VIE DE NOTRE SEIGNEUR JESUS CHRIST
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10-11 juillet 1819
Je vis à Nazareth la sainte
Famille, composée seulement de trois personnes, Jésus, Marie et Joseph ;
depuis la dixième jusqu'à la vingtième année de Jésus, à peu près, je
les y vis deux fois habiter une maison étrangère ; c'était comme un
logement pris à loyer chez d'autres personnes. De la vingtième à la
trentième année de Jésus environ, je les vis dans une maison où ils
étaient seuls.
Il y avait dans la maison
trois chambres séparées celle de la Mère de Dieu était la plus grande et
la plus agréable : c'était là qu'ils se réunissaient pour la prière. Du
reste je les voyais rarement tous trois ensemble. Ils se tenaient debout
lorsqu'ils priaient ; ils avaient les mains croisées sur la poitrine et
semblaient parler à haute voix. Je les voyais souvent prier à la lumière
sous une lampe à plusieurs mèches. Peut être aussi était ce une espèce
de chandelier à plusieurs branches fixé à la muraille Jésus se tenait le
plus souvent seul dans sa chambre. Joseph s'occupait dans la sienne à
des travaux de son métier. Je le voyais façonner des bâtons et des
lattes, polir des morceaux ne bois, quelquefois même apporter une
poutre, et je vis Jésus l'aider.
Marie était le plus souvent occupée à coudre faire une espèce de tricot
avec des petits bâtons. Elle était alors assise et avait une petite
corbeille près d'elle.
Je vis Jésus rechercher de plus en plus la solitude et la méditation à
mesure que le temps où il devait enseigner s'approchait. Chacun dormait
à part dans son réduit et la couche consistait en une couverture qu'on
roulait le matin.
Je vis Jésus jusque vers sa
douzième année donner toute l'assistance possible à ses parents : je le
vis aussi, hors de la maison et partout où l'occasion s'en présentait,
se montrer amical pour chacun, aider les autres et leur rendre toute
espèce de service Dans ses premières années il était un modèle pour tous
tes enfants de Nazareth. Ils l'aimaient et craignaient de lui déplaire.
Les parents de ses compagnons disaient souvent à ceux ci lorsqu'ils se
conduisaient mal ou commettaient quelque faute : " Que dira le fils de
Joseph si je lui raconte ceci ? Comme il en sera fâché ! Quelquefois
aussi ils lui portaient des plaintes amicales contre leurs enfants en
présence de ceux ci et lui disaient : " Dis lui donc de ne plus faire
ceci ou cela. " Jésus prenait cela avec simplicité et comme par manière
de jeu, puis du ton le plus affectueux, il engageait ses amis à faire
telle ou telle chose. il priait avec eux pour leur obtenir du Père
céleste la force de se corriger, il les exhortait à faire des excuses et
à avouer leurs fautes sans délai.
La narratrice avait eu une vision étendue et très précise sur toute la
jeunesse de Jésus : mais la maladie et les dérangements ne m'ont Permis
d'en rapporter que ce qui suit :
A une lieue à peu près au
nord est de Nazareth, du côté de Séphoris, se trouve un endroit nommé
Gophna : c'était là qu'au temps de la jeunesse de Jésus, habitaient les
parents de Jean et de Jacques le Majeur. Ceux ci dans leurs premières
années étaient souvent avec Jésus jusqu'au moment où leurs parents
allèrent à Bethsaïde et où eux mêmes devinrent Pêcheurs.
A Nazareth demeurait un
homme nommé Zebedia ou Sebadia, qui n'était pas le Zébédée, père de Jean
et de Jacques. Il avait une fille mariée à un Essénien, parent de
Joachim : je ne me souviens plus de leurs noms. Ces époux avaient quatre
fils un peu plus âgés ou un peu plus jeunes que Jésus. Ils s'appelaient
Cléophas, Jacob, Juda et Japhet ; plus tard ils sont devenus disciples
de Jean Baptiste et après sa mort disciples de Jésus. Cléophas est le
même auquel Jésus s'apparut à Emmaus en compagnie de Luc. Il était marié
et demeurait alors à Emmaus. Sa femme se réunit plus tard aux femmes de
la communauté chrétienne. Ces quatre disciples allèrent trouver Jean
vers le temps du baptême de Jésus et ils restèrent près de lui jusqu'à
la fin. Lorsqu'André et Saturnin allèrent rejoindre Jésus de l'autre
côté au Jourdain, ils les suivirent et restèrent avec lui toute la
journée. Ils étaient aussi du nombre des disciples de Jean que Jésus
amena avec lui aux noces de Cana.
