres
qui,
si
elles
n'ont
pas
atteint
les
mêmes
sommets,
n'en
furent
pas
moins
de
grandes
religieuses,
destinées
pour
la
plupart
à
aider
efficacement
à
l'expansion
de
la
Réforme
thérésienne
en
France.
Telle
cette
aimable
Marie
de
la
Croix
Deschamps,
postulante
dès
l'âge
de
onze
ans,
mais
maintenue
pendant
près
de
cinq
années
à
la
maison
de
Sainte-Geneviève.
«
Sa
mine
et
son
maintien,
disent
les
Chroniques
du
Carmel,
avaient
quelque
chose
de
fort
agréable,
et
on
ne
pouvait
la
regarder
sans
éprouver
une
certaine
satisfaction.
»
Mais
elle
avait
mieux
que
du
charme.
C'était
une
âme
très
fidèle
jusque
dans
les
plus
petites
choses,
et
de
plus
une
amie
passionnée
de
la
solitude
et
du
silence,
dispositions
qui
lui
permirent
de
se
pénétrer
comme
peu
d'autres
dé
l'esprit
primitif
de
l'Ordre.
Aussi
fut-elle
très
chère
à
notre
Vénérable.
De
son
côté,
elle
garda
pour
la
Mère
qui
reçut
ses
vœux
un
véritable
culte;
on
a
pu
le
voir
dans
les
nombreux
emprunts
faits
à
ses
souvenirs.
Telle
encore
la
Mère
Anne
de
Saint
Joseph,
de
l'illustre famille
de
Biron.
Avec
sa
«
nature
douce
et
tranquille
»,
facile
à
s'attacher
et
à
s'attendrir
—
c'est
la
Vénérable
qui
la
peint
ainsi
—,
Anne
eut
bien
des
efforts
à
faire
pour
quitter
les
siens
toute
jeune
encore,
et
pour
supporter
plus
tard
les
brisements
de
cœur
occasionnés
par
ses
fréquents
changements
de
monastère.
Mais
la
Mère
Madeleine,
qui
avait
veillé
avec
sollicitude
sur
le
germe
de
sa
vocation,
alors
qu'elle
n'était
encore
que
petite
fille,
la
façonna
si
bien
au
renoncement,
el
Anne
de
son
côté
répondit
si
fidèlement
à
ses
soins,
qu'elle
donna
partout,
au
cours
de
sa
longue
carrière,
l'exemple
de
la
mort
à
toutes
choses.
Telles
aussi
les
Sœurs
Claire
de
Jésus
et
Marie
de
Jésus-Christ.
La
première
se
montra
par
sa
vertu
la
digne
nièce
du
saint
P.
Coton.
La
seconde,
tante
de
M.
de
Bérulle,
avait
été
reçue
presque
à
regret
par
la
Servante
de
Dieu,
qui
prévoyait
combien
l'habitude
du
grand
monde
et
du
commandement,
en
une
femme
de
près
de
cinquante
ans,
rendrait
malaisée
sa
formation
religieuse.
Néanmoins
.
la
sage
et
douce
fermeté
de
la
prieure
et
la
parfaite
bonne
volonté
de
la
vieille
novice
triomphèrent
des
difficultés
:
autant
Mme
de
Séguier
d'Autry
avait
su
dans
le
siècle
eh
imposer
à
tous,
voire
au
roi
de
France,
autant
sut-elle
s'effacer
dans
le
cloître.
Mais
dans
le
groupe
des
nouvelles
professes,
une
de
celles
qui
retiendront
le
plus
l'attention
du
lecteur
sera
sans
doute
Thérèse
de
Jésus
Prudhomme
de
Freschine,
d'abord
parce
que
c'est
une
figure
de
connaissance,
puis
parce
que
notre
Vénérable
intervint
de
façon
bien
extraordinaire
dans
sa
vocation.
Depuis
l'entrée
de
la
Mère
Madeleine
au
Carmel,
sa
jeune
cousine
avait
été
rendue
aux
siens.
Elle
conservait
une
vive
et
reconnaissante
affection
pour
sa
bienfaitrice
et
l'allait
souvent
visiter.
La
Mère,
d'ordinaire
si
réservée
en
matière
de
vocation,
même
vis-à-vis
des
personnes
qui
lui
demandaient
place
en
son
monastère,
se
sentait
pressée
par
Dieu
de
pousser
sa
parente
à
se
consacrer
à
lui.
