IMPRIMATUR,
Sancti Deodati, die 2° Augusti, 1862.
+ LUD. MAR. EP. SANCTI DEODATI.
PARIS, LIB. MIRECOURT, IMP.
HUMBERT.
PRÉFACE
La vie de saint Alphonse est une des plus édifiantes et des
plus délicieuses, éminemment digne d'être présentée aux pieux fidèles.
Déjà, plusieurs livres estimables ont été publiés sur cette
grande figure; mais aucun ne paraît fait pour
devenir populaire : les uns sont
volumineux, ou font partie de grands travaux qui ne peuvent arriver entre les
mains de tous; les autres laissent beaucoup à désirer. Il fallait, pour obtenir
une pieuse popularité, adopter un genre simple et sans prétention littéraire,
donner, avec le bon marché, beaucoup de substance édifiante, dans un format
commode et attrayant. Animé d'un sentiment de prédilection et de reconnaissance
pour saint Alphonse ; excité par des personnes religieuses ; honoré
de l'approbation épiscopale et de suffrages respectables, j'ose offrir ce
modeste travail aux familles chrétiennes, aux maisons d'éducation et aux bibliothèques
paroissiales.
Une vie monumentale, digne de saint Alphonse, sera tôt ou
tard donnée à l'élite des lecteurs; mais il faut toujours être utile au grand
nombre. Je veux donc retracer pour tous un grand modèle dans ce qu'il a de plus
imitable; préconiser une congrégation chère à l'Église; populariser le désir de
connaître les ouvrages d'un excellent auteur ascétique, par un choix méthodique
de citations et de pieux exercices. De telles intentions méritent assurément
l'indulgence en faveur d'un essai timide.J'ai puisé,
avant tout, dans les volumineux mémoires du R. P. Tannoja.
J'ai mis aussi à contribution, avec plaisir et reconnaissance, l'excellente
notice sur les Rédemptoristes, dans le 4e vol. de l'histoire des Ordres
religieux, publiée par M. Migne ; la nouvelle traduction des œuvres de
saint Alphonse, par le R. P. Dujardin; la première traduction complète de ces
mêmes oeuvres; la vie qui accompagne cette première édition; enfin les vies de
saint Alphonse, par M. Jeancard et M. Verdier.
En mettant le plus possible de substance édifiante dans cet
abrégé populaire, j'ai dû laisser bien des choses intéressantes, mille
détails précieux sur les admirables
compagnons et les successeurs de saint Alphonse dans la Congrégation; mais ces
riches trésors ne sont pas perdus. Si mon premier travail est accueilli
favorablement, je présenterai un second volume, déjà commencé. Il renferme une
grande richesse de doctrine ascétique et de beaux exemples; il sera intitulé :
L'Esprit de saint Alphonse et de sa Congrégation.
DÉCLARATION DE L'AUTEUR.
Pour me conformer aux décrets d'Urbain VIII, je proteste
n'attribuer à mon récit, dans cet ouvrage, qu'une autorité purement humaine et
privée, excepté les choses sur lesquelles le Saint-Siège a prononcé.
Je déclare en particulier: 1° En appelant saint Alphonse
(page 3) un des plus grands sauveurs d'âmes, j'ai voulu seulement relever son
ministère, d'après les termes consacrés dans la pieuse tradition, (v. saint
Jérôme, Comment. sur Abdias ; V. le Selva de
saint Alphonse) ; sans rien déroger à l'incomparable respect dû au titre incommunicable
de Jésus, le Sauveur par excellence.
– 2° En disant, (page 292) que les grandes idées de saint
Alphonse sur le Souverain Pontife et l'épiscopat sont la doctrine catholique,
je n'ai pas voulu trancher les questions sur lesquelles l'autorité infaillible
n'a pas prononcé ; j'ai voulu dire seulement que, dans les questions délicates,
saint Alphonse a suivi le sentiment commun des Docteurs, le plus conforme au vœu
du Saint-Siège et à l'Unité de l'Église.
– 3° La remise du revenu patrimonial, faite par les membres
de la congrégation entre les mains des supérieurs, (pages 121 et 180) ne doit
pas être prise dans le sens d'une obligation absolue ou préjudiciable au
désintéressement religieux; elle s'est toujours faite et se fait toujours avec
des clauses contre lesquelles les familles ne peuvent élever de plaintes
légitimes.
