LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

RÉVÉLATIONS CÉLESTES

Livre VIII

— Chapitres 48 à 61 —

CHAPITRE 48

Pourquoi la parole de Dieu est obscure, etc.

La Mère de Dieu parle à l’épouse, disant : Ma fille, je vous ai dit ci-dessus quelle était la dernière lettre que je devais envoyer à ce roi, mon ami, ce qu’il faut entendre de celles qui touchent sa personne en particulier, et à moi. Si quelqu’un entendait chanter quelque chose utile qui appartînt à son ami, et qu’il le lui rapportât certainement, soit que cela fût un cantique de joie ou une lettre de répréhension salutaire, ils seraient dignes de récompense l’un et l’autre, celui qui l’a chantée et celui qui l’a rapportée.

De même en est-il de la justice justifiante de Dieu en l’équité et en la miséricorde, qui veut chanter la justice et la miséricorde. Quiconque donc voudra ouïr, qu’il oie. Ce n’est point une lettre de répréhension, mais un cantique de justice et d’amour, car jadis, quand on envoyait une lettre à quelqu’un, elle contenait répréhension et avertissement ; elle reprenait d’ingratitude des bénéfices et avertissait de la conversion des mœurs. Mais maintenant la justice divine chante un beau cantique qui touche à tous : celui qui l’entendra et le recevra en croyant et en faisant de bonnes œuvres, trouvera le fruit de salut et le fruit de la vie éternelle.

Mais vous me pourriez demander pourquoi les paroles divines sont si obscures qu’on les peut interpréter en diverses manières, et que quelquefois elles sont autrement entendues de Dieu, autrement des hommes.

Je réponds : Dieu est semblable à un homme qui fait du vin ardent, ou bien de l’eau ardente, qui se fait du vin : celui-là a plusieurs alambics ou tuyaux, par lesquels tantôt le vin monte et tantôt descend par l’action de la chaleur, jusques à ce qu’il soit parfait. Dieu en fait de même en ses paroles, car quelquefois il monte par les effets de sa justice ; quelques autres fois il descend par les effets de sa miséricorde, comme cela paraît par le roi à qui le prophète dit qu’il mourrait et que la justice le voulait. Puis il lui ajouta plusieurs années de vie par la miséricorde.

Quelquefois Dieu descend par la simple prolation de sa parole De sa parole et manifestation corporelle, mais il descend aussi par l’intelligence spirituelle, comme en David, à qui plusieurs choses ont été dites sous le nom de Salomon ; mais elles ont été accomplies comme elles avaient été entendues du Fils de Dieu et par lui. Quelquefois il parle des choses futures comme des choses passées, et touche semblablement le présent et le futur, d’autant qu’en Dieu toutes choses sont présentes, le passé et le futur, quasi comme un point.

Vous ne devez admirer si Dieu parle par des manières obscures ; cela se fait pour quatre raisons :

1° Afin que Dieu montre sa grande miséricorde, de peur que quelqu’un, oyant la fureur de sa justice, ne désespère de la miséricorde, car quand l’homme change la volonté de pécher, Dieu change aussi alors la rigueur de sa sentence.

2° Afin que, croyant à la justice et aux promesses, nous soyons couronnés plus largement, à raison de la foi et de l’espérance amoureuse. Si on savait les conseils de Dieu avec certitude de temps, quelques-uns se troubleraient pour les cas et avènements contraires ; d’autres se désisteraient par dégoût de la ferveur de leurs désirs ; et partant, à raison de ces choses, quand j’écris à quelqu’un quelques paroles, il n’est pas exprimé en la conclusion, savoir, si ces paroles seront reçues et crues avec effet ou non ; ni aussi il n’est pas déclaré s’il les recevra, s’il y croira, et s’il y répondra avec effet ou non, car il n’est pas permis de savoir cela.

3° Afin qu’aucun ne présume malheureusement de discuter et éplucher mes paroles, car c’est lui qui abaisse et humilie les grands, et qui des ennemis fait des amis.