Mais
celle-ci
faisait
la
sourde
oreille,
souhaitant
au
contraire
se
marier
au
plus
tôt.
Un
jour
elle
pensa
toucher
au
but.
Son
frère
—
du
moins
elle
crut
que
c'était
lui
—
la
vint
trouver
à
Paris,
au
moment
où
elle
se
rendait
à
la
messe,
et
«
lui
dit
qu'il
était
venu
en
diligence
d'une
de
ses
terres,
pour
la
marier
à
un
parti
tout
à
fait
avantageux,
et
qu'elle
ne
manquât
pas
de
le
venir
trouver
l'après dîné
en
son
logis...
Bien
qu'elle
fût
un
peu
surprise
de
cette
prompte
arrivée,...
elle
se
préparait
à
se
rendre
à
l'assignation
donnée;
mais
notre
Bienheureuse,
à
qui
Dieu
avait
découvert
les
artifices
du
malin esprit,
envoya
une
tourière
vers
cette
demoiselle,
avec
charge
expresse
de
l'amener
au
couvent,
quelque
excuse
qu'elle
pût
alléguer.
Elle
fit
beaucoup
de
résistance,
et
voulait
remettre
sa
visite
au
lendemain,
mais
pressée
par
la
tourière,
elle
se
rendit
enfin
au
monastère,
où
elle
apprit
de
la
bouche
de
la
Mère
que
le
diable
avait
pris
la figure
de
son
frère
pour
la
perdre,
et
qu'elle
s'en
pourrait
facilement
éclaircir
en
s'informant
du
lieu
où
son
frère
était
alors.
Elle
trouva
que
ce
que
la
Mère
avait
dit
était
vrai
».
Le
fait
était
significatif.
Mais
à
dix-huit
ans
on
ne
renonce
pas
facilement
à
des
rêves
dorés,
et
Dieu
dut
vaincre
l'obstination
de
la
jeune
fille
«
par
une
autre
merveille.
Ses
parents
l'ayant
menée
dans
une
maison
fort
éloignée
de
Paris,
elle
songea
la
nuit
qu'elle
était
dans
une
église
environnée
de
flammes,
et
que,
n'en
pouvant
sortir
quelque
effort
qu'elle
pût
faire,
la
Mère
Madeleine
lui
avait
donné
l'habit
de
son
Ordre...
Ce
songe...
lui
donna
beaucoup
à
penser;
mais
elle
fut
bien
plus
étonnée
quand,
quelques
jours
après,
la
Bienheureuse
lui
écrivit
une
lettre
où
elle
lui
parlait
de
ce
songe,
el
lui
mandait
que
c'était
trop
résister
à
Dieu
et
qu'il
fallait
qu'elle
se
rendît
à
sa
volonté
».
Mlle
de
Freschine
se
rendit
en
effet
et
ne
cessa
depuis
de
bénir
Dieu
de
l'avoir
appelée,
proclamant
qu'après
lui
c'était
à
la
vénérée
Mère
qu'elle
devait
son
bonheur.
Elle
se
montra
digne
de
la
grâce
singulière
qu'elle
avait
reçue,
et
fit
toujours
l'édification
des
communautés
qu'elle
fonda
ou
gouverna.
La
Mère
Madeleine
usa
également
d'insistance
à
l'égard
«
d'une
autre
fille
pour
qui
elle
avait
une
sainte
amitié
»,
et
qu'elle
croyait
certainement
appelée
à
la
vie
religieuse,
bien
que
tout
semblât
contredire
sa
vocation.
Talond
nous
a
conservé
quelques
lignes
touchantes
adressées
à
cette
jeune
personne
par
la
Servante
de
Dieu,
qui
s'était
offerte
au
ciel
«
comme
une
victime
»
afin
de
lui
obtenir
une
grâce
victorieuse.
«
L'affection
que
je
vous
porte
ne
me
permet
pas
de
vous
savoir
en
peine,
sans
essayer
de
vous
apporter
quelque
soulagement.
Je
voudrais
qu'il
plût
à
Dieu
de
m'envoyer
quelque
nouvelle
croix
pour
adoucir
celle
que
vous
portez,
et
pour
vous
rendre
plus
facile
le
passage
que
vous
devez
faire
pour
accomplir
la
divine
volonté
;
je
la
recevrais
avec
joie. Tant
de
charité
porta
son
fruit
:
peu
après
la
prétendante
franchissait
la
porte
du
cloître,
où
elle
devait
fournir
une
longue
et
vertueuse
carrière.
