CHAPITRE
VIII
Tours
et
Lyon
1615-1617
Le
temps
était
venu
où
là
Mère
Madeleine
devait,
à
sa
grande
joie;
déposer
le
fardeau
de
la
supériorité
;
elle
eût
donc
« grand
soin
de
procurer
qu'on
élût
une
autre
prieure,
et
de
disposer
toutes
ses
Soeurs
à
ce
changement ».
Celles-ci
ne
considéraient
pas
semblable
échéance
du
même
oeil
que
leur
Mère.
Aussi
la
Servante
de
Dieu,
voyant
que
quelques-unes
« s'attendrissaient »
encore
davantage
de
ses
exhortations,
«
et
ne
se
pouvaient
empêcher
de
laisser
tomber
quelques
larmes,
elle
leur
disait
gravement,
et
toujours
néanmoins
d'une
manière
qui
imprimait
dans
leur
coeur
le
ressentiment
de
l'amour
qu'elle
avait
pour
elles
:
«
Vous
êtes
filles,
il
est
vrai,
mais
vous
êtes
filles
de
Dieu,
et
vous
ne
devez
pas
vous
laisser
aller
comme
filles
à
toutes
ces
tendresses,
mais
être
plus
fortes
et
plus
courageuses
comme
filles
de
Dieu. »
Elle
fit
aussi
faire
beaucoup
de
prières
et
de
bonnes
œuvres
pour
obtenir
la
bénédiction
divine
sur
le
choix
du
Chapitre.
Ses
voeux
furent
pleinement
exaucés.
Le
25
mai
1615,
la
Mère
Marie
de
Jésus
fut
élue
à
l'unanimité.
C'était
l'alter
ego
de
la
Vénérable.
Aussi
chacun
se
réjouit
au
dehors
comme
au
dedans,
dans
l'espoir
fondé
que
«
le
monastère
changeait
seulement
de
personne
et
non
pas
de
conduite ».
Quant
à
la
Servante
de
Dieu,
son
exemple,
maintenant
qu'elle
était
revenue
au
rang
de
simple
religieuse,
ne
servit
pas
peu
à
corroborer
les
enseignements
qu'elle
avait
donnés
comme
supérieure. « Elle
fit
bien
paraître
qu'elle
savait
très
parfaitement
obéir,
attesté
Marie
de
la
Croix
Deschamps,
étant
si
exactement
assujettie
en
toutes
choses,
qu'elle
ne
se
dispensait
d'aucune.
Quoique
notre
Révérende
Mère
Marie
de
Jésus...
l'eût
suppliée
d'agir
en
entière
liberté,
selon
tout
ce
qu'elle
aurait
besoin,
elle
n'en
faisait
aucun
usage,
et
disait
se
sentir
si
portée
à
suivre
la
régularité,
qu'écrivant
pour
affaires
importantes,
sitôt
que
le
premier
coup
de
la
cloche
sonnait,
elle
quittait
tout
pour
s'y
rendre
sans
s'en
pouvoir
empêcher,
et
se
rendait
ainsi
exactement
à
toutes
choses.
Et
faisait
tant
d'ouvrage,
se
tenant
en
sa
retraite
et
silence,
qu'étant
robière,
nous
ne
nous
lui
en
pouvions
fournir,
et
la
priions
de
n'en
pas
tant
faire,
tant
crainte
qu'elle
ne
s'en
fît
mal,
s'y
captivant
trop,
que
par
respect,
portant
avec
confusion
qu'elle
s'assujettît
à
nous
pour
cela.
Mais
elle
le
faisait
à
toutes
les
officières
généralement...
et
agissait
avec
tant
de
déférence
vers
toutes
les
Soeurs,
qu'elle
nous
montrait
bien
par
ses
oeuvres
ce
qu'elle
avait
enseigné
de
paroles.
Et
rendait
des
respects
si
grands
à
notre
Révérende
Mère
Marie
de
Jésus...,
qu'elle
semblait
une
novice,
ce
qui
mortifiait
fort
[cette
Mère].
Mais
pour
la
contenter
il
fallait
le
souffrir
;
et
disait
que
c'était
pour
accomplir
toute
justice.
»
Cependant
cette
heureuse
existence
dura
peu.
Les
Carmélites
de
Tours:
ayant
élu
comme
prieure
et
sous-prieure
deux
professes
du
premier
couvent — Marie
de
Saint-Gabriel
et
Marguerite
du
Saint-Sacrement,
les
supérieurs
jugèrent
bon
que
la
Mère
Madeleine
les
accompagnât
pour
leur
prêter
pendant
quelque
temps
l'appui
de
son
expérience.
Bien
que
ce
commandement
«
fût
contre
son
sens
»,
ainsi
qu'elle
le
confia
à
Marie
de
Jésus,
et
qu'elle
eût
«
assez
de
très
bonnes
raisons
pour
lé
détourner,
si
elle
les
eût
voulu
écouter
»
et
faire
valoir,
elle
préféra
se
soumettre
à
l'aveugle,
préparée
qu'elle
était
d'ailleurs
à
ce
voyage
par
l'avertissement
que
la
sainte
Vierge
lui
avait
donné
quelques
années
auparavant.
Cette
séparation
coûtait
à
la
communauté.
La
Vénérable,
selon
sa
coutume,
tâcha
d'élever
les
âmes
au-dessus
d'une
sensibilité
excessive.
Mais
ce
faisant,
elle
ne
put
se
défendre
elle-même
d'une
émotion
qu'elle
ne
chercha
pas
à
dissimuler,
«
et,
dit
le
bon
Senault,
elle
laissa
couler
quelques
larmes
pour
essuyer
celles
qui
tombaient
des
yeux
»
de
ses
Soeurs.
Elle
quitta
Paris
en
juillet
1615.
Oh
peut
conjecturer
les
sentiments
divers
qui
remplissaient
son
coeur
en
refaisant
ce
trajet
qu'elle
avait
parcouru
en
sens
inverse
juste
onze
ans
auparavant,
et
en
revoyant
cette
riante
Touraine,
où
elle
avait
reçu
tant
de
grâces
et
pratiqué
tant
de
vertus.
Puis
elle
retrouvait
là
sa
soeur
Louise.
