CHAPITRE
IV
Le
Monastère
de
l'Incarnation
Noviciat
de
Sœur
Madeleine
1604-1605
Avant
de
parler
de
la
vie
qu'eut
a
mener
la
nouvelle
novice,
il
convient
de
prendre
contact
avec
la
petite
communauté
à
laquelle
elle
venait
de
s'incorporer.
La
prieure,
Anne
de
Jésus
de
Lobera
(1545-1621) ,
était
sans
contredit
l'une
des
plus
illustres
Filles
de
sainte
Thérèse. Excellemment
douée,
elle
fut
très
admirée
et
recherchée
du
monde
dans
sa
jeunesse,
mais
n'en
mena
pas
moins
Une
vie
toute
de
piété,
de
pénitence
et
de
charité.
A
vingt-quatre
ans,
elle
prit
l'habit
des
Carmélites
Déchaussées ;
la
sainte
Réformatrice
la
considéra
presque
aussitôt
comme
une
amie
et
l'une
des
colonnes
de
son
œuvre.
Au
cours
d'une
carrière
très
remplie,
Anne
dé
Jésus
donna
la mesure
de
son
intelligence
et
de
sa
vertu.
Mais
ce
qui
frappe
surtout,
c'est
la
mâle
énergie
de
ce
caractère
fait
pour
le
commandement,
on
pourrait
dire
pour
la
lutte.
Elle
la
déploya
dans
la
querelle
du
début
entre
Déchaussés
et
Mitigés,
et
plus
tard,
dans
lès
difficultés
survenues
au
sein
même
de
la
Réformé,
sous
lé
généralat
du
P.
Nicolas
Doria,
ce
qui
lui
valut
de
grandes
tribulations.
Les
grâces
gratuites
dont
elle
était
comblée
et
qu'elle
ne
pouvait
dissimuler,
augmentaient
encore
son
renom
de
sainteté.
Saint
Jean
de
la
Croix,
son
directeur,
disait
d'elle
:
«
Quand
je
vois
la
«
Mère
Anne
de
Jésus,
je
crois
voir
un
séraphin.
»
On
conçoit
après
cela
que
les
supérieurs
de
l'Ordre
se
soient
fait
prier
pour
céder
un
tel
sujet.
Bien
qu'il
lui
manquât
peut-être
un
peu
de
charme
et
que
son
gouvernement
fût
«
rigoureux
»,
selon
le
terme
même
de
ses
Filles
d'Espagne
les
plus
affectionnées,
elle
gagna
partout
le
cœur
de
celles
qui
l'eurent
pour
Mère.
Madeleine
de
Saint-Joseph
en
particulier
l'aima
et
lui
resta
fidèlement
attachée.
A
lui
seul
le
trait
suivant
suffirait
à
l'indiquer.
Durant
sa
dernière
charge,
«
un
jour
qu'elle
était
en
prière
en
un
petit
ermitage
de
la
maison,
devant
un
tableau
de
notre
vénérable
Mère
Anne
de
Jésus,
raconte
une
contemporaine,...
m'apercevant
en
ce
même
lieu,
elle
me
dit
:
«
Je
viens
tous
les
jours
visiter
ma
bonne
Mère
pour
la
remercier
de
toutes
les
peines
qu'elle
a
prises
à
nous
instruire,
et
de
ce
qu'elle
est
venue
nous établir
».
La
suite
de
celte
biographie
montrera
combien
chèrement
la
Mère
Madeleine
conserva
les
principes
et
les
traditions
reçus
de
celle
qu'elle
appelait
ainsi
«
sa
bonne
mère
».
Auprès
d'Anne
de
Jésus
une
autre
Anne,
aussi
remarquable
quoique
toute
différente
:
la
bienheureuse
Anne
de
Saint-Barthélemy
(1050-1626).
En
celle
fin
d'automne
16o4,
elle
porte
encore
le
voile
blanc
des
converses,
mais
elle
est
destinée
à
devenir
la
seconde
prieure
du
monastère,
et,
comme
telle,
à
recevoir
les
vœux
de
notre
Vénérable.
Prévenue
des
bénédictions
du
ciel
dès
son
bas.
âge,
Anne
Garcia
avait
grandi
dans
un
commercé
familier
avec
l'Enfant
Jésus, et
son
âme
en
garda
toujours
un
cachet
spécial
de
candeur,
de
tendresse
et
d'humilité.
Entrée
à
vingt
ans
à
Saint-Joseph
d'Avila,
elle
fut
la
première
converse
reçue
par
sainte
Thérèse,
qui
la
choisit
bientôt
pour
sa
compagne
de
voyage
et
mourut
entre
ses
bras.
De
ce
chef,
la
Bienheureuse
était
considérée
en
quelque
sorte
comme
une
relique
vivante
de
la
séraphique
Mère,
et
c'est
avec
vénération
qu'on
l'accueillit
en
France.
Elle,
de
son
côté,
venait
en
ce
pays
avec
empressement,
heureuse
de
répondre
à
l'appel
que,
depuis
quelque
temps
déjà,
lui
faisait
entendre
le
Seigneur.
La
sous-prieure
du
couvent
se
nommait
Isabelle
des
Anges,
religieuse
aussi
sympathique
que
vertueuse.
« Elle
aima
les
Françaises
autant
qu'elle
en
fut
aimée
»,
et
seule
des
six
fondatrices
se
donna
sans
retour
à
sa
nouvelle
patrie.
La
Mère
Isabelle
n'eut
sans
doute
pas,
durant
les
dix
mois
qu'elle
résida à
Paris,
de
rapports
bien
spéciaux
avec
Sœur
Madeleine;
Néanmoins,
une
certaine
similitude
de
caractère
établit
probablement
dès
lors
entre
elles
une
amitié
que
divers
séjours
d'Isabelle
au
Grand
Couvent
développèrent
depuis.
Ce
qui
est
certain,
c'est
que
cette
Mère
témoigna
toujours,
au
cours
de
sa
longue
carrière,
l'estime
affectueuse,
transformée
peu
à
peu
en
vénération,
qu'elle
portait
à
l'ancienne
novice
de
1604.
Les
Mères
Isabelle
de
Saint-Paul
et
Béatrix
de
la
Conception
ne
nous
arrêteront
pas,
ayant
peu
séjourné
au
monastère
de
l'Incarnation
et
n'y
ayant
pas
exercé
de
charge.
Quant
à
Éléonore
de
Saint-Bernard,
bien
que
la
plus
jeune
du
groupe
—
elle
n'avait
que
vingt-sept
ans
—,
c'est
elle
qui
fut
chargée
du
noviciat,
selon
toute
apparence
à
cause
de
sa
connaissance
de
la
langue
française.
Mais
le
fait
que
les
novices
parisiennes
demandèrent
en
1608
à
la
bienheureuse
Anne
de
Saint-Barthélemy
d'être
leur
maîtresse
en
même
temps
que
leur
prieure,
donne
à
penser
que
la
Mère
Éléonore,
malgré
sa
haute
vertu,
n'avait
peut-être
pas
encore,
à
l'époque
dont
il
s'agit,
toute
l'expérience
nécessaire
pour
la
conduite
des
âmes.