Mais
ces
façons
de
faire
étaient
l'exception
chez
la
Vénérable.
D'ordinaire,
loin
de
presser
personne,
elle
se
comportait
avec
une
extrême
retenue
en
semblable
circonstance.
Elle
examinait,
elle
éprouvait
soigneusement
les
aspirantes,
ce
qui,
du
reste,
ne
la
mettait
pas
complètement
à
l'abri
des
déceptions.
Ainsi
elle
reçut,
dans
la
seconde
année
dé
sa
charge,
une
novice
qui
lui
fut
un
sujet
de
soucis
et
de
peines
pendant
les
dix-sept
mois
qu'elle
passa
au
monastère,
et
peut-être
encore
ensuite
—
comme
le
donneraient
à
penser
certaines
réticences
des
contemporaines —.
Cette
personne,
peu
après
son
entrée,
avait
été
attaquée
«
de
très
grandes
maladies
et
de
très
fortes
tentations
»
;
c'était,
assure
la
Mère
Marie
de
Jésus,
un
cas
«
des
plus
difficiles
en
ces
sujets-là
».
«
Or,
comme
dans
le
commencement
il
avait
paru
en
cette
âme
une
vocation
extraordinaire,
la
Servante
de
Dieu,
voulant
contribuer
tout
ce
qui
dépendait
d'elle
à
l'accomplissement
des
desseins
de
Dieu
»
sur
cette
novice,
et
mue
également
par
l'affection
très
singulière
qu'elle
lui
portait,
«
lui
rendit
des
assistances
incroyables
».
Non
contente
de
la
consoler
et
conseiller
en
ses
peines
d'esprit,
elle
tint
à
la
soigner
elle-même
en
ses
maladies,
au
point
de
la
veiller
parfois
plusieurs
semaines
de
suite.
Bref,
« hormis
ce
Qu'elle
était
obligée
de
rendre
à
la
maison
par
sa
charge,
elle
y
donnait
tout
son
temps,
non
sans
un
grand
intérêt
de
sa
santé,
car,
comme
cela
dura
longtemps,
elle
y
pâtit
beaucoup
».
Aussi
en
conserva-t-elle
un
accroissement
notable
de
ses
infirmités
chroniques.
Sa
prudence,
paraît-il,
n'éclata
pas
moins
que
sa
charité
en
cette
délicate
conjoncture.
Mais
«
ce.
sont
choses
dont
on
ne
peut
pas
parler
guère
»,
confesse
mystérieusement
Marie
de
Jésus.
Et
la
bonne
Mère
se
contente
d'ajouter
que,
de
ce
chef,
sa
sainte
amie
avait
bien
mérité
non
seulement
de
là
maison
mais
de
tout
l'Ordre,
«
à
cause
que
si
[cette
importante
affaire]
n'eût
été
bien
conduite
comme
elle
fut,
il
en
pouvait
arriver
beaucoup
d'accidents
».
On
peut
encore
compter,
parmi
les
novices
qui
déçurent
l'espoir
de
la
prieure
du
Grand
Couvent,
Madeleine
de
Silly
de
La
Rochepot,
devenue
trop
célèbre
sous
le
nom
de
marquise
du
Fargis.
Après
une
jeunesse
assez
légère,
Mlle
de
Silly
avait
paru
devoir
trouver
au
Carmel
la
sagesse
et
le
repos.
Son
inconstance
rendit
inutiles
la
grâce
de
sa
vocation
et
les
soins
dont
Madeleine
de
Saint-Joseph
et
le
P.
de
Bérulle
entourèrent
son
âme
:
après
trois
années
d'essai,
elle
prétexta
le
manque
de
santé
pour
recouvrer
sa
liberté.
«
J'ai
un
certain
cœur
tenant
qui
jamais
ne
lâche
sa
prise
»,
aurait
pu
dire
la
Vénérable
avec
saint
François
de
Sales°;
Madeleine
de
Silly
en
fit
l'épreuve,
et
peut-être
est-ce
aux
prières
de
la
sainte
Carmélite,
qui
lui
garda
son
affection
malgré
ses
écarts,
que
la
pauvre
femme
dut
son
salut.
Quoi
qu'il
en
soit,
la
Servante
de
Dieu
eut
quelque
vue
anticipée
des
divines
miséricordes
sur
cette
âme.
C'était
vers
163o.
La
marquise
du
Fargis,
mêlée
à
toutes
sortes
d'intrigues,
venait
d'être
exilée
puis
«
condamnée
à
mort
et
exécutée
en
effigie ».
