DISCOURS III
DE LA PRÉSENTATION DE MARIE
L'offrande que Marie fit d'elle-même à Dieu fut prompte sans
retard, entière sans réserve.
Il n'y a jamais eu, et il n'y aura jamais d'offrande de pure
créature, plus grande et plus parfaite que celle que Marie fit à Dieu à l'âge de
trois ans, lorsqu'elle se présenta au temple pour offrir, non des aromates, des
animaux, des talents d'or, mais toute sa personne en parfait holocauste, se
consacrant comme une victime perpétuelle en son honneur. Elle entendit la voix
de Dieu qui dès lors l'invitait à se dévouer toute à son amour (Cant. 2), elle
vola donc vers son Seigneur, oubliant sa patrie, ses parents, tout en un mot,
pour ne s'attacher qu'à l'aimer et à lui complaire (Ps. 4). Sur le champ, elle
obéit à la voix divine. Considérons donc combien fut agréable à Dieu cette
offrande que Marie lui fit d'elle-même, puisqu'elle s'offrit à lui promptement
et entièrement : promptement sans retard, entièrement sans réserve, sujets de
deux points distincts.
PREMIER POINT. Entrons en matière. Marie s'offrit
promptement à Dieu. Dès le premier moment où cette céleste enfant fut sanctifiée
dans le sein de sa mère, et ce fut le premier de son immaculée conception, elle
reçut le parfait usage de la raison, pour pouvoir commencer dès lors à mériter,
suivant l'opinion commune des docteurs, d'accord avec le P. Suarez ce Père dit
que la manière la plus parfaite dont Dieu se sert pour sanctifier une âme, étant
de la sanctifier par son propre mérite, suivant ce qu'enseigne saint Thomas, on
doit croire que la bienheureuse Vierge a été sanctifiée de cette manière. Si ce
privilège a été accordé aux anges et à Adam, comme le dit le docteur angélique,
il faut admettre à bien plus forte raison qu'il a été accordé à la divine Mère ;
car, Dieu ayant daigné la choisir pour la Mère, on doit supposer certainement
qu'il lui a conféré de plus grands dons qu'à toutes les autres créatures. En sa
qualité de Mère, dit Suarez, elle a en quelque sorte un droit particulier à tous
les dons de son Fils. Comme, à raison de l'union hypostatique, Jésus dut avoir
la plénitude de toutes les grâces, il convint aussi, à raison de la divine
maternité de Marie, que Jésus, en retour de l'obligation naturelle qu'il lui
avait, lui conférât des grâces plus grandes que celles qui étaient accordées à
tous les anges et aux autres saints.
C'est pourquoi, des le premier instant de sa vie, Marie
connut Dieu, et le connut si bien, qu'aucune langue, dit l'ange à sainte
Brigitte, ne saurait expliquer combien l'intelligence de la sainte Vierge
réussit à pénétrer Dieu des le premier moment qu'elle le connut. Et des lors
aussi, éclairée des premiers rayons de la divine lumière, elle s'offrit toute
entière au Seigneur, se dévouant sans réserve à son amour et à sa gloire, comme
l'ange continua à le dire à sainte Brigitte : Aussitôt notre Reine se détermina
à sacrifier a Dieu sa volonté avec tout son amour pour le temps de sa vie. Et
nul ne peut comprendre combien sa volonté se soumit alors a embrasser toutes les
choses qui plaisaient au Seigneur.