En
résumé,
les
six
fondatrices
étaient
toutes
des
personnes
de
premier
mérite,
et
chacune
présentait
bien
les
traits
distinctifs
de
la
véritable
Carmélite
Déchaussée.
D'abord
une
admirable « composition
extérieure
»,
décelant
à
elle
seule
beaucoup
de
mortification
jointe
au
souvenir
continuel
de
la
présence
de
Dieu,
puis
la
pratique
très
exacte
du
silence;
le
culte
des
grandes
vertus
religieuses
de
pauvreté
et
d'obéissance;
une
fidélité
faite
de
vénération
pour
les
moindres
coutumes
en
usage
dans
les
monastères
thérésiens;
puis
encore
une
charité
mutuelle
qui
allait,
au
rapport
d'Anne
de
Jésus,
jusqu'à
étonner
leur
jeune
entourage,
et
s'accompagnait
toujours
de
déférence
et
de
respect.
Enfin
une
dévotion
extrêmement
tendre
envers
le
Saint-Sacrement,
dévotion
qui
se
traduisait
par
la
façon
très
digne
de
dire
l'Office
divin,
par
l'assiduité
auprès
de
l'Hôte
du
tabernacle,
et
par
d'autres
manifestations
encore,
dont
certaines,
il
faut
l'avouer,
semblaient
par-
fois
un
peu
étranges
aux
novices
françaises.
Ces
novices,
Madeleine
de
Saint-Joseph,
à
son
arrivée,
en
trouvait
déjà
trois,
une
quatrième
se
présentait
avec
elle,
d'autres
suivirent
de
très
près.
Andrée
de
Tous-les-Saints
Levoix,
ex-femme
de
chambre,
mais
plutôt
amie,
de
Mme
Acarie,
avait
été
reçue
la
première
et
devait
aussi
la
première,
très
vite,
aller
recevoir
l'éternelle
récompense.
Mlle
d'Hannivel,
qui
avait
pris
avec
l'habit
le
nom
de
Marie
de
la
Trinité,
restera
l'une
des
grandes
figures
de
ce
premier
âge
du
Carmel
de
France.
La
culture
de
son
esprit,
jointe
à
sa
naissance
et
aux
agréments
de
sa
personne,
lui
attira
les
faveurs
du
monde.
De
dix-sept
à
vingt
ans,
elle
s'en
laissa
éblouir.
Mais
le
célèbre
Capucin
Ange
de
Joyeuse
la
retint
sur
cette
pente
et
l'aida
à
s'orienter
tout
entière
vers
Dieu.
Dès
lors,
le
souvenir
de
ses
infidélités
passées
alluma
en
elle
une
soif
d'expiation
qui
se
traduisit
toute
sa
vie
par
de
rigoureuses
macérations.
Mise
par
M.
de
Brétigny,
son
cousin,
en
rapports
avec
Mme
Acarie,
Marie
d'Hannivel
renonça
bientôt
à
son
projet
d'entrer
aux
Capucines
et
se
tourna
vers
le
Carmel.
Dès
cette
période
d'attente,
elle
connut
et
apprécia
notre
Vénérable
et
réciproquement.
Aussi
le
peu
de
temps
que
dura
leur
cohabitation
au
noviciat
de
Paris
suffit-il
à
former
entre
ces
deux
religieuses,
destinées
à
devenir
les
colonnes
de
leur
Ordre
en
France,
des
liens
qui
ne
devaient
plus
se
rompre.
Louise
de
Jésus
Jourdain
—
cette
veuve
spirituelle
et
vaillante
qui
s'en
était
allée
résolument
chercher
des
fondatrices
en
Espagne
—,
Catherine
du
Christ
Lesgu,
qui
suivit
la
précédente
dans
son
voyage,
et
Aimée
de
Jésus
Deschamps
de
La
Vigne,
compagne
de
vêture
de
Sœur
Madeleine,
étaient
aussi
des
sujets
d'élite.
Mais
elles
séjournèrent
peu
à
Paris,
et
leurs
rapports
avec
la
Servante
de
Dieu
n'ont pas
laissé
de
trace.
Une
autre
veuve,
la
charmante
Mme
du
Coudray,
née
de
Sevin
—
nommée
aussi
Marie
de
la
Trinité
—,
devait
de
même
être
très
tôt
envoyée
ailleurs.
Néanmoins,
elle
Testa
frappée
de
la
perfection
avec
laquelle
elle
avait
vu
Madeleine
de
Saint-Joseph
débuter
dans
la
vie
religieuse.
Plus
tard,
en
repassant
par
le
premier
monastère,
elle
admirera
davantage
encore
sa
sainteté
et
sa
sagesse.
Durant
sa
carrière
très
remplie
de
fondatrice,
où
elle-même
s'attirera
le
surnom
de
«
Mère
Sainte
»,
elle
recourra
sans
cesse
et
avec
confiance
à
son
ancienne
co-novice;
enfin
après
la
mort
de
celle-ci,
elle
sera
l'une
des
plus
ardentes
à
désirer
sa
béatification.
Si
ces
religieuses,
et
plusieurs
autres
des
novices
de
la
première
heure,
devaient
ne
donner
que
leurs
prémices
au
monastère
de
l'Incarnation,
la
Mère
Marie
de
Jésus,
au
contraire,
était
appelée
à
en
rester
l'une
des
assises
principales,
et
à
y
devenir
l'amie,
la
confidente
par
excellence
de
la
vénérable
Madeleine,
comme
vraiment
son
émule
en
sainteté.
Née
à
Paris
(1579)
d'une
famille
haut
placée,
Charlotte
de
Harlay
de
Sancy
eut
une
jeunesse
toute
mondaine,
exempte
pourtant
de
graves
écarts.
Son
mariage
avec
le
marquis
de
Bréauté,
puis
son
veuvage
presque
immédiat,
ne
changèrent
rien
à
son
existence.
L'extrême
sympathie
qu'à
juste
titre
elle
inspirait
partout,
son
propre
caractère
ami
du
mouvement
et
de
la
gaieté,
la
retenaient
dans
le
tourbillon
des
fêtes.
Mais
bientôt
il a
lecture
des
œuvres
de
sainte
Thérèse
décida
sa
transformation,
qu'achevèrent
les
conseils
de
Mme
Acarie.
Le
dessein
d'être
Carmélite
germa
presque
aussitôt
dans
cette
âme
fidèle
;
aussi
collabora-t-elle
activement
aux
préparatifs
de
la
fondation.
Puis,
le
8
décembre
160A,
après
avoir
quitté,
le
cœur
brisé
mais
généreux,
son
jeune
fils
et.
son
vieux
père,
elle
vint
frapper
à
la
porte
du
Carmel.
Sœur
Madeleine,
qui
l'avait
précédée
de
si
peu
au
noviciat,
fut
chargée
de
la
«.conduire
dans
le
monastère
»
et
de
l'initier
aux
usages
journaliers.
