CHAPITRE
V
La
Maîtresse
des
Novices
1605-1608
La
profession
de
Madeleine
de
Saint-Joseph
venait
de
donner
une
nouvelle
impulsion
à
sa
vie
spirituelle.
On
le
constata
«
très
manifestement
en
sa
conduite,...
et
il
n'y
eut
personne,
ni
dans
le
monastère
ni
parmi
ceux
qui
la
connaissaient,
qui
ne
s'en
aperçût
».
Aussi
les
supérieurs
et
les
Mères
espagnoles
estimèrent-ils
devoir
déroger
à
la
coutume
de
l'Ordre
de
tenir
les
jeunes
professes
pendant
trois
ans
encore
dans
la
dépendance
et
les
exercices
du
noviciat
pour
achever
leur
formation.
«
Incontinent
après
sa
profession,...
tous,
d'un
commun
consentement,
la
mirent
en
la
charge
de
maîtresse
des
novices.
»
La
bienheureuse
Anne
de
Saint-Barthélemy
confia
à
ce
propos
à
M.
du
Val
«
que
la
Sainte
Vierge
lui
avait
fait
connaître
que
la
Sœur
Madeleine
de
Saint-Joseph
avait
beaucoup
de
grâce
pour
servir
l'Ordre,
et
de
grands
talents
pour
la
conduite
des
âmes
*».
Il
lui
fallait
effectivement
cette
grâce
et
ce
talent,
car
les
circonstances
rendaient
sa
mission
plus
importante
et
plus
délicate
qu'elle
ne
l'est
déjà
d'ordinaire.
On
avait
dû,
au
monastère
de
l'Incarnation,
ouvrir
les
portes
du
noviciat
bien
plus
largement
que
ne
l'indiquent
les
constitutions
de
sainte
Thérèse,
parce
que,
de
l'aveu
même
de
la
Mère
Anne
de
Jésus,
les
sujets
d'élite
se
présentaient
à
Paris
plus
qu'ailleurs,
et
que
l'on
trouvait
également
là
«
plus
de
commodité
spirituelle
et
temporelle
pour
les
instruire
de
ce
qu'il
[fallait]
pour
aller
faire
les
autres
fondations
».
La
Servante
de
Dieu
se
trouvait
donc
en
face
d'un
essaim
de
novices,
d'âges,
de
conditions,
de
caractères
fort
divers
naturellement,
et
dont
«
la
plupart
couraient
et
même
volaient,
dit
le
P.
Gibieuf,
plutôt
qu'elles
ne
marchaient
dans
le
chemin
de
la
perfection
».
Aussi
leur
formation
réclamait
une
maîtresse
expérimentée.
On
devine
l'effroi
que
dut
éprouver
celle
qui
avait
tant
d'attrait
pour
la
dernière
place
lorsqu'elle
se
vit
imposer
une
pareille
lâche,
et
les
excuses
qu'elle
dut
alléguer.
Néanmoins
elle
courba
la
tête.
Aussi,
«
étant
entrée
[en
cette
charge]
par
la
porte
d'une
très
humble
soumission
à
la
volonté
de
ses
supérieurs,
elle
l'exerça
en
bénédiction
et
avec
un
incroyable
avancement
du
royaume
de
Dieu
dans
les
âmes,
déclare
Marie
de
Jésus...
Nous
voyions
visiblement
qu'il
la
tenait
par
la
main
et
qu'il
agissait
en
elle.
Elle
était
si
remplie
de
grâce
dans
cet
emploi
qu'elle
portait
odeur
de
sainteté
en
tout;
ses
paroles
étaient
toutes
saintes,
et
si
élevantes
à
Dieu
et
si
efficaces
qu'elles
imprimaient
sans
difficulté
dans
les
âmes
les
dispositions
telles
qu'elle
les
voulait.
Celles
de
nos
Sœurs
qui
ont
été
sous
sa
conduite
rendent
témoignage
à
cette
vérité
que
j'ai
expérimentée
en
moi-même.
»
Revenant
ailleurs
sur
ce
sujet,
la
même
Mère
insiste
:
« Elle
avait
un
talent
miraculeux
pour
la
conduite
des
âmes
et
un
si
grand
pouvoir
sur
les
esprits
qu'elle
n'y
trouvait
jamais
de
résistance...
un
don
de
Dieu
qu'il
semblait
qu'elle
fût
la
maîtresse
des
grâces
pour
les
verser
dans
les
cœurs.
»
D'après
une
autre
des
premières
et
des
plus
remarquables
disciples
de
la
Vénérable,
«
il
paraissait
en
elle
tant
de
capacité,
de
grâces
et
de
vertu,
qu'on
ne
savait
lequel
admirer
davantage,
ou
la
grandeur
de
son
esprit,
ou
la
douceur
de
sa
conduite,
ou
la
puissance
de
ses
paroles,
ou
la
sainteté
dé
ses œuvres,
ou
la
plénitude
de
la
grâce
de
Jésus-Christ
qui
reluisait
en
elle
et
qui
imprimait
dans
les
âmes
un
désir
ardent
d'être
au
même
Jésus-Christ,
un
effacement
de
toute
créature,
et
désir
d'avoir
un
cœur
vide
de
la
liaison
au
péché
et
à
toute
imperfection
volontaire,
ce
qu'elle
imprimait
par
ses
paroles
et
par
son
seul
regard
plus
que
cela
ne
se
peut
expliquer.
Son
regard,
plein
de
la
bénignité
de
Notre-Seigneur
et
de
la
majesté
de
sa
présence,
arrêtait
l'imperfection
de
celles
qui
l'envisageaient.
