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LIVRE SECOND
VISION PREMIÈRE
Sommaire : De la Toute-Puissance
de Dieu. - Paroles de Job sur le même sujet. - Que le Verbe, avant et après
avoir revêtu l'humanité, indivisiblement et éternellement, est auprès du Père. -
Pourquoi le Fils de Dieu est-il appelé Verbe- Que par la vertu du Verbe de Dieu,
toute créature est produite, et que l'homme renaît dans la rédemption. - Que
l'incompréhensible puissance de Dieu a fabriqué le monde et produit les diverses
espèces. - Que toutes choses étant créées, l'homme fut créé du limon de la
terre. - Qu'Adam ayant accepté le doux précepte d'une obéissance facile, à
l'instigation du démon n'obéit pas.- Qu'Abraham, Isaac et Jacob et les autres
prophètes chassèrent les ténèbres du monde par le sens (de leurs prophéties). -
Que le premier des prophètes, jean, tout resplendissant de ses miracles, annonça
le Fils de Dieu. - Que le Verbe de Dieu s'étant incarné, on y vit les effets du
grand et antique conseil.- Que l'homme ne doit pas sonder les secrets divins,
plus que Dieu ne veut les manifester. - Que le Fils de Dieu, né dans le monde,
vainquit le démon par sa mort et ramena les élus vers son héritage. - Paroles
d'Osée sur le même sujet. - Que le corps du Fils de Dieu, étant resté trois
jours dans le sépulcre, ressuscita, et que la voie de la vérité de la mort à la
vie fut montrée à l'homme. - Que le Fils de Dieu ressuscité de la mort, apparut
souvent à ses disciples pour les affermir.- Que le Fils de Dieu, montant vers
son père, (I'Eglise) son épouse, enrichie des dons divins fut fondée.
Et moi ; sans connaître les lettres, à la manière des forts,
n'ayant pas été instruite par leur enseignement, mais malgré ma débilité, (frêle
côte d'Adam), étant toute pénétrée du souffle mystique : j'ai vu comme un feu
resplendissant, incompréhensible, inextinguible, plein de vie, et toute vie,
dont la flamme était couleur d'air, et brûlait ardemment sous un souffle léger ;
et cette flamme était aussi inséparablement unie au foyer lucide, que le sont
les entrailles au corps humain. Et je vis que cette flamme fulminante, s'embrasa
; et voici qu'une forme aérienne, obscure et sphérique, d'une grande étendue,
surgit soudain, sur laquelle la flamme elle-même darda ses rayons, faisant
jaillir des étincelles de la forme sphérique, jusqu'à ce que l'air devenu
parfaitement (limpide), le ciel et la terre resplendirent d'une pleine clarté.
Ensuite, la même flamme étendit sa chaleur et sa lumière vers une petite glèbe
d'une terre limoneuse gisant au fond de l'air, pour la réchauffer, de manière
qu'elle forma la chair et le sang ; et elle lui donna le souffle (le
mouvement),de telle sorte qu'elle reçut son être complet par une âme vivante.
Cela fait, ce feu lucide, par cette même flamme brûlant ardemment sous un
souffle léger, donna à l'homme lui-même une fleur très blanche, suspendue à la
flamme comme la rosée à la plante, dont l'homme apprécia l'odeur de ses narines,
sans la goûter de ses lèvres, ni daigner l'effleurer de ses mains, se détournant
ainsi pour tomber dans les ténèbres épaisses dont il ne put se relever. Mais ces
ténèbres dans cet air augmentèrent, en s'étendant de plus en plus. Alors trois
grandes étoiles, égales par la splendeur, apparurent dans ces ténèbres; et après
elles, de multiples étoiles grandes ou petites, brillantes d'une grande clarté ;
et ensuite une très grande étoile, d'un merveilleux éclat dirigeant sa lumière
vers la dite flamme. Mais, sur la terre, apparut aussi une lueur semblable à
l'aurore, à laquelle une flamme plus éclatante fut infusée d'une manière
merveilleuse, sans être toutefois séparée du dit feu lucide ; mais une plus
grande vertu fut communiquée à cette lueur d'aurore. Et comme je voulais
considérer diligemment l'accroissement de cette vertu (volonté), un sceau fut
posé mystérieusement devant cette vision, et j'entendis une voix d'en haut qui
me dit : Tu ne pourras contempler rien autre chose de ce mystère, que ce qui
t'est concédé par un miracle de foi. Et je vis, de cette même lueur d'aurore,
sortir une forme humaine splendide, qui répandit sa clarté vers les dites
ténèbres, et fut reflétée par elles ; et, changée en pourpre de sang et en
blancheur d'aube, pénétra les ténèbres d'une vertu si grande, que cet homme qui
gisait en elles, apparaissant par la vertu de cette attraction, resplendit, et
qu'ainsi redressé, il s'éleva. Et ainsi l'homme splendide, qui sortit de
l'aurore, apparaissant dans une telle clarté que la langue humaine ne peut
l'exprimer, monta vers une si haute gloire, qu'il rayonnait magnifiquement dans
la plénitude de l'abondance et de la joie. Et j'entendis, de ce dit feu vivant,
une voix qui me dit: Toi qui es une terre fragile et sous un nom de femme
ignorante dans toute doctrine des maîtres charnels, pour comprendre les lettres
selon l'intelligence des littérateurs ; toi qui es seulement effleurée par ma
lumière qui t'éclaire intérieurement comme un embrasement lorsque le soleil
brille, crie, raconte, et écris ces choses mystérieuses que tu vois et entends
dans une vision mystique. Ne sois pas timide, mais dis ce que tu comprends en
esprit, comme je le dis par toi ; tant que seront retentis par la honte ceux qui
devraient montrer à mon peuple la voie de la justice ; mais qui, à cause de la
perversité de leurs mœurs, refusent de dire la vérité qu'ils connaissent ; ne
voulant pas s'abstenir des mauvais désirs, qui adhèrent tellement à leur chair,
qu'ils en sont presque dominés, ce qui leur fait éviter la face de Dieu, et
rougir de dire la vérité.