– 4° Pour conserver la couleur locale et la rigoureuse
vérité de l'histoire, j'ai présenté les faits conformément aux usages de
l'Italie et du siècle passé, et j'ai cité textuellement certaines paroles de
saint Alphonse, contraires aux pensées vulgaires et profanes. Je n'ai pas voulu
hérisser le texte d'explications fastidieuses ; le lecteur actuel aura bien
assez de sagacité impartiale, pour ne pas prendre les choses de travers, en
opposant les usages de son siècle et de son pays ; il ne verra pas de
contradiction entre les prescriptions fondamentales et certaines modifications
accidentelles que saint Alphonse adopterait le premier, s'il vivait aujourd'hui ;
enfin, la piété comprendra que le langage sublime des saints est vrai à des
points de vue relatifs ou supérieurs, et fera taire la raison mondaine en face
du langage dicté par le véritable esprit de Dieu.
PROMESSE ET PRIÈRE AU LECTEUR.
« Mon cher lecteur, je vous prie de ne pas dédaigner ce
petit ouvrage, que j'ai écrit de la manière la plus simple, afin de le rendre
plus utile à la dévotion de toute sorte de personnes. Chaque fois que vous en
ferez usage, ayez la charité de me recommander à
Jésus-Christ, soit pendant ma vie, soit après ma mort. De mon côté, je vous
promets de prier, en célébrant la sainte Messe, pour quiconque me fera cette
grâce. »
C'est ainsi que l'humble Alphonse dédiait aux âmes pieuses
le livre des Visites, et se recommandait à leurs prières. Pour ce grand Saint
une telle recommandation est devenue sans objet; dans la gloire éternelle, il
prie pour ses clients. Mais permettez-moi, cher lecteur, d'emprunter à ce saint
de prédilection la pieuse et modeste formule de sa dédicace, et de vous faire
la même promesse et la même prière.
Ce deux Août 1862, fête de saint. Alphonse, le 22° anniversaire
de ma prêtrise.
BERNARD.
VIE DE SAINT ALPHONSE DE LIGUORI
INTRODUCTION.
Importance et dignité de la vie de saint Alphonse de Liguori. –
Elle est dominée, inspirée par une même pensée, et nous présente un
enseignement universel et fondamental. – Comment cet enseignement éclate dans
chaque période de son histoire.
Dans tous les âges du monde, la Providence a suscité des
personnages extraordinaires, pour subvenir aux grands besoins de l'humanité; le
Seigneur, qui veille incessamment au bien de son Église, l'a pourvue, dans tous
les siècles, de ces hommes d'élite qui la défendent et l'édifient. Or, selon le
témoignage des Souverains Pontifes, parmi les plus grandes lumières qui font
l’ornement de l'Église catholique, on voit briller du plus bel éclat saint Alphonse
de Liguori; parmi les écrivains distingués qui arrêtèrent le torrent des
mauvaises doctrines, on compte à bon droit cet homme très saint et très savant,
dont les ouvrages sont remplis de la plus sublime sagesse et de la plus tendre
piété. "Il a reçu d'en haut la science des saints, le Seigneur l'a enrichi
de mérites dans les plus glorieux travaux; destiné de Dieu pour faire entrer
les peuples dans la pénitence, il a exterminé les abominations de l'impiété; il
a tourné son coeur vers Dieu et affermi la piété dans un temps de péchés ; tant
qu'il a vécu, il a été une des principales colonnes de la maison du Seigneur,
et il a fortifié le temple de Dieu tous les jours de sa vie. Il s'est levé
comme un prophète puissant en paroles et en oeuvres, au milieu d'une génération
perverse et corrompue. " L'importance de sa mission se mesure sur la
grandeur des maux de son époque, mais cette mission n'a point cessé avec sa
vie; sa voix se fait encore entendre après sa mort: voix onctueuse de la parole
dans ses écrits ; voix puissante de l'action dans ses exemples; voix
aimable et populaire de la florissante congrégation fondée par son zèle apostolique.
La plupart de ses actions sont pour tous des modèles à imiter, des règles à suivre.
Il a passé par tous les âges et toutes les conditions. Il est le miroir de
l'enfance, de la jeunesse, de l'âge mûr, de la vieillesse ; celui des
séculiers, des magistrats, des ecclésiastiques, des prêtres, des confesseurs,
des prédicateurs, des missionnaires, des supérieurs et des évêques; des
personnes persécutées, tentées, éprouvées ou malades. Le rang qu'il a tenu dans
le monde relève l'éclat de ses vertus et nous excite à l'imiter ; celui
qu'il a occupé dans l'Église l'a rendu le modèle de tous, et comme l'image
renouvelée du Bon Pasteur.
Toutes les vies des saints font rayonner une vérité générale :
" Les vertus chrétiennes sont la source de la perfection et du bonheur.
