CHEMIN DE SAINTETÉ

adveniat regnum tuum

 SAINT PAUL DE LA CROIX
 1694-1775

 SA VIE ET SA SPIRITUALITÉ

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Prêtres et fondateurs

Confirmés dans leur tâche, ordonnés prêtres, nos deux jeunes fondateurs pouvaient poursuivre la mission vers laquelle le Seigneur les appelait et, tout en s'occupant des infirmes, se consacrer davantage à l'étude de la doctrine chrétienne et des saintes écritures.

En 1727 "Paul et Jean-Baptiste passaient saintement leurs jours dans l'hôpital de Saint Gallican, lorsqu'ils reçurent la nouvelle de la mort de leur vieux père. Paul écrivit[1] aussitôt à sa mère une lettre de condoléance dans laquelle il exprimait les sentiments les plus vifs de confiance touchant le salut de son père." Puis Paul-François et Jean-Baptiste retournèrent chez eux, en Lombardie, "afin de porter à leur maman les consolations dont elle avait besoin, et donner à toute la famille la direction convenable."[2]

Le voyage de Rome à Castellazzo dura deux mois. Paul écrit à un ami: "Après deux mois de voyage, nous avons été attaqués de la fièvre tierce dès notre arrivée. J'ai été dix-huit jours sans pouvoir célébrer..."

Les deux frères retournèrent ensuite à Rome, dans l'hôpital Saint Gallican. Mais Dieu avait d'autres projets pour eux. Leur maladie ayant duré tout l'hiver, et le "protecteur" de l'hôpital ayant jugé qu'ils n'étaient pas aptes au métier d'infirmier, ils retournèrent dans la solitude du mont Argentario. en face d'Orbetello. Cette décision avait en quelque sorte été confirmée par Mgr Cavalieri qui leur écrivit: "Que vous continuiez de rester à Rome dans le nouvel hôpital, j'aurais toute la difficulté possible et imaginable de l'approuver. Je suis d'avis que cet emploi est directement contraire à votre vocation et aux vues du Seigneur sur vous..." 

Nous sommes en Mars 1728. Paul et Jean-Baptiste organisent une mission paroissiale à Talamone. Bientôt de nombreuses personnes se rendent à l'ermitage, pour se confesser et recevoir des conseils spirituels. Vers 1730 leur vie de missionnaires commence: ce sera un nouveau genre de vie, alliant vie contemplative liée à la Passion, et vie pénitente et apostolique. Mgr Palmieri les envoie vers les missions paroissiales grâce auxquelles ils pourront se former dans l'annonce de la Parole de Dieu. Puis naît un projet de construction d’une Retraite (maison de communauté des Passionistes), dédiée à la Présentation de Marie au Temple, sur l’Argentario.

Au mont Argentario les deux frères vont d'abord vivre dans un pauvre ermitage dédié à saint Antoine. Petit à petit une communauté religieuse se constitue; en 1730, elle réunira sept personnes. La vie y sera rude, pauvre, priante et travailleuse. On jeûnait tous les jours, sauf les jours de fête. L'un des compagnons de Paul et de Jean-Baptiste qui avait pris l'habit ne put continuer ce genre de vie, en raison de sa santé; il écrivit: "La nourriture consistait en pain de toute qualité obtenu par aumône, en une petite quantité de vin mêlé de beaucoup d'eau, en un potage d'herbes ou de légumes, en une portion de saline ou de poisson reçu par charité."

7-1-Construction de la première Retraite

Les frères vivaient dans un dépouillement total. Bientôt, pour répondre à l'apostolat qui leur sera demandé, ils parcourront, pieds nus, des chemins escarpés bordés d'arbustes épineux. Dieu seul connaît la souffrance qu'ils durent endurer, par amour pour Dieu et le zèle pour le salut des âmes... Mais bientôt il fallut penser à bâtir une Retraite[3] et une église suffisante d'une taille suffisante pour célébrer dignement les saints offices et pratiquer correctement les observances régulières.

Le Seigneur, en 1731, lui envoya sa sainte Mère; à Paul tombé en extase, Il désigna Lui-même l'endroit favorable, en face de la ville d'Orbetello. Les travaux commencèrent mais furent interrompus en raison de la guerre et du siège mis par les Espagnols sur le mont Philippe voisin. En effet, les troupes espagnoles campées au pied du mont Argentario bloquaient tout à la fois la ville d'Orbetello et le fort de mont Philippe, occupés alors par les Autrichiens. Le siège dura du 16 avril au 28 juin 1735. Par ailleurs d'autres obstacles surgissaient, nés de calomnies nombreuses, souvent émises par des prêtres ou des religieux.

Paul de la Croix écrit: "Ô Dieu! quelle n'est pas la rage des démons! Quel fracas font les mauvaises langues! Je ne sais de quel côté me tourner, et Dieu sait en quel état je suis." Et encore: "Les démons nous persécutent par malice et les hommes avec bonne intention, j'aime à le croire. Il suffit; il faut prier beaucoup, parce que des tempêtes s'élèvent de toutes parts et que les vents sont déchaînés contre nous. Dieu soit béni! Oh! si vous saviez dans quelle tribulation se trouve le pauvre Paul!" 

