CHAPITRE
III
La
Vocation
1602-1604
Au
milieu
de
ses
ferveurs
et
de
ses
bonnes
œuvres,
la
Servante
dé
Dieu
songeait
toujours
à
son
avenir,
et
implorait
«
avec
soupirs
et
avec
larmes"
»
là
grâce
de
connaître
et
d'accomplir
parfaitement
les
vouloirs
divins.
Ils
allaient
enfin
lui
être
manifestés.
Peu
après
la
puissante
motion
qui
l'avait
entraînée
à
se
donner
tout
à
Dieu,
elle
reçut
de
si
vives
lumières
sur
ces
paroles
de
Jésus
:
Je
ne
suis
pas
du
monde,...
je
ne
prie
pas
pour
le
monde
;
et
encore
:
Il
y
à
beaucoup
d'appelés
et
peu
d'élus,
qu'elle
résolut
dé
rompre
avec
le
siècle
et
avec
sa
famille.
Toutefois
«
comme
cet
appel
intérieur
ne
la
déterminait
à
rien
dé
particulier,
dit
la
Mère
Marie
de
Jésus",
elle
hésitait
dans
le.
choix.
Elle
regardait
d'un
côté
avec
beaucoup
de
vénération
la
condition
religieuse,
mais
son.
humilité
n'y
trouvait
pas
tout
le
ravalement
qu'elle
eût
souhaité,
parce
que
l'état
de
religion
est
en
estime
même
parmi
les
mondains
qui
ne
peuvent
pas
s'empêcher
de
louer
ceux
qui
s'y
rangent
».
Elle
caressa
donc
quelque
temps
le
projet
d'imiter
les
abaissements
du
Sauveur
en
se
mêlant
aux
mendiants.
La
condition
«
de
saint
Alexis
lui
plaisait
fort,
et
elle
se
fût
estimée
bienheureuse
de
se
cacher
aux
yeux
des
hommes
pour
vivre...
dans
le
mépris
et
les
misères
dé
la
mendicité.
Mais
elle
en
fut
détournée
par le
peu
de
sentiment
de
Dieu,
par
le
débordement
de
vie
et
par
le
libertinage
de
paroles
0
»
assez
ordinaires
à
ceux
auxquels
elle
voulait
se
joindre.
Ne
pouvant
donc
adopter
«
cette
sorte
de
vie...
la
plus
abjecte
et
la
plus
contemptible
»,
elle
tourna
ses
regards
vers
les
filles
repenties,
car
«
tout
ce
qu'elle
cherchait
lors
c'était
de
faire
un
entier
sacrifice
à
Dieu
de
l'estime
et
de
la
réputation
que
sa
naissance
et
son
bon
esprit
lui
pouvaient
justement
faire
espérer
».
« Mais
elle
vit
bien
qu'on
ne
le
lui
permettrait
pas
»,
dit
encore
sa
confidente.
Ainsi,
peu
à
peu,
Dieu
lui
fil
comprendre
clairement
qu'elle
devait
être
religieuse.
Dès
lors
elle
eut
hâte
d'exécuter
son
dessein,
«
parce
qu'elle
ne
voulait
point
perdre
de
temps
dans
le
monde,
et
que,
[pensait-elle],
dans
la
religion
elle
eût
déjà
fait
plusieurs
pénitences
et
mortifications
».
Cependant,
au
témoignage
du
P.
Gibieuf,
ni
à
Paris,
ni
en
Touraine
ou
dans
les
provinces
voisines
elle
ne
pouvait
espérer
trouver
un
couvent
régulier
et
fervent;
il
fallait
pour
cela
aller
jusqu'aux
Feuillantines
de
Toulouse.
Aussi
s'orienta-t-elle
de
ce
côté.
Mais
le
religieux
auquel
elle
s'ouvrit
de
son
projet
la
dissuada
de
le
suivre.
Peu
après,
elle
apprit
par
les
Pères
Capucins
qu'on
préparait
l'établissement
à
Paris
de
moniales
de
leur
Ordre.
Ce
qu'on
lui
dit
de
la
vie
de
ces
saintes
femmes
lui
sourit
beaucoup,
et
elle
résolut
de
les
aller
rejoindre
dès
que
leur
maison
serait
fondée.
Cette
fois,
la
question
semblait
définitivement
tranchée.
Dieu,
néanmoins,
n'avait
pas
dit
son
dernier
mot",
et
il
allait
se
servir
d'un
incident
en
apparence
fortuit
pour
montrer
à
sa
Servante
la
place
qu'il
lui
avait
marquée
par
ses
décrets
éternels.
L'hiver
i6o3
touchait
à
sa
fin;
M.
de
Fontaines,
selon
son
habitude,
était
venu
avec
toute
sa
maison
s'installer
à
Tours,
afin
d'y
profiter
des
prédications
de
Carême.
Vers
le
même
temps
arrivait
dans
la
ville
un
jeune
aumônier
du
roi,
amené
par
dés
négociations
sur
lesquelles
nous
aurons
à
revenir;
on
le
nommait
Pierre
de
Bérulle.
Mû
par
un
simple
motif
de
civilité,
il
vint
se
présenter
à
l'hôtel
de
la
rue
Traverseyne,
afin
de
saluer
celui
que
la
renommée
lui
désignait
comme
l'un
des
hommes
dé
bien
lés
plus
en
vue
de
la
contrée.
Aimablement,
M.
de
Fontaines
retint
son
visiteur
à
dîner.
Madeleine
était
là,
faisant
comme
toujours
les
honneurs
de
la
maison;
Or
il
advint
qu'à
travers
les
mille
propos
d'une
conversation
sans
doute
d'abord
assez
banale,
ces
deux
âmes,
si
bien
faites
pour
se
comprendre,
eurent
comme
conscience
de
leur
parenté
spirituelle.
Aussi,
le
repas
fini,
l'entretien
prit-il,
entre
la
Servante
de
Dieu
et
son
hôte,
un
tour
tout
à
fait
intime.
Entre
autres
sujets,
elle
s'ouvrit
à
lui
de
ses
projets
d'avenir,
de
la
peine
qu'elle
avait
eue
longtemps
à
fixer
son
choix,
et
de
la
résolution
où
elle
était
présentement
de
se
faire
Capucine.
Lui,
sans
aucune
pensée
de
l'en
détourner,
parla
du
dessein
que
l'on
avait,
à
Paris,
d'établir
un
monastère
de
Carmélites
Déchaussées,
dessein
à
l'accomplissement
duquel
il
travaillait
précisément
dans
ce
voyage
de
Tour
aine.
A
peine
M.
de
Bérulle
eut-il
parlé
de
l'Ordre
du
Carmel,
que
Mlle
de
Fontaines
«
se
sentit
obligée
de
la
part
de
Dieu
d'y
entrer ;
et
comme
si
quelque
force,
infiniment
au-dessus
de
tout
ce
qu'elle
était,
l'eût
transportée
en
un
moment
d'un
endroit
à
l'autre,
elle
se
vit
étroitement
liée
à
la
religion
dont
elle
venait
d'avoir
connaissance.
M.
de
Bérulle
ne
lui
avait
parlé
que
cette
seule
fois...
elle
aussi
n'avait
jamais
eu
aucune
connaissance
de
son
esprit
et
de
sa
conduite;
elle
avait
une
très
grande
inclination
et
respect
à
la
conduite
des
Pères
Capucins;
elle
n'affectionnait
pas
seulement
les
Capucines,
mais
elle
était
toute
résolue
de
se
ranger
parmi
elles;
c'était
un
esprit
extrêmement
sage
et
considéré...
ferme
dans
ses
résolutions
et
éloigné
de
toute
inconstance.
Et
néanmoins,
voilà
qu'aussitôt
que
cette
ouverture
lui
est
faite,
il
faut
qu'elle
change...,
il
faut
qu'elle
se
rende
à
la
nouvelle
lumière
qui
brille
à
ses
yeux...
Ce
ne
fut
pas
sans
qu'il
lui
en
coûtât...,
et
elle
a
depuis
raconté
à
ses
familiers
qu'elle
disait
en
elle-même
:
«
Mais
n'est-ce
pas
chose
étrange
qu'il
vous
vienne
des
avis
quand
«
vous
n'en
cherchez
plus ?
