Commencement de l'histoire de la prédication de Jésus : — depuis la mort
de saint Joseph jusqu'au moment où Jésus va au Jourdain pour son baptême.
(Du 2 juin au 27
septembre 1821)
– Jésus va à Hébron, à la
mer Morte, sur la rive orientale du Jourdain, sur la rive occidentale,
près du lac de Génésareth, à Sidon et à Sarepta, il revient à Nazareth.
– Le sanhédrin se déclare contre Jésus.
– Jésus à Nazareth, à Capharnaûm, à Bethsaide, à Bethulie, à Kedès, à
Jezrael, au séjour des publicains, à Kimki.
– Promenades et conversations avec l'essénien Eliud, dans la vallée d'Esdrelon,
à Nazareth, à Gophna, à Bethanie.
– Marie la Silencieuse sœur de Lazare. – Séjour à Bethanie. – Jésus se rend avec Lazare au lieu où l'on baptise près du Jourdain.
·
Remarque de
l'éditeur.
Plus d'un lecteur pourra
d'abord trouver étrange que les visions de ce chapitre lui montrent déjà
le Sauveur enseignant et opérant des miracles, tandis qu'on est
généralement habitué à se représenter la prédication de Jésus et son
action miraculeuse comme ne commençant qu'après son baptême. Il pourrait
facilement arriver qu'on voulût voir là une contradiction entre les
visions et les saints Evangiles, parce que saint Jean (II, 11), rapporte
que le Sauveur a donné commencement à ses miracles par le changement de
l'eau en vin a Cana. Cette contradiction toutefois n'est qu'apparente,
et il est facile de l'expliquer. En effet, c'est dans les quatre mois
qui, d'après les visions, se sont écoulés depuis la mort de saint Joseph
jusqu'au baptême de Jésus dans le Jourdain, que tombe l'action publique
de Jean Baptiste, le précurseur chargé de préparer les voies du
Seigneur. Celui ci commença à baptiser et à prêcher sur les bords du
Jourdain, à peu près au moment même où Jésus, encore inconnu et regardé
seulement comme un saint docteur et un prophète à cause de la charité
inexprimable, de la majesté et de la mansuétude qui se manifestaient
dans sa personne, parcourait la Judée, la Pérée et la Galilée, allant
même jusqu'à Sidon et à Sarepta. Dans ces courses le Sauveur suivait les
traces des anciens prophètes, visitait tous les lieux où il s'était
passé quelque chose de figuratif se rapportant à lui, afin de donner
leur accomplissement à toutes les promesses, à toutes les préparations,
à toutes les figures. En même temps il pratiquait les oeuvres de charité
les plus pénibles et les plus humbles qu'il ne devait plus opérer de la
même manière dans les années de prédication qui devaient suivre, parce
que son temps devait être autrement employé : mais surtout il adressait
à Jean tous ceux qui l'écoutaient, les exhortant à aller au Jourdain et
à recevoir le baptême de la main de Jean. Dans cette période, le Sauveur
ne parle nulle part de lui même, il ne révèle nulle part qu'il est le
Messie annoncé par Jean. Il parle uniquement de Jean, de la pénitence
qu'il prêche et de son baptême.
A cela correspond aussi le
caractère du petit nombre de guérisons miraculeuses dont parlent les
visions de cette période. Elles font partie de ces prodiges que Maldonat
et après lui Cornélius a Lapide rangent parmi ceux que Jésus a opérés
plus secrètement et sans avoir directement en vue de se manifester comme
le Messie attendu. Quant aux miracles opérés dans ce dernier but, le
Sauveur leur a donné commencement à Cana, ainsi que cela est expliqué en
son lieu d'après les visions de la manière la plus profonde : mais à
vouloir affirmer que le miracle de Cana fut la première de toutes les
opérations miraculeuses de Jésus, on serait aussi peu croyable, dit
Maldonat, qu'en prétendant que la première instruction de Jésus après
son baptême fut aussi la première qu'il eût jamais faite.
***
(Du 3 au 22 juin ) Comme
Jésus allait de Capharnaum à Hébron, par Nazareth, il vint dans la
contrée où plus tard il nourrit un peuple nombreux en multipliant les
pains et aussi dans le voisinage de l'endroit où il fit dans la suite
une partie du sermon sur la montagne. Vis à vis de cette montagne, à peu
près à une lieue, du côté exposé au soleil où tout mûrit si bien, il y
avait une fête populaire dans un endroit très agréable, situé tout
contre la route (plus tard elle dit d'une manière plus précise qu'il
s'agissait des bains attenant au lac de Bethulie, situé dans le district
de Génésareth, et qu'on appelait aussi la fontaine de Capharnaûm). Jésus
en passant vit là des hommes et des femmes séparés en groupes qui
jouaient aux gageures : l'enjeu consistait en fruits.
Ce fut là que Jésus vit
Nathanaël, surnommé Khased, debout à l'endroit où se tenaient les
hommes, sous un figuier et comme Nathanaël, en regardant jouer les
femmes, était assailli d'une tentation de la chair contre laquelle il
luttait, Jésus en passant le regarda fixement comme pour l'avertir.
Nathanaël, sans connaître Jésus, fut profondément ému de ce regard : cet
homme, pensa t il, a l'oeil pénétrant. Jésus lui fit l'effet d'être plus
qu'un homme ordinaire. Il se sentit atteint, rentra en lui même,
surmonta la tentation et fut, à dater de ce moment, beaucoup plus fort
contre lui même. Il me semble avoir aussi vu là Nephtali, surnommé
Barthélémy, et je crois que lui aussi fut vivement touché d'un regard de
Jésus.
Marie resta à Nazareth avec
Marie de Cléophas, dont le troisième mari Jonas, dirigeait le ménage
dans la maison de sainte Anne. Jésus alla avec deux de ses amis
d'enfance à Hébron, dans la Judée. Ceux ci ne lui restèrent pas fidèles
; ils devinrent ses ennemis, et ce ne fut qu'après la résurrection, lors
de sa manifestation sur la montagne de Thébez, en Galilée, qu'ils se
convertirent et se réunirent à la communauté chrétienne.
(5 juin ) J'ai vu Jésus
visiter Lazare à Bethanie. Lazare paraissait beaucoup plus âgé que Jésus
: il me semblait au moins avoir huit ans de plus. il avait un grand étal
de maison avec beaucoup de serviteurs, de propriétés et de jardins.
Marthe avait sa maison à elle, et une autre soeur, nommée Marie, qui
vivait tout à fait retirée, avait aussi sa demeure à part Madeleine
habitait dans le château de Magdalum. Lazare connaissait depuis
longtemps déjà la sainte Famille : il avait précédemment aidé Joseph et
Marie dans leurs nombreuses aumônes. Je vis aussi plus clairement que je
ne l'avais fait encore, combien Lazare a fait pour la communauté
chrétienne depuis le commencement jusqu'à la fin : c'était lui qui
remplissait la bourse que portait Judas et qui avait fait les premiers
frais de tout. Jésus fut aussi au temple à Jérusalem.
(6 juin) à Hébron Jésus se
sépara de ses compagnons. Il dit qu'il avait un autre ami à visiter.
Zacharie et Elisabeth ne vivent plus. Jésus alla dans le désert où
Elisabeth avait porté Jean encore enfant. Il était situé au midi entre
Hébron et la mer Morte. On franchissait d'abord une montagne élevée,
couverte de cailloux blancs, et on descendait ensuite dans une jolie
vallée où il y avait des palmiers. C'est là que je vis aller Jésus.
( 7 juin ) Jésus est allé
dans la grotte où Jean fut d'abord conduit par Elisabeth. Il a passé
ensuite une petite rivière que Jean aussi avait traversée. Je le vis
seul et en prières, comme s'il se préparait à sa carrière de
prédication.
(8 11 juin) Je vis Jésus revenir du désert à Hébron Partout il prêtait
une main secourable. Ainsi je vis que près d'un grand amas d'eau,
c'était de l'eau salée (vraisemblablement la mer Morte), il vint en aide
à des gens embarqués sur une espèce de radeau, au dessus duquel était
dressé un pavillon. Il y avait là des hommes, des animaux et des
bagages. Jésus les appela et poussa une poutre du rivage jusqu'à leur
embarcation. Il les aida à débarquer et travailla avec eux à réparer
leur bateau. Ces gens ne pouvaient s'imaginer qui il était, car sans
avoir rien qui le distinguât des autres dans ses vêtements, toute sa
personne était si merveilleusement attrayante et si pleine de dignité
qu'ils en étaient grandement émus. Ils crurent d'abord que c'était Jean
Baptiste, qui avait déjà paru sur les bords du Jourdain : mais ils
reconnurent bientôt que ce n'était pas lui, car Jean était plus brun et
avait des dehors plus rudes. Jésus célébra le sabbat à Hébron. Il
congédia là ses compagnons de voyage. il alla visiter des malades dans
leurs maisons, les consola, les assista, les soulevant, les portant,
arrangeant leurs couches ; mais je ne je vis pas guérir. il se montrait
bienfaisant envers tous et excitait partout l'admiration. Je le vis
aller vers des possédés, qui devinrent tranquilles quand il fut près
d'eux : cependant il ne chassa pas de démons. Il relevait ceux qui
tombaient, donnait à boire à ceux qui avaient soif, indiquait les
sentiers et les gués à ceux qui cheminaient, et tous étaient dans
l'admiration de ce voyageur si charitable. Dans la nuit du samedi il
quitta Hébron, et le dimanche au matin il arriva à l'embouchure du
Jourdain dans la mer Morte. Il traversa là le Jourdain et, remontant la
rive orientale du fleuve, il se dirigea vers la Galilée.
(12 juin) Je vis Jésus dans
ces derniers jours aller à l'orient de la mer de Galilée, entre Pella et
la contrée de Gergesa. Il fait de petits voyages, et partout il se
montre secourable. Il va visiter tous 16 ; malades et même les lépreux :
il les console, arrange leur couche, les exhorte à prier, leur indique
un régime et des remèdes, et tous l'admirent. J'ai vu aussi dans un
endroit deux personnes qui avaient connaissance des prophéties de Siméon
et d'Anne, et `qui lui demandèrent si c'était de lui qu'il s'agissait.
Ordinairement des gens qui l'avaient pris en affection l'accompagnaient
d'un lieu à l'autre. Les possédés devenaient tranquilles près de lui. Je
l'ai vu cette nuit au bord d'un petit torrent (le Hiéromax)qui tombe
dans le Jourdain au dessous de la mer de Galilée, non loin de cette
montagne escarpée de laquelle, plus tard, il précipita les pourceaux
dans la mer Au bord du torrent était une rangée de petites huttes en
terre, semblables à des cabanes de bergers ; il s'y trouvait des gens
qui construisaient des bateaux sur le rivage et qui ne pouvaient pas en
venir à bout. Je vis Jésus aller à eux et les conseiller amicalement ;
et je vis apporter des poutres, mettre là main à leur travail, leur
montrer divers procédés à employer, et pendant le travail les exhorter à
la charité et à la patience, etc.
(20 juin) J'ai vu Jésus
plusieurs autres fois depuis que je l'avais vu sur la rive orientale de
la mer de Galilée, mais j'ai toujours tout oublié. Il revint sur le bord
occidental, et je le vis cette nuit dans un petit endroit composé de
maisons dispersées et situé sur un plateau élevé, entre deux collines,
non loin de Capharnaum, de Magdalum et de Domna, au nord est de Séphoris.
Il s'y trouvait une synagogue. Les habitants étaient des gens dont
personne ne s'occupait ; toutefois ils n'étaient pas méchants. Abraham
avait possédé là des prairies pour les bêtes destinées aux sacrifices ;
Joseph et ses frères gardaient leurs troupeaux dans les environs, et
c'est dans cette contrée que Joseph fut vendu. Le lieu s'appelle Dothaim
et doit être distingué de Dothan, qui est à environ quatre lieues de
Samarie. C'était maintenant un petit endroit peu habité : mais le
terroir était bon, et il s'y trouvait de nombreux pâturages qui
s'étendaient de plain pied jusqu'à la mer de Galilée. Il y avait là une
grande maison, comme une maison de fous, où demeuraient plusieurs
possédés. Ils étaient furieux et se battaient à outrance lorsque Jésus
arriva. Personne ne pouvait en venir à bout. Jésus entra pour les
visiter et s'entretint avec eux. Alors ils devinrent parfaitement
paisibles. Il leur fit une exhortation, et ils sortirent tranquillement
de cette maison pour s'en retourner chez eux Les habitants étaient très
étonnés de cela, ils ne voulaient plus laisser partir Jésus et on
l'invita à un mariage. J'y ai vu pratiquer les mêmes usages qu'à Cana.
Il n'assista à la fête que comme un étranger qu'on honore. Il tint des
discours bienveillants et pleins de sagesse, et donna des avis au,
fiancés. Ceux ci dans la suite, se joignirent aux disciples lors de
l'apparition sur le mont Thébez.
(22 juin) Aujourd'hui je
vis notre Seigneur Jésus de retour à Nazareth : il y visita
successivement les connaissances qu'y avaient ses parents, mais partout
il fut reçu très froidement. Je vis cette nuit qu'il voulait aller dans
la synagogue pour y enseigner, et qu'ils l'en empêchèrent : je vis aussi
qu'il parla du Messie sur une place publique devant beaucoup de monde,
devant des sadducéens et des pharisiens, disant que le Messie ne serait
pas comme chacun se le figurait d'après ses désirs : il parla aussi de
Jean Baptiste, qui était la voix dans le désert. Il avait été accompagné
depuis le pays d'Hébron par deux jeunes gens qui portaient de longs
vêtements avec une ceinture, comme les prêtres Je les vis ici, mais ils
n'allaient pas toujours avec lui. Il célébra ici le sabbat.
(25 juin) Je vis Jésus et
Marie, en compagnie de Marie de Cléophas, des parents de Parménas et
d'autres personnes, faisant une vingtaine en tout, quitter Nazareth et
se rendre à Capharnaüm. Ils avaient avec eux des ânes portant des
bagages. La maison de Nazareth resta parfaitement nettoyée et arrangée :
comme on en avait tout enlevé et qu'on avait seulement disposé quelques
couvertures à l'intérieur, elle me faisait l'effet d'une église ; Elle
resta inhabitée. La maison de sainte Anne est toujours occupée par le
troisième époux de Marie de Cléophas ; il y a aussi là habituellement
quelques uns des fils de celle ci, lesquels prennent soin de la maison.
José Barsabas, le plus jeune, était parti avec sa mère, et il se rendit
a la pêcherie : le petit Siméon, né du troisième mariage, était aussi
avec elle. Je vis les jours suivants Jésus et Marie dans la maison
située entre Capharnaum et Bethsaïda. Marie de Cléophas demeurait tout
près de là, et les parents de Parménas à peu de distance.
(28 juin) Je vis Jésus de
nouveau en course ; il s'arrêta dans un petit endroit où il parla dans
la synagogue du baptême de Jean, de l'approche du Messie et de la
pénitence. Les auditeurs murmuraient, le regardant, avec mépris, et j'en
entendis quelques uns dire : " il y a trois mois, son père, le
charpentier, vivait encore : il travaillait alors avec lui : maintenant
il a un peu couru à l'étranger, et il revient pour nous enseigner ce
qu'il a appris. Je riais en moi même de ce qu'ils croyaient qu'il était
allé en pays étranger, tandis qu'il était dans le désert pour se
préparer.
(14 juillet) La Soeur,
pendant ces jours là, ne cessa pas de voir toutes les allées et venues
de Jésus et de Jean. Elle voit encore le Seigneur aller de lieu en lieu
et se montrer particulièrement là où Jean a passé. Il va dans les
synagogues : il enseigne, console et assiste les malades. Elle le vit à
Cana, où il avait des parents qu'il visita et où il enseigna aussi. Elle
ne le voit pas encore avec aucun de ses futurs disciples. On dirait
qu'il apprend d'abord à connaître les hommes, et qu'il continue ce que
Jean a commencé à produire en eux. Souvent un homme de bien l'accompagne
d'un lieu à l'autre.
(6 juillet ) Je vis
aujourd'hui quatre hommes parmi lesquels étaient de futurs disciples de
Jésus dans la contrée entre Samarie et Nazareth, sous des arbres voisins
de la grande route : ils attendaient Jésus, qui était en course avec un
compagnon. Ils allèrent au devant du Seigneur et lui racontèrent qu'ils
avaient été baptisés par Jean, et qu'il parlait de l'approche du Messie.
Ils lui racontèrent encore avec quelle sévérité il avait parlé aux
soldats, et qu'il n'avait baptisé que quelques uns d'entre eux. Il leur
avait dit, entre autres choses, qu'il ferait aussi bien de prendre des
pierres dans le Jourdain et de les baptiser. Je les vis aller plus loin
avec Jésus.
(11 juillet) Ces jours ci,
je vis le Seigneur remonter vers le nord le long de la mer de Galilée.
Il parla déjà plus clairement du Messie, et dans beaucoup d'endroits les
possédés poussèrent des cris derrière lui : il chassa aussi un démon
d'un homme. il enseigna dans des écoles.
Il fut rencontré par six
personnes qui venaient du baptême de Jean, et dont étaient Lévi, nommé
plus tard Matthieu et deux des fils des trois veuves : Nathanaël, le
fiancé de Cana, n'en était pas. Ils le connaissaient comme ayant avec
lui des rapports de parenté, et par ce qu'ils en avaient entendu dire :
ils pressentaient aussi qu'il pouvait bien être celui dont Jean avait
parlé, mais ils n'en avaient pas la certitude ils racontèrent des choses
relatives à Jean, parlèrent de Lazare et de ses soeurs, et aussi de
Magdeleine qui devait être possédée du démon. Elle demeurait seule déjà
dans son château. ils firent route avec Jésus, dont les discours les
émerveillaient. Ceux qui allaient de Galilée vers Jean pour être
baptisés, lui racontaient ordinairement ce qu'ils savaient de Jésus et
ce qu'ils en avaient entendu dire, tandis que ceux qui venaient d'Ainon,
le lieu où Jean baptisait, faisaient à leur tour à Jésus des récits sur
Jean.
Je vis Jésus, sans ses compagnons, entrer près du lac dans une pêcherie
entourée d'une haie, où il y avait cinq barques. Sur le rivage étaient
plusieurs cabanes où se tenaient les pêcheurs. Cette pêcherie
appartenait à Pierre ; il était dans une des cabanes avec André. Jean et
Jacques, avec leur père Zébédée et plusieurs autres, étaient sur les
barque Dans la barque qui était au milieu se trouvait le père de la
femme de Pierre avec trois de ses fils. J'ai su tous leurs noms, mais je
les ai oubliés. Le père était surnommé le Zélateur, parce qu'il avait
soutenu sur le lac un combat contre les Romains au sujet d'un droit
relatif à la navigation ; c était de là que lui venait ce nom. Il y
avait environ trente hommes sur les barques.
Jésus suivit le chemin
bordé d'une haie, qui était entre les cabanes et les barques ; il
s'entretint avec André et avec d'autres ; je ne sais pas s'il parla
aussi à Pierre. ils ne le connaissaient pas encore. Il parla de Jean et
de l'approche du Messie. André était déjà baptisé et disciple de Jean.
Jésus leur dit qu'il reviendrait les voir.
(Du 11 au 26 juillet) Jésus
s'éloigna du lac et se ! dirigea vers le Liban ; il prit ce parti parce
qu'on parlait beaucoup de lai dans le pays et qu'il en résultait une
certaine agitation. Plusieurs regardaient Jésus comme le Messie.
D'autres parlaient d'un autre personnage que Jean aurait désigné.
Jésus était accompagné de
six à douze personnes dont le nombre croissait ou diminuait
successivement pendant le voyage. Ils écoutaient ses instructions avec
joie, et ils soupçonnaient parfois qu'il devait être celui auquel Jean
faisait allusion. Jésus ne s'adjoignit particulièrement aucun d'eux ; à
vrai dire, il était seul, mais il semait et préparait d'avance. Dans
toutes ses courses, je vis plusieurs choses qui se rapportaient aux
courses et aux actions des prophètes, surtout d'Elie.
Je vis Jésus, avec environ
dix compagnons, sur une éminence dépendant du Liban, vis à vis d'une
grande ville située le long de la mer Méditerranée. On avait, de cette
hauteur, une vue d'une beauté incomparable. La ville paraissait placée
tout au bord de la mer, mais, quand on se trouvait dans son enceinte, on
voyait qu'elle en était bien éloignée de trois quarts de lieue. Elle
était très grande et très tumultueuse ; lorsqu'on la regardait du haut
de la montagne, on croyait voir une quantité innombrable de navires ;
car, sur ses nombreux toits en terrasse, il y avait une forêt de perches
et d'échafaudages où étaient suspendues et déployées de longues
banderoles d'étoffe rouge et d'autres étoffes de diverses couleurs, et,
dans les intervalles, on voyait une fourmilière d'hommes qui
travaillaient. Le pays d'alentour était plein de petits endroits très
fertiles : tout était couvert de fruits. Il y avait partout de grands
arbres, autour desquels régnaient des sièges, d'autres où l'on montait
par des escaliers si bien que des sociétés entières pouvaient s'asseoir
au milieu des branches, comme dans des maisons aériennes. La plaine dans
laquelle la ville se trouve, entre la montagne et la mer, n'est pas très
large.