Et
qui
doutera
que
celle-ci
n'ait
usé
alors
plus
volontiers
que
jamais
de
ses
privilèges
de
fondatrice,
et
ne
soit
venue,
au
moins
par
intervalles,
vivre
sous
le
même
toit
que
son
aînée
?
Les
fruits
que
le
couvent
de
Tours
ne
tarda
pas
à
retirer
de
la
présence
de
la
Mère
Madeleine
prouvèrent
que
son
déplacement
avait
bien
été
voulu
de
Dieu.
S'acquittant
de
son
rôle
avec
toute
la
discrétion
en
même
temps
que
tout
le
zèle
qu'on
pouvait
attendre
d'elle,
elle
aidait
assidûment
la
prieure
de
ses
conseils
dans
l'intimité,
mais
prenait
garde
ensuite
que
le
bien
des
décisions
prises
parût
entièrement
venir
de
cette
Mère
;
elle
gardait
à
son
égard
en
public
l'attitude
de
la
moindre
religieuse,
et
s'effaçait
de
telle
façon
en
communauté
qu'elle
n'y
prêchait
guère
que
d'exemple.
Aussi
la
Chronique
de
Tours,
d'accord
avec
les
biographes
de
la
Servante
de
Dieu,
assure
«
qu'elle
attira
sur
[les
Soeurs]
des
bénédictions
extraordinaires,
et
qu'elle
avança
si
fort
toutes
ces
saintes
âmes
dans
la
piété
que
l'on
peut
dire
qu'elle
fit
de
cette
maison
un
petit
paradis
».
Durant
l'hiver
qui
suivit,
elle
fût
affligée
d'un
«
grand
catarrhe
qui
lui
tombait
sur
la
moitié
du
corps,
en
sorte
que
quelquefois
elle
ne
se
pouvait
aider.
Elle
avait
grand
besoin
de
feu
pour
réchauffer
les
parties
refroidies
par
cette
mauvaise
humeur,
Mais
craignant
de
brûler
du
bois
parce
qu'elle
savait
que
la
maison
était
fort
incommodée,
comme
vraie
amatrice
de
la
pauvreté,
elle
montait
et
descendait
plusieurs
fois
le
jour
un
grand
degré
afin
de
s'échauffer
et
dissiper
son;
mal
par
cet
exercice
».
Heureusement
la
prieure
finit
par
s'en
apercevoir,
et
procura
à
la
patiente
un
remède
mieux
approprié.
«
Cette
Bienheureuse...
souffrit
beaucoup
intérieurement
et
extérieurement
»,
a
déclaré
la
même
Mère
à
propos
du
séjour
que
fit
Madeleine
de
Saint-Joseph
à
Tours.
«
Pour
l'intérieur,
quoiqu'elle
me
fît
le
bien
de
m'aimer,
je
n'en
ai
pourtant
appris
que
bien
peu
de
choses,
parce
qu'elle
ne
disait
quasi
jamais
rien
d'elle
et
ce
que
j'en
ai
appris
a
été
par
quelque
petit
mot
qu'elle
disait
par
rencontre.
Comme
une
fois....
elle
me
dit
« Mon
Dieu
qu'est-ce
que
la
vie
!
et
que l'incertitude
dans
laquelle
on
la
passe
est
pénible
à
porter !»
Je
lui
vis
alors
un
visage
fort,
souffrant,
mais
je
n'osai
l'enquérir
(sic)
davantage...
»
Ici
transparaît
évidemment
cette
apréhension
des
jugements
de
Dieu
qui
ateignait
souvent
le
coeur
de
notre
Vénérable.
Elle
endurait
en
outre
d'autres
peines,
angoisses mystérieuses, nées
de sa
charité
et
dont
on
ne
pourrait
préciser
ni
la
nature
ni
l'origine.
Voici
en
quels
termes
elle
en
rendait
compte
à
son
directeur
:
«
Je
me
voyais mettre
dans des
prisons
et
des
liens
pour
les
âmes
que
vous
savez,
qui
sont
en
de
si
grands besoins.
» Mais,
ce n'était
pas
tout encore:
«
Un
jour,
raconte
de
nouveau
Marie de Saint-Gbriel,
au
sortir
de
l'oraison,
cette
Bienheureuse
me
dit
:
«
Ma
Mère,
que
je
vois
de
choses
qu'il
faut
que
je
fasse
pour
l'Ordre
!
Que la
volonté
de
Dieu
soit
faite
!
Mais
cela
est
bien
pressant ! »
Je
la
priai
de
me
dire
ce
que
c'était,
et
elle
me
répondit
:
«
Je
ne
le
puis
en
particulier.
Je
vous
dirai
seulement
que
c'est
chose
qu'il
faut
que
je
fasse
et
que
je
porte.
Je
vous
prie
de
le
recommander
à
Dieu.
Je
vous
le
dis, comme à ma prieure.
» Cette
façon de me
parler,
ajoute
la
narratrice,
me
causait
grande
confusion,
vu
qu'elle était
elle-même
ma
supérieure
et
ma
Mère ».
Une
autre
fois,
me
parlant
de
certains
troubles,
qui
commençaient à
s'élever
contre
quelque
dévotion,
en
l'honneur
de
la
Mère
de
Dieu,
elle
se
mit
en
prières
un
peu
de
temps
et
puis
me
dit
:
«
Ceci
fera
beaucoup
souffrir.
Mais
la
Sainte
Vierge
prendra
le
dessus
et
nous
assistera.
»
Afflictions
présentes
ou
perspective
d'épreuves
à
venir
ne
faisaient
du
reste
qu'enflammer
son
amour.
Aussi
la
prieure
de
Tours
a-t-elle
encore
témoigné
que,
«
plusieurs
fois,
la
Mère
l'avait
priée
de
demander
à
Dieu
qu'il
la
rendît
digne
de
beaucoup
souffrir
pour
sa
gloire
».
Les
Carmélites
ne
furent
pas
seules
à
bénéficier
de
son
séjour
à
Tours.
Elle
«
y
travailla
fort
»
à
procurer
l'établissement
d'une
maison
d'Oratoriens,
obtenant
pour
cela'
le
consentement
de
«
Messieurs
de
la
ville
»,
et
incitant
son
père
à
verser
«
une
somme
notable
».