Ces jeunes gens dans leur enfance étaient aussi du nombre des camarades
de Jésus : leurs parents et eux allaient ordinairement à Jérusalem pour
la fête de Pâques en compagnie de la sainte Famille.
(Le dimanche dans l'octave
de l'Epiphanie 1820) Le Sauveur était d'une taille mince et élancée :
son visage de forme allongée, était tout lumineux, il paraissait d'une
bonne santé, quoique pâle. Ses cheveux d'un blond rougeâtre étaient
parfaitement lisses : ils étaient séparés sur son front ouvert et élevé
et tombaient sur ses épaules. Il portait une longue tunique d'un gris
brunâtre, qui paraissait faite au métier et lui descendait Jusqu'aux
pieds Les manches étaient assez larges aux poignets.
(Le dimanche dans l'octave
de l'Epiphanie 1822) Jésus avait huit ans (16)
lorsqu'il alla pour la première fois à Jérusalem avec ses parents pour
la fête de Pâques : il y retourna les années suivantes.
Déjà dans ses premiers voyages Jésus avait été remarqué chez les amis
qui leur donnaient l'hospitalité à Jérusalem : il l'avait été aussi par
des prêtres et des docteurs. Chez beaucoup de personnes de leur
connaissance à Jérusalem, on parlait du sage et pieux enfant, de
l'étonnant fils de Joseph, comme chez nous, aux pèlerinages annuels, on
remarque telle ou telle personne simple et pieuse, ou quelque petite
paysanne avisée. et. quand elle revient, on se la rappelle.
Ainsi Jésus, lorsque dans sa douzième année il alla à Jérusalem en
compagnie de ses parents et de leurs amis était déjà connu de diverses
personnes de la ville.
Les parents avaient coutume
pendant le voyage d'aller de côté et d'autre avec les gens de leur pays,
et à ce voyage ci, le cinquième que faisait Jésus, ils savaient qu'il
allait toujours avec les jeunes gens de Nazareth. Or Jésus cette fois
s'était séparé de ses compagnons aux environs du mont des Oliviers et
ceux ci croyaient qu'il s'était réuni à ses parents qui venaient à leur
suites mais il était allé vers le côté de Jérusalem qui regarde
Bethléem, dans cette hôtellerie où la sainte Famille avait logé avant la
purification de Marie. La sainte Famille le croyait en avant avec les
autres personnes de Nazareth, tandis que ceux ci croyaient qu'il suivait
avec ses parents. Jusqu'au retour tous se trouvèrent ensemble à Gophna,
Marie et Joseph furent extraordinairement inquiets de son absence. Ils
retournèrent aussitôt à Jérusalem ; sur la route et à Jérusalem, ils
s'enquirent de lui partout, mais ils ne purent pas le trouver d'abord
parce qu'il n'avait pas été là où ils séjournaient d'habitude. Jésus
avait passé la nuit dans l'hôtellerie de la porte de Bethléem où ses
parents et lui étaient connus.
S'étant réuni là à plusieurs jeunes gens, il était allé avec eux dans
deux écoles de la ville : le premier jour dans l'une, le second jour
dans l'autre. Le troisième jour il avait été le matin, dans une
troisième école près du temple et l'après midi, dans le temple même où
ses parents le trouvèrent. Ces écoles étaient de différente espèce et
toutes n'étaient pas précisément des écoles où l'on enseignât la loi :
on y enseignait aussi d'autres sciences. La dernière était dans le
voisinage du temple et on y formait des prêtres et des lévites.