Il y avait dans cette ville
des païens et des juifs qui trafiquaient ensemble. L'idolâtrie y était
très répandue. Le Seigneur, tout en cheminant, enseigna et prêcha dans
les petits endroits, sous les grands arbres ; il parla de Jean, de son
baptême et de la pénitence.
Dans la ville, Jésus fut
bien accueilli. Il y est allé déjà une fois. Il parla dans l'école de la
venue prochaine du Messie et de la destruction des idoles. La reine
Jézabel, qui persécuta Elie avec tant d'acharnement, était de cette
ville.
Jésus laissa ses compagnons à Sidon et alla dans un petit endroit, situé
plus au midi, à quelque distance de la mer. Il veut s'y tenir quelque
temps à l'écart pour prier. La ville est toute entourée de bois d'un
côté, elle a des murs épais, et il y a des vignes à l'entour. C'est
Sarepta, où Elie fut nourri par la veuve. Je vis toute cette histoire.
Il en était résulté pour les juifs une superstition qui avait gagné
aussi les païens ; c'était de faire en sorte qu'il y eut toujours de
pieuses veuves logées dans les murs qui entouraient la ville. ils
croyaient que cela les garantissait de tout danger et leur permettait de
se livrer impunément à toute espèce de désordres. Actuellement c'étaient
des vieillards qui habitaient là. Jésus logea chez un vieillard, dans
une maison pratiquée dans la muraille. Ces vieilles gens sont des
espèces d'ermites Jésus leur parla du Messie et de Jean. Il alla aussi à
la synagogue instruisit les enfants et célébra le sabbat.
(14 juillet) Jésus restera
encore quelque temps ici ; il ira ensuite au baptême de Jean. Il se
tient principalement chez de vieux juifs pieux logés dans les murs de
Sarepta, qui vivent là par suite d'un vieil usage, et pour honorer le
souvenir d'Elie. Ils se livrent à la méditation et à l'interprétation
des prophéties et prient beaucoup pour l'avènement du Messie. Jésus Leur
donne des instructions sur le Messie et sur le baptême de Jean. Ils sont
pieux, mais ils ont beaucoup d'idées fausses : ils croient, par exemple,
que le Messie doit venir avec une pompe mondaine. Jésus va souvent prier
seul dans la forêt voisine de Sarepta il enseigne dans la synagogue, et
s'occupe aussi à instruire les enfants.
Le jour suivant, la Soeur vit Jésus enseigner dans divers endroits où il
y avait beaucoup de pa'ens il exhortait les juifs à ne pas se mêler avec
les paiens. Il y avait là des gens de bien, il y en avait aussi de très
mauvais. Jésus n'est accompagné de personne, si ce n'est parfois de
quelques habitants du pays. Je le vois souvent enseigner en plein air
devant des hommes et des femmes, sur de petits tertres ou sous des
arbres.
La saison est telle dans ce
pays, qu'il me semble toujours être au mois de mai, parce que dans ta
terre Promise les semailles faites pour la seconde récolte sont en ce
moment au même point où elles sont chez nous au mois de mai. On ne coupe
pas ici le blé si près de terre : on prend la tige avec la main un peu
au dessous de l'épi, et on la coupe à peu près une coudée plus bas. On
ne bat pas le grain : les petites gerbes sont posées verticalement, et
on fait passer dessus un rouleau placé entre deux boeufs. Le grain est
beaucoup plus sec qu'ici et se détache très facilement. Cela se fait en
plein air, ou bien dans une grange ouverte de tous côtés, et couverte
seulement d'un toit de paille.
Dans ces derniers jours je
vis Jésus aller au nord est de Sarepta, dans un endroit peu éloigné du
champ de bataille où Ezéchiel, ravi en esprit, eut la vision dans
laquelle il vit les ossements des morts se ranger en ordre dans une
grande plaine, puis se revêtir de nerfs et de chair, après quoi il vint
un souffle qui leur inspira l'esprit et la vie. Il me fut expliqué que
les os qui se rassemblaient et se recouvraient de chair étaient la
figure du baptême de Jean et de son enseignement, tandis que l'esprit et
la vie qui venaient les animer signifiaient la rédemption de Jésus et la
descente du Saint Esprit.
Jésus consola les habitants de ce lieu qui étaient très languissants et
très abattus, et il leur expliqua aussi la vision d'Ezéchiel.
De là il se dirigea encore
plus au nord, jusque dans la contrée où Jean était venu d'abord en
sortant du désert. C'est un petit village de bergers où Noémi résida
assez longtemps avec sa fille Ruth. Elle avait laissé un si bon
souvenir, que ces gens en parlaient encore. Plus tard elle demeura à
Bethléem. Le Seigneur prêcha ici avec beaucoup de chaleur. Le temps
approche où il doit se diriger vers le midi, puis se rendre à Samarie
pour son baptême. Le village des bergers est arrosé par un petit cours
d'eau derrière lequel se trouvait, à une grande élévation, le puits du
désert de Jean. Près de ce puits, le chemin descend à pic vers le champ
de bataille d'Ezéchiel ; on descend là à une grande profondeur : cela
rappelle l'endroit par où Adam et Eve furent chassés du Paradis Sur leur
chemin les arbres devenaient toujours plus petits et plus rabougris ;
ensuite il n'y avait plus que des broussailles, et tout autour d'eux
était stérile et désolé. Le Paradis était aussi élevé que le soleil, et
il descendit comme derrière une montagne qui parut s'élever devant lui.
Le Sauveur passa par le
chemin que suivit. Elle lorsqu'en partant du torrent de Khrit, il alla à
Sarepta. Il revient du village des bergers à Sarepta. Il enseigne ça et
là sur sa route et passe devant Sidon. De Sarepta il ira bientôt au midi
pour son baptême. Il célèbre encore le sabbat à Sarepta.
(Du 27 au 29 juillet) Après
la clôture du sabbat, Jésus partit de Sarepta pour se diriger vers la
Galilée et Nazareth. Il enseigna ça et là : en dernier lieu, je le vis
enseigner sur une colline'' Elle dit encore : Jésus est en route pour
Nazareth. Il enseigne ça et là. Il a quelquefois des compagnons.
Quelquefois il erre seul pendant la nuit. Il marche maintenant les pieds
nus ; il a avec lui ses sandales, qu'il met lors qu'il entre dans un
village. Il est à présent dans les vallées qui sont vis à vis du mont
Carmel. Il est venu une fois très près de la route qui va de cette
contrée en Egypte mais il s'est détourné vers le levant. Je crois qu'il
va à Nazareth, puis à Samarie et au baptême. Ce voyage durera bien
encore deux semaines.
La mère de Dieu, Marie de
Cléophas, la mère de Parménas et deux autres femmes, sont aussi en route
pour Nazareth. La maison de Marie est toujours silencieuse et bien en
ordre : je vois la chambre où Jésus dormait et priait habituellement.
Des femmes de Jérusalem
sont aussi en route pour Nazareth : ce sont Séraphia (Véronique), Jeanne
Chusa, encore une autre, comment s'appelle t elle donc ? et le fils de
Véronique qui plus tard se joignit aux disciples. Ils vont, je crois,
pour visiter Marie. Je les ai déjà vus à l'occasion des voyages annuels
à Jérusalem.
Il y a trois endroits où
les familles pieuses vont prier tous les ans, ce que faisaient aussi
Joseph et Marie. C'est au temple de Jérusalem, à Bethléem, près du
Térébinthe, à un endroit où l'on célèbre un fait de l'Ancien Testament,
je ne sais plus lequel (18), et au mont Carmel, où se
trouve aussi un oratoire. La famille d'Anne et d'autres personnes
pieuses y passent ordinairement en revenant de Jérusalem : c'est en
général au mois de mai. Il est arrivé là à Elle quelque chose qui a
rapport au Messie. Je ne m'en souviens pas distinctement à présent :
mais je pense que le prophète eut là la Vision d'une grande figure de
femme : c'était quelque chose qui se rapportait à la sainte Vierge. Il y
avait aussi là une fontaine et une grotte d'Elle où la pierre était
tendre : c'était comme une chapelle. Il venait toujours là de temps en
temps des juifs pieux qui priaient pour l'avènement du Messie : il y
avait aussi des anachorètes juifs : il y eut plus tard des ermites
chrétiens.
(30 juillet) J'ai été cette
nuit et suis encore aujourd'hui dans la contrée du mont Thabor : Jésus
est dans une petite ville située sur le revers occidental de la
montagne, et il enseigne dans l'école sur le baptême de Jean. Il a cinq
compagnons. Quelques uns seront plus tard ses disciples futurs. J'ai su
le nom de quelques uns. J'ai très bien vu le pays et toute la montagne.
La Mère de Dieu et les
autres femmes sont a Nazareth : il en est de même de Véronique, qui est
partie précédemment de Jérusalem avec 'ses compagnes, et qui a pris les
saintes femmes à Capharnaum. Il y a avec elle Jeanne Chusa, une soeur de
la prophétesse Anne, qui est attachée au service du temple, et un fils
de Véronique, qui plus tard alla en France.
(1er août) Je vis le
sanhédrin de Jérusalem envoyer des messagers avec des lettres dans les
principaux endroits de la Terre Promise où il y avait des écoles juives
: il avertissait ceux qui y étaient préposés d'avoir l'oeil sur un homme
dont Jean Baptiste avait dit qu'il était celui qui devait venir, et
qu'il viendrait à son baptême. Ils devaient veiller sur cet homme et
faire des rapports sur lui : car si c'est le Messie, disaient ils, il
n'a pas besoin du baptême de Jean. Tout cela les importunait beaucoup ;
ils avaient entendu dire que c'était le même qui, étant enfant, avait
enseigné dans le temple, etc.
Je vis ces messagers
arriver dans une ville située près de la mer, à quatre lieues du chemin
d'Hébron, dans la contrée où les messagers de Mo'se et d'Aaron
trouvèrent les grosses grappes de raisin. La ville s'appelle Gaza. Je
vis aussi Gaza dans l'état où elle fut longtemps après, peut être comme
elle est à présent. Je vis peu de maisons, et seulement quelques
vieilles substructions : je vis une longue rangée de tentes qui
s'étendaient, je crois, jusqu'à la mer : il y avait beaucoup d'étoffes
et de soieries mises en vente.
Il ne reste presque plus
rien de l'ancien Nazareth : mais on peut encore reconnaître à peu près
les montagnes : seulement tout est impraticable, dégradé par les pluies
et couvert de décombres. Il y a la des rochers tout nus et surplombant
tellement, qu'on est tout enraye d'y voir monter quelqu'un. Le pays est
encore fertile ; il y a beaucoup d'animaux sauvages, spécialement des
colombes : toutes les maisons et les vignes sont couvertes de
tourterelles sauvages aussi grosses que nos pigeons domestiques.
Sur le mont Carmel, il y a
encore plusieurs grottes où habitent des ermites : il s'y trouve, en
outre, un couvent. J'ai vu hier, dans la nuit, beaucoup de choses
touchant cette montagne. Les ermites sont en ce moment très inquiets et
prient beaucoup, car il y a à peu de distance de là des soulèvements et
des combats entre les Turcs et un autre peuple voisin du Liban.
(4 août) Jésus, accompagné
de cinq disciples, enseigna ça et là jusque dans la contrée où est le
puits de Jacob : ce fut aussi là qu'il célébra le sabbat. Il me semble
qu'il ira bientôt à Nazareth les saintes femmes y sont.
(5 août) Je vis Jésus
quitter la contrée où est le puits de Jacob, et revenir à Nazareth avec
ses cinq compagnons. La sainte Vierge vint à sa rencontre ; mais quand
elle vit qu'il avait des compagnons avec lui, elle resta a quelque
distance et revint sur ses pas sans l'avoir salué. J'admirai son
abnégation. Je vis Jésus enseigner ici dans l'école. Les saintes femmes
étaient présentes.
(7 août) J'allai à Nazareth
et je vis Jésus dans la synagogue avec les cinq disciples et une
vingtaine de ses compagnons de jeunesse de Nazareth. il y avait beaucoup
de monde. Les saintes femmes n'étaient pas présentes. Il fit une
instruction. J'entendis les auditeurs murmurer et chuchoter : " il veut
peut être, disaient ils, s'établir à l'endroit où Jean baptisait et que
celui ci a abandonné, puis baptiser lui même et se faire passer pour un
personnage de même espèce. Mais ce n'est pas du tout la même chose. Jean
a vécu dans le désert : quant à celui ci, nous le connaissons bien : ce
n'est pas lui qui nous séduira ". Après avoir un peu regardé cette
scène, je fus conduite vers Jean Baptiste.
(9 août) Je vis que Jésus
se préparait à quitter Nazareth avec deux compagnons, pour se rendre à
Bethsaïda où il put encore réveiller quelques âmes par son enseignement.
Les saintes femmes et d'autres compagnons de Jésus sont encore à
Nazareth. Je vis Jésus dans la maison de sa mère où ses autres amis
étaient aussi rassemblés. Il leur expliqua qu'à cause des murmures et du
mécontentement qui s'étaient élevés contre lui à Nazareth, il voulait
aller à Bethsaide, d'où il reviendrait plus tard. Je le vis quitter la
maison avec trois disciples. C'étaient Amandor, le fils de Véronique, un
fils d'une des trois veuves parentes de Jésus, son nom était comme
Sirach, et un parent de Pierre, qui fut plus tard un disciple connu.
(10 avril) Comme le il août
était la fête de sainte Suzanne, martyre, et que la narratrice avait
près d'elle une de ses reliques, elle la vit toute la nuit près d'elle
pendant son voyage. Elle dit à cette occasion : "Suzanne a voyagé avec
moi, elle était toujours près de moi, souvent aussi elle me parlait,
mais elle était autrement que moi, à cause de son extrême légèreté, et
quand je voulais la saisir, je ne pouvais pas. J'allais avec elle d'une
scène à l'autre et elle me donnait des consolations : mais quand
j'entrai dans une scène bien distincte, comme par exemple ici, à
Bethsaide, elle disparut.
Je vis Jésus à Bethsaïda,
prêcher avec beaucoup de force dans la synagogue, le jour du sabbat. Il
leur dit qu'ils devaient maintenant accepter ce qui leur était notifie,
aller au baptême de Jean et se purifier par la pénitence : qu'autrement
il viendrait un temps ou ils crieraient : Malheur à nous. Il y avait
beaucoup de personnes dans la synagogue, mais aucun des futurs apôtres,
excepté Philippe, si je ne me trompe. Les autres apôtres de Bethsaïda et
des environs étaient allés ailleurs pour le sabbat. Ils se tenaient dans
une maison près de la pêcherie, dans le voisinage de Capharnaum.
Pendant l'instruction de
Jésus à Bethsaïda, j'avais prié pour que ces gens allassent au baptême
de Jean et se convertissent sincèrement. Là dessus un tableau me fut
présenté. Je vis Jean comme le préparateur qui, au moyen d'une première
ablution, enlevait les souillures les plus fortes et les plus
grossières. Je le vis se livrer à ce travail avec bien de l'énergie et
de l'activité, avec bien de la rudesse et de la sévérité, et la peau qui
le couvrait tombait tantôt d'une épaule, tantôt de l'autre. Ce devait
être un symbole figuratif, car je vis quelques uns des baptisés desquels
se détachaient des espèces d'écailles, d'autres dont il sortait comme de
noires vapeurs, et plusieurs sur lesquels s'abaissaient des nuées
lumineuses et brillantes.
De ce tableau, je revins, en compagnie de sainte Suzanne à un autre
tableau du séjour de Marie à Ephèse.
12 août (19)
Je vis Jésus et ses compagnons aller entre Bethsaïda et Capharnaum, à
l'endroit où était la maison qu'il habitait. Ils allaient ça et là dans
les maisons disséminées, et invitaient les gens à venir entendre
l'instruction. Beaucoup de personnes se rassemblèrent et Jésus fit une
longue instruction. Je ne vis pas là d'apôtres.
(13 août) J'ai vu Jésus à
Capharnaum se rendant à l'école. Il va tout droit devant lui, sans se
détourner, comme s'il était tout à fait inconnu. Les trois disciples
marchent près de lui. Il vient des groupes de tous les côtés. Il s'y
trouve des pêcheurs. Je vois Pierre, André, et d'autres encore dont
plusieurs ont déjà été baptisés par Jean. Ils avaient déjà vu Jésus : il
s'était entretenu avec eux près du lac avant son voyage à Sidon.
Maintenant ils avaient entendu parler de lui soit dans d'autres
endroits, soit après sa dernière instruction à Bethsaide.
Les habitants de Capharnaum
étaient fort satisfaits ; et désiraient vivement savoir ce que c'était
que cette nouvelle doctrine. L'école est bien tenue Jésus monte à la
place d'où l'on parle par des degrés qui se trouvent à l'un des côtés de
la salle : une foule si nombreuse se presse autour de lui qu'il monte
encore plus haut... (Ici elle fut interrompue.)
(15 août) Jésus a quitté
Capharnaum. Je l'ai vu, à deux lieues au midi, enseigner devant beaucoup
de monde. Il n'y avait avec lui que les trois disciples. Les futurs
apôtres qui l'avaient entendu à Capharnaum, étaient retournés au lac,
sans qu'il se fût entretenu en particulier avec aucun d'eux. Ici aussi,
il parla du baptême de Jean et de l'accomplissement de la promesse.
(16 août) Jésus, hier et
aujourd'hui, traversa la basse Galilée, où il enseigna ça et là, se
dirigeant au midi vers Samarie. Je ne sais plus où il célébra le sabbat.
(19 août) Jésus fut le jour
du sabbat dans une école entre Nazareth et Séphoris. Les saintes femmes
de Nazareth étaient présentes, ainsi que la femme de Pierre et celles de
quelques autres des futurs apôtres. Plusieurs de ceux ci qui avaient
reçu le baptême de Jean, étaient venus également pour le sabbat. il n'y
avait là que quelques maisons et une école : cet endroit n'était séparé
que par une borne d'héritage de l'ancienne maison de sainte Anne. Je ne
sais plus si elle était habitée maintenant. Ceux des futurs apôtres qui
étaient venus là pour l'entendre étaient Pierre, André, Jacques le
Mineur et Philippe, tous disciples de Jean. Philippe était de Bethsaïda,
il était assez intelligent et avait à s'occuper de certains travaux de
bureau. Parmi les femmes était l'épouse d'un frère de la femme de
Pierre. Jésus ne séjourna pas dans cet endroit : il n'y prit pas son
repas, il ne fit qu'enseigner. Les apôtres ont vraisemblablement célébré
le sabbat dans le voisinage : car les juifs vont souvent pour le sabbat
dans d'autres lieux que celui de leur résidence ils sont venus en cet
endroit parce qu'ils ont appris que Jésus y était. Jésus ne Leur parla
pas en particulier.
(Du 19 août au 2 septembre)
Je vis Jésus avec les trois disciples aller à Séphoris, qui est à quatre
lieues de Nazareth, en franchissant une montagne. Il logea chez sa
grande tante Maraha, soeur cadette de sainte Anne : elle avait une fille
et deux fils. Je les vis en longs vêtements blancs aller et venir dans
la maison : ils s'appellent Arastaria et Cocharia, et se sont, je crois,
plus tard, réunis aux disciples.
La sainte Vierge, Marie de
Cléophas et d'autres femmes sont aussi venues ici. On lava les pieds à
Jésus. Il y eut aussi un repas. Il coucha dans la maison de Maraha :
c'était là qu'avaient demeuré les parents de sainte Anne à Séphoris.
Séphoris est une grande : " Il s'y trouve des pharisiens, des sadducéens
et des esséniens : les trois sectes ont chacune leur école. Cette ville
a souvent eu beaucoup à souffrir dans les guerres. Aujourd'hui il n'en
reste presque plus rien.
(22 août) Avant hier et
hier Jésus enseigna ici. Ce soir aussi, je le vis enseigner dans la
synagogue et exhorter au baptême. Les femmes se tenaient en arrière,
mais dans une tribune élevée. Je vis Jésus enseigner ici dans deux
synagogues, l'une plus spacieuse et plus élevée, l'autre plus petite.
Dans la plus grande étaient les pharisiens : ils étaient mécontents et
murmuraient contre Jésus. Les femmes étaient présentes à cette
instruction. Dans l'autre synagogue qui était plus petite, il n'y avait
pas de place réservée aux femmes : il y fut traité amicalement. C'était
vraisemblablement l'école des Esséniens.
Un des trois disciples qui
allaient avec Jésus en ce temps là était fils d'une des trois veuves et
s'appelait Eustache. Il était essénien. Je le vois maintenant sortir
d'une grotte du Carmel et aller vers Jésus. C'est une figure pour me
montrer ce qu'il est.