»
Un
fruit
si
merveilleux
était
dû
avant
tout
à
l'incessante
prière
de
Sœur
Madeleine,
car
«
la
crainte
qu'elle
avait
de
manquer
à
une
charge
si
importante
la
tenait
toujours
devant
Dieu
pour
implorer
son
assistance
».
Il
venait
aussi
de
sa
profonde
humilité.
Elle
ne
se
prévalut
aucunement,
en
effet,
de
la
marque
exceptionnelle
de
confiance
qui
lui
était
accordée,
et,
bien
que
ses
supérieurs
et
sa
prieure
«
lui
eussent
donné
tout
pouvoir
»,
et
que
l'on
ait
pu
dire
en
vérité
des
novices
de
ce
temps-là
que
«
c'était,
elle
seule
qui
les élevait ?
» ; elle
voulut
que
ces
jeunes
Sœurs
continuassent
à
considérer
la
Mère
Anne
de
Saint-Barthélemy
comme
leur
maîtresse,
tâchant
qu'elles
lui
«
fussent
étroitement
liées
»,
et
les
lui
renvoyant
même
«
pour
des
licences
fort
petites ».
«
Elle
prenait
[de
plus]
tous
les
soins
possibles
pour
cacher
sa
grâce
et
sa
vertu
aux
âmes
qu'elle
conduisait
»,
et
surtout
pour
«
ne
tenir
aucun
lien
dans
leur
esprit,...
leur
disant :
«
Je
ne
puis
permettre
que
vous
ayez
aucun
attachement
à
la
créature
sous
quelque
pré«
texte
que
ce
puisse
être.
Un
'y
a
rien
qui
s-Oppose
davantage
à la
perfection
des
âmes
que
ce
détour
que
l'amour-propre
leur
fait
« faire
souvent,
sous
ombre
qu'elles
reçoivent
quelque
lumière
de
ceux
qui
les
conduisent.
Mettez
fortement
votre
espérance
en
Notre-Seigneur
Jésus-Christ,
notre
souverain
Pasteur;
il
est
le
«
grand
Évêque
de
nos
âmes,
et
le
premier
Supérieur
et
Directeur,
«
qui
nous
conduit
amoureusement
et
fidèlement
à
Dieu
son
Père,
et
qui,
nous
unissant
à
lui,
nous
élève
au-dessus
de
nous-mêmes.
»
Enfin,
elle
ne
pouvait
« se
regarder
autrement
que
comme
la
petite
servante
de
chacune
de
ses
Sœurs
les
novices
».
Sur
ce
point,
sa
charité
—
autre
principe
de
la
fécondité
de
sa
vie
—
se
joignait
à
son
humilité,
la
faisant
« s'oublier
soi-même
et
ses
infirmités,
et
particulièrement
ses
grands
maux
de
tête,
pour
se
donner
toute
au
prochain
6
».
«
Elle
me
disait,
raconte
Marie
de
Jésus,
qu'il
semblait
qu'il
y
eût
quelque
permission
de
Dieu
sur
son
mal
de
tête,
«
car,
disait-elle,
encore
que
je
me
porte
un
peu
bien
d'ailleurs,
je
suis
incessamment
travaillée
de
ce
mal,
et
cela,
joint
à
l'obligation
de
parler,
m'est
une
croix
perpétuelle.
»
Parmi
ces
douleurs
sans
relâche,
et
qui
étaient
assez
souvent
si
aiguës...,
on
ne
l'entendit
jamais
se
plaindre
ni
refuser
son
entre-
tien
à
ceux
qui
en
avaient
du
besoin,
parce
que,
s'estimant
redevable
à
tout
le
monde,
elle
ne
croyait
pas
de
pouvoir
s'excuser
de
servir
au
prochain
sur
ses
incommodités
...
c'eût
été
agir...
en
maîtresse
et
non
en
servante.
»
« Sa
charité
pour
les
âmes
et
le
zèle
de
leur
avancement
en
la
perfection
étaient
si
pressants,
qu'elle
perdait
souvent
le
manger
et
le
dormir
pour
satisfaire
aux
besoins
de
ses
novices,
lesquelles — nombreuses
et
ferventes,
nous
le
savons
—
étaient
toujours
après
elle ».
Une
de
ces
jeunes
Sœurs,
fort
scrupuleuse,
«
l'allait
souvent
chercher
et
l'obligeait
à
lui
parler
beaucoup.
Une
autre
novice,
sachant
ces
entretiens
prolongés
si
nuisibles
à
la
santé
de
la
Vénérable,
s'avisa
un
jour
d'y
couper
court
en
l'appelant
au
timbre.
Sœur
Madeleine
arrive
aussitôt.
Apprenant
de
quoi
il
s'agit
:
«
Ce
n'est
que
cela ?
»
fait-elle
tranquillement,
et
elle
retourne
à
son
méritoire
Colloque.
Mais
le
lendemain,
voulant
sans
doute
apprendre
à la
trop
compatissante
novice
à
surnaturaliser
ses
sentiments,
et,
en
tous
cas,
lui
prêchant
ainsi
d'exemple
un
total
oubli
de
soi,
elle
lui
dit,
toujours
avec
la
même
tranquillité
:
«
Ma
Sœur,
il
n'est
pas
raisonnable
que
vous
communiiez,
puisque
vous
avez
si
peu
de
charité
que
vous
considérez
davantage
mes
incommodités
que
les
besoins
de
l'âme
de
votre
Sœur.
Ne
retombez
jamais
dans
une
pareille
faute.
»
Ce
qui
contribuait
encore
à
l'ascendant
exercé
par
la
sainte
maîtresse,
c'est
qu'elle
«
ne
disait
rien
dont
elle
ne
montrât
l'exemple;
par
ses
actions,
car
elle
était
la
première
en
toutes
les
observances,
et
la
dernière
à
prendre
les
soulagements
nécessaires
à
la
nature,
[ce
qui]
a
été
la
pratique
de
toute
sa
vie
».
