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Prêtres et fondateurs
Confirmés dans leur tâche, ordonnés
prêtres, nos deux jeunes fondateurs pouvaient poursuivre la mission
vers
laquelle le Seigneur les appelait et, tout en s'occupant des
infirmes, se consacrer davantage à l'étude de la doctrine
chrétienne et des saintes écritures.
En 1727
"Paul et
Jean-Baptiste passaient saintement leurs jours dans l'hôpital de
Saint Gallican, lorsqu'ils reçurent la nouvelle de la mort de leur
vieux père. Paul écrivit
aussitôt à sa mère une lettre de condoléance dans laquelle il
exprimait les sentiments les plus vifs de confiance touchant le
salut de son père."
Puis Paul-François et Jean-Baptiste
retournèrent chez eux, en Lombardie,
"afin de porter à leur maman les consolations dont elle avait
besoin, et donner à toute la famille la direction convenable."
Le voyage de Rome à Castellazzo dura deux
mois. Paul écrit à un ami: "Après deux mois de voyage, nous avons
été attaqués de la fièvre tierce dès notre arrivée. J'ai été
dix-huit jours sans pouvoir célébrer..."
Les deux frères retournèrent ensuite à
Rome, dans l'hôpital Saint Gallican. Mais Dieu avait d'autres
projets pour eux. Leur maladie ayant duré tout l'hiver, et le
"protecteur" de l'hôpital ayant jugé qu'ils n'étaient pas aptes au
métier d'infirmier, ils retournèrent dans la solitude du mont
Argentario. en face d'Orbetello. Cette décision avait en quelque
sorte été confirmée par Mgr Cavalieri qui leur écrivit: "Que vous
continuiez de rester à Rome dans le nouvel hôpital, j'aurais toute
la difficulté possible et imaginable de l'approuver. Je suis d'avis
que cet emploi est directement contraire à votre vocation et aux
vues du Seigneur sur vous..."
Nous sommes en Mars 1728. Paul et
Jean-Baptiste organisent une mission paroissiale à Talamone. Bientôt
de nombreuses personnes se rendent à l'ermitage, pour se confesser
et recevoir des conseils spirituels. Vers 1730 leur vie de
missionnaires commence: ce sera un nouveau genre de vie, alliant vie
contemplative liée à la Passion, et vie pénitente et apostolique.
Mgr Palmieri les envoie vers les missions
paroissiales grâce auxquelles ils pourront se former dans l'annonce
de la Parole de Dieu. Puis naît un projet de construction d’une
Retraite (maison de communauté des Passionistes), dédiée à la
Présentation de Marie au Temple, sur l’Argentario.
Au mont Argentario les deux frères vont
d'abord vivre dans un pauvre ermitage dédié à saint Antoine. Petit à
petit une communauté religieuse se constitue; en 1730, elle réunira
sept personnes. La vie y sera rude, pauvre, priante et travailleuse.
On jeûnait tous les jours, sauf les jours de fête. L'un des
compagnons de Paul et de Jean-Baptiste qui avait pris l'habit ne put
continuer ce genre de vie, en raison de sa santé; il écrivit: "La
nourriture consistait en pain de toute qualité obtenu par aumône, en
une petite quantité de vin mêlé de beaucoup d'eau, en un potage
d'herbes ou de légumes, en une portion de saline ou de poisson reçu
par charité."
7-1-Construction
de la première Retraite
Les frères vivaient
dans un dépouillement total. Bientôt, pour répondre à l'apostolat
qui leur sera demandé, ils parcourront, pieds nus, des chemins
escarpés bordés d'arbustes épineux. Dieu seul connaît la souffrance
qu'ils durent endurer, par amour pour Dieu et le zèle pour le salut
des âmes... Mais bientôt il fallut penser à bâtir une Retraite
et une église suffisante d'une taille suffisante pour célébrer
dignement les saints offices et pratiquer correctement les
observances régulières.
Le Seigneur, en 1731, lui envoya sa
sainte Mère; à Paul tombé en extase, Il désigna Lui-même l'endroit
favorable, en face de la ville d'Orbetello. Les travaux commencèrent
mais furent interrompus en raison de la guerre et du siège mis par
les Espagnols sur le mont Philippe voisin. En effet, les troupes
espagnoles campées au pied du mont Argentario bloquaient tout à la
fois la ville d'Orbetello et le fort de mont Philippe, occupés alors
par les Autrichiens. Le siège dura du 16 avril au 28 juin 1735. Par
ailleurs d'autres obstacles surgissaient, nés de calomnies
nombreuses, souvent émises par des prêtres ou des religieux.
Paul de la Croix écrit: "Ô Dieu!
quelle n'est pas la rage des démons! Quel fracas font les mauvaises
langues! Je ne sais de quel côté me tourner, et Dieu sait en quel
état je suis." Et encore: "Les démons nous persécutent par
malice et les hommes avec bonne intention, j'aime à le croire. Il
suffit; il faut prier beaucoup, parce que des tempêtes s'élèvent de
toutes parts et que les vents sont déchaînés contre nous. Dieu soit
béni! Oh! si vous saviez dans quelle tribulation se trouve le pauvre
Paul!"