4° Afin que celui qui cherche occasion de savoir, la trouve, que ceux qui sont corrompus, le soient encore, et afin que les bons soient manifestés.

Le Fils de Dieu parlait après et disait : Si quelqu’un parlait à un autre par un tuyau ayant un trou, et disait à celui qui écoute : Vous n’entendrez jamais plus ma voix par ce trou, serait-il à reprendre, si après il parlait par les autres deux  ? De même en est-il maintenant en notre pourparler, car bien que ma Mère la Sainte Vierge ait dit que c’était la dernière lettre qui serait envoyée au roi, il faut entendre touchant sa personne. Mais maintenant, moi, Dieu, qui suis en ma Mère et ai ma Mère en moi, j’enverrai mon messager au roi, tant pour ceux qui vivent que pour la postérité. La justice donc et la miséricorde sont en Dieu de toute éternité, car de toute éternité cette justice fut en Dieu, car il est avant le temps tout plein de sapience et de puissance. Il voulut aussi que plusieurs participassent à sa bonté, et partant, il créa les anges. Quelques-uns d’eux, considérant leur beauté, désirèrent s’élever par-dessus Dieu : partant, ils tombèrent et devinrent des démons sous les pieds de Dieu.

Et encore en ces choses, Dieu exerce la miséricorde, car quand le diable accomplit le mal qu’il désire, il se console en quelque manière de sa malice, ce qu’il ne pourrait, si Dieu ne le lui permettait, non que pour cela la peine du Diable diminue, mais comme un malade se console, voyant que son ennemi est mort, bien que la douleur de sa maladie ne diminue point pour avoir ouï une telle nouvelle, de même le diable, à raison de l’envie dont il brûle que Dieu fasse justice contre les hommes, se réjouit, et quasi la soif de sa malice est étanchée par cela. Mais Dieu, voyant la diminution de ses troupes angéliques, créa, après la présomption des diables, l’homme, pour obéir à ses commandements et afin qu’il se sanctifiât, jusques à ce qu’autant d’hommes montassent au ciel qu’il en était descendu d’anges.

L’homme donc, ayant été créé parfait et ayant eu le commandement de vie, ne considéra pas Dieu, ne pensa pas à lui ni à l’honneur qui lui est dû, mais consentant à la suggestion du diable, enfreignit le commandement, disant : Mangeons du fruit défendu, et nous saurons, comme Dieu, le bien et le mal. Or, Adam et Ève ne voulaient point mal à Dieu, comme le diable, ni ne voulaient pas s’élever par-dessus Dieu, mais voulaient être sage comme Dieu : partant, ils sont tombés, non certes comme le démon, car il portait envie à Dieu, c’est pourquoi sa misère n’aura point de fin.

Mais l’homme a voulu autre chose que Dieu, c’est pourquoi il a souffert et mérité la justice avec la miséricorde. Or, ils ressentirent la justice, quand ils obtinrent la nudité pour la robe de gloire, la faim pour l’abondance, les vers et les tentations pour la tranquillité, le labeur pour le repos. Ils ont encore obtenu soudain La miséricorde, savoir, un vêtement pour la nudité, de la viande pour la faim, l’assurance de leur union pour la propagation de la prospérité. Certainement Adam fut d’une vie fort honnête, et n’eut jamais autre femme qu’Ève.

Dieu fait aux âmes miséricorde et justice. Dieu a fait trois choses grandement excellentes :

1° les anges, qui sont esprit, et non chair ; 2° l’homme, qui a l’esprit et la chair   3° les animaux, qui ont la chair, mais non pas une âme intelligente et raisonnable comme l’homme. Or, l’ange, qui est un esprit, est uni incessamment avec Dieu, c’est pourquoi il n’a pas besoin l’aide humain ; mais l’homme, qui est chair, n’est pas toujours si uni à Dieu que ce qui est mortel ne soit séparé de l’esprit. Et afin que l’homme subsistât, Dieu lui créa l’animal irraisonnable, pour le secourir, le servir et lui obéir, Dieu exerce sa miséricorde en ces animaux en quelque manière : ils n’ont point les appréhensions de la mort ; il se contentent d’une vie simple.