Enfin
sa
grande
puissance
c'était
toujours
son
«
incomparable
douceur
».
Recourons
encore
au
témoignage
de
sa
fidèle
amie
:
«
Sa
douceur
était
admirable,
car
outre
qu'elle
était
naturellement
fort
douce...,
elle
l'était
encore
beaucoup,
plus
par
un
principe
bien-plus
haut
et
plus
saint.
J'assure,
sur
ce
que
j'ai
ressenti
en
moi
et
que
j'ai
ouï
assurer
à
plusieurs
personnes,
qu'on
ne
la
pouvait
connaître
sans
sentir
en
soi-même
l'impression
de
sa
douceur
et
dé
son
humilité.
»
Et
ailleurs
:
«
La
suavité
avec
laquelle
elle
recevait
ses
novices,
la
satisfaction
qu'elles
recueillaient
de
sa
communication,
et
la
haute
estime
qu'elles
avaient
de
sa
vertu
étaient
les
liens
de
charité
qui
les
tenaient
si
fortement
attachées
à
elle
qu'elles
ne
s'en
pouvaient
séparer.
»
Et
encore
:
«
Toutes
celles
qui
ont
eu
le
bonheur
de
sa
conduite
confessent
qu'il
y
avait
tant
de
saintes
adresses
en
sa
douceur
et
une
efficace
si
puissante,
qu'elle
ôtait
la
difficulté
aux
choses
les
plus
austères
et
qu'il
n'y
avait
rien
de
si
pénible
que
sa
douceur
ne
rendît
facile;
Enfin
nous
n'avons
jamais
entendu
parler
d'une
âme
qui
fît
[tant]
savourer
la
suavité
du
joug
de
Notre-Seigneur.
»
A
l'appui
de
cet
éloge,
que
l'accord
des
témoignages
contemporains
montré
si
mérité,
on
n'a
malheureusement
conservé
que
les
seuls
traits
suivants;
Un
jour,
une
de
ses
novices,
croyant
lui
rendre
service,
voulut
en
son
absence
balayer
sa
cellule.
Hélas!
moins
adroite
que
charitable,
elle
brisa
entièrement
un
crucifix
de
cire,
fort
dévot
que
la
Vénérable
avait
la.
Celle-ci
arriva
sur
les
entrefaites
et,
sans
laisser
paraître
la
moindre
contrariété,
sans
même
faire
allusion
à
l'accident
:
«
Ma
Sœur,
dit-elle
doucement,
il
n'était
pas
nécessaire
que
vous
prissiez
la
peine
de
nettoyer
notre
cellule
»
Une
autre
jeune
religieuse
fut
un
jour
désignée
pour
un
emploi
humble
et
mortifiant.
Elle
obéit.
Mais
sa
charitable
maîtresse, s'apercevant
que
«
c'était
avec
beaucoup
de
répugnance
et beaucoup
de
contradiction
de
la
nature
»
y
vint
aussitôt,
pour
lui
donner
du
cœur,
faire la
besogne
avec
elle.
Elle
«
l'acheva
d'un
air
si
plein
dé
douceur
et
de
bonté
que
dès
ce
moment
toute
la
peine
de
la
novice
s'évanouit,
avec
tant
de
profit
pour:
son
âme
que
depuis,
bien
loin
d'
être
choquée
de
semblables
occupations,
elle
les
recherchait
et
s'en
acquittait
avec
plaisir
»)
La
même
chose
se
produisit
à
l'égard
d'une
Sœur
«
qui
avait
extrêmement
aimé
la
propreté
»
et
à
qui
l'on
confia
précisément
le
soin
des
chandelles
et
des
chandeliers :
«
Courage,
ma
Sœur,
il
faut
que
je
vous
aide
»,
lui
dit
gaiement
la
Servante
de
Dieu.
Elle
s'y
mit
en
effet
avec
entrain,
et
guérit
du
même
coup
la
novice
de
sa
trop
grande
délicatesse.
Point
« bien
remarquable
»
encore
:
quoique
Sœur
Madeleine
fût
extrêmement
humble,
douce
et
supportante,
on
ne
lui
perdait
jamais
le
respect ;
Dieu
avait
mis
en
elle
je
ne
sais
quel
air
de
sainteté
qui
faisait
qu'on
ne
la
pouvait
voir
sans
concevoir
de
la
dévotion
et
un
grand
respect
pour
elle,
ce
qui,
appuie
Marie
de
Jésus,
ne
se
perdait
jamais,
quelque
fréquentation
ou
familiarité
qu'on
eût
avec
elle
».
Quant
à
sa
prudence — prudence
«
divine
»
au
dire
du
P.
Gibieuf
—,
elle
éclate
dans
les
maximes
et
les
méthodes
de
la
jeune
maîtresse.
Les
contemporaines
en
ont
longuement
parlé,
et,
grâce
à
Dieu,
la
substance
en
est
demeurée
dans
quelques
feuillets
écrits
ou
dictés
par
la
Vénérable,
sans
autre
dessein
que
de
répondre
au
désir
de
la
Mère
Marie
de
Jésus,
et
publiés
plus
tard
sous
le
titre
d'Avis
pour
la
conduite
des
novices.
Précieux
opuscule,
où
l'on
retrouve
très
pur
l'idéal
thérésien
et
l'écho
des
enseignements
des
fondatrices
espagnoles.
Le
texte
en
sera
donné
un
jour;
mais
il
convient
ici
d'effleurer
au moins
la
matière.