Mais cette enfant immaculée, apprenant ensuite que ses
parents, saint Joachim et sainte Anne, avaient promis a Dieu, même avec voeu,
que, s'il leur accordait un rejeton, ils le consacreraient à son service dans le
temple, et les Juifs ayant l'antique coutume de placer leurs filles dans des
cellules, autour de cet édifice, pour y être élevées, comme le rapportent
Baronius, Nicéphore, Cedranus et Suarez, d'après l'historien Josèphe et le
témoignage de saint Jean Damascène, de saint Grégoire de Nicomédie, de saint
Anselme, de saint Ambroise ; et comme cela est d'ailleurs établi clairement par
un passage du livre 2e des Macchabées (3, 20), relatif à Héliodore, qui voulut
pénétrer dans le temple pour s'emparer du trésor ; Marie apprenant cela,
dirons-nous, lorsqu'elle avait à peine trois ans, ainsi que l'attestent saint
Germain et saint Epiphane, c'est-à-dire à l'âge où les jeunes filles ont un plus
grand désir et un plus grand besoin de l'assistance de leurs parents, voulut
être solennellement offerte et consacrée à Dieu, en se présentant dans le temple
; aussi fut-elle la première à prier ses parents avec instance de l'y conduire
pour accomplir leur voeu. Et sa sainte Mère, dit saint Grégoire de Nysse,
s'empressa de le faire. Saint Joachim et sainte Anne, sacrifiant généreusement à
Dieu ce que leur coeur chérissait le plus sur la terre, parlent de Nazareth,
portant tour à tour dans leurs bras leur fille bien-aimée, car elle n'aurait pu
franchir a pied la longue distance de 80 milles qui sépare Nazareth de
Jérusalem. Ils voyageaient accompagnés d'un petit nombre de parents ; mais des
légions d'ange, dit saint Grégoire de Nicomédie, formaient leur cortège, et
servaient durant ce voyage la Vierge immaculée qui allait se consacrer à la
majesté divine. Oh ! qu'ils sont beaux, devaient alors chanter les anges, qu'ils
sont agréables à Dieu, les pas que vous faites pour aller vous offrir à lui, ô
Fille bien-aimée de notre commun Seigneur (Cant. 7, 1). Dieu, dit saint
Bernardin, fit en ce jour une grande fête avec toute la cour céleste, en voyant
conduire son Épouse au temple, car il ne vit jamais de créature plus sainte et
plus aimable s'offrir à lui. Allez donc, s'écrie saint Germain, archevêque de
Constantinople, allez, ô Reine du monde, ô Mère de Dieu, allez avec joie à la
maison du Seigneur, attendre la venue du divin Esprit qui vous rendra Mère du
Verbe éternel.
Lorsque cette sainte société arriva au temple, l'aimable
enfant se tourna vers ses parents, s'agenouilla en baisant leurs mains, et leur
demanda leur bénédiction ; puis, sans jeter aucun regard en arrière, elle
franchit les quinze marches du temple (comme le rapporte Arias Montanus d'après
Josèphe), et se présenta au prêtre saint Zacharie, dit saint Germain. Renonçant
alors au monde, renonçant à tous les biens qu'il promet à ses serviteurs, elle
s'offrit et se consacra à son Créateur.
Au temps du déluge, le corbeau, envoyé par Noé hors de
l'arche, s'y arrêta pour se repaître de cadavres ; mais la colombe, sans même
poser le pied, retourna aussitôt a l'arche. Bien des hommes envoyés par Dieu en
ce monde s'y arrêtent aussi malheureusement à se nourrir des biens terrestres.
Il n'en fut pas de même de Marie, notre céleste colombe ; elle connut que Dieu
doit être notre unique bien, notre unique espérance, notre unique amour ; elle
connut que le monde est plein de périls, et que plus tôt on le quitte, plus tôt
on est délivré de ses pièges ; aussi voulut-elle le fuir dès sa plus tendre
enfance, et alla-t-elle s'enfermer dans la sainte retraite du temple, pour y
mieux entendre la voix du Seigneur, pour l'honorer et l'aimer davantage. Ainsi
la sainte Vierge, des ses premières actions, se rendit chère et agréable à son
Dieu, comme l'Église le lui fait dire. C'est pourquoi on la compare à la lune ;
car, de même que la lune achève son cours plus vite que les autres planètes, de
même Marie atteignit la perfection plus vite que tous les saints, en se donnant
a Dieu promptement, sans délai, et entièrement sans réserve. Passons à ce second
point, qui prête à de longs développements.
DEUXIEME POINT. Eclairée d'en haut, cette enfant
savait bien que Dieu n'accepte pas un coeur divisé, mais qu'il veut qu'on le
consacre tout entier à son amour, suivant le précepte qu'il en a donné. Aussi,
dès le premier instant de sa vie, commença-t-elle à aimer Dieu de toutes ses
forces, et se donna-t-elle à lui toute entière. Mais son âme très sainte
soupirait avec ardeur après le moment de se consacrer tout à fait à lui en
effet, et d'une manière publique et solennelle. Considérons donc avec quelle
ferveur cette Vierge aimante, se voyant enfermée dans le saint lieu, se
prosterna pour en baiser le parvis, comme celui de la maison du Seigneur, puis
elle adora son infinie majesté, et le remercia d'avoir daigné l'admettre à
habiter pendant quelque temps sa maison ; ensuite elle s'offrit toute entière à
son Dieu, sans réserve d'aucune chose, lui offrant toutes ses facultés et tous
ses sens, tout son esprit et tout son coeur, toute son âme et tout son corps ;
car ce fut alors, comme on le croit, que pour plaire a Dieu elle fit le voeu de
virginité, voeu que Marie forma la première, suivant l'abbé Rupert. Et elle
s'offrit, sans limitation du temps, comme l'affirme Bernardin de Busto. Car elle
avait alors l'intention de se dévouer à servir la divine majesté dans le temple,
durant toute sa vie, si Dieu l'avait ainsi voulu, et sans jamais sortir du lieu
saint. Oh ! avec quel amour dut-elle s'écrier alors : Mon Seigneur et mon Dieu,
je ne suis venue que pour vous plaire et pour vous rendre tout l'honneur que je
puis ; je ne veux vivre et mourir que pour vous, si vous l'agréez ; acceptez le
sacrifice que vous fait votre pauvre servante, et aidez-moi a vous être fidèle.
