LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

Troisième partie

Méditations sur la Passion de Jésus pendant sa vie publique
La Cène et l’Agonie

6
Avant l’Eucharistie

La Pâque ancienne vient d’être célébrée. Jésus avait choisi ce jour pour célébrer la Pâque avec ses apôtres avec deux jours d’avance. Cette Pâque, Jésus l’avait désirée d’un grand désir. Maintenant, le repas est achevé et tout a été soigneusement rangé afin de laisser les lieux dans une extrême propreté. Mais pourquoi Jésus a-t-il, de nouveau, fait préparer la table ? Et pourquoi ce pain, et pourquoi ce vin ?... Et pourquoi ce plat contenant encore de la délicieuse sauce du repas est-il resté sur la table ?

Et surtout pourquoi cette prière dramatique qui s’est achevée sur un cri d’espérance dans une lumière de Gloire ? Et pourquoi aussi cette cérémonie déplacée durant laquelle c’est le Maître qui a lavé les pieds de ses disciples ? Cette tâche réservée aux esclaves ! Et surtout, que signifie cette remarque: “Je dois vous purifier avant  de vous donner mon Corps livré et mon Sang versé”

Les apôtres sont tellement dépassés par les derniers agissements de Jésus qu’ils se laissent conduire, presque stupidement, avec des airs de plus en plus ahuris...

Pourtant Jésus paraît heureux avec ses apôtres, avec les douze qu’Il a choisis. La grande salle du Cénacle qui avait été soigneusement décorée et illuminée a gardé son air de fête. Mais Judas s’agite beaucoup, comme impatient, mal à l’aise. Sans rien dire Jésus le regarde longuement, cherchant, en vain, le regard qui se dérobe...

Les apôtres se sont assis autour de Jésus, attendant d’autres enseignements, d’autres explications. Jésus parle :

– La fête pascale est, pour nous, les juifs, la célébration de la grande libération. Dieu, enfin, a entendu le cri de son peuple opprimé. Dieu a entendu le cri de la souffrance des siens, Dieu a vu la méchanceté des Égyptiens et leur perversité. Dieu a vu l’innocence de ses élus, et Dieu vient sauver son peuple... Le jour de sa Pâque, de son Passage, Dieu a sauvé son peuple. Aujourd’hui, nous avons fait mémoire de la délivrance d’Israël.

– Mes amis, notre Aujourd’hui d’aujourd’hui est un autre aujourd’hui, un nouvel aujourd’hui. Aujourd’hui, l’Ange du Seigneur va encore passer près de nous... Aujourd’hui, ce qu’annonçaient les prophètes et les psaumes à mon sujet va se réaliser. Reprenons, pour mieux la comprendre et l’approfondir, la prière des anciens, la prière de nos pères, cette prière que vous connaissez si bien. Joyeux, les apôtres se lèvent, et, avec Jésus, prient les psaumes. Enfin, la paix est revenue dans les cœurs précédemment troublés. L’attente est joyeuse dans la salle, de nouveau tout est fête.

Avec Jésus tous les apôtres prient avec ferveur. Pourtant, soudain, une légère inquiétude se manifeste sur les visages, car, jamais avant cette étrange soirée, les apôtres n’avaient prêté attention aux paroles angoissantes des psaumes : 7-Les méchants m’ont tendu un filet. Sans raison ils ont creusé le sol sous mes pieds.

27-Encourage ceux qui défendent mon innocence, pour qu’ils puissent dire : “Oui! le Seigneur est grand, grand est Celui qui réhabilite son Serviteur.”(Ps. 35 (34))

Jésus a légèrement frémi en chantant ce psaume? C’est que son Heure, l’Heure pour laquelle Il était venu dans le monde est arrivée. Dans quelques heures la Victime sainte sera faussement accusée, jugée, condamnée, puis exécutée. Mais le sang de la Victime sauvera le monde de son péché... Jésus sait que la Victime sainte, c’est Lui, Jésus, le Messie refusé. Jésus est venu pour cette Heure. Cette Heure, Il l’accueille avec joie, avec impatience, mais Jésus-Homme frémit et par moments, son angoisse se manifeste.

Jésus se reprend vite car, aujourd’hui, dans un instant, Il sera glorifié. Pour le moment, il convient de reprendre la prière et l’action de grâce. Jésus entonne :

2-Délivre-moi, Seigneur, de l’homme mauvais, garde-moi des violents 3-qui méditent le mal en leur cœur, et tout le jour incitent à la guerre. 4-Ils ont aiguisé leur langue comme le serpent, un venin de vipère est caché sous leur langue. 5-Garde-moi, Seigneur, de la main du méchant et protège-moi du violent quand il s’apprête à me faire trébucher. 6-Des insolents m’ont caché un filet, ils ont tendu des lacets à mes pieds, ils m’ont posé des pièges au bord du sentier. (Ps. 140 (139))

– C’est sûr, lance Judas, il ne peut s’agir que des Romains, ces maudits !