»...
Ce
qui
justifie
clairement
que
ce
fut
un
œuvre
de
Dieu,
qui
l'avait
choisie
en
son
conseil
éternel
pour
être
la
pierre
fondamentale
de
cet
Ordre
en
France,
et
qu'à
cette
fin,
il
envoya
M.
de
Bérulle
en
Touraine,
en
apparence
pour
une
affaire
temporelle,...
mais
en
effet
pour
appeler
de
sa
part
cette
sienne
Servante,
et
l'engager
à
l'Ordre
pour
lequel
il
l'avait
élue.
Pendant
cette
conversation,
dont
le
P.
Gibieuf
vient
de
nous
dire
les
graves
résultats,
l'aiguille
courait
sur
Je
cadran,
lés
gens
de
la
maison
traversaient
sans
cessé
la
salle,
d'aucuns
y
venaient
même
ainsi
que
Renée
Michel
l'avoue
ingénument
—
«
pour
admirer
et
considérer
par
grande
estime
»
les
deux
interlocuteurs,
car
ils
se
parlaient
«
en
vérité...
plutôt
comme
les
anges
que
comme
les
mortels » ;
rien
de
tout
cela
ne
fut
capable
de
les
interrompre
ni
de
les
distraire,
et
les
serviteurs
venant
remettre
le
couvert
pour
le
souper
les
retrouvèrent
encore
occupés
à
leur
«
céleste
discours
».
« Mon
dit
sieur
de
Bérulle,
conclut
le
P.
Gibieuf,
demeura
si
satisfait,
du
succès
de
son
voyage,
et
de
l'heureuse
rencontre
qu'il
avait
l'aile
d'une
personne
si
utile
pour
l'avancement
de
l'Ordre
dont
Dieu
l'avait
chargé,
que,
depuis
ce
temps-là,
il
pria
tous
les
jours
Sa
Divine
Majesté
pour
elle,
comme
il
lui
dit
à
elle-même plusieurs
années
après.
»
Quelle
était
donc
cette
famille
religieuse
à
laquelle
notre
Vénérable
était
désormais
acquise
?
Quel
était
le
jeune
prêtre
qui
venait
dé
servir
ici
d'instrument
à
la
Providence ?
L'Ordre
de
Notre-Dame
du
Mont-Carmel,
dont
les
membres
aiment
à
faire
remonter
leur
origine
jusqu'au
saint
prophète
Élie,
florissait
en
Palestine
dès
les
premiers
siècles
de
l'ère
chrétienne.
Introduit
en
Europe
à
la
suite
des
Croisades,
il
ne
larda
pas
à
s'y
relâcher
de
sa
ferveur
première,
en
même
temps
qu'il
disparais-
sait
de
l'Orient
sous
le
cimeterre
musulman.
Bien
que
les
adoucissements
apportés
à
l'observance
eussent
été
légitimés
par
le
Saint-Siège
(1431),
des
religieux
de
haute
vertu
essayèrent
à
diverses
reprises
de
ramener
leur
Ordre
à
son
antique
perfection.
Mais
ces
tentatives
n'eurent
que
des
résultats
restreints.
Dieu
réservait
le
succès
à
celle
qui
reste
l'une
des
gloires
de
l'Église
comme
de
l'Espagne
:
la
séraphique
Thérèse
de
Jésus.
Doña
Teresa
de
Ahumada
naquit
à
Avila,
en
Castille,
l'année
même
(1515)
où
Luther
se
révoltait
contre
l'Église.
Merveilleusement
douée
sous
tous
rapports,
elle
puisa
au
sein
d'une
famille
chrétienne
une
piété
qui
donna
dé
bonne
heure
les
plus
belles
espérances.
Un
instant,
cependant,
le
monde
parut
la
captiver.
Mai
s'se
ressaisissant
bientôt,
elle
se
consacrait
à
Dieu,
dans
la
fleur
de
sa
jeunesse,
chez
lés
Carmélites
mitigées
de
sa
ville
natale.
Elle
y.
connut
les
épreuves
de
la
maladie
et
des
peines
intérieures,
et
aussi
des
alternatives
de
ferveur
et
de
quasi-tiédeur.
Enfin
Notre-Seigneur,
qui
ne
cessait
de
lui
faire
des
avances,
resta
maître
absolu
de
son
cœur.
Désormais
Thérèse
vola
dans
les
voies
de
la
plus
haute
sainteté :
elle
était
mûre
pour
sa
mission.
Le
désir
d'une
vie
moins
facile
et
surtout
plus
retirée
lui
inspira
alors
le
projet
de
fonder
un
monastère
où
elle
pût,
en
compagnie
de
quelques
âmes
éprises
du
même
idéal,
pratiquer
la
règle
primitive
du
Carmel et
garder
une
étroite
clôture.
Forte
dés
encouragements
que
lui
prodiguait
son
divin
Maître,
soutenue
aussi
par
l'approbation
et
lés
conseils
d'hommes
éminents,
entre
autres
de
saint
Pierre
d'Alcantara,
elle
aborda
l'entreprise,
et,
le
2
août
1562 jeta,
au
petit
couvent
de
Saint-Joseph d'Avila
« les
fondements
de
sa
Réforme.
L'opposition
s'éleva
bientôt,
violente ;
mais la
Réforme
subsista ;
et
lorsque
vingt
ans
plus
tard
le
4
octobre
1582,
à
Albe,
la
Sainte
Mère
exhalait
son
âme
dans
un
dernier
élan
d'amour
elle
laissait
à
l'Espagne
dix-sept
monastères
de
religieuse et
quatorze
de
religieux.
Car
elle
avait
également,
aidée
de
saint
Jean
de
la
Croix,
restauré
l'observance
primitive
chez
les
Carmes.
Un
détail
important
reste
à
dire
sur
les
origines
de
l'œuvre
thérésienne.
Vers
le
temps
où
la
Sainte
achevait
de
fonder
son
premier
monastère, elle
entendit
parler
des
ravages
de
toutes
sortes
que
l'hérésie
causait
en
France.
Profondément
émue,
elle
se
mit
à
chercher
le
moyen
de
dédommager
son
céleste
Epoux
ainsi
outragé,
d'aider
les
défenseurs
de
l'Église,
de
secourir
tant
d'âmes
exposées
à
la
perdition.
D'où
un
nouvel
élan
de
générosité
demandé
à
ses
religieuses
:
pauvreté
plus
stricte,
clôture
plus
sévère,
oraisons
plus
prolongées,
macérations
multipliées,
et,
au-dessus
de
tout
cela,
animant
tout
cela*
un
esprit
apostolique
formant,
au
témoignage
même
de
la
Sainte,
le
second
caractère
distinctif
de
sa
Réforme.
C
'est
donc
un
mouvement
d'amour
et
de
compassion
pour
la
France
qui
détermina
Thérèse
à
donner
à
son
œuvre
sa
dernière
perfection.
La
France
n'allait
pas
tarder
à
payer
de
retour
l'illustre
Réformatrice
en
accueillant
ses
Filles.
Dès
1583,
un
gentilhomme
normand
d'origine
espagnole,
M.
de
Brétigny,
entamait
des
pourparlers
à
cet
effet.
La
situation
politique
et
religieuse
du
pays
devait,
il
est
vrai,
les
prolonger
vingt
ans.
Mais
pendant
ce
délai,
la
Providence
préparait
ses
instruments
et
les
groupait
insensiblement
autour
de
celle
qui,
l'heure
venue,
devait
être
la
«
maîtresse
roue
»
dé
l'entreprise
:
la
bienheureuse
Marie
de
l'Incarnation,
dite
alors
Mme
Acarie.
Barbe
Avrillot
avait
été
attirée
dès
sa
jeunesse
vers
la
vie
religieuse.
Mais
par
déférence
pour
ses
parents,
elle
épousa
à
seize
ans
Pierre
Acarie
—
comme
elle
issu
d'une
famille
distinguée
et
riche
de
là
capitale
—
qui,
à
côté
de
qualités
foncières,
avait
certains
défauts
assez
faits
pour
exercer
la
vertu
de
sa
femme.