A
l'égard
de
ce
dernier
elle
fit
mieux
encore!
car
elle
le
décida
à
se
donner
lui-même
à
l'Oratoire.
Aussi
le
bon
vieillard
—
il
avait
alors
soixante-quatorze
ans
—
fut-il
du
voyage
quand
sa
fille
reprit
le
chemin
de
Paris.
C'était
en
mars
1616,
vraisemblablement
avant
le
29.
A
cette
date,
en
effet,
Marie
de
Médicis
posait
solennellement
la
première
pierre
de
l'église
du
couvent
de
Tours.
Or,
telle
qu'on
connaît
la
Mère
Madeleine,
il
paraît
probable
qu'après
avoir
pris
sa
large
part
de
travail
pour
aider
la
Mère
Marie
de
Saint-Gabriel
à
préparer
toutes
choses,
elle
s'éclipsa,
avant
une
circonstance
qui
l'eût
mise
forcément
en
contact
avec
la
cour.
Elle
rentra
donc
pour
Pâques
en
son
monastère
de
profession.
Si
on
l'y
reçut
avec
grand
bonheur,
elle
retrouva
avec
non
moins
de
joie
toutes
ses
Soeurs,
eh
particulier
sa
chère
Catherine
de
Jésus,
qu'un
miracle
éclatant
obtenu
par
.l'intercession
de;
saint
Charles
Borroméè
avait,
en
novembre
précédent,
ramenée
des
portes
du
tombeau.
Mais
ce
doux
revoir
s'assombrit
bientôt
par
la
perspective
d'une
nouvelle
séparation.
L'établissement
d'un
Carmel
à
Lyon
se
négociait
alors,
établissement
procuré
par
«
haut
et
puissant
seigneur
Messire
Charles
d'Halihcourt,
marquis
de
Villeroy,
vicomte
de
la
Forest
Taunier
[etc.]...
et
par
haute
et
puissante
dame
Madame
Jacqueline
de
Sancy
de
Hariay,
femme
dudit
seigneur
».
Celle-ci
venait
souvent
à
l'Incarnation
voir
sa
soeur,
la
Mère
Marie
de
Jésus,
laquelle,
dans
son
affection
fraternelle
et
pour
le
bien
de
celte
âme,
la
mit
en
relation
avec
Madeleine
de
Saint-Joseph.
Mme
d'Halincourt
fut
d'emblée
conquise
par
le
charme
et
la
sainteté
de
la
Servante
de
Dieu
et
se
lia
avec
elle
d'une
étroite
amitié.
S'affectionnant
du
même
coup
à
l'Ordre
du
Carmel,
elle
songea
à
en
fonder
une
maison
à
Lyon,
dont
son
mari
était
gouverneur.
Les
supérieurs
agréèrent
le
projet
et
désignèrent
la
Mère
Madeleine
pour
le
réaliser,
comme
la
Sainte
Vierge
le
lui
avait
révélé
à
elle-même
peu
auparavant.
La
fondatrice,
apprenant
ce
choix,
«
en
fut
infiniment
réjouie,...
et
la
Mère
de
son
côté,
connaissant
que
Dieu
l'avait
chargée
de
celle
âme,
fut
très
aise
aussi
qu'il
lui
présentât
le
moyen
de
la
pouvoir
assister
avec
plus
de
commodité
».
Vers
la
fin
d'août,
Mme
d'Halincourt
envoya
donc
«
son
argentier
»
à
Paris
pour
y
chercher
le
petit
essaim
de
Carmélites,
«
avec
charge
très
expresse
de
pourvoir
à
tout,
et
que
rien
ne
leur
manquât
de
ce
qui
serait
nécessaire
pour
les
acheminer
au
lieu
où
elle
les
attendait
avec
tant
d'ardeur
».
C'étaient,
avec
la
Mère
Madeleine,
la
Mère
Thérèse
de
Jésus
sa
cousine,
destinée
à
lui
succéder
dans
la
charge
de
prieure,
et
six
autres
religieuses
plus
une postulante,
toutes
pourvues
des
«
qualités
nécessaires
pour
jeter
les
fondements
d'une
nouvelle
maison
».
La
Vénérable
et
ses
compagnes
quittèrent
Paris
le
29
août
1616, « tout
le
couvent
ressentant
beaucoup
d'être
privé
d'un
si
grand
trésor,
duquel
néanmoins
la
charité
leur
faisait
consentir
que
d'autres
qu'elles
eussent
la
jouissance,
au
moins
pour
un
temps
».
On
observa
autant
qu'il
se
pouvait
en
cours
de
route
les
heures
réglementaires
d'oraison,
d'office,
de
silence,
à
l'exemple
de
ce
qu'avait
naguère
pratiqué
sainte
Thérèse sur
les
chemins
de
Castille
et
d'Andalousie.
En
passant
par
Troyes,
où
les
Carmélites
n'étaient
pas
encore
établies,
on
s'arrêta
à
l'abbaye
de
Notre-Dame.
Madeleine
de
Saint-Joseph
«
y
fut
reçue
avec
grand
honneur
et
respect
de
Mme
l'abbesse
et
de
toutes
les
religieuses,
lesquelles
demeurèrent
fort
édifiées
de
sa
vertu,
modestie
et
piété
»,
surtout
la
coadjutrice,
Claude
de
Choiseul.
Cette
enfant
—
elle
avait
quinze
ans
—
mourait
d'envie
de
suivre
la
Mère
Madeleine,
dont
l'air
de
sainteté
l'impressionnait
vivement.
Mais
la
constitution
de
sainte
Thérèse
s'y
opposant,
force
lui
fut
de
rester
en
son
couvent,
qu'elle
devait
d'ailleurs
réformer
plus
tard.
«
Mme
l'abbesse,
ayant
connu
le
grand
amour
[de
notre
Vénérable]
pour
les
reliques,
fit
ouvrir
les
châsses
qui,
de
toute
ancienneté,
étaient
dans
ce
monastère,
où
il
y
avait
quantité
de
reliques
très
assurées,
et
lui
en
donna
des
morceaux
assez
considérables,
entre
autres
une
côte
de
saint
Melchiord.
