CHEMIN DE SAINTETÉ

adveniat regnum tuum

Vie de Saint Alphonse-Marie de Liguori

PAR L'ABBÉ BERNARD
Licencié Ès-Lettres
Professeur à l'Institution de la Trinité, à La Marche (Vosges).

 

LIVRE PREMIER
(1696-1724)

Alphonse dans le monde, modèle de l'enfant; du jeune homme, de l'homme sérieux. — Grandeur et beauté de son sacrifice, premier témoignage sur la valeur de notre âme.

CHAPITRE. I

Ancêtres et parents de saint Alphonse.

La maison des Liguori est une des plus illustres dans l'Italie méridionale; elle rivalise, par son antiquité, par ses alliances et par son histoire, avec les noms les plus distingués dans la ville de Naples; on connaît un Marc Liguori qui fut gouverneur de cette cité, en 1190, avec Jean Pignatelli et d'autres chevaliers moins célèbres. Nous ne dirons pas les honneurs, les hauts emplois et les faits admirables de cette famille, les titres dont elle a joui, ni les entreprises glorieuses qui ont relevé sa noblesse. Ces faits, racontés par l'histoire d'Italie, n'ont aucun rapport avec l'humble vie de saint Alphonse, consacrée aux travaux spirituels.

Le père d'Alphonse fut Joseph de Liguori, capitaine des galères, à Naples. A la noblesse de la naissance, Joseph sut joindre une conduite exemplaire et toute chrétienne. Il fréquentait l'église et les sacrements; il s'affranchit de ces préjugés funestes auxquels un militaire sacrifie trop souvent son âme et son Dieu. Lorsqu'il était en course sur les galères, sa chambre avait tout l'air d'une cellule religieuse. Il portait avec lui quatre petites statues, symboles des mystères de la Passion, représentant les stations de Jésus au jardin des Olives, à la colonne, devant le peuple, et Jésus chargé de sa croix. Il aimait à répéter que sa dévotion à Jésus souffrant lui avait, procuré beaucoup de grâces signalées.

Alphonse eut pour mère Anne Catherine Cavalieri, que sa vertu singulière rendit agréable à Dieu. Elle était née de parents distingués aussi par la sainteté: son père était Frédéric Cavalieri, originaire de Brindes et d'une famille patricienne, qui gouverna autrefois le pays de Salente ; sa mère, Hélène d'Abernia, également noble, était d'origine espagnole. Frédéric Cavalieri, après avoir rempli divers emplois très importants, mourut conseiller de la chambre royale. Anne Catherine Cavalieri était une femme d'oraison, de charité et de pénitence. Elle ne fréquenta jamais le théâtre, fuyait les conversations mondaines, veillait sur elle-même et trouvait son bonheur dans la maison de Dieu, et dans l'accomplissement parfait de ses devoirs. Elle était la digne sœur de Mgr Cavalieri, mort en odeur de sainteté, évêque de Troie, dans la Pouille.

Telles étaient la grandeur et la distinction des parents de saint Alphonse, dans le siècle, et plus encore dans la religion. Cet homme, destiné à être une grande lumière dans l'église, devait recevoir, avec le sang, une sainteté héréditaire. Il pouvait être fier de son origine et de sa famille selon le monde; mais sa plus grande noblesse fut toujours, à ses yeux, sa qualité de chrétien ; et le plus bel apanage fut pour lui les doctrines religieuses et les bons exemples qu'il reçut de son père et de sa mère.

CHAPITRE II.

Naissance d'Alphonse ;
ses premières années et sa première éducation.

Dieu répandit une bénédiction spéciale sur cette union de Joseph de Liguori avec Anne Cavalieri. Ils donnèrent le jour à sept enfants, dont quatre garçons et trois filles, qui furent tous autant de modèles dans la vie chrétienne.

Dieu se réserva, par prédilection, Alphonse-Marie, les prémices de cette sainte famille. Benoît fut moine du Mont-Cassin, devint maître des novices dans un âge peu avancé, et mourut à Naples, martyr de la pénitence et du renoncement à lui-même.

Gaëtan vécut à la maison paternelle, continuellement livré aux exercices de la piété, loin du monde et de ses divertissements.

Hercule, devenu plus tard le principal héritier de la maison par l'abdication d'Alphonse, ne démentit jamais la bonté de ses frères, et mena dans le mariage une vie exemplaire, dans l'honneur et la religion.

Les filles partagèrent le même penchant pour la piété, et la même horreur du monde. Marie-Louise et Marie-Anne se consacrèrent à Dieu dans le monastère de saint Jérôme à Naples. Thérèse épousa le duc de Présenzano, hérita des vertus maternelles, et vécut saintement dans les joies austères et les devoirs de la famille chrétienne.