Celle-ci
ne
s'en
montra
pas
moins
une
épouse
modèle,
en
même
temps
qu'une
admirable
mère
de
famille
—
elle
eut
six
enfants
—
et
une
habile
maîtresse
de
maison.
Ses
devoirs
d'état
ne
l'empêchaient
pas,
du
reste,
de
vivre
dans
une
union
à
Dieu
qui
allait
fréquemment
jusqu'à
l'extase,
et
s'accompagnait
de
dons
exceptionnels
pour
la
conduite
des
âmes.
La
pieuse
femme
avait
ainsi
peu
à
peu
fixé
l'attention
des
gens
de
bien,
et
dès
les
dernières
années
du
XVIe
siècle,
elle
était
considérée
comme
une
sainte.
Chez
elle
affluaient
une
multitude
de
personnes
en
quête
de
conseil
ou
d'assistance,
soit
pour
des
besoins
privés,
soit
relativement
aux
bonnes
œuvres.
On
peut
donc
avancer
que
l'hôtel
Acarie
fut
à
Paris
l'un
des
foyers
les
plus
actifs
du
renouveau
religieux
qui
signala
cette
glorieuse
époque.
Ce
fut
là
aussi
que
se
rencontrèrent
et
s'unirent
ceux
et
celles
qui,
à
des
titres
divers,
devaient
concourir
à
la
fondation
en
France
du
Carmel
réformé.
Et
d'abord
les
trois
prêtres
éminents
appelés
à
en
être
les
premiers
Supérieurs
:
MM.
Gallemant,
du
Val
et
de
Bérulle.
De
Thérèse,
il
conçut
le
désir
de
propager
son
Ordre
et
y
travailla
toute
sa
vie.
Il
contribua
à
la
fondation
de
Lisbonne,
amena
les
Carmélites
en
France,
puis
en
Belgique
où
il
fut
quelque
temps
leur
supérieur ;
et
médita
jusque
dans
ses
dernières
années
une
fondation
au
Congo.
Il
avait
été
ordonné
prêtre
en
1588
et
mourut
à
Rouen
en
1634.
Nous
n'avons
aucun
renseignement
sur
les
rapports
spéciaux
qu'a
pu
avoir
avec
la
Mère
Madeleine ;
ce
grand
zélateur
des
fondations
carmélitaines.
Jacques
Gallemant
était
alors
curé
d'Aumale.
Homme
de
doctrine
mais
homme
d'oraison
plus
encore,
il
vivait
depuis
sa
petite
enfance
dans
un
commerce
plus
qu'ordinaire
avec
Dieu,
et
pratiquait
une
austère
pénitence.
Ce
contemplatif
se
doublait
d'un
apôtre,
et
il
se
dépensa
non
seulement
pour
sa
propre
paroisse,
où
il
opéra
des
merveilles,
mais
encore
pour
beaucoup
d'autres
où
il
prêchait
et
confessait
avec
grand
fruit.
Vers
1697,
Mme
Acarie
lui
avait
confié
le
soin
de
sa
conscience.
M.
de
Brétigny
s'était
également
mis
sous
sa
conduite,
et,
en
lui
communiquant
ses
projets
relatifs
au
Carmel,
il
lui
avait
fait
partager
ses
désirs.
Assez
différent
apparaît
le
docteur
André
du
Val.
«
Du
Val
était
la
théologie
faite
homme
»,
a-t-on
écrit
de
nos
jours ;
le
mot
-est
heureux.
Servir
la
cause
de
Dieu
par
la
science,
telle
fut
l'unique
ambition
de
ce
digne
ecclésiastique
qui
fait
encore
honneur
à
la
vieille
Sorbonne.
«
C'était
un
des
plus
illustres
jurisconsultes
sacrés
de
son
temps,
et
de
qui
les
décisions
se
répandaient
le
plus
loin
par
le
christianisme
(sic)
»;
aussi
saint
Vincent
de
Paul
et
ses
premiers
missionnaires
recoururent-ils
assidûment
à
ses
lumières.
Mais
surtout,
«
il
a
été
recommandable
par
un
insigne
zèle
pour
la
défense
du
Siège
Apostolique
».
Théologien
par
attrait
et
par
profession,
il
se
montra
en
même
temps
prédicateur
distingué,
et
prêcha
plus
de
dix-huit
stations
de
carême.
Aussi
est-ce
bien
à
propos
que
saint
François
de
Sales
le
disait
«
bon
à
tout
».
Henri
IV
eût
voulu
attirer
un
tel
homme
à
la
cour.
Mais
M.
du
Val
joignait
à
son
mérite
une
grande
modestie,
et
refusa
toujours
les
évêchés
ou
les
bénéfices
qui
lui
furent
offerts.
Né
pauvre,
«
il
se
tint
[toute
sa
vie]
dans
la
simplicité
avec
les
pauvres
et
les
petits,
dont
il
cherchait
le
salut
par
ses
prédications
».
Le
nom
de
M.
de
Bérulle
reviendra
plus
souvent
que
ceux
de
ses
collègues
dans
l'histoire
delà
vénérable
Madeleine.
Il
nous
arrêtera
donc
ici
davantage.
Pierre
de
Bérulle
naquit
au
château
de
Sérilly
en
Champagne,
en
1576.
Exceptionnellement
doué
du
côté
de
l'intelligence,
il
avait
aussi
reçu
de
là
nature
un
cœur
noble
et
généreux,
un
caractère
doux
allié
à
une
forte
volonté,
une
gravité
précoce
trahissant
le
sang
de
magistrat
qu'il
tenait
de
sa
mère,
Louise
Séguier.
Mais plus
encore
que
ses
qualités
naturelles,
on
avait,
dès
son
enfance,
remarqué
sa
piété.
A
sept
ans,
il
reçut
sur
Dieu
et
là
pureté
une
lumière
si
vive,
qU'il
fît
vœu
de
virginité,
et
se
prescrivit
certaines
prières
et
pénitences
pour
obtenir
la
grâce
d'être
fidèle
à
cet
engagement.
Vers
le
même
temps,
à
l'occasion
de
la
mort
de
son
père,
il
remplit
auprès
de
sa
vertueuse
mère
l'office
de
consolateur
avec
une
maturité
et
un
esprit
de
foi
bien
au-dessus
de
son
âge.
Chez
les
Jésuites,
sous
la
conduite
desquels
il
fit
ses
études ;
maîtres
et
élevés
admirèrent
sa
vie
vraiment
angélique
comme
ses
succès
scolaires,
Lui,
de
son
côté,
voua
à
la
Compagnie
de
Jésus
un
attachement
qui
eut
bientôt
l'occasion
de
se
traduire
en
actes.
Car
les
Jésuites
ayant
été
bannis
par
y
le
Parlement
en
1594,
il
leur
rendit
de multiples
et
importants
services.
Si
grandes
étaient
l'estime
et
la
confiance
qu'inspirait
cet
étudiant
de
dix-neuf
ans,
que
le
provincial,
en
partant,
s'en
reposa
sur
lui
du
soin
d'examiner
et
d'admettre
les
jeunes
gens
désireux
d'entrer
dans
l'Ordre,
et
ceux
qu'il
y
jugea
propres
furent
en
effet
reçus.
Des
grâces
particulières
vinrent
à
cette
époque
accroître
encore
sa
piété
et
donner
à
sa
spiritualité
une
orientation
définitive
:
amour
pour.
Dieu
très
dégagé
de
toutes
choses,
contemplation
du
Verbe
dans
les
anéantissements
de
son
Incarnation,
union
avec
lui
par
Marie
sa
Mère.
On
comprend
qu'une
telle
âme
aspirât
au
service
des
autels.
Après
avoir
brillamment
fait
sa
théologie
en
Sorbonne,
il
fut
ordonné
prêtre
le
5
juin 1599.
Mme
Acarie
s'adressa
aussitôt
à
lui
en
confession.
Elle
était
sa
parente,
et
avait
souvent
loué
Dieu
des
merveilles
qu'il
opérait
en
celui
qu'avec
d'autres
elle
appelait
le
«
petit
saint
».
