LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

Troisième partie

Méditations sur la Passion de Jésus pendant sa vie publique
La Cène et l’Agonie

5
L’Agneau Pascal

Jésus et tous les siens sont de retour dans la salle du Cénacle. Maintenant il faut égorger l’Agneau, le préparer puis le faire rôtir. C’est Jésus, Maître de maison, qui doit égorger la petite bête calme et confiante, qui attend que sa maman brebis revienne...

Jésus s’approche de l‘Agneau; Il le prend doucement et s’assied: il faut être bien à son aise pour égorger la bête sans la faire souffrir. Jésus s’installe, et pendant un moment la caresse avec beaucoup d’amour. La bestiole confiante le regarde et cache sa petite tête sur la poitrine de Jésus, qui, discrètement essuie une larme. Seul Jean a vu le geste de Jésus, mais il ne dit rien. Peut-être pense-t-il que Jésus s’est souvenu, Lui aussi, de la plainte de Jérémie: 19-Dire que j’étais comme l’agneau qui se laisse gentiment conduire à la boucherie; je ne savais pas ce qu’ils préparaient contre moi. “Faisons-lui absorber assez d’épreuves, disaient-ils, pour qu’il disparaisse de la terre des vivants, et plus personne ne prononcera son nom.” (Jr. XI)

– C’est certain, pense encore Jean, ce ne doit pas être agréable pour un jeune animal d’être tué si jeune. Mais après tout, il ne sait pas ce qui l’attend. Et Jésus est si doux et si adroit que tout se passera au mieux.

Le sacrifice est achevé. Jésus tend l’animal à Philippe pour qu’il le dépèce, le vide de tout son sang et de ses entrailles, puis le mette à rôtir sur la broche. Jésus regarde les apôtres s’activer, puis soudain Il dit doucement:

– N’oubliez jamais cette Pâque ni cet agneau pascal, symbole de la nouvelle Alliance en mon Sang. Je suis l’Agneau de Dieu, Celui qui enlève les péchés du monde. Je suis l’Agneau de Dieu qui va être livré pour vous et pour le salut de tous les hommes.

Seul Jean a entendu la dernière phrase. Effrayé il s’approche et s’assoit près de Jésus :

– Maître que veux-Tu dire ? C’est grande fête ce soir, et soudain Tu as l’air si triste: est-ce le fait d’avoir dû égorger ce pauvre petit agneau innocent ? C’est le Seigneur Yahvé pourtant qui nous a demandé de faire ainsi, en souvenir de ses bienfaits et de notre délivrance.

– Il doit en être ainsi confirme Jésus. Toutes les Écritures le disent. Écoute: 8-Tous ceux qui me détestent se parlent à voix  basse, ils interprètent au pire le mal qui m’afflige.  (Ps. 41(40)

– Jérusalem, continue Jésus, Jérusalem semble si calme ce soir, et pourtant tous sont en train, en ce moment même, de comploter contre Moi. Car c’est l’Heure, Jean, c’est l’Heure de Dieu, et c’est mon Heure. C’est aussi l’heure des ténèbres et 5-mon cœur se tord en moi, une angoisse mortelle m’étreint, 6-crainte et tremblements s’emparent de moi. (Ps. 55 (54)) Mon Cœur, le Cœur du Saint de Dieu, le Cœur de l’Amour tremble et frémit sous le poids de la haine, 17-sous les cris, les insultes et les blasphèmes, et au spectacle de la haine et de la vengeance, (Ps. 44 (43))

4-Déjà j’entends les cris de l’ennemi et les menaces des méchants. Ils m’assourdissent de leurs cris et me persécutent avec rage. (Ps 55 (54))

Jean est atterré. Il se penche amoureusement sur le Cœur de Jésus et demande dans un souffle:

– Oh ! Maître, est-ce possible ?

– Jean, cette nuit sera une nuit spéciale, la nuit de la grande Offrande, du plus grand des sacrifices, du Sacrifice Unique, du Sacrifice Suprême, universel. Vois, dit Jésus en montrant les onze autres en train de s’activer autour des plats à préparer, ils sont tous heureux ce soir, ils ne se doutent de rien car ils ne veulent pas voir, ils ne veulent pas comprendre. Ils ont peur de comprendre...

– Mais le pire, Jean, et le plus douloureux à mon Cœur, c’est que c’est l’un de vous qui Me trahira.

13-Si l’offense venait d’un adversaire, je le supporterais; si un ennemi se dressait contre moi, je me cacherais de lui. 14-Mais c’est un homme de ma condition, mon ami, mon intime 15-à qui m’unissait un doux commerce dans la maison de Dieu. ( Ps. 55 (54)) Oui, Jean, 10-Même mon ami en qui je me confiais, qui partageait mon pain avec moi, s’est retourné contre moi. Ps. 41(40)

Jean se contente de pleurer.

– Maintenant, Jean, sèche tes larmes, c’est l’heure de se réjouir. Ne dis rien de tout cela avant que le Fils de l’Homme soit livré aux mains de ses ennemis.