Jésus, par ses demandes et
ses réponses, jeta les maîtres et les rabbins dans un tel étonnement et
même dans un tel embarras qu'ils se proposèrent le troisième jour après
midi de faire humilier l'enfant Jésus sur différents points par les
rabbins les plus savants, dans le temple même et du haut de la chaire.
Les docteurs et les scribes se concertèrent ensemble pour cela : car
d'abord ils avaient pris plaisir à l'entendre ; puis ils s'étaient
irrités contre lui. Ceci eut lieu à l'endroit où l'on enseignait
publiquement, au milieu du vestibule du temple devant le sanctuaire,
dans la salle ronde où Jésus enseigna encore plus tard. Je vis là Jésus
assis sur un grand siège qu'il ne remplissait pas tout entier à beaucoup
près. Il était entouré d'une quantité de vieux Juifs revêtus d'habits
sacerdotaux. Ils écoutaient attentivement et paraissaient pleins de
dépit : je craignais qu'ils ne voulussent mettre la main sur lui. Le
siège où il était assis était orné de têtes brunes semblables à des
têtes de chiens : elles étaient d'un brun verdâtre et le haut était
reluisant, avec un reflet jaune. Des têtes et des figures du même genre
ornaient plusieurs longues tables ou dressoirs placés latéralement dans
cet endroit du temple et qui étaient couverts d'offrandes. Cette pièce
était si vaste et si remplie de monde qu'on n'avait pas le sentiment
qu'on fût dans une église.
Comme Jésus dans les écoles
avait fait usage pour ses réponses et ses explications d'exemples de
toute espèce, tires des choses naturelles, des arts et des sciences, on
avait réuni ici des hommes versés dans ces différentes branches des
connaissances humaines : comme ils commençaient, chacun de son côté, à
disputer avec Jésus, il leur dit que ces sortes de discussions n'étaient
pas précisément à leur place dans le temple, mais que pourtant il leur
répondrait même ici, parce que telle était la volonté de son Père. Ils
ne comprirent pas qu'il entendait parler de son Père céleste, mais ils
crurent que Joseph lui avait ordonné de faire montre de toutes ses
connaissances.
Jésus répondit et enseigna
sur la médecine et il décrivit tout le corps humain d'une façon inconnue
aux plus savants d'entre eux : il fit de même pour l'astronomie,
l'architecture, l'agriculture, la géométrie et l'arithmétique, la
science du droit, en un mot pour tout ce qui fut mis en avant (17)
il ramena tout d'une façon si ingénieuse à la loi et à la promesse, aux
prophéties, au temple et aux mystères du culte et du sacrifice que les
uns étaient saisis d'admiration, les autres confus et dépités, et cela
alternativement tous fussent couverts de confusion et outrés de dépit :
ce qui venait surtout de ce qu'ils entendaient des choses qu'ils
n'avaient jamais sues, ni jamais comprises de cette sorte.
Il y avait déjà deux heures
qu'il enseignait ainsi, lorsque Joseph et Marie vinrent aussi dans le
temple et s'enquirent de leur enfant près de quelques lévites qu'ils
connaissaient. ils apprirent alors qu'il était avec les scribes dans la
salle où l'on enseignait. Comme ce n'était pas un lieu où il leur fût
permis d'entrer, ils y envoyèrent le lévite pour prier Jésus de venir,
mais Jésus leur fit dire qu'il voulait finir d'abord ce qu'il avait à
faire. Marie fut très attristée de ce qu'il ne venait pas tout de suite.
C'était la première fois qu'il faisait sentir à ses parents qu'il avait
à obéir à d'autres ordres encore qu'aux leurs. il continua à enseigner
pendant une bonne heure, et quand tous eurent été réfutés et confondus
au grand dépit de la plupart d'entre eux, il quitta la salle et vint
trouver ses parents dans le parvis des Israélites et des femmes. Joseph
était intimidé et étonné : il ne disait rien. Mais Marie s'approcha de
Jésus et lui dit : " Mon fils, pourquoi en as tu agi ainsi envers nous,
voilà que ton père et moi nous te cherchions tout affligés.