La
comtesse
de
Brienne,
entrée
dans
le
couvent
à
la
suite
de
la
reine,
voulut
s'entretenir
de
ces
tristes
événements
avec
la
Mère
Madeleine,
qu'elle
savait
en
devoir
être
« touchée
»,
vu
son
affection
bien
connue
pour
son
ancienne
novice.
La
Vénérable
était
alors
«
en
oraison...
et
dans
un
très
grand
recueillement,
dépose
Mme
de
Brienne...
Après
avoir
demeuré
quelque
temps
sans
me
répondre,
se
tournant
enfin
vers
moi
et
prenant
l'une
de
mes
mains
entre
les
siennes,
comme
possédée
de
l'Esprit
de
Dieu,
[elle]
me
dit
:
«
Il
y
aura
d'étranges
renversements
dans
cette
créature-là,
mais
souvenez-vous
que
sa
mort
sera
sainte
et
précieuse
devant
Dieu.
»
La
prédiction
se
réalisa.
Peu
d'événements,
on
vient
de
le
voir,
pendant
ces
deux
premiers
triennats
de
la
Mère
Madeleine.
Ajoutons
:
peu
de
relations
au
dehors.
A
part
Mme
Acarie
et M.
de
Marillac,
c'est
à
peine
si
quelques
personnes
pieuses,
attirées
par
le
parfum
discret
des
vertus
de
la
Vénérable,
la
visitaient
de
temps
en
temps.
La
reine
venait
bien
au
Carmel,
et
souvent
même
;
mais
la
Servante
de
Dieu
se
déchargeait
sur
sa
sous-prieure
du
soin
de
la
recevoir.
Une
fois
pourtant
Marie
de
Médicis,
entendant
son
ancienne
camériste,
Gratienne
de
Saint-Michel,
faire
l'éloge
de
sa
supérieure,
voulut
aussitôt
la
voir
et
se
recommander
à
ses
prières.
«
La
Mère,
qui
ne
parut
que
comme
un
éclair,
lui
promit
en
deux
paroles
d'obéir,
à
son
commandement»,
mais
elle
défendit
depuis
sévèrement
à
la
religieuse
de
reparler
jamais
d'elle
à
Sa
Majesté.
Par
contre,
les
visites
de
«
Mesdames,
filles
de
France
»
n'ayant
rien
qui
effarouchât
son
humilité,
elle
s'occupait
volontiers
de
ces
jeunes
princesses.
Et
celles-ci
«
écoulaient
avec
beaucoup
d'attention
et
de
respect,
raconte
le
P.
Gibieuf,
les
saintes
instructions
que
cette
Servante
de
Dieu
leur
donnait;
el
la
dévotion
croissant
en
leurs
âmes,
elles
s'affectionnaient
à
tout
ce
qu'elles
voyaient
ou
entendaient
se
pratiquer
dans
la
religion,
essayant
même
de
l'imiter
autant
que
leur
âge
et
leur condition
le
pouvaient
permettre,
el
y
prenant
un
singulier
plaisir.
La
reine
d'Espagne
en
particulier,
étant
un
peu
plus
avancée
en
âge
et
en
connaissance,
faisait
au
Louvre,
dans
leur
département
(sic),
comme
une
manière
de
petit
monastère,
composant
une
communauté
de
leurs
dames
et
filles
d'honneur;
et
là,
toutes
ensemble,
elles
chantaient
vêpres
à
certaine
heure;
elles
mangeaient
aucunes
fois
en
commun
en
lieu
qu'elles
appelaient
le
réfectoire;
elles
tenaient
le
chapitre,
el
faisaient
ainsi
tout
le
reste
qu'elles
avaient
vu
faire
au
couvent.
Et
la
première
fois
qu'elle
y
revenait
par
après,
elle
rendait
compte
de
tous
leurs
petits
exercices
à
la
Mère
Madeleine,
lui
racontant
avec
beaucoup
d'innocence
comme
elles
avaient
été
exactes
à
observer
la
petite:
règle
qu'elle
leur
avait
donnée.
Et
on
ne
peut
croire
la
joie
que
ressentait
cette
Bienheureuse
j
voyant
dé
grandes
princesses
employer
leur
jeunesse
dans
les
exercices
de
piété,
plutôt
que
dans
les
choses
de
vanité.
»
Par
une
secrète
impulsion
d'En-Haut,
la
Vénérable
se
départit
également
de
son
amour
pour
l'ombre,
en
faveur
de
l'une
des
filles
d'honneur
de
Marie
de
Médicis.