La fête pascale fut une réussite. Le repas, préparé avec beaucoup d’amour était excellent, et le vin délectable. Jésus et les douze apôtres sont manifestement très heureux dans la joie de leur amitié. Jean semble même avoir oublié les angoisses de sa dernière conversation avec Jésus...

Maintenant que la salle est rangée, nettoyée, Jésus fait de nouveau préparer la table, avec juste du pain et du vin.

– Nous en aurons besoin tout à l’heure.

Tout le monde s’assoit autour de Jésus. L’heure est à la détente, et les plaisanteries, pas toujours du meilleur goût, commencent à s’égrener. On rit, on est content, on chante...

Bientôt Jésus fait taire ses apôtres et dit:

– Nous venons de célébrer la fête pascale, la fête de l’Alliance. Dorénavant vous ne célébrerez plus cette Pâque. C’est une Nouvelle Alliance que Dieu va sceller avec vous, et c’est cette Nouvelle Alliance que vous célébrerez dorénavant.

Les apôtres sont tellement surpris qu’ils ne savent même plus articuler le moindre mot.

– Depuis longtemps Je désirais célébrer cette Pâque avec vous. Depuis longtemps Je désirais, d’un grand désir, manger cette Pâque avec vous avant de souffrir.

Les apôtres se regardent les uns les autres, se demandant:

– Que veut-Il dire ?

– Mes amis, reprend Jésus, vous ne comprenez pas encore, mais bientôt vous comprendrez. Rappelez-vous les plaintes du prophète Jérémie : 11-Dis-moi, Yahvé, ne t’ai-je pas bien servi ? N’étais-je pas là à supplier au temps du malheur et de l’invasion ? Tu le sais, Yahvé.

15-Souviens-toi de moi, montre-toi et venge-moi de ceux qui me persécutent. Ne retiens pas davantage ta colère, ou ils auront raison de moi; c’est pour toi que je souffre tant d’humiliations !

18-Pourquoi ma douleur est-elle continuelle et ma blessure rebelle à toute guérison M’as-tu trompé, toi ma source, et me laisses-tu soudain sans eau ? (Jr. XV)

– Sa prière à Yahvé doit devenir la vôtre, à vous qui M’avez suivi depuis le début :

14-Guéris-moi, Yahvé, que je sois guéri, sauve-moi, que je sois sauvé: c’est vers toi toujours qu’est allée ma louange. Oui, que votre prière à Yahvé se fasse plus instante, car bientôt vous serez dispersés, et vous tremblerez d’angoisse. Priez, mes enfants, priez pour que le Seigneur vous donne sa force. Priez comme le prophète affligé :

17-Ne me fais pas tomber dans l’épouvante, toi, mon refuge au jour du malheur. 18-Que ceux qui me persécutent soient confondus, et que moi, je ne sois pas confondu ! Qu’ils soient effrayés, et que moi je ne sois pas effrayé. Fais venir sur eux le jour du malheur, frappe-les, oui, frappe-les bien! (Jr. XVII)

Judas semble donner des signes d’impatience :

– Voyons, Seigneur, qui devrions-nous craindre ? Où sont ceux qui nous persécutent? Jérusalem n’a jamais été aussi calme, et moi, je n’ai pas peur. D’ailleurs, de qui aurais-je crainte ?

Jésus regarde Judas, intensément, mais ne dit rien. Jésus soupire, longuement, puis continue, seul, l’énoncé des gémissements de Jérémie :

19-Yahvé, donne-moi ton attention, entends ma plainte !

20-Est-ce qu’on doit rendre le mal pour le bien ? Voici qu’ils m’ont creusé une fosse. Souviens-toi que je me tenais devant toi pour te parler en leur faveur et détourner d’eux ta colère.

22-Ils ont creusé un piège pour me prendre, ils ont caché des filets sous mes pas. 23-Tu le sais, Yahvé, ce qu’ils veulent, c’est ma mort ! (Jr. XVIII)

Judas hausse les épaules, mais se tait. Jean pleure. Pierre se tourne vers son frère André et chuchote:

– Cela, le Maître nous l’a déjà dit quand nous revenions de la Montagne du Tabor. Moi, je ne comprends pas ce qu’Il veut nous dire par ces mots. Personne ne veut Le mettre à mort !

Jésus se lève, solennel, tout en continuant à réciter :

7-Yahvé, tu m’as séduit et je me suis laissé séduire. Oui, Père, Tu m’as séduit et Je me suis laissé séduire. Tu m’as fait violence, et tu as gagné. J’ai toujours fait ta volonté, mais ce soir, Je la fais encore plus, bien que l’on rie de moi, que tous se moquent de moi !

9-C’est en moi comme un feu brûlant qui dévore mes os : j’essaye de le contenir, mais je ne peux pas.

10-Je les entends tout autour de moi qui crient : ‘Dénoncez-le, oui, dénonçons-le!’ Même mes proches guettent ma chute : “Au premier faux pas, nous aurons le dessus, alors nous nous vengerons de lui !”

Jésus est resté Lui-même, mais, le feu d’amour qui brûle en Lui, L’a comme illuminé lorsqu’Il s’écrie :

11-Mais Yahvé est avec moi comme un guerrier puissant, c’est pourquoi mes ennemis tomberont.  (Jr. XX)

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