Enfin, le 14 septembre 1737, la première
Retraite, celle d'Argentario, de la congrégation des Passionistes
pouvait être inaugurée. En effet "le jour de l'Exaltation de la
Sainte Croix de l'année 1737, l'église de la Présentation fut bénite
solennellement par le vicaire général d'Orbetello, au nom de Son
Éminence le cardinal Altieri. Le père Paul avait obtenu à cet effet
un bref du souverain." Cependant le Père Paul de la Croix
n'avait pas encore obtenu la faveur d'y garder le Saint-Sacrement.
Il devra attendre encore trois ans avant d'obtenir "les
constitutions avec le rescrit qui l'autorisait à garder le
Saint-Sacrement." En 1738, Paul et Jean-Baptiste obtinrent,
grâce à leurs amis de Rome et à Mgr Palmieri, leur évêque, le titre
de "Missionnaires Apostoliques" pour toute l'Italie, malgré le
déchaînement de nouvelles calomnies.
Le 15 mai 1741, un rescrit du pape Benoît
XIV (1740-1758) approuvait la règle de la nouvelle congrégation,
mais pas encore la congrégation elle-même. En juin 1741, le jour de
la fête du Corpus Domini, l'autorisation de garder les
saintes espèces fut donnée. Le 11 juin 1741 eut lieu, sur l'Argentario,
la première profession religieuse de l'histoire passioniste: les six
premiers passionistes émirent les vœux de pauvreté, chasteté et
obéissance, auxquels s'ajoutait un quatrième vœu, celui d'annoncer
le mystère de la Passion. Chaque candidat choisit son nom religieux.
Paul écrivit à sa mère qu'il ne se nommait plus Danei, mais "de la
Croix". Quant à Jean-Baptiste, il sera désormais Jean-Baptiste de
saint Michel archange. La communauté d'ermites devenait une
véritable communauté religieuse, et le fondateur allait pouvoir
s'appliquer de tout son cœur à la formation de ses religieux.
(d'après la Vie du bienheureux Paul de la Croix, par Saint
Vincent-Marie Strambi - Chapitre 22)
7-2-Des bases
solides pour la nouvelle congrégation
De nouveaux compagnons arrivèrent. La
sainteté fleurissait sur le mont Argentario... De nouvelles
fondations allaient être demandées... En mars 1744 les retraites de
Vetralla et de Soriano (Saint-Eutizio) étaient ouvertes et Paul de
la Croix s’installa à Vetralla. Cependant il fallait asseoir la
nouvelle congrégation. Après de très douloureuses épreuves, tant
physiques que morales, Paul eut la joie, en mars 1746, de voir
confirmée, par un "bref" pontifical, l'approbation des
Règles, avec cependant quelques adoucissements, jugés indispensables
par l'Église. Le Père Paul se rendit à la Retraite de Saint-Ange et
s'attela à l'établissement du noviciat dont l'ouverture eut lieu le
jour de la Pentecôte 1746, avec douze novices.
Le printemps suivant, la santé de Paul de
la Croix était tellement délabrée qu'il dut se rendre aux bains de
Vignone. Il ne perdit pas son temps, catéchisant les personnes qui
s'y trouvaient, et les édifiant pas l'exemple de ses grandes vertus.
Au retour des bains, après quelques mois de séjour à Saint-Ange, il
alla à la Retraite du mont Argentario. Mais il fallut bientôt réunir
le chapitre pour élire les supérieurs. Le 10 avril 1747, Paul de la
Croix fut élu supérieur général et recteur de la Retraite de la
Présentation au mont Argentario. Le nombre de candidats augmentant
sans cesse, il faudra de nouveau songer à ouvrir des Retraites.
La congrégation naissante avait déjà
subi, au cours de son développement, un certain nombre de
persécutions. C'est d'ailleurs à cette époque que Paul de la Croix
écrivit à Sœur Gandolfo, une de ses dirigées: "...je continue de
craindre. Oh! Quelle colère éprouve le diable envers cette
œuvre!..." Curieusement, en effet, venant de religieux que
personne n'aurait pu soupçonner, de nouvelles persécutions se
manifestèrent en 1748-1750: plusieurs ordres mendiants se
coalisèrent contre la congrégation passioniste. Un procès fut ouvert
à Rome. Les passionistes eurent gain de cause en avril 1750. Mais le
Père Paul, très éprouvé, avait écrit à son ami Fulgence, le 6
octobre 1748, puis à Thomas Fossi le 14 mai 1749: "En célébrant
la messe je me suis senti poussé à ne m'appuyer que sur Dieu, et sur
lui seul...
Je me trouve plongé dans les occupations:
les vents et les tourbillons s'agitent violemment en moi. Et comme
je suis encore plus inerte que de la paille, c'est miracle que ces
tempêtes ne m'aient pas abattu..."
Pour résumer, disons que selon Paul de la Croix, "le
premier devoir du Passioniste, c’est de devenir saint; et le moyen
principal pour y parvenir est l’oraison qui permet de s’unir à Dieu.
La Passion doit être le charisme spécifique des passionistes et la
pauvreté effective, un instrument de perfection. Mais la pauvreté
des passionistes ne doit pas être uniquement matérielle, elle doit
être aussi une pauvreté intérieure, une connaissance de soi élevée
jusqu'à la béatitude des pauvres de cœur."
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