»
Les
voyageuses
prirent
ensuite
«
le
chemin
de
Bourgogne,
où
il
y
avait
déjà
des
couvents
de
leur
Ordre
à
Dijon
et
à
Chalon, dans lesquels
leurs
Soeurs
les
reçurent
avec
beaucoup
de
charité
et
leur
en
rendirent
tous
les
témoignages
qu'il
leur
fut
possible.
Néanmoins,
comme
le
couvent
de
Chalon
était
très
pauvre
et
très
peu
accommodé,...
il
se
rencontra
que
le
lieu
où
coucha
la
Mère
était
si
humide
et
si
mal
fermé,
qu'il
lui
prit
une
défluxion
et
une
toux
dont
elle
s'est
sentie
toute
sa
vie
».
Enfin
le
12
septembre
on
arriva
à
Lyon.
«
Mme
la
gouvernante
»,
accompagnée
des
principales
dames
de
la
ville
et
des
environs,
attendait
les
Carmélites
à
la
sortie
du
bateau
—
car
depuis
Mâcon
elles
descendaient
la
Saône
—,
et,
leur
ayant
souhaité
la
bienvenue,
les
conduisit
dans
son
carrosse
au
logement
qu'elle
leur
avait
fait
préparer,
en
attendant
que
leur
maison
fût
en
état
de
les
recevoir.
Ce
gîte
provisoire
touchait
l'abbaye
d'Ainay,
de
telle
sorte
qu'on
pouvait
se
rendre
à
l'église
du
monastère
sans
passer
par
la
rue.
La
Vénérable
en
fut
ravie,
et
d'autant
plus
que
l'antique
sanctuaire
était
construit
sur
un
terrain
arrosé
du
sang
de
nombreux
et
célèbres
martyrs.
Aussi
vint-elle
fréquemment
y
prier.
Elle
y
reçut
de
grandes
grâces.
Une
fois
entre
autres,
comme
elle
était
en
oraison
dans
la
chapelle
de
sainte
Blandine,
qu'elle
visitait
souvent
par
un
attrait
spécial,
ayant
appuyé
amoureusement
sa
tête
contre
le
sarcophage
de
la
martyre,
celle-ci
lui
apparut,
l'entretint
assez
longtemps
des
tourments
qu'elle
avait
endurés
en
ce
lieu,
et
lui
prédit
qu'elle-même
souffrirait
beaucoup
pour
le
service
de
Dieu.
Cette
faveur
rendit
la
vénérable
Mère
plus
dévote
encore
à
l'héroïne
lyonnaise.
Elle
voulut
depuis
avoir
toujours
son
image
dans
sa
cellule;
et
souvent
on
l'a
surprise
lui
faisant
«
bien
des
caresses
».
Trois
semaines
ou
un
mois
après,
la
nouvelle
maison
se
trouvant
prête,
Mme
d'Halincourt
y
conduisit
ses
protégées.
Mais il
fallut
auparavant,
sur
l'ordre
de
Mgr
de
Marquemont,
s'arrêter
quelques
heures
à
l'abbaye
de
Saint-Pierre.
Les
Bénédictines,
après
avoir
agi
auprès
de
l'archevêque
pour
obtenir
cette
visite,
entendirent
la
bien
mettre
à
profit.
Aussi
harcelèrent-elles
Madeleine
de
Saint-Joseph
de
mille
questions
« sur
l'oraison,
afin
d'apprendre
d'elle
à
la
bien
faire
;
ce
que
la
Servante
de
Dieu
a
quelquefois
raconté
à
plusieurs
de
nous,
rapporte
une
contemporaine,
et
disait
agréablement
que
jamais
elle
n'avait
été
si
lasse
de
parler
d'oraison
que
ce
jour-là,
parce
que
ces
bonnes
religieuses
ne
lui
laissèrent
pas
un
moment
de
repos,
s'envoyant
les
unes
les
autres
à
elle,
lui
dire
les
difficultés
qu'elles
avaient
en
cet
exercice
et
lui
demander
ses
avis
».
«
Enfin,
elles
furent
si
édifiées
de
la
grande
modestie,
recueillement
et
mortification
[des
visiteuses]
qu'il
leur
semblait
voir
des
anges
en
des
corps
mortels,
et
étaient
dans
un
tel
transport
de
la
vertu
éminente
qu'elles
y
voyaient,
qu'elles
ne
les
pouvaient
quitter.
»
C'est
le
9
octobre
que
les
Carmélites
prirent
possession
de
leur
monastère.
Il
fut
dédié
sous
le
titre
de
«Notre-Dame
de
Pitié
»,
car
la
Vénérable
désirait
ardemment
voir
«
en
leur
Ordre
un
couvent
qui
eût
appartenance
à
cet
état
souffrant
de
la
Mère
de
Dieu,
et
eût
obligation
d'y
rendre
un
hommage
continuel ».
Marie
voulut,
ce
semble,
en
remercier
sa
servante,
en
lui
apparaissant
telle
qu'on
la
peint
dans
les
descentes
de
Croix,
avec
son
divin
Fils
mort
entre
les
bras,
grâce
qui
accrut
encore
la
dévotion
de
la
Mère
à
ce
mystère.
Elle
reçut
en
même
temps
une
vive
lumière
sur
ces
paroles
de
l'Écriture
:
Ne
vocetis
me
Noemi,
id
est
pulchram,
sed
vocale
me
Mara,
id
est
amaram,
quia
amaritudine
valde
replevit
me
Omnipotens
;
«
et
elle
conçut
choses
très
grandes
et
divines
des
souffrances
de
la
Mère
de
Dieu,
spécialement
en
ce
qui
est
dit
qu'elles
ont
été
opérées
par
le
Tout-Puissante
».
Cette
vision
lui
fut
accordée,
croit-on,
durant
la
messe
de
prise
de
possession,
que
l'archevêque
célébrait
lui-même,
car
elle
entra
alors
dans
une
extase
qui
lui
dura
plusieurs
heures
et
pendant
laquelle
Dieu
lui
montra
aussi
«
les
grâces
et
les
effets
que
la
présence
du
Saint-
Sacrement
devait
opérer
dans
les
âmes
de
cette
maison
».
Les
faveurs
divines,
du
reste,
lui
furent
prodiguées
pendant
tout
son
séjour
à
Lyon,
si
bien
«
qu'elle
avait
peine
à
les
cacher
».