Enfin, le 14 septembre 1737, la première Retraite, celle d'Argentario, de la congrégation des Passionistes pouvait être inaugurée. En effet "le jour de l'Exaltation de la Sainte Croix de l'année 1737, l'église de la Présentation fut bénite solennellement par le vicaire général d'Orbetello, au nom de Son Éminence le cardinal Altieri. Le père Paul avait obtenu à cet effet un bref du souverain." Cependant le Père Paul de la Croix n'avait pas encore obtenu la faveur d'y garder le Saint-Sacrement. Il devra attendre encore trois ans avant d'obtenir "les constitutions avec le rescrit qui l'autorisait à garder le Saint-Sacrement." En 1738, Paul et Jean-Baptiste obtinrent, grâce à leurs amis de Rome et à  Mgr Palmieri, leur évêque, le titre de "Missionnaires Apostoliques" pour toute l'Italie, malgré le déchaînement de nouvelles calomnies.

Le 15 mai 1741, un rescrit du pape Benoît XIV (1740-1758) approuvait la règle de la nouvelle congrégation, mais pas encore la congrégation elle-même. En juin 1741, le jour de la fête du Corpus Domini, l'autorisation de garder les saintes espèces fut donnée. Le 11 juin 1741 eut lieu, sur l'Argentario, la première profession religieuse de l'histoire passioniste: les six premiers passionistes émirent les vœux de pauvreté, chasteté et obéissance, auxquels s'ajoutait un quatrième vœu, celui d'annoncer le mystère de la Passion. Chaque candidat choisit son nom religieux. Paul écrivit à sa mère qu'il ne se nommait plus Danei, mais "de la Croix". Quant à Jean-Baptiste, il sera désormais Jean-Baptiste de saint Michel archange. La communauté d'ermites devenait une véritable communauté religieuse, et le fondateur allait pouvoir s'appliquer de tout son cœur à la formation  de ses religieux. (d'après la Vie du bienheureux Paul de la Croix, par Saint Vincent-Marie Strambi - Chapitre 22)

7-2-Des bases solides pour la nouvelle congrégation

De nouveaux compagnons arrivèrent. La sainteté fleurissait sur le mont Argentario... De nouvelles fondations allaient être demandées... En mars 1744 les retraites de Vetralla et de Soriano (Saint-Eutizio) étaient ouvertes et Paul de la Croix s’installa à Vetralla. Cependant il fallait asseoir la nouvelle congrégation. Après de très douloureuses épreuves, tant physiques que morales, Paul eut la joie, en mars 1746, de voir confirmée, par un "bref" pontifical, l'approbation des Règles, avec cependant quelques adoucissements, jugés indispensables par l'Église.  Le Père Paul se rendit à la Retraite de Saint-Ange et s'attela à l'établissement du noviciat dont l'ouverture eut lieu le jour de la Pentecôte 1746, avec douze novices.

Le printemps suivant, la santé de Paul de la Croix était tellement délabrée qu'il dut se rendre aux bains de Vignone. Il ne perdit pas son temps, catéchisant les personnes qui s'y trouvaient, et les édifiant pas l'exemple de ses grandes vertus. Au retour des bains, après quelques mois de séjour à Saint-Ange, il alla à la Retraite du mont Argentario. Mais il fallut bientôt réunir le chapitre pour élire les supérieurs. Le 10 avril 1747, Paul de la Croix fut élu supérieur général et recteur de la Retraite de la Présentation au mont Argentario. Le nombre de candidats augmentant sans cesse, il faudra de nouveau songer à ouvrir des Retraites.

La congrégation naissante avait déjà subi, au cours de son développement, un certain nombre de persécutions. C'est d'ailleurs à cette époque que Paul de la Croix écrivit à Sœur Gandolfo, une de ses dirigées: "...je continue de craindre. Oh! Quelle colère éprouve le diable envers cette œuvre!..." Curieusement, en effet, venant de religieux que personne n'aurait pu soupçonner, de nouvelles persécutions se manifestèrent en 1748-1750: plusieurs ordres mendiants se coalisèrent contre la congrégation passioniste. Un procès fut ouvert à Rome. Les passionistes eurent gain de cause en avril 1750. Mais le Père Paul, très éprouvé, avait écrit à son ami Fulgence, le 6 octobre 1748, puis à Thomas Fossi le 14 mai 1749: "En célébrant la messe je me suis senti poussé à ne m'appuyer que sur Dieu, et sur lui seul...

Je me trouve plongé dans les occupations: les vents et les tourbillons s'agitent violemment en moi. Et comme je suis encore plus inerte que de la paille, c'est miracle que ces tempêtes ne m'aient pas abattu..."

Pour résumer, disons que selon Paul de la Croix, "le premier devoir du Passioniste, c’est de devenir saint; et le moyen principal pour y parvenir est l’oraison qui permet de s’unir à Dieu. La Passion doit être le charisme spécifique des passionistes et la pauvreté effective, un instrument de perfection. Mais la pauvreté des passionistes ne doit pas être uniquement matérielle, elle doit être aussi une pauvreté intérieure, une connaissance de soi élevée jusqu'à la béatitude des pauvres de cœur."[4]


[1] Voir Annexe 2.
[2] Vie du bienheureux Paul de la Croix, par Saint Vincent-Marie Strambi - Chapitre 18.
[3] nom donné aux monastères des communautés passionistes.
[4] Saint Paul de la Croix Mystique. Le Journal des quarante jours de Philippe PLET  Édition Nouvelle Cité.

   

  

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