Depuis
plusieurs
années
déjà,
le
zèle
du
jeune
Bérulle
l'avait
porté
à
s'employer
au
bien
des
âmes.
Le
sacerdoce
lui
ouvrait
plus
largement
la
porte.
Il
se
donna
donc
tout
entier
soit
à
courir,
comme
le
Bon
Pasteur,
à
là
recherché
des
brebis
égarées
dans
l'hérésie
ou
le
désordre,
soit
à
guider
dans
les
voies
de
Dieu
les
âmes
choisies
qui,
chaque
jour
plus
nombreuses,
se
groupèrent
autour
de
lui.
C'est
qu'il
possédait
à
un
rare
degré
art
divin
de
la
direction;
sa
manière
rappelle
quelque
peu
celle
de
saint
François
de
Sales.
Aussi
bien,
dans
ce
même
hôtel
Acarie,
nous
allons
voir
l'évoque
de
Genève
entrer,
lui
aussi,
en
rapport
avec
Pierre
de
Bérulle,
et
lui
vouer
d'emblée
estime
et
amitié.
«
Il
est
tout
tel
que
je
saurais
désirer
d'être
moi-même,
écrira-t-il,
de
retour
dans
ses
montagnes ;
je
n'ai
guère
vu
d'esprit
qui
me
revienne
comme
celui-là,
même si
je
n'en
ai
point
vu
ni
rencontré.
»
Après
un
tel
éloge,
il
ne
reste
rien
à
ajouter,
sinon
qu'un
autre
Saint,
Vincent
de
Paul,
venant
à
Paris
peu
d'années
après,
fera
de
M.
de
Bérulle
le
même
cas
que
François
de
Sales
et
le
prendra
pour
directeur.
A
la
fin
de
1601,
tandis
que
Mme
Acarie
faisait
l'édification
de
la
capitale
et
y
travaillait
au
bien
de
beaucoup
d'âmes
et
de
beaucoup
d'œuvres,
«
la
sainte
Mère
Thérèse
lui
apparut
visiblement
et
l'avertit
que
Dieu
voulait
qu'elle
s'employât
à
fonder
en
France
des
monastères
de
son
Ordre
».
La
Bienheureuse
soumit
cette
révélation
à
Dom
Beaucousin,
prieur
des
Chartreux,
son
directeur,
qui
lui-même
en
voulut
conférer
avec
les
trois
prêtres
dont
il
vient
d'être
parlé.
«
L'affaire
étant
proposée,
écrit
l'un
d'eux,
on
y
trouva
de
si
grandes
difficultés
qu'on
la
jugea
totalement
impossible,
et
dit-on
à
cette
Bienheureuse
qu'elle
ôtât
cela
de
son
esprit,
au
moins
jusques
à
ce
que
Dieu
eût
détourné
les
grands
empêchements
qu'il
y
avait
lors...
Mais
voici
que
sept
ou
huit
mois après,
la
Sainte
Mère
lui
apparut
pour
la
seconde
fois,
plus
fortement
et
puissamment
qu'à
la
première,
lui
commandant
de
mettre
derechef
sur
le
bureau
cette
affaire,
l'assurant
que,
nonobstant
toutes
les
difficultés
qu'on
y
trouvait,
elle
réussirait.
Celte
seconde
révélation
étant
communiquée
au
Père
Chartreux,
il
convoqua
les
mêmes
personnes
qui
avaient
assisté
à
la
première
assemblée,
et
avec
eux
M.
de
Sales,
évêque
de
Genève,
qui
prêchait
lors
à
Paris.
»
Mme
Acarie
s'y
trouva
également.
Cette
fois,
tous
lés
avis
se
réunirent
en
faveur
du
projet.
On
décida
en
outre
que
le
monastère
se
ferait
à
Paris;
que
l'érection
canonique
en
serait
demandée
au
Saint-Siège;
qu'on
appellerait
d'Espagne,-pour
effectuer
cette
fondation,
des
Carmélites
ayant
reçu
de
sainte
Thérèse
même
ou
de
ses
Filles
immédiates
la
formation
religieuse
et
l'esprit
de
la
Réforme;
enfin
que,
la
situation
politique
du
royaume
catholique
vis-à-vis
de
la
France
rendant
absolument
impossible
d'en
faire
venir
des
religieux
en
même
temps
que
les
religieuses,
on
solliciterait
du
Souverain
Pontife
pour
celles-ci
un
gouvernement
analogue
à
celui
que
le
même
Clément
VIII
venait
d'approuver
pour
un
Carmel
fondé
à
Rome.
Les
trois
supérieurs
proposés
à
cet
effet
étaient
MM.
Gallemant,
du
Val
et
de
Bérulle.
Pendant
que
se
tenaient
aux
Chartreux
(juillet
1602)
ces
assemblées
mémorables,
Dieu
intervenait
encore
pour
doter
l'œuvre
d'une
fondatrice
temporelle
:
la
princesse
Catherine
de
Longueville,
et
d'un
soutien
précieux.
:
Michel
de
Marillac.
Ce
dernier
était
en
outre
destiné
à
contracter
avec
la
Mère
Madeleine
—
à
la
famille
de
laquelle
la
sienne
s'alliait
du
reste
—
une
de
ces
amitiés
surnaturelles
et
profondes,
riches
de
tous
les
dévouements
et
survivant
à
toutes
les
disgrâces.
A
ce
titre,
il
doit
retenir
ici
notre
attention.
Né
à
Paris
en
1563
d'une
famille
originaire
d'Auvergne,
il
aspira
dès
l'enfance
à
«
servir
l'Eglise
»,
et
s'il
ne
le
fil
pas
dans
l'état
ecclésiastique
ou
religieux,
comme
il
y
songea
d'abord,
du
moins
chercha-t-il
toute
sa
vie
à
réaliser
son
programme
dans
le
monde.
Ces
principes
le
donnèrent
à
la
Ligue ;
mais
la
rectitude
de
son
jugement,
sa
prudence,
sa
modération,
le
préservèrent
des
entraînements
où
se
précipitèrent
tant
d'autres.
Bien
qu'il
ne
fût
alors
que
jeune
conseiller
au
parlement,
il
résista
de
tout
son
courage
à
la
faction
espagnole
et
contribua
beaucoup
à
ramener
les
esprits
à
Henri
IV.
Aussi
ce
prince
eut-il
tout
de
suite
en
estime,
et
sans
que
Marillac
fît
rien
pour
cela,
les
honneurs
commencèrent
à
venir
au
devant
de
lui.
A
l'heure
où
nous
sommes
arrivés,
il
est
maître
des
requêtes
;
en
1612,
alors
qu'il
méditera
sa
retraite,
il
sera
appelé
à
la
charge
de
conseiller
d'état,
puis
en
162A
à
celle
de
surintendant
des
finances,
enfin
en
1626
à
celle
de
gardé
dés
sceaux.
Par
son
rôle
politique,
Michel
de
Marillac
appartient
à
l'histoire
et
a
été
diversement
jugé.
Ici,
nous
n'avons
à
lé
considérer
qu'au
point
de
vue
spirituel,
et,
sous
ce
rapport,
il
s'est
imposé
au
respect
de
tous
ses
contemporains.
Toujours,
en:
effet,
on
vit
ce
grand
homme
dominer
ses
emplois
et
ce
milieu
de
la
cour
où
il
était
forcé
de
vivre.
L'intégrité
semblait
être
née
avec lui ; si
parfois
elle
l'obligeait
à
rebuter
les
solliciteurs,
sous
ces
dehors
un
peu
froids,
rudes
même
à
l'occasion,
il
cachait
un
cœur
excellent.
Enfin,
époux,
père
de
trois
enfants,
tuteur
d'une
de
ses
nièces,
homme
d'état,
il
conservait
au
milieu
du
tracas
des
affaires
et
des
séductions
qui
l'entouraient
une
vertu
austère,
un
désintéressement
des
plus
rares
et
une
vie
d'oraison
intense.
Aussi
mérita4-il
parfois
des
visites
du
ciel.