" Chaque saint pris à part offre un enseignement spécial, et semble
inspiré par une pensée dominante, qui lui donne un caractère distinctif. La vie
détachée, humble, laborieuse, apostolique, de saint Alphonse nous révèle
surtout le prix surnaturel de l'âme. Image de Dieu, rachetée par le sang d'un
Dieu, appelée à imiter ici-bas les perfections de l'Homme-Dieu, destinée à
goûter dans l'éternité le bonheur de Dieu même, l'âme est le seul bien
précieux, le reste n'est rien ; le monde entier même ne servirait de rien,
si nous venions à la perdre. Aussi, pour sauver son âme, Alphonse refuse tous
les biens, tous les plaisirs, toutes les gloires de la terre; pour sauver celle
des autres, il embrasse la vie humble et dévouée du prêtre de Jésus-Christ ;
c'est trop peu pour son zèle ; il fonde une congrégation de missionnaires
et d'apôtres , pour gagner plus d'âmes à Jésus-Christ; ce saint tremblement qui
refuse la haute responsabilité de l'épiscopat, cette docile résignation qui
l'accepte, cette terreur religieuse qui l'abdique entre les mains du Souverain Pontife,
voilà autant de,formes diverses de l'estime, de l'amour et du respect des âmes
; enfin, les merveilles de souffrance, de vertu , de pénitence, dans les
dernières années de sa vie , sont l'effort suprême de saint Alphonse, pour
sauver son âme et celles de ses frères. " Âme chrétienne, quel est ton
prix ! Quel malheur si tu te perds ! " A chaque instant, de
chacun de ses actes, de tous les écrits émanés de son coeur, sort ce cri
profond qui fait les apôtres, les missionnaires : O anima! quanti vales ! O âme! quel est ton prix ! Après Jésus-Christ, le divin Sauveur
des âmes, au prix de sa vie et de son sang, saint Alphonse de Liguori est un
des plus grands sauveurs d'âmes. A l'exemple du Bon Pasteur, il a cherché les
brebis égarées. Ouvrier infatigable, plus qu'infatigable, je dirais presque
forcené, il confond, il effraie, il désespère notre lâcheté par les travaux
surhumains et les succès incroyables de son apostolat.
Les saints Pères, en nous montrant Jésus-Christ mourant pour
les âmes, nous crient: Âme chrétienne, connais ce que tu vaux devant Dieu !
" O anima ! tanti vales ! " En lisant cette vie apostolique de
saint Alphonse, vous direz aussi : O mon âme ! connais
ce que tu vaux devant Dieu ! Tel est l'enseignement, tel est le fruit que
nous vous proposons en faisant connaître les différentes phases de cette
admirable histoire.
Dans le premier livre, nous dirons combien saint Alphonse
pouvait être grand dans le monde: sa naissance, ses talents, sa fortune, son
avenir. Apprenez ce que vaut une âme, en voyant tout ce que saint Alphonse a
sacrifié pour sauver la sienne, et rougissez de faire si peu vous-mêmes pour
votre salut.
Dans le second livre, nous montrerons saint Alphonse
recevant. le sacerdoce et accomplissant déjà des
merveilles de sanctification et d'apostolat. Apprenez à correspondre aux grâces
de Dieu, qui , vous sollicite par les prêtres zélés,
et ne rendez pas inutile le sang de Jésus-Christ qu'ils versent à flots sur vos
âmes.
Dans le troisième livre, vous verrez saint Alphonse établir
la Congrégation du Saint-Rédempteur, pour le salut
des âmes les plus abandonnées, et lui donner le modèle parfait du zèle
apostolique. Apprenez à sauver votre âme, à la vue des travaux prodigieux que
Dieu fait accomplir aux prêtres selon son cœur.
Le quatrième livre vous offrira l'histoire de l'épiscopat de
saint Alphonse ; nouveaux prodiges de zèle, de charité , de sainteté et d'humilité,
qui nous enseignent la valeur des grâces, des sacrements donnés par le divin
Pontife, pour sanctifier cette âme , prix de sa vie et de tout son sang.
Enfin, le cinquième livre montrera saint Alphonse depuis
l'abdication de l'épiscopat jusqu'à sa mort : efforts suprêmes de toutes les
vertus, épreuves héroïques, et la plus sainte mort qui ouvre l'éternel bonheur
à cette âme qui a si bien compris ce qu'elle valait devant Dieu.
Nulle autre vie, peut-être, n'offre d'une manière aussi
suivie les principales phases de cette grande vérité religieuse; et nous osons
dire que cette histoire, ainsi présentée, est un vrai sermon sur le salut et la
démonstration complète du christianisme.
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