Avant
tout,
Madeleine
de
Saint-Joseph
s'efforçait
de
faire
complètement
et
rapidement
oublier
lé
monde
à
celles
qui
en
sortaient,
et
d'empêcher
qu'elles
ne
vinssent
à
«
en
rafraîchir
la
mémoire
»
aux
novices
entrées
précédemment;
En
même
temps,
«
elle
travaillait
avec
un
zèle,
une
assiduité
et
une
persévérance
infatigables,
à
établir
en
[ces
âmes]
Celui
qui
est
le
fondement
unique
:
...
Jésus-Christ
»,
leur
montrant
« avec
beaucoup
d'efficace
que
les
grandeurs,
les
richesses,
les
délices,
bref
l'assemblage
de
tous
les
vrais
biens
était
en
[lui]
».
Car
elle
remarquait
avec
une
fine
et
sainte
psychologie
«
que,
comme
les
âmes
commençantes
sont
environnées
de
choses
matérielles,
pour
[les]
leur
faire
quitter
tout
d'un
coup,
il
fallait
leur
remplir
toujours
les
mains
de
Notre-Seigneur..
et
de
ses
mystères,
et
que,
comme
elles
voient
qu'on
leur
fait
quitter
ce
qui
n'est
rien
pour
prendre
ce
qui
est
véritable
et
solide,
l'esprit
s'y
porte
librement
et
le
désire
avec
ardeur,
et
[elle]
disait
que
cela
faisait
avancer
les
âmes
à
grands
pas
».
Elle
cherchait
de
plus
à
découvrir
vers
lequel
de
ses
mystères
ou
de
ses
états
lé
Sauveur
conviait
chaque
novice
à
s'orienter
spécialement,
car,
a
son
avis,
«
l'âme
devait
être
fort
fidèle
à suivre
cet
attrait,
et
soigneuse
de
référer
tout
ce
qu'elle
est,
tout
ce
qu'elle
fait
et
tout
ce
qu'elle
souffre,
non
seulement
au
Fils
de
Dieu,
mais
à
lui
dans
ce
même
état
ou
mystère,
et il
[fallait]
que
ce
soit
son
refuge
en
tous
ses
besoins
».
Cependant,
la
Sainte
Enfance
restait
à
ses
yeux
le
mystère
par
excellence
à
proposer
aux
hommages
et
à
l'imitation
du
noviciat.
Elle
s'appliquait
aussi
à
promouvoir
parmi
ses
subordonnées
le
culte
fervent
de
la
Sainte
Vierge
et
de
saint
Joseph,
et
à
les
affectionner
par-dessus
tout
aux
dévotions
de
l'Église.
Une
autre
de
ses
grandes
sollicitudes
regardait
l'instruction
religieuse
dé
ses
novices
:
dès
les
premiers
temps
dé
leur
séjour
au
couvent,
elle
leur
mettait
en
mains
le
catéchisme
du
saint
cardinal
Bellarmin,
les
livres
de
Grenade,
etc.,
accompagnant
ces
lectures
d'explications
si
solides
et
si
claires
«
que
c'était
une
chose
admirable ».
«
Après
ce
qui
concerne
le
Service
divin,
ce
qu'elle
leur
recommandait
davantage
était
d'observer
très
exactement
tout
ce
qui
est
renfermé
dans
notre
règle
et
nos
constitutions ;
et
elle
leur
disait
quelquefois,
sur
ce
sujet
que,
si
elle
croyait
que
les
discours
qu'elle
leur
faisait
sur
d'autres
choses
spirituelles
les
empêchaient
de s'y
appliquer
soigneusement,
elle
ne
leur
[en]
ferait
pas.
»
Accoutumer
de
suite
les
postulantes
au
silence
et
à
la
discipline
régulière,
procéder au
contraire
graduellement
pour
les
habituer
aux
austérités,
avoir
«
grand
soin
de
leur
faire
entendre...
là
fin
de
notre
institution
»
et
les
moyens
établis
par
sainte
Thérèse
pour
y
atteindre,
en
d'autres
termes
leur
inculquer
l'esprit
érémitique
et
apostolique
du
Carmel
;
«
leur
enseigner
en
perfection
ce
qui
est des cérémonies,...
leur
ouvrant
l'esprit
et
les
portant
à
faire
usage
de
la
grâce
intérieure
que
Dieu;
leur
donne
pour
cela...
—
parce
qu'il
semble
qu'il
soit
pénible
aux
âmes
intérieures
de
leur
parler
de
quelque
chose
que
ce
soit,
si
l'on
ne
leur
montre
dans
cela même
la
vertu
intérieure
»
—
;
leur
apprendre
soigneusement
les
méthodes
d'oraison,
et
pourtant
ne
les
contraindre
pas
à
s'en
servir
quand
leur
âme
est
attirée
d'autre
sorte
vers
Dieu;
leur
parler
très
souvent
des
vertus,
et
de
manière
pratique,
en
particulier
de
l'humilité
— «
fondement
de
toutes
les
autres
»
—,
de
l'obéissance,
de
la
simplicité —
«
vraie
vertu
des
novices
» ; — de
la
patience,
de
la
mortification,
et
«
sur
toutes
choses
»
de
la
charité ;
bannir
énergiquement
toute
légèreté
de
leurs
propos
et
de
leur
conduite ;
les
tenir
«
fort
assujetties »,
les
obligeant
«
quelquefois...