C'est
par
une
de
ces
touches
spéciales
qu'il
fut
incité,
en
1602,
pendant
qu'il
lisait
les
œuvres
de
sainte
Thérèse,
à
s'occuper
d'introduire
en
France
les
Filles
dé
la
grande
Réformatrice.
Mme
Acarie
avait
donc
maintenant
sous
la
main
tous
les
collaborateurs
que
Dieu
lui
destinait
:
l'affaire
de
la
fondation
allait
être
activement
poussée
tant
à
Paris
qu'à
Rome.
Il
s'agissait
d'obtenir
les
lettres
patentes,
la
bulle
d'érection
et
la
cession
du
prieuré
de
Notre-Dame-des-Champs,
dans
lequel
on
avait
résolu
d'installer
le
nouveau
monastère.
Ce
prieuré,
dépendant
de
l'abbaye
bénédictine
de
Marmoutier,
était
situé
au
sud
de
la
capitale,
dans
le
faubourg
Saint-Jacques
et
sur
la
paroisse
du
même
nom.
Le
bon
air
de
ce
quartier
un
peu
élevé,
la
solitude
relative
qui
y
régnait,
le
voisinage
d'autres
couvents,
tout
cela
avait
plu
à
Mme
Acarie
et
à
ses
auxiliaires.
Mais
leur
choix
fui
surtout
fixé
par
les
grands
souvenirs qui
se
rattachaient
à
ce
coin
de
terre.
Sous
l'église,
une
longue
crypte
creusée
dans
le
roc
avait,
«
selon
la
tradition
tenue
de
toute
antiquité
à
Paris
»,
servi
de
retraite
à
saint
Denis.
L'illustre
martyr
aurait
même,
dit-on,
consacré
le
lieu
à
Marie.
Quoi
qu'il
en
soit,
la
Vierge
Mère
était,
de
temps
immémorial,
reine
et
maîtresse
de
céans.
Dans
une
chapelle
mi-souterraine,
pratiquée
au-dessus
de
la
précédente,
on
honorait
deux
de
ses
statues,
dont
l'une
surtout,
considérée
comme
miraculeuse.
El
sur
l'autel
même
de
l'église
trônait
une
troisième
madone
de
pierre,
dite
Notre-Dame
des
Champs
ou
la
Belle
Dame,
fort
chère
aux
paysannes
d'alentour,
et
à
qui
la
maison
empruntait
son
nom.
Enfin,
le
corps
du
bienheureux
Réginald
avait,
durant
trois
siècles,
attiré
là
une
foule
de
pèlerins
et
de
malades
en
quête
de
guérison.
Bref,
l'endroit
était
vénérable.
Les
dernières
guerres
avaient
été
funestes
au
prieuré.
En
1602,
trois
moines
seulement
y
vivaient
tant
bien
que
mal
dans
des
locaux
presque
en
ruines.
Néanmoins,
le
cardinal
de
Joyeuse,
abbé
commendataire
de
Marmoutier,
et
plus
encore
le
chapitre
de
l'abbaye,
refusèrent
longtemps
d'accepter
la
transaction.
Henri
IV
dut
intervenir,
et
c'est
pour
terminer
cette
affaire
que
M.
de
Bérulle
se
rendit
à
Tours
en
mars
i6o3.
Nous
avons
vu
comment
Dieu
lui
fit,
dans
ce
voyage,
trouver
ce
qu'il
n'avait
point
cherché
:
la
pierre
fondamentale
de
la
future
communauté.
Les
choses
une
fois
réglées
de
ce
côté,
et
tandis
qu'on
poursuivait
à
Rome,
en
vue
d'obtenir
la
bulle
d'érection,
des
démarches
qui
aboutirent
en
novembre
suivant,
Mme
Acarie
s'occupait
simultanément,
à
Paris,
de
la
construction
du
nouveau
monastère
et
de
la
direction
des
jeunes
personnes
qui
aspiraient
à
s'y
consacrer
à
Dieu.
A
peine,
en
effet,
le
projet
de
fondation
avait-il
été
divulgué,
qu'un
petit
noyau
de
sujets
remarquables
s'était
formé
autour
de
la
Bienheureuse.
Elle
accepta
d'en
prendre
soin
et
de
préparer
ainsi
aux
religieuses
des
novices
sûres
et
déjà
éprouvées,
service
dont
le
Carmel
profita
beaucoup
et
lui
garda
bonne
reconnaissance.
Réunies
avec
la
permission
de
l'évêque
de
Paris,
au
nombre
d'une
douzaine,
dès
la
fin
de
l'été
1602,
ces
prétendantes
vécurent
quelque
temps
chez
leur
sainte
directrice.
Mais
le
maître
du
logis
troublait
souvent
leurs
exercices,
et
laissait
paraître
du
mécontentement
—
on
le
comprend
un
peu
—
de
voir
son
hôtel
transformé
en
noviciat.
Aussi
la
petite
colonie
fût-elle
transférée
auprès
de
Sainte-Geneviève,
d'où
le
surnom
qui
lui
demeura
de
«
congrégation
de
Sainte-Geneviève
».
C'est
à
l'un
de
ses
membres,
la
sympathique
Mme
Jourdain,
devenue
depuis
la
Mère
Louise
de
Jésus,
que
revient
en
partie
l'honneur
d'avoir
obtenu
pour
le
Carmel
de
France
des
fondatrices
qui
fussent
Filles
directes
de
sainte
Thérèse.
M.
de
Brétigny
s'était,
dès
octobre
1602,
mis
en
peine
de
reprendre
à
cette
fin
ses
relations
avec
les
Carmes
d'Espagne.
Mais
ses
efforts
restaient
vains.
«
La
fausse
prévention
où
sont
tous
les
Espagnols
que
la
vertu
ne
peut
pas
se
pratiquer
avec
autant
de
ferveur
chez
les
autres
nations
que
parmi
eux,
leur
fit
croire
que
les
observances
de
la
Réforme
étaient
trop
rigoureuses
pour
être
gardées...
dans
des
climats
qu'ils
s'imaginaient
être
différents
du
leur.
»
En
conséquence
le
Père
général,
François
de
la
Mère-de-Dieu,
refusait
de
laisser
ses
sujets
sortir
de
la
Péninsule.
L'infatigable
solliciteur
avait
beau
y
mettre
toute
l'humilité
en
même
temps
que
toute
l'instance
possibles,
il
avait
beau
faire
remarquer
que
ce
ne
serait,
si
le
Général
le
voulait,
qu'un
prêt
pour
peu
d'années,
et
que
la
France
prenait
à
sa
charge
tous
les
frais
comme
toute-la
peine
de
l'établissement,
il
était
toujours
éconduit.
On
passa
pendant
près
d'un
an
par
bien
des
alternatives.
Tantôt
on
était
résolu,
à
poursuivre
coûte
que
coûte
les
pourparlers
avec
l'Espagne
;
tantôt
on
était
prêt
à
se
tourner
vers
l'Italie,
ou
bien
à
envoyer
des
Françaises
faire
leur
noviciat
dans
des
Carmels
d'Espagne,
ou
encore,
de
guerre
lasse,
on
en
revenait
à
la
pensée
dé
fonder
avec
les
seules
constitutions
de
sainte
Thérèse,
en
confiant
pendant
quelque
temps
la
direction
de
la
maison
à
une
pieuse
abbesse
de
France.
Un
jour
d'automne
i6o3,
Mme
Acarie
parlait
de
ses
perplexités
avec
Mme
Jourdain
et
paraissait
pencher
vers
cette
dernière
solution.
«
Vous
n'avez
rien
fait
jusqu'à
présent,
«
répondit
la
jeune
veuve
avec
sa
rondeur
ordinaire,
et
ne
ferez
«
rien
bien
si
vous
ne
faites
que
l'on
ait
des
religieuses
d'Espagne.
—
Mais
nous
n'avons
personne
qui
ira
les
quérir.
—
Ce
sera
moi,
répliqua
l'intrépide
Louise.
Ce
mot
trancha
la
question.
Le
26
septembre
suivant,
Mme
Jourdain
quittait
Paris
avec
plusieurs
compagnes
et
compagnons,
dont
naturellement
M.
de
Brétigny.