Rapports
purement
extérieurs,
mais
sur
lesquels
vint
bien
vite
se
greffer
l'intimité
sainte
qui
devait
valoir
à
la
postérité,
sur
la
vénérable
Madeleine,
des
témoignages
du
plus
grand
poids.
Telles
sont
les
Mères
et
Sœurs
parmi
lesquelles
allait
se
passer
la
probation
de
Madeleine
de
Saint-Joseph.
Cette
probation
devait
être
laborieuse.
A
peine
la
Servante
de
Dieu
eut-elle
posé
le
pied
dans
la
carrière,
que
déjà
sa
constance
fut
mise
à
l'épreuve.
On
se
rappelle
la
violence
que
M.
de
Fontaines
avait
dû
se
faire
pour
consentir
à
la
séparation.
Cette
violence
eut
sa
répercussion
sur
un
organisme
déjà
usé
:
«
il
demeura
malade
dès
le
soir,
et
le
fut
jusques
à
l'extrémité,
en
péril
de
mort
».
Ce
que
voyant,
quelques
religieux
vinrent
trouver
la
novice
et
lui
représentèrent
que
son
devoir
là
rappelait
au
chevet
de
son
père.
Mais
elle,
assurée
de
l'appel
dé
Dieu,
lui
demeura
fidèle
malgré
tout.
Sa
prière
pour
le
malade
n'en
eut
que
plus
de
force,
et
mérita
peut-être
à
celui-ci,
avec,
le
retour
à
la
santé,
la
grâce
de
se
voir
appelé
au
sacerdoce
et
de
pouvoir
offrir
encore
au
Seigneur
trois
autres
de
ses
enfants,
ainsi
que
nous
le
verrons.
Tranquille
de
ce
côté,
Sœur
Madeleine
put
s'appliquer
d'un
esprit
plus
libre
au
travail
de
sa
formation religieuse.
A
vrai
dire
C'était
déjà
presque
œuvre
faite,
et
dès
ces
débuts
la
communauté
considérait
cette
novice
«
plutôt
comme
consommée
que
comme
commençante
ou
avancée
».
«
Elle
reluisait
en
toutes
les
vertus,
déclare
une
de
ses
compagnes
d'alors;
l'on
y
remarquait
spécialement
une
grande
humilité,
sincérité,
silence,
respect
vers
ses
supérieurs,
charité
vers
ses
Sœurs,
prenant
toujours
sur
soi
les
choses
plus
difficiles
pour
les
soulager
;
elle
avait
aussi
une
incomparable
douceur
qui
gagnait
les
cœurs,
une
grande
patience
et
mortification,
et
était
très
régulière
».
«
Son
obéissance
était
si
exacte,
témoigne
à
son
tour
la
Mère
Marie
de
Jésus,
que,
la
regardant
de
près
comme
je
faisais,
je
ne
lui
ai
jamais
vu
faire
un
manquement
contre
cette
vertu.
Et
pour
une
preuve
entre
mille,...
il
me
souvient
qu'elle
fut
une
fois
un
temps
notable
sans
toucher
à
une
dartre
vive
dont
elle
était
fort
travaillée
[au
visage]
parce
que
sa
maîtresse
des
novices
le
lui
avait
défendu,,
ce
qui
lui
fut
une
pratique
d'obéissance
bien
pénible
à
cause
de
la
tourmentante
démangeaison
qu'elle
endurait...
Elle
s'appliquait
avec
grand
soin
à
tout
ce
qui
regardait
la
régularité;
c'était
là
mesure
de
toutes
ses
actions...
Et
cette
vertu
avait
rendu
son
esprit
si
souple
et
si
soumis
à
tout
lé
mondé,
qu'on
n'a
jamais
trouvé
de
résistance
a
quoi
qu'on
ait
su
désirer
d'elle.
Je
l'ai
vu
en
tant
d'occasions
que
le
nombre
m'en confond
la
mémoire.
« Elle
était
fervente,
mais
d'Une
sorte-dé
ferveur
qui,
naissant
du
feu
de
l'amour
de
Dieu
duquel
elle
était
particulièrement
éprise,
animait
son
action
extérieure
d'une
douce
vivacité,
qui
n'avait
rien
d'empressé,
ni
aussi
de
languissant,
mais
qui
était
toute
dévote
et
qui
allait
directement
à
Dieu.
Et
pour
cela,
nous
n
'étions
pas
moins
édifiées
de
là
voir
laver
les
écuelles, balayer
la
maison,
travailler
au
jardin,
et
en d'autres
semblables
actions,
qu'aux
choses
les
plus
importantes,
parce
qu'elle
agissait
en
toutes
choses
par
rapport
de
son
action
à
Dieu.
Et
c'est
pour
cela
qu'il
ne
se
rencontrait
rien
dé
si
difficile
ni
de
si
contraire
à
ses
sens
en
matière
d'observance
qu'elle
n'accomplît
aisément,
de
façon
que,
dès
son
noviciat,
sa
vie
et
son
exemple
étaient
la
règle
sur
laquelle
les
autres
novices
se
moulaient.
»
Est-il
.surprenant
après
cela
que
lés
fondatrices
aient
beaucoup
aimé
et
même
admiré
leur
nouvelle
Sœur ?
«
Elles
disaient
souvent
que,
pour
la
recevoir
dans
l'Ordre,
elles
eussent
entrepris
de
bon
cœur
le
voyage
d'Espagne
en
France
»,
ajoutant
qu'elle « avait
beaucoup
de
Conformité
à
sainte
Thérèse
quant
à
la
nature
et
quant
à
la
grâce
».
Anne
de
Jésus,
en
particulier,
«
l'estimait
pour
sa
vertu
comme
un
ange,
et
la
jugeait,
pour
la
grande
capacité
de
son
esprit,
digne
d'être
non
pas
novice
mais
prieure
».
On
connaît
la
trempe
de
caractère
dé
cette
Mère
et
la
fermeté
de
sa
main.
Se
trouvant
en
présence
d'une
pierre
de
choix,
elle
la
cisela
avec
un
double
soin.
Pour
l'extérieur,
malgré
la
complexion
délicate
de
la
jeune
fille,
elle
la
menait
comme
les
autres,
selon
les
maximes
de
son
austère
perfection,
dont
l'une
était
«
qu'il
fallait
encore
jeûner
trois
semaines
après
avoir
pensé
qu'on
n'en
pouvait
plus
».
Pour
l'intérieur,
craignant
que
l'estime
qu'on
faisait
d'elle
ne
finît
par
lui
faire
tort
et
voyant
aussi
ce
qu'elle
était
capable
de
porter,
elle
l'humiliait
sans
merci,
lui
faisant
dire
et
faire
«
des
choses
propres
à
faire
aux
petits
enfants
qui
sont
sans
raisonnement
».
Entre
autres,
elle
l'envoyait
«
dire
à
notre
bienheureux
Père
—
[de
Bérulle]
—
plusieurs
choses
bien
mortifiantes
pour
elle,
tout
ainsi
comme
si
ces
pensées
fussent
venues
d'elle.