à
observer
plusieurs
petites
choses,
mais...
ne
les
en
pas
trop
charger
» ;
leur
passer
bien
des
fautes
minimes,
afin
de
les
reprendre
plus
utilement
des
grandes ;
«
bien
employer
leur
ferveur
quand
elles
en
ont,
et
si
elles
sont
froides...
essayer
de
les
émouvoir
[en]
leur
parlant
souvent
» ;
conduire
«
chacune
selon
sa
portée,
son
besoin
et
sa
voie
»
;
enfin
et
surtout
avoir
l'œil
toujours
ouvert
sur
ces
enfants,
pour
«
voir
ce
que
Dieu
fait
en
elles
»
afin
de
«
le
suivre
exactement
»
sans
y
mêler
du
sien,
sans
se
hâter
trop,
«
sans
s'étonner
ni
faire
violence
aux
âmes
»,
tels
furent
en
substance
les
principes,
tel
fut
le
procédé
de
la
nouvelle
maîtresse.
Ajoutons
qu'elle
«
avait
un
grand
don
de
Dieu
pour
connaître
et
discerner
à
quoi chacune
[de
ses
novices]
était
appelée
»
;
et
que,
grâce
à
cette
lumière
surnaturelle,
«
il
n'y
avait
point
de
replis
en
leur
esprit
qu'elle
ne
découvrît
».
A
telle
enseigne
que
souvent
les
Sœurs,
lorsqu'elles
allaient
lui
parler,
se
voyaient
prévenues
comme
si
la
Vénérable
eût
lu
en
elles
leurs
dispositions
intimes
:
vrai
soulagement
pour
les
âmes
embrouillées
où
timides
!
Le
noviciat
dirigé
par
Sœur
Madeleine
fut,
nul
ne
s'en
étonnera,
une
pépinière
de
grandes
et
saintes
religieuses.
Marie
de
Jésus
a
ici
un
mot
heureux
:
«
Nous
regardions
ses
novices,
dit-elle,
comme
des
anges
conduits
par
un
séraphin.
»
L'un
de
ces
«
anges
»
devait
bientôt
prendre
son
vol
vers
la
patrie.
C'était
Angélique
de
la
Trinité,
fille
du
maréchal
de
Brissac.
Angélique
avait
eu
beaucoup
à
lutter
contre
son
père
pour
se
donner
à
Dieu
qui
l'attirait
depuis
sa
tendre
enfance.
Un
jour
enfin,
elle
dit
résolument
au
maréchal
:
«
Je
me
rendrai
si
pénible
au
monde
et
si
désagréable,
que
vous-même,
Monsieur,
serez
«
obligé
de
m'en
chasser ».
Elle
tint
si
bien
parole
que
le
vieux
guerrier
dut
capituler.
Angélique
entra
au
monastère
de
l'Incarnation
au
printemps
i6o5,
âgée
de
vingt
et
un
ans.
Elle
fut
des
premières
à
recourir
aux
conseils
de
Sœur
Madeleine,
alors
égale-
ment
novice,
et
«
fit
de
si
grands
progrès
sous
là
direction
de
la
Servante
dé
Dieu...,
que
dès
le
temps
de
son
noviciat,
dit
là
Mère
Marie
dé
Jésus,
nous
la
regardions
comme
une
sainte.
Le
Seigneur
récompensa
sa
générosité
par
une
grâce
de
dévotion
soutenue,
lui
faisant,
en
particulier,
sentir
continuellement
l'odeur
de
notre
Mère
sainte
Thérèse
».
Il
lui
révéla
aussi
qu'elle
ne
vivrait
pas
longtemps,
et
de
fait,
peu
après
sa
profession,
des
maux
graves
et
douloureux
l'atteignirent.
Elle
eut
d'abord
«
peur
de
mourir
si
tôt,
n'ayant,
rien fait ni rien
souffert
pour
Dieu
et
pour
s'avancer
en
son
saint
amour
» ;
mais
Madeleine
de
Saint-Joseph
lui
fit
comprendre
que
ceux
qui
aiment
soupirent
après
la
présence
de
l'Ami.
Dès
lors
la
jeune
Sœur
ne
rêva
plus
que
le
ciel.
Elle
avait
en
sa
maîtresse
une
confiance
d'enfant,
à
tel
point
que,
lorsqu'elle
devait
recevoir
la
visite
de
quelque
confesseur,
«
elle
disait
à
l'infirmière
qu'elle
lui
fît
venir
cette
Bienheureuse
»,
laquelle
ne
pouvait
se
défendre
de
sourire
«
de
ce
que
cette
bonne
fille
voulait
qu'elle
lui
apprît
[ainsi]
à
communiquer
des
choses
de
son
âme
avec
des
personnes
doctes
et
fort
capables
».
Angélique
fit
une
mort
de
prédestinée
et
ne
tarda
pas
à
donner
des
assurances
surnaturelles
de
sa
gloire.
Très
attachante
également
est
la
personnalité
d'une
autre
novice
de
la
Vénérable,
qui,
sous
le
nom
de
Marguerite
du
Saint-Sacrement,
devait,
elle,
fournir
une
longue
carrière.
Seconde
fille
—
et
«
fille
bien-aimée
»
de
Mme
Acarie,
elle
se
montra
dès
l'enfance
très
fidèle
à
la
grâce.
Aussi,
malgré
un
caractère
fort
enjoué,
et
qui
facilement,
à
l'en
croire,
eût
dégénéré
en
légèreté,
elle
n'inclina
jamais
vers
le
monde,
et
franchit
à
quinze
ans
la
porte
du
Carmel.
Notre
Vénérable
y
était
depuis
dix
mois
seulement.
«
Quoiqu'elle
n'eût
pas
lors
tout
à
fait
la
charge
de
maîtresse
des
novices,
raconte
la
Mère
Marguerite
elle-même,...
elle
ne
laissait
pas
néanmoins
de
leur
parler
pour
la
conduite
de
leurs
âmes...
ainsi
j'eus
la
grâce
de
faire
sous
elle
mon
noviciat.