Témoin
le
trait
suivant
raconté
par
une
de
ses
compagnes
de
voyage
:
«
Notre
bonne
Mère
Madeleine
m'appela
un
soir
après
compiles,
et
me
faisant
mettre
auprès
d'elle,
elle
me
parla
en
cette
manière
:
«
Que
diriez-vous
d'une
âme
qui
est
en une
disposition
intérieure
où
elle
est
toute
accablée
de
la
puissance
divine
?
»
Et
en
me
faisant
cette
question,
cette
même
puissance
divine
dont
elle
parlait
la
rendit
tellement
impuissante,
que
l'usage
de
ses
sens
lui
fut
ôté
et
ne
lui
resta
que
le
pouvoir
de
parler
des
choses
dont
elle
était
mue,
comme
toute
abîmée dans
la
puissance
divine.
Et
parla
bien
environ
deux
heures
de
cette
puissance
et
des
effets
qu'elle
opère
et
laisse
après
elle,
sans
y
faire
aucune
réflexion.
Et
puis,
revenant
à
elle-même
avec
grande
lassitude
en
son
corps,
elle
demanda
quand
on
sonnerait
matines,
parce
qu'elle
y
voulait
aller,
combien
qu'elle
fût
extrêmement
lasse.
A
quoi
je
répondis
qu'elles
étaient
presque
dites,
sans
que
[d'ailleurs]
elle
me
parlât
de
ce
qui
s'était
passé,
ni
moi
à
elle.
Mais
depuis,
étant
avec
elle
au
second
couvent
de
Paris,
et
.me
parlant
de
diverses
voies
que
Dieu
tient
sur
les
âmes,
je
lui
dis
quelque
chose
de
ce
qu'elle
avait
eu
à
Lyon,
désirant
m'éclairer
de
certains
points
que
je
n'avais
pas
compris...
Sur
quoi
m'apercevant
qu'elle
rougissait,
je
m'arrêtai
et
ne
lui
en
dis
pas
davantage.
»
Plus
libre
avec
la
Mère
Marie
de
Jésus,
qui
du
reste,
à
cette
époque,
était
sa
supérieure,
la
Servante
de
Dieu
lui
fit
le
récit
d'une
vision
de
sainte
Madeleine,
qu'elle
eut
également
à
Lyon.
La
céleste
visiteuse
«
se
présenta
devant
elle
»
après
la
communion,
sous
la
forme
d'une
«
dame
très
vénérable,
fort
grande
et
de
bonne
façon
».
La
Mère
«
ne
put
pas
bien
voir
son
visage,
ni
le
discerner
tout
à
fait;...
seulement,
autant
qu'elle
l'avait
pu
remarquer,
il
lui
sembla
qu'elle
était
claire
brune
».
Apercevant
sur
ses
traits
l'expression
d'une
extrême
douceur,
«
elle
en
fut
tout
étonnée,
et
pensa
en
elle-même
:
«
Est-ce
pour
moi
qu'elle
fait
paraître
une
«
si
grande
bénignité
?
»
Et
il
lui
fut
répondu
que
cette
bénignité
était
en
la
Sainte
même.
Et
lors,
elle
comprit
que
[la
Madeleine]
avait
eu
part
en
la
douceur
de
Jésus-Christ...
à
proportion
de
l'amour
spécial
de
Jésus
envers
elle.
»
La
Sainte
assura
ensuite
notre
Vénérable
«
qu'elle
lui
donnait
participation
à
son
amour
vers
Jésus,
et
lui
fit
entendre
que
l'esprit
malin,
par
la
rage
extrême
qu'il
a
contre
ce
seul
et
vrai
amour,
contrefaisait
toutes
ces
sortes
de
faux
amours
dans
le
monde
».
Ces
choses
furent
dites
«
en
paroles
succinctes,
mais
vives
et
pénétrantes
»,
si
bien
que
la
Mère
((
demeura
toute
remplie
pendant
fort
longtemps
de
ce
qu'elle
avait
vu
».
Une
autre
fois,
là
même
Sainte
lui
apparut
à
l'infirmerie
et
lui
fit
voir
«
la
protection
qu'elle
avait
pour
l'Ordre
et
plusieurs
choes
particulières
qu'on
n'a
pas
remarquées
».
Notons
aussi
cette
autre
faveur
de
Notre-Dame
;
«
Une
fois,...
étant
fort
en
peine
pour
une
affaire
importante,
[la
Mère]
s'en
alla
dans
un
ermitage,
où
il
y
avait
une
petite
Sainte
Vierge
du
bois
de
Montaigu.
»
La
sous-prieure
s'y
étant
rendue
peu
après
«
l'y
trouva
ravie,
son
voile
lui
étant
tombé
».
Le
ravissement
dura
longtemps.
Quand
la
Vénérable
en
sortit,
la
Mère
Thérèse
lui
dit
familièrement
:
«
Ma
Mère,
vous
êtes
bien
en
dévotion
!»
—
«
J'étais
venue
pour
une
telle
affaire,
avoua
Madeleine
de
Saint-Joseph.
Cette
petite
Sainte
Vierge
m'a
parlé
et
m'a
donné
assurance
qu'elle
réussirait
bien.
»
Le
Seigneur
ne
versait
pas
de
moindres
bénédictions
sur
son
oeuvre
que
sur
son
âme.
Elle
put
en
neuf
mois
donner
l'habit
à
six
novices,
dont
deux
méritent
une
mention
spéciale.
D'abord
Marthe
de
l'Incarnation
Nau,
qui
arrivait
avec
les
fondatrices.
Elle
avait
passé
quelque
temps
au
monastère
de
l'Incarnation,
et
au
rapport
de
Marguerite
du
Saint-Sacrement,
excellent
juge,
«
quoi
qu'elle
n'eût
que
dix-huit
ans,
son
esprit
était
aussi
fait
comme
quand
elle
est
morte
à
cinquante-huit
».
Les
«
épreuves
extraordinaires
»
qu'elle
porta
saintement,
et
même
son
renvoi
du
noviciat
parisien
—
on
ne
sait
pour
quel
motif
—,
affermirent
encore
sa
vertu.
Aussi la
Mère
Madeleine
l'estimait-elle
beaucoup,
et
la
destina-t-elle
à
la
fondation
de
Lyon.