Après, le déluge étant passé, Dieu fit aussi miséricorde avec justice, car Dieu pouvait bien, s’il l’eût voulu, introduire en peu de temps son peuple d’Israël en la terre promise ; mais la justice demandait que les vases qui devaient tenir et contenir une bonne liqueur, fussent plus tôt nettoyés et sanctifiés, auxquels aussi Dieu fit de grandes miséricordes, car un homme, Moïse, priant, leur péché leur fut pardonné et la grâce divine leur fut donnée. Semblablement, après l’incarnation, jamais ma justice n’a été sans miséricorde.

Or, lors une voix cria très-haut, disant : O Mère de miséricorde, Mère du roi éternel ! obtenez-nous la miséricorde. Les prières et les larmes du Roi, votre serviteur, sont venues à vous. Nous savons que la justice veut que ses péchés soient punis, mais obtenez-nous la miséricorde, afin qu’il se convertisse, fasse pénitence et honore Dieu.

L’Esprit répondit : Il y a en Dieu quatre sortes de justice : La première est que celui qui est incréé et de toute éternité soit honoré sur toutes choses, car en lui et par lui sont unies et subsistent toutes choses. La deuxième est que tous servent celui qui a été toujours, qui est, et qui est né en son temps déterminé, et qu’il soit aimé avec toute pureté. La troisième justice est qu’à celui qui est de sa nature impassible et a été passible en l’humanité, et qui, ayant pris la mortalité, a mérité à l’homme l’immortalité, soit désiré plus que tout ce qui se peut désirer. La quatrième justice est que ceux qui sont inconstants et volages cherchent la vraie constance, et que ceux qui sont plongés dans les ténèbres désirent la lumière, c’est-à-dire, le Saint-Esprit, demandant son aide avec contrition et vrai humilité.

Mais quand à ce roi, serviteur de la Mère de Dieu, pour lequel est maintenant la miséricorde, la justice dit qu’il ne lui reste pas assez de temps pour purifier les péchés commis contre la miséricorde divine, comme la justice l’exige, ni même son corps ne pourrait souffrir les peines que ses péchés méritent. En vérité la miséricorde de la Mère de Dieu a impétré et mérité la miséricorde pour son serviteur, afin qu’il oie et voie ce qu’il a fait, et comment il se pourra amender, s’il se veut convertir, s’amender et s’exciter à contrition.

Et soudain je vis au même instant au ciel une maison d’une grandeur et d’un éclat admirables. En la maison, il y avait un pupitre, et en icelui un livre, et devant ce livre l’ange et le diable, l’un desquels, savoir, ce diable, parlait, disant : Mon nom est Hélas. Cet ange et moi suivons une chose désirable à nous, car nous voyons que Dieu tout-puissant propose de grandes choses pour bâtir, et c’est pourquoi nous travaillons, l’ange pour la perfection de la chose, et moi pour sa destruction. Mais il arrive que quand cette chose désirable vient quelquefois en mes mains, elle est de tant de ferveur et chaleur que je ne la puis tenir ; mais quand elle vient aux mains des anges, elle est si froide et si glissante qu’elle retombe soudain de leurs mains.

Et quand je considérais attentivement et regardais sur le pupitre, mon esprit ne pouvait comprendre avec toute sa considération comme il était, ni mon âme ne comprit jamais sa beauté ni son éclat, ni l’ange ne le saurait exprimer.

L’aspect de ce pupitre était comme un rayon de soleil, ayant la couleur rouge et blanche et d’or reluisant. La couleur d’or était reluisante comme un soleil ; la couleur blanche était comme de la neige très-blanche, et la rouge comme la rose rouge ; et chaque couleur, par une admirable disposition, était vue en l’autre. En effet, quand je regardais la couleur d’or, je voyais la blanche et la rouge en elle, et ainsi dans chaque couleur je voyais les autres ; néanmoins l’une était distincte et séparée de l’autre, mais en tout elles semblaient égales. Mais lorsque j’ai regardé en haut, je n’ai pu comprendre sa hauteur, largeur et longueur, car toutes choses étaient en ce pupitre d’une grandeur incompréhensible.