La
veille
[du
jour]
que
j'entrai
dans
le
couvent,...
ma
bonne
mère,
en
me
donnant
sa
bénédiction,
me
témoigna
une
très
hanté
estime
dé
là
vertu,
capacité
et
grâce
de
notre
vénérable
Mère
Madeleine,
m'ordonnant
de
lui
obéir
en
toutes
choses,
de
prendre
son
conseil
et
ses
avis,
lui
communiquant
les
choses
de
mon
âme,
et
me
disant
qu'elle
nié
mettait
entre
ses
mains.
»
La
novice
profita
a
cette
école.
«
C'est
une
âme
de
haute
vertu
et
d'esprit
merveilleusement
amiable
et
franc,
joyeux
et
gai
»,
dira
d'elle
plus
tard
saint
François
de
Sales.
Aussi
était-elle
chérie
au
monastère,
et
c'est
avec
bonheur,
que
la
Mère
Anne
de
Saint-Barthélemy
reçut
ses
vœux.
Deux
autres
sujets
d'élite
firent
profession
le
même jour
:
Mlle
de
Viole
d'Auxereaux —
Anne
du
Saint-Sacrement —,
dont
la
jeunesse
avait
oscillé
entre
Dieu
et
le
monde,
mais
qui
se
donna
ensuite
si
pleinement
au
céleste
Époux
qu'elle
fut
de
bonne
heure
en
état
de
lui
conduire
des
âmes.
Et
Marie
de
Saint-Jérôme,
une
fervente
entre
les
ferventes
de
cet
âge
d'or ;
ou,
pour
parler
avec
Talon,
«
une
de
ces
pierres
précieuses
et
choisies
dont
Dieu
s'est
voulu
servir
pour
affermir
les
fondements
[du
Carmel]
en
ce
royaume.
»
C'était
aussi
«
l'une
de
celles
pour
qui
[la
Vénérable]
eut
toujours
le
plus
d'amour,
et
à
la
conduite
de
laquelle
elle
travailla
avec
le
plus
de
soin
».
L'historien
de
la
Mère
a
consacré
de
belles
pages
à
la
Fille.
Le
cadre
de
ce
récit
ne
permet
d'en
retenir
qu'un
trait
:
c'est
«
l'attention
tout
extraordinaire
»
de
cette
sainte
moniale
à
éviter
l'oisiveté,
tant
spirituelle
que
matérielle.
Comme
elle
le
confia
à
la
Vénérable,
il
lui
semblait
sans
cesse
entendre
intérieurement
une
voix
lui
dire
:
«
Gardez-vous
bien
de
perdre
le
temps,
c'est
une
chose
trop
chère.
»
Pendant
qu'elle
faisait
profession,
en
compagnie
des
Sœurs
Marguerite
et
Anne
du
Saint-Sacrement,
la
bienheureuse
Anne
de
Saint-Barthélemy,
leur
prieure,
apprit
«
par
révélation
divine
que
notre
sainte
Mère
Thérèse
reconnaissait
avec
complaisance
ces
trois
nouvelles
épouses
de
Jésus-Christ
pour
ses
Filles,
et
vit
cet
adorable
Sauveur
qui...
posait
une
couronne
sur
leur
tête
après
leurs
vœux
prononcés
».
Trois
mois
plus
tard,
Geneviève
Acarie
—
âgée
elle
aussi
de
quinze
ans
seulement
—
venait
rejoindre
sa
sœur
Marguerite
au
Carmel
et
y
prendre
le
nom
de
Geneviève
de
Saint-Bernard ;
puis
ce
fut
le
tour
de
Marie
leur
aînée,
devenue
ainsi
Marie
de
Jésus.
Toutes
trois
devaient
faire
honneur
tant
à
leur
éducation
première
qu'à,
leur formation religieuse.
En
même
temps
que
ces
jeunes
novices,
Madeleine
de
Saint-Joseph
avait
à
conduire
des
femmes
d'âgé
mûr,
telle
la
mère
de
son
directeur,
Mme
de
Bérulle,
dite
Sœur
Marie
des
Anges,
dont
la
plus
grande
pénitence,
pendant
les
vingt-trois
années
qu'elle
édifia
la
communauté,
fut
sans
contredit
la
privation
des
entretiens
de
son
fils ;
car,
estimant
le
temps
de
celui-ci
trop
bien
employé
pour
en
rien
distraire
en
vue
de
sa
satisfaction
maternelle,
«
elle
passait
quelquefois
des
années
entières
sans
le
voir,
quoiqu'il
allât
souvent
au
monastère ».
Telle
encore
la
bonne
Sœur
Gratienne
de
Saint-Michel,
première
camériste
de
Marie
de
Médicis,
entrée
au
Carmel
à
cinquante
ans,
après
n'avoir
semé
à
la
cour
que
des
exemples
de
vertu
et
des
bienfaits,
et
qui
devait
jusqu'à
une
extrême
vieillesse
porter
allègrement
le
joug
du
Seigneur.
Nommons
encore,
parmi
les
sujets
de
ce
fervent
noviciat
qui
s'illustrèrent
par
leur
sainteté
ou
les
services
rendus
à
leur
Ordre,
la
Mère
Catherine
du
Saint-Esprit,
propre
sœur
de
la
vénérable
Madeleine,
et
les
Mères
Marguerite
de
la
Trinité,
Marguerite
de
Saint-Joseph
et
Marguerite
de
Saint-Élie.
Cependant,
on
n'en
sera
pas
surpris,
à
côté
du
bon
grain
il
y
eut
l'ivraie.