Alphonse reçut le jour dans une maison de plaisance que ses parents possédaient à Marianella, aux environs de Naples, le 27 septembre de l'année 1696. Le 29 du même mois, il fut transporté à Naples et régénéré à la grâce, dans l'église paroissiale de Sainte-Marie-des-Vierges, sous les auspices de l'archange saint Michel. Il reçut au baptême les noms d'Alphonse-Marie-Antoine-Jean-François-Cosme-Damien-Michel-Ange-Gaspard. Son père et sa mère, voulurent, en lui donnant ces noms, honorer la mémoire de leurs ancêtres et celle des glorieux saints pendant la fête desquels l'enfant avait reçu le baptême. Ils le placèrent d'une manière toute spéciale sous la protection de la très sainte Vierge Marie.

S'il est vrai que le juste apporte en naissant la joie et la consolation, quelle allégresse Joseph et Anne ne durent-ils pas éprouver en voyant ce premier fruit de leur mariage ! Aussi, ils reçurent cet enfant des mains de Dieu avec les signes de la plus tendre reconnaissance, et voulurent le lui consacrer d'une manière toute particulière. Leur joie fut au comble, quand un homme de Dieu, le vénérable François de Hieronymo, préconisa la sainteté future de ce petit enfant. Un coup d'œil prophétique lui révéla combien Alphonse deviendrait cher à Dieu, et quel bien il devait procurer à l'Église. Le saint jésuite rendait une visite à Don Joseph, dans sa maison ; il prit entre ses bras le nouveau-né,, le bénit et dit à la mère : " Ce petit enfant aura de très longs jours; il ne mourra pas avant sa quatre-vingt-dixième année; il sera même évêque et fera de grandes choses pour Jésus-Christ.

" Cette parole, prononcée par un tel personnage, fut accueillie comme une prophétie; et, dés ce moment, Alphonse fut regardé comme un présent du ciel, destiné à procurer le bien des âmes et la gloire de Jésus-Christ. Circonstance remarquable ! Le saint vieillard et le saint enfant, un siècle et demi plus tard, seront canonisés le même jour et proposés au culte et à l'imitation de toute l'Église !

Anne voulut élever elle-même ses enfants et les instruire sur les devoirs religieux. Tous les matins, après les avoir bénis, elle leur faisait rendre hommage à Dieu par la prière. Très souvent, dans la journée, elle leur mettait sur les lèvres et dans le cœur, les noms sacrés de Jésus et de Marie. Tous les soirs, elle les réunissait, leur enseignait les éléments de la doctrine chrétienne, et récitait avec eux le saint Rosaire et d'autres prières en l'honneur de différents saints. Elle ne les abandonnait pas avec les autres enfants de leur âge; elle voulait que la grâce prévint en eux la malice du péché et qu'ils apprissent de bonne heure à le haïr. Elle les conduisait tous les huit jours se confesser dans l'Église des Pères de saint Jérôme. Elle s'attachait par dessus tout à répandre dans le jeune cœur d'Alphonse un tendre amour pour Jésus-Christ, et une confiance filiale envers la sainte Vierge.

Si la pieuse mère prenait grand soin d'élever son fils, la Providence n'était pas moins attentive à le combler de ses dons Alphonse était né avec un cœur accessible aux prévenances de la grâce; la piété et le penchant au bien paraissaient lui être naturels. La vertu prévint en lui les années; il se montra bientôt rempli de maturité et de dévotion. Il ignorait les amusements de l'enfance; il mettait tout son bonheur à dresser de petits autels, pour célébrer à sa manière les fêtes les plus chères à sa piété.

Lorsqu'il fut plus avancé en âge et qu'il eût goûté la douceur des communications célestes, on le voyait à chaque instant se présenter seul devant Dieu et mettre une sainte effusion de cœur dans ses entretiens avec lui.

Voyez ici, parents et enfants chrétiens, voyez votre modèle, votre devoir et votre récompense ! On a dit: "Le cœur d'une mère est le chef-d'œuvre de la nature." Nous répondrons : "Le cœur d'une mère chrétienne est le chef-d'œuvre de la grâce."

Heureuse mille fois la mère dont les enfants peuvent dire ce que saint Alphonse répétait de la sienne jusque dans ses vieux jours "Je ne bénirai jamais assez le souvenir des peines infinies que s'est données ma vertueuse mère pour mon éducation !... C'est à la tendresse de mon incomparable mère que je dois cette crainte de Dieu, principe de toute sagesse! " Heureux le père chrétien qui seconde par son autorité et son exemple les efforts de la bonne mère, comme Don Joseph de Liguori secondait sa pieuse épouse! Heureux les parents qui établissent ou conservent la sainte habitude de la prière en famille !

   

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