Fortuitement
frappée
de
l'extraordinaire
beauté
et
des
autres
qualités
naturelles
de
cette
jeune
personne,
elle
voulut
la
porter
à
en
faire
un
saint
usage;
«
Dieu
me
fit
la
grâce
de
lui
donner
une
inclination
particulière
pour
moi,
a
écrit
plus
tard
l'heureuse
privilégiée,
en
sorte
qu'assez
souvent
elle
me
venait
prendre
pour
me
mener
en
quelque
lieu
de
la
maison
où
elle
pût
m'entretenir
seule
à
seule.
Ce
qu'elle
faisait
avec
tant
de
bonté
et
de
douceur,
que
lorsque
je
la
quittais
je
pensais
sortir
d'avec
un
ange.
Je
trouvais
une
si
grande
satisfaction
dans
son
entretien
que
je
la
priai
instamment
de
me
dire
son
nom,
afin
de
pouvoir
la
demander
toutes
les
fois
que
je
viendrais
et
elle
me
répondit
que
je
n'avais
qu'à
demander
Sœur
Madeleine
de
Saint-Joseph.
»
Marie
de
Lancry
de
Bains
—
ainsi
s'appelait
cette
fille
d'honneur
—
jouit
pendant
un
an
et
demi
de
ces
tête-à-tête,
sans
pouvoir
se
douter
«
que
celle
à
qui
elle
parlait
fût
la
prieure
du
couvent,
et
sans
obtenir
de
la
voir
au
visage
un
seul
moment
».
Ce
ne
fut
qu'après
son
entrée
au
Carmel,
où
elle
devait
porter
le
nom
de
Marie-Madeleine
de
Jésus,
qu'elle
découvrit
« la
dissimulation
innocente
et
toute
sainte'
»
dont
la
Servante
de
Dieu
avait
usé
à
son
égard.
Mais
à
l'heure
dont
nous
parlons,
elle
était
loin
de
vouloir
quitter
le
monde,
car,
à
peine
sortie
de
l'adolescence,
elle
se
voyait
déjà
l'idole
de
la
cour,
tant
la
nature
s'était
montrée
prodigue
envers
elle.
Pour
conserver
sa
vertu
au
milieu
des
écueils
où
elle
avait
été
lancée
dès
l'âge
de
douze
ans,
il
ne
fallait
rien
moins
que
la
solidité
de
son
jugement
et
la
trempe
de
sa
volonté,
jointes
aux
sérieux
principes
de
son
éducation
première.
Dieu
lui
fit
aussi
la
grâce
de
s'ignorer
longtemps
;
mais
à
partir
de
quinze
ans,
avouait-elle
plus
tard
avec
enjouement,
«
elle
se
vit
des
mêmes
yeux
que
le
public
».
Dès
lors
l'encens
qu'elle
recevait
lui
devint
plus
dangereux
encore.
On
devine
par
là
quel
devait
être
le
thème
des
entretiens
intimes
de
la
brillante
fille
d'honneur
avec
la
Carmélite.
Le
divin
Amant,
du
reste,
se
chargea
lui-même
de
libérer
peu
à
peu
ce
jeune
cœur,
et,
par
quelque
épine
qu'il
glissa
au
milieu
de
ses
roses,
il
y
fit
entrer
les
premières
idées
de
vocation
religieuse.
Marie
s'en
ouvrit
à
sa
directrice.
Prudente
toujours
autant
que
zélée,
et
ne
croyant
pas
l'heure
de
Dieu
sonnée,
la
Mère
Madeleine
répondit
en
souriant
à
la
jeune
fille
qu'elle
ferait
bien
de
profiter
de
l'un
des
nombreux
partis
qui
se
présentaient
pour
elle.
Assez
satisfaite
de
cette
réponse,
Marie,
cependant,
demeura
plus
timide
en
face
de
la
décision
à
prendre
pour
son
avenir,
et,
durant
quatre
ans,
elle
resta
ainsi
tiraillée
entre
son
amour
passionné
pour
le
monde
et
la
crainte
de
se
perdre
en
luttant
contre
Dieu.
Dans
ces
combats
douloureux,
la
Mère
Madeleine
ne
pouvait
plus
l'aider
que
par
ses
prières,
car
alors elle
avait
quitté
Paris.
Aussi
bien
faut-il
reprendre
le
fil
de
sa
biographie. |