Elle
y
allait,
obéissant
tout
simplement,
lui
dire
:
«
Mon
Père,
je
suis
un
grand
docteur,
«
je
suis
capable
d'être
prieure.
»
Elle
agissait
à
l'avenant
pour
tout
le
reste,
se
laissant
exercer
et
façonner
sans
résistance
ni
retour
sur
elle-même.
Les
mémoires
du
temps
ne
fournissent
aucune
donnée
sur
la
formation
de
la
Vénérable
au
point
de
vue
proprement
spirituel.
Mais
oh
devine,
et
la
suite
met
en
droit
d'affirmer,
qu'elle
ouvrit
largement
son
âme
pour
recevoir
les
enseignements
des
Mères
espagnoles,
et
s'assimiler
la
doctrine
de
l'illustre
Réformatrice
du
Carmel.
Parlant
des
novices
de
Paris
—
et
donc
de
Madeleine
—,
Anne
de
Jésus
écrivait
:
«
Elles
admirent
combien,
dès
le
moment
de
leur
prise
d'habit,
leurs
âmes
avancent
dans
la
perfection,
et
leur
esprit
se
trouve
comme
renouvelé
en
une
manière
d'oraison
différente.
»
Et
cette
Mère
concluait
:
«
J'ai
soin
qu'elles
considèrent
et
imitent
Noire-Seigneur
Jésus-Christ.
»
Sur
ce
dernier
point,
sa
sollicitude
sera,
en
Sœur
Madeleine
de
Saint-Joseph,
couronnée
d'un'
magnifique
succès
:
la
novice
d'alors
deviendra
une
amante
insigne
du
Verbe
incarné,
une
apôtre
de
la
dévotion
à
son
Humanité
sainte.
Les
Mères
espagnoles
en
étaient
donc
«
satisfaites
à
merveille
» ;
aussi
ne
tardèrent-elles
pas
à
lui
confier
en
partie
le
soin
du
noviciat.
Elles
répondaient
en
cela
aux
vœux
des
autres
novices
qui,
admirant
leur
compagne
et
pressentant
ce
qu'elle
était
capable
de
donner
aux
âmes,
avaient
sollicité
la
permission
de
s'adresser
à
elle
dans
leurs
besoins
spirituels.
M.
de
Bérulle
et
Mme
Acarie
applaudirent
à
cette
mesure.
D'ailleurs,
la
fondation
de
Pontoise
éclaircissait
les
rangs
des
fondatrices,
tandis
que
le
nombre
des
sujets
allait
toujours
croissant
(n).
De
plus;
la
différence
de
langage
compliquait
un
peu
les
rapports
entre
Mères
et
Filles.
Or
Sœur
Madeleine
était
en
mesure
de
soulager
les
unes
et
les
autres
en
leur
servant
d'interprète,
car,
grâce
à
sa
facilité
de
travail,
quelques
jours
lui
avaient
suffi
pour
se
familiariser
avec
l'espagnol.
Les
novices
profitèrent
aussitôt
à
l'envi
de
la
permission
octroyée,
et
le
bien
qui
en
résulta
justifia
pleinement
l'exception
faite
en
cette
circonstance.
La
Mère
Marie
de
la
Trinité —
pour
ne
citer
que
son
témoignage
—,
«
ayant
eu
beaucoup
de
communication
avec
[cette
Servante
de
Dieu]
pendant
leur
noviciat,
écrit
le
P.
Gibieuf,
m'a
assuré
qu'elle
en
avait
reçu.
de
très grandes
assitances,
et
qu'elle
—
[Madeleine]
—
avait
un
don
spécial
de
Dieu
pour
faire
aller
lés
âmes
droitement
à
lui
et
le
chercher
avec
pureté,
sans
s'arrêter
aux
douceurs
d'une
dévotion
sensible
».
Mais,
en
ce
début,
son
action
sur
lés
âmes
était,
comme
de
juste,
très
humble,
très
réservée,
très
discrète.
Si
elle
leur
ouvrait
les
trésors
de
ses
propres
lumières
et
de
sa
charité,
elle
était
surtout,
selon
l'expression
si
sûrement
nuancée
de
la
Mère
Marie
de
Jésus,
«
comme
le
lien
d'union
entre
les
Mères
et
les
novices
»;
elle
s'appliquait
à
transmettre
à
ces
dernières
là
sève
thérésienne
telle
que
les
Carmélites
espagnoles
là
leur
apportaient
et,
d'autre
part,
elle
faisait
fidèlement
connaître
à
ses
Mères
«la
conduite
qu'elle
tenait
sur
ses
compagnes
et
ce
qui
se
passait
en
leurs
âmes ».
On
vient
d'y
faire
allusion
:
trois
mois
ne
s'étaient
pas
écoulés
depuis
la
fondation
de
Paris
que,
dans
cette
communauté
si
unie,
il
fallut
déjà
parler
de
séparation.
Le
14
janvier
16o5,
les
Mères
Anne
de
Saint-Barthélemy
et
Isabelle
de
Saint-Paul,
accompagnées
de
quelques
françaises,
prenaient
la
route
de
Pontoise.
C'était
le
prélude
de
bien
des
détachements
successifs
qui
devaient
être
demandés
au
cours
dé
leur
vie
religieuse
à
ces
premières
Carmélites
de
France,
à
la
vénérable
Madeleine
de
Saint
Joseph
en
particulier.
Quelque
temps
après,
la
Vénérable
tomba
malade.
C'en
était
trop
pour
sa
frêle
santé
d'avoir
à
supporter
à
la
fois
l'austérité
carmélitaine
et
les
privations
inhérentes
à
une
installation
rudimentaire.
Accoutumée
jusque-là
au
grand
air,
elle
se
trouvait
maintenant
confinée
« tout
le
jour
ou
une
partie
dans
une
petite
celle
où
il
n'y
avait
place
que
pour
son
lit;
ce
petite
celle
organisée
avec
d'autres
en
grand
nombre,
au
moyen
simplement
de
draps
de
bure,
dans
une
même
chambre
où
il
n
'y
avait
pas
d'air
du
tout
»
Avec
cela,
impossible
de
mettre
le
pied
au
jardin,
vu
la
présence
des
ouvriers.
Il
fallait
en
même
temps
se
faire
au
régime
alimentaire
de
l'Ordre,
que
la
bienheureuse
Anne
de
Saint-Barthélemy
agrémentait
parfois
« d'étranges
ragoûts
à
la
mode
de
son
pays.
Et
pourtant
on
devait,
au
réfectoire,
se
mettre
en
train
de
bonne
grâce
et
manger
de
tout
sans
marquer
aucune
répugnance
et
tous
les
jours
également
»,
si
l'on
ne
voulait
être
taxée
d'
«
épluchotteuse
»
et
vivement
admonestée
par
les
ferventes
fondatrices.
Enfin — est-ce
jugement
téméraire
?
