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Pour méditer la Passion de Jésus, la Passion de la Vie de
Jésus, il faut être Ravi. Le
petit Ravi des crèches provençales ne fait rien; il
n’a pas de métier, il ne travaille pas, il est là immobile, inutile: il
contemple Jésus. Le Ravi est ravi. Il nous semble inutile, mais pourtant c’est
lui qui nous apprend à contempler Jésus. Alors, pour préparer notre cœur à
avancer sur le long chemin de sa Croix, nous allons pénétrer dans le cœur du
Ravi, et, priant avec lui sa prière, nous allons vivre aussi, avec lui, pauvre
petit ravi au cœur pur, une contemplation étonnante.
Jésus, éclaire-nous de ton Esprit, ton Esprit d’Amour, ton
Esprit-Saint: l’Amour du Père et du Fils. Jésus, depuis longtemps, les hommes
ont beaucoup cherché la signification de ta Pauvreté Évangélique; ils ont
cherché aussi comment on pouvait la vivre avec Toi, dans des mondes trop riches
de biens matériels, et si pauvres spirituellement. Et voilà que soudain, nous
sommes des Ravis, pauvres petits ravis pour Te contempler Toi. Et tes ravis Te
prient, et chaque Ravi Te dit:
“Jésus, ton Ravi est petit mais ravi. Oui, Jésus, Tu m’as
ravi, et j’en suis ravi. Tu m’as ravi, Seigneur, Tu m’as pris avec Toi, dans ton
Cœur. Tu m’as ravi, Jésus, véritablement kidnapé, pour que je sois toujours avec
Toi, un Ravi dans ton Amour et dans ton Cœur. Tu m’as ravi, Jésus, et voilà que,
ravi, je suis ravi.
Tu m’as ravi, Jésus, et je suis ravi. Je Te regarde, je Te
contemple. Je Te trouve “ravissant”, c’est-à-dire quelqu’un qui ravit, dans les
deux sens du terme. Je Te trouve beau, je Te trouve bon, je Te trouve
merveilleux, et je m’émerveille. Ravi, je Te regarde, et j’oublie tout le reste.
Je Te regarde à Bethléem, sur ta petite mangeoire. Tu es si mignon, si gentil,
si beau, si attirant. Je ne peux pas détacher mon regard de ta douceur, de ta
gentillesse; et Tu sembles m’appeler pour que je vienne à Toi, pour Te donner un
petit baiser, et recevoir ton Baiser d’Amour.
Tu m’appelais, Jésus, à Bethléem, quand je Te contemplais
dans la crèche de ta naissance. Et Tu m’as dit: “Suis-Moi!” Alors me voici avec
Toi sur les routes qui mènent en Égypte. Tu T’abandonnes, Jésus, dans les bras
de Marie: sa vie n’est pas facile, mais Tu conduis toujours quelqu’un vers elle
pour apporter le lait dont Tu as besoin. Et Marie est confiante, elle se hâte,
mais sans peur. Elle a bien peu de choses, mais juste assez pour vivre et Te
donner le nécessaire.
Me voici avec Toi sur les routes d’Égypte, sur les bords du
Nil. Joseph s’est arrêté, car il sent, dans son cœur, que c’est là qu’il doit
être, pour accomplir sa tâche, celle de Te protéger tant que Tu veux être petit,
sans force et sans défense. Je regarde Joseph: il a trouvé du travail,
exactement ce qu’il lui faut pour nourrir sa famille et la garder des périls
ambiants. Il a monté une petite maison, il a placé quelques objets; ce n’est pas
luxueux, à peine le nécessaire, mais Marie peut avoir un chez elle... Tu
pourrais être insouciant comme tous les petits bébés, mais Tu viens d’entendre
quelqu’un qui informait Joseph du massacre des Innocents de Bethléem: et ton
petit cœur pleure, Jésus, silencieusement mais si douloureusement. Et moi, Ravi,
je pleure aussi...
Je Te suis toujours, Jésus, je reste près de Toi. Ravi, je Te
regarde. Tu semblais m’appeler, alors je suis entré avec Toi dans la maison de
Nazareth, et je vis avec Toi, bien caché: rien ne me distingue des autres
habitants de Nazareth, tes familiers. Je vis comme eux, avec eux, je suis pour
Toi comme un camarade de jeux qui vient pour partager ta vie... Jésus, Tu
grandis, et moi, je Te regarde. Comme Tu es gentil, affectueux, plein d’égards
pour ta Mère et pour ton Joseph que Tu aimes tant! Je Te regarde, Jésus, et
j’admire ta soumission. Tu obéis toujours à Joseph, à Marie, avec un sourire...
Ils n’ont jamais besoin d’élever la voix, ton regard leur dit que Tu les
aimes...
Tu sembles si heureux, Jésus, à Nazareth! Pourquoi, alors,
pleures-Tu si souvent quand Tu pries sur les psaumes? Pourquoi es-Tu si triste
quand, le jour du Sabbat, Tu entends le Rabbin lire le prophète Isaïe? Moi,
ravi, je Te regarde sans comprendre. Moi, je ne fais rien, je ne dis rien: je Te
regarde, Jésus, mais je T’aime, et je pleure avec Toi.