C'est pourquoi, être de néant, toi qui es instruite
intérieurement en esprit, par l'irispiration mystique, quoique tu n'aies pas
reçu les vertus de l'homme, à cause de la prévarication d'Eve dis cependant
l'œuvre de flamme, qui t'a été manifestée dans une vision véritable.
Car le Dieu qui a créé toutes choses par son Verbe, par le
même Verbe a ramené au salut véritable la malheureuse créature humaine qui était
tombée dans les ténèbres. Comment cela ? Ce feu très lucide que tu vois, désigne
le Dieu tout puissant et vivant, qui dans sa clarté sereine n'est jamais
offusqué par aucune iniquité et reste incompréhensible ; parce qu'il ne peut
être divisé aucunement, n'ayant ni commencement fin ; et il ne peut être compris
tel qu'il est par aucune étincelle de science de sa créature ; et il est
inextinguible, parce qu'il est lui-même cette plénitude que n'atteint nulle fin
; et il est tout vivant (toute vie) parce que rien ne lui reste caché ; et il
existe dans la plénitude de la vie, parce que tout ce qui vit reçoit de lui la
vie ; selon ce que Job, inspiré par moi, indique en disant : Qui ignore que
la main du Seigneur ait fait toutes ces choses ? lui, en la main duquel est
l'âme de tout ce qui vit, et l'esprit de toute chair de l'homme
.
Que signifie cela? Nulle créature n'est si stupide, de sa
nature, qu'elle ignore, dans ces causes, les vicissitudes de sa plénitude, en
quoi elle est utile. Comment ? Le ciel a la lumière, la lumière possède l'air,
l'air est rempli de volatiles, la terre nourrit les plantes, les plantes
produisent les fruits, les fruits nourrissent les animaux ; toutes ces choses
témoignent qu'une main puissante les a placées : c'est la main du Dominateur de
toutes choses, qui a créé toutes choses, avec leurs vertus propres, de telle
sorte qu'il ne leur manque rien pour leur usage ; et dans la toute puissance du
même artisan, se trouve le mouvement de tous les êtres vivants et terrestres,
tels que les animaux, qui recherchent la terre, dans les choses terrestres, et
qui n'ont pas en eux la raison provenant du souffle de Dieu, et l'élan des
esprits qui habitent la chair humaine, dans lesquels se trouvent le
raisonnement, le discernement et la sagesse. Comment ? L'âme parcourt les
événements humains, se multipliant de mille manières, selon les exigences des
mœurs charnelles. Mais l'esprit s'élève de deux manières, à savoir par le
soupir, le gémissement et le désir qui le portent vers Dieu, ou par la recherche
qu'il fait du Seigneur, de sa loi et de son choix en toutes choses, comme étant
une obligation de précepte, car il a le discernement dans la raison. C'est
pourquoi l'homme contient en lui l'image du ciel et de la terre. Comment ? Il
possède en effet cet ensemble de facultés (ce cercle) parmi lesquelles
apparaissent la perspicacité, la vie et la raison, comme dans le ciel on voit
les astres. Il a l'âme (sensitive) qui pénètre tous les sens et leur donne le
mouvement, comme l'air qui contient les volatiles, est aussi le réceptacle des
vapeurs d'eau et de l'humidité. Il peut croître et se multiplier, comme sur la
terre les plantes, les arbres et les animaux. Comment cela ? Ô homme, tu es tout
dans toute créature, et tu oublies ton Créateur ! la créature, qui t'est
soumise, t'obéit comme il lui a été ordonné ; et toi, tu transgresses les lois
de ton Créateur !