L'anecdote
d'un
certain
fou
rire,
qui
faillit
faire
priver
les
novices
de
la
communion,
laisse
soupçonner
que
l'a
respectable
prieure
ne
comprit
peut-être
pas
suffisamment
la
gaité
française,
et
qu'en
conséquence
elle
mesura
peut-être
avec
trop
de
parcimonie
la
détente
indispensable
à
toute
cette
jeunesse.
Quoi
qu'il
en
Soit,
Sœur
Madeleine
sentit
bientôt
décliner
ses
forces,
et
à
ses
maux;
de
tête,
devenus
plus
violents,
se
joignirent
de
vives
douleurs
d'estomac
et
de
fréquents
vomissements.
Elle
porta
quelque
temps
son mal
en
silence.
Mais
enfin
il
se
trahit
lui-même,
et
l'on
mit
là
novice
à
l'infirmerie.
Ce
ne
fut
guère
que
pour
accroître
ses
mérites.
D'abord
il
n'y
avait
alors
au
couvent
«
personne
qui
s'entendît
aux
malades
».
Puis
à
peu
près
au
même
temps,
Sœur
Andrée
fut
atteinte
d'un
«
apostume
»
à
la
tête
et
également
installée
à
l'infirmerie;
Elle
«
souffrait
des
douleurs
si
atroces,
que
ses
plaintes
n'étaient
que
dés
cris
continuels,
parmi
lesquels
[la]
Servante
de
Dieu
ne
pouvant
prendre
ni
repos
ni
sommeil,
son
mal
allait
empirant
».
Les
autres
novices
probablement,
ou
Mme
Acarie,
s'en
émurent,
et
représentèrent
aux
Mères
que,
si
l'on
voulait
guérir
Sœur
Madeleine,
il
fallait
absolument
la
sortir
de
cette
pièce.
Mais
par
une
disposition
de
la
Providence
«
ces
bonnes
Mères
»,
pourtant
si
charitables,
«
ne
l'en
voulurent
point
ôter,
quelque
prière
qu'on
leur
en
fit
».
La
Servante
de
Dieu
s'arma
donc
de
patience,
et
donna
«
à
l'oraison
tout
le
temps
qu'elle
ne
pouvait
donner
au
sommeil
».
Cependant,
par
la
porte
de
la
souffrance
physique,
la
tentation
ne
tarda
guère
à
s'insinuer,
vive,
pressante.
Elle
représentait
à
la
novice
«
les
soulagements
qu'elle
eût
eus
en
la
maison
de
son
père,
et
les
raisonnables
remèdes
dont
elle
eût
pu
se
servir
si
elle
eût
été
hors
de là...
mais
elle,
ne
pouvant
souffrir
des
pensées
si
lâches
et
si
infidèles
à
Dieu
[et
dans
la
frayeur
qu'il
ne
lui
prît
envie
de
retourner
au
monde
à
causé
que
son
mal
fut
long,
fit
vœu
de
ne
point
sortir
par
son
choix
de
la
religion,
et
de
ne
point
quitter
cette
sorte
de
vie
où
elle
avait
rencontré
la
perfection
quelle
avait
tant
souhaitée
».
Les
démons
ainsi
vaincus
essayèrent
d'une
autre
batterie.
Une
nuit
qu'elle
se
trouvait
plus
mal
et
ne
pouvait
reposer,
ils
«
prirent
des
formes
effroyables
et
se
présentèrent
à
grandes
troupes
pour
épouvanter
»
.Elle
eut
d'abord
très
peur,
en
effet,
mais
se
ressaisissant,
elle
s'abandonna
généreusement
à
Dieu
pour
souffrir
tout
ce
qu'il
permettrait
aux
esprits
malins
de
lui
faire,
ce
qui
mit
aussitôt
ceux-ci
en
fuite
et
donna
pour
toujours
à
là
Vénérable
une
grande
force
contre
eux.
La
croix
est
toujours
fécondé.
Tandis
que
la
Servante
de
Dieu
était
ainsi
en
proie
à
la
maladie,
ses
deux
sœurs
Catherine
et
Louise
venaient
la
rejoindre
au
Carmel,
avec
une
des
«
filles
»
de
leur
maison.
De
son
côté,
Jean,
leur
frère,
entrait
dans
l'Ordre
de
saint
François.
Madeleine,
conservant
jusqu'au
bout
son
rôle
de
seconde
mère
à
l'égard
de
cet
enfant
—
il
était
alors
à
peine
âgé
dé
seize
ans
—,
avait
voulu
traiter
elle-même
de
sa
vocation
avec
les
Pères
Capucins
;
et
telle
était
l'estime
que
ces
religieux
faisaient
dé
sa
prudence
qu'ils
admirent
son
frère
à
sa
seule
recommandation
et
sans
même
le
connaître
personnellement.
Ils
n'eurent
du
reste
pas
à
s'en
repentir.
M.
de
Fontaines,
tout
changé,
accorda
aussi
facilement
à
ses
derniers
enfants
la
permission
d'entrer
en
religion,
qu'il
l'avait
fait
attendre
à
sa
chère
Madeleine.
Puis,
libre
désormais
de
charges
domestiques,
il
se
consacra
lui-même
au
Seigneur,
et
c'est
à
l'ombre
du
Carmel
qu'il
voulut
recevoir
les
Ordres
et
célébrer
sa
première
messe.
C'est
aussi
au
Carmel
et
aux
aspirantes
du
Carmel
qu'il
donna
les
prémices
de
son
ministère.
Nul
doute
que
ces
choix
de
Dieu
dans
sa
famille,
n'aient
procuré
à
la
Vénérable
une
grande
consolation.
Par
contre,
vers
le
même
temps,
elle
vil
avec
douleur
une
de
ses
tantes
passer
au
calvinisme.
Elle
lui
écrivit
à
cette
occasion
une
lettre
pleine
de
zèle,
terminée
par
cet
élan
de
charité
:
«
Je
ne
vous
parle
point
comme
offensée.de
votre
chute,
sachant
la
faiblesse
de
l'homme
et
la
malice
de
notre
ennemi;
mais
je
vous
parle
comme
touchée
jusqu'au
vif
du
désir
de
vous
voir
rentrer
dans
la
bergerie
de
Jésus-Christ,
et
de
voir
le
ciel
mener
joie
pour
votre
âme
retrouvée.
Si,
en
ma
condition,
il
plaisait
à
Dieu
me
donner
la
grâce de-vous
y
servir
en
quelque
chose,
je
ne
sache
rien,
pour
pénible
qu'il
fût,
que
je
ne
voulusse
porter
pour
votre
salut.
»
Il
ne
semblé
pas,
hélas
!
que
cette
lettre
ait
produit
aucun
effet.
Le
Vendredi-Saint
8
avril,
Je
Carmel
de
France
envoyait
au
ciel
sa
première
fleur
en
la
personne
d'Andrée
de
Tous-les-Saints,
qui
succombait
au
mal
dont
on
a
parlé.