Considérons combien fut sainte la vie de Marie dans le temple
; en l'y voyant croître en perfection, comme l'aurore en lumière, qui pourrait
expliquer comment resplendissaient en elle, et plus belles de jour en jour,
toutes les vertus, la charité, la modestie, l'humilité, le silence, la
mortification, la mansuétude ? Planté dans la maison de Dieu, ce bel olivier,
dit saint Jean Damascène, arrosé par l'Esprit saint, devint le séjour de toutes
les vertus. Le même saint dit ailleurs : Le visage de la Vierge était modeste,
son esprit humble, et ses paroles, expression d'une âme recueillie, étaient
douces et pleines de charmes ; il ajoute autre part : La Vierge éloignait la
pensée de toutes les choses terrestres, pour embrasser toutes les vertus ;
s'occupant ainsi de la perfection, elle y fit en peu de temps de si grands
progrès qu'elle mérita de devenir le temple de Dieu.
Saint Anselme, traitant de la vie de la sainte Vierge dans le
temple, dit que Marie était docile, parlait peu, demeurait recueillie, sans rire
ni se troubler jamais. Elle persévérait dans l'oraison, dans la lecture des
Livres saints, dans le jeûne et dans toutes les pratiques de vertu. Saint Jérôme
entre dans de plus grands détails : Marie réglait ainsi sa journée : depuis le
matin jusqu'a Tierce, elle restait en oraison ; de Tierce jusqu'à None, elle
s'occupait de quelque travail ; à None reprenait l'oraison jusqu'à ce que l'ange
lui apportât sa nourriture comme de coutume. Elle était la première dans les
veilles, la plus exacte à accomplir la loi divine, la plus profonde en humilité,
la plus parfaite dans chaque vertu. On ne la vit jamais en colère : toutes ses
paroles respiraient tant de douceur qu'on reconnaissait l'Esprit de Dieu a son
langage.
La divine Mère révéla elle-même à sainte Elisabeth vierge, de
l'ordre de saint Benoît, que, lorsque ses parents l'eurent laissée dans le
temple, elle résolut de n'avoir que Dieu pour père, et elle songeait à ce
qu'elle pouvait faire pour lui être agréable. Elle se détermina à lui consacrer
sa virginité, et à ne posséder quoi que ce fut au monde, soumettant toute sa
volonté au Seigneur. Entre tous les préceptes, elle se proposait surtout
d'observer celui de l'amour de Dieu ; elle allait, au milieu de la nuit, prier
le Seigneur, à l'autel du temple, de lui accorder la grâce de pratiquer ses
commandements, et de lui faire voir en ce monde la Mère du Rédempteur, le
suppliant de lui conserver les yeux pour la contempler, la langue pour la louer,
les mains et les pieds pour la servir, et les genoux pour adorer dans son sein
son divin Fils. Sainte Elisabeth, à ces mots de Marie, lui dit : Mais, ô ma
souveraine, n'étiez-vous pas pleine de grâce et de vertu ? Et Marie répondit :
Sachez que je me regardais comme la plus vile des créatures, et comme indigne de
la grâce de Dieu ; c'est pourquoi je demandais ainsi la grâce et la vertu.
Enfin, pour nous convaincre de la nécessité absolue où nous sommes tous de
demander à Dieu les grâces dont nous avons besoin, Marie ajouta : Pensez-vous
que j'aie obtenu la grâce et la vertu sans peine ? Sachez que je n'ai reçu de
Dieu aucune grâce sans une grande peine, sans de continuelles oraisons, des
désirs ardents, et beaucoup de larmes et de pénitences.