(23 août) Je vis Jésus
enseigner dans l'école des sadducéens à Séphoris. je vis là une chose
merveilleuse. Il y avait à Séphoris beaucoup de démoniaques, d'idiots et
d'autres fous et possédés. On leur faisait des instructions dans une
école voisine de la synagogue, et quand les gens raisonnables se
réunissaient dans la synagogue pour l'instruction et la prière, on les y
faisait aussi entrer. Ils se tenaient derrière les autres dans une salle
à part d'où ils écoutaient l'instruction. Il y avait parmi eux des
surveillants armés de fouets et chacun en avait un nombre plus ou moins
grand à surveiller selon qu'ils étaient plus ou moins méchants. Avant
que Jésus entrât dans l'école, je les vis pendant l'instruction des
sadducéens faire des contorsions et entrer en convulsion : je vis aussi
que les surveillants les faisaient tenir tranquilles en leur donnant des
coups de fouets quand Jésus vint, ils restèrent d'abord très paisibles,
mais au bout d'un peu de temps, quelques uns commencèrent à dire :
"(C'est Jésus de Nazareth, né à Bethléem, visité par les sages de
l'Orient, etc. Sa mère est chez Maraha, etc. Il introduit une nouvelle
doctrine qu'on ne doit pas tolérer, etc. "C'est ainsi que ces hommes en
démence décriaient toute la vie de Jésus et parlaient de ce qui lui
était arrivé jusqu'alors. C'était tantôt l'un, tantôt l'autre et les
coups de fouet des surveillants n'y faisaient rien. Ils se mirent
bientôt a crier tous ensemble et la confusion fut générale. Jésus dit
alors qu'on les lui amenât devant la synagogue : en même temps il envoya
deux disciples dans la ville, pour faire venir tous les gens de cette
espèce qui s'y trouvaient encore, bientôt il y eut autour de lui une
cinquantaine de ces hommes et avec ceux ci une grande foule. Les
maniaques continuèrent toujours à pousser leurs cris. Alors Jésus dit :
"L'esprit qui parle ainsi par votre bouche est d'en bas et doit
retourner en bas " . A l'instant même tous s'apaisèrent et furent guéris
: j'en vis plusieurs tomber par terre.
Je vis aussi un soulèvement
dans la ville au sujet de cette guérison. Je vis Jésus et les siens en
grand danger. Le tumulte était si grand que le Seigneur se réfugia dans
une maison et quitta la ville dans la nuit, de même que ses trois
disciples et Cocharia et Arastaria, les fils de la soeur de sainte Anne.
Les saintes, femmes quittèrent aussi la ville. La mère de Jésus était
dans la douleur et dans l'angoisse parce qu'elle voyait pour la première
fois la persécution s'élever contre lui. Ils s'étaient donné rendez vous
sous des arbres devant la ville.
Les gens guéris par Jésus
allèrent pour la plupart au baptême de Jean, et ce fut parmi eux
principalement que Jésus plus tard trouva ici des adhérents.
(24 août) Dans la nuit du
jeudi, les trois disciples et les fils de la soeur de sainte Anne, qui
s'étaient enfuis séparément de Séphoris, se réunirent au Seigneur sous
des arbres, sur le chemin de Bethulie. La mère de Jésus et les saintes
femmes s'étaient aussi rendues là.
Bethulie est la ville
pendant le siège de laquelle Judith tua Holopherne. Elle est au sud est
de Séphoris, sur une montagne : on y a une vue étendue de tous les
côtés. Il n'y a pas loin de là à Magdalum et au château de Madeleine
dont la vie alors n'était consacrée qu'au plaisir. Il y a un château à
Bethulie : c'est un endroit abondant en sources. Je crois que le puits
de Joseph n'est pas très loin de là.
Je vis Jésus et ses
disciples entrer dans une hôtellerie devant Bethulie. Marie et les
saintes femmes l'y rejoignirent. J'entendis Marie dire à Jésus qu'elle
le priait de ne pas enseigner ici, qu'elle était pleine d'anxiété, qu'il
pouvait encore y avoir un soulèvement. Jésus répondit qu'il savait ce
qu'il avait à accomplir. Mais Marie lui dit : " N'irons nous pas
maintenant au baptême de Jean ? " Jésus lui répondit avec beaucoup de
gravité : "Pourquoi irions nous maintenant au baptême de Jean, En avons
nous besoin ? J'irai encore là où je dois recueillir, et je dirai quand
il faudra aller au baptême de Jean. À. Marie garda le silence comme à
Cana. Ce n'est qu'après la Pentecôte que j'ai vu les saintes femmes
recevoir le baptême à la piscine de Bethesda. Les saintes femmes
entrèrent à Bethulie. Jésus enseigna à Bethulie le jour du sabbat.
(25 août) Je vis Jésus bien
accueilli ici. Il alla à la synagogue pour enseigner : beaucoup de
personnes étaient venues des environs, pour l'entendre. Je vis aussi
beaucoup d'idiots et de possédés sur le chemin devant la ville, et sur
divers points de la route. Lorsque Jésus passa, ils redevinrent
paisibles et furent délivrés de leurs accès, et je vis de côté et
d'autre des gens qui disaient : "Cet homme doit avoir un pouvoir
semblable à celui des anciens prophètes, pour que ces malheureux
deviennent tranquilles lorsqu'il se montre. Car ces gens sentaient qu'il
les secourait, quoiqu'il ne leur fît rien, et ils vinrent à lui dans
l'hôtellerie pour le remercier. Il enseigna et exhorta à aller au
baptême de Jean. Il parla cette fois, avec beaucoup de force tout à fait
à la façon de Jean.
(26 août) Je vis que les
habitants de Bethulie avaient beaucoup de considération pour Jésus et
pour les siens. Ils ne voulaient pas le laisser s'arrêter devant la
ville ; plusieurs se disputaient à qui l'aurait dans sa maison, et ceux
qui ne pouvaient pas l'avoir, voulaient au moins avoir un des cinq
disciples qui étaient avec lui.
Ils restèrent près de Jésus
et il leur promit d'aller successivement chez les uns et les autres.
Toutefois leur grand empressement et leur sympathie pour Jésus n'étaient
pas entièrement désintéressés, et Jésus le leur fit remarquer dans les
instructions qu'il fit à la synagogue. Ils avaient une arrière pensée,
ils voulaient, en s'attachant au nouveau prophète, procurer à leur ville
une certaine considération qu'elle avait perdue, je ne sais plus
comment, peut être par le commerce, les rapports ou les alliances avec
les pa'ens. Ce n'était donc pas chez eux pur amour de la vérité.
(27 août) Jésus est parti
aujourd'hui de Bethulie. Je l'ai vu dans une vallée enseigner sous des
arbres, près d'une hôtellerie. Il n'est venu à sa suite que trois
disciples et environ vingt autres personnes. Les saintes femmes étaient
déjà allées en avant, pour se rendre à Nazareth, à ce que je crois. Je
l'ai vu quitter Bethulie parce qu'il y était trop importuné. Il était
venu des environs une foule de malades et de possédés, et il ne voulait
pas encore se manifester par des guérisons si publiques. il partit en
tournant le des à la mer de Galilée.
(29 août) Je n'ai vu Jésus
dans aucune ville ; pendant tout ce jour, il enseigna dans une vallée,
sous des arbres, à un endroit où anciennement des esséniens ou des
prophètes avaient enseigné. il y avait là un siège de gazon élevé,
entouré de petits bancs de terre où l'on pouvait s'asseoir pour écouter.
Environ trente personnes se tenaient autour de Jésus. Le soir, je vis le
Seigneur avec ses compagnons à une lieue de Nazareth, dans le petit
endroit avec une synagogue où il avait été dernièrement avant d'aller à
Séphoris. On l'accueillit très amicalement. Il fut reçu dans une grande
maison précédée d'une cour. On lui lava les pieds ainsi qu'aux disciples
: on leur prit leurs habits de voyage pour les nettoyer et les battre,
et on leur prépara un repas. Jésus enseigna dans la synagogue. Les
femmes étaient à Nazareth.
(30 août) Le jeudi 30, je
vis Jésus et ses disciples à environ quatre lieues du précédent endroit,
dans une ville de Lévites, appelée Kedès (I Paralip., VI, 72), ou Kision
(Josué, XXI, 28). Quand Jésus arriva dans ce pays, il était suivi
d'environ sept possédés qui proclamaient sa mission et son histoire
encore plus clairement que ceux de Séphoris. Il vint de la ville à sa
rencontre de vieux prêtres et des jeunes gens en longs vêtements blancs
; car quelques uns de ceux qui l'accompagnaient, étaient arrivés avant
lui à la ville.
Jésus ne guérit pas ici les
possédés, et les prêtres les enfermèrent dans une maison pour qu'ils ne
causassent pas de trouble. J'ai su que Jésus les guérit plus tard, après
son baptême. Le Seigneur fut très bien accueilli ici ; mais comme il
voulait enseigner, ils lui demandèrent quelle mission il avait pour
cela, lui, fils de Joseph et de Marie. J'entendis Jésus répondre d'une
manier e évasive, que Celui qui l'avait envoyé, et dont il tirait son
origine, se manifesterait lors de son baptême. Il dit encore plusieurs
choses à ce sujet et touchant le baptême de Jean sur une hauteur au
milieu de la ville ; il y avait là, comme sur la colline voisine de
Thébez, un lieu destiné à l'enseignement, qui n'était pas tout à fait en
plein air, mais sous une tente ou sous un hangar recouvert de joncs. Il
y avait à peu de distance plusieurs autres lieux habités. Elle reconnaît
les noms de Késiloth, Césarée, etc. : le Seigneur passa la nuit dans cet
endroit.
(31 août) Jésus traversa
aujourd'hui une contrée habitée par des bergers, où plus tard, après la
seconde pâque, si je ne me trompe, il guérit un lépreux. Il enseigna
dans diverses bourgades. Le soir, Jésus vint pour le sabbat à Jezraël,
un endroit consistant en divers groupes de maisons séparés par des
jardins, de vieux édifices et d'anciennes tours. Il y passe une grande
route, appelée route Royale. Plusieurs de ses compagnons l'avaient
précédé. Il en était venu trois avec lui.
Il se trouvait dans cet
endroit de stricts observateurs de la loi juive : ce n'étaient pas des
esséniens, on les nommait Naziréens. ils avaient fait des veux pour un
temps plus ou moins long et s'abstenaient de certaines choses. Ils
possédaient une grande école et un certain nombre de maisons. Les jeunes
gens vivaient en commun dans une maison, les jeunes filles dans une
autre : les gens mariés faisaient aussi pour un temps assez long voeu de
continence, et alors les hommes couchaient dans une maison voisine de
celle des jeunes gens, les femmes dans la maison des jeunes filles. Ces
gens portaient tous des vêtements gris et blancs. Leur supérieur portait
un long vêtement gris, bordé par en bas de fruits et de houppes
blanches, et une ceinture grise avec des lettres blanches : il avait
autour du bras une bande d'étoffe grise et blanche, fort épaisse et
comme tressée ; c'était comme une serviette tordue : il y avait un bout
assez court qui pendait et qui était terminé par des bouffettes. Cet
homme portait en outre un collet ou un petit manteau, à peu près comme
Argos l'essénien, mais qui était de couleur grise et ouvert par derrière
au lieu de l'être par devant. une plaque de métal poli était assujettie
sur le devant, et on le fermait par derrière avec des espèces de lacets
ou de cordons. Des morceaux d'étoffe tailladés recouvraient les épaules.
ils avaient un bonnet noir et brillant en forme de bourrelet, avec des
lettres tracées sur le devant : il était surmonté d'un bouton ou d'une
pomme. Ces gens avaient des chevelures et dés barbes longues, épaisses
et frisées. Je leur trouvais une grande ressemblance avec un des
apôtres, mais je ne savais plus lequel. Enfin. je me rappelai que saint
Paul portait les cheveux comme eux et était habillé de même, lorsqu'il
persécutait encore les chrétiens. Je le vis aussi plus tard avec des
naziréens : il l'était lui même. Ils laissaient croître leurs cheveux
jusqu'à ce que leur voeu fût accompli ; alors ils les coupaient et les
brûlaient en guise de sacrifice ; ils sacrifiaient aussi des colombes.
L'un pouvait se charger d'accomplir le voeu de l'autre. Jésus célébra le
sabbat avec eux. Jezraël est séparé de Nazareth par des montagnes. il y
a à peu de distance une fontaine, près de laquelle Saul campa autrefois
avec son armée.
(1er septembre) Jésus
enseigna le jour du sabbat sur le baptême de Jean. Il dit aussi que la
piété était une belle chose, mais que l'exagération était dangereuse que
les voies du salut sont diverses, et que la vie à part dans une
communauté donne aisément naissance à l'esprit de secte : qu'on regarde
du haut de son orgueil les pauvres frères qui ne peuvent pas suivre et
qui cependant devraient être aidés par les plus forts à marcher en
avant. Cet enseignement était nécessaire ici : car aux extrémités de la
ville il y avait des gens qui s'étaient mêlés avec les païens, et qui
n'étaient ni dirigés, ni stimulés, parce que les naziréens se tenaient à
part. Jésus alla visiter ces gens dans leurs demeures ; il les convoqua
à l'instruction et leur parla du baptême.
Le 9, je vis encore Jésus à
un repas, dans la maison des naziréens. Il fut question de la
circoncision, et de ce qu'elle était par rapport au baptême. Ce fut
alors que j'entendis Jésus parler pour la première fois du signe de
l'alliance entre Dieu et Abraham ; mais je ne puis rapporter exactement
ses paroles. Le sens de ses paroles était que ce signe avait en lui une
raison d'être qui cesserait lorsque le peuple de Dieu ne sortirait plus
selon la chair de la souche d'Abraham mais serait engendré
spirituellement dans le baptême du Saint Esprit.
Parmi les naziréens
beaucoup se firent chrétiens mais ils étaient si fortement attachés à la
loi juive, que plusieurs voulurent mêler ensemble le juda'sme et le
christianisme, et tombèrent dans l'hérésie.
Le 3, Jésus quitta Jezraël,
et, après avoir marché assez longtemps vers l'orient, il se dirigea vers
le nord, vers Nazareth, en tournant autour de la montagne qui sépare ces
deux villes ; il s'arrêta à deux lieues de Jezrael, au milieu d'une
série de maisons placées des deux côtés d'une grande route. Cet endroit
n'était habité que par des publicains ; il y avait aussi quelques juifs
pauvres demeurant sous des tentes, mais ceux ci étaient assez éloignés
de la route. Le chemin le long duquel étaient les demeures des
publicains était bordé d'un grillage et fermé à l'entrée et à la sortie.
Il demeurait là de riches
publicains qui tenaient à ferme plusieurs douanes dans le pays et les
affermaient ensuite à d'autres publicains en sous ordre. Matthieu était
un de ces derniers : il demeurait dans un autre endroit. C'est ici
qu'avait demeuré Marie, fille de la soeur d'Elisabeth. Je crois qu'étant
devenue veuve, elle était allée à Nazareth d'abord, puis à Capharnaum ;
c'était elle qui était présente à la mort de la sainte Vierge.
La route commerciale entre
la Syrie, l'Arabie, Sidon et l'Egypte passait par ici. On transportait
ici sur des chameaux et sur des ânes, de gros ballots de soie blanche en
liasse comme du lin, de belles étoffes blanches et bariolées, de longues
bandes épaisses et tressées dont on faisait des tapis, et aussi des
aromates. On fermait l'enceinte quand les chameaux y étaient entrés ; on
déchargeait les ballots et tout était visité. Il y avait un droit à
payer, partie en marchandises, partie en argent. C'étaient, la plupart
du temps, des pièces triangulaires ou carrées, jaunes, blanches ou
rougeâtres, sur lesquelles était l'empreinte d'une figure, creuse d'un
côté, en saillie de l'autre ; il y avait là aussi d'autres monnaies. Je
vis sur les monnaies de petites tours, une jeune fille et aussi un
enfant dans un petit navire. Quant à ces petits bâtons d'or natif que
les rois offrirent à la crèche, je n'en vis plus depuis lors qu'entre
les mains de quelques étrangers qui allaient visiter Jean Baptiste.
Les publicains formaient
comme une ligue, et lors même que même que quelques uns gagnaient plus
que les autres par leurs fraudes, tout était partagé entre eux ils
avaient dans l'aisance et vivaient bien Les maisons étaient entourées de
cours, de jardins et de murs : ils me faisaient l'effet de riches
cultivateurs de chez nous, dans leurs habitations. Ils vivaient entre
eux, et personne autre n'avait de rapports avec eux. Ils avaient là une
école et un maître.
Jésus fut bien reçu par eux
et ses compagnons aussi. Je vis arriver ici plusieurs femmes : je crois
que la femme de Pierre en était. L'une d'elles parla à Jésus. Elles
repartirent ensuite : peut être venaient elles de Nazareth ou y allaient
elles, et se chargeaient elles de quelque message pour la mère de Jésus.
Jésus alla alternativement chez l'un ou l'autre des publicains, et il
enseigna dans leur école. Il leur reprocha surtout d'extorquer souvent
des voyageurs plus que le droit de douane qui était dû. Ils furent très
honteux, et ils ne pouvaient pas comprendre d'où il savait cela. Ils
étaient plus humbles et accueillaient plus volontiers ses enseignements
que les autres juifs. Il les exhorta à recevoir le baptême.
(5 septembre) Le mercredi
5, Jésus quitta l'endroit habité par les publicains, après y avoir
enseigné toute la nuit. Plusieurs d'entre eux voulaient lui faire des
présents, mais il n'accepta rien. beaucoup de ces gens partirent avec
lui, ils voulaient le suivre au baptême. il traversa ce jour là la
contrée de Dothaim, et passa devant la maison de fous où une première
fois, venant de Nazareth, il avait calmé les énergumènes et les
possédés. Comme il passait. ils l'appelèrent par son nom en criant, et
firent de violents efforts pour sortir. Jésus commanda aux surveillants
de les laisser aller, disant qu'il répondait de toutes les conséquences.
On leur rendit la liberté : tous alors s'abaissèrent, furent délivrés et
le suivirent.
Il arriva le soir à Kisloth,
ville située sur le Thabor. La plupart des habitants étaient pharisiens
: ils avaient entendu parler de lui, et se scandalisèrent de voir à sa
suite des publicains qu'ils regardaient comme des malfaiteurs, des
possédés connus comme tels, et des gens de toute espèce. Il alla dans
l'école et enseigna sur le baptême de Jean ; il dit à ceux qui
l'accompagnaient qu'avant de le suivre, ils devaient bien examiner s'ils
se sentaient capables d'aller jusqu'au bout : car il ne fallait pas
croire que son chemin fût un chemin commode : il leur raconta plusieurs
paraboles relatives à la construction des maisons. "Quand un homme veut
bâtir une maison quelque part, disait il, il faut qu'il sache si le
propriétaire du sol voudra le permettre : ils devaient donc, avant tout,
expier leurs péchés et faire pénitence. De même, quand un homme veut
bâtir une tour, il doit d'abord calculer la dépense. Il donna beaucoup
d'autres enseignements qui ne plurent pas aux Pharisiens. Mais ils ne
l'écoutaient pas ; ils se contentaient d'espionner ; et je les vis
convenir entre eux qu'ils lui donneraient un repas pour mieux observer
ce qu'il dirait.
Ils lui préparèrent un
grand repas dans une salle publique. Il y avait trois tables, les unes à
côté des autres ; à droite et à gauche brûlaient des lampes ; au dessus
de la table du milieu, à laquelle était assis Jésus avec quelques
disciples et quelques pharisiens, se trouvait l'ouverture ordinaire dans
le toit ; aux deux tables latérales étaient assis les compagnons de
Jésus.
Il fallait que dans cette
ville il existât une vieille coutume en vertu de laquelle, quand on
donnait un repas à un étranger, on y invitait les pauvres, fort nombreux
du reste dans cet endroit et fort négligés ; car lorsque Jésus se fut
mis à table, il demanda aussitôt aux pharisiens où étaient les pauvres
et si ce n'était pas leur droit de prendre part au repas.
Les pharisiens furent embarrassés et dirent que depuis longtemps cela ne
se faisait plus. Alors Jésus envoya ses disciples Arastaria et Cocharia,
fils de Maraha, avec Klaia, fils de la veuve Séba, inviter les pauvres
de la ville à se rendre au repas. Cela irrita beaucoup les pharisiens et
fit beaucoup de sensation dans la ville. Plusieurs de ces pauvres
étaient déjà couchés et dormaient ; les disciples les firent lever, et
je vis dans des cabanes toute espèce de scènes joyeuses. Les pauvres
étant arrivés, Jésus et les disciples les reçurent et les servirent, et
Jésus fit une très belle instruction. Les pharisiens étaient pleins de
dépit, mais ils ne pouvaient rien empêcher, car Jésus avait le droit
pour lui et la masse du peuple était fort satisfaite ; il y avait une
grande excitation dans la ville. Quand les pauvres eurent mangé, ils
emportèrent tous quelque chose avec eux pour leurs familles. Jésus avait
béni les mets ; il avait fait la prière avec eux et les avait exhortés à
aller au baptême de Jean.
Mais il ne voulut pas
rester plus longtemps dans cette ville, et le 6, il partit dans la nuit
avec les siens. Or, plusieurs de ceux qui l'avaient accompagné,
s'étaient retirés, découragés par ses avertissements ; d'autres
partirent pour se rendre au baptême de Jean.
(7 septembre) Dans la nuit
du 6 au 7, Jésus passa par deux vallées. Je le vis parfois s'entretenir
avec ses compagnons, parfois rester en arrière et prier Dieu à genoux,
puis les rejoindre de nouveau. Le 7, dans l'après midi, je vis Jésus
arriver à un village de bergers, nommé Kimki. Il y avait là une école,
mais pas de prêtres. Ceux ci devaient venir d'un lieu éloigné. L'école
était fermée. Jésus réunit les bergers dans une salle d'hôtellerie et
enseigna. Le sabbat était proche. Le soir, il vint des prêtres de la
secte des pharisiens, parmi lesquels quelques uns étaient de Nazareth.
Jésus enseigna sur le baptême et sur l'approche du Messie. Les
pharisiens se déclaraient fort contre lui, ils parlèrent de sa basse
extraction et cherchèrent à le rabaisser. Il passa la nuit ici.