Elle
l'y
revêtit
la
première
dès
livrées
de
la
Vierge,
et,
avant
de
partir,
lui
permit
de
faire
entre
ses
mains,
secrètement,
des
voeux
privés.
Enfin,
elle
considéra
toujours
cette
religieuse
comme
l'un
des
sujets
les
plus
accomplis
qui
lui
soient
passés
par
les
mains.
Quant
à
l'autre
novice,
Thérèse
de
Jésus,
il
faudrait
pouvoir
conter
en
entier
sa
limpide
histoire.
Après
une
jeunesse
merveilleusement
gardée
au
sein
d'une
famille
fort
peu
soucieuse
de
religion,
Gasparde
Le
Vachon
de
Veuvray
—
ainsi
s'appelait-elle — fut
conquise
au
Carmel
comme
tant
d'autres
par
la
lecture
des
livres
de
sainte
Thérèse.
«
Cette
Sainte
sera
ma
Mère
après
la
Vierge
»
résolut-elle
en
son
coeur.
Et
malgré
sa
faible
santé,
malgré
surtout
une
plaie
invétérée
à
la
jambe,
elle
demanda
place
au
Carmel
lyonnais.
«
La
Révérende
Mère
Madeleine
m'en
[parla],
raconte
la
Mère
Thérèse,
alors
maîtresse des
novices,
et
à
quelques-unes
des
Soeurs
qui
connaissaient
fort
bien
[la
prétendante]
et
qui
en
dirent
beaucoup
de
choses
avantageuses.
Son
incommodité
—
[l'ulcère
incurable]
—
nous
faisait
peine
et
nous
la
considérions;
mais
on
assura
que
ce
n'était
rien.
Notre
Révérende
Mère,
après
l'avoir
recommandée
à
Dieu,
selon
sa
coutume
ordinaire
en
toutes
les
affaires
de
dépendre
toute
de
Dieu,
et
particulièrement
dans
le
choix
des
filles
pour
l'Ordre
—
elle
me
dit
en
cette
occasion
beaucoup
de
choses
sur
ce
sujet,
combien
il
est
important
que
ce
soit
l'Esprit
de
Dieu
qui
choisisse
et
non
pas
les
nôtres
—
;
après
donc
s'être
consultée,
et
conduite
par
l'Esprit
qu'elle
avait
invoqué,
elle
lui
promit
place
dans
sa
réponse
à
sa
lettre.
»
En
conséquence
Mlle
Le
Vachon
vint
se
présenter.
«
Nous
la
vîmes,
continue
la
Mère
Thérèse,
et
de
prime
abord
elle
ne
me
contenta
pas,
ne
jugeant
pas
son
esprit
assez
fort;
il
me
semblait
qu'elle
paraissait
peu
de
chose,
et
n'y
voyais
qu'une
bonne
disposition
à
la
grâce»
ce
qui
seul
me
contentait.
J'en
dis
mes
pensées
sincèrement
à
l'a
Mère
Madeleine
qui
me
le
permettait
ainsi.
Mais
elle,
qui
jugeait
tout
selon
l'Esprit
de
Dieu,
me
dit
:
«
Cette
fille
est
plus
propre
que
celle
que
vous
avez
vue
—
me
parlant
d'une
autre
—,
car
celle-ci
est
plus
qu'elle
ne
paraît,
et
l'autre
paraît
plus
qu'elle
«
n'est.
Je
n'ai
nulle
peine
à
la
recevoir.
»
Dès
lors,
conclut
gracieusement
la
narratrice,
je
fus
moi-même
toute
satisfaite.
»
«
Ce
fut
Mgr
l'archevêque
de
Lyon
qui
lui
donna
l'habit,
ce
qu'elle
a
toujours
regardé,
et
avec
sujet,
comme
une
très
grande
bénédiction,
ainsi
que
celle
d'avoir
été
reçue
et
revêtue...
des
mains
de
la
Révérende
Mère
Madeleine.
Je
tiens
que,
de
ces
deux
grâces,
vient
le
bonheur
qu'elle
a
eu
d'être
vraie
Fille
de
notre
sainte
Mère,
à
laquelle
cette
sainte
prieure
l'avait
toute
donnée.
»
Au
soir
de
cette
journée
de
vêture,
journée
céleste
pour
la
nouvelle
Carmélite
«
si
transportée...
qu'elle
en
avait
presque
perdu
l'usage
de
la
raison
»,
sa
Mère
maîtresse
vit,
hélas
!
le
fâcheux
ulcère.
«
J'en
fus
fort
étonnée
—
[lisons
:
impressionnée] —,
avoue
celle-ci,
èl
le
dis
à
la
Révérende
Mère
Madeleine,
qui
le
voulut
voir
le
matin
el
me
dit
:
«
Si
je
l'eusse
jugé
tel,
je
ne
l'aurais
pas
reçue.
«
Il
ne
faut
pas
toucher
à
ses
habits,
sans
doute
elle
sortira.
»
Cette
bonne
fille,
qui
vit
que
j'étais
étonnée,
le
fut
aussi
et
me
dit
: « Hélas
!
Notre
sainte
Mère
aura
peut-être
pitié
de
sa
pauvre
novice
et
me
guérirai
»...
Cependant
la
charité
de
notre
Révérende
Mère
lui
voulant
faire
essayer
de
toutes
sortes
de
remèdes
plutôt
que
de
la
renvoyer,
elle
fit
venir
les
chirurgiens,
qui
jugèrent
le
mal
si
invétéré
et
si
incurable,
qu'ils
n'osèrent
entreprendre
de
le
traiter.
La
Mère
ne
perdit
pas
pour
cela
l'espérance
;
au
contraire,
comme
elle
la
mit
tout
entière
en
Dieu,
elle
ne
douta
pas
qu'il
ne
fît
quelque
merveille
en
faveur
de
celte
âme
si
privilégiée.
Elle
lui
dit
donc
d'un
air
agréable
qu'elle
la
voulait
traiter
elle-même.
Ensuite
elle
lui
appliqua
quelques
légers
remèdes,
qui
n'étaient
pas
de
qualité
à
guérir
un
mal
de
cette
nature,
et
en
peu
de
jours,
par
une
vertu
qui
venait
plus,
sans
doute,
des
prières
de
la
sainte
prieure
que
des
remèdes
qu'elle
lui
avait
faits,
la
novice
se
trouva
entièrement
guérie,
au
grand
étonnement
des
médecins
et
de
tous
ceux
qui
savaient
la
grandeur
de
son
mal.