Mais Jésus était encore plein de gravité et il répondit : "Pourquoi me
cherchiez vous ? ne saviez vous pas que je dois m'occuper des affaires
de mon Père, "ils ne comprirent pas cela et se remirent en route avec
lui pour revenir. Les assistants étaient tout étonnés et les regardaient
avec curiosité. J'étais très inquiète, craignant qu'ils ne se saisissent
de l'enfant, car j'en vis quelques uns pleins de colère. Mais à ma
grande surprise, ils laissèrent la sainte Famille se retirer
tranquillement : la foule pressée autour d'eux s'ouvrit pour les laisser
passer. je vis tout cela très en détail, et j'entendis la plus grande
partie de ses instructions, mais la souffrance et les soucis font que je
ne puis pas tout retenir. Son enseignement fit un grand effet chez tous
les scribes : quelques uns en prirent note comme d'une chose
remarquable. On en parla beaucoup de divers côtés, et il y eut à ce
sujet bien des bavardages et des mensonges. Mais ils tinrent secrète
entre eux toute la manière dont la chose s'était passée, ils parlèrent
de Jésus comme d'un enfant inconsidéré qu'on avait remis a sa place : il
avait de belles facultés, disaient ils, mais cela avait encore besoin
d'être poli par l'éducation.
Je vis la sainte Famille
revenir à Jérusalem : ils se joignirent devant la ville à une troupe
composée de trois hommes, de deux femmes et de quelques enfants que je
ne connaissais pas, mais qui paraissaient être aussi de Nazareth. En
compagnie de ces personnes, ils suivirent encore divers chemins autour
de Jérusalem ; ils allèrent au mont des Oliviers, s'arrêtèrent ça et là
dans les beaux jardins d'agrément qui s'y trouvent et prièrent les mains
croisées sur la poitrine. Je les vis aussi passer un ruisseau sur un
grand pont. Ces allées et venues et ces prières de la petite compagnie
me donnèrent tout à fait l'idée d'un pèlerinage.
Quand Jésus fut de retour à
Nazareth, je vis préparer dans la maison d'Anne une fêle où l'on réunit
tous les jeunes garçons et les jeunes filles appartenant aux familles de
leurs parents et de leurs amis. Je ne sais pas si c'était une fête pour
se réjouir d'avoir retrouvé Jésus ; peut être aussi était ce une fête
qui avait lieu après le retour de la fête de Pâques ou bien encore qu'on
célébrait quand les garçons atteignaient leur douzième année. Mais Jésus
était là comme le principal personnage.
On avait élevé au dessus de
la table de jolies cabanes de feuillage : des guirlandes de feuilles de
vigne et d'épis y étaient suspendues : les enfants avaient aussi des
raisins et des petits pains. Il y avait à cette fête trente trois
enfants, tous disciples futurs de Jésus, et je vis qu'il y avait là
quelque chose qui se rapportait au nombre des années de la vie de Jésus,
mais je l'ai oublié comme beaucoup d'autres choses. Jésus enseigna, et
pendant toute la fête il raconta aux autres enfants une parabole
merveilleuse et qui ne fut pas comprise pour la plus grande partie,
touchant des noces où l'eau devait être changée en vin et les convives
indifférents en amis zélés, puis encore touchant des noces où le vin
devait être changé en sang et le pain en chair, ce qui devait se
perpétuer parmi les convives jusqu'à la fin du monde pour les consoler
et les fortifier et pour établir entre eux un lien vivant. Il dit aussi
à un jeune homme de ses parents, nommé Nathanael : " Je serai à tes
noces. " C'est tout ce que j'ai retenu.
A dater de cette douzième
année, Jésus fut toujours comme le précepteur de ses compagnons : il
s'asseyait souvent au milieu d'eux, leur faisait des récits et se
promenait avec eux dans les environs. Dans sa dix huitième année, il
commença à aider saint Joseph dans les travaux de sa profession.
(Commencement de mai 1821.) Vers la trentième année de la vie de Jésus,
saint Joseph s'affaiblit de plus en plus, et je vis plus souvent Jésus
et Marie réunis près de lui. Marie était souvent assise devant sa
couche, soit par terre, soit sur une table ronde tort basse, qui avait
trois pieds et dont ils se servaient aussi pour faire leurs repas. Je
les vis manger rarement ; quand ils mangeaient, ou qu'ils portaient à
saint Joseph une réfection dans son lit, c'étaient trois petites
tranches blanches, larges d'environ deux doigts, placées l'une près de
l'autre sur une petite assiette ou de petits fruits dans une petite
écuelle : ils lui donnaient aussi à boire d'un breuvage contenu dans une
espèce de cruche.