Sept
mois
de
noviciat
avaient
suffi
pour
lui
permettre
de
tresser
sa
couronne,
et
Mme
Acarie,
son
ancienne
maîtresse,
la
vit
dès
le
surlendemain
rayonnante
de
gloire,
ce
que,
contre
son
habitude,
la
Bienheureuse
confia
à
quelques
unes des
compagnes
de
la
défunte,
afin
de
les
encourager
à
la
persévérance.
Sœur
Madeleine
de
Saint-Joseph,
elle,
parvint
à
se
remettre.
Mais
ce
ne
fut
pas
pour
jouir
du
repos.
A
peine
convalescente
on
la
mit
«
portière
toute
seule,
où
elle
avait
un
travail
par-dessus
ses
forées
».
Car,
outre
le
soin
ordinaire
de
parler
aux
personnes
qui
abordaient
en
grand
nombre
au
tour,
et
de
faire
les
messages
à
l'intérieur,
elle
était,
du
fait
de
la
construction
du
monastère,
«
en
une
perpétuelle
action
»,
ouvrant
et
fermant
sans
cessé
la
porte
de
clôture
ou
requérant
des
«
tierces
»
;
et
cela
«
parmi
le
bruit
;des
ouvriers
qui
travaillaient
au
bâtiment,
qui
était
une
occupation
à
étourdir
les
têtes
les
plus
fortes
».
De
plus,
comme
les
Mères
«
étaient
d'un
pays
étrange
(sic)
et
n'avaient
l'usage
ni
de
la
langue
ni
des
coutumes
de
celui-ci,
il
fallait
qu'elle
pourvût
généralement
à
tout
ce
qui
était
nécessaire
dans
la
maison
».
Enfin,
employée
fréquemment
aussi
dans
la
plupart
dés
autres
offices
et
à
demi
maîtresse
des
novices,
elle
«
avait
autant
d'ouvrage
qu'il
en
eût
fallu
pour
bien
occuper
plusieurs
personnes
».
Néanmoins
«
elle
portait
ce
grand
travail
de
corps
et
d'esprit
sans
se
plaindre,
et
sans
faire
paraître
en
aucune
sorte
qu'elle
s'en
trouvât
trop
chargée
;
et
quoique
souvent
on
l'appelât
de
divers
côtés
et
pour
choses
toutes
différentes
en
un
même;
temps,
on
la
Voyait
dans
un
esprit
toujours
égal,,
dans
une
paix
et
un
recueillement
dont
rien
n'était
capable
de
la
faire
sortir
».
Avec
cela,
elle
montrait
beaucoup
de
dextérité,
d'ordre
et
de
prudence.
Aussi,
«
tous,
tant
au
dedans
qu'au
dehors,
en
étaient
très
contents.
».
Une
prétendante
qui,
dans
ce
temps,
s'entretint
souvent
avec
elle,
résumé
ainsi
l'impression
produite
par
la
jeûne
portière
sur
les
séculiers
:«
Elle
avait
une
manière
d'agir
.en.
cet
office,
si
charitable
et
régulière,
et
parlait
avec
tant
de
retenue,
qu'elle
nous
obligeait,
nous
autres
qui
l'abordions,
à
ne
lui
dire
que
le
nécessaire.
Et
la
réception,
autant
que
nos
Mères
espagnoles,
étant
fort
édifiées
de
son
recueillement
et
bonté
de
sens en
sa
manière
de
parler,
car
en
cinq
ou
six
paroles
elle
satisfaisait
plus
que
d'autres
en
beaucoup
de
discours,
ce
qui
lui
a
continué
toute
sa
vie
»
Mais,
au
rapport
du
même
témoin,
tandis
que
«Nos
Révérendes
Mères
la
jugeaient
très
capable
de
se
rendre
aux
actions
extérieures
sans
détriment
de
son
occupation
intérieure
»,
elle-même
conçut
une
certaine
inquiétude
de
cette
existence
si
anormale
pour
une
novice.
Elle
craignit
que
ce
ne
lui
fût
un
empêchement
à
la
perfection,
ayant
ouï
dire
que
la
retraite
était
un
grand
moyen
de
se
perfectionner.
Et
le
dit
à
[M.]
de
Bérulle,
qui
lui
fit
réponse
que
l'obéissance
était
là
perfection
de
l'âme
religieuse
et
qu'elle
la
ferait
avancer,
ce qui
la
mit
en
paix
—
comme
nous
l'avons
appris
d'elle-même
—,
car
elle
avait
une
soumission
et
docilité
d'enfant
au
regard
de
là
conduite
».
D'ailleurs,
si
ses
occupations
ne
favorisaient
pas
son
attrait
pour
l'oraison
et
la
solitude,
elles
lui
fournissaient
en
revanche
de
quoi
rassasier
sa
faim
d'immolation.
Car
elle
devait
y
vaquer
malgré
de
nombreuses
infirmités
chroniques,
outre
qu'elle
relevait
à
peine
d'une
longue
maladie,
ce
qui,
remarque
le
P.
Gibieuf,
eût
pu
la
«
dispenser
de
tant
de
fatigues
sans
beaucoup
de
scrupules
».
Mais
la
grâce
la
poussait
à
se
sacrifier
sans
compter.
les
contemporaines
ont
noté
qu'un
jour,
vers
cette
époque,
en
tirant
les
billets
des
«
saints
du
mois
»,
il
lui
en
échut
un
qui
portait
pour
vertu
à
pratiquer
de
ne
point
chercher
son
repos
;
elle
le
«
remarqua
fort,
et
le
dit
à
celle
qui
les
avait
faits,
et
que
cette
vertu-là
lui plaisait
grandement
».
Aussi
lui
arrivait-il
parfois
d'être
si
harassée
lorsque
le
«
grand
silence»
venait,
après
complies,
lui
permettre
de
se
retirer
dans
sa
«
petite
celle
»,
qu'elle
n'osait
s'y
asseoir
dans
là
crainte
de
n'avoir
plus
ensuite
là
force
dé
se
relever
pour
aller
à
matines.
Cependant
cette
âme,
qui
marchait
ainsi
à
grands
pas
dans
là
voie
du
renoncement,
n
'était
alors
soutenue
par,
aucune
consolation
sensible.
«
Dieu
tenait...
son
intérieur
dans
des
peines
effroyables
»,
dit
la
Mère
Marie
de
Jésus;
si
«
effroyables
»
qu'une
autre
confidente
de
là
Vénérable,
«
repensant
à
ce
qu'elle
lui
en
avait
dit,
s'étonnait
comme
elle
lés
avait
pu
supporter
».
C'étaient
une
sécheresse,
un
accablement
d'esprit,
des
tentations,
même
des vexations
diaboliques,
mais
surtout
une
désolante
impression
« d'abandonnement »
de
la
part
du
Créateur
et
des
créatures. « Il
me
semble,
disait-elle
une
fois
à
Marie
de
Jésus,
que
Dieu
a
mis
mon
âme
entre
le
ciel
et
la
terre,
et
qu'il
m'a
détachée
de
toutes
choses,
ce
qui
me
cause
une
extrême
dureté
de
vie.