Après, je vis en ce pupitre un livre resplendissant comme l’or très-éclatant. Ce livre était ouvert ; il n’était pas écrit avec de l’encre, mais chaque parole était vivante en ce livre et parlait d’elle-même, comme si quelqu’un disait : Faites cela ou cela ; et soudain cela était fait à l’émission de la parole. Pas un ne lisait l’écriture du livre, mais tout ce que l’écriture contenait se voyait tout au pupitre et en ses couleurs.

Je vis devant ce pupitre un roi qui vivait au monde ; à gauche du pupitre, je vis un autre roi mort qui était en enfer ; à droite je vis aussi un autre roi mort qui était en purgatoire. Le roi vivant susdit était comme dans un globe de verre, assis et couronné. Sur le globe pendait un glaive à trois pointes, horrible, s’approchant du globe à tous les moments, comme fait l’aiguille de l’horloge à son signe.

A la droite du même roi vivant était un ange qui avait un vase d’or et un sein ; à gauche était le diable, ayant des tenailles et un marteau, et tous deux combattaient à qui s’approcherait de plus près du globe de verre pour le rompre.

Lors j’ouïs une voix horrible du diable qui disait : Jusques à quand ceci sera t-il  ? Nous poursuivons tous deux une même proie, mais nous ignorons à qui elle sera.

Et soudain la justice divine parla et me dit : Ce qui vous est montré n’est pas corporel, mais spirituel. L’ange et le diable ne sont pas corporels, mais ceci se fait de la sorte, d’autant que vous ne pouvez pas comprendre les choses spirituelles que par des similitudes corporelles. Le roi vous paraît vivant dans le globe de verre, d’autant que la vie n’est que comme du verre fragile qui se casse en un moment. Le glaive à trois pointes, c’est la mort, qui fait trois choses quand elle vient : elle débilite le corps, change la conscience, mortifie toutes les forces, divisant comme un glaive l’âme de la chair.

Or, quand à ce que l’ange et le diable semblent se débattre sur le globe de verre, cela signifie qu’un chacun veut avoir l’âme du roi, qui sera adjugée à celui aux conseils duquel elle obéira le plus. Quand à ce que l’ange a un vase et un sein, cela signifie que comme l’enfant se repose au sein de sa mère, de même l’ange s’efforce que l’âme soit présentée à Dieu comme en un vase, et qu’elle se repose au sein de la divine consolation. Quand à ce que le diable a des tenailles et des marteaux, cela signifie que le diable attire l’âme par les tenailles d’une maudite délectation, et la lâche par le marteau dans le cours et penchant de ses péchés. Quand au globe de verre, quelquefois trop ardent, quelquefois lubrique et trop froid, il signifie l’inconstance du roi, car étant assailli par les tentations fâcheuses et importunes, il pense à part soi : Bien que je sache que j’offense Dieu, j’accomplirai pourtant la pensée de mon esprit pour cette fois, car je ne puis plus pour le présent m’en retirer. Et de la sorte, je pèche sciemment contre Dieu, et péchant sciemment, je tombe entre les mains du diable. Après, le roi se confessant et s’excitant à la contrition, s’évade et s’affranchit des griffes de Satan, et vient en la puissance du bon ange ; et partant, si ce roi ne quitte son inconstance, il est en grand danger ; son fondement est fort débile et mal assuré.

Après, je vis à l’autre bout du pupitre cet autre roi mort qui fut, tout revêtu des habits royaux, damné dans l’enfer. Je le voyais mort, pâle et très-hideux. Il y avait devant sa face une roue ayant quatre lignes à l’extrémité. Cette roue tournait à la volonté du roi, et les lignes montaient et descendaient selon son plaisir, car le mouvement de la roue était en la puissance du roi. Les trois lignes étaient écrites, mais en la quatrième, il n’y avait rien d’écrit.