(8 septembre) Jésus fit
encore aujourd'hui une instruction où il raconta plusieurs paraboles. Il
demanda un grain de sénevé qu'on lui apporta. Il dit beaucoup de choses
à ce propos et leur dit que s'ils avaient de la foi comme un grain de
sénevé, ils pourraient transporter ce poirier dans la mer. Il y avait là
un grand poirier chargé de fruits. Les pharisiens se moquaient de ce
genre d'enseignement qu'ils trouvaient guérit. Il donna des
explications, mais je les ai oubliées. il parla aussi de l'économe
infidèle.
Les gens qui se trouvaient
sur tout le chemin que fit Jésus ces jours là, étaient dans l'admiration
de lui ; il leur rappelait, disaient ils, tout ce que leurs ancêtres
leur avaient transmis de l'enseignement et de la manière d'être des
derniers prophètes, mais il avait quelque chose de beaucoup plus doux.
(9 septembre.) Jésus était
encore dans le village des bergers où il célébra le sabbat. On pouvait
voir de là les montagnes de Nazareth, qui n'est guère qu'à deux lieues.
Cette bourgade consiste en maisons disséminées, ce n'est qu'autour de la
synagogue qu'on en trouve quelques unes agglomérées. Son nom ressemble à
un nom d'homme hébraïque, je l'ai oublié (20). Il prit
son logement chez de pauvres gens : la maîtresse de la maison était
hydropique.
Il eut pitié d'elle et la
guérit en lui mettant la main sur la tête et sur lés joues. Elle fut
entièrement délivrée de son mal et servit à table. Il lui défendit d'en
parler jusqu'à ce qu'il fût revenu du baptême. Elle lui demanda ce qui
pouvait l'empêcher de l'annoncer partout. Mais il répondit : Puisque
vous voulez en parler, vous allez devenir muette. "Et en effet elle
devint muette jusqu'à ce qu'il fût revenu de son baptême. Il y a bien
encore quinze jours d'ici là, car il me semble qu'à Bethulie ou à
Jezraël il a parlé de trois semaines.
Le 9, il enseigna encore
ici dans la synagogue. Les pharisiens lui étaient très opposés. Il parla
de la venue prochaine du Messie. Il leur dit : "Vous vous attendez à le
voir venir dans tout l'éclat d'une pompe mondaine ; mais il est déjà
venu, il apparaîtra dans la pauvreté : il apportera la vérité, il
recevra plus de blâme que de louange, car il veut la justice, etc.
Toutefois ne vous laissez pas séparer de lui, de peur que vous ne
périssiez comme ces enfants de Noé qui se moquaient de lui lorsqu'il se
fatiguait à construire l'arche qui devait les sauver du déluge. Tous
ceux qui ne se moquèrent pas de Noé, entrèrent dans l'arche et furent
sauvés. "Ensuite se tournant vers ses disciples, il leur dit : "Ne vous
séparez pas de moi, comme Loth se sépara d'Abraham, et cherchant les
meilleurs pâturages, vint à Sodome et à Gomorrhe. Ne regardez pas les
pompes du monde que le feu du ciel détruit, afin que vous ne soyez pas
changés en statues de sel. Restez avec moi dans toutes les tribulations,
je vous viendrai toujours en aide, etc. Les pharisiens étaient de plus
en plus mécontents, et ils disaient : "Que leur promet il donc, quand il
ne possède rien lui même ! N'es tu pas de Nazareth, le fils de Joseph et
de Marie ? " il dit alors, sans s'expliquer clairement, de qui il était
fils, et qui le proclamerait : et comme ils disaient : "Comment parles
tu du Messie ici et partout où tu vas enseigner, comme nous en avons été
informés ? Crois tu que nous devions penser que tu te donnes pour le
Messie ? Et Jésus leur dit : à cette question je n'ai qu'une réponse à
faire : Oui, vous le pensez. "il y eut alors un grand tumulte dans la
synagogue ; les pharisiens éteignirent les lampes ; Jésus et ses
disciples quittèrent cet endroit et partirent dans la nuit par la grande
route. Je les vis dormir sous un arbre. Le dimanche 9, dans la soirée,
je vis Jésus avec ceux qui l'accompagnaient quitter le village des
bergers passer la nuit sous un arbre sur la grand route.
(10 septembre.) Le lundi
10, je vis sur la route se joindre à Jésus des gens qui avaient campé
sur le chemin pour l'attendre. Ils n'étaient pas allés avec lui dans
l'endroit d'où il venait, mais une partie d'entre eux avait pris les
devants. Je le vis se détourner du chemin avec eux, et vers trois heures
après midi, je le vis se diriger vers une station de bergers, consistant
seulement en quelques cabanes, que les bergers habitaient au temps des
pâturages. Il n'y avait pas de femmes ici. Les bergers allèrent à sa
rencontre. Ils savaient sans doute sa prochaine arrivée par ceux qui
l'avaient précédé. Pendant qu'une partie d'entre eux allait au devant de
lui, les autres tuaient des oiseaux et faisaient du feu pour préparer un
repas. Cela se passait dans une salle d'hôtellerie. Il y avait devant le
foyer un mur qui l'isolait. à l'entour régnait un banc de gazon dont le
dossier était de branches vertes tressées ensemble. Ils conduisirent là
le Seigneur et ceux qui l'accompagnaient. Il y avait bien vingt
personnes et quand ils furent tous réunis, il devait se trouver là un
bon nombre de bergers. Ils lavèrent les pieds à tous et à Jésus dans un
bassin à part. Il avait demandé un peu plus d'eau qu'à l'ordinaire et il
donna ordre de ne pas la verser. Comme on allait se mettre à table,
Jésus demanda aux bergers qui semblaient un peu agités, ce qui les
inquiétait et s'il n'en manquait pas quelques uns parmi eux ? Alors ils
lui avouèrent qu'ils étaient inquiets parce qu'ils avaient parmi eux
deux personnes malades de la lèpre, qu'ils craignaient que ce ne fût la
lèpre impure et que Jésus, à cause de cela, ne pût pas venir chez eux :
ils les avaient cachés pour ce motif. Jésus leur ordonna de les amener
et envoya ses disciples les chercher. Ces gens vinrent enveloppés dans
des draps de la tête aux pieds, en sorte qu'ils avaient peine à marcher,
et que chacun d'eux était conduit par deux personnes. Jésus les exhorta
et leur dit que leur lèpre ne venait pas de l'intérieur, mais qu'elle
était venue extérieurement par contagion : il me fut expliqué, selon le
sens spirituel, qu'ils n'avaient pas péché par malice, mais entraînés
par d'autres. Il ordonna de les laver avec l'eau qui avait servi à lui
laver les pieds. Quand cela fut fait je vis tomber les croûtes de la
lèpre, laissant seulement après elles une marque sur la peau. L'eau fut
ensuite jetée dans une fosse et couverte de terre. L'un de ces lépreux
était des environs de Samarie, l'autre de... Jésus encore cette fois
défendit très sévèrement à ces braves gens de rien dire de leur
guérison, jusqu'à ce qu'il fût revenu du baptême.
Il fit ensuite une autre
instruction sur Jean, sur le baptême et sur la venue prochaine du
Messie. Alors, ils lui demandèrent en toute simplicité qui ils devaient
suivre de lui, ou de Jean, et quel était le plus grand des deux ? "il
leur expliqua que le plus grand était celui qui servait avec la plus
parfaite humilité et qui s'abaissait le plus profondément dans la
charité. Il les exhorta aussi à aller au baptême. il parla encore de la
difficulté qu'il y avait à le suivre et les congédia tous, ne gardant
avec lui que les cinq disciples. Il donna rendez vous aux autres à un
endroit situé dans le désert, non loin de Jéricho : je crois que c'est
dans la contrée d'Ophra, où Joachim avait un pâturage. une partie de ces
gens l'abandonna tout à fait : d'autres allèrent directement trouver
Jean : d'autres enfin retournèrent d'abord chez eux pour se préparer au
baptême.
Jésus et les cinq disciples
arrivèrent tard devant Nazareth, qui était à tout au plus une petite
lieue de là. Ils n'y entrèrent pas : ils s'approchèrent du côté de la
porte qui conduisait à l'orient, vers la mer de Galilée.
Nazareth avait cinq portes.
à un petit quart d'heure de la ville était la montagne terminée de
l'autre côté par un escarpement à pic d'où ils précipitaient souvent des
criminels, et d'où ils voulurent plus tard précipiter Jésus t. Au pied
de cette montagne étaient des cabanes isolées. Jésus ordonna aux cinq
disciples d'y chercher des logements pour eux et il entra lui même dans
une d'elles pour y passer la nuit. On leur donna de l'eau pour laver
leurs pieds, un morceau de pain et une place pour dormir. le les laissai
là, le 10 au soir. La propriété de sainte Anne était au levant de
Nazareth. Les bergers avaient fait cuire du pain sous la cendre. Ils
avaient un puits creusé dans la terre, mais qui n'était pas revêtu de
maçonnerie.
Note : On montre aujourd'hui la montagne du précipice à une demi lieue
au midi de Nazareth. Nazareth doit donc avoir changé de place, ou bien
l'indication donnée par la Soeur est peu précise.
(11 septembre) Le 10, au
soir, je vis, comme je l'ai dit, Jésus arriver devant Nazareth. La
vallée qu'il avait suivie pendant la nuit en venant de Kisloth Thabor,
s'appelait Edron, et le village des bergers avec la synagogue où les
pharisiens de Nazareth l'avaient tellement injurié, s'appelait Kimki.
Les gens chez lesquels Jésus et les cinq disciples étaient entrés devant
Nazareth étaient des esséniens, amis de la sainte Famille. Ils
demeuraient là sous des voûtes de vieux murs en ruines ; il y avait des
hommes et quelques femmes, vivant sépares et dans le célibat. Ils
avaient de petits jardins, portaient de longs vêtements blancs et les
femmes des manteaux. Ils avaient habité autrefois dans la vallée de
Zabulon, près du château d'Hérode, et ils étaient venus ici par amitié
pour la sainte famille.
Celui chez lequel Jésus entra se nommait Eliud c'était un vieillard
vénérable avec une longue barbe. Il était veuf ; sa fille prenait soin
de lui. C'était le fils d'un frère de Zacharie. Ces gens vivaient ici
très retirés ; ils fréquentaient la synagogue de Nazareth, étaient très
dévoués à la sainte Famille, et c'était à eux qu'avait été confiée la
garde de la maison de Marie lors de son départ.
Le matin, les cinq
disciples se rendirent à Nazareth visitèrent leurs parents et leurs amis
et entrèrent à l'école : mais Jésus resta prés d'Eliud. Il pria avec lui
et s'entretint avec lui très intimement. Cet homme simple et pieux avait
connaissance de plusieurs mystères. Dans la maison de Marie il y avait
avec elle quatre femmes : sa nièce, Marie de Cléophas, Jeanne Chusa,
cousine de la prophétesse Anne, Marie, mère de Jean Marc, parente de
Siméon, et la veuve Léa. Véronique n'était plus là, non plus que la
femme de Pierre, que j'ai vue récemment prés de l'endroit où habitent
les publicains.
Le matin, je vis la sainte
Vierge et Marie de Cléophas venir trouver Jésus. Jésus tendit la main à
sa mère. Sa manière d'être avec elle était affectueuse, mais toujours
très grave et très calme. Elle était inquiète et le pria de ne pas aller
à Nazareth où l'on était fort irrité. Les pharisiens de Nazareth qui
l'avaient entendu dans la synagogue de Kimki, avaient soulevé de nouveau
les esprits contre lui. Jésus lui dit qu'il voulait attendre ici les
personnes qui devaient aller avec lui au baptême de Jean, et qu'alors il
passerait par Nazareth. Il s'entretint encore beaucoup avec elle ce jour
là où elle vint le trouver deux ou trois fois il 1ui dit entre autres
choses qu'il irait quatre fois à Jérusalem pour la Pâque et que la
dernière fois elle aurait un grand sujet d'affliction. Il lui révéla
d'autres choses encore, mais je les ai oubliées.
Marie de Cléophas, qui
était une femme de belle prestance, lui parla, le matin, de ses cinq
fils, et le pria de les prendre avec lui. Elle lui exposa que l'un d'eux
était scribe, chargé de faire des arbitrages : il s'appelait Simon :
deux autres, Jacques le Mineur et Jude Thaddée, étaient pêcheurs : elle
les avait eux Alphée, son premier mari, qui lui avait amené un fils d'un
premier lit, nommé Matthieu, sur lequel elle pleurait amèrement parce
qu'il était publicain. De Sabas, Son second mari, elle avait un autre
fils, José Barsabas, qui était aussi pêcheur (Elle avait encore un petit
garçon, nommé Siméon, né d'un troisième mariage avec le pécheur Jonas).
Jésus la consola, lui dit qu'ils viendraient à lui, il la rassura aussi
au sujet de Matthieu (qui avait déjà eu des rapports avec lui lors de
son voyage à Sidon). et lui dit qu'il serait un des meilleurs.
Je vis dans l'après midi la
sainte Vierge avec quelques unes de ses parentes de Nazareth revenir à
sa demeure : près de Capharnaum. Les serviteurs étaient venus de là avec
des ânes pour la ramener. Ils prirent encore beaucoup d'objets qu'on
avait laissés à Nazareth, des couvertures, des ballots et aussi des
vases : tout était porté par les ânes dans des paniers d'écorce d'arbre
tressée. La maison de Marie à Nazareth avait, en son absence, quelque
chose de l'aspect d'une chapelle : le foyer faisait l'effet d'un autel.
On y avait placé un coffre et au dessus un vase avec de la verdure
fraîche. Maintenant, après son départ, la maison sera habitée par les
esséniens.
Je vis toute cette journée
Jésus s'entretenir très intimement avec Eliud, sur lequel j'ai appris
beaucoup de choses que malheureusement je ne puis me rappeler. Eliud
l'interrogea sur sa mission, et Jésus lui expliqua tout. Il lui dit
qu'il était le Messie et s'entretint avec lui de sa généalogie humaine
et du mystère de l'arche d'alliance. J'appris alors que cet objet
mystérieux avait été porté avant le déluge dans l'arche de Noé, comment
il s'était transmis de génération en génération, comment il avait été
retiré par intervalles, puis rendu de nouveau, Jésus dit à ce propos que
Marie en naissant était devenue l'arche d'alliance du mystère (21).
Alors Eliud, qui pendant ce temps là parcourait divers écrits et
marquait certains passages des prophètes, que Jésus lui expliquait, lui
demanda pourquoi il n'était pas venu plus tôt. Jésus lui répondit qu'il
n'avait pu naître que d'une femme conçue comme les hommes l'auraient été
sans la chute originelle, et que depuis les premiers parents il ne
s'était rencontré pour cela aucun couple d'époux qui fût aussi pur de
part et d'autre qu'Anne et Joachim. Il lui développa tout cela et lui
fit connaître tout ce qui avait jusque là empêche, entravé et retardé
l'oeuvre du salut.
J'appris dans ces
entretiens beaucoup de choses touchant l'histoire de l'arche d'alliance.
Lorsqu'elle tombait dans les mains des ennemis, cet objet mystérieux n'y
était plus, parce que les prêtres le retiraient toutes les fois qu'il y
avait du danger, et cependant l'arche qui l'avait contenu restait si
sainte que les ennemis étaient punis pour l'avoir propagée et obligés de
la restituer. Je vis aussi qu'une famille chargée plus particulièrement
par Moïse de la garde de l'arche d'alliance, avait subsisté jusqu'au
temps d'Hérode. Jérémie, à l'époque de la captivité de Babylone, fit
cacher près du mont Sinaï l'arche d'alliance et d'autres objets sacrés ;
et plus lard on ne la retrouva pas. Mais la chose sainte n'y était plus.
à une époque postérieure. on fit une imitation de l'arche d'alliance :
mais tout ce qui y avait été précédemment ne s'y trouvait pas : la verge
d'Aaron, ainsi qu'une partie de l'objet mystérieux, étaient chez les
esséniens du mont Horeb ; mais le sacrement de la bénédiction y revint
par l'intermédiaire de je ne sais plus quel prêtre. Je vis là en
tableaux plusieurs choses que Jésus expliqua à Eliud ; j'entendis une
partie de ce qu'il lui dit, mais je ne puis pas me rappeler tout.
Il dit comment il avait
pris chair du germe béni que Dieu avait retiré d'Adam avant sa chute
comment ce germe béni, afin que tout Israël méritât bien de lui, avait
dû se transmettre à travers plusieurs générations, comment il avait été
souvent retiré, et comment les vases s'étaient ternis. je vis tout cela
en réalité ; je vis tous les a'eux de Jésus comment les patriarches au
moment de leur mort transmettaient réellement cette bénédiction à leurs
premiers nés, dans une cérémonie sacramentelle, et comment le morceau de
pain et le breuvage contenu dans la sainte coupe qu'Abraham avait reçus
de l'ange qui lui promit Isaac, étaient une figure du très
Saint-Sacrement de la nouvelle alliance et donnaient la force pour
coopérer à la formation de la chair et du sang du Messie futur. je vis
comment la ligne des ancêtres de Jésus reçut ce sacrement pour concourir
à l'incarnation de Dieu, et que Jésus fit de la chair et du sang reçus
de ses ancêtres un sacrement plus sublime pour opérer l'union des hommes
avec Dieu.
Jésus parla aussi beaucoup avec Eliud de la sainteté d'Anne et de
Joachim et de la conception surnaturelle de Marie sous la porte dorée,
mais je ne m'en souviens plus bien. il dit aussi qu'il n'avait pas été
conçu de Joseph, mais de Marie selon la chair, et que la conception de
celle ci provenait de ce germe pur et béni, retiré à Adam avant la
chute, qui avait été transmis a Joseph, en Egypte, par le canal
d'Abraham, puis était arrivé dans l'arche d'alliance et de l'arche avait
passé dans Joachim et dans Anne.
Il dit que, devant racheter
les hommes, il avait été envoyé avec toute la faiblesse de la créature
humaine, qu'il sentait et éprouvait toutes choses à la façon d'un homme
ordinaire ; que, comme le serpent de Moïse dans le désert, il serait
élevé en l'air sur la montagne du Calvaire où le corps du premier homme
avait son tombeau. Ah ! Combien il aurait d'afflictions à endurer, et
combien les hommes seraient ingrats, etc. Eliud l'interrogeait toujours
avec beaucoup de simplicité et de droiture de coeur, mais il comprenait
tout mieux que ne firent les apôtres au commencement ; il entendait tout
dans un sens plus spirituel : cependant il ne pouvait pas encore se bien
rendre compte de ce qui allait se faire. Il demanda à Jésus où serait
son royaume, si ce serait à Jérusalem, à Jéricho ou à Engaddi. Jésus
répondit que là où il était, là était son royaume, qu'il n'avait point
de royaume apparent.
J'entendis aussi
aujourd'hui et le jour suivant mentionner plus d'un passage de
l'Écriture où la lettre ne rend pas le sens intérieur, où la prophétie
exprimée par des images sensibles est comprise trop matériellement.
Le vieillard parlait à
Jésus avec beaucoup de naturel et de simplicité : il lui raconta
plusieurs choses relatives à sa mère, comme s'il les eût ignorées, et
Jésus l'écouta avec une grande bienveillance. Il parla de saint Joachim
et de sainte Anne. Jésus dit qu'aucune femme n'avait été plus chaste que
sainte Anne, et que si elle s'était remariée deux fois après la mort de
Joachim, ç'avait été par ordre de Dieu. Cette souche devait produire un
nombre déterminé de rejetons qui avait ainsi été complété.
Eliud raconta quelque chose touchant la mort de sainte Anne, et je vis
un tableau de sa mort. Je vis Anne, à la façon de Marie, dans la pièce
située sur le derrière de sa grande maison, étendue sur une couche un
peu exhaussée ; je vis qu'elle était très animée, très parlante et
nullement comme une personne à l'article de la mort. Je la vis bénir ses
plus jeunes filles et les autres personnes de la maison ; celles ci
étaient dans la pièce antérieure ; je vis que Marie était à son chevet
et Jésus au pied de son lit. Elle bénit Marie et demanda la bénédiction
de Jésus qui était arrivé à l'âge d'homme et avait une barbe naissante.
Je la vis encore parler joyeusement ; elle leva les yeux au ciel, puis
elle devint blanche comme la neige et je vis sur son front des gouttes
comme des perles. Alors je m'écriai : " Elle meurt, elle meurt ! " Et je
désirais ardemment la prendre dans mes bras. Alors ce fut comme si elle
venait à moi et reposait dans mes bras ; et en m'éveillant je croyais
encore la tenir.
Eliud parla encore des
vertus pratiquées par Marie dans le temple. Je vis aussi tout cela en
tableaux. Je vis que sa maîtresse Noémi était parente de Lazare, et que
cette femme, âgée d'environ cinquante ans, était essénienne, ainsi que
toutes les autres femmes attachées au service du temple Je vis que Marie
apprit près d'elle à tricoter, qu'étant encore enfant elle allait déjà
avec elle, quand Noémi nettoyait les vases et les ustensiles tachés par
le sang des victimes, et recevait certaines portions de la chair des
animaux sacrifiés qu'elle découpait et préparait pour l'usage des
servantes du temple et des prêtres : car ceux ci tiraient de là en
partie leur nourriture. Plus tard je vis la sainte Vierge l'aider dans
tout cela. Je vis aussi que Zacharie, quand il était de service,
visitait la petite Marie : Siméon aussi la connaissait. Je vis ainsi
toute sa pieuse et humble manière de vivre et de servir dans le temple,
comme Eliud la décrivait au Seigneur.