Me voici avec Toi, Jésus. Ravi, je Te regarde. Tu m’appelles:
voici que je Te suis sur les routes de Galilée, sur les routes de Judée, sur les
routes du monde. Je Te suis, Jésus. Ravi, je Te regarde, et ravi, je T’écoute.
Je T’écoute, Jésus, ravi, et je T’entends parler: “Bienheureux les cœurs purs,
car ils verront Dieu, bienheureux les doux et les humbles de cœur, ils Me
ressembleront et ils seront ravis.” Et ils seront ravis? Oh! oui, Jésus, je suis
ravi, tellement ravi que j’oublie tout autour de moi, pour ne penser qu’à Toi,
que pour Te regarder et pour Te dire:”Je T’aime!”.
Tu m’appelles, Jésus, alors me voici sur ta Montagne sainte.
Ravi, je Te contemple, je T’admire: Tu es si beau, si merveilleux, et Tu as
l’air si bon! Tu es si beau, Jésus, avec la robe neuve que Marie T’a tissée, la
tunique sans couture... Tu es si beau, Jésus, que je me perds dans ta
contemplation: Tu me fascines d’une manière si étrange. Je suis ravi, Jésus, et
pourtant je T’écoute, pour ne pas perdre une seule de tes paroles: “Heureux les
pauvres de cœur, heureux ceux qui ont un cœur de pauvre, un cœur ouvert, un cœur
aimant, un cœur qui compatit aux souffrances des autres. Bienheureux les pauvres
de cœur, le Royaume des cieux est à eux.”
Je T’écoute, Jésus, j’essaie de Te comprendre. Jésus, je suis
devant Toi, ravi, comme le Ravi des crèches de Provence: je ne fais rien, je ne
sers à rien, je suis complètement inutile, et pourtant je sens qu’il manquerait
quelque chose au monde si je n’existais pas. Je ne sers à rien, Jésus, rien qu’à
Te regarder, et à T’aimer: Tu m’as fait Ravi pour cela...
Oui je Te regarde, et je Te suis, Jésus. Je ne sais pas où Tu
vas, mais je Te suis. Je ne sais pas où Tu m’emmènes, mais je sais que je dois
Te suivre, et rester avec Toi, sans rien faire, qu’à Te suivre et à Te
regarder... Tu sais Toi, ce que Tu veux faire mais le pauvre Ravi ne peut pas
encore le comprendre.
Je Te contemple, et je Te suis Jésus, mais avec crainte,
parfois. Le pauvre Ravi, tout en Te regardant, tout en Te contemplant et en
T’aimant, s’inquiète maintenant. Son intelligence bornée de Ravi n’arrive pas
toujours à comprendre tes paroles mystérieuses. Et le chemin que Tu suis lui
paraît bien risqué...
Pourtant le Ravi suit tout en Te regardant. Il tombe parfois,
mais Tu le relèves. Il s’inquiète, mais Tu le consoles. Il a peur, mais Tu le
regardes, et Tu lui souris, avec ton sourire merveilleux, extraordinaire,
irrésistible, ton sourire que le Ravi, ravi, ne cesse de contempler.
Jésus, tout en Te regardant je Te suis. Ravi, je ne peux pas
savoir où je vais, le chemin que je suis puisque c’est Toi que je regarde,
tremblant mais fasciné. Aujourd’hui, Jésus, je suis avec Toi,à Gethsémani, car
c’est là que Tu allais. Et je Te regarde toujours, Jésus, sans comprendre, je
suis simplement près de Toi. Plus que jamais je me sens inutile, impuissant, et
tellement pauvre et petit. Je Te regarde, Jésus, comme un Ravi qui ne peut
détacher son regard de ta souffrance et de ton Agonie. Je Te regarde, Jésus, et
je pleure avec Toi. Je ne peux rien pour Toi, Jésus, je ne peux rien, Jésus, que
pleurer avec Toi. Pleurer et Te regarder, ravi, mais un Ravi en pleurs, un Ravi
impuissant, inutile, et désespéré.
Jésus, Tu m’as ravi, pour être un Ravi près de Toi, pauvre
petit bonhomme placé là à tes pieds. Pauvre petite fleur perdue de pauvreté...
Pourtant, Jésus, c’est ce pauvre Ravi que Tu saisis soudain, pauvre petit ravi,
posé là, à tes pieds, pour ta consolation, au jardin des Olives. Tu regardes, ô
Jésus, le Ravi si ravi, Tu le regardes, l’aimes et le mets dans ton Cœur...”