Je vis encore à la droite de ce roi un ange très-beau, les mains duquel étaient vides, et il servait au pupitre. Il y avait à gauche un diable horrible, la tête duquel était comme celle d’un chien ; son ventre était profond et insatiable, son nombril ouvert, bouillant là dedans du venin coloré, puant et pestifère ; en chaque pied il avait trois ongles, grands, fort et aigus.

Or, lors un qui était là, luisant comme le soleil, me dit : Ce roi que vous voyez est misérable, la conscience duquel vous sera maintenant manifestée quel il a été en son royaume, et quel en ses intentions quand il mourait. Or quelle a été sa conscience avant qu’il régnât  ? Vous ne le savez pas. Néanmoins, sachez que son âme n’est pas devant vos yeux, mais bien sa conscience. Et d’autant que l’âme et le diable ne sont pas corporels, mais spirituels c’est pourquoi les supplices et tourments du diable vous sont montrés par des similitudes corporelles.

Et soudain ce roi mort commença à parler, non de la bouche, mais comme du cerveau, et dit : O mes conseillers, telle est mon intention, car tout ce qui est sujet à la couronne de mon royaume, je le veut posséder et conserver. Je le veux encore m’efforcer d’amplifier et étendre mon royaume, et non le diminuer. Or, de quelle manière ce que je possède a été obtenu, je ne veux point m’en enquérir : il me suffit de le défendre et de l’augmenter.

Et lors le diable s’écria, disant : Voilà qui est troué : qu’est-ce que mes griffes y feront  ?

Lors la justice répondit du livre : Mettez dans le trou une griffe, et tirez-le à vous.

Et soudain que la justice eut prononcé cette parole, la griffe y fut mise. Et soudain vint le marteau de la miséricorde, par lequel le roi pouvait casser la griffe, s’il eût cherché en toutes choses la vérité et s’il eût changé sa volonté en mieux.

Le même roi parla encore et dit : O mes conseillers et mes hommes, vous m’avez pris en seigneur, et moi je vous ai pris en conseillers. Je vous montre, dans mon royaume, un homme qui a traité de mon honneur et de ma vie, qui dresse des embûches à mon royaume, qui trouble le repos public et le bien commun du royaume. Si donc un tel homme est toléré, la république se perdra, les discordes la mineront, et les maux d’intestins s’augmenteront dans le royaume. Les doctes et les idiots, les grands et les petits croient à mes paroles, de sorte que cet homme que j’avais diffamé de trahison, fut grandement blâmé, souffrit du mal et fut confus, et on donnait sentence de l’envoyer en exil. Ma conscience néanmoins savait bien quelle était la vérité sur ce fait, que j’avais dit faussement force choses contre cet homme pour l’ambition du royaume et pour crainte de ne régner, afin que mon honneur se dilatât, et afin que le royaume me fût plus assuré et à la postérité. J’ai pensé aussi à part moi : Bien que je susse la vérité comment le royaume m’avait été acquis et comment cet homme avait été blâmé, si toutefois je le reçois encore en grâce et si je dis la vérité, tout l’opprobre et tout le dommage fondront sur moi. Et partant, je résolus en mon esprit de mourir plutôt que dire la vérité, et que de révoquer mes paroles et mes faits, quoi qu'injustes.

Lors le diable répondit : O Juge, voyez en quelle manière ce roi me donne sa langue.La Justice divine répartit : Mettez-lui un lacet.

Et soudain que le lacet lui fut mis, devant la bouche de ce roi pendait un fer très très-aigu, avec lequel il pouvais couper le lacet, s’il eût voulu.