D'abord
le
grand
nombre
des
prétendantes
qui
ne
firent
que
passer
au
monastère;
puis
une
certaine
Sœur
—
et
n'y
eut-il
qu'elle
seule ?
—
dont
l'esprit
fortement
arrêté
et
le
caractère
indocile
furent
et
restèrent
une
cause
de
soucis
pour
sa
maîtresse.
Plus
tard,
celle-ci
ne
pourra
s'empêcher
de
dire,
en
apprenant
certains
actes
de
son
ancienne
novice
:
« Vous
voyez
ce
que
«
c'est
de
donner
lieu
à
son
propre
esprit,
et
combien
ii
est
dangereux
de
s'écouter
et
de
se
croire
dans
lés
petites
choses;
car
de
celles-là
on
en
vient
aux
plus
grandes,
et
à
s'éloigner
enfin
du
droit
chemin
comme
a
fait
celte
religieuse.
»
Le
noviciat,
malgré
tout
le
travail
qu'il
fournissait
à
notre
Vénérable,
n'était
pas
son
seul
champ
d'action.
On
se
rappelle, que
la
bienheureuse
Anne
de
Saint-Barthélemy,
lorsqu'elle
arriva
comme
prieure
au
Grand
Couvent,
n'était
que
depuis
neuf
mois
à
peine
sortie
du
rang
des
Sœurs
converses.
Dieu,
qui
ne
fait
pas
toujours
des
miracles
pour
ses
saints,
ne
voulut
pas
lui
donner,
par
voie
extraordinaire
l'expérience
qui
nécessairement
lui
manquait
sur
plus
d'un
point.
Au
milieu
des
consolations
dé
toutes
sortes,
dont
elle
jouissait,
la
chère
Bienheureuse
souffrait
vivement
elle-même
de
ses
lacunes,
comme
aussi
des
petits
froissements
qui
en
étaient
l'inévitable
conséquence;
et
ce
sentiment,
joint
à
sa
timidité
naturelle,
lui
alourdissait
singulièrement
la
croix
dé
là
supériorité.
Aussi
lorsqu'il
s'était
agi
de
laisser
Pontoise
pour
Paris — « Paris...
une
grande
ville
et
une
ville
de
court
!
»
— elle
avait
éprouvé
une
vive
répugnance.
Mais
Notre-Seigneur
lui
ayant
fait
comprendre
que
c'était
précisément
parles
humiliations
et
les
peines
qui
ressortaient
pouf
elle
des
honneurs,
qu'il
voulait
la
sanctifier,
elle
se
soumit
avec
amour.
Cela
étant,
on
conçoit
que,
tout
en
rayonnant
la
sainteté
et
en
attirant
les
âmes,
cette
digne
supérieure
ait
eu
grand
besoin
d'être
assistée,
suppléée
même
parfois.
Ce
fut
le
rôle
très
délicat
de
Sœur
Madeleine.
Les
contemporaines
glissent
sur
ce
sujet,
et
on
les
comprend.
Mais
avec
un
recul
de
trois
siècles
et
après
la
béatification
de
l'humble
Mère
Anne,
pareille
réserve
n'est
plus
de
mise.
Présenter
les
choses
sous
leur
jour
réel
ne
peut
même
avoir
que
des
avantages.
Disons
donc
que
Madeleine
de
Saint-Joseph
«
portait
dès
ce
temps-là
quasi
toute
la
charge
de
la
maison,
non
pas
par
office,
mais
par
charité
et
nécessité,
car
comme
elle
avait
une
si
grande
capacité
naturelle
et
de
grâce,
insensiblement
tout
tombait
sur
elle.
C'est
pourquoi
elle
a
eu
dès
ce
commencement
de
très
grands
sujets
de
pratiquer
plusieurs
sortes
de
vertus,
qui
ne
se
peuvent
pas
dire;
mais
celles
qui
étaient
de
ce
temps-là
et
qui
savaient
les
affaires
en
rendent
témoignage..
Ainsi,
sans
qu'elle
prît
aucune
autorité,
mais
demeurant
dans
la
simplicité
et
humilité,
par
charité
elle
faisait
tout,
et
ne
négligeait
pour
cela
aucune
petite
partie
(sic)
de
vertu
ni
de
pénitence.
Elle
ne
se
dispensait
de
rien,
encore
que
la
prieure
qui
était
pour
lors
y
fût
fort
portée,
compatissant
aux
grandes
infirmités
qu'elle
lui
voyait.
»
Tandis
que
le
monastère
de
l'Incarnation
jouissait
ainsi
de
la
paix,
sous
la
houlette
d'une
sainte
discrètement
soutenue
d'une
autre
sainte,
la
fondation
d'Amiens
fut
décidée,
et
la
Mère
Isabelle
dés
Anges,
qui
devait
la
réaliser,
fut
rappelée
de
Dijon
(mars
1606).
Elle
séjourna
deux
mois
au
monastère
de
l'incarnation,
à
là
grande
joie
de
toutes,
et
y
prit
les
sujets
destinés
au
nouvel
établissement.
«L'un
des
Révérends
Pères
Supérieurs
avait
envie
que
[Sœur
Madeleine]
y
allât
pour
quelque
temps
»,
velléité
qui
dû
reste
n'eut
pas
de
suite.
Quant
à
la
Servante
de
Dieu,
«
elle
y
était
tellement
indifférente,
qu'une
personne
de
grande
piété
et
1
capacité
»
s'en
montra
fort
étonnée,
lui
faisant
observer
«
qu'elle
avait
plus
de
sujet
d'incliner
à
demeurer
à
Paris
».
Mais,
«
racontant
familièrement
[le
fait]
à
quelqu'une,
elle
se
souriait
comme
disant
qu'elle
ne
pouvait
rien
désirer
».