Le Ravi à Gethsémani
Jésus a emmené le Ravi jusqu’à Gethsémani, Il l’a pris et
posé dans son Cœur. Le
Ravi contemple toujours Jésus qui parle à ses apôtres...
et qui bientôt s’éloigne. Il faisait çà souvent, quand Il voulait se recueillir
pour retrouver le Père, chaque matin et chaque soir. Les apôtres savent que
Jésus va prier et rencontrer le Père: aussi restent-ils là où ils sont. Ils sont
un peu inquiets, mais leur fatigue est telle qu’ils s’endorment très vite.
Jésus, le Ravi Te regarde toujours et il parle : ”Te voici
seul avec le Père. C’est l’Heure, et pour Toi, il n’est pas question de dormir.
Te voici seul avec le Père et avec Toi-même, Jésus, car c’est la Trinité que Tu
rencontres maintenant.
Voici les trois hommes qu’Abraham rencontra; et parmi ces
trois hommes, il y a Toi, Toi, le Verbe de Dieu. Et ces trois hommes promettent
à Abraham une descendance aussi nombreuse que les étoiles... C’est Toi, Jésus,
Verbe de Dieu, qui Te fais en quelque sorte la promesse qui va s’accomplir
aujourd’hui: de ton sein transpercé couleront des fleuves d’eau vive, de ton
Cœur ouvert va naître ton Église.
Et voici le buisson qui étonna Moïse, le Buisson ardent de
ton Amour brûlant. Et puis voici ta voix, la Parole de Dieu dans les Foudres du
Sinaï. Voici maintenant le Serviteur Souffrant, Te voici Jésus, tel que Tu seras
dans quelques instants... Tout cela, Tu l’as voulu avec le Père et votre Esprit
d’Amour, de toute éternité...
Toi et le Père, qui n’êtes qu’UN avec l’Esprit, qui n’êtes
qu’une seule et unique volonté, avez voulu cela, ton Agonie et ta Passion, pour
sauver tous les hommes.
Tu veux toujours cela, Jésus, Verbe de Dieu, car ta volonté
est toujours celle du Père, et Tu es toujours la Parole de Dieu. Mais l’Homme
doit sauver l’homme. Et Toi, Fils de Dieu et Fils de l’Homme, Tu es là, ce soir,
contemplant la volonté du Père qui est aussi la tienne.”
Jésus, le Ravi Te regarde, il regarde l’Homme que Tu es. Le
Ravi Te regarde Jésus: il est de plus en plus ému. Pourquoi, Jésus, soudain,
sembles-Tu craindre ? Que peut craindre le Fils de Dieu, le Verbe de Dieu incarné
dans l’Homme ? Justement, Tu es l’Homme, Jésus, et c‘est l’Homme qui doit sauver
les hommes. C’est l’Homme qui maintenant est affronté aux tentations, aux
visions sataniques des mondes à venir, à l’apparente inutilité du Sacrifice
suprême. Le Verbe qui est Toi est toujours UN avec le Père et l’Esprit, Il est
aussi en Toi, comme deuxième nature. Alors pourquoi ce cri qui déchire l’espace:
“Non Père pas çà !”
Jésus, Dieu et homme, Jésus, Verbe fait chair, Tu sais ce qui
va arriver puisque c’est Toi qui l’as voulu, c’est Toi qui l’as décidé, d’un
commun accord avec le Père. Alors, pourquoi ce cri, ce refus douloureux? Jésus,
Tu es Dieu, Tu es Homme, Fils de Dieu, Fils de l’Homme. L’espace d’un instant,
ta nature humaine recouvre ta nature divine. Tu vis ce que tout homme vit, quand
il souffre beaucoup et qu’il sait que sa souffrance est rédemptrice, en
communion avec la tienne. Pendant que son corps crie: “Non!” son cœur pourtant
dit “oui!” En cet instant suprême, ton Corps aussi dit ‘Non!” Jésus, mais, dans
un instant, ton Cœur dira “Oui!” Ta volonté de Fils rejoindra la volonté du
Père.
Le Ravi Te regarde Jésus. Il se souvient qu’il a eu mal,
parfois, et qu’il criait vers Dieu. Il sait aussi que son cœur malheureux,
pourtant Te disait: Oui! Le Ravi Te regarde, Jésus et il entend ton cri, et
soudain il a peur: le Verbe en Toi dira-t-il “Oui”?
Le Ravi Te regarde Jésus, et il pleure avec Toi, il ne sait
rien faire d’autre. Le Ravi pleure avec Toi Jésus, mais il est rassuré: car si
ton Corps crie sa peine et sa souffrance, le Verbe en Toi, ton Cœur de Dieu le
Fils, a rejoint le Cœur du Père dans le OUI! éternel de ton éternité.
Tu pleures, Jésus, car ton corps d’homme, ton Corps du Fils
de l’Homme est encore tout meurtri de l’effroyable lutte. Tu pleures, Jésus, le
Ravi pleure aussi sans bien savoir encore si ce sont des larmes de souffrance ou
des larmes de joie. Le Ravi pleure, Jésus, avec Toi: il Te regarde toujours, il
s’approche doucement, juste pour Te dire: “Merci! Je T’aime.”
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