On
décida
M.
de
Bérulle
à
les
rejoindre
au
bout
de
quelques
mois,
estimant
sa
présence
indispensable
pour
mener
l'affaire
à
bonne
fin,
car
elle
était
ardue.
«
Sa
divine
Majesté,
dit
la
bienheureuse
Anne
de
Saint-Barthélemy,
témoin
oculaire,
éprouvait
leur
courage
—
[des
Français]
—
en
toutes
sortes
de
manières,
mais
ils
étaient
si
fidèles
à
Dieu
en
leurs
desseins
que
rien
ne
les
abattait...
Ils
travaillèrent
presque
un
an
avant
d'obtenir
de
l'Ordre
ce
qu'ils
demandaient;
ils
eurent
à
souffrir
de
grands
travaux
et
injures,
car
on
ne
les
connaissait
pas
pour
tant
serviteurs
de
Dieu
qu'ils
l'étaient.
»
Ce
qui
les
soutenait,
c'était
l'attitude
des
Carmélites,
dont
les
sentiments exprimés
depuis
vingt
ans
à
M.
de
Brétigny
né
se
démentaient
pas;
Ces
bonnes
Carmélites
étaient
ravies
et
abîmées
en
admiration
de
la
Providence
divine,
laquelle
envoyait
de
si
loin
des
personnes
pour
travailler
à
l'augmentation
de
l'Ordre.
Toutes
avaient
tant
d'affection
aux
fondations
de
France,
qu'elles
s'offraient
volontiers
à
faire
le
voyagé
et
à
y
travailler
de
tout
leur
pouvoir
».
Les
longs
pourparlers
multiplièrent
les
occasions
de
contact
entre
ces
saintes
filles
et
les
Français,
et
l'estimé
de
ceux-ci
pour
la
Réforme
thérésienne
devint
de
ce
chef
plus
grande
encore,
plus
vif
aussi
leur
désir
de
l'implanter
chez
eux
dans
son
entière
pureté.
«
Je
reçois
consolation
particulière
d'être
employé
en
cette
affaire
»,
écrivait
M.
dé
Bérulle
à
Mme
Acarie,
car
celle-ci
restait
de
loin
«
le
premier
mobile
qui
donnait
mouvement
à
tout
le
reste
»
;
«
il
y
à
sujet
de
grande
édification,
spécialement
les
monastères
de
filles,
où
il
se
pratique
«
une
très
grande
perfection.
Que
celles
qui
prétendent
à
cet
Ordre
sachent
deux
mots
en
espagnol,
qui
est
que,
en
ces
monastères,
on
fait
profession
d'obedienza
EN
TODO,
pobreza
EN
TODO,
et
qu'elles
fassent
provision
d'une
grande
humilité
et
docilité
d'esprit
pour
recevoir
parfaitement
l'esprit
dé
ce
saint
Ordre,
qui
leur
sera
communiqué
selon
leurs
dispositions
et
par
le
mérite
des
saintes
âmes
que
j'espère
devoir
venir
en
France.
»
Cette
espérance
devint
enfin
une
réalité,
et
le
20
août
1604,
l'exode
des
Carmélites
fondatrices
commençait.
«
Tous
nos
voyageurs
français
étaient
persuadés
qu'ils
avaient
en
leur
possession
un
grand
trésor,
c'est
ainsi
qu'ils
regardaient
les
Mères
qu'ils
amenaient
en
France.
»
Mais
laissant
la
petite
caravane
gagner
Paris
à
travers
mille
péripéties,
il
est
temps
d'en
revenir
à
notre
Vénérable.
Depuis
qu'elle
était
résolue
de
se
donner
au
Carmel,
elle
ne
pensait
plus
qu'à
préparer
son
départ.
Toutefois,
il
lui
restait
auparavant
à
soutenir
contre
son
père
une
lutte
douloureuse.
Perdre
la «
perle
»
de
son
foyer,
l'appui
de
sa
vieillesse,
la
seconde
mère
de
ses
derniers
enfants,
Antoine
du
Bois,
ne
pouvait
s'y
résigner.
Longtemps
il
employa
contre
sa
fille
les
raisonnements,
les
témoignages
de
tendresse,
même
les
menaces
qui
ne
lui
seyaient
guère
vis-à-vis
d'elle.
Puis,
voyant
que
Madeleine,
bien
que
très
sensible
à
ces
procédés,
n'en
demeurait
pas
moins
inébranlable,
il
s'aigrit
tellement
contré
elle
qu'il
se
prit
à
«
la
contredire
en
toutes
choses
»
et
«
à
lui
faire
éprouver
plusieurs
duretés
».
Pourtant
elle
avait
toujours
mis
et
mettait
encore
tous
ses
soins
à
lui
complaire,
car
elle
l'aimait
on
dirait
volontiers
avec
passion,
si
le
terme
ne
paraissait
impropre
à
la
personne.
Elle
souffrit
donc
beaucoup,
elle
pria*
elle
attendit,
elle
tâcha
aussi
de
faire
jouer
l'adresse
sainte
que
lé
Seigneur
lui
avait
départie
pour
« gouverner
l'esprit
de
ce
bon
vieillard
»,
et
essaya
de
l'amener
au moins
à
consentir
au
voyage
de
Paris.
Mme
Acarie — que
des
liens
de
parenté
unissaient
à
la
famille
de
Mme de
Fontaines
—
travaillait
de
loin
dans
le
même
sens.
M.
de
Bérulle
lui
avait
dit,
en
effet,
dès
son
retour
de
Touraine, « l'estime
qu'il
faisait
en
toutes
manières
[de
Madeleine],
et
qu'il
fallait
la
demander
à
Dieu
pour
l'Ordre
de
sa
sainte
Mère
».
Ce
que
la
Bienheureuse
avait
aussitôt
pris
à
cœur,
entrant
en
outre
en
correspondance
avec
la
jeune
fille:
L'hiver
suivant,
le
mariage
de
Pierre
lui
fournit
l'occasion
de
représenter
à
M.
de
Fontaines
qu'il
pouvait
désormais
abandonner
la
gestion
de
ses
domaines
à
son
fils,
et
venir
habiter
la
capitale,
où
il
«
aurait
beaucoup
plus
de
retraite
et
consolation
spirituelle...
Elle
faisait
cela
pour
avoir
moyen
de
le
gagner
poUr
donner
sa
fille
à
Dieu
»,
avoue
Marie
de
la
Trinité,
qui
était
elle-même
dans
le
complot,
Mais
les
insinuations
n'eurent
pas
plus
de
succès
que
les
instances.
Cependant,
l'opposition
d'un
chrétien
de
la
trempe
d'Antoine
du
Bois
ne
pouvait
se
prolonger
indéfiniment.
Il
avait
déjà
consulté
« plusieurs
Pères
dé
religion
»
sans
qu'aucun
d'eux
ait
réussi
à
le
persuader,
quand
il
résolut
enfin
de
s'en
remettre
absolument
à
.l'avis
d'un
certain
Minime,
favorisé,
disait-on,
de
lumières
extraordinaires.
Le
Minime
pria,
puis
répondit
que
cette
vocation
venait
d'En
Haut,
et
qu'on
ne
pouvait
y
mettre
obstacle
sans
culpabilité.
Le
pauvre
père
essaya
de
se
débattre
encore.
Alors
le
religieux
lui
confia
que,
pendant
sa
messe,
Jésus-Christ
lui
était
apparu
et
lui
avait
dit,
parlant
de
Madeleine
:
«
Je
l'ai
élue,
et
je
lui
montrerai
combien
il
faut
qu'elle
souffre
pour
ma
gloire
et l'honneur
de
ma
Mère.
» M.
de
Fontaines
n'osa
résister
davantage,
et
le
départ
pour
Paris
fut
décidé.
On
devine
là
désolation
des
habitants
de
la contrée,
dés
pauvres
surtout,
quand
ils
surent
que la
Servante
de
Dieu
allait
les
quitter.
«
Tout
le
monde
pleura
à
son
départ
»,
rappelait
quarante
ans
âpres
une
bonne
femme
du
pays.