Ils s'entretinrent encore
de la conception du Messie et Eliud parla de la visite de Marie à
Elisabeth. J'appris là de nouveau que le Sauveur a été conçu deux mois
après notre fête actuelle de Noël ainsi que je l'ai toujours vu, et je
vis aussi quelque chose que j'ai oublié sur ce qui a fait que la fête de
Noël a été mise plus tard elle raconta en outre que Marie avait trouvé
là une source, ce que j'ai vu. J'ai vu comment la sainte Vierge, avec
Elisabeth, Zacharie et Joseph étaient allés de la maison de Zacharie
dans un petit bien qui appartenait à celui ci et où l'on manquait d'eau
; je vis la sainte Vierge aller seule devant le jardin avec un petit
bâton ; elle pria, et quand elle toucha la terre avec le petit bâton, il
en jaillit un filet d'eau qui coula autour d'un petit tertre. Lorsque
Zacharie et Joseph arrivèrent, ils enlevèrent le monticule avec une
bêche ; l'eau sortit de tous les côtés à cette place et il y eut là une
très belle fontaine. Zacharie habitait au sud ouest de Jérusalem à
environ cinq lieues.
Dans cet entretien si
intime dont les intervalles étaient remplis par la prière, je vis Eliud
marquer du respect à Jésus, mais se livrer à un enjouement na'f et ne le
traiter que comme un homme élu. La fille d'Eliud ne demeurait pas dans
la même maison que son père : elle habitait à part une grotte creusée
dans le roc.
Les esséniens qui
habitaient contre la montagne étaient environ une vingtaine ; les
femmes, au nombre de cinq ou six, avaient une habitation séparée où
elles demeuraient ensemble. Tous ces gens honoraient Eliud comme un
supérieur, et ils se réunissaient tous les jours pour faire la prière
avec lui. Jésus prit avec Eliud un repas composé de fruits, de miel et
de poisson. mais il mangea peu. Ces esséniens s'occupaient pour la
plupart de tissage et de jardinage.
La montagne au pied de
laquelle ils habitaient était la plus haute cime de l'arête sur laquelle
Nazareth était bâti ; mais elle était séparée de la ville par une
vallée. Du côté opposé se trouvait un escarpement à pic couvert de
verdure et de vignobles. Au dessous de cet escarpement, d'où plus tard
les pharisiens voulurent précipiter Jésus, il y avait des décombres, des
immondices et des ossements. La maison de Marie était située en avant
dans la ville, contre une colline, en sorte que certaines parties de la
maison formaient comme des grottes dans la colline. Cependant le haut de
la maison dépassait cette éminence, au delà de laquelle se trouvaient
d'autres habitations.
Ce soir, Marie et les
femmes, en compagnie de Colaya, fils de Léa, revinrent dans leur maison
de la vallée de Capharnaum. Leurs amies des environs vinrent au devant
d'elles. La maison qu'habitait Marie, près de Capharnaum, appartenait à
un homme nommé Lévi, qui demeurait à peu de distance de là, dans une
grande maison. La famille de Pierre l'avait louée de Lévi et cédée à la
sainte Famille ; car Pierre et André connaissaient la sainte Famille,
soit par eux mêmes, soit par Jean Baptiste, dont ils étaient disciples.
Il y avait plusieurs bâtiments adjacents où des disciples et des parents
pouvaient loger. Cette maison semblait avoir été choisie à cause de
cela. Marie de Cléophas avait avec elle son fils Siméon petit garçon de
deux ans, né de son troisième mariage. Je crois que son père Jonas était
mort, mais je n'en suis pas bien sûre : il y a trop de gens allant et
venant : il est difficile d'en savoir au juste le compte.
Vers le soir, Je vis Jésus
aller à Nazareth avec Eliud En avant des murs de la ville, à l'endroit
où Joseph avait Son atelier de charpentier, demeuraient de pauvres et
honnêtes familles, connues de Joseph. et où quelques uns des enfants
avaient été du nombre des compagnons de Jésus pendant son adolescence.
Eliud conduisit Jésus près d'eux. Ils donnèrent à leurs hôtes un morceau
de pain et de l'eau qui était très fraîche. à Nazareth, l'eau était
remarquablement bonne. Je vis Jésus s'asseoir par terre chez ces gens et
les exhorter à aller au baptême de Jean. Ces gens sont un peu timides
avec Jésus, dans lequel ils ne voyaient autrefois qu'un de leurs
pareils, mais qui maintenant leur est amené d'une façon si solennelle
par Eliud, personnage très respecté parmi eux, près duquel tous vont
chercher des conseils et des consolations, et qui les exhorte au
baptême. Ils ont bien entendu parler du Messie, mais ils ne peuvent
penser que ce soit lui, etc.
Le 13 au matin je vis Jésus
sortir de Nazareth avec Eliud. Ils allèrent du côté du midi sur le
chemin de Jérusalem. On appelle cette contrée la vallée d'Esdrelon.
Etant allés à environ deux lieues au delà du petit torrent de Kison, ils
arrivèrent à un endroit consistant en une synagogue, une hôtellerie et
quelques maisons. C'est, je crois, un faubourg de la ville d'Endor qui
est tout près de là. à peu de distance de là se trouve une fontaine
renommée. Jésus entra dans une hôtellerie. Les gens du lieu étaient peu
sympathiques, sans être précisément hostiles. Eliud aussi, de son côté,
n'avait pas grand crédit chez eux : car leurs tendances étaient plutôt
pharisiennes. Jésus dit aux préposés qu'il voulait enseigner dans la
synagogue. ils dirent que ce n'était pas l'usage de le permettre à des
étrangers. Mais il leur déclara qu'il avait mission pour cela : il entra
dans l'école et enseigna sur le Messie, dont le royaume n'est pas de ce
monde et qui ne doit pas paraître avec une pompe extérieure ; il parla
aussi du baptême de Jean. Les prêtres attachés à la synagogue ne lui
étaient pas favorables. Il se lit donner des écrits, qu'il ouvrit, et il
en expliqua divers passages des prophètes.
Je fus encore
singulièrement touchée de la conversation intime qu'il eut avec le vieil
Eliud : celui ci connaissait sa mission, son origine surnaturelle, et il
y croyait ; toutefois il ne paraissait pas soupçonner que c'était Dieu
lui même. Comme ils marchaient ensemble, Eliud lui raconta avec beaucoup
de simplicité diverses choses touchant sa jeunesse, ce que la
prophétesse Anne lui avait dit, et ce que celle ci, après le retour de
la sainte Famille d'Egypte, avait appris de Marie, qu'elle avait visitée
quelquefois à Jérusalem Jésus lui raconta aussi des choses qu'il ne
savait pas, et ses récits étaient accompagnés d'explications très
profondes : mais tout cela se passait simplement et naturellement :
c'était la conversation d'un bon vieillard avec un jeune ami qu'il
affectionne. Pendant qu'Eliud racontait ce qu'Anne avait appris de Marie
et lui avait répété, je vis tout cela en visions, et je me réjouis de
voir que c'étaient toujours les mêmes choses que j'avais déjà vues et
dont j'avais oublié une partie. J'ai beaucoup vu et entendu à ce sujet,
mais malheureusement j'en ai oublié la plus grande partie, parce que
j'ai été dérangée.(22)
Jésus parla aussi avec
Eliud du voyage qu'il devait faire à l'occasion de son baptême. Il avait
réuni beaucoup de personnes qu'il avait envoyées dans le désert, près d'Ophra
; quant à lui, il voulait aller seul en passant par Bethanie, où il
voulait parler à Lazare Il le nomma d'un autre nom que j'ai oublié : il
parla de son père et de ce qu'il avait été lors de la guerre. Il dit que
Lazare et ses soeurs étaient riches et sacrifieraient tout au service de
l'oeuvre du salut.
Lazare avait trois soeurs :
Marthe, l'aînée ; Marie Madeleine, la plus jeune, et une entre les deux
qui s'appelait aussi Marie : celle ci vivait tout à fait à part ; elle
était silencieuse et comme idiote : on ne l'appelle que Marie la
Silencieuse. Jésus, parlant d'elles, dit à Eliud que Marthe était bonne
et pieuse, et qu'elle le suivrait ainsi que son frère. Il dit de
l'idiote : "Celle là avait un grand esprit et beaucoup d'intelligence ;
mais ces dons lui ont été retirés pour son salut. Elle n'est pas laite
pour le monde et sa vie est toute intérieure, mais elle ne pèche pas":
si je m'entretenais avec elle, elle comprendrait les mystères les plus
cachés. Elle ne survivra pas longtemps au moment où Lazare et ses soeurs
me suivront et donneront tout pour la communauté. La plus jeune soeur,
Marie, est égarée : mais elle reviendra et surpassera Marthe, etc."
Précédemment, lorsque la
narratrice vit le Seigneur dans le voisinage de Magdalum, elle eut la
vision suivante touchant Madeleine :
" voyez un peu ! je l'aperçois au haut de son château : derrière elle
brille un corps lumineux semblable à une lune, mais devant elle s'élève
comme une montagne noire qu'elle doit mettre sous ses pieds, car une
assistance lui est donnée. Elle est stérile, autrement ce qu'il y a de
ténébreux en elle se serait répandu au dehors et l'aurait fortement
attachée au monde. Lorsqu'elle a reconnu Jésus et fait pénitence, elle a
mis au monde beaucoup d'enfants selon l'esprit. Je vois aussi là la Mère
de Dieu : elle met le pied sur la montagne noire qui s'enfonce : alors
Madeleine est toute entière dans la clarté de la lune, elle est toute
lumineuse, mais la Mère de Dieu se tient au dessus de la lune. La lune a
une signification importante et joue un rôle considérable : elle est en
rapport avec beaucoup de mauvaises choses qui sont en nous. Mais il y a
tant à dire là dessus, que je ne puis en parler maintenant. Quand la
Mère de Dieu vint, elle foula aux pieds le mal avec ses ténèbres ; elle
a reçu l'empire sur lui : je ne puis pas bien expliquer la chose
maintenant, mais c'est pour cela qu'elle est représentée au dessus de la
lune, ayant le serpent sous ses pieds. C'est une réalité qui nous est
ainsi montrée sous forme d'image. "
Eliud parla encore de Jean
Baptiste, le cousin de Jésus : il ne l'avait jamais vu et n'était pas
encore baptisé. Ils passèrent la nuit dans l'hôtellerie voisine de la
synagogue.
(14 septembre.) Ce matin
Jésus alla avec Eliud le long de la montagne d'Hermon qui n'est pas cet
Hermon où Joachim avait des pâturages. Ils allèrent a Endor, ville en
partie ruine. Déjà près du lieu où ils avaient logé, il y avait sur le
penchant de la montagne, des restes de murs tellement larges qu'on
aurait pu y aller en voiture. La ville d'Endor était peu habitée, pleine
de décombres ; il y avait beaucoup de jardins. D'un côté s'élevaient de
grands édifices semblables à des palais : en d'autres endroits la ville
était en ruines, ayant été dévastée par la guerre. Il me semble qu'il
habitait là une race d'hommes distincte des Juifs. Jésus n'alla pas dans
la synagogue, il n'y en avait pas ici. Il se rendit avec Eliud sur une
grande place où il y avait trois édifices contenant une quantité de
petites chambres bâties près d'un étang entouré d'une pelouse et sur
lequel flottaient de petites barques de baigneurs : il y avait aussi une
pompe près de cet étang. Cela ressemblait à un établissement d'eaux
minérales : les petites chambres étaient habitées par des malades. Jésus
alla avec Eliud dans une de ces grandes maisons : on lui lava les pieds
et on l'hébergea. Il fit ensuite une instruction à ces gens sur la place
où on lui avait préparé un siège élevé. Les femmes qui habitaient dans
une des ailes vinrent se ranger derrière les auditeurs. Ces gens
n'étaient pas de vrais juifs : c'étaient plutôt comme des esclaves
expulsés : ils avaient à payer un tribut sur les fruits qu'ils
recueillaient. Ils étaient restés dans la ville à la suite d'une guerre
: je crois que Sisara leur chef fut battu assez près de cette ville et
ensuite tué par une femme. (Judic.IV, 2.) Ces gens étaient répandu dans
tout le pays en qualité d'esclaves : il y en avait encore là environ
quatre cents. On leur avait fait autrefois exploiter des carrières pour
la construction du temple sous David et Salomon. Ils étaient toujours
employés à des travaux de ce genre. Le défunt roi Hérode s'était servi
d'eux pour construire un aqueduc long de plusieurs lieues qui amenait
l'eau à la montagne de Sion. Ces gens s'assistaient constamment les uns
les autres et ils étaient charitables. Ils portaient de longues robes
avec des ceintures et des capuchons pointus qui couvraient les oreilles,
comme les anciens ermites. Ils n'avaient aucun commerce avec les juifs :
mais il leur était permis d'envoyer leurs enfants à l'école : toutefois
ils étaient si opprimés et si méprisés qu'ils n'usaient pas de ce droit.
Jésus fut très compatissant avec eux : il fit aussi venir les malades.
Ceux ci étaient assis sur des espèces de lit semblables à mon fauteuil
et` qui m'y faisaient penser y avait un dossier mobile avec des appuis :
quand ce dossier s'abaissait, le fauteuil était comme un lit. Lorsque
Jésus enseigna sur le baptême et sur le Messie, et leur fit des
exhortations à ce sujet, ils se montrèrent très timides, disant qu'ils
ne pouvaient prétendre à de telles choses, qu'ils étaient des cens
expulsés. Alors Jésus rectifia leurs idées au moyen d'une parabole
touchant l'économe infidèle. J'en ai oublié l'explication que j'avais
bien comprise et qui m'a occupé tout le jour. Je la retrouverai une
autre fois. Il raconta aussi la parabole du fils que son père envoie
prendre possession de sa vigne : il la racontait toujours aux pa'ens
dont personne ne s'occupait. Ces gens préparèrent un repas en plein air
pour Jésus. Il y invita les pauvres et les malades et les servit à table
avec Eliud. Ils en furent extrêmement touchés. Le soir Jésus retourna
avec Eliud à la synagogue du faubourg, ils y célébrèrent le sabbat et y
passèrent la nuit.
(15 septembre) Aujourd'hui
Jésus alla encore avec Eliud à Endor, qui par conséquent n'était éloigné
de l'hôtellerie que de la distance qu'on pouvait parcourir un jour de
sabbat. Il y enseigna. Ces gens étaient Chananéens, et originaires de
Sichem. à ce que je crois : car j'entendis aujourd'hui prononcer le nom
de Sichémites. Ils avaient dans une salle une idole cachée dans un
souterrain, laquelle au moyen d'une mécanique que l'on faisait jouer,
sortait tout à coup de terre et venait se placer sur un autel élégamment
paré : on la faisait rentrer par le même procédé. C'était une idole de
femme qu'ils tenaient de l'Egypte et qui s'appelait Astarté : hier
j'avais pris ce nom pour celui d'Esther. Elle avait un visage rond comme
une lune. Elle avançait les bras sur lesquels elle tenait couche devant
elle un objet assez long, emmailloté comme une chrysalide de papillon,
plus épais au milieu, et effilé aux deux extrémités : ce pouvait bien
être un poisson. Sur le des de l'idole était placé comme un socle sur
lequel était un boisseau ou une hotte qui dépassait le haut de la tête.
Il y avait dedans comme des épis dans des cosses vertes avec d'autres
feuilles vertes et des fruits. Depuis les pieds jusqu'au bas ventre ;
l'idole était comme dans un muid et elle était entourée de pots où
étaient diverses plantes. Ils pratiquaient en secret leur culte
idolâtrique, et Jésus leur fit des reproches à ce sujet dans son
instruction. Autrefois ils sacrifiaient à leur déesse des enfants mal
conformés. à cette déesse correspondait un dieu Adonis, qui, si je ne me
trompe, était comme son mari. Ces gens étaient venus dans le pays sous
la conduite de leur chef Sisara : ils y avaient été battus, et depuis ce
temps, ils étaient répandus dans la contrée où ils servaient comme
esclaves. Ils étaient très opprimés et très méprisés. Peu de temps avant
Jésus Christ ils avaient excité des troubles prés du château d'Hérode
dans cette partie de la Galilée, et depuis lors ils avaient été soumis à
une oppression plus dure. Dans l'après midi Jésus revint avec Eliud dans
la synagogue pour la clôture du sabbat. Les juifs avaient très mal pris
sa visite à Endor, mais il leur reprocha très sévèrement leur dureté
envers ces hommes abandonnés, leur recommanda d'être charitables à leur
égard et les exhorta a les mener avec eux au baptême, auquel eux mêmes,
d'après ses avis, s'étaient décidés à aller. Ils étaient devenus plus
favorables à Jésus après l'avoir entendue le soir, Jésus revint à
Nazareth avec Eliud et je les vis s'entretenir sur la route comme
l'ordinaire : souvent ils s'arrêtaient et parlaient. Eliud raconta
beaucoup de choses de la fuite en Egypte et je vis tout cela en visions
il fut amené à en parler parce qu'il avait demandé à Jésus si son
royaume ne s'étendrait pas jusqu'à ces bonnes gens d'Egypte qui
l'avaient vu enfant et que sa présence avait touchés.
Ici je vis de nouveau que
ce que j'avais vu d'un voyage fait par Jésus en Egypte, à travers l'Asie
pa'enne, après la résurrection de Lazare, n'était pas un rêve de ma
façon : car Jésus dit à Eliud, que partout où la semence avait été
jetée, il irait avant sa fin recueillir les épis séparés. Eliud avait
aussi quelques notions sur le pain et le vin et sur Melchisédech, il ne
pouvait pas se faire une idée de ce qu'était Jésus et il lui demanda
s'il n'était pas quelque chose comme Melchisédech. Jésus répondit : "
Non ; il devait préparer mon sacrifice, mais c'est moi même qui serai le
sacrifice. "
J'appris aussi dans cet
entretien que Noémi, la maîtresse de Marie au temple, était tante de
Lazare, et soeur de sa mère. Le père de Lazare était le fils d'un roi
syrien : il avait servi dans les guerres et acquis de grands biens. Sa
femme était une juive de distinction, de la race sacerdotale d'Aaron
(alliée à sainte Anne par Manassé). Ils avaient trois châteaux à
Bethanie, près d'Herodium et à Magdalum sur la mer de Galilée, non loin
de Tibériade et de Gabara : Hérode avait aussi un château dans le
voisinage de Magdalum. Ils parlèrent aussi du scandale que Madeleine
donnait à sa famille, etc.
Jésus entra chez Eliud où
se trouvaient les cinq disciples, tous les autres esséniens et diverses
personnes qui voulaient aller au baptême.
(16 septembre) Le matin,
quand Jésus arriva avec Eliud, il y avait beaucoup de monde rassemblé
près de la maison de celui ci ; c'étaient les autres esséniens, les cinq
disciples et plusieurs personnes qui voulaient aller au baptême. Jésus
les instruisit. Il était aussi arrivé à Nazareth des publicains qui
voulaient aller au baptême : plusieurs troupes étaient déjà parties.
Plus tard dans la matinée, Jésus enseigna de nouveau : il vint ensuite à
lui deux pharisiens de Nazareth qui l'invitèrent à les suivre jusqu'à
l'école de la ville : ils avaient, disaient ils, tant entendu parler de
son enseignement dans le pays, qu'ils désiraient, eux aussi, entendre
ses explications sur les prophètes. Jésus alla avec eux. Ils le
conduisirent dans la maison d'un pharisien où plusieurs autres étaient
réunis. Ses cinq disciples étaient avec lui. Les pharisiens qui
formaient son auditoire furent très bienveillants pour lui : il leur
raconta de si belles paraboles, qu'ils parurent prendre grand plaisir à
son enseignement et qu'ils le conduisirent à la synagogue. Beaucoup de
gens s'y étaient rassemblés il parla de Moise et leur expliqua des
prophéties relatives au Messie. Mais comme d'après son langage, ils
soupçonnèrent qu'il pouvait bien parler de lui même, ils furent fort
scandalisés. Ils lui donnèrent pourtant un repas chez un pharisien. Il
passa la nuit avec cinq disciples dans une hôtellerie voisine de
l'école.
(7 septembre ) Jésus
enseigna aujourd'hui une troupe de publicains qui allaient au baptême.
il enseigna aussi dans la synagogue et parla du grain de blé qui doit
tomber en terre.
Les pharisiens se scandalisèrent à nouveau à son sujet et recommencèrent
leurs propos sur le fils du charpentier Joseph.. Ils lui reprochèrent
aussi ses rapports et son commerce avec les publicains et les pécheurs,
et il leur répondit très vertement. Ils lui parlèrent en outre des
esséniens, disant que c'étaient des hypocrites qui ne vivaient pas selon
la loi. Mais Jésus leur fit voir qu'ils observaient la loi mieux que les
pharisiens et le reproche d'hypocrisie retomba sur eux. Ils étaient
arrivés à s'occuper des esséniens à propos des bénédictions : car ils
s'étaient scandalisés de voir Jésus bénir plusieurs enfants et ils en
parlèrent parce que les bénédictions étaient fort en usage parmi les
esséniens. Or, quand Jésus entrait dans la synagogue ou en sortait,
beaucoup de femmes se présentaient devant lui avec leurs enfants et le
priaient de vouloir bien les bénir. Lorsque Jésus demeurait encore à
Nazareth, il s'occupait toujours beaucoup des enfants, qui devenaient
paisibles et silencieux près de lui quand il les bénissait, même ceux
qui, un instant auparavant, pleuraient et se montraient ingouvernables.