«
Soeur
Thérèse...
ne
fut
pas
méconnaissante
de
la
faveur
du
Ciel,
elle
employa
fidèlement
la
nouvelle
santé
qui
lui
avait
été
rendue
au
service
du
Souverain
Médecin
qui
l'avait
traitée
avec
ant
de
bonté...
Et
la
Révérende
Mère
Madeleine...
me
dit
en
nous
quittant
qu'elle
espérait
bien
de
cette
bonne
Soeur.
»
La
jeune
Carmélite
devait,
en
effet,
parcourir
en
peu
de
temps
une
longue
carrière.
Souvent
elle
répétait
à
ses
compagnes
ces
paroles,
écho
de
l'un
des
enseignements
favoris
de
la
Mère
Madeleine
:
«
Soyons
fidèles
à
tous
les
moments
présents
;
pratiquons
entre
Dieu
el
nous
tout
ce
que
nous
pourrons
!
»
Bientôt,
minée
par
ses
désirs
«
d'aller
voir
Dieu
»
plus
encore
que
par
la
phtisie,
elle
se
vit
au
seuil
de
l'éternité.
Elle
témoigna
alors
une
joie
grandissante
de
se
dire
Fille
de
la
Vierge
el
Fille
de
sainte
Thérèse.
« On
ne
nommait
jamais
ce
nom
qu'elle
n'inclinât
la
tête
et
se
sourît,
même
en
son
agonie,
pour
marque
dernière
de
l'amour
qu'elle
portail
à
son
nom...
Un
quart
d'heure
avant
de
passer...
elle
s'avisa
de
ses
constitutions,
qu'elle
avait
mises
sous
son
chevet.
Elle...
avait
dit
qu'elle
désirait
mourir
avec
son
contrat,
puisqu'elle
devait
être
jugée
sur
lui.
»
Ainsi
s'endormit-elle
dans
le
Seigneur,
fidèle,
aimante,
souriante
comme
elle
avait
vécu.
Elle
avait
vingt-quatre
à
vingt-cinq
ans.
«
Dieu,
dit
le
P.
Talon,
a
manifesté
sa
sainteté
à
plusieurs
personnes,
et
la
Bienheureuse
dont
nous
écrivons
la
vie
la
tenait
si
assurément
pour
une
sainte,
que
l'on
peut
croire
avec
fondement
qu'elle
en
avait
eu
quelque
connaissance
du
ciel.
»
Tout
était
donc
consolation
pour
la
Mère
Madeleine
de
Saint-Joseph
du
côté
de
ses
nouvelles
Filles.
Consolation
aussi
du
côté
de
l'archevêque,
prélat
de
grand
mérite
et
de
piété
profonde,
très
ami
des
Ordres
religieux,
qui
donna
dès
la
première
heure
sa
bienveillance
au
nouveau
couvent
et
son
estime
à
celle
qui
le
dirigeait.
Consolation
enfin
du
côté
de
la
fondatrice,
qui
se
montrait
vraiment
une
mère
pour
ses
Carmélites.
Non
contente
de
faire
faire
par
ses
officiers
les
provisions
du
couvent
en
même
temps
que
les
siennes
propres,
en
«
beurre,
huilé,
bois
et
choses
semblables
»,
«
elle
allait
fort
souvent
à
la
cuisine
el
y
entretenait
familièrement
une
bonne
Soeur
laye,
la
faisant
asseoir
auprès
d'elle,
el
s'informant
avec
un
soin
el
une
charité
qui
ne
se
peut
croire
de
tout
ce
qui
était
nécessaire
au
couvent...
Et
si
celle
bonne
Soeur,
qui
était
simple,
usant
de
la
liberté
qu'elle
lui
donnait,
lui
faisait
connaître
quelque
besoin,
elle
y
pourvoyait
à
l'heure
même.
Si
elle
apprenait
que
des
dames
de
la
ville
et
autres
personnes
fussent
affectionnées
au
monastère,
et
y
eussent
rendu
quelque
service,
elle
les
en
allait
remercier
el
leur
en
savait
gré
comme
d'un
plaisir
fait
à
elle-même
ou
à
ses
enfants,
ne
faisant
point
de
différence
entre
sa
maison
et
celle
des
Carmélites.
Et
connaissant
par
expérience
la
grâce
de
cet
Institut,
à
laquelle
Dieu
lui
avait
donné
bonne
part
par
la
communication
de
la
Mère...,
un
de
ses,principaux
soins
était
que...
l'odeur
s'en
répandît
dans
le
pays
et
que
plusieurs
y
fussent
participants...
Elle
fit
[aussi]
accomoder
leur
église
et
y
donna
de
beaux
et
riches
ornements.
»
Enfin
elle
se
comporta
de
façon
à
mettre
la
Mère
Madeleine
en... pleine
sécurité
quant
à
l'avenir
matériel
de
la
fondation.
Dans
ces
conditions,
la
présence
de
la
Servante
de
Dieu
n'était
plus
indispensable
à
Lyon.
Par
contre,
on
la
réclamait
à
Paris,
et
voici
pourquoi.
Les
troubles
dont
souffrit
la
France
pendant
la
minorité
de
Louis
XIII
avaient
fait
constater
aux
supérieurs
des
Carmélites
que
la
situation
d'un
couvent
de
religieuses
dans
un
faubourg
n'offrait
qu'une
insuffisante
sécurité
;
ils
résolurent
donc
de
fonder,
dans
l'enceinte
même
de
Paris,
un
second
monastère
qui
pût,
le
cas
échéant,
servir
de
retraite
à
la
communauté
du
Grand
Couvent.
Commencées
avant
1615,
les
démarches
n'avaient
pas
encore
abouti
en
1617
à
cause
de
certaines
difficultés
dont
les
documents
n'indiquent
pas
la
nature.
Comme
on
en
prévoyait
de
plus
grandes
encore
pour
le
moment
même
de
la
fondation,
les
supérieurs
désiraient
hâter
le
retour
de
la
Mère
Madeleine.