Et
Madeleine,
qui
« était
d'un
naturel fort
affectif
[et]
aimait
si
tendrement
ceux
qui
l'aimaient
»,
avouait
de
son
côté
«
qu'elle
avait
eu
autant
de
sacrifices
à
faire
qu'elle
avait
laissé
de
personnes
qui
pensaient
en
elle
(sic)
».
De
plus,
elle
fut
alors
assaillie
d'une
tentation
à
laquelle
elle
ne
s'at-
tendait
guère.
Cette
campagne
qui
jusque-là
ne
lui
avait
jamais
plu,
cette
demeure
familiale
pleine
de
tant
de
souvenirs,
ce
parc,
ce
clocher
du
village,
en
Un
mot,
tout
ce
à
quoi
elle
allait
dire
adieu,
lui
parut
soudain
si
charmant
qu'il
lui
.semblait
abandonner
un
paradis.
Néanmoins,
elle
sut
si
bien
se
dominer
que
nul
parmi
les
siens
ne
s'aperçut
du
combat
qu'elle
avait
à
soutenir.
Au
contraire,
durant
le
voyage,
«
c'était
elle
qui
divertissait,
mais
saintement,
toute
la
compagnie;
surtout
elle prit
un
soin
extrême
d'entretenir
et
de
consoler
[son
père],
et
joignant
la
piété
à
cette
humeur
agréable
elle
fil
en
sorte
que
le
carrosse
qui
les
-conduisait
devint
comme
un
petit
oratoire;
l'oraison
et
les
prières
vocales
y
avaient
leurs
heures
réglées,
et
il
paraissait
tant
de
modestie
en
toutes
ces
personnes
que,
sous
les
habits
séculiers,
chacun
les
eût
prises
pour
des
religieux
les
plus
réformés
».
Par
un
heureux
présage,
les
voyageurs
arrivèrent
à
Paris
le
20
juillet,
«
jour
de
Saint
Élie
père
et
patron
de
l'Ordre
»
du
Carmel.
Mme
Acarie
avait
été
prévenue
d'avance,
et
même
priée
de
trouver
un
logement
;
elle
l'avait
choisi
tout
proche
de
son
hôtel
afin
de
faciliter
ses
communications
avec
Madeleine.
Dès
leurs
premiers
contacts,
la
Bienheureuse
reconnut
son
mérite
et,
de
concert
avec
M.
de
Bérulle,
se
réjouit
grandement
à
la
pensée
qu'une
telle
postulante
«
serait
un
jour
aux
religieuses
Carmélites
de
France
ce
que
sainte
Thérèse
était
à
celles
d'Espagne
».
Aussi
engagea-t-elle
les
autres
aspirantes
à
s'ouvrir
à
la
nouvelle
venue
de
leurs
besoins
spirituels,
«
disant
que,
pour
elle,
elle
ne
lui
voudrait
rien
celer
0
».
Elle
la
vit
fort
souvent
et
intimement
au
cours
de
ces
quelques
mois,
et
M.
de
Bérulle
de
même.
Pendant
leurs
conférences
«
au
logis
de
M.
Acarie,
dé
crainte
que
mon
dit
sieur
Acarie
ne
les
troublât,
raconte
Renée
Michel
—
non
peut-être
sans
une
pointe
de
malice
—,
ils
m'envoyaient
l'entretenir,
ce
que
je
faisais
quelquefois
deux
ou
trois
heures
durant
».
Mlle
de
Fontaines
avait
encore,
par
devoir
de
famille,
d'autres
visites
à
faire,
en
particulier
chez
Mme
de
Sillery,
sa
tante,
qui
l'aimait
beaucoup.
M.
de
Sillery
partageait
cette
affection.
Homme
d'état,
très
absorbé
par
les
affaires,
il
prenait
néanmoins
le
temps
d'assister
aux
visites
de
sa
nièce
autant
qu'il
le
pouvait.
«
Il
avait
une
satisfaction
non
pareille
à
l'entretenir
»,
mais
comme
Madeleine,
par
modestie
et
respect,
restait
assez
silencieuse
en
sa
présence,
parfois
le
futur
chancelier
«
se
cachait
derrière
sa
chaise
pour
l'écouter
lorsqu'elle
[parlait]
avec
quelqu'autre
personne
avec
qui
elle
était
plus
libre
».
A
mesure
qu'il
la
voyait,
il
l'estimait
davantage,
et
«
disait
qu'il
n'avait
jamais
connu
d'esprit
plus
digne
d'être
régente
en
France
0
».
Aussi
ne
pouvait-il
se
résoudre
à
la
voir
s'ensevelir
dans
un
cloître
et
lit-il
tout
ce
qu'il
put
pour
lui
persuader
de
se
marier.
Elle
resta
ferme,
comme
bien
l'on
pense,
mais
appréhendant
l'influence
possible
de
son
oncle
sur
son
père,
elle
lui
fit
adroitement
entendre
que,
si
elle
se
trouvait,
forcée
de
demeurer
dans
le
monde,
«
ce
serait
pour
y
vivre
dans
l'habit
et
les
exercices
humbles
et
bas
des
personnes
qui
y
ont
renoncé
».
Sillery,
bien
qu'excellent
homme,
ne
se
souciait
pas
de
conserver
à
sa
famille
une
personne
qui
ne
lui
ferait
pas
honneur
en
société
:
il
laissa
donc
désormais
sa
nièce
en
paix.
Elle
eut
à
subir
un
autre
assaut.
Le
comte
de
Sancerre,
bien
qu'évincé
deux
fois,
nourrissait
toujours
dans
son
cœur
un
amour
passionné
pour
elle.
La
sachant
à
Paris,
il
tenta
un
suprême
effort
pour
obtenir
sa
main,
et
«
lui
fit
dire
qu'il
la
prendrait
en
la
façon
qu'il
lui
plairait,
soit
en
habit
d'une
personne
de
sa
naissance,
soit
en
son
habit
de
fille
dévote,
l'estimant
et
honorant
par-dessus
tout
cela.
A
quoi
elle
répondit
que,
Jésus-Christ
l'ayant
choisie
pour
son
épouse,
elle
ne
le
pouvait
changer
avec
un
homme
mortel.
Et
cette
réponse
et
ce
refus
ne
laissa
pas
d'être
de
bénédiction
à
ce
gentilhomme,
d'autant
qu'il
résolut
de
vivre
dans
le
célibat
et
de
ne
se
marier
jamais,
ce
qu'il
a
fidèlement
accompli,...
estimant
plus
de
demeurer
lié
à
elle
par
honneur
et
par
respect
à
sa
vertu
éminente,
que
de
s'engager
par
mariage
avec
aucune
autre
».
Peu
de
temps
après,
Mme
Acarie
conseilla
à
Madeleine
de
se
retirer
aux
«
filles
dé
Sainte
Geneviève »
;
«
ce
fut,
remarque
sa
sœur
Catherine,
pour
commencer
d'en
dégager
Monsieur
son
père,
qui
portait
une
si
grande
peine
de
la
perdre
qu'à
son
âge
il
y
avait
grand
sujet
de craindre
qu'il
n'en
fût malade
»
Mais
l'expédient
n'obtint
pas
lé
succès
escompté.
Au
contraire, M.
de
Fontaines
s'affligea
plus
encore
de
voir
sa
fille
entrer
là
au couvent
;
aussi
n'y
demeura-t-elle
que
trois
semaines.
C'en
fut
assez
du
reste
pour
faire
voir
qu'elle
était
capable
de
bien
obéir.
Car
celle
des
futures
religieuses
qui
conduisait
alors
la
petite
communauté,
croyant
sa
nouvelle
prosélyte
entièrement
neuve
dans
là
vertu
et
là
vie
spirituelle,
lui
prodigua
lès
pénitences
et
les
humiliations
«
avec
Une
merveilleuse
facilité
»,
sans
que
cependant
jamais
Madeleine.
« n'en
dit
une
seule
parole
de
plainte
ni
n'en
fît
paraître
le moindre
ressentiment
».
Enfin
le
18
octobre,
les
six
Carmélites
fondatrices
arrivaient
à
Paris.