Lorsque Joseph mourut,
Marie était assise à la tête de son lit et le tenait dans ses bras,
Jésus se tenait à la tête de son lit et le tenait dans ses bras, Jésus
se tenait à la hauteur de sa poitrine. Je vis la chambre remplie de
lumière et pleine d'anges. Il fut enveloppé dans un linceul blanc, les
mains croisées sur la poitrine, couché dans une bière étroite et déposé
dans un très beau caveau sépulcral qu'il tenait d'un homme de bien. Peu
de personnes, outre Jésus et Marie, suivirent son cercueil : mais je le
vis entouré de lumière et accompagné par des anges.
Joseph devait mourir avant le Seigneur, car il n'aurait pu supporter son
crucifiement. Il était trop faible et trop affectueux. Il avait déjà
beaucoup souffert par suite des persécutions que la malice secrète des
Juifs fit endurer au Sauveur, depuis sa vingtième jusqu'à sa trentième
année. Ils ne pouvaient pas le souffrir, et disaient toujours, pleins
d'envie, que le Fils du charpentier voulait tout savoir mieux que les
autres parce qu'il contredisait souvent la doctrine des pharisiens et
qu'il était habituellement entouré de jeunes gens qui s'étaient attachés
à lui.
Marie a infiniment souffert
de ces persécutions. Les souffrances de ce genre m'ont toujours paru
plus grandes que des supplices corporels.
On ne peut dire avec quelle charité Jésus supportait, dans sa jeunesse,
les persécutions et les méchancetés des Juifs.
( 2 juillet 1821 ) Joseph,
le père nourricier de Notre Seigneur, est mort depuis environ deux mois.
Il est mort à Nazareth et y a été enterré. un homme de bien lui a
procuré une très belle sépulture. Son corps fut plus tard porté à
Bethléem par des chrétiens qui l'y enterrèrent. Il me semble que je l'y
vois encore maintenant et qu'il n'a éprouvé aucune altération.
Avant la mort de Joseph je
vis Jésus aller seulement dans le voisinage sans jamais s'éloigner
beaucoup. Les derniers jours, j'ai vu qu'après la mort de Joseph, Jésus
et Marie allèrent à Capharnaum. La maison de Nazareth était fermée. Le
lieu où ils allèrent n'était pas la ville même de Capharnaum, mais comme
un hameau de quelques maisons entre Capharnaum et Bethsaide. C'était
l'endroit où alla le père de Pierre lorsqu'il remit à celui ci la
pêcherie voisine de Bethsaïde. Jésus reçu là une maison d'un certain
Lévi de Capharnaum. Ce Lévi aimait la sainte Famille, et il donna à
Jésus cette maison pour y demeurer. Elle était isolée et entourée d'un
fossé d'eau dormante : il y avait près de là plusieurs autres maisons.
Quelques uns des gens de Lévi y demeuraient pour faire le service et
celui ci envoyait de Capharnaum les aliments nécessaires.
Beaucoup de jeunes gens de
Nazareth s'étaient attachés à Jésus dès le temps de son adolescence,
mais ils l'abandonnèrent les uns après les autres. Il parcourait souvent
les bords du lac avec ses compagnons ; il allait aussi à Jérusalem pour
les fêtes, et la famille de Lazare, à Bethanie, était dès lors en
relation avec la sainte Famille. C'est pourquoi les pharisiens de
Nazareth l'appelaient un vagabond et se scandalisaient à son sujet. Lévi
lui avait donné cette maison pour qu'il eût plus de liberté, et qu'il
pût y réunir ceux qui voudraient l'entendre.