Mais on doit s'attacher surtout aux révélations faite à
sainte Brigitte, touchant les vertus et les exercices pratiques par la sainte
Vierge dans son enfance. Dès son bas âge, y est-il dit, Marie fut remplie de
l'Esprit saint, et à mesure qu'elle croissait en années, elle croissait aussi en
grâce. Des lors, elle résolut d'aimer Dieu de tout son coeur, de manière a ne
l'offenser ni par ses paroles, ni par ses actions, aussi méprisait-elle tous les
biens de la terre. Elle donnait aux pauvres tout ce qu'elle pouvait. Elle était
si sobre qu'elle ne prenait que la nourriture absolument nécessaire pour
soutenir son corps. Ayant appris, dans l'Ecriture Sainte, que Dieu devait naître
d'une vierge afin de racheter le monde, elle s'enflamma tellement du divin
amour, qu'elle ne désirait que Dieu et ne pensait qu'à lui, se plaisant que dans
le Seigneur, elle fuyait la conversation même de ses parents, pour n'être point
détournée du souvenir de Dieu. Enfin, elle souhaitait de se trouver au temps de
la venue du Messie, afin d'être la servante de l'heureuse Vierge qui aurait
mérite de devenir sa Mère. Voila ce que contiennent les révélations faites à
sainte Brigitte (Livre 1 et 3, ch. 8).
Ah! c'est pour l'amour de cette sublime enfant que le
Rédempteur hâta sa venue au monde ; tandis que, dans son humilité, elle ne se
croyait pas digne d'être la servante de la divine Mère, elle fut choisie pour la
devenir elle-même ; par l'odeur de ses vertus, par la puissance de ses prières,
elle attira dans son sein virginal le Fils de Dieu. Voila pourquoi Marie a reçu
du divin Époux le nom de tourterelle (Cant. 2, 12), non seulement parce qu'à
l'exemple de la tourterelle elle aimait la solitude, vivant en ce monde comme
dans un désert, mais parce que, comme la tourterelle fait retentir les campagnes
de ses gémissements, ainsi Marie gémissait dans le temple, en compatissant aux
misères du monde perdu et en demandant a Dieu notre commune Rédemption. Oh! avec
quel amour, avec quelle ferveur, elle répétait a Dieu dans le temps les
supplications et les soupirs des prophètes, pour qu'il envoyât le Rédempteur
(Isaïe 16, 1 ; 45. 8).
Enfin Dieu se plaisait à voir cette Vierge s'élever de plus
en plus vers le sommet de la perfection, semblable à une colonne de parfums, qui
exhalait les odeurs de toutes les vertus, comme l'Esprit saint le dit dans les
cantiques (Cant. 3, 6). En vérité, déclare saint Sophrone, cette enfant était le
jardin de délices du Seigneur, parce qu'il y trouvait toutes les sortes de
fleurs, et toutes les odeurs de vertus. Aussi saint Jean Chrysostome
affirme-t-il que Dieu choisit Marie pour sa Mère sur la terre, parce qu'il n'y
trouva point de Vierge plus sainte et plus parfaite, ni de lieu plus digne de sa
demeure, que son sein très sacré, parole confirmée par saint Bernard ; et saint
Antonin assure que la Bienheureuse Vierge, pour être élue et destinée à la
dignité de Mère de Dieu, dut posséder une perfection si grande et si consommée
qu'elle surpassât en perfection toutes les autres créatures.
Comme cette sainte enfant se présenta et s'offrit à Dieu dans
le temple promptement et sans réserve, ainsi présentons-nous en ce jour à Marie
entièrement et sans délai, et prions-la de nous offrir à Dieu, qui ne nous
repoussera pas, en nous voyant présentés par la main de celle qui fut le temple
vivant du Saint-Esprit, les délices du Seigneur, et la Mère destinée au Verbe
éternel. Mettons tout notre espoir en cette sublime et excellente souveraine,
qui récompense avec tant d'amour les honneurs que lui rendent ses serviteurs.
EXEMPLE
On lit dans la Vie de soeur Dominique de Paradis, écrite par
le Père Ignace del Niente, dominicain, que cette religieuse naquit de pauvres
parents dans un village nomme Paradis, aux environs de Florence. Dès son
enfance, elle se mit à servir la Mère de Dieu. Elle jeûnait en son honneur tous
les jours de la semaine ; le samedi, elle distribuait aux pauvres la nourriture
dont elle se privait, et allait dans le jardin de sa famille ou dans les champs
voisins, cueillir des fleurs qu'elle présentait ensuite devant une image de la
sainte Vierge, qui tenait l'enfant Jésus, et qui était placée dans la maison.