»
«
Néanmoins
parmi
tout
cela,
elle
se
conservait
dans
une
si
grande
soumission
[à
Dieu]
et
dans
une
si
constante
douceur,
qu'il
ne
sortit
jamais
une
parole
de
plainte
de
sa
bouche
ni
parut
sur
son
visage
un
trait
dé
troublé
ou
de
mécontentement.
»
L'amour
de
Sœur
Madeleine
voulut
répondre
plus
héroïquement
encore
à
l'Amant
divin
qui
la
crucifiait.
Une
partie
de
ses
épreuves
intimes
venait
des
réclamations
de
son
pauvre
corps
trop
malmené
;
«
pour
vaincre
la
tentation
qui
se
glissait
sous
ces
incommodités,
et
pour
s'en
défaire,
elle
ajouta
de
nouvelles
austérités
à
celles
de
la
règle
».
De
plus,
elle
fit
le
vœu
«
très
rare
et
très
excellent
de
ne
se
mettre
jamais
en
soin
de
ce
qui
regardait
sa
personne
ni
de
ce
qui
pouvait
donner
quelque
soulagement
à
son
corps,
mais
de
se
livrer
entièrement
en
cela
à
la
divine
Providence,
et
de
se
contenter
de
ce
qui
lui
serait
donné
par
la
charité
du
couvent
».
«
Vœu que-je
lui
ai
vu
accomplir,
note
la
Mère
Marie
de
la
Trinité,
le
peu
que
nous
avons
été
ensemble
à
diverses
fois,
avec
tant
de
fidélité
et
qui
l'a
tint
fait
souffrir,
que
quand
mon
esprit
y
fait
réflexion,
j'avoue
ma
faiblesse
qui
en
est
tout
épouvantée.
»
Un
tel
témoignage
a
d'autant
plus
de
poids
que
celle
qui
le
rend
n'était
certes
pas
tendre
sur
elle-même.
Après
cet
acte
généreux,
l'épreuve
ne
tarda
guère,
à
cesser
pour
Sœur
Madeleine.
Elle
confia
plus
tard
à
Marie
de
la
Trinité
qu'en
un
instant
Dieu
l'avait
comme
tournée
vers
lui,
et
«
lui
avait
donné
ouverture
et
voie
pour
se
perdre
en
lui
dans
l'intime
de
son
âme;
et
que
tous
ces
effets
opérèrent
en
elle
une
telle
mort
en
son
esprit
et
en
ses
sentiments,
qu'elle
n'eût
osé
admettre
aucun
désir
ni
inclination
que
pour
se
réduire
en
cendres,
selon
l'état
de
mort
où
elle
voyait
que
Dieu
voulait
que
son
âme
entrai
°
».
État
d'anéantissement
et
de
mort,
mais
accompagné
de
tant
de
lumière,
de
paix
et
de
suavité,
que,
d'après
la
grave
confidente,
c'était
«
la
même
chose
dont
parle
Notre
sainte
Mère
Thérèse
en
la
Septième
Demeure
du
Château
de
l'âme
».
Ceci
se
passait
vers
la
fin
du
noviciat
de
la
Vénérable.
Pour
faire
complètement
connaître
ce
que
fut
cette
probation,
il
faut
encore
dire
un
mot
des
difficultés
survenues
à
plusieurs
reprises
entre
ceux
et
celles
qui
avaient,
droit
au
respect
et
à
la
confiance
de
la
novice,
c'est-à-dire
entre
Anne
de
Jésus
et
M.
de
Bérulle,
puis
entre
Anne
de
Jésus
et
Anne
de
Saint-Barthélemy,
enfin
entre
Anne
de
Saint-Barthélemy
et
Mme
Acarie.
Anne
de
Saint-Barthélemy
et
Mme
Acarie
sont
sur
les
autels;
Anne
de
Jésus
y
sera
un
jour,
ses
filles
l'espèrent,
et
le
nom
du
cardinal
de
Bérulle
est
révéré
dans
l'Église
de
France.
"Mais
—
qui
songera
à
s'en
étonner ?
—
pour
ces
âmes
saintes,
la
terre
restait
pourtant
la
terre,
et
ses
ombres
empêchèrent
parfois
les
intelligences
de
fusionner
dans
une
même
manière
de
voir,
sinon
les
cœurs
de
rester
unis
dans
la
vraie
charité.
Nous
n'avons
pas
à
narrer
ces
incidents,
rappelons
seulement
que,
d'une
part,
les
Mères
fondatrices,
spécialement
Anne
de
Jésus,
avaient
donné
toute
leur
confiance
et
leur
affection
à
Sœur
Madeleine
de
Saint-Joseph,
remployant
dès
lors
«
aux
plus
grandes
affaires
» ;
et
que,
d'autre
part,
«
M.
de
Bérulle
et
Mlle
Acarie,
à
qui
Dieu
avait
départi
de
très
grandes
lumières
pour
avancer
l'ouvrage
de
rétablissement
de
nôtre
Ordre
en
France,
et
qui
étaient
comme
les
deux
yeux
que
Dieu
avait
donnés
aux
Mères
espagnoles
pour
leur
conduite,
ne
faisaient
rien
sans
l'avis
de
cette
Servante
de
Dieu,
quoiqu'elle
ne
fut
que
jeune
novice
°» d'où
il
faut
conclure
que
la
«
jeûne
novice»
ne
put
ignorer
les
petits
heurts
et
tiraillements auxquels
oh
fait
ici
allusion,
et
qu'ils
furent
certainement
pour
elle,
en
même
temps
qu'une
souffrance,
l'occasion
de
déployer
tout le
tact,
la
prudence,
là
délicate;
charité
dont
elle
était
douée,
y
Sur
ces
entrefaites,
on
décida
la
fondation
d'un
troisième
monastère
à
Dijon.
La
Mère
Anne
de
Jésus,
qui
devait
l'effectuer
quitta
Paris
en
septembre,
emmenant
sa
sous-prieure
avec la
Mère
Béatrix
et
quelques
novices.
Sœur
Madeleine
perdit
donc,
alors
qu'elle
était
encore
au
fort
de
ses
peines,
le
secours
qu'elle
trouvait
dans
la
ferme
et
sûre
direction
de
sa
prieure,
dans
sa
virile
mais
réelle
et
profonde
affection.
Puis,
Ce
départ
augmentait
la charge
qui
pesait
sur
ses
épaules,
car
la
jeune
Mère
Éléonore
restait
seule
pour
conduire
le
monastère,
au
milieu
de
novices
toujours
plus
nombreuses,
et
alors
que
les
travaux
n'étaient
pas
encore
achevés,
bien
que
la
communauté
habitât
depuis
le
24
août
les
bâtiments
neufs.
Il
dut
y
avoir
là
quelques
semaines
difficiles.
Enfin
la
bienheureuse
Anne
de-Sainte-Barthélemy
fut
rappelée
comme
prieure,
et
on
la
reçut
avec
bonheur.