Sur
leur
désir,
on
les
conduisit
d'abord
en
pèlerinage
à
Saint-Denis,
et
le
lendemain
«
aux
Martyrs,
qui
n'étaient
alors
qu'une
petite
chapelle
dans
les
champs
».
C'est
en
ce
lieu
vénérable,
et
au
pied
des
autels,
que
se
fit
la
première
rencontre
entre
les
Filles
de
sainte
Thérèse
et
celle
qui
devait
être
la
plus
illustre
de
leurs
disciples.
«
La
joie
fut
grande
de
part
et
d'autre
et
celle
de
la
Sœur
Anne
de
Saint-Barthélemy
fut
d'autant
plus
surprenante,
qu'elle
reconnut
Mlle
de
Fontaines
pour
l'une
des
plus
remarquables
entre
ces
bienheureuses
épouses
que
Notre-Seigneur
lui
avait
fait
voir
en
Espagne
[deux
ans
auparavant]
et
qu'il
avait
la
bonté
de
venir
chercher
jusques
en
France. »
Le
17,
les
Mères
firent
leur
entrée
à
Notre-Dame-des-Champs
sous
les
regards
curieux
et
sympathiques
d'une
foule
énorme.
Puis
le
18,
l'évêque
de
Paris
envoya
son
premier
aumônier
célébrer
la
messe
et
poser
solennellement
le
Saint-Sacrement,
consommant
ainsi
la
fondation
du
monastère.
On
plaça
celui-ci
sous
le
vocable
de
l'Incarnation
de
noire
Sauveur
;
mais,
par
la
suite,
beaucoup
le
dénommèrent
aussi
le
Grand
Couvent,
surtout
après
l'établissement
d'un
autre
Carmel
à
Paris
(1617).
C'est
sous
l'une
ou
l'autre
de
ces
deux
appellations
que
nous
le
désignerons
désormais.
Les
Mères
espagnoles
se
mirent
aussitôt
à
examiner
les
postulantes,
qui
se
présentèrent
en
grand
nombre.
Notre
Vénérable
se
montra
des
plus
empressées,
et
fut
reçue
«
à
bras
ouverts
dès
sa
première
demande
».
Une
«
grande
liaison
d'esprit
»
s'était
formée
en
effet
de
prime
abord
entre
elle
et
les
fondatrices;
en
outre
Mme
Acarie
plaidait
chaleureusement
sa
cause,
la
donnant
comme
«
un
sujet
digne
qu'on
l'allât
rechercher
jusques
aux
extrémités
du
royaume
».
Cependant
les
violents
maux
de
tête
de
la
jeune
fille
firent
naître
ensuite
quelques
inquiétudes.
On
se
prit
à
hésiter.
Mais
Mme
Acarie
assura
derechef,
dans
un
esprit
prophétique,
que
celte
postulante
«
était
un
don
de
Dieu
»
et
se
rendrait
«
très
utile
à
l'Ordre
»,
dont
elle
deviendrait
«
le
soutien,
la
gloire
et
l'honneur
».
Elle
fut
en
conséquence
décidément
acceptée.
Chacun souhaitait
même
qu'elle
«
prît
l'habit
avant
toutes
les
autres ».
Mais
M.
de
Fontaines,
qui
avait
jusque-là
conservé
l'arrière
espoir
de
voir
l'entrée
du
cloître
refusée
à
sa
fille —
parce
que
trop
faible —;
fut
si
ému
en
réalisant
l'imminence
dé
la
séparation,
qu'il
en
tomba
malade.
Terrible
épreuve
pour
l'amour
filial
dé
Madeleine
!
Elle-même,
du
reste,
se
trouva
«
si
incommodée
en
sa
santé
qu'elle
fut
obligée
de
tenir
le
lit
»
les
derniers
jours
d'octobre.
Alors
l'austérité
de
la
Règle
qu'elle
allait
embrasser
lui
apparut
comme
insoutenable.
Elle
entendait
aussi
maintes
personnes
de
sa
connaissance
traiter
sa
vocation
de
folie
et
« faire
gageure
qu'elle
ne
serait
pas trois
mois
dans
le
couvent
».
Enfin
tout
semblait
se
conjurer
pour
l'entraîner
à
un
recul.
Mais
rien
n'ébranla
sa
résolution.
Et
son
père
s'étant
remis,
on
fixa
la
prise
d'habit
au
11
novembre,
fête
de
saint
Martin,
patron de la
Touraine.
Les
derniers
jours,
le
souper
dès
adieux,
furent
durs
pour
la
Servante
de
Dieu.
Les
siens
multipliaient
à
son
égard
les
témoignages
de
tendresse
et
de
regret.
Sa
plus
jeune
sœur
surtout
lui
répétait
désolée
:
«
Vous
me
laissez
toute
seule
!
Et
qui aura
soin
de
moi ?
» — Ce
qui
navrait
Madeleine
à
tel
point
que
lé
souvenir
en
restait
encore
tout
vif
en
sa
mémoire
plus
de
vingt
ans
après.
«
Vous
me
faisiez
bien
de
la
peine,
avouait-elle
depuis
à
ses
sœurs,
et je
vous
assure
que,
quelque
bonne
mine
que
je
fisse,
je
ne
laissais
pas
de
ressentir
vivement
tout
ce
que
vous
me
disiez ».
Son
amour
généreux
et
le
désir
de
ne
rien
diminuer
de
son
holocauste
lui
fit
ainsi
faire
«
bonne
mine
»
jusqu'au
bout,
bien
que
ses
répugnances
et
ses
angoisses
aient
aussi
persisté
jusqu'au
pas
décisif.
Elle-même
le
raconta
ensuite
:
en
partant
pour
le
Carmel,
«
elle
était
comme
les
criminels
qu'on
mène
au
supplice
».
Tous
ses
proches
l'accompagnèrent
au
monastère,
en
cette
matinée
du
n
novembre.
Elle
n'avait
pas
voulu
être
parée
selon
là
coutume,
mais
se
contenta
de
sa
mise
ordinaire
:
«
sa
robe
d'élamine,
une
jupe
de
camelot
violet,
une
coiffe
à
pointe
sur
sa
tête
».
Pendant
la
messe,
la
pauvre
postulante
se
trouva
si
faible
qu'elle
dut
s'asseoir.
Alors,
tremblant
de
peur
que
les
Mères
espagnoles
ne
s'aperçussent
de
son
malaise
et
ne
vinssent
à
retirer
leur
parole,
elle
fit,
par
une
ruse
innocente,
placer
sa
fidèle
Renée
entre
elle
et
la
grille
des
religieuses,
afin
de
se
trouver
un
peu
masquée.
Quant
à
M.
de
Fontaines,
résigné
et
vaillant
malgré
ses
larmes,
il
conduisit
sa
fille
à
la
porte
conventuelle
où
il
lui
donna
sa
bénédiction
et
assista
ensuite
à
toute
la
cérémonie.
Madeleine,
elle,
franchit
sans
pleurer
le
seuil
du
cloître
;
son
attitude
était
à
la
fois
pleine
de
courage
et
de
modestie.
Selon
le
cérémonial
du
Carmel,
ses
nouvelles
Sœurs
l'attendaient,
rangées
en
procession,
cierges
en
mains,
et
lui
présentèrent
solennellement
un
grand
crucifix.
On
devine
avec
quelle
ferveur
elle
fléchit
les
genoux
et
le
baisa;
puis
la
porte
se
referma
sur
elle
:
désormais
elle
était
morte
au
monde.
Conformément
à
l'usage
établi
par
sainte
Thérèse,
la
novice
dut
changer
de
nom.
M.
de
Bérulle
aurait
voulu
qu'elle
s'appelât
Madeleine
de
Jésus,
«
et
lui
dit
pour
[l'en]
persuader...
:
«
Madeleine
est
inséparable
de
Jésus
!
»
Mais
elle
lui
remontra
humblement
qu'elle
avait
promis
à
saint
Joseph
de
prendre
son
nom
s'il
lui
obtenait
la
grâce
d'être...
Carmélite
»
.Elle
devint
donc
alors
Sœur
Madeleine
de
Saint-Joseph. |