Le même roi dit : O mes conseillers, je me suis conseillé des prêtres et des docteurs de l’état de mon royaume, qui me disaient que si je consignais mon royaume ès mains d’autrui, je serais la ruine de plusieurs, le traître de la vie et de l’honneur, et le violateur de la justice et des lois. Et partant, afin que je retienne mon royaume pour moi et que je le défende des corsaires, il nous faut inventer quelque chose de nouveau, car les anciens revenus prévenus du fisc ne sont point suffisants ni capables pour le gouvernement et la défense du royaume : partant, j’ai inventé quelques nouvelles impositions de tributs et des actions trompeuses pour mettre sur mon royaume, au dommage de plusieurs citoyens de mon royaume, voire de plusieurs innocents qui ne font que passer leur chemin, et de plusieurs marchands. J’ai résolu de persévérer en ces nouvelles inventions d’impositions jusques à la mort, bien que la conscience me dicte que c’est contre Dieu, contre ma justice et l’honnêteté publique.

Et lors le diable s’écria, disant : O Juge, ce roi a abaissé les deux mains sur mon vase plein d’eau : que dois-je donc en faire  ?

La Justice répondit : Épanchez sur celles-ci votre venin.

Et lors le diable ayant épandu son venin, soudain vint un vase d’onction par lequel ce roi pouvait anéantir ce venin. Et lors le démon cria hautement, disant : Hélas ! je vois une chose admirable et inscrutable, car mon crochet est mis dans le cœur de ce roi ; et soudain il lui a été offert en son sein un grand marteau. Mon lacet était en sa bouche, et un fer tranchant lui est soudain offert. Mon venin a été épandu en ses mains, et on lui offre encore un vase d’onction.

La Justice répondit du livre qui était au pupitre, disant : Toutes choses ont leur temps. La miséricorde et la justice s’en vont au-devant.

Après cela, la Mère de Dieu me parlait, disant : Venez ma fille ! Voyez, oyez qu’est-ce que le bon esprit suggère à l’âme, et ce que lui suggère le malin esprit, car tout homme reçoit des influences et visites, quelquefois du bon esprit, quelquefois du malin, et il n’y en a pas un qui ne soit visité de Dieu tandis qu’il vit.

Et soudain le même roi apparut mort, l’âme duquel le bon esprit inspirait, pendant qu’il vivait, en cette manière : O mon ami, vous êtes obligé d’obéir à Dieu de toutes vos forces, car il vous a donné la vie, la conscience l’entendement, la santé et l’honneur ; et d’ailleurs, il vous a conservé lorsque vous étiez en péché.

La conscience du roi répondit par une similitude : Il est vrai, dit elle, que je suis tenu de servir Dieu, par la puissance duquel je suis créée et rachetée ; par la miséricorde duquel je vis et je subsiste.

Et au contraire, l’esprit malin suggérait au même roi : Mon frère, dit-il, je vous conseille bien : faites comme celui qui a accoutumé de nettoyer les pommes : il jette la peau et garde tout ce qui est bon : faites-en de même, car Dieu est humble et miséricordieux, patient et n’ayant besoin de personne. Donnez donc vos biens, desquels commodément vous vous pouvez passer, mais gardez pour vous ce qui vous est utile et agréable. Faites aussi tout ce qui déleste la chair, car vous pourrez vous amender facilement, et ce qu’il ne vous plaît de faire, ne le faites pas, bien que vous en soyez tenté ; et au lieu de cela, donnez l’aumône, car de là plusieurs peuvent être consolés.

La conscience du roi répondit : C’est un bon conseil. Je pourrai de fait donner quelque chose du mien, duquel je n’ai point besoin, que Dieu répute néanmoins grande chose. Le reste, je le garderai pour mes propres usages et pour acquérir l’amitié de plusieurs.

Après, l’ange qui avait été donné pour la garde du roi parla par des inspirations, disant au roi : O mon ami, pensez que vous êtes mortel et que vous mourrez bientôt ; que Dieu est juste et patient ; qu’il examine toutes vos pensées et vos œuvres, depuis le commencement jusques à la fin ; qu’il indique toutes vos pensées, paroles et œuvres, et ne laisse rien indécis. Partant, servez-vous raisonnablement du temps de vos forces ; composez vos membres pour l’utilité de votre âme ; vivez modestement, n’accomplissant point les désirs de la chair, car ceux qui vivent selon la chair et selon leurs voluptés n’arrivent jamais en paradis.