Et
ayant
vu
«
une
religieuse
de
qui
elle
avait
quelque
soin,
qui
ressentait
grandement
de
ce
que
l'on
pensait
de
l'envoyer
à
quelque
fondation,
elle
lui
parla
si
sagement
et
vertueusement,
lui
remontrant
à
quelle
perfection
elle
s'était
obligée
en
se
mettant
en
l'Ordre
où
elle
était,
qu'elle
lui
fit
bien
penser
à
elle
».
Sept
mois
plus
tard,
la
fondation
de
Flandre
fournit
à
la
Vénérable
l'occasion
de
renouveler,
à
l'édification:
de
ses
intimes,
cet
acte
d'abandon
et
de
détachement.
La
sœur
Anne
de
Jésus,
presque
depuis
son
arrivée en
France,
était
sollicitée
par
l'Infante
Isabelle
de
venir
établir
les Carmélites
Déchaussées
dans
ses
États ;
et
M.
de
Brétigny, l'infatigable
zélateur
de
l'extension
de
l'Ordre,
se faisait
à
la
fois
le
messager
et
l'écho
de
ces
royales
instances.
La
Mère
Anne
crut,
à
là
fin
dé
1600,
lé
moment
venu
d'y
céder;
elle
jugeait
que
la
France,
possédant
déjà
quatre
maisons
florissantes,
comptait
assez
de
professes
capables
de
continuer
par
elles-mêmes
l'œuvre
commencée.
Elle
quitta
donc
Dijon,
toujours
en
compagnie
dé
la
Mère
Béatrix.
Le
couvent
de
Paris
les
revit
quelques
jours
avec
un
bonheur,
tempéré
par
les
regrets
que
causait
leur
départ.
Sœur
Madeleine
estimait
trop
le
jugement
et
les
conseils
de
celle
qui
avait guidé
ses
premiers
pas
au
Carmel
et
lui
en
avait
infusé
l'esprit, pour
ne
pas
faire
contrôler
par
Anne
de
Jésus
la
formation
qu'elle-même
donnait
à
ses
jeunes
Sœurs.
Elle
exprima
donc
aux
novices
le
désir
«
qu'elles
rendissent
compte
de
leur
intérieur
à
cette
Vénérable
Mère,
qui
était
la
première
prieure
du
couvent,
ce
que
les
novices
firent
avec
tant
de
naïveté
et
de
sincérité,
que
la
vénérable
Mère
Anne
de
Jésus
fut
ravie
de
joie
voyant
l'état
dès
âmes
que
Sœur
Madeleine
de
Saint-Joseph
conduisait
avec
tant
de
perfection
;
[si
bien]
que
cela
accrut
encore
l'estime
qu'elle
faisait
d'elle,
et
possible
le
désir
de
l'emmener
avec
elle
en-
Flandre
».
Elle
lui
en
parla
ouvertement,
et
même
la
«
sollicita
fort
».
Fidèle
à
sa
grâce,
la
Servante
de
Dieu
ne
put
répondre
autre
chose
sinon
qu'elle
ferait
tout
ce
qui
lui
serait
ordonné.
Mais
les
supérieurs
refusèrent
absolument
de
la
laisser
sortir
de
France.
Anne
de
Saint-Barthélemy
n'y
mit
pas
moins
d'opposition,
se
récriant
de
bonne
grâce
:
«
Hé
quoi
!
ma
Mère,
vous
nous
voulez
ôter
la
tête
et
l'estomac
!
»
—
car
il
était
question
de
Marie
de
Jésus
en
même
temps
que
de
Madeleine
de
Saint-Joseph
—.
La
Servante
de
Dieu
resta
donc
à
Paris.
A
Marie
de
la
Trinité,
qu'elle
retrouvait
avec
joie
pour
quelques
mois,
elle
confia
le
secret
de
son
indifférence
et
de
sa
paix
en
une
conjoncture
qui
en
eût
troublé
ou
dû
moins
préoccupé
plus
d'une
autre.
Et
c'est
alors
qu'elle
lui
dit
ces
paroles
déjà
citées
au
chapitre
précédent
:
«
Si
j'avais
à
faire
«
quelque
élection
par
moi-même
pour
quoi
que
ce
fût,
ce
serait
;
de
me
réduire
en
cendres
selon
l'état
de
mort
auquel
Dieu
oblige
«
mon
âme.
»
L'action
divine
se
faisait
alors
sentir
bien
puissamment
à
elle ;
la
Vénérable
le
confiait
familièrement
en
ces
termes
:
«
Dieu
met
«
en
moi
sa
grâce tout
d'un
coup
et
ne
fait
pas
les
choses
peu
à
«
peu
;
j'ai
après
Un
grand
travail
pour
l'établir.
Cela
me
consommé
toute
!
»
Elle
trouvait
heureusement
un
secours
efficace
pour
ce
«
grand
travail
» dan
s
la
direction
de
M.
de
Bérulle.
De
16o4
à
1611,
le
saint
prêtre
consacra
là
meilleure
partie
dé
son
temps
aux
Carmélites,
tant
pour
leur
gouvernement
—
de
concert
avec
ses
collègues
—
que
pour
la
direction
particulière
de
beaucoup
d'entre
elles.
Au
dire
de
son
premier
historien,
il
tira
du
reste
lui-même
grand
profit
de
ce
ministère,
en
particulier
de
ses
rapports
avec
la
vénérable
Madeleine
de
Saint-Joseph,
car,
«
si
elle
recevait
de
lui
beaucoup
de
lumières,
ce
n'était
pas
sans
lui
en
rendre
plusieurs
en
échange
». |