Mais tu vois que le même feu a en
lui une flamme couleur d'air, qui brûle ardemment sous un souffle léger, et qui
est aussi inséparablement unie à ce feu lucide, que le sont les entrailles dans
l'homme : C'est que dans l'éternité, avant les temps de la formation de la
créature, le Verbe infini, dans l'ardeur de sa charité, pendant le cours des
temps qui passent, devait s'incarner merveilleusement sans la souillure et
l'assujettissement du péché, par la vertu du Saint-Esprit, dans l'aurore de la
bienheureuse virginité ; de telle sorte que cependant, comme avant de prendre la
chair, il fut indivisiblement dans le Père, et qu'ainsi, après avoir pris
l'humanité, il lui restât inséparablement uni ; car, comme l'homme n'est pas
sans le souffle vital, au fond de ses entrailles, ainsi le Verbe de Vie ne peut
être nullement séparé du Père. Et pourquoi est-il appelé Verbe ? Parce que, de
même que par le verbe mortel qui, dans la poudre terrestre de l'homme, est
transitoire, les ordres du maître sont compris sagement, par ceux qui savent et
prévoient la loi de celui qui commande: ainsi, parle verbe immortel qui ne passe
pas, à cause de la vie inextinguible qui se perpétue dans l'éternité, est
vraiment connue la puissance du Père, par les diverses créatures du monde qui le
sentent et le comprennent, dans l'état ou elles ont été créées ; et de même que
par le verbe officiel, on connaît la puissance et l'honneur de l'homme, ainsi
par le Verbe divin resplendit la sainteté et la bonté du Père.
Mais, comme tu le vois, cette
flamme fulminante éblouit : cela signifie que le Verbe de Dieu, comme pour se
montrer dans tout son éclat, manifesta sa vertu lorsqu'il façonna toute créature
; et il fut tout embrasé lorsqu'il s'incarna dans l'aurore et l'aube virginale ;
et de lui découlèrent toutes les vertus, dans la connaissance de Dieu, lorsque
l'homme reprit une nouvelle vie dans le salut des âmes.
Mais une forme aérienne, obscure
et sphérique d'une grande étendue sortit soudain, c'est la terre (l'instrument)
encore dans l'obscurité de l'imperfection, c'est-à-dire non encore embellie par
la plénitude des créatures ; et elle est ronde parce qu'elle est sous la
puissance incompréhensible de Dieu, la divinité n'étant nulle part absente ;
mais elle s'éleva en vertu de la toute puissance de Dieu, comme en un clin
d'œil, dans sa suprême volonté ; et sur elle la même flamme, comme un artisan,
frappa quelques coups, en faisant jaillir d'elle une étincelle, jusqu'à ce que
l'air devînt parfait; parce que le ciel et la terre resplendirent dans la
plénitude de leur être, lorsque celui qui l'emporte sur toute créature, le Verbe
d'en haut, montra dans la création des êtres, la servitude de ceux qui tiennent
la vertu de sa force ; produisant diverses espèces de créatures, étonnantes par
la merveilleuse origine de leurs conditions ; de même que l'artisan façonne
artistement ses modèles avec l'airain ; jusqu'à ce que ces mêmes créatures
resplendirent dans la beauté de leur plénitude, ayant en toutes leurs parties la
beauté et la stabilité d'une créature parfaite ; parce que les choses
supérieures resplendirent par les inférieures et les inférieures par les
supérieures. Mais qu'ensuite cette même
flamme, de ce foyer et de cette clarté, se répandit sur une petite glèbe de
terre limoneuse gisant au fond de l'air : cela signifie que, les autres
créatures étant formées, le Verbe de Dieu, dans la puissante volonté du Père et
dans l'amour de la suprême suavité du Saint-Esprit, regarda la fragile matière
de la molle et débile faiblesse humaine, de tous les hommes bons ou mauvais qui
devaient être procréés, contenue dans les profondeurs de son insensibilité et de
sa pondérabilité, et pas encore animée par le souffle efficace et vital ; et la
réchauffant, il façonna la chair et le sang, les pénétrant de chaleur par sa
vertu ; parce que la terre est la matière charnelle de l'homme, puisqu'elle le
nourrit de ses fruits, comme la mère ses fils ; et Dieu l'anima de son souffle,
de telle sorte qu'elle devint l'homme dans une âme vivante, parce qu'il la
vivifia par sa vertu suprême, et il produisit merveilleusement par elle, dans
une âme et un corps, l'homme intelligent.
Cela fait, ce feu lucide donna,
par cette flamme qui brûle ardemment sous un léger souffle, à l'homme lui-même,
une fleur très blanche suspendue à cette flamme, comme la rosée sur la mousse ;
parce qu'Adam étant créé, le Père qui est la lumière très pure, donna par son
Verbe en vertu du Saint-Esprit, à Adam lui-même, un doux précepte d'une
obéissance facile, adhérant au Verbe lui-même par la douce rosée de la féconde
vertu, parce que parle Verbe lui-même, une suave émanation de sainteté procéda
du Père dans le Saint-Esprit, portant des fruits nombreux et magnifiques, comme
la pure rosée qui descend sur le grain le féconde, pour qu'il produise des
germes nombreux. L'homme en vérité sentit le parfum (de cette fleur) de ses
narines, mais ne la goûta pas de ses lèvres, et ne pénétra pas ses mœurs ; parce
que lui-même effleura, comme par ses narines, le précepte de la loi, avec
l'intelligence de la sagesse; mais il n'en goûta pas parfaitement la force de
perfection intime, en l'introduisant dans sa bouche ; et il ne la remplit pas
par I'œuvre de ses mains, dans la plénitude de la vie bienheureuse, se
détournant de cette manière, pour tomber dans d'épaisses ténèbres desquelles il
ne put se relever ; parce que, à l'instigation du démon, il désobéit au précepte
divin, pour tomber dans les abîmes de la mort ; et qu'il ne voulut pas
rechercher Dieu dans la foi et dans les actes.
Aussi, écrasé sous le faix du
péché, il ne put s'élever à la vraie connaissance de Dieu, jusqu'à la venue de
celui qui, sans péché, obéit pleinement à son Père. - Mais ces ténèbres, dans
cet air, s'accrurent en s'étendant de plus en plus ; car la puissance de mort
prit toujours dans le monde des proportions plus grandes, en raison directe de
l'étendue des vices, la science de l'homme se propageant dans le sens de la
diversité des passions multiples et des péchés dégradants, que propage l'erreur.
Mais que trois grandes étoiles
égales par leur splendeur apparurent dans ces ténèbres, suivies d'un grand
nombre d'autres grandes ou petites, brillantes d'un grand éclat : ce sont sous
la figure de la suprême Trinité, les grands luminaires, à savoir : Abraham,
Isaac et Jacob se complétant mutuellement, et repoussant les ténèbres du monde
par leurs prédictions ; ainsi que d'autres nombreux prophètes, grands et petits,
illustrés par la grandeur et la beauté de leurs miracles. Mais ensuite une très
grande étoile apparut, resplendissant d'une merveilleuse clarté, et dirigeant
ses rayons vers la dite flamme : c'est Jean-Baptiste le premier des prophètes,
illustre parmi les illustres par la fidélité et la beauté de son œuvre et par
ses merveilles, annonçant le Verbe véritable, le Fils de Dieu, parce qu'il ne
céda pas à l'iniquité, mais il la combattit vaillamment et puissamment dans les
œuvres de justice.
Mais que sur la terre cette lueur
comme celle de l'aurore apparaisse, à laquelle est infusée merveilleusement une
flamme supérieure, non séparée toutefois dudit feu lucide: cela signifie que
Dieu établit une grande lumière, d'une splendeur admirable, parmi la fécondité
des choses, envoyant dans ce lieu, avec une volonté parfaite, son Verbe
nullement séparé de lui ; mais il le donna comme un fruit merveilleux, et il le
fit surgir comme une fontaine, de laquelle tout fidèle qui boit est à jamais
désaltéré. Aussi, dans cette lueur d'aurore,
une puissante volonté s'enflamma, parce que, dans la clarté de la sérénité
empourprée, la vertu du grand et antique conseil fut connue, de telle sorte que
les légions des esprits célestes admirèrent cette merveille dans la splendeur de
leur félicité. Mais toi, ô homme, quand tu désires connaître pleinement, à la
façon humaine, l'excellence de ce conseil, la barrière du mystère s'y oppose ;
parce que tu ne dois pas approfondir davantage les secrets de Dieu, qu'il ne
plait à la divine majesté de les manifester, pour l'amour de ceux qui croient
fidèlement.
Mais quand tu vois, de la lueur
d'aurore, sortir une splendide forme humaine qui, répandant sa clarté sur les
ténèbres, est reflétée par elles, et qui, changée en pourpre de sang et en
blancheur d'aube, pénètre ces ténèbres d'une si grande vertu, que cet homme qui
gisait en elles, apparaissant à son attouchement, resplendit ; et ainsi
redressé, s'élève : cela désigne le Verbe de Dieu incarné inviolablement dans la
candeur de l'intégrité virginale, né sans douleur, ni séparé du Père. Comment ?
Lorsque le Fils de Dieu naquit dans le monde d'une mère : il apparut dans le
ciel, dans le Père, et les anges tremblèrent ; et se réjouissant, ils
entonnèrent les plus douces louanges. Ce Fils de Dieu, venu dans le siècle sans
la tache du péché, projeta sur les ténèbres de l'infidélité la doctrine
lumineuse de la béatitude et du salut ; mais rejeté par un peuple incrédule, et
conduit à sa passion, il répandit son sang empourpré, et goûta corporellement
les affres de la mort. Et par là, terrassant le démon, il délivra des enfers ses
élus qui y avaient été précipités et retenus ; et par la vertu de sa rédemption,
il les ramena miséricordieusement à leur héritage qu'ils avaient perdu en Adam.
Lorsque ceux-ci parvinrent dans leur héritage, les harpes et les cymbales
retentirent dans un concert d'une harmonie divine, parce que l'homme qui gisait
dans la perdition, élevé maintenant dans la béatitude, délivré par la vertu d'en
haut, avait échappé à la mort, comme je l'ai dit par mon serviteur Osée:
L'iniquité d'Ephraïm a été unie en faisceau, son péché est caché ; il
éprouvera les douleurs de l'enfantement: c'est un fils qui n'a pas la sagesse.
Il ne restera pas debout dans le châtiment des fils. Je les délivrerai des mains
de la mort, je les racheterai de la mort. Je serai ta mort, ou mort, je serai
ton frein, ou enfer
.
Que signifie cela ? La perversité
de la malice du démon a été enchaînée par un lien efficace, pour qu'elle ne
puisse se soustraire au zèle de la fureur de Dieu, parce qu'il ne l'a jamais vu
penser au bien ; ainsi, ceux qui craignent Dieu fidèlement ne sont pas sujets
aux embûches de Satan. Car il s'élève toujours contre Dieu, se disant Dieu
lui-même, étant toujours dans l'erreur contre Dieu, et, à cause de lui,
contredisant au nom chrétien. Et c'est pourquoi sa malice est si profonde, que
nul remède réparateur ne peut le guérir du péché qu'il a commis, d'une manière
impie, dans son orgueil méprisant ; aussi il restera dans la perpétuité de la
douleur, comme dans l'enfantement, la femme est dans le désespoir, et doute de
pouvoir vivre si on lui ouvre le sein. Car cette infélicité restera toujours sur
lui, qu'il a été rejeté de la béatitude, et la sagesse des fils fuit de celui
qui ne revient pas à lui, comme le fils prodigue revenu à lui6même, du fond de
son iniquité revint à son père.
C'est pourquoi il ne pourra jamais
se fier à cette contrition, par laquelle les fils du salut, en vertu de la mort
du Fils de Dieu, sont victorieux de la mort de la cruelle iniquité, que le
serpent rusé a fait naître, en suggérant au premier homme la fourberie que
l'homme ne connaissait pas. Mais, parce que les fils du Sauveur méprisent le
funeste venin de la suggestion, et sont attentifs à leur salut, je les
délivrerai de la servitude des idoles, de la servitude, dis-je , des idoles, qui
ont l'erreur comme puissance de perdition, et pour lesquelles les infidèles
changent l'honneur qu'ils doivent à leur Créateur, s'enveloppant dans les filets
du démon, et accomplissant leurs œuvres suivant sa volonté. Et c'est pourquoi je
rachèterai les âmes de ceux qui m'honorent, c'est-à-dire des saints et des
justes, de la peine infernale, parce que nul homme ne pourra être arraché à
l'esclavage de Satan, dans lequel il est tombé sous les coups de la mort
cruelle, par la prévarication des préceptes divins, si ce n'est en vertu de la
rédemption de celui qui a délivré ses élus par son propre sang. C'est pourquoi
je t'exterminerai, ô mort, parce que je t'enlèverai ce qui te fait vivre ; de
telle sorte que tu seras appelée un cadavre inutile, parce que, terrassée au
milieu de tes forces redoutables, tu seras, gisante comme le corps conduit à la
souveraine béatitude, fut montrée à l'homme ; et, dans cette voie, il fut ramené
de la mort à la vie.
Mais, de même que les fils
d'Israël, délivrés de l'Egypte, traversant le désert pendant quarante années,
parvinrent dans la terre qui produisait le lait et le miel : ainsi le Fils de
Dieu ressuscitant de la mort, se montra avec bonté à ses disciples et aux
saintes femmes, qui soupiraient après lui et désiraient d'un grand désir le
voir; et il les confirma dans la foi, pour qu'ils ne doutassent pas, en disant :
Nous n'avons pas vu le Seigneur ; c'est pourquoi nous ne pouvons croire qu'il
soit notre salut ! Mais il se manifesta fréquemment à eux, pour les corroborer,
de peur qu'ils ne tombassent.
Mais, qu'il monta à une hauteur
suréminente, d'une gloire indicible, ou il resplendit merveilleusement dans la
plénitude de toute abondance et de toute joie
: cela signifie que le même Fils de Dieu s'éleva vers son Père, auquel, avec le
Fils et le Saint-Esprit, la même grandeur et la même suréminence d'une
inestimable gloire et d'une indicible allégresse appartient ; ou le même Fils
dans l'abondance de toute sainteté et de toute béatitude apparaît glorieusement
à ses fidèles, qui croient dans un cœur simple et pur, qu'il est vraiment Dieu
et homme. Car alors l'épouse nouvelle du même agneau lui est présentée, dans les
divers ornements qui doivent la parer, de tous les genres des vertus, (propres)
au combat redoutable de tout le peuple fidèle, qui doit livrer bataille contre
le rusé serpent.
Que celui qui voit avec des yeux
vigilants, et qui entend de ses oreilles attentives, embrasse avec amour le sens
de ces paroles mystiques, émanant de Moi qui suis la vie.
VISION SECONDE
Sommaire : Du sens des mystères
de Dieu.- Des trois personnes. - Que l'homme n'oublie jamais d'invoquer
ardemment un Dieu en trois personnes - Des trois vertus de la pierre.- Jean, sur
la charité de Dieu. - Des trois causes du Verbe humain. - Des trois vertus de la
flamme. - Paroles de Salomon. - De l'unité de l'essence.