Les mères se souvenant de cela lui amenaient leurs enfants et voulaient
voir s'il n'était pas devenu plus fier. il y avait là quelques enfants
qui se rejetaient et se renversaient sur eux mêmes : ils avaient comme
des convulsions et poussaient de grands cris. Mais aussitôt après sa
bénédiction ils se tinrent tranquilles. Je vis sortir de quelques uns
comme une noire vapeur. Il mettait la main sur la tête des enfants et
les bénissait à la manière des patriarches en marquant trois lignes,
parlant de la tête et des deux épaules jusqu'à la poitrine où elles se
réunissaient. Il faisait de même pour les petites filles, mais sans leur
imposer les mains. Il faisait à celles ci un signe sur la bouche, je me
disais que c'était Pour qu'elles fussent moins bavardes : mais cela
avait encore un autre sens caché. Il passa la nuit avec ses disciples
dans la maison d'un pharisien.
(18 septembre) Hier 17, je
vis Jésus passer la nuit à Nazareth, dans la maison d'un pharisien. à
ses cinq compagnons, il s'en était joint quatre autres qui étaient aussi
parents et amis de la sainte Famille : je crois qu'il s'y trouvait des
fils des trois veuves, et un homme de Bethléem qui avait découvert qu'il
descendait de Ruth, devenue l'épouse de Booz à Bethléem. Il les admit au
nombre de ses disciples. il y avait à Nazareth deux familles riches, où
il y avait trois fils qui, dans leur jeunesse, avaient eu des relations
avec Jésus : ces fils étaient intelligents et instruits. Les parents qui
avaient assisté à l'instruction de Jésus et qui avaient beaucoup ou'
vanter sa sagesse, convinrent entre eux que leurs enfants iraient encore
aujourd'hui l'entendre et qu'ensuite ils lui offriraient de l'argent
pour qu'il leur permît de voyager avec lui et de participer à sa
science. Ces braves gens avaient leurs fils en grande estime et
pensaient que Jésus devait être leur précepteur. Les jeunes gens vinrent
aujourd'hui dans la synagogue : tout ce qu'il y avait de gens instruits
à Nazareth fit de même, sur l'invitation des pharisiens et de ces riches
personnages. Ils voulaient mettre Jésus à l'épreuve de toute manière. Il
y avait là un docteur de la loi et un médecin, grand et gros homme avec
une longue barbe, une ceinture et un insigne qu'il portait à l'épaule
sur son vêtement. Je vis Jésus à son entrée dans l'école bénir de
nouveau plusieurs enfants que leurs mères lui apportaient : et parmi
lesquels j'en vis de lépreux qu'il guérit. Je vis comment enseignant
dans l'école il fut interrompu plusieurs fois par les savants qui lui
proposaient toute sorte de questions compliquées, et comment il les
réduisit tous au silence par la sagesse de ses paroles. Aux discours du
docteur de la loi il fit des réponses admirables tirées de la loi de
Moïse, et quand on parla du divorce, il le condamna entièrement. Il dit
que le mariage ne pouvait être dissous ; que, si le mari ne pouvait pas
absolument vivre avec sa femme, il pouvait se séparer d'elle, mais
qu'ils restaient toujours une seule chair et ne pouvaient pas se
remarier. Cela ne fut nullement agréable aux juifs. Le médecin lui
demanda s'il savait distinguer les tempéraments secs ou humides, sous
quelle planète un homme était né, quelles herbes il fallait donner aux
uns ou aux autres et comment était fait le corps humain. Jésus lui
répondit avec une grande sagesse, il parla de la complexion de quelques
uns des assistants, de leurs maladies et des moyens curatifs à employer,
et il dit sur le corps humain des choses tout à fait inconnues au
médecin. Il parla de la substance spirituelle et de la manière dont elle
agit sur le corps, il dit qu'il y avait des maladies qui ne pouvaient
être guéries que par la prière et la conversion, d'autres qui avaient
besoin des secours de la médecine, et tout cela avec tant de profondeur
et dans un si beau langage que le médecin tout émerveillé reconnut que
son art était surpassé et qu'il n'avait jamais rencontré une pareille
science. Je crois qu'il suivra Jésus. Il décrivit le corps humain avec
ses membres, ses veines, ses nerfs et ses intestins, leur destination et
leurs rapports entre eux avec tant d'exactitude quoique dans un résume
rapide, et avec des vues si profondes que le médecin se sentit tout
humble devant lui. Il y avait aussi là un astronome et il parla du cours
des astres, de l'action que les étoiles ont les unes sur les autres, de
leurs influences diverses, des comètes et des signes du ciel. Il dit
aussi à un des assistants des choses d'un sens très profond sur
l'architecture. il parla en outre du commerce et du trafic avec les
peuples étrangers, et s'exprima en termes sévères sur des modes et des
frivolités de toute espèce qui étaient venues d'Athènes. Diverses sortes
de jeux et de tours d'escamotage étaient venus de là dans le pays : la
mode s'en était répandue jusqu'à Nazareth et dans plusieurs autres
lieux. il dit que c'étaient là des choses impardonnables, parce qu'on ne
les regardait pas comme mauvaises et qu'on n'en faisait pas pénitence.
Tous étaient ravis de la
sagesse qui éclatait dans ses discours : ses auditeurs l'engagèrent
instamment à s'établir parmi eux, promettant de lui donner une maison et
de pourvoir à tous ses besoins. Ils lui demandèrent aussi pourquoi il
était allé avec sa mère à Capharnaum. Mais il répondit qu'il ne
resterait pas ici. Il parla de sa destination et de sa mission ; dit
qu'ils étaient allés à Capharnaum parce qu'il voulait habiter un point
central du pays, etc. ils ne comprirent pas tout cela et furent fort
mécontents de ce qu'il refusait d'habiter parmi eux. Ils croyaient lui
avoir fait des offres très avantageuses et considéraient comme dicté par
l'orgueil ce qu'il disait de sa mission et de sa destination. Ils
quittèrent l'école vers le soir.
Les trois jeunes gens qui
étaient âgés d'environ vingt ans, désiraient lui parler ; mais il ne
voulut pas les entendre jusqu'à ce que ses neuf disciples fussent autour
de lui : cela les chagrina. Mais il dit qu'il en agissait ainsi pour
qu'il y eût des témoins de ce qu'il leur dirait. Alors ils lui
exprimèrent en termes réservés et très modestes leur désir et celui de
leurs parents qu'il voulût bien les prendre pour élèves, ajoutant que
leurs parents lui donneraient de l'argent et qu'eux l'accompagneraient,
le serviraient et l'assisteraient dans ses travaux... Je vis qu'il en
coûtait à Jésus de leur refuser ce qu'ils demandaient, tant à cause
d'eux mêmes, qu'à cause de ses disciples, car il avait à leur donner des
raisons qu'ils n'étaient pas encore en état de comprendre. Il leur dit
que celui qui se procurait quelque chose à prix d'argent, voulait
retirer de son argent un avantage temporel : mais que celui qui voulait
marcher dans sa voie à lui, devait renoncer à tous les biens de ce monde
; que quiconque voulait le suivre devait aussi abandonner ses parents et
ses amis : enfin, que ses disciples ne cherchaient point femme et ne se
mariaient pas. Il leur présenta ainsi des conditions très difficiles :
ils en furent très découragés et lui parlèrent des esséniens parmi
lesquels il y avait des gens mariés. Jésus répondit qu'ils se
conformaient à leurs règles et faisaient bien, mais qu'ils n'avaient
fait que préparer ce que son enseignement devait mener à terme, etc. Il
les congédia et les engagea à réfléchir mûrement. Ses disciples étaient
effrayés de ses paroles et de ce qu'il avait présenté sa doctrine comme
si difficile à suivre : ils ne pouvaient pas le comprendre et se
sentaient découragés. Il alla avec eux de Nazareth à la maison d'Eliud,
et leur dit sur le chemin qu'ils ne devaient pas perdre courage ; qu'il
avait eu des raisons graves pour parler ainsi à ces jeunes gens, qu'ils
ne viendraient jamais à lui ou qu'ils y viendraient tardivement, que
pour eux ils devaient le suivre tranquillement et ne point s'inquiéter,
etc. Ils arrivèrent ainsi à la maison d'Eliud... Je ne crois pas qu'il
revienne de nouveau voir Eliud, car on parle beaucoup et on s'agite
beaucoup à Nazareth. Ils sont irrités de ce qu'il n'a pas voulu y rester
: ils s'imaginent qu'il a appris tout cela dans ses voyages. "C'est
assurément, disent ils, un homme extraordinaire et d'un grand esprit,
mais il est trop fier pour le fils d'un charpentier. " Je vis aussi les
trois jeunes gens revenir chez eux. Les parents prirent très mal les
difficultés que Jésus avait faites, les enfants abondèrent dans le même
sens et tout se tourna en mécontentement contre lui.
(19 septembre) Jésus
enseigna de nouveau dans la maison d'Eliud. Ses auditeurs étaient pour
la plupart des esséniens : il y avait aussi quelques étrangers qui se
disposaient à recevoir le baptême.
Les trois jeunes gens de
Nazareth vinrent le trouver ici et le prièrent encore de les prendre
avec lui. Ils lui promirent de lui obéir en tout et de le servir. Jésus
refusa de nouveau et je vis qu'il était contristé de ce qu'ils ne
pouvaient pas comprendre les motifs de son refus. Il s'entretint ensuite
avec les neuf disciples qui d'après ses instructions, se disposaient à
faire encore quelques courses et à aller après cela trouver Jean. Il
leur parla de ceux qu'il venait de rejeter, leur dit qu'ils avaient en
vue certains avantages : mais qu'ils n'étaient pas disposés à tout
donner par charité : que pour eux, ses disciples, ils ne demandaient
rien et qu'à cause de cela ils recevraient, etc. Il dit encore des
choses très belles et très profondes sur le baptême. il leur dit de
passer par Capharnaum et de dire à sa mère qu'il allait au baptême, de
s'entendre relativement à Jean, avec les disciples de celui ci, Pierre,
André, etc., et enfin d'annoncer à Jean qu'il allait venir.
Je vis Jésus, dans la nuit
du 19 au 20, marcher avec Eliud dans la direction du sud ouest. Ce
n'était pas le chemin direct. Jésus voulait aller à Chim (23),
un endroit habité par des lépreux. Ils y arrivèrent au point du jour et
je vis qu'Eliud voulait empêcher Jésus d'aller dans ce lieu, de peur
qu'il ne contractât une impureté : il disait qu'il ne serait pas admis
au baptême, si on venait à le savoir, etc. Jésus lui répondit qu'il
connaissait sa mission, qu'il irait dans cet endroit parce qu'il s'y
trouvait un homme de bien qui désirait ardemment le voir. Il leur fallut
ici traverser le torrent de Cison. L'endroit était situé au bord d'un
petit ruisseau qui conduisait l'eau du Cison dans un petit étang où les
lépreux se lavaient. L'eau ne retournait pas au Cison. Ce lieu était
tout à fait écarté, personne n'y allait : les lépreux habitaient dans
des cabanes dispersées : eux exceptés, il ne demeurait là que les gens
chargés de les surveiller. Eliud se tint à quelque distance et attendit
le Seigneur. Jésus alla dans une cabane écartée où un de ces malheureux
était étendu par terre, tout enveloppé dans des draps. Jésus s'entretint
avec lui. C'était un homme de bien, j'ai oublié comment la lèpre lui
était venue. Il se redressa et fut extraordinairement touché de ce que
le Seigneur était venu à lui. Jésus lui ordonna de se mettre dans une
auge pleine d'eau qui était près de la cabane. Il obéit et Jésus tint
ses mains étendues au dessus de l'eau, alors cet homme recouvra l'usage
de ses mouvements et fut délivré de sa lèpre : il mit d'autres vêtements
et Jésus lui défendit de parler de sa guérison jusqu'à ce qu'il fût
revenu du baptême.
Cet homme accompagna Jésus
et Eliud pendant quelque temps, après quoi Jésus lui ordonna de s'en
retourner. Je vis pendant la journée Jésus et Eliud aller vers le midi
en suivant la vallée d'Esdrelon. Ils s'entretinrent ensemble à plusieurs
reprises, souvent aussi ils marchaient séparés, et semblaient prier et
méditer. La température n'est pas très agréable en ce moment : le ciel
est couvert et il y a du brouillard dans la vallée. Jésus n'avait pas de
bâton, il n'en portait jamais : les autres portaient un bâton, souvent
avec une petite pelle au bout comme ceux des bergers : Jésus n'avait aux
pieds que des sandales, d'autres avaient des espèces de souliers plus
complets dont le dessus était de coton tressé très épais. Je les vis
vers midi, se reposer près d'une source et manger du pain.
Dans la nuit du 20 au 21
septembre, je les vis de nouveau en route, tantôt ensemble, tantôt
séparés. Je vis alors une chose merveilleuse, une scène admirablement
belle. Eliud parlait à Jésus qui marchait devant lui de la beauté et de
la parfaite conformation de son corps. Jésus lui dit : " si tu revoyais
ce corps dans deux années d'ici, tu n'y trouverais plus ni beauté, ni
bonne apparence, tant je serai défiguré par leurs outrages et leurs
mauvais traitements. " Eliud ne comprit pas cela ; en général il ne
pouvait pas comprendre pourquoi Jésus parlait ordinairement de son règne
comme devant être de si courte durée ; il s'imaginait toujours qu'il
faudrait bien dix ans, ou peut être vingt à Jésus pour fonder son
royaume : il ne pouvait pais avoir d'autre idée à cet égard, parce qu'il
ne se le représentait que comme un royaume terrestre. Quand ils eurent
fait encore un peu de chemin, Jésus, s'arrêtant, dit à Eliud qui
marchait tout pensif derrière lui, de se rapprocher de lui, parce qu'il
voulait lui montrer qui il était, ce que c'était que son corps et ce que
c'était que son royaume. Eliud s'arrêta à quelques pas de Jésus, et
Jésus leva les yeux au ciel en priant. Alors une nuée descendit et les
enveloppa tous deux comme une tempête. On ne pouvait pas les voir du
dehors, mais un ciel lumineux s'ouvrit au dessus de leur tête et sembla
s'abaisser vers eux. Je vis en haut comme une ville avec des murailles
resplendissantes, je vis la Jérusalem céleste. Tout y était environné
d'une clarté ou brillaient les couleurs de l'arc en ciel. Je vis une
forme comme Dieu le Père et je vis Jésus participer à sa lumière. Jésus
apparut dans sa forme humaine, resplendissant et diaphane. Eliud au
commencement regardait en haut comme ravi en extase, ensuite il se
prosterna sur sa face jusqu'à ce que la lumière et toute l'apparition se
fussent évanouies. Alors Jésus se remit en marche et Eliud le suivit,
muet et intimidé par ce qu'il avait vu. C'était une scène comme celle de
la Transfiguration, mais je ne vis pas Jésus s'élever de terre. Je ne
crois pas qu'Eliud ait vécu jusqu'au crucifiement de Jésus. Jésus
s'ouvrait plus avec lui qu'avec les apôtres, car il avait reçu de
grandes lumières et il était initié à beaucoup de secrets touchant sa
famille. Il l'avait accueilli comme un ami intime et lui avait accordé
un grand ascendant sur lui ; il fit aussi beaucoup pour la communauté de
Jésus. C'était l'un des plus instruits parmi les esséniens. à l'époque
de Jésus, ils n'habitaient plus sur les montagnes autant qu'autrefois :
ils s'étaient répandus davantage dans les villes. J'eus cette belle
vision à minuit et je me réveillais dans un cruel état de souffrance. Le
matin je vis Eliud et Jésus arriver à une station de bergers. Le jour
commençait à Poindre. Les bergers étaient déjà hors de leurs cabanes et
près des troupeaux ; ils vinrent au devant de Jésus qu'ils connaissaient
et se prosternèrent devant lui ; ils les conduisirent tous deux à un
hangar où ils avaient leurs effets. Ils leur lavèrent les pieds, leur
préparèrent une couche et mirent devant eux du pain et de petites
coupes. Ils firent aussitôt rôtir des tourterelles qui nichaient dans
les cabanes et qui étaient là en grande quantité, courant ça et là comme
des poulets. Je vis après cela Jésus renvoyer Eliud, qui s'agenouilla
devant lui pour recevoir sa bénédiction. Les bergers étaient présents.
Jésus lui dit d'attendre en paix le terme de ses jours : car le chemin
qu'il avait à parcourir était trop pénible pour lui. Il ajouta qu'il le
considérait comme un des siens qui avait déjà fait sa part de travail
dans la vigne et qui serait récompensé dans son royaume il expliqua ceci
en racontant la parabole des ouvriers de la vigne. Eliud était très
sérieux depuis la vision de cette nuit ; il gardait le silence et son
émotion était profonde. Je crois avoir entendu qu'il ne reverrait plus
Jésus sur la terre ? je n'en suis pourtant pas sûre. (La narratrice
s'est trompée ici, car à la fête des Purim, elle vit de nouveau le
Sauveur avec Eliud ainsi que cela sera raconté plus tard.) Je crois
qu'il a été baptisé par les disciples. Eliud accompagna encore Jésus à
quelque distance du séjour des bergers. Le Seigneur l'embrassa et il se
sépara de lui avec une mâle émotion.
On peut voir d'ici le lieu
où Jésus va pour le sabbat. Des parents de Jésus y ont habité autrefois.
Cet endroit où Jésus allait maintenant tout seul, n'était pas Jezraël,
comme je l'avais cru d'abord, parce que je voyais aussi Jezraël ; son
nom était Gur et il était situé sur une montagne. un frère de saint
Joseph, qui était allé plus tard demeurer a Zabulon et qui avait eu des
rapports fréquents avec la sainte Famille, avait habité ici. Jésus alla,
sans être remarqué, dans une hôtellerie où or lui lava les pieds et où
on lui donna à manger. Il avait une chambre pour lui seul ; il se fit
apporter de la synagogue un rouleau d'écritures et il pria tout en
lisant, tantôt agenouillé, tantôt debout. Il n'alla pas dans l'école. Je
vis une fois venir des gens qui voulaient lui parler, mais il ne les
reçut pas.
Je vis les disciples
envoyés en avant par Jésus arriver avant hier à Capharnaum ; je n'en vis
pourtant là que cinq des plus connus. Ils s'entretinrent avec Marie ;
deux d'entre eux allèrent à Bethsaide où ils prirent Pierre et André.
Jacques le Mineur, Simon, Thaddée, Jean et Jacques le Majeur étaient
aussi présents. Les disciples vantèrent la charité, la douceur et la
sagesse de Jésus ; les autres parlèrent avec le plus grand enthousiasme
de Jean Baptiste, de l'austérité de sa vie et de son enseignement,
disant qu'ils n'avaient jamais entendu interpréter comme lui les
prophètes et la loi ; Jean lui même se montra très enthousiaste de Jean
Baptiste, bien qu'il connût Jésus : car à une époque antérieure ses
parents ne demeuraient qu'à deux lieues de Nazareth, et Jésus l'aimait
déjà quand il était enfant, ce que j'avais ignoré jusqu'à présent. Ils
célébrèrent là le sabbat. Le dimanche 23, j'ai vu les neuf disciples,
accompagnés des six qui viennent'` d'être nommés, sur le chemin de
Tibériade, d'où ils se dirigèrent vers Ephron, par le désert, pour
gagner ensuite Jéricho et se rendre auprès de Jean. Pierre et André
relevaient les mérites de Jean Baptiste, disant qu'il était issu d'une
famille sacerdotale distinguée, qu'il avait été instruit par des
esséniens dans le désert, qu'il ne tolérait aucun désordre, qu'il était.
Aussi austère que sage. Les disciples s'étendaient sur la bonté de Jésus
et sur sa sagesse, les autres leur objectaient que sa condescendance
donnait lieu à plus d'un désordre et alléguaient des exemples à l'appui
; ils disaient aussi qu'il avait été instruit par des esséniens lors des
voyages qu'il avait faits récemment, etc. Cette fois je n'entendis plus
rien dire à Jean. Ils ne firent pas ensemble tout le chemin mais
seulement quelques lieues. Je me disais pendant cette conversation que
les hommes de ce temps là étaient comme ceux d'aujourd'hui.
Le samedi 22 septembre, je
vis Jésus prier seul dans l'hôtellerie de Gur ; cet endroit n'était pas
très éloigné d'une ville appelée Mageddo et d'une plaine du même nom, et
j'ai vu précédemment que vers la fin du monde une bataille sera livrée
contre l'Antéchrist dans cette plaine. Jésus se leva au point du jour,
il roula sa couche, mit sa ceinture, laissa une pièce de monnaie sur la
couche et se mit en marche. Je le vis suivre des sentiers qui tournaient
autour de plusieurs villages. Il ne communiqua avec personne ; je le vis
passer au pied du mont Garizim, près de Samarie ; il le laissa à gauche
; il se dirigeait vers le midi. Je le vis à diverses reprises manger des
baies et quelques fruits et boire de l'eau qu'il puisait dans le creux
de sa main ou dans une feuille pliée de manière à la rendre concave.
Le dimanche au soir, il
arriva dans une ville appelée Gophna, placée au pied de la montagne d'Ephraim.