Voyons maintenant par quelles faveurs cette bonne Reine reconnut les pratiques
de dévotion de sa servante Dominique, alors âgée de dix ans: étant un jour à la
fenêtre, aperçut dans la rue une belle femme, avec un petit enfant, qui tous
deux tendaient la main comme pour demander l'aumône. Elle va chercher du pain,
et tout à coup, sans avoir ouvert la porte, elle les voit auprès d'elle, et
remarque que l'enfant a les mains, les pieds et la poitrine percés. Qui l'a
blessé ? demande-t-elle a la mère ; celle-ci répond que c'est l'amour.
Dominique, charmée de la beauté et de la modestie de l'enfant, lui demande s'il
souffre de ses blessures. Il ne réplique que par un sourire. Comme ils étaient
près des images de Jésus et de Marie, la femme dit à Dominique : Dites-moi, ma
fille, ce qui vous porte à couronner ces images de fleurs ? C'est,
répondit-elle, l'amour que j'éprouve pour Jésus et Marie. Les aimez-vous bien ?
Autant que je puis. Et comment le pouvez-vous ? Autant qu'ils m'aident de la
grâce. Continuez, reprit la femme, continuez a les aimer ; ils vous le rendront
bien en paradis. La jeune fille, sentant qu'une odeur céleste s'exhalait des
plaies, demanda à la mère, avec quel onguent elle les pansait, et si l'on
pouvait en acheter de semblable. La femme répondit : On l'achète avec la foi et
les bonnes oeuvres. Dominique offrit alors son morceau de pain. La mère lui dit
: Mon fils ne se nourrit que d'amour, dites-lui que vous aimez Jésus, et il sera
content. A ce nom d'amour, l'enfant tressaillit de joie, et se tournant vers la
jeune fille, il lui demanda combien elle aimait Jésus. Et celle-ci de répondre
qu'elle l'aimait au point de penser qu'à lui jour et nuit, et de ne chercher
qu'à lui plaire. Eh bien, reprit-il, aimez-le, et l'amour vous enseignera ce
qu'il faut faire pour le consoler. L'odeur qui s'exhalait des plaies augmentait
toujours. Dominique s'écria : Oh Dieu, cette odeur me fait mourir d'amour ! Si
l'odeur d'un enfant est si suave, que sera celle du paradis ? Mais tout à coup
la scène change : la Mère lui apparaît vêtue en Reine et environnée de lumière,
et l'enfant, resplendissant comme un soleil de beauté, prend les fleurs pour les
répandre sur la tête de Dominique, qui, en reconnaissant dans ces saints
personnages Jésus et Marie, s'était prosternée et adorait Dieu. Ainsi finit la
vision. Dominique prit dans la suite l'habit de Dominicaine, et mourut en odeur
de sainteté l'an 1555.
PRIERE
Enfant chérie de Dieu, très aimable Marie, vous qui vous
présentâtes dans le temple, qui vous consacrâtes promptement et sans délai à la
gloire et l'amour de votre Dieu, que ne puis-je à mon tour vous offrir les
premières années de ma vie, et me dévouer tout entier au service d'une Maîtresse
si sainte et si douce ! Hélas ! je ne suis plus a temps, puisque j'ai eu le
malheur de perdre tant d'années à suivre le monde et mes caprices, sans
m'occuper de vous ni de Dieu. Mais il vaut mieux commencer tard que jamais.
Aussi, ô Marie ! je me présente maintenant à vous, et je m'offre tout à votre
service pour le temps qui me reste à vivre, comme vous je renonce à toutes les
créatures, et je me dévoue uniquement a l'amour de mon Créateur. Je vous
consacre donc, ô ma Reine ! mon esprit pour que je m'occupe toujours de l'amour
que vous méritez, ma langue pour vous louer, mon coeur pour vous aimer. Agréez,
ô Vierge sainte ! l'offrande que vous présente un misérable pécheur ; agréez-la,
je vous en supplie par la joie qu'éprouva votre coeur lorsque vous vous donnâtes
à Dieu dans le temple. Puisque je commence tard à vous servir, il est juste que
je compense le temps perdu en redoublant de services et d'amour. Soutenez ma
faiblesse de votre puissante intercession, ô Mère de miséricorde ! en m'obtenant
de votre Fils la persévérance et la force d'être fidèle jusqu'a la mort, afin
qu'après vous avoir servie fidèlement en cette vie, je puisse vous louer
éternellement dans le paradis. Amen.
|