Il y avait près du lac,
autour de Capharnaum, une contrée coupée de vallées singulièrement
fertiles et riantes. On y faisait plusieurs récoltes dans l'année ; la
végétation y était admirablement belle : on y voyait en même temps des
fleurs et des fruits. Beaucoup de Juifs de distinction avaient là des
jardins et des châteaux ; Hérode aussi. Les Juifs, au temps de Jésus,
n'étaient plus comme leurs pères, ils s'étaient fort gâtés par le
commerce et les rapports avec les païens. Je n'ai jamais vu les femmes
se montrer en public, pas même pour la culture des champs, si ce n'est
des personnes très pauvres qui allaient glaner des épis. On ne les
voyait que dans les pèlerinages à Jérusalem et à d'autres lieux de
prière. C'étaient presque toujours des esclaves qui cultivaient la terre
et qui faisaient les emplettes de toute espèce. J'ai vu toutes les
villes de la Galilée dans les dernières nuits. Là où l'on rencontre à
peine aujourd'hui trois bourgades en ruines on en trouvait alors une
centaine, et la population était innombrable.
3 juin. A midi, je vis que
Marie, fille de Cléophas, qui habitait la maison de sainte Anne, près de
Nazareth, avec son troisième mari, père de Siméon de Jérusalem, était
venu dans la maison de la sainte Vierge à Nazareth. Elle avait avec elle
Siméon, son fils du troisième lit ; les serviteurs étaient restés dans
la maison d'Anne. Je vis Jésus et Marie s'y rendre de Capharnaum : je
crois que Marie y restera et qu'elle avait seulement accompagné Jésus à
Capharnaum : elle est bien touchante à voir quand elle le suit. J'ai
aussi appris que Jésus veut aller ces jours ci dans le pays d'Hébron, où
habitait Zacharie.
José Barsabas. fils de
Marie de Cléophas, de son second mariage avec Sabas, était à la maison.
Les trois fils de son premier mariage avec Alphée, Simon, Jacques le
Mineur et Thaddée, qui ont déjà des occupations hors de la maison, y
sont venus aussi pour consoler la sainte Famille après la mort de Joseph
et pour revoir Jésus avec lequel ils n'ont eu que peu de rapport depuis
son enfance. Ils avaient quelque connaissance vague et générale des
prophéties de Siméon et d'Anne lors de la présentation de Jésus au
Temple, mais ils n'y ajoutaient pas beaucoup de foi. Ils préférèrent
s'attacher à Jean Baptiste qui traversa le pays peu de temps après.
16. Les commentateurs
les plus autorisés de l'Écriture admettent également que ce ne
fut pas dans sa douzième année que Jésus alla à Jérusalem pour
la première fois.
17.
Que le
lecteur ne s'étonne pas de voir le Sauveur dans son enseignement
toucher à des objets qui y semblent si étrangers. De ce nombre
sont précisément ces sciences qui ont le plus souvent pour
résultat de faire pécher l'homme par orgueil, si bien qu'au lieu
de le conduire à Dieu, elles l'en éloignent et le précipitent
dans des ténèbres de plus en plus épaisses. Lors donc que le
Sauveur daigne s'en occuper dans son enseignement, il présente
une expiation pour cette sorte d'orgueil et de présomption, et
montre en même temps quel doit être le point de départ et le but
de toute science pour qu'elle puisse être mise au service de
Dieu et devenir par là méritoire.
Remarquons ici une fois pour toutes, ce qui n'échappera pas au
lecteur attentif, que, d'après les visions, les actes et les
opérations du Sauveur suivent un ordre progressif merveilleux.
Ainsi, par exemple, de même que le Dieu fait homme passe, afin
de tout expier et de tout sanctifier, par tous les degrés de
l'âge et du développement humain jusqu'à la parfaite virilité,
se soumettant lui même à l'ordre sous lequel, comme législateur
suprême, il a placé l'homme j de même aussi il révèle d'une
manière correspondante à cet ordre les mystères de son action
rédemptrice et acquiert sur chaque degré de nouveaux mérites
d'une valeur infinie pour le salut de tous. Si donc le lecteur
rencontre quelque chose qui lui paraisse d'abord difficile à
concevoir, l'étude comparée des détails lui donnera une vue de
l'ensemble où les difficultés disparaîtront. |