Elle était située sur un terrain très accidenté, et il y avait des
jardins et des champs cultivés entre les maisons. il s'y trouvait des
parents de Joachim, mais qui n'avaient pas entretenu de relations
particulières avec la sainte Famille. Jésus entra dans une hôtellerie.
On lui lava les pieds et on lui donna une petite réfection Mais bientôt
ses parents vinrent avec deux pharisiens des meilleurs de leur secte, et
ils l'emmenèrent dans leur maison. C'était une des maisons les plus
considérables de la ville. La ville elle même était importante et elle
était le siège de l'administration d'un district. Le parent de Jésus
avait aussi un emploi et il tenait des écritures. La ville dépendait, à
ce que je crois, de Samarie. Jésus fut reçu avec déférence. Il se
trouvait là plusieurs autres personnes, et on prit un repas dans un lieu
de plaisance ; les uns marchaient, les autres se tenaient debout. Jésus
passa là la nuit. Il y avait une journée de voyage de là à Jérusalem ;
une petite rivière coulait dans les environs. Lorsque la sainte Famille
eut perdu Jésus dans le temple, elle était venue jusqu'ici. Ne l'ayant
pas trouvé à Michmas, ils pensèrent qu'il était peut être allé en avant
pour visiter leurs cousins. Marie craignait qu'il ne fût tombé dans
l'eau.
Jésus alla à la synagogue
où il demanda les écrits d'un prophète, et il enseigna sur le baptême et
sur le Messie. Il leur expliqua une prophétie de laquelle il conclut que
le temps de l'avènement du Messie devait être arrivé ; il parla
d'événements qui devaient le précéder et qui avaient eu lieu en effet.
Il en mentionna un qui s'était passé huit ans auparavant ; je ne sais
plus bien s'il s'agissait d'une guerre ou du sceptre retiré à Juda. Il
exposa ainsi plusieurs témoignages relatifs à des signes déjà accomplis
qui devaient précéder l'avènement du Messie : il fit mention des
différentes sectes qui existaient chez les juifs, et rappela combien de
chose' étaient devenues de vaines formalités. Il parla ensuite de la
manière dont le Messie paraîtrait au milieu d'eux, et dit qu'ils ne le
reconnaîtraient pas. Il décrivit parfaitement tout ce qui devait se
passer entre lui et Jean : il dit à peu près que quelqu'un le
désignerait, et qu'on ne le reconnaîtrait pas : on s'attendrait à voir
un brillant vainqueur, entouré d'une pompe mondaine, et ayant auprès de
lui des hommes éminents par la science : aussi ne le reconnaîtrait on
pas, lui qui devait paraître sans éclat, sans beauté, sans richesse,
sans pompe ; qui devait avoir pour cortège des hommes simples, paysans
et ouvriers ; qui devait frayer avec des mendiants, des infirmes, des
lépreux et des pécheurs, etc. il parla longtemps dans ce sens, prouva
tout par les prophéties, présenta toutes choses comme elles devaient se
passer entre lui et Jean Baptiste, toutefois il ne dit jamais : " C'est
moi ", mais parla toujours comme s'il se fût agi d'une tierce personne.
Cette instruction remplit la plus grande partie de la journée. Les
assistants, ses parents, finirent par croire qu'il était un envoyé, un
précurseur de ce Messie.
Quand il fut de retour à la
maison, ils consultèrent en sa présence un livre où ils avaient écrit ce
qui était arrivé dans le temple, à Jésus, fils de Marie, alors âgé de
douze ans ; ils se souvinrent alors d'une ressemblance entre ce qu'il
avait dit à cette époque et ses paroles d'aujourd'hui, et quand ils
eurent relu leur écrit, ils furent grandement étonnés.
Le maître de la maison
était un veuf d'un âge avancé et il avait deux filles veuves. J'entendis
ces deux femmes dire ensemble qu'elles avaient assisté au mariage de
Joseph et de Marie, à Jérusalem, et combien la noce avait été belle ;
elles ajoutèrent qu'Anne avait eu une grande aisance, mais que cette
famille était bien déchue. Elles parlaient de cela, comme on a coutume
de le faire dans le monde, avec une nuance de blâme et de mépris, comme
si la famille était tombée très bas. Pendant qu'elles remémoraient
longuement, comme le font les femmes, les circonstances de ce mariage et
le costume de fiancée que portait Marie ; je vis tous les détails de ces
épousailles et spécialement de la parure nuptiale de la sainte Vierge (24).
Pendant ce temps, les hommes, comme je l'ai dit, s'occupaient de
l'enseignement de Jésus enfant dans le temple, dont on avait tenu note
chez eux. Les parents de Jésus l'avant cherché ici pleins d'inquiétude,
le lieu et les circonstances dans lesquelles il avait été retrouvé y
avaient produit un grand effet, d'autant plus que les familles étaient
alliées. Comme ses cousins s'émerveillaient de la ressemblance entre son
enseignement d'alors et celui d'aujourd'hui, et qu'ils se montraient de
plus en plus prévenus en sa faveur, Jésus leur déclara qu'il lui fallait
prendre congé d'eux, et il se mit en route malgré leurs prières.
Plusieurs hommes l'accompagnèrent. Ils eurent à traverser une petite
rivière, sur un pont en maçonnerie qui était planté d'arbres. Ils
l'accompagnèrent quelques lieues jusqu'à une plaine où il y avait des
pâturages et par où avait passé le patriarche Joseph lorsque son père
Jacob l'envoya à Sichem vers ses frères. Jacob aussi s'était souvent
trouvé dans les endroits d'où venait Jésus. Jésus arriva assez tard dans
la soirée à un village de bergers situé en deçà d'un petit cours d'eau,
et ses compagnons le quittèrent. L'endroit s'étendait encore de l'autre
côté de la petite rivière ; la synagogue était de ce côté ci. Le
Seigneur entra dans une hôtellerie Deux troupes d'aspirants au baptême,
qui voulaient se rendre auprès de Jean, en passant par le désert,
s'étaient réunies ici et avaient déjà parlé de l'arrivée de Jésus. Il
s'entretint avec eux dans la soirée, et ils continuèrent leur route le
lendemain matin. On lava les pieds au Seigneur ; il prit un peu de
nourriture, puis il se retira pour prier et se reposer.
(25 septembre) Le matin il
alla à l'école où beaucoup de personnes se rassemblèrent. Il enseigna
comme à l'ordinaire sur le baptême et sur l'approche du Messie, disant
toujours qu'on ne le reconnaîtrait pas. Il leur reprocha leur
attachement opiniâtre à d'anciennes coutumes devenues de vaines
formalités ; c'était un tort particulier à ces gens. Du reste, ils
étaient assez simples et prirent bien tout ce qu'il dit. Jésus se fit
ensuite conduire par le chef de la synagogue près d'une dizaine de
malades. Il n'en guérit aucun ; car il avait déjà dit à Eliud et à ses
cinq disciples qu'avant son baptême, il n'opérerait pas de guérisons
dans le voisinage de Jérusalem. C'étaient principalement des hydropiques
et des goutteux ; il y avait aussi des femmes infirmes. Il leur fit des
exhortations et dit à chacun en particulier ce qu'il avait à faire pour
le bien de son âme ; car leurs maladies étaient, jusqu'à un certain
point, des punitions de leurs péchés. Il ordonna à quelques uns de se
purifier et d'aller au baptême.
Il y eut encore un souper
dans l'hôtellerie ; plusieurs habitants du lieu y assistaient. Avant le
repas, ils parlèrent d'Hérode, de sa liaison illégitime qu'ils
blâmèrent, et ils demandèrent à Jésus de se prononcer à ce sujet. Jésus
qualifia sévèrement la conduite d'Hérode, mais il ajouta qu'avant de
juger les autres, on devait aussi se juger soi même, et il parla avec
force des péchés qui se commettent dans le mariage.
Il y avait dans cet endroit
plusieurs pécheurs notoires. Jésus les prit en particulier les uns après
les autres, et leur reprocha sévèrement leurs adultères. Il révéla à
plusieurs leurs péchés les plus secrets ; en sorte qu'ils furent
effrayés et promirent de faire pénitence. Il se dirigea ensuite vers
Bethanie, qui était environ à six lieues, et il alla de nouveau dans les
montagnes. La température y est maintenant comme en hiver : le
brouillard est épais, le ciel est sombre, et il y a souvent pendant la
nuit une gelée blanche très froide. Jésus a la tête enveloppée dans un
linge Il va maintenant tout à fait au levant. J'ai aussi vu Marie et
quatre des saintes femmes faisant route dans une plaine près de
Tibériade. Je les ai vues sortir de leur maison, où il est resté
quelqu'un. Elles ont deux valets de pêcheurs avec elles. L'un va en
avant, l'autre derrière ; ils portent le bagage, un sac sur la poitrine,
un autre sur le des, et un bâton sur l'épaule. Il y a là Jeanne Chusa,
Marie de Cléophas, une des trois veuves, et encore une autre femme, je
ne sais plus si c'est Marie Salomé, ou la femme de Pierre ou celle
d'André. Elles se rendent aussi à Bethanie, elles suivent la route
ordinaire, et passent devant Sichar qu'elles laissent à droite, tandis
que Jésus l'a laissée à gauche. Les saintes femmes vont la plupart du
temps l'une après l'autre, à environ deux pas de distance, probablement
parce que la plupart des chemins, à l'exception des grandes routes, sont
des sentiers étroits à l'usage des piétons, et traversant souvent des
montagnes. Elles marchent vite, à grands pas, et n'ont pas la démarche
incertaine des gens d'ici ; c'est sans doute parce que, dans leur pays,
on est accoutumé, dès son jeune âge, à faire de longs voyages a pied.
Quand elles sont en route, elles retroussent leur robe jusqu'à mi jambe
; leurs jambes sont enveloppées jusqu'à la cheville avec une bande
d'étoffe ; elles ont des sandales épaisses et rembourrées, attachées
sous la plante des pieds. Elles portent sur la tête un voile assujetti
autour de la nuque par un linge long et étroit. Ce linge se croise sur
la poitrine et, revenant autour de la taille, se passe dans la ceinture
; il sert aussi à faire reposer leurs mains qu'elles y placent
alternativement. L'homme qui marche en avant prépare le chemin, ouvre
des passages dans les haies, enlève les pierres, pose des planches sur
les fondrières, veille à tout ce qui peut arriver, et commande les
logements. Celui qui va derrière remet les choses comme elles étaient.
(26 septembre.) Jésus
pendant son voyage de Bethanie alla encore dans les montagnes. Le soir
il arriva, deux lieues environ au nord de Jérusalem, dans une ville qui
n'est autre chose qu'une rue d'une demi lieue de long, passant à travers
une montagne. Bethanie est bien à trois lieues d'ici. On peut en voir
d'ici les environs : car c'est beaucoup plus bas dans la plaine. Au nord
est de cette montagne s'étend un désert d'environ trois lieues, dans la
direction du désert d'Ephron. Je vis Marie et ses compagnes loger cette
nuit entre les deux déserts.
La montagne est celle où
Joab et Abisai cessèrent de poursuivre Abner lorsque celui ci entra en
pourparlers avec eux. Son nom est Amma et elle est située au nord de
Jérusalem. De l'endroit où était Jésus, la vue s'étendait au levant et
au nord : je crois qu'il s'appelait Giah ; je vis le désert de Gabaon
qui commençait au bas de la hauteur et allait rejoindre le désert d'Ephron.
Il était long d'environ trois lieues. Jésus arriva ici le soir et entra
dans une maison, désirant prendre un peu de nourriture. On lui lava les
pieds, on lui donna à boire et on lui offrit des petits pains. il vint
bientôt près de lui plusieurs personnes qui, voyant qu'il venait de la
Galilée, lui firent des questions sur ce docteur de Nazareth dont on
parlait tant et dont Jean Baptiste disait tant de choses : ils lui
demandèrent aussi si le baptême de Jean était bon. Jésus leur fit ses
instructions accoutumées, et les exhorta au baptême et à la pénitence :
il parla du prophète de Nazareth et du Messie, dit qu'il paraîtrait au
milieu d'eux et qu'ils ne le reconnaîtraient pas, que même ils le
persécuteraient et le maltraiteraient : qu'ils devaient bien faire
attention à tout que les temps étaient accomplis ; qu'il ne paraîtrait
pas dans une pompe triomphale mais qu'il serait pauvre et marcherait
entouré d'hommes simples, etc. : ces gens ne le reconnurent pas, mais
ils l'accueillirent bien et lui témoignèrent beaucoup de respect.
C'étaient des aspirants au baptême qui, passant par ici, avaient parlé
de Jésus. Ils lui firent la conduite sur la route après qu'il se fut
reposé environ deux heures.
Jésus arriva à Bethanie
dans la nuit. Lazare avait été quelques jours auparavant dans sa
propriété de Jérusalem située sur le penchant du Calvaire, près du côté
occidental de la montagne de Sion, mais il était de retour à Bethanie :
car il avait su par des disciples que Jésus allait arriver, Le château
de Bethanie était la propriété personnelle de Marthe. Mais Lazare y
résidait volontiers et ils faisaient ménage ensemble. I
Ils attendaient Jésus et un repas était préparé. Marthe habitait un
bâtiment situé sur l'un des côtés de la cour. Il y avait des hôtes dans
la maison. Chez Marthe se trouvaient Séraphia (Véronique), Marie, mère
de Marc et une femme âgée de Jérusalem. Elle avait quitté le temple
lorsque Marie y était entrée : elle y serait restée volontiers, mais
elle s'était mariée par suite d'une indication d'en haut. Chez Lazare se
trouvaient Nicodème, Jean Marc, un des fils de Siméon, et un vieillard,
nommé Obed, frère ou neveu de la prophétesse Anne. Tous étaient
secrètement amis de Jésus, qu'ils connaissaient soit par Jean Baptiste,
soit par des relations avec sa famille, soit par les prophéties de
Siméon et d'Anne dans le temple.
Nicodème était un homme
réfléchi, observateur, très curieux, et qui fondait des espérances sur
Jésus. Tous avaient reçu le baptême de Jean. Ils étaient venus
secrètement sur l'invitation de Lazare. Nicodème par la suite servit
Jésus et son oeuvre, mais toujours en secret.
Lazare avait envoyé des
serviteurs sur la roule au devant de Jésus. Il fut joint à une demi
lieue environ de Bethanie par un vieux et fidèle domestique, devenu plus
tard disciple, qui se prosterna à ses pieds et lui dit : "Je suis le
serviteur de Lazare ; si je trouve grâce devant vous, mon Seigneur,
suivez moi jusque chez lui. Jésus lui dit de se relever et le suivit. Il
se montra très amical pour cet homme, sans toutefois rien faire qui ne
fût conforme à sa dignité. Cela même avait un charme irrésistible. On
aimait l'homme et on sentait le Dieu. Le serviteur le conduisit dans un
vestibule à l'entrée du château, près " d'une fontaine " . Tout était
préparé pour le recevoir. On lui lava les pieds et on lui mit d'autres
sandales. Jésus, en arrivant, avait une paire de sandales épaisses,
rembourrées et doublées de vert. Il les laissa ici et mit une paire de
fortes chaussures avec des courroies de cuir, qu'il continua à porter.
Le serviteur mit ensuite ses habits à l'air et les épousseta. Quand il
se fut lavé les pieds, Lazare vint avec ses amis, lui apportant à boire
et quelques aliments. Jésus embrassa Lazare et salua les autres en leur
donnant la main. Tous lé servirent avec empressement et l'accompagnèrent
à la maison : mais Lazare le mena d'abord à l'habitation de Marthe. Les
femmes qui étaient là se prosternèrent, couvertes de leurs voiles :
Jésus les releva et dit à Marthe que sa mère viendrait ici pour l'y
attendre à son retour du baptême.
Ils se rendirent ensuite à
la maison de Lazare, où ils prirent un repas. il y avait un agneau rôti
et des colombes, en outre du miel, des petits pains, des fruits et des
légumes verts. Ils étaient placés à table sur des bancs à dossier,
toujours deux par deux : les femmes mangeaient dans une salle
antérieure. Jésus pria avant le repas et bénit tous les mets il était
très sérieux, et même triste. Il leur dit pendant le repas que des temps
difficiles approchaient, qu'il allait entrer dans une voie laborieuse
dont le terme serait douloureux. Il les exhorta à la persévérance,
puisqu'ils étaient ses amis ; car ils devaient avoir beaucoup de
souffrances à partager avec lui. Il parla d'une façon si touchante
qu'ils en furent émus jusqu'aux larmes, mais ils ne le comprirent pas
parfaitement, ils ne savaient pas qu'il était Dieu.
Ici la narratrice
interrompit son récit et dit : " Je suis toujours surprise de ce manque
d'intelligence, moi qui ai une conviction si profonde touchant la
divinité de Jésus et sa mission. Je ne puis m'empêcher de me dire :
Pourquoi donc ce que je vois si clairement devant mes yeux n'a t il pas
été montré à ces hommes ? J'ai vu Dieu créer l'homme, tirer de lui
l'élément féminin, en faire la femme et la lui donner pour compagne,
puis l'un et l'autre tomber : j'ai vu la promesse du Messie, et la
dispersion de l'humanité engendrée dans le péché, les directions
merveilleuses et les sacrements destinés par Dieu à préparer la venue de
la sainte Vierge sur la terre. J'ai vu la bénédiction, de laquelle le
Verbe a pris chair, suivre son cours, comme une voie lumineuse, à
travers toutes les générations des ancêtres de Marie : j'ai vu enfin le
message porté par l'ange à Marie et le rayon de la divinité qui pénétra
en elle quand elle conçut le Sauveur. Et après tout cela, combien il
doit être surprenant pour moi, indigne et misérable pécheresse, de voir
en présence de Jésus, ces saints personnages, ses contemporains, ses
amis, qui l'aiment et qui le vénèrent, croire pourtant tous que son
royaume doit être un royaume de la terre, le regarder comme le Messie
promis, mais non toutefois comme Dieu lui même ! Il était encore pour
eux le fils de Joseph et de Marie : aucun d'eux ne soupçonnait que Marie
était vierge, car ils n'avaient pas même l'idée d'une conception
surnaturelle et immaculée. Ils ne savaient même rien du mystère de
l'arche d'alliance. C'était déjà beaucoup et le signe d'une grâce de
choix qu'ils l'aimassent et le reconnussent. Les Pharisiens qui savaient
que Siméon et Anne avaient prophétisé lors de sa présentation, qui
avaient entendu le merveilleux enseignement qu'il avait donne dans le
temple étant encore enfant, étaient tout à fait endurcis. Ils s'étaient
enquis alors de la famille de l'enfant, plus tard de celle du docteur ;
mais cette famille était à leurs yeux trop humble, trop pauvre, trop
méprisable : ils voulaient un Messie glorieux. Lazare, Nicodème et
beaucoup de ses adhérents croyaient toujours, sans en rien dire, que sa
mission était de prendre possession de Jérusalem avec ses disciples, de
les délivrer du joug des Romains et de rétablir le royaume de Juda.
Il en était alors comme
aujourd'hui, où chacun croirait voir un Sauveur dans celui qui
procurerait à sa patrie l'ancien gouvernement de prédilection et
l'antique liberté. Alors aussi ils ne savaient pas que le royaume où
nous pouvons trouver la fin de nos maux n'est pas de ce monde, qui est
un lieu de pénitence. Ils se réjouissaient par moments à la pensée que
c'en serait bientôt fait de. la grandeur et de la puissance de tel ou
tel oppresseur. Mais ils n'osaient pas parler de cela à Jésus : car ils
restaient tous confus et intimidés, parce qu'ils sentaient bien que dans
aucune de ses allures, dans aucune de ses paroles, il n'y avait rien qui
répondit à leur attente.
Après le repas ils se
rendirent dans un oratoire, et ; Jésus fit une prière où il rendit
grâces de ce que son temps était venu et de ce que sa mission
commençait. Cette prière fut très touchante, et tous versèrent des
larmes. Les femmes étaient présentes, mais se tenaient en arrière. Ils
firent encore ensemble des prières d'une application générale. Jésus les
bénit, et Lazare le conduisit au lieu où il devait prendre son repos
C'était une grande pièce où tous les hommes couchaient et avaient des
compartiments séparés : tout y était mieux disposé que dans les maisons
ordinaires. Le lit n'était pas roulé comme il l'était ailleurs. Il avait
plus de hauteur que les lits habituels qui étaient par terre : il était
fixe, et il y avait au devant une balustrade avec un grillage, laquelle
était décorée avec des couvertures et des franges. Au mur auquel le lit
s'appuyait était suspendue une belle natte roulée qu'on pouvait relever
ou abaisser devant le lit, sur lequel elle formait comme un toit oblique
quand on cachait la couche vide. Près du lit était une petite table
servant d'escabeau, et il y avait dans le creux du mur un bassin avec un
grand vase plein d'eau et un autre vase plus petit pour puiser et
verser. une lampe était fixée en avant du mur, et un linge à essuyer y
était suspendu. Lazare alluma la lampe, se prosterna devant Jésus qui le
bénit encore, et ils se séparèrent.