Et soudain le malin esprit suggéra au roi d’autres mauvaises pensées, disant : O mon frère, si vous devez rendre raison à Dieu de toutes les heures et moments, quand est-ce que vous vous devez réjouir  ? Or, écoutez mon conseil : Dieu est miséricordieux et il est facilement apaisé, car il ne vous eût pas racheté, s’il vous eût voulu perdre : c’est pourquoi l’Écriture dit que tous les péchés sont remis par la contrition. Faites donc comme fit un certain homme fin et rusé, qui devais payer à son créditeur vingt livres d’or : il n’avait pas de quoi payer ; il vint à son amis pour prendre conseil ; celui-ci lui conseilla de prendre vingt livres de cuivre, de les dorer d’une livre d’or, et ainsi dorées, les bailler au créditeur en paiement. Or, faisant selon le conseil que son ami lui avait donné, il paya à son créditeur, et réserva pour lui dix livres d’or pur. Faites-en de même : disposez les dix-neuf heures du temps à la délectation et au plaisir de votre corps. Il vous suffit d’employer une heure pour vous exciter à la douleur et contrition de vos péchés. Faites donc sans craindre, avant et après la confession, tout ce qui vous plaît et délecte, car comme le cuivre doré semble tout or, de même les œuvres du péché, qui sont désignées par le cuivre, dorées par l’or de la charité, seront blanchies et reluisantes comme de l’or.

Lors la conscience du roi répondit : Ce conseil semble délectable et raisonnable, car faisant de la sorte, je puis disposer tout mon temps selon mon contentement et ma joie.

Après, le bon ange parla au roi par ses inspirations, lui disant ; O mon ami, pensez, 1° comment Dieu vous a tiré du ventre de votre mère ; 2° pensez avec quelle patience Dieu souffre que vous viviez ; 3° considérez avec quelle amertume il vous a racheté de la mort éternelle.

Mais le diable lui suggérait le contraire, disant au roi : O frère, si Dieu vous a tiré du ventre étroit de votre mère pour vous mettre dans la largeur du monde, pensez aussi qu’il vous tirera derechef du monde par une dure mort ; et si Dieu permet que vous viviez longuement, considérez que vous avez au monde beaucoup de tribulations et d’adversités. Si Dieu vous a racheté par une dure mort, qui la contraint à cela  ? Vous ne l’en avez point prié.

Le roi répondit en sa conscience : Il est vrai, ce que vous me suggérez ; je suis pourtant plus marri qu’il me faille mourir que de ce que je suis né, car il m’est plus fâcheux de souffrir les adversités du monde que toute autre chose. J’aimerais donc mieux, si l’option m’était donnée, vivre dans le monde sans tribulations et y être consolé, que d’être séparé du monde. J’aimerais aussi mieux avoir la vie perpétuelle au monde avec la félicité mondaine, que d’avoir été racheté par le sang de Jésus-Christ, car je ne me soucierais point d’être au ciel, si je pouvais jouir du monde selon mes souhaits.

Et lors j’ouïs du pupitre une voix qui disait : Retirez du roi le vase d’onction, car il a péché contre Dieu le Père, car Dieu le Père, qui est éternellement dans le Fils et le Saint-Esprit, a donné par Moïse la loi vraie et droite. Mais ce roi a fait une loi toute contraire et méchante. Mais d’autant que ce roi fais quelque peu de bien, quoique non pas avec bonne intention, c’est pourquoi le royaume lui sera conservé durant le cours de sa vie, afin qu’il soit ainsi récompensé dans le monde.

La parole de Dieu parla derechef du pupitre, disant : Ôtez la parole subtile de devant les yeux du roi, car il a offensé le Fils de Dieu, qui lui même dit en l’Évangile que justice sans miséricorde sera faite à celui qui n’a point fait miséricorde. Or, ce roi n’a point voulu faire miséricorde à celui qui était justement affligé, ni corriger son erreur, ni changer sa méchante volonté. Mais d’autant qu’il a fait quