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La Passion de Gemma
La “Pauvre” Gemma, comme elle se
nommait elle-même, s’inquiétait beaucoup de son avenir. Voici quelques paroles
qu’elle adressa à Jésus pendant une de ses extases :
O Seigneur, n’as-tu pas dit
que le paradis est pour ceux qui vivent dans le monde sans être du monde ?... Ne
m’as-tu pas dit que le paradis est pour les innocents ?... Et moi ?... Mais que
vas-tu faire de moi, que feras-tu de moi, ô Seigneur ?... Ô Seigneur, peut-être
es-tu le seul à savoir la raison pour laquelle tu me gardes dans le monde ?...
Pourquoi ne daignes-tu le révéler à personne ?...
En fait la “pauvre” Gemma fut
“choisie” pour contempler et vivre la Passion de Jésus. Le problème de la
souffrance ne peut se comprendre que par rapport à la Passion de Jésus. L’on
peut s’étonner quand des saints demandent au Seigneur toujours davantage de
souffrances. Une telle attitude n’est pas du masochisme mais seulement la
réalisation d’un fait qui ne peut trouver d’explication que dans la
contemplation du Corps mystique du Christ douloureusement blessé par le péché
des hommes.
Quand un corps vivant est
gravement blessé, une opération est souvent indispensable. Cette opération est
douloureuse, et la cicatrisation l’est parfois encore davantage. Pourtant le
malade accepte cette souffrance de guérison avec joie, ainsi que les soins et
les pansements obligatoires, souvent éprouvants... Il en est de même pour le
Corps mystique.
Le Corps mystique du Christ est
gravement blessé et il faut souvent opérer. C’est le Christ qui a pris sur lui
la presque totalité des douleurs de l’opération en vue de la guérison. Mais, les
péchés se multiplient dans le temps, et il y a toujours des plaies à panser.
Alors Jésus se choisit des membres de son Corps sur lesquels les opérations
seront effectuées. Les soins et les cicatrisations sont pénibles, mais les âmes
qui acceptent de participer à la Passion de Jésus savent toute la valeur de
leurs peines et en demandent parfois davantage en vue d’accélérer la guérison de
tout le Corps. Dès lors on n’est plus étonné quand Jésus dit à Gemma: “Vois,
ma fille: le plus beau présent que je puisse faire à une âme qui m’est bien
chère, c’est de lui procurer la souffrance.”
C’est ce que Gemma appelle les
cadeaux du Seigneur, et il ne faut pas s’étonner à la vue de Gemma suant du
sang, subissant la flagellation, recevant la couronne d’épines ou portant la
Croix. Car Gemma allait tout connaître de la Passion du Christ. Gemma écrira :
“Jésus connaît bien le désir que j’ai de tout soufrir et de tout faire pour
réparer les péchés commis contre Lui...”
Le 30 octobre 1900, Gemma écrit
au Père Germano: ”Depuis qu’il m’arrive ces histoires bêtes au cœur, à tel
point que j’ai l’impression de mourir à tout instant, je ne peux plus rester une
minute sans ma tante.” (Mme Cecilia) Il s’agissait, en fait, d’étreintes
amoureuses que ressentait son cœur et qui la faisait beaucoup souffrir. À ce
sujet, Mme Cecilia écrit au Père Germano: “Gemma souffre d’une façon
horrible, il lui semble que son âme se déchire à chaque instant. Sous l’effet de
ces étreintes, trois de ses côtes se sont déplacées... C’est une vraie torture.”
Treize jours après la mort de
Gemma, on procéda à l’autopsie. Le cadavre commençait seulement à se
décomposer... Les poumons avaient été minés par la tuberculose, mais le cœur
apparut plein de vie et d’une forme anormale: plus large que haut. Trop à
l’étroit dans sa cavité, il avait soulevé les côtes en les incurvant. On fendit
le cœur et il en sortit du sang frais comme celui d’un être vivant.
3-1-La sueur de sang
“On avait l’impression dit
l’un des membres de la famille Giannini (Mateo) que Gemma avait une goutte de
sang à chaque cheveu: elle était tout en sang. J’ai vu la tache sur le mouchoir
dont se servait ma sœur (Cecilia) pour l’essuyer... D’abord le sang sortait
abondamment de la peau près des cheveux. Ensuite, il se répandait sur le front,
formant comme une couronne de gouttelettes rouges qui s’écoulaient sur le
visage. Et cette sueur de sang, au front, je ne l’ai pas vue qu’une seule
fois!...”
Cecilia Giannini précise qu’il
coulait aussi du sang de la plaie gauche et des mains que Gemma enveloppait d’un
mouchoir. Joseph Giannini ajoute: “On avait vraiment l’impression que les
gouttes de sang suintaient de la peau.”
3-2-La flagellation
C’est le jeudi et le vendredi que
Gemma endurait les tourments de la flagellation, ce qu’elle appelait les
faveurs que lui fait Jésus. Certains des médecins chargés d’examiner la
stigmatisée prétendirent que ces faits relevaient de l’hystérie. Matteo Giannini
déclara: “Je ne crois pas que Gemma ait pu se donner elle-même ces coups...
Je considère comme absolument certain qu’ils ont une origine surnaturelle...”
Cecilia écrit au Père Germain:
“Elle a souffert comme d’habitude et même davantage. Comme à l’ordinaire, c’est
la flagellation. Si vous aviez vu les jambes, les genoux, en un mot toute la
personne. On peut dire qu’elle n’était plus qu’une plaie, et ruisselante de
sang. Tout cela a duré jusqu’au vendredi trois heures.” Euphémia Giannini
constate “que les jambes, jusqu’aux genoux, étaient entièrement recouvertes
de grandes raies rouges, larges de deux centimètres et longues de cinq à vingt
centimètres.’
Gemma vécut la Passion de Jésus
avec Lui. Pendant certaines extases, Gemma contemplait Jésus, le condamné du
Calvaire comme celui qui avait été transpercé à cause de nos fautes, broyé par
nos péchés, mais qui, par ses blessures, nous apporte la guérison. Écoutons
Gemma: ”Jésus me fait voir ses plaies, ses mains ruisselantes du sang de la
Rédemption, ainsi que son Cœur embrasé du feu de la charité, et ses bras ouverts
pour nous étreindre. Alors il me dit qu’il est totalement victime de son immense
amour pour nous.”
3-3-Le couronnement d’épines
C’est Gemma qui écrit: “Comme
les autres fois, au recueillement a succédé l’extase, et je me suis retrouvée
avec Jésus qui endurait des souffrances terribles... J’éprouvai alors un intense
désir de souffrir... Jésus me contenta aussitôt et il fit comme il faisait les
autres fois: il s’est approché de moi, il a retiré de sa tête la couronne
d’épines et l’a posée sur la mienne... de ses mains il me l’enfonça dans les
tempes.”
Tante Cecilia raconte: “Jeudi
soir, Jésus lui a donné la couronne d’épines, et, en l’enfonçant un peu, le sang
a jailli comme une fontaine. Il s’est répandu sur tout le visage, tachant
l’oreiller. elle a souffert ainsi pendant une heure; ensuite, Jésus l’a bénie.”
Les douleurs sont si fortes que durant tout le temps de l’extase, Gemma
laisse échapper des plaintes déchirantes.
Ceux qui assistaient à ces scènes
ne pouvaient plus douter. Joseph Giannini écrit: “Durant une extase, le
Vendredi-Saint, me semble-t-il, je l’ai vue avec le sang qui, de toutes parts,
lui coulait du front. Au front, elle avait des marques plutôt longues d’où se
répandait le sang. Je compris bien que tout cela ne venait pas d’elle... Au
matin, toutes ces marques avaient disparu sans laisser de cicatrice.”
3-4-Les plaintes de Gemma portant la couronne
d’épines[1]
Ô Jésus, apaise un peu la
douleur de ma tête... Apaise-la, Jésus. Jésus... Jésus, bénis-moi encore une
fois. Ta bénédiction me fait tant de bien. C’est trop fort, Jésus... Jésus...
Oui, je souffre tant... J’ai souffert toute la journée... Aujourd’hui, Jésus,
j’ai peur. Jésus... Ma tête! C’est trop fort... Je n’en peux plus, je n’en peux
plus, Jésus... Aide-moi, Jésus... Jésus, que personne ne s’aperçoive de rien...
Mon Dieu ! Ô Jésus, ma tête !... Ô Jésus !
C’est cela souffrir... Jésus,
je suis si heureuse... Je t’en supplie, soulage-moi un peu: je ne peux plus...
Je ne veux pas que quelqu’un s’en aperçoive. Je me trouve mal. Jésus, que ce
soit entre toi et moi seulement...
Ô Jésus, toutes ces peines je
les souffre bien volontiers... Mais celle de la tête, si tu ne m’aides pas,
m’est un supplice.
Aujourd’hui j’ai pensé aux
douleurs de ma tête. Je te le dis franchement: j’y pense tellement quand ce jour
arrive. L’esprit est prompt, c’est mon corps qui se plaint. Oui, mon esprit est
prompt, mais mon corps est épuisé.
Ô Jésus !... Ô mon Jésus !...
Jésus, toi seul peux comprendre cette peine... Ô Dieu!... Oui, Jésus, toi
seul... Toi seul, Jésus... Ô Dieu !... Jésus, ma tête !... Jésus, pardonne à
tous ceux qui t’ont couronné... Ô Dieu !... Jé...sus... Jésus, je meurs...
Jésus, je meurs... Mon Dieu !...
Mais souffrance et amour sont
inséparables. Le vendredi 17 août 1900, Gemma, stigmatisée, écrit dans son
journal: “Il est absolument impossible, oui, impossible de ne pas aimer
Jésus... Mon Dieu, comment faire pour me rendre digne de tant de grâces? Si je
n’y parviens pas, mon cher ange gardien y suppléera...”
Gemma souffre beaucoup, mais
Jésus est auprès d’elle. Il vient de retirer la couronne d’épines qui était sur
la tête de Gemma. Elle raconte: “Jésus la tenait (la couronne) dans
ses mains; toutes ses plaies étaient ouvertes, mais ne saignaient pas comme à
l’accoutumée; elles étaient belles.... Il a levé sa main droite, et alors, de
cette main, j’ai vu sortir une lumière beaucoup plus forte que la lumière d’une
lampe... J’aurais aimé savoir ce que signifiait cette lumière qui provenait des
plaies, particulièrement de la main droite qui m’avait bénie. Mon ange gardien
me dit:’ Ma fille, en ce jour, la bénédiction de Jésus a répandu sur toi une
abondance de grâces.’”
3-5-Pourquoi la Croix ?
Gemma pensait: “Oh ! Mon
Jésus, je voudrais tant vous aimer, mais je ne sais pas !” La voix
habituelle lui répondit : “Tu veux aimer Jésus toujours ? N’arrête pas un
instant de souffrir pour lui. La croix est le trône des vrais amants de Jésus.
La croix est l’héritage des élus en cette vie.”
Gemma confia un jour au Père
Germano: “La Croix de Jésus est l’arbre de l’amour qu’il a planté dans mon
cœur.” Les profondeurs de l’Amour divin sont joie et douleur. Tous les
grands mystiques l’ont dit.
Germma écrit aussi : Jésus m’a
dit ensuite: “Sais-tu, ma fille, pourquoi je me plais à envoyer des croix aux
âmes qui me sont chères ? Je désire posséder leur âme, mais entièrement. C’est
pourquoi je les entoure de croix et les enveloppe de tribulations afin qu’elles
ne m’échappent pas. C’est pour cela que je sème leur route d’épines afin
qu’elles ne s’attachent à personne et ne trouvent toute leur satisfaction qu’en
moi. Ma fille, me disait Jésus, si tu ne sentais pas la croix, on ne pourrait
pas l’appeler une croix. Sois donc sûre que sous la croix, tu ne saurais te
perdre. Le démon n’a aucun pouvoir contre les âmes qui, pour mon amour,
gémissent sous la croix. Ô ma fille, combien m’auraient abandonné, si je ne les
avais crucifiés! La croix est un don très précieux, c’est l’école de bien des
vertus. (Lettre à Mg Volpi, du 12 septembre 1899)
J’ai déclaré à Jésus que je
voulais l’aimer beaucoup, mais que j’avais le cœur trop petit et ne savais
comment faire. Alors, il s’est montré à moi tout couvert de plaies en disant:
“Regarde-moi, ma fille, et apprends comment l’on aime: ne sais-tu pas que moi,
c’est l’amour qui m’a tué? Tu vois ces plaies, ce sang, ces contusions, cette
croix, tout cela est l’œuvre de l’amour. Regarde-moi, ma fille, et apprends
comment l’on aime... Le signe le plus évident qu’il puisse donner à une âme qui
lui est chère, c’est de la faire souffrir et marcher sur le chemin du
Calvaire... La croix est l’échelle du paradis, elle est l’héritage de tous les
élus en cette vie. (Lettre à Mg Volpi, d’octobre 1899)
3-6-La Croix et l’amour[2]
“C’est bien l’amour qui t’a
tué! Jésus, moi aussi fais-moi mourir d’amour... La vie est une torture:
personne au monde que toi ne peut satisfaire mon amour. Les épines, la croix,
les clous, tout est œuvre d’amour.
La croix, Jésus, tu la donnes
à celui que tu aimes. Tu me traites comme le Père t’a traité. Jésus, fais-moi
boire ta Passion jusqu’à la dernière goutte
Oui, Jésus, tu sais à quel
point l’on souffre lorsque l’on aime quelqu’un et qu’on ne peut rester toujours
ensemble. Là où je souffre le plus, c’est lorsque tu es loin de moi. Mais,
m’aimes-tu réellement, Jésus? J’ai tellement péché, j’ai tant de défauts:
dis-moi si je ne fais pas pitié.
Oh ! Oui, Jésus ! Celui qui
aime vraiment souffre de bon cœur.
3-7-Réponse de Gemma à la Croix et à l’amour
Pour le salut des pécheurs
Voici quelques paroles de Gemme,
relevées pendant ses extases :
Jésus n’abandonne jamais les
pauvres pécheurs... Ils sont tous tes fils. S’ils sont tous tes fils, ne les
abandonne pas. Moi, Jésus, je veux les sauver tous. Si toi, Jésus, tu les
abandonnes, alors il n’y a plus d’espérance. Je veillerai jusqu’à ce que tu
m’aies dit que tu veux les sauver tous... N’est-ce pas moi qui dois souffrir
pour eux ? Donc, prends-t-en à moi. Des pécheurs, tu en as beaucoup, mais des
victimes, bien peu. Des victimes, tu les veux innocentes, et moi je ne le suis
pas du tout. Sauve-les, Jésus, sauve-les !
Moi, Jésus, je veux être
victime pour tous ces pécheurs.
Ô sainte Croix, avec toi je
veux vivre, et avec toi je veux mourir. Oui, j’aime la croix, parce que je sais
que c’est Jésus qui la porte.
Ta croix, Jésus, oui je la
veux... Bien sûr que je la veux, Jésus... Oui Jésus, je te l’ai dit que
désormais tout mon amour est pour ta croix. Je l’aime parce que je sais que tu
l’as aimée le premier.
Un acte d’offrande sans cesse
renouvelé
Alors, Jésus, voici de nouveau
mes mains et mes pieds: tout ce que voudra mon confesseur... Fais donc ce que tu
veux, Jésus: je suis toute à toi. Pour toi, Jésus, je sacrifie tout... Je te
donne tout, ô Jésus... mon âme, mon corps, mon esprit, tout... Jésus, je te
donne mon cœur avec toutes ses affections... Jésus, je te donne mon corps avec
toute sa faiblesse... Je te donne mon âme, mais comment ?... Elle n’est plus à
moi, elle est à toi.
Elle écrira au Père Germano: ...Ce
que je désire, ce que je veux, je ne le sais pas moi-même... Je cherche et ne
trouve pas, mais je ne sais pas ce que je cherche... J’aime Jésus, je voudrais
aimer beaucoup plus mon...[3] Je
sens que j’aime, mais celui que j’aime, je ne le comprends pas et ne le saisis
pas... Malgré ma grande ignorance, je sens que c’est un Bien immense, un grand
Bien, c’est Jésus... Je ne sais rien lui dire, ni lui donner, mais puisque je ne
sais rien faire, aujourd’hui même je me consacre à lui telle que je suis, sans
réserve aucune. (Lettre au Père Germano du 22 mai 1901)
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