LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

Sainte
Hildegarde de BingGen
(1098-1179)
abbesse, compositeur et visionnaire

SCIVIAS
ou
LES TROIS LIVRES
DES
VISIONS ET RÉVÉLATIONS

VISION CINQUIÈME

SOMMAIRE : De la Synagogue, mère de l'Incarnation du Fils de Dieu. - Paroles de Salomon. - Paroles du prophète Isaïe. - Des divers aspects de la Synagogue. - De son aveuglement et de ce que signifient ces expressions : Dans le coeur d'Abraham, dans la poitrine de Moyse, dans le ventre d'un autre prophète. - Que veut dire : Grand comme une tour, ayant une auréole autour de la tête semblable à l'aurore. - Paroles d'Ezéchiel. - Comparaison de Samson, de Saül, et de David sur le même sujet.

Après cela, je vis comme une image de femme (blanche) de la tête jusqu'à l'ombilic, noire de l'ombilic jusqu'aux pieds, et les pieds couleur de sang. Elle avait autour des pieds une nuée resplendissante et pure. Elle était privée d'yeux ; et, ayant ses mains sous les aisselles, se tenait près de l'autel qui est devant les yeux de Dieu ; mais elle ne le touchait pas. Et dans son coeur était Abraham ; et dans sa poitrine Moïse ; et dans son ventre les autres prophètes ; montrant chacun leur signe, et admirant la beauté de la nouvelle épouse. Elle apparut grande comme la tour immense de quelque cité, ayant sur sa tête comme une auréole semblable à l'aurore. Et j'entendis de nouveau une voix du ciel qui me disait : Dieu imposa à l'ancien peuple l'austérité de la loi, en ordonnant à Abraham la circoncision, qu'il changea ensuite en une grâce de suavité, en donnant son Fils à ceux qui croyaient à la vérité de l'Evangile ; et il adoucit par l'huile de la miséricorde, ceux qui étaient blessés par le joug de la loi. C'est pourquoi tu vois comme une image de femme, blanche de la tête à l'ombilic : c'est la Synagogue, mère, de l'incarnation du Fils de Dieu, et qui dès le commencement de la naissance de ses fils jusqu'à la plénitude de leurs forces, prévoit dans l'ombre les secrets de Dieu, mais ne les découvre pas pleinement. Car elle n'est pas la resplendissante aurore qui manifeste ouvertement, mais celle qui regarde de loin dans l'étonnement et l'admiration, comme il est dit d'elle dans les cantiques : Quelle est celle qui monte du désert pleine de délices ,et s'appuyant sur son bien aimé ? [41] Ce qui veut dire : Quelle est cette nouvelle épousée, qui s'élève par la multitude de ses bonnes oeuvres au milieu des déserts des nations, ,(qui abandonnent les préceptes légaux de la sagesse, pour adorer les idoles ;) celle qui monte vers les désirs d'en haut, pleine des délices des dons du Saint-Esprit ; en soupirant dans l'ardeur de son zèle, et s'appuyant sur son époux, qui est le Fils de Dieu ? C'est celle qui, dotée par le Fils de Dieu, resplendit de l'éclat des vertus, et abonde des ressources fécondes des Ecritures. Mais la Synagogue, dans son admiration, interroge ainsi mon serviteur Isaïe, sur les fils de la nouvelle épouse : Quels sont ceux qui, volent comme des nuées, et qui sont comme des colombes à leurs fenêtres ? [42] Ce qui veut dire : Quels sont ceux qui, dans leur esprit, se séparant des concupiscences terrestres et charnelles, volent, avec un parfait désir et une entière dévotion, vers les éternelles ; et, avec la simplicité de la colombe, sans aucune amertume du coeur, préservent les sens de leur corps ; et se munissent, par l'ardeur des bonnes oeuvres, de la pierre inébranlable qui est le Fils unique de Dieu ? Ce sont ceux qui, pour l'amour des biens célestes, foulent aux pieds les royaumes terrestres. C'est pourquoi la Synagogue admire la nouvelle épouse, l'Eglise, qui ne se voit pas ornée des mêmes vertus qu'elle, mais environnée d'escortes angéliques, afin que le démon ne puisse ni la ruiner, ni la renverser ; tandis que la Synagogue, abandonnée par Dieu, gît dans le vice.

C'est pourquoi tu vois aussi cette (même) femme, noire de l'ombilic jusqu'aux pieds ; ce qui signifie, qu'elle fut souillée par la prévarication de la loi, et la transgression du testament de ses pères, à partir de sa pleine vigueur jusqu'à la consommation de sa durée ; parce qu'en bien des manières elle négligea les préceptes divins, et suivit la volupté de la chair.

Elle a les pieds tout sanglants, et autour, de ses pieds, brille une nuée resplendissante, parce que, à sa consommation, elle mit à mort le prophète des prophètes (le Christ) ; et elle-même déchue, s'écroula. Mais dans cette consommation, la lumière de la foi resplendissante et pure surgit dans l'esprit des croyants, parce qu'au moment de la chute de la Synagogue, l'Eglise se leva, lorsque la doctrine apostolique, après la mort du Fils de Dieu, se répandit par toute la terre. - Mais cette image est privée d'yeux, et tient ses mains sous ses aisselles; parce que la Synagogue ne vit pas la vraie lumière, lorsqu'elle méprisa le Fils de Dieu.

Aussi, elle dissimula l'oeuvre de justice, dans le dégoût et la torpeur de l'oeuvre bonne, qui ne venait pas d'elle ; et elle les déguisa négligemment, comme sans valeur.

Elle se tient près de l'autel qui est devant le trône de Dieu, mais ne le touche pas, parce qu'en vérité, elle connut, dans son écorce, la loi de Dieu qu'elle reçut par le précepte divin et par la visite de Dieu ; mais elle ne la toucha pas intérieurement, parce qu'elle la détesta plus qu'elle ne l'aima, en négligeant d'offrir à Dieu les sacrifices et l'encens des divines oraisons.

Mais, dans le coeur de cette femme se trouve Abraham, parce qu'il fut, lui-même, dans la Synagogue, les prémices de la circoncision ; et dans sa poitrine Moïse, parce que celui-ci grava dans les entrailles des hommes la loi divine ; et dans son ventre les autres prophètes, c'est-à-dire, dans l'institution qui lui avait été donnée divinement, les inspecteurs des préceptes divins : chacun montrant ses signes, et admirant la beauté de la nouvelle épouse ; parce que ces prophètes manifestèrent par d'éclatantes merveilles la grandeur de leur prophétie, et contemplèrent avec admiration la splendeur de la noblesse de l'Eglise. Elle apparaît si majestueuse, qu'elle est comparable à la haute tour d'une cité ; parce que recevant la beauté des préceptes divins, elle munit et fortifia la noble cité des élus. Elle a sur sa tête comme une auréole semblable à l'aurore, parce que l'Eglise, dans sa naissance, manifesta le miracle de l'incarnation du Fils de Dieu, ainsi que les vertus éclatantes, et les mystères qui en découlent; car elle fut couronnée comme d'une aurore matinale, lorsqu'elle reçut les préceptes divins ; pour signifier Adam, qui reçut d'abord le précepte de Dieu, mais dans la suite, par sa transgression, se précipita dans la mort. Les juifs agirent pareillement, en acceptant d'abord la loi divine ; mais ensuite, ils abandonnèrent le Fils de Dieu dans leur incrédulité. Or, de même que l'homme, par la mort du fils unique de Dieu, dans une ère nouvelle, fut arraché à la perdition de la mort ; ainsi la Synagogue, avant le dernier jour, attirée par la divine clémence, abandonnera l'incrédulité et parviendra véritablement à la connaissance de Dieu. Que signifie cela?

L'aurore ne fait-elle pas son apparition avant le soleil? Mais l'aurore s'évanouit, et la clarté du soleil demeure. Que veulent dire ces paroles ? – L'Ancien Testament n'est plus, et la vérité de l'Evangile demeure ; car ce que les anciens observaient charnellement dans les prescriptions légales, le peuple nouveau, dans le nouveau testament, l'accomplit spirituellement; ce que ceux-là montrèrent dans la chair, ceux-ci l'accomplissent dans l'esprit. Car la circoncision n'a pas disparu, parce qu'elle est devenue le baptême: ceux-là étaient marqués dans un seul membre, ceux-ci dans tous leurs membres. Ce qui fait que les anciens préceptes n'ont pas péri, puisqu'ils ont été améliorés. Aussi, à la fin des temps, la Synagogue se convertira fidèlement à l'Eglise. Car, ô Synagogue, lorsque tu errais dans la multitude de tes iniquités, de telle sorte que tu te souillais avec Baal et les autres divinités semblables, délaissant les coutumes légales pour des moeurs honteuses, et gisant dénudée au milieu des péchés: j'ai fait ce que dit mon serviteur Ezéchiel: j'ai étendu mon voile sur toi, et j'ai couvert ton ignominie ; et je te l'ai juré, et j'ai signé un pacte avec toi [43]. Ce qui veut dire : Moi, Fils du Très Haut, selon la volonté de mon Père, j'ai étendu sur toi, ô Synagogue, mon incarnation, pour ton salut, afin d'effacer les péchés que tu as commis dans la multitude de tes oublis, et je t'ai assuré le remède de la rédemption en manifestant, pour ton salut, les voies que j'ai suivies dans la conclusion de mon pacte ; lorsque je t'ai découvert la vraie foi, par la doctrine apostolique ; afin que tu observes mes préceptes, comme la femme se soumet à la puissance de son mari. Car j'ai écarté de toi les aspérités de la loi extérieure, et je t'ai donné la suavité de la doctrine spirituelle, et je t'ai expliqué, par moi-même, tous mes mystères, au moyen des doctrines spirituelles ; mais tu m'as abandonné, moi le juste, pour te donner à Satan. Mais toi, ô homme, comprends: De même que la femme de Samson, l'a abandonné, de telle sorte qu'il a été privé de sa lumière; ainsi la Synagogue a abandonné le Fils de Dieu, lorsque dans son obstination elle l'a méprisé, et qu'elle a délaissé sa doctrine. Mais quand les cheveux (de Samson) eurent repoussé, c'est-à-dire lorsque l'Eglise de Dieu, se fut fortifiée, le Fils de Dieu, par sa vertu, renversa la Synagogue, et déshérita ses fils, quand ils furent écrasés sous la colère de Dieu, par les gentils eux-mêmes qui ignoraient Dieu ; car elle s'était soumise elle-même, à toutes les erreurs de la confusion et du schisme; et elle s'était souillée dans les prévarications de toutes sortes d'iniquités. Mais de même que David répudia enfin la femme, qu'il avait épousée en premières noces, et qui avait péché avec un autre homme, de même le Fils de Dieu répudia la Synagogue qui lui fut d'abord unie dans son incarnation, mais qui, abandonnant la grâce du baptême, suivit le démon. Cependant vers la fin des temps il la recevra, dès qu'elle-même, répudiant les erreurs de son infidélité, reviendra à la lumière de la vérité. Car le démon a pris la Synagogue dans son aveuglement, et l'a livrée à toutes les erreurs de l'infidélité; et il ne cessera de le faire, jusqu'à la venue du fils de perdition, qui tombera dans l'exaltation de son orgueil, comme Saül périt sur le mont Gelboe, après avoir chassé David de sa terre. — Ainsi le fils de l'iniquité s'efforcera de chasser mon Fils du milieu de ses élus; et mon Fils ayant repoussé l'Antechrist, ramènera la Synagogue à la véritable foi; comme David reprit sa première épouse après la mort de Saül

Car lorsqu'à la fin des temps les hommes verront vaincu celui qui les avait trompés, ils reviendront en grande diligence à la voie du salut. Il ne convenait pas, en effet, que la vérité de l'Evangile annonçât l'ombre de la loi, parce qu'il sied que les choses charnelles précèdent, et que les spirituelles suivent ; parce que le serviteur prédit la venue de son maître, et non le Seigneur celle de son serviteur. Ainsi la Synagogue précède dans l'ombre de la figure, et l'Eglise suit dans la lumière de la vérité. C'est pourquoi quiconque possède la science du Saint-Esprit et les ailes de la foi, ne transgresse pas mon avertissement, mais il le reçoit pour en faire les délices de son âme.

VISION SIXIEME

SOMMAIRE : - Que Dieu a merveilleusement créé et disposé sa créature. - De la nature des Anges et de sa signification. - De la nature des Archanges et de sa signification. - De la nature des Vertus et de sa signification. - De la nature des Puissances et de sa signification - De la nature des Principautés et de sa signification. - De la nature des Dominations et de sa signification. - De la nature des Trônes et de sa signification. - De la nature des Chérubins et de sa signification. - De la nature des Séraphins et de sa signification. Que toutes ces légions proclament, de leurs voix admirables, les merveilles que Dieu opère dans les âmes bienheureuses. - Le Psalmiste sur le même sujet.

Ensuite je vis dans les hauteurs des mystères célestes deux armées d'esprits d'en-haut, resplendissant d'une clarté admirable et qui dans la première légion avaient comme des ailes sur leurs poitrines ; leurs faces étaient semblables à celles des hommes, et leur visage humain apparaissait comme à travers une eau pure. Et ceux qui étaient dans l'autre légion, avaient aussi comme des ailes sur leurs poitrines ; et leurs faces étaient comme celles des hommes, et dans elles l'image du Fils de l'homme resplendissait comme dans un miroir. Mais dans les uns comme dans les autres, je ne pus discerner une autre forme. Ces légions environnaient cinq autres légions, et formaient autour d'elles comme une couronne. Et ceux qui étaient dans la première de ces cinq légions, avaient comme des apparences d'hommes, resplendissantes de clarté, des épaules jusqu'en bas. Ceux qui étaient dans la seconde (légion) étaient si éblouissantes de lumière, que je ne pouvais les regarder. Ceux qui étaient dans la troisième apparurent comme de marbre blanc, et leurs têtes étaient semblables à celles des hommes, desquelles émanaient des rayons ardents ; et, des épaules en bas, ils étaient environnés comme d'une épaisse nuée. Ceux qui étaient dans la quatrième légion, avaient la face humaine et des pieds d'hommes ; ils portaient sur leurs têtes des casques, et étaient revêtus de tuniques de marbre. Ceux enfin qui étaient dans la cinquième légion, ne montraient en soi aucune forme humaine ; mais étaient empourprés comme l'aurore. Et je ne voyais en eux aucune autre forme. Et ces légions formaient comme une couronne, autour des deux autres légions. Ceux qui étaient dans la première de ces deux légions apparaissaient tout remplis d'yeux et d'ailes, et dans chaque oeil était un miroir ; et dans chaque miroir une face d'homme ; et ils élevaient leurs ailes à une suprême hauteur. Et ceux qui étaient dans la seconde légion brûlaient comme le feu ; et ils avaient une multitude d'ailes, où, comme dans un miroir, on voyait tous les ordres illustres de l'institution ecclésiastique. Mais je ne vis, ni dans les uns, ni dans les autres, aucune autre forme. Et toutes ces légions faisaient retentir, de leurs voix merveilleuses en de multiples harmonies, les louanges de celui qui opère des merveilles dans les âmes bienheureuses; et elles glorifiaient Dieu magnifiquement.

Et j'entendis une voix du ciel qui me disait: Le Dieu tout-puissant et ineffable, qui fut avant les siècles, qui n'eut pas de commencement et ne cesse d'exister après la fin des siècles, a établi et disposé par sa volonté toute créature, d'une manière admirable. Comment? — Il a placé les unes sur la terre, les autres dans le ciel. Il a établi les bienheureux esprits pour le salut des hommes et l'honneur de son nom. Comment? — En effet, il a placé les uns, pour subvenir aux nécessités des hommes; les autres pour manifester, par eux, aux hommes, les jugements de ses décrets. C'est pourquoi, tu vois dans les hauteurs mystérieuses du ciel, deux légions d'esprits supérieurs resplendissant d'un merveilleux éclat; parce que, comme il t'est montré, dans ces hauteurs mystérieuses que le regard charnel ne pénètre pas, mais que la vue de l'homme intérieur atteint, ces deux légions indiquent que le corps et l'âme de l'homme doivent se vouer au service de Dieu; puisqu'eux-mêmes, avec les citoyens célestes, sont faits pour jouir de la vision béatifique.

Et ceux qui sont dans la première légion ont comme des ailes sur leurs poitrines; et montrent des faces pareilles à celles des hommes, dans lesquelles les visages humains apparaissent comme à travers l'eau pure : ces anges sont les désirs qui proviennent de la profondeur de son intelligence. Ils étendent comme des ailes; non qu'ils aient des ailes comme les oiseaux, mais parce qu'ils accomplissent rapidement, dans leurs désirs, la volonté de Dieu; comme l'homme, dans ses pensées, vole rapidement. Ils manifestent en soi, et par leurs physionomies, la beauté de la raison, où Dieu scrute attentivement les oeuvres des hommes; parce que, comme le serviteur qui entend les paroles de son maître, les accomplit selon sa volonté; ainsi ces anges, considèrent la volonté de Dieu dans les hommes; et lui montrent en eux-mêmes leurs actes. Ceux qui sont dans l'autre légion, ont aussi comme des ailes sur leurs poitrines, et montrent des faces semblables à celles des hommes, dans lesquelles l'image du Fils de l'homme resplendit, comme dans un miroir: Ce sont les archanges qui contemplent la volonté de Dieu, dans les désirs de leur intelligence, et manifestent en eux la beauté de la raison : ils louent d'une manière très pure le Verbe incarné, parce que connaissant les secrets divins, ils ont annoncé fréquemment, par avance, les mystères de l'incarnation du Fils de Dieu. Mais dans les uns comme dans les autres, tu ne peux distinguer une autre forme, parce que dans les anges comme dans les archanges, il y a beaucoup de mystères cachés, que l'intelligence humaine embarrassée d'un corps mortel, ne peut saisir.

Mais que ces légions forment une couronne autour de cinq autres légions : cela signifie que le corps et l'âme de l'homme enserrent, dans le réseau de leurs facultés, les cinq sens de l'homme purifiés par les cinq blessures de mon Fils ; et qu'ils doivent concentrer tous leurs efforts, vers l'accomplissement des préceptes qui concernent la conduite intérieure. C'est pourquoi, ceux qui sont dans la première légion ont comme la face humaine; et sont resplendissants d'une grande lumière, des épaules jusqu'en bas: ce sont les vertus qui s'élèvent dans les coeurs des croyants; et, par leur ardente charité, construisent en eux une haute tour, au moyen des bonnes oeuvres; de telle sorte que, par leur raison, elles accomplissent les oeuvres des élus ; et par leur force de (persuasion), elles les conduisent à une fin heureuse, en vertu de l'éclat de leur béatitude.

Comment? Lorsque les élus, possédant la clarté du sens intérieur, renoncent à leur nature corrompue, à cause de cette illumination qui, par un effet de ma volonté, les éclaire sur la splendeur de ces Vertus; et combattent vigoureusement contre les embûches diaboliques; les combats qu'ils livrent ainsi contre l'armée diabolique, ces Vertus me les montrent sans cesse, à moi leur créateur.

Car les hommes livrent en eux les combats de la foi et de l'incrédulité. Comment? Parce que l'un me confesse, et l'autre me renie. Mais dans ce combat une question se pose. Est-il un Dieu oui ou non? Alors, à cette interrogation, la réponse du Saint-Esprit est dans l'homme: Il est un Dieu qui t'a créé et racheté. Et tant qu'à cette interrogation une telle réponse se trouve dans l'homme, la vertu de Dieu ne lui fait pas défaut; parce qu'à cette question et à cette réponse se joint la pénitence. Mais quand cette question ne se pose pas à l'homme, la réponse du Saint-Esprit n'intervient pas; parce que cet homme a repoussé le don de Dieu, et sans songer à la pénitence il se précipite lui-même dans la mort. Mais les Vertus offrent à Dieu les combats de ces guerres, parce qu'elles sont devant Dieu le signe qui montre avec quelle intention Dieu est adoré ou renié.

Mais ceux qui sont de la seconde légion resplendissent d'une telle clarté, que tu ne peux les regarder: Ce sont les Puissances: parce que nulle débilité mortelle ne peut comprendre la sérénité et la beauté de la puissance de Dieu, ni se faire semblable à elle; parce que la puissance de Dieu est indéfinissable.

Mais ceux qui sont dans la troisième légion apparaissent comme de marbre blanc, et ont une tête humaine d'où partent des rayons ardents ; et, depuis les épaules jusqu'en bas, ils sont environnés comme d'une nuée de fer : Ce sont les Principautés : elles signifient que ceux qui, par la grâce de Dieu, sont les princes des hommes dans le siècle, doivent revêtir l'armure forte de la justice, pour ne pas tomber à cause de leur instabilité ; ils doivent regarder leur chef, qui est le Christ Fils de Dieu, et régler leur domination pour le bien des hommes, selon sa volonté ; attirant sur eux, dans leur amour de la vérité, la grâce du Saint-Esprit ; de telle sorte que, par la force de l'équité, ils persévèrent fermes et stables jusqu'à leur dernier jour.

Ceux qui dans la quatrième légion, avec la face humaine et les pieds semblables à ceux des hommes, portent des casques sur leurs têtes, et sont revêtus de tuniques de marbre s'appellent les Dominations : pour montrer que celui qui est le Seigneur de toutes choses, a relevé de la terre jusqu'au ciel la raison humaine, qui gisait souillée dans la poussière humaine, en donnant à la terre son Fils, qui écrasa par sa justice l'antique séducteur ; de telle sorte que les fidèles imitent scrupuleusement celui qui est leur chef, plaçant tout leur espoir dans les choses célestes, et se fortifiant dans le désir fécond des bonnes oeuvres.

Mais ceux qui, dans la cinquième légion, empourprés comme l'aurore, n'ont aucune forme humaine, sont les Trônes signifient que la divinité s'abaissa jusqu'à l'humanité, lorsque le fils unique de Dieu revêtit la nature humaine pour le salut des hommes, lui qui n'eut en lui aucune contagion des péchés des hommes ; parce que, conçu du Saint-Esprit, il reçut dans une aurore, c'est-à-dire dans le sein de la bienheureuse Vierge, une chair exempte de toute souillure du péché. Mais tu ne vois en eux aucune autre forme, parce qu'ils contiennent plusieurs mystères des secrets d'en-haut, que la fragilité humaine ne peut concevoir. Que ces légions en entourent deux autres comme une couronne : cela signifie que les fidèles qui dirigent leurs cinq sens vers l'accomplissement des oeuvres d'en-haut, sachant qu'ils ont été rachetés par les cinq blessures du Fils de Dieu, parviennent par tout l'effort et toute la recherche de leur esprit, à la dilection de Dieu et de leur prochain, lorsqu'ils dédaignent la volupté de leur coeur (charnel), et qu'ils placent tout leur espoir dans les choses éternelles.

C'est pourquoi ceux qui sont dans la première de ces deux légions, paraissent remplis d'yeux et d'ailes ; et dans chaque oeil apparaît un miroir ; et dans chaque miroir, une face humaine ; et ils élèvent leurs ailes à une merveilleuse hauteur : Ce sont les chérubins qui signifient la science de Dieu, dans laquelle eux-mêmes, voyant les mystères des secrets d'en haut, satisfont leurs désirs selon la volonté de Dieu ; de telle sorte que doués d'une très claire pénétration de la profondeur de la science, ils prévoient merveilleusement dans elle, ceux qui, connaissant le vrai Dieu, dirigent l'intention des désirs de leurs coeurs vers celui qui est au-dessus de tous, soulevés qu'ils sont justement et heureusement comme avec des ailes, préférant les choses éternelles aux biens éphémères ; comme ils le montrent par l'élévation de leurs désirs.

Mais ceux qui sont dans la deuxième légion brûlent comme le feu ; et ayant de nombreuses ailes, montrent dans ces mêmes ailes, comme dans un miroir, tous les ordres insignes de l'institution ecclésiastique. Ce sont les séraphins qui montrent que, de même qu'ils sont embrasés de l'amour de Dieu, dans la pleine satisfaction du désir de sa vision, ainsi pareillement dans leurs désirs, les dignités tant séculières que spirituelles, dont l'éclatante pureté se manifeste dans les mystères ecclésiastiques, indiquent que, comme les secrets divins apparaissent merveilleusement en elles : tous ceux qui, aimant avec la sincérité d'un coeur pur, cherchent la vie d'en haut, doivent se passionner pour Dieu, et s'attacher à lui de tous leurs désirs ; afin de parvenir à la joie de ceux qu'ils imitent si fidèlement. Que tu ne voies pas une autre forme ni dans les uns ni dans les autres : cela signifie qu'il y a beaucoup de choses mystérieuses dans les esprits bienheureux, qui ne doivent pas être manifestées à l'homme ; parce que, pendant sa vie mortelle, il ne peut discerner parfaitement les choses célestes.

Mais toutes ces légions, comme tu l'entends, dans tous les genres de modulations et d'harmonies merveilleuses, chantent les miracles que Dieu opère dans les âmes bienheureuses, et pour lesquels elles glorifient Dieu magnifiquement ; parce que les bienheureux esprits, font retentir dans les sphères célestes, par la vertu de Dieu, en des sons inénarrables, de grandes louanges pour exalter les prodiges que Dieu accomplit dans ses saints, pour lesquels eux-mêmes magnifient Dieu glorieusement, dès qu'ils le recherchent, dans les profondeurs de la sainteté ; se réjouissant dans la Joie du salut, comme David mon serviteur, qui voyait les secrets d'en haut, en rend témoignage lorsqu'il dit : La voix de l'allégresse et du salut dans les tabernacles des justes [44]. Ce qui veut dire : L'expression de la prospérité et de la joie de celui qui méprise la chair et exalte l'esprit, sera connue comme une marque assurée de salut, dans les habitations de ceux qui repoussent l'injustice et accomplissent le devoir, lorsque, par la suggestion du démon, pouvant faire le mal, ils font le bien, en suivant l'inspiration divine. Que signifie cela ? L'homme souvent montre une joie indécente, lorsqu'il a accompli le péché qu'il désirait indignement. Mais ce n'est pas là qu'il trouve son salut, puisqu'il a fait ce qui était contraire à la loi divine. Celui-là possédera l'allégresse véritable et le vrai bonheur du salut, qui accomplira courageusement le bien désiré avec ardeur ; aimant, pendant qu'il habite en son corps, la demeure de ceux qui, pour courir dans la voie du salut, se détournent de l'erreur et du mensonge. C'est pourquoi, que celui qui possède la science du Saint-Esprit et les ailes de la foi, ne méprise pas mon avis, mais le reçoive pour en faire les délices de son âme.

Ainsi soit-il.

* * * * *

[41] Quae est ista quae ascendit per deserturn deliciis affluens, et innixa super dilectum suum ? (Cant. VIII).

[42] Qui sunt ii qui ut nubes volant, et quasi colurnboe ad fenestras suas (Isa. LX).

[43] Expandi amictum meum super te, et operui ignominiam tuam, et juravi tibi, et inii pactum tecum (Ezech. XVI)

[44] Vox exsultationis et salutis in tabernaculis justorum. (Psal. CXVIII).

   

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