La
plupart
des
novices
ne
la
connaissaient
pas
;
les
autres
ne
l'avaient
vue
que
dans
ses
humbles
fonctions
de
converse.
Mais
toutes
furent
si
charmées
de
sa
simplicité,
de
sa
douceur,
de
sa
piété
communicative,
qu'elles
obtinrent
de
l'avoir
pour
maîtresse
en
même
temps
que
pour
prieuré.
Ce
qui
la
leur
rendait
chère
plus
encore
peut-être
que
ses
qualités
et
vertus
personnelles,
c'étaient
les
rapports
si
familiers
que
la
Bienheureuse
avait
eus
avec
sainte
Thérèse.
Aussi
les
religieuses
étaient-elles
suspendues
à
ses
lèvres
lorsqu'elle
leur
parlait
de
la
sainte
Mère,
et
la
remettaient-elles
sans
cesse
sur
ce
thème.
C'est
donc
sous
un
ciel
rasséréné
que
Sœur
Madeleine
vit
s'approcher
l'époque
de
sa
profession.
Mais
en
même
temps,
elle
sentit
renaître
ses
aspirations
vers
un
état
plus humble.
Celle
qui
avait
naguère
rêvé
d'être
«
gardeuse
de
poules
»,
«
désira
d'être
du
voile
blanc
et
avait
une
grande
dévotion
à
cette
condition.
Elle
pensait
qu'elle
éplucherait
des
herbes
et
ne
ferait
que
des
choses
comme
cela,
et
qu'elle
prendrait
un
grand
plaisir
à
ne
s'occuper
que
dans
les
actions
de
cette
condition
».
Elle
s'en
ouvrit
à
Mme
Acarie
et
à
M.
de
Bérulle.
Mais
on
sait
déjà
que
l'un
et
l'autre,
dès
qu'ils
la
connurent,
« la
regardèrent
tout
aussitôt
pour
être
prieure
» ;
ils
n'eurent
donc
garde
d'entrer
dans
ses
vues.
Toutefois,
pour
lui
laisser
tout
son
mérite
et
édifier
la
communauté,
M.
de
Bérulle
lui
conseilla
de
demander
la
chose
aux
Sœurs.
«
La
lumière
de
son
grand
esprit
fit
incontinent
connaître
[à
la
Servante
de
Dieu]
ce
qui
en
arriverait;
et
la
même
humilité
qui
avait
donné
naissance
à
ce
désir
l'empêcha
de
le
proposer
au
Chapitre...
«
Car
je
vois
bien,
dit-elle,
que
je
donnerai
quelque
bonne
opinion
de
moi,
comme
si
j'étais
bien
humble,
et
que
ce
sera
tout;
si
ce
n'est
que
vous
l'ayez
agréable
et
daigniez
me
promettre
d'y
porter
mes
Sœurs.
»
N'insistant
donc
pas
davantage
«
elle
acquiesça
doucement
»
à
ce
qu'on
voulait
d'elle,
bien
qu'un
certain
regret
lui
soit
toujours
demeuré
au
cœur.
Elle
fut
admise
à
la
profession
«
avec
une
joie...
incroyable
de
toutes
les
Sœurs
».
Joie
d'autant
plus
grande
que
ses
vœux
allaient
être
les
premiers
prononcés
dans
la
maison.
Le
ciel
également
voulut
lui
faire
fête.
Pendant
sa
retraite
préparatoire
de
dix
jours,
«
elle
fut...
si
occupée
de
Dieu
et
son
âme
reçut
de
si
puissantes
opérations
du
Saint-Esprit,
que
la nature
ne
les
pouvait
souffrir
»,
de
sorte
que
par
moment
elle
était
contrainte
de
dire
comme
saint
François
Xavier
:
«
C'est
assez,
Seigneur,
c'est
assez.
»
Aussi
Mme
Acarie,
à
laquelle
elle
s'ouvrit
alors,
«
ressentit
une
consolation
qui
ne
se
peut
dire,
voyant
les
miséricordes
de
Dieu
sur
cet
Ordre,
et
qu'il
y
eût
donné
une
âme
de
si
grand
mérite ».
C'est
le
samedi
12
novembre
16o5,
en
la
fête
dé
saint
Martin
pape
et
martyr,
que
la
Vénérable
prononça
ses
vœux.
Elle
le
fit
« avec
tant
de
disposition,
qu'elle
y
reçut
un
très
grand
surcroît
de
grâces
et
de
bénédictions ».
On
a
su
en
particulier
que,
tandis
qu'elle
disait
au
chœur
le
capitule
des
Vêpres
:
O
altitudo
divitiarum
sapientiae,
Dieu
lui
fit
comprendre,
«
dans
une
grande
lumière,
la
conduite
qu'il
avait
tenue
sur
elle
en
son
noviciat
»
si
«
rudement
»
éprouvé;
et
en
même
temps,
il
«
éleva
son
esprit
à
la
vue
des
secrets
de
[sa]
Providence...
sur
ses
créatures
».
Il
lui
découvrit
aussi
«
qu'elle
aurait
beaucoup
à
souffrir
tout
le
reste
de
sa
vie
»,
«
arrêt
»
que
Sœur
Madeleine
reçut
avec
une
amoureuse
soumission.
Elle
a
même
«
depuis
avoué
à
une
âme
de
confiance...
que
rien
ne
lui
plût
davantage
en
cette
communication
divine
qu'[une
telle]
promesse
».
Sur
quoi
le
P.
Gibieuf
fait
réflexion
que
l'acte
d'abandon
posé
à
ce
moment
par
la
sainte
Carmélite
«
lui
a
grandement
servi
pour
toute
sa
vie.
Car
comme
Dieu
ne
lui
a
point
épargné
les
croix,
elle
aussi
les
a
embrassées
avec
joie,
et
n'a
rien
tant
estimé
en
la
terre
que
la
grâce
de
souffrir.
Et
elle
disait
souvent
:
«
La
souffrance
est
chose
si
grande,
pourvu
qu'elle
soit
portée
fidèlement,
que,
quand
Dieu
trouve
une
âme
disposée
à
souffrir,
il
renverserait
plutôt
ciel
et
terre
qu'il
ne
lui
envoyât
des
souffrances.
»
L'imposition
solennelle
du
voile
noir
eut
lieu
le
lendemain
de
la
profession.
Quelques
jours
après,
comme
Sœur
Madeleine
de
Saint-Joseph
se
préparait,
selon
la
coutume
de
l'Ordre,
à
renouveler
ses
vœux
pour
la
fête
de
la
Présentation
de
la
sainte
Vierge,
elle
se
sentit
fortement
pressée
par
la
grâce
de
se
lier,
à
l'exemple
de
sainte
Thérèse,
par
le
vœu
de
faire
toujours
ce
qu'elle
saurait
être
le
plus
parfait.
Mais
M.
de
Bérulle
ne
voulut
pas
le
lui
permettre ;
elle
renonça
donc
à
son
attrait,
et
s'efforça
du
moins
de
pratiquer
ce
qu'elle
n'avait
pu
vouer. |