Ensuite je vis une splendide
lumière et, dans elle, une forme humaine, couleur de saphir, qui brûlait d'un
feu brillant et suave ; et cette splendide lumière Pénétra tout ce feu brillant,
et ce feu brillant s'infusa dans cette splendide lumière ; et cette splendide
lumière et ce feu brillant pénétrèrent toute cette forme humaine, ne faisant
qu'une seule lumière, Par une même vertu et une même Puissance. Et, de nouveau,
j'entendis cette lumière vivante qui me disait :
C'est le sens des mystères de Dieu, afin que l'on
distingue et que l'on comprenne discrètement quelle est cette plénitude qui n'a
pas d'origine, et à laquelle il ne manque rien ; qui, par sa vertu toute
puissante, fixe les bornes de toutes les puissances. Car, si le Seigneur était
exempt de sa propre vertu, quelle serait alors son œuvre ? Elle serait
certainement vaine, car c'est dans I'œuvre parfaite que l'on voit quel est
l'artisan. C'est pourquoi tu vois une
splendide lumière qui n'a pas d'origine, et à laquelle il ne peut rien manquer:
Elle désigne le Père et, dans elle, une forme humaine, couleur de saphir, sans
aucune tache d'imperfection, d'envie et d'iniquité, désigne le Fils, engendré
par le Père, avant le temps, selon la divinité ; mais ensuite, incarné dans le
temps, selon l'humanité, et venu dans le monde.
Elle brûle entièrement d'un feu brillant et suave,
qui sans aucune atteinte de nulle aride et ténébreuse mortalité, démontre le
Saint-Esprit, dont le même Fils unique de Dieu, conçu selon la chair et né d'une
vierge dans le temps, répandit dans le monde la lumière de la vraie clarté.
Mais, que cette splendide lumière pénètre tout ce feu
brillant, et que ce feu brillant s'infuse dans toute cette splendide lumière, et
que cette splendide lumière et ce feu brillant remplissent toute cette forme
humaine, ne faisant qu'une seule lumière dans une même vertu et une même
puissance : cela signifie que le Père qui est l'équité souveraine, mais qui
n'est pas sans le Fils et le Saint-Esprit; et le Saint-Esprit qui embrase le
cœur des fidèles, mais non sans le Père et le Fils ; et le Fils qui est la
plénitude de la vertu, mais non sans le Père et le Saint-Esprit : sont
inséparables dans la majesté de la divinité, parce que le Père n'est pas sans le
Fils, ni le Fils sans le Père, ni le Père et le Fils sans le Saint-Esprit, ni le
Saint-Esprit sans eux ; et ces trois personnes ne forment qu'un seul Dieu, dans
l'intégrité de la divinité et de la majesté ; l'unité de la divinité restant
inséparable dans ces trois personnes, parce que la divinité ne peut être
divisée, mais demeure toujours inviolable, sans aucun changement ; et le Père se
manifeste par le Fils; le Fils par l'origine des créatures; et le Saint-Esprit
par le même Fils incarné. Comment ? C'est le Père qui, avant les siècles, a
engendré le Fils ; le Fils par lequel toutes choses ont été faites par le Père,
à l'origine des créatures; et le Saint-Esprit qui apparut sous la forme d'une
colombe, au baptême du Fils de Dieu, quand le temps fut venu. C'est pourquoi ;
que jamais l'homme n'oublie de m'invoquer, moi le seul Dieu dans ces trois
personnes, parce que je les ai montrées à l'homme, afin que l'homme brûle
d'autant plus d'amour pour moi, que j'ai envoyé, par amour pour lui, mon propre
Fils dans le monde ; comme Jean mon bien-aimé en rend témoignage lorsqu' il dit
: C'est en cela qu'apparut la charité de Dieu envers nous, que Dieu envoya
dans le monde son Fils unique, afin que nous vivions par lui. En cela est la
charité, non que nous ayons aimé Dieu ; mais parce que lui le premier nous a
aimés, et a envoyé son Fils propitiateur pour nos péchés
.
Que signifie cela ? Parce que Dieu
nous a aimés, un autre salut en est résulté que celui que nous eûmes dans une
première naissance, lorsque nous devînmes les héritiers de l'innocence et de la
sainteté, parce que le Père d'en-haut montra sa charité dans nos périls, lorsque
nous étions dans la peine : envoyant, par la vertu d'en-haut, son Verbe seul
parmi les enfants des hommes, dans une parfaite sainteté, au milieu des ténèbres
des siècles, ou le même Verbe, ayant accompli tout bien, ramena à la vie par sa
mansuétude, ceux qui en étaient rejetés à cause de l'impureté de la
prévarication, et ne pouvaient revenir à l'état de sainteté qu'ils avaient
perdu. Pourquoi cela ? Car la paternelle
dilection de l'amour de Dieu vint par la source même de vie, qui nous forma pour
la vie, et qui dans nos périls fut notre protectrice, celle qui est la très
profonde et très suave charité, qui nous exerce à la pénitence. Comment ? Dieu
se souvint miséricordieusement de son grand ouvrage et de sa perle précieuse,
c'est de l'homme que je parle, qu'il avait formé du limon de la terre, et auquel
il avait inspiré le souffle de vie. Comment ? Lui-même organisa la vie pour la
pénitence, dont l'efficacité ne périra jamais - parce que le rusé serpent trompa
l'homme par son invasion orgueilleuse ; mais Dieu le rejeta par la pénitence,
qui manifesta l'humilité, que le démon ignora et ne pratiqua pas ; parce qu'il
ne sut jamais monter vers la voie de justice. Aussi cette rédemption de charité
n'est pas venue de nous, parce que nous n'avons pas su, et nous n'avons pas pu
aimer Dieu dans (pour) (I'œuvre) du salut ; mais le Créateur lui-même et le
Seigneur de toutes choses a tellement aimé le monde, que pour le sauver il a
envoyé son Fils, le prince et le Sauveur des fidèles,
lequel a lavé et pansé nos plaies; et c'est de lui
que dégoutte le baume médicinal qui procure tous les bienfaits de la rédemption.