Je ne vis pas cette soeur
de Lazare qu'on appelait Marie la Silencieuse : elle ne se montrait pas
en public et ne prononçait jamais une parole devant personne ; mais
quand elle était seule dans sa chambre ou dans son jardin, elle parlait
tout haut, s'adressant la parole à elle même et à tous les objets qui
l'entouraient. Il semblait que toutes ces choses fussent vivantes : ce
n'était qu'aux hommes qu'elle ne parlait pas. En présence d'autres
personnes, elle ne faisait pas un mouvement, tenait les yeux baissés et
restait comme une statue. Elle faisait pourtant une inclination de tête
pour saluer, et sa tenue était parfaitement convenable, seulement elle
était muette. Quand elle était seule, elle se livrait à diverses
occupations, travaillait à ses vêtements, et faisait tout cela comme une
autre. Elle était très pieuse, toutefois elle ne paraissait jamais à la
synagogue, mais faisait ses prières dans sa chambre. Je crois qu'elle
avait des visions et qu'elle conversait avec des esprits qui lui
apparaissaient. Elle avait une affection indicible pour ses frères et
soeurs, particulièrement pour Madeleine. Elle était ainsi depuis sa
première jeunesse. Elle avait des femmes qui prenaient soin d'elle, mais
elle était très propre, et il n'y avait rien en elle qui sentit la
folie.
Jusqu'à présent on n'a pas parlé de Madeleine devant Jésus : elle menait
à Magdalum la vie la plus magnifique.
La nuit où Jésus arriva chez Lazare, je vis la sainte Vierge, Jeanne
Chusa, Marie de Cléophas, la veuve Léa et Marie Salomé dans une
hôtellerie entre le désert de Gabaa et le désert d'Ephraim, à environ
cinq lieues de Bethanie. Elles dormirent dans un hangar, fermé de tous
les côtés par de légères cloisons. Il était divisé en deux pièces :
celle de devant était divisée en deux rangées de compartiments avec des
couches où les saintes femmes s'étaient installées ; celle de derrière
servait de cuisine. Devant la maison était une cabane ouverte, dans
laquelle était un feu allumé : je crois que les hommes qui les
accompagnaient dormaient ou veillaient là À l'habitation du maître de
l'hôtellerie était dans le voisinage. Elles seront à Bethanie demain 27
vers midi. A l'occasion de Marie de Cléophas, je vis de nouveau qu'elle
était fille de la soeur aînée de la sainte Vierge et de Cléophas, un
neveu de saint Joseph. J'ai oublié le reste : ce Cléophas, outre cette
fille, en avait eu encore une autre qui s'était mariée, etc. Ce n'est
point le disciple d'Emmaus.
(27 septembre) Je vis Jésus
dans la maison de Lazare avec celui ci et les amis de Jérusalem. Il
n'entra pas à Bethanie, mais il se promena dans les cours et les jardins
du château. il parlait et enseignait, tout en marchant, d'une façon très
grave et très touchante. Quelque affectueux qu'il fût, il restait
toujours plein de dignité, et ne proférait pas une parole inutile. Tous
l'aimaient et le suivaient, et cependant tous se sentaient intimidés.
C'était Lazare qui en usait le plus familièrement avec lui : les autres
étaient plus dominés par l'admiration, et se tenaient davantage sur la
réserve.
Jésus, accompagne de
Lazare, alla visiter les femmes, et Marthe le conduisit à sa soeur Marie
la Silencieuse, avec laquelle il voulait s'entretenir. Ils allèrent par
une porte pratiquée dans le mur de la grande cour dans une autre cour
plantée, plus petite et pourtant spacieuse, à laquelle l'habitation de
Marie était attenante. Jésus resta dans le petit jardin et Marthe alla
chercher sa soeur. Le petit jardin était très agréable ; au milieu
s'élevait un grand dattier : il y avait, en outre, des plantes
aromatiques et des arbustes de toute espèce. Il s'y trouvait aussi une
fontaine avec un rebord, et au milieu de la fontaine un siège en pierre,
où Marie la Silencieuse pouvait arriver en passant sur une planche et
s'asseoir sous un pavillon tendu au dessus de la fontaine. Marthe alla
la trouver et lui dit de venir dans la cour, ou quelqu'un l'attendait.
Elle obéit à l'instant, mit son voile et se rendit, sans dire un mot,
dans la cour, après quoi Marthe se retira. Elle était grande et belle,
âgée d'environ trente ans : le plus souvent elle regardait le ciel, et
si parfois elle tournait les yeux du côté par où venait Jésus, ce
n'était qu'un regard vague et peu arrêté comme si elle eût regardé dans
le lointain. Elle ne disait jamais " je " , mais " toi " , quand elle
parlait d'elle même, comme s'il se fût agi d'une autre personne qu'elle
voyait devant elle et à laquelle elle adressait la parole. Elle ne parla
pas à Jésus et ne se prosterna pas devant lui. Jésus lui parla le
premier et ils marchèrent dans le petit jardin : à proprement parler,
ils ne s'entretenaient pas ensemble. Marie regardait toujours en haut et
parlait des choses du ciel, comme si elle les eût vues. Jésus faisait de
même : il parlait de son Père et avec son Père. Elle ne regardait pas
Jésus : seulement en parlant elle se tournait souvent à moitié vers lui.
L'entretien qu'ils avaient ensemble était plutôt une prière, un cantique
de louange, une méditation sur des mystères, qu'un entretien proprement
dit. Marie ne paraissait pas avoir la conscience de sa vie sur la terre
: son âme était dans un autre monde pendant que son corps demeurait ici
bas.
Je me souviens, entre
autres choses, que, levant les yeux au ciel, elle parla de l'Incarnation
du Christ, comme si elle avait vu cette affaire se traiter dans le sein
de la très sainte Trinité. Je ne puis répéter ses paroles na'ves et
pourtant pleines de gravité. Elle disait, comme si elle eût eu la chose
sous les veux : "Le Père dit au Fils qu'il doit descendre parmi les
hommes et que la Vierge doit le concevoir. Puis elle décrivait la joie
qui se manifestait parmi tous les anges et la mission donnée à Gabriel
de se rendre auprès d'une vierge : elle adressait la parole aux choeurs
des anges qui tous descendaient avec Gabriel, comme un enfant qui
parlerait à une procession passant devant lui, témoignerait sa joie et
louerait le recueillement et la ferveur de ceux qui en font partie. Elle
vit ensuite l'intérieur de la chambre de la sainte Vierge, s'adressa à
elle en exprimant le désir qu'elle accueille le message de l'ange ; elle
vit l'ange venir et lui annoncer le Seigneur, et elle raconta tout cela
en regardant dans le lointain, comme voyant cette scène, et disant tout
haut les pensées qui lui venaient à celle vue. Elle s'exprima d'une
façon tout à fait naïve sur ce que la sainte Vierge avait réfléchi avant
de répondre : "Tu avais fait voeu de rester vierge, dit elle ; mais si
tu avais refusé de devenir mère du Seigneur, comment aurait on fait ?
aurait on pu trouver une autre vierge' Israël, pauvre orphelin ; tu
aurais eu longtemps encore à soupirer ! "Elle se livra alors à la joie
de ce que la Vierge avait donné son consentement, et elle la combla
d'éloges ; de la, elle passa à la naissance de Jésus, parla à l'enfant
auquel elle dit : "il1 mangeras du beurre et du miel "et entremêla ses
discours d'autres passages des Prophètes ; elle parla des prophéties de
Siméon et d'Anne, et continua ainsi, toujours comme si les choses se
passaient sous ses yeux, et adressant la parole à tous, comme si elle
eût été présente à tous ces événements. Elle arriva même jusqu'au moment
présent et dit : "Maintenant, tu entres dans la voie pénible et
douloureuse, etc. " Pendant tout cela, elle était toujours comme si elle
eût été seule, et quoiqu'elle sût que le Seigneur était près d'elle, il
semblait pourtant qu'il ne fût pas plus rapproché que toutes les autres
scènes dont elle parlait. Jésus l'interrompait par des prières et des
actions de grâces à Dieu ; il glorifiait son père et priai t pour les
hommes ; chaque chose venait en son lieu. Tout cet entretien fut
touchant et admirable au delà de toute expression.
Jésus la quitta ; elle
resta calme et immobile comme auparavant et rentra dans son habitation.
Lorsque Jésus fut revenu près de Lazare et de Marthe, il leur parla à
peu près en ces termes : "Elle n'est pas privée de raison, mais son âme
n'est pas dans ce monde : elle ne voit pas ce monde et ce monde ne la
comprend pas : elle est heureuse, elle ne pèche pas. "
Marie la Silencieuse dans
son état de contemplation purement spirituelle ne savait réellement pas
ce qui se faisait pour elle et autour d'elle, et elle était toujours
dans cet état d'absence. Elle n'avait encore parlé devant personne comme
devant Jésus ; devant tous les autres elle se taisait, non par manque
d'ouverture ou par orgueil, mais parce qu'elle ne voyait pas ces
personnes de sa vue intérieure : elle ne les voyait pas en rapport avec
ce qu'elle seule voyait, les choses du ciel et la rédemption. Parfois
des amis de la maison, gens pieux et savants, lui adressaient la parole
; alors elle prononçait bien quelques paroles, mais elles étaient
entièrement inintelligibles pour eux : car ce n'était pas une réponse à
ce qu'ils avaient dit, c'était quelque chose qui se rapportait à cet
ensemble qu'elle voyait, mais qui restait caché aux savants. Aussi était
elle regardée par toute la famille comme imbécile, et elle menait une
vie solitaire, la seule qu'elle pût et dût mener : car son âme
n'habitait pas dans le temps. Elle s'occupait de la culture de son
jardin et de travaux à l'aiguille destinés au temple, que Marthe lui
donnait à faire ; elle était adroite pour ces sortes de choses et elle
les faisait sans sortir de son état continuel de méditation et de
contemplation. Elle priait avec beaucoup de piété et de ferveur et avait
aussi une certaine nature de souffrances à endurer pour les péchés
d'autrui, car souvent son âme était oppressée d'un poids tellement
lourd, qu'il semblait que le monde fût tombé sur elle. Son habitation
était commode : il y avait des lits de repos et des meubles de toute
espèce ; elle mangeait peu et toujours seule. Lorsque son frère et ses
soeurs se furent mis à la suite de Jésus, elle mourut de douleur à la
vue de ses immenses souffrances qui lui furent montrées en vision.
Marthe parla aussi à Jésus de Madeleine et du grand chagrin qu'elle lui
causait ; Jésus la consola et lui dit qu'elle reviendrait certainement,
que seulement ils ne devaient pas se lasser de prier pour elle et de
l'encourager.
Vers une heure et demie, la
sainte Vierge arriva avec Jeanne Chusa, Léa, Marie Salomé et Marie de
Cléophas. L'homme qui allait en avant annonça leur arrivée ; alors
Marthe, Séraphia, Marie, mère de Marc et Suzanne allèrent avec tout ce
qui était nécessaire les recevoir dans la salle située à l'entrée du
château, où Jésus avait reçu la veille par Lazare. Elles se souhaitèrent
la bienvenue et on lava les pieds aux arrivantes ; les saintes femmes
mirent aussi d'autres habits et d'autres voiles. Elles étaient toutes
vêtues de laine sans teinture, blanche, jaunâtre ou brune. Elles prirent
une petite réfection et se rendirent a l'habitation de Marthe. Jésus et
les hommes vinrent les saluer ; Jésus alla à l'écart avec la sainte
Vierge et s'entretint avec elle. Il lui dit d'un ton très affectueux et
très grave que sa carrière publique allait commencer, qu'il se rendait
au baptême de Jean d'où il reviendrait la visiter ; qu'il passerait
encore quelque temps avec elle dans la contrée de Samarie, mais
qu'ensuite il irait dans le désert et y resterait quarante jours.
Lorsque Marie l'entendit parler du désert, elle fut très attristée et le
pria instamment de ne pas aller dans cet affreux séjour pour y mourir
d'inanition. Jésus lui répondit que dorénavant elle ne devait pas
essayer de l'arrêter par des inquiétudes tout humaines ; qu'il ferait ce
qu'il avait à faire,' qu'il entrait dans une voie laborieuse ; que ceux
qui étaient avec lui devaient partager ses souffrances ; que pour lui il
allait maintenant où sa mission l'appelait et qu'elle devait faire le
sacrifice de tous ses sentiments personnels ; qu'il l'aimerait comme
auparavant, mais qu'il appartenait maintenant à tous les hommes ;
qu'elle devait faire ce qu'il lui dirait et que son père céleste la
récompenserait : car il fallait maintenant que la prédiction que Siméon
lui avait faite reçût son accomplissement et qu'un glaive traversât son
âme, etc. La sainte Vierge était très sérieuse et très attristée, mais
elle était en même temps pleine de force et de résignation à la volonté
de Dieu, car son fils était très saint et très affectueux.
Le soir il y eut encore un
grand repas dans la maison de Lazare ; Simon le pharisien et quelques
autres pharisiens avaient été invités. Les femmes mangèrent dans une
pièce attenante, séparées seulement par un grillage, en sorte qu'elles
pouvaient entendre l'enseignement de Jésus.
Jésus parla de la foi, de
l'espérance, de la charité et de l'obéissance ; ceux qui voulaient le
suivre, disait il, ne devaient pas regarder derrière eux, mais faire ce
qu'il enseignait, et supporter les souffrances qui viendraient les
assaillir : quant à lui il ne les abandonnera pas. Il de nouveau de la
voie pénible dans laquelle il entrait, dit comment il serait maltraité
et persécuté et combien tous ses amis souffriraient avec lui. Tous
l'écoutèrent avec surprise et émotion : mais. ils ne comprirent pas ce
qu'il disait des grandes souffrances à endurer ; leur foi manquait de
simplicité ; ils s'imaginaient que c'était une façon de parler
prophétique qu'il ne fallait pas prendre à la lettre. Ses discours ne
choquèrent pas les pharisiens quoiqu'ils fussent plus prévenus que les
autres, mais cette fois il ne parla qu'avec une certaine réserve.
Après le repas, Jésus prit
un peu de repos ; puis il partit seul avec Lazare, dans la direction de
Jéricho, pour aller au baptême. Au commencement, un serviteur de Lazare
les accompagna avec une lanterne, car il faisait nuit. Après avoir
marché environ une demi heure, ils arrivèrent à une hôtellerie qui
appartenait à Lazare et où les disciples s'arrêtèrent souvent dans la
suite. Il ne faut pas la confondre avec une autre dont j'ai fait mention
plus d'une fois, parce qu'elle fut mise aussi au service des disciples,
mais qui est plus éloignée et dans une autre direction. Quant à la salle
où Jésus d'abord et ensuite Marie furent reçus par Lazare, c'était celle
où Jésus s'arrêta et enseigna avant la résurrection de Lazare, lorsque
Madeleine alla à sa rencontre (25). Lorsqu'ils furent
arrivés à l'hôtellerie, Jésus ôta ses sandales et marcha pieds nus
Lazare, saisi de compassion parce que le chemin était difficile et
rocailleux, le pria de n'en rien faire ; mais Jésus lui répondit d'un
ton très grave : "Ne t'en inquiète pas ; je sais ce que j'ai à faire.
"Et ils s'avancèrent ainsi dans la solitude. Je ne pouvais m'empêcher de
pleurer de la pitié que me faisait Notre Seigneur. Le de sert, avec ses
gorges étroites au milieu des rochers, s étend à cinq lieues dans la
direction de Jéricho ; puis vient la fertile vallée de Jéricho, longue
de deux lieues, où il y a pourtant aussi par intervalles des parties
incultes. De là il y a encore deux lieues jusqu'à l'endroit où Jean
baptise. Jésus allait beaucoup plus vite que Lazare. et il était souvent
une lieue en avant.
Je vis une troupe de gens
qu'il avait envoyés de la Galilée au baptême et parmi lesquels il y
avait des publicains, revenir du baptême et se rendre à Béthanie en
suivant pendant quelque temps, dans le désert, une direction parallèle à
la sienne. Je ne vis Jésus s'arrêter nulle part. il laissa Jéricho à
gauche. il y avait encore deux autres endroits, peu éloignés du chemin
qu'il suivait, mais il passa outre. Je ne me souviens pas bien de leurs
noms.
Les amis de Lazare,
Nicodème, le fils de Siméon, Jean Marc, ne s'étaient guère entretenus
avec Jésus pendant la journée d'hier, mais ils ne cessaient de parler
entre eux de l'admiration que leur inspirait toute sa personne, sa
sagesse, les qualités qui le distribuaient comme homme et même son
extérieur ; quand il n'était pas là ou qu'ils marchaient derrière lui,
ils se disaient les uns aux autres : " Quel homme ! on n'en n'a jamais
vu, on n'en verra jamais de semblable ; quelle gravité, quelle douceur,
quelle sagesse, quelle pénétration, quelle simplicité ! Je ne comprends
pas entièrement ce qu'il dit, et je ne puis pourtant m'empêcher de le
croire parce qu'il le dit. On ne peut pas le regarder en face, il semble
qu'il lit dans la pensée de chacun. Quelle taille ! quel port majestueux
! quelle promptitude sans qu'il y ait pourtant rien de précipité ! Quel
homme a des allures comme les siennes ? avec quelle vitesse il chemine !
il arrive sans être fatigué et repart à son heure ! Quel homme il est
devenu ! "Puis ils parlaient de son enfance, de son enseignement dans le
temple, etc. Ils répétaient aussi ce qu'ils avaient entendu dire des
dangers qu'il avait courus sur la mer Morte, lors de son premier voyage,
et de la manière dont il avait secouru les mariniers. Mais aucun d'eux
ne soupçonnait que celui dont ils parlaient était le fils de Dieu ; ils
le trouvaient supérieur à tous les autres hommes, ils l'honoraient et il
leur inspirait une crainte respectueuse, mais il n'était à leurs yeux
qu'un homme merveilleux. Obed, de Jérusalem, était un homme âge, neveu
de la prophétesse Anne ; il était un de ceux qu'on appelait les anciens
du temple et membre du grand conseil ; c'était un homme pieux, disciple
caché de Jésus et tant qu'il vécut il aida la communauté.
J'ai vu beaucoup de choses
touchant Suzanne ; voici ce que j'en ai retenu : elle a été élevée par
Marie dans le temple, elle est riche et alliée par le sang à la sainte
Famille : car elle est fille naturelle d'un frère aîné de saint Joseph
et d'une mère issue égale. ment d'un commerce illégitime. un prince
persan, dont la famille était restée établie à Jérusalem depuis la
dernière conquête de la Judée, avait eu la mère de Suzanne d'une juive
qui n'était pas sa femme, et il avait laissé à la mère et à l'enfant de
grands biens qu'il possédait à Jérusalem. Je vis en vision comment la
mère de Suzanne avait fait connaissance à un bal avec un frère aîné de
saint Joseph, appelé Cléophas. C'était là qu'avait commencé cette
malheureuse liaison qui avait eu pour suite la naissance de Suzanne. Le
frère de Joseph était riche et vivait dans l'oisiveté. Je crois qu'il
était déjà marié. Mais on ne doit pas dire ces choses, car elles sont
restées assez secrètes. Suzanne fut élevée au temple et mariée plus tard
à un homme nommé Matthias, qui était parent de l'apôtre du même nom et
qui avait un emploi public. Suzanne avait une grande maison à l'ouest de
la montagne de Sion, à peu de distance de celle de Lazare. Entre autre.
visions qui la concernaient, j'ai vu la fête qui fut l'occasion de la
chute de sa mère. à l'exception de la danse d'Hérodiade, c'était, autant
qu'il m'en souvient, la première danse que j'eusse vue chez les Juifs.
On célébrait le jour de la fête d'un homme considérable. Je vis une
grande salle et aux deux côtés des personnes de distinction sur des
sièges élevés ; au milieu de la salle dansaient environ vingt femmes et
vingt hommes qui étaient en face les uns des autres. Il y avait toujours
deux hommes et deux femmes qui dansaient en se croisant. Au dessus des
danseurs plusieurs flambeaux étaient suspendus au plafond, et ces
flambeaux étaient placés de minière à indiquer les figures qu'on devait
faire. Les femmes qui dansaient étaient vêtues convenablement et leurs
robes avaient de longues queues ; cependant ces habits laissaient trop
voir la forme du corps. La danse n'était pas vive et sautillante, et les
danseurs ne se touchaient pas : on allait seulement en avant et en
arrière et on passait les uns devant les autres ; il y avait une grande
variété d'attitudes et de mouvements. On avait beaucoup d'occasions de
se regarder et de se considérer, ce qui devait donner naissance à de
mauvaises pensées. Les musiciens étaient sur une extrade à côté des
danseurs ; il y avait, je crois, de chaque côté, trois hommes ou jeunes
garçons avec des flûtes. Je me souviens de deux instruments : d'une
grande caisse triangulaire, avec des cordes tendues aux trois côtés et
d'un singulier instrument à vent, fait d'un gros roseau creux dans
lequel on soufflait et auquel étaient ajustés plusieurs cornets de
différente grandeur, que l'on attachait ou que l'on détachait suivant
les circonstances ; ils étaient placés les uns sous les autres et
tournaient autour de la tige principale On démontait l'instrument quand
on l'apportait ou qu'on le remportait.
Le matin les amis de
Jérusalem revinrent à la ville ainsi que Suzanne, Marie, mère de Marc,
et Véronique. Marie et les saintes femmes restées avec elle
travailleront ensemble. Marie était très attristée de ce que Jésus lui
avait dit. Elle raconta beaucoup de choses sur là sagesse et la vertu
merveilleuse de son fils quand il était enfant. Elles visitèrent aussi
des malades à Béthanie, les consolèrent et les assistèrent. Elles
doivent aller ensemble à Jérusalem.
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