Les apôtres sont d’accord avec ces paroles, et ils prient intensément pour que Yahvé les délivre de l’occupant honni. Jésus regarde ses apôtres qui chantent, tellement heureux, pleinement rassurés. Les craintes récentes de Jésus ne sont plus justifiées: ce n’est pas aujourd’hui qu’Il sera livré aux méchants! Jésus regarde ses apôtres pendant qu’ils chantent, Il les regarde avec un regard plein d’amour, et, se retournant comme pour déplacer du pain et une coupe de vin, furtivement, Il essuie une larme en entendant :

2-Ô mon Dieu, sauve-moi, les eaux m’arrivent jusqu’à la gorge. 3-Je suis pris dans la boue du gouffre et rien pour m’appuyer. J’ai glissé dans les eaux profondes et le flot me submerge. 4-Je m’épuise à crier, j’en ai la gorge en fièvre. J’ai les yeux fatigués d’attendre mon Dieu. 5-Partout des ennemis à qui je n’ai rien fait, il y en a plus que de cheveux sur ma tête! Ils sont plus forts que moi ceux qui, sans raison, me haïssent : comment puis-je rendre ce que je n’ai pas pris ?

7-Ô mon Dieu, ne déçois pas à mon sujet ceux qui espèrent en Toi, Seigneur Sabaot ; n’humilie pas à cause de moi ceux qui Te cherchent, ô Dieu d’Israël. 8-C’est pour toi que j’ai connu les affronts et que la honte me couvre le visage. 9-Je suis devenu un étranger pour mes frères, un inconnu pour les fils de ma mère. 10-Un amour jaloux pour ta maison me dévore, m’attire les insultes de ceux qui T’insultent. 11-Si je fais pénitence, si je jeûne, cela me vaut des affronts. 12-Si je revêts le sac on s’amuse de moi. (Ps. 69 (68))

La soirée s’avance, l’Heure se fait toute proche. Jésus a encore beaucoup à enseigner à ses amis, mais le psaume doit s’achever... Il fait signe à ses apôtres de continuer.

14-Je reste à Te prier, mon Dieu, hâte l’heure de ton bon vouloir. Aie pitié de moi dans ta grande bonté, sauve-moi, Toi qui es fidèle.

17-Réponds-moi, Seigneur, ta grâce apporte le bienfait, tourne vers moi le visage de ta miséricorde. 18-Ne cache pas ta face à ton serviteur, tu me vois dans l’angoisse, hâte-Toi de me répondre. 19-Délivre-moi de tant d’ennemis, viens assez près pour leur reprendre ma vie. 20-Tu connais mes adversaires et Tu sais mes humiliations; tant d’affronts m’ont brisé le cœur, ma honte et ma confusion sont sans remède. (Ps. 69 (68))

Jésus s’arrête encore. Les apôtres Le regardent, étonnés, inquiets, interrogateurs. Judas hausse les épaules et s’agite de plus en plus. Jésus reprend :

1-J’attendais de la compassion, mais rien; quelqu’un qui me réconforte, personne n’a bougé.

22-Ils ont mis du poison dans mes aliments, et pour ma soif ils m’ont versé du vinaigre.

27-Ils ont persécuté celui que Tu frappais, ils ont rajouté aux douleurs de ta victime.

30-Quant à moi, humilié et brisé, ton salut, mon Dieu, me relèvera.

Barthélemy ne peut plus se tenir :

– Seigneur, nos adversaires, ce sont pourtant bien les Romains. Le psalmiste dit-il vrai quand il nous promet tant de malheurs et tant d’humiliations ?

Jésus demande à tout le monde de s’asseoir autour de la table qu’Il va présider :

– Comprenez-vous tout ce que J’ai fait et enseigné ce soir ?...

Non les apôtres n’ont pas compris. Comment l’auraient-ils pu ?

– Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous faites bien, car vraiment Je le suis. Si donc, Moi, le Seigneur et Maître, tout à l’heure, Je vous ai lavé les pieds, vous devrez, vous aussi, vous laver les pieds les uns aux autres. Rendre service à ses amis, même les plus humbles services, c’est les aimer. Et aimer son prochain, c’est le corollaire du Grand Commandement : “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit. Et la preuve que tu aimes Dieu, c’est que tu aimes aussi ton prochain.”

Jésus poursuit son enseignement sur l’amour et sur les meilleures façons de montrer l’amour que l’on a pour son prochain. Il rappelle la parabole du Bon Samaritain, puis soudain, Il s’interrompt et dit :

– L’un de vous Me trahira.“

Tous les disciples se regardent; même Judas semble étonné, scandalisé :

– Seigneur est-ce possible ?

Une nouvelle tension enveloppe tous les participants à cette soirée vraiment pas comme les autres.

– Seigneur qui est-ce ?...

– Seigneur qui est-ce ? demande Jean, visiblement très angoissé. Seigneur oh ! fais que ce ne soit pas moi !

Jean se penche vers Jésus et s’appuie contre son Cœur.

– Non Jean, ce n’est pas toi, mais celui à qui je vais donner une bouchée de pain.

Jésus découpe une bouchée de pain, la trempe dans la sauce et la donne à Judas :

– “Ce que Tu fais, fais-le vite.”

Judas fait signe qu’il comprend. Il sort : dehors, il faisait nuit...

Jésus vient d’envoyer Judas faire une course; les apôtres ne savent pas laquelle : probablement quelque chose à donner à un pauvre ou à une veuve, se disent-ils...

Dehors, c’est la nuit. Judas est sorti dans la nuit. Avec l’air frais qui vient d’arriver du dehors, il semble que l’on respire mieux dans la pièce. L’atmosphère s’est comme brusquement détendue, et, dans la Salle du Cénacle, on a soudain l’impression que les lampes éclairent davantage.

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