C'est pourquoi, toi, ô homme, comprends que nulle instabilité de changement ne
peut atteindre Dieu.
Car le Père est le Père, le Fils
est le Fils, le Saint-Esprit est le Saint-Esprit, trois personnes dans l'unité
de la divinité, indivisiblement dans toute leur puissance. Comment ? Trois
vertus sont dans la pierre, trois dans la flamme et trois dans le verbe. Comment
? Dans la pierre est une vertu d'humidité, une vertu de palpabilité et une force
ignée ; elle a la vertu d'humidité pour qu'elle ne se dissolve pas et ne se
diminue pas ; elle est palpable au toucher, pour qu'elle serve à la défense et à
l'habitation ; elle a une force ignée, pour qu'elle s'échauffe et se consolide
par sa dureté : Sa force humide indique le Père, qui n'est jamais aride et n'a
pas de borne à sa vertu , la vertu de palpabilité désigne le Fils, qui né d'une
vierge peut être touché et saisi ; et la vertu du feu brillant démontre le
Saint-Esprit, qui embrase et illumine le cœur des hommes. Comment cela ? De même
que l'homme qui attire fréquemment par son corps la vertu humide de la pierre,
devient débile et infirme : ainsi l'homme qui par l'instabilité de ses pensées,
veut regarder témérairement le Père, périt dans la foi ; et de même que, par la
palpabilité saisissable de la pierre, les hommes construisent leur habitation,
afin de se défendre contre l'ennemi : ainsi le Fils de Dieu qui est la vraie
pierre angulaire, devient la demeure du peuple fidèle, pour le protéger contre
les malins esprits. Mais aussi, comme le feu brillant éclaire les ténèbres et
brûle ce sur quoi il se repose : ainsi le Saint-Esprit écarte l'infidélité,
enlevant toute rouille d'iniquité. Et de même que ces trois forces sont dans une
même pierre, ainsi la vraie trinité est dans une même divinité.
Aussi, comme la flamme dans un
même foyer a trois vertus, ainsi un Dieu en trois personnes. Comment ? La
flamme, en effet, consiste dans la splendeur de la clarté, et dans sa force
inhérente, et dans son ardeur ignée mais elle a la clarté splendide, pour
briller et sa vigueur inhérente pour montrer sa force ; et son ardeur ignée afin
de brûler. Aussi, dans la splendeur de clarté, considère le Père, qui par bonté
paternelle, répandit sa clarté sur ses fidèles ; et dans la vigueur inhérente,
par laquelle cette flamme montre sa vertu de flamme splendide, reconnais le
Fils, qui prit son corps dans le sein d'une vierge, et dans lequel la divinité
manifesta ses merveilles ; et dans l'ardeur ignée, considère le Saint-Esprit,
qui consume d'une manière suave l'esprit des croyants. Mais ou ne se trouve ni
la splendide clarté, ni la force inhérente, ni l'ardeur ignée, il n'y a pas la
flamme ; ainsi, ou le Père ni le Fils, ni le Saint-Esprit n'est honoré, la
divinité n'est pas adorée dignement. Donc, de même que, dans une même flamme, on
distingue ces trois vertus, ainsi, dans l'unité de la divinité, on comprend
trois personnes. De même aussi que trois vertus sont indiquées dans le Verbe,
ainsi la Trinité doit être considérée dans l'unité de la divinité. Comment ?
Dans le Verbe est le son (la parole), la vertu et le souffle. Mais le son est
pour qu'on l'entende, la vertu pour qu'on la comprenne, le souffle pour qu'il
s'accomplisse. Le son indique le Père, qui fait toutes choses par sa puissance
incompréhensible. La vertu désigne le Fils, qui est engendré merveilleusement du
Père. Le souffle dénote le Saint-Esprit, qui souffle ou il veut, et consume
toutes choses. Mais ou le son n'est pas entendu, la vertu ne saurait agir et le
souffle s'élever ; et là, le Verbe n'est pas compris. Ainsi le Père, le Fils et
le Saint-Esprit ne sont pas séparés l'un de l'autre ; mais ils accomplissent
leur œuvre dans un parfait accord.
C'est pourquoi comme ces trois
choses sont dans un seul verbe, ainsi également la suprême Trinité est dans la
suprême unité. Et, de même que dans la pierre, la vertu humide n'est, ni n'agit,
sans la palpabilité saisissable et sans la vertu ignée ; ni la vertu palpable
sans la vertu humide et la vigueur ignée du feu brillant ; ni la force du feu
brillant sans la force humide et la force palpable ; et de même que, dans la
flamme, la splendide clarté n'est, ni n'agit, sans la vigueur inhérente et
l'ardeur ignée, ni l'ardeur ignée sans la splendide clarté ..et la vigueur
inhérente ; et, de même que dans le verbe le son n'est, ni n'agit sans la vertu
et le souffle, ni la vertu sans le son et le souffle, ni le souffle sans le son
et la vertu, mais ils sont indivisiblement unis dans leur œuvre : ainsi
également, les trois personnes de la suprême Trinité résident sans être
divisées, inséparablement, dans la majesté de la divinité.
Ainsi, ô homme, comprends un Dieu
en trois personnes. Mais toi, dans l'aveuglement de ton esprit, tu penses que
Dieu est si impuissant, qu'il lui est impossible de subsister vraiment en trois
personnes, mais qu'il peut subsister seulement en une ; lorsque tu ne peux voir
la voix exister sans ses trois vertus. Pourquoi cela ? Certes, Dieu est en trois
personnes, vrai et unique Dieu, le premier et le dernier.
Mais le Père n'est pas sans le Fils, ni le Fils sans
le Père, ni le Père ni le Fils sans le Saint-Esprit, ni le Saint-Esprit sans
eux, parce que ces trois personnes sont inséparables dans l'unité de la divinité
: Comme le verbe résonne de la bouche de l'homme, mais non la bouche sans la
parole, ni la parole sans la vie. Et ou demeure le Verbe ? Dans l'homme. D'o
sort-il ? De l'homme. Comment ? Pendant la vie de l'homme.
Ainsi est le Fils dans le Père, que le Père a envoyé
sur la terre, pour le salut des hommes qui sont plongés dans les ténèbres ; et
ce fils a été conçu dans une Vierge, par le Saint-Esprit. Ce Fils, de même qu'il
est fils unique dans la divinité, ainsi il est fils unique dans la virginité ;
et de même qu'il est fils unique du Père, ainsi il est fils unique de la mère ;
parce que comme le Père l'a engendré, seul avant les temps, ainsi la vierge mère
l'a engendré, seul, dans le temps, parce
qu'elle est restée vierge après l'enfantement. C'est pourquoi, ô homme,
comprends, dans ces trois personnes, ton Dieu qui t'a créé dans la force de sa
divinité, et qui t'a racheté de la perdition. N'oublie donc pas ton Créateur,
comme t'y exhorte Salomon lorsqu'il dit : Souviens-toi de ton Créateur dans
les jours de ta jeunesse, avant que vienne le temps de ton affliction et
qu'approchent de toi les années desquelles tu dises : Elles ne me
plaisent pas
.
Que signifie cela ? Rappelle à ton
esprit celui qui t'a créé, lorsque dans les jours de ta téméraire audace, tu
penses qu'il t'est possible de t'élever, selon ton désir, vers les sommets, en
te précipitant dans les abîmes; et lorsque, affermi dans la prospérité, tu
tombes dans les pires adversités. Car, la vie qui est en toi évolue toujours
vers la perfection, jusqu'au temps ou elle apparaîtra parfaite. Comment ?
L'Enfant, dès sa naissance, s'achemine vers l'état parfait, et ensuite il reste
dans cet état, délaissant la pétulance des mœurs de la folle adolescence, et
n'ayant de souci que pour les affaires sérieuses, pour mener à bonne fin son
œuvre ; ce qu'il n'a jamais fait lorsqu'il était dans la fougue de la jeunesse
inconstante.
Ainsi doit faire l'homme fidèle :
Qu'il délaisse l'enfance des mœurs et qu'il gravisse le sommet des vertus en
persévérant dans leur force ; méprisant l'orgueil de sa cupidité, qui est
féconde dans les égarements des vices; et que, dans la retraite, il médite sur
ce qui est digne de sa sollicitude, après avoir traversé l'enfance des mœurs
puériles. C'est pourquoi, ô homme, attache toi à ton Dieu, dans la force de ta
virilité, avant que vienne l'homme qui devra être ton juge, lorsque toutes
choses seront manifestées, et qu'il ne restera rien de caché; avant que viennent
les temps qui ne verront jamais de fin ; de peur que, murmurant de ces choses
dans ton sentiment humain, tu ne dises : Elles ne me plaisent pas, et je ne
comprends pas si elles sont pour mon avantage ou mon détriment, parce que
l'esprit humain est en cela toujours dans le doute ; car, même lorsqu'il fait le
bien, il est .dans l'anxiété de savoir s'il plaît à Dieu ou non. Et tandis qu'il
fait le mal, il tremble pour son salut. Mais que celui qui regarde avec des yeux
vigilants, et qui entend avec des oreilles attentives, embrasse du fond du cœur
ces paroles mystiques, qui émanent de Moi qui suis la Vie.
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