«
Elle
aussi,
à
qui
Dieu
donnait
un
coeur
de
mère
pour
l'Ordre,...
était
en
grande
appréhension
qu'il
n'y
arrivât
quelque
brouillerie...
Mais...
sainte
Madeleine...
lui
apparut
[derechef]
et
l'assura
que
ce
qu'elle
craignait
n'arriverait
point
et
qu'elle
en
fût
en
repos
;
que
Dieu
avait
mis
l'affaire
en
ses
mains,
et
que
ce
serait
elle-même
qui
fonderait
ce
second
couvent.
»
Son
départ
fut
donc
décidé,
malgré
les
regrets
de
la
communauté
naissante.
Quant
à
Mme
d'Halincourt,
elle
aimait
tant
sa
sainte
amie
qu'elle
«
n'eut
jamais
la
force
de
lui
dire
adieu,
el
la
pria
de
choisir
[pour
partir]
un
jour
dont
elle
ne
se
doutât
point»,
ce
qui
fut
fait.
Le
9
juillet,
la
Mère
Madeleine
de
Saint-Joseph
quittait
Lyon
avec
trois
de
ses
Soeurs,
«
laissant
dans
cette
grande,ville
une
merveilleuse
odeur
de
sa
sainteté
».
Elle
«
ne
voulut
point
d'autre
équipage...
que
le
coche
ordinaire,
quoique
ce
fût
une
voie
fort
pénible
pour
elle
qui
avait
de
très
grandes
incommodités,
et
encore
dans
le
temps
des
grandes
chaleurs.
Les
chemins
étaient
lors
fort
dangereux
à
cause
de
quelques,
troubles,
et
[les
Carmélites
se
trouvaient]
assez
mal
accompagnées
;
tellement
qu'il
était
bien
besoin
que
Dieu
les
gardât
pendant
le
voyage...
lequel aussi
ne
leur
manqua
pas,
particulièrement
en
une
occasion
où
il
y
avait
tout
sujet
de
craindre.
Elles
aperçurent
[en
effet]
sept
ou
huit
hommes
de
cheval
venant
droit
à
leur
coche,
qui
se
mirent
en
haie
pour
les
arrêter
et
envelopper.
Et
tenant
pour
tout
assuré
que
c'étaient:des
voleurs,
la
Mère
se
mit
aussitôt en
prières,
demandant
instamment
à
Notre-Seigneur
qu'il
lui
plût
délivrer
ses
servantes
du
péril
où
elles
se
trouvaient
sans
pouvoir
espérer
secours
que
de
sa
bonté.
Il
exauça
son
oraison
au
même
moment;
et
ces
gens...
qui
n'étaient
venus
à
elles
qu'avec
quelque
dessein,
les
laissèrent
passer
sans
leur
dire
mota.
»
On
arriva
sans
autre
aventure
au
Grand
Couvent,
où
la
Servante
de
Dieu
fut
accueillie
avec
la
joie
que
l'on
pense.
Un
petit
trait
trouve
ici
sa
place.
Il
permet
d'entrevoir
une
fois
de
plus
ce
que
Notre-Seigneur
donnait
à
la
Mère
Madeleine
pour
les
âmes.
«
Durant
tout
le
temps
qu'elle
fut
à
Lyon,
raconte
Marie
de
la
Croix
Deschamps
8,
je
portai
un
besoin
intérieur
très
grand
dont
le
sujet
m'était
inconnu,
mais
je
ressentais
—
le
présentant
continuellement
à
Dieu
—
y
devoir
être
secourue
par
cette
nôtre
bienheureuse
Mère.
A
son
retour,...
je
lui
dis
ressentir
obligation
de
rendre
quelque
chose
à
Dieu,
que
je
ne
connaissais
point,
mais
que
j'espérais
apprendre
par
elle.
Au
même
moment,
Dieu
lui
fit
connaître
ce
que
c'était,
et
à
la
première
parole
qu'elle
me
dit,
je
ressentis
mon
besoin
satisfait
avec
tant
de
correspondance...
que
cela
est
inexprimable.
Et
elle
nous
obligea
d'aller
à
elle
toutes
les
fois
que
le
mouvement
nous
en
viendrait...
Comme
cela
était
souvent,
et
lui
témoignais
craindre
l'incommoder
à
cause
de
ses
infirmités,
elle
nous
dit
qu'en
ces
occasions
où
Dieu
par
lui-même
l'appliquait,
il
lui
donnait
si
abondamment,
que
quand
elle
eût
parlé
jour
et
nuit,
elle
ne
s'en
ressentait
nullement,
qu'au
contraire
elle
s'en
soulageait,
recevant
pour
donner
et
plus
qu'elle
n'en
donnait.
Et
cela
se
ressentait
bien
fort,
ses
paroles
imprimant
efficacement
l'effet
de
Dieu
en
l'âme
;
ce
que
nous
avons
souvent
expérimenté,
non
seulement
en
cette
occasion,
mais
en
une
infinité
d'autres...
Et
semblait
que
Dieu
lui
faisait
porter
en
elle-même
les
dispositions
de
grâce
et
l'état
où
il
voulait
les
âmes
à
qui
elle
parlait;
et
me
faisait
souvenir
de
ce
que
notre
Mère
sainte
Thérèse
dit
d'elle-même,
que
lorsqu'elle
avait
à
écrire
ses
livres,
Dieu
la
mettait
au
degré
d'oraison
dont
elle
avait
à
parler,
et
ne
lui
coûtait
qu'à
écrire,
n'ayant
nul
besoin
de
chercher
ce
qu'elle
avait
à
dire.
Ainsi
celte
nôtre
bienheureuse
Mère,
s'appliquant
à
Dieu,
recevait
ce
qu'elle
avait
à
donner,
et
le
faisait
très
purement,
sans
y
prendre
aucune
part.
Et
très
souvent,
son'
dire
était
faire,
mettant
l'âme
en
la
grâce
dont
elle
lui
parlait.
»
Il
faut
convenir
que
les
religieuses
de
l'Incarnation
avaient
lieu
de
désirer
vivement
jouir
d'une
présence
si
précieuse.
Elles
durent
néanmoins,
au
bout
de
deux mois
à
peine,
en
faire
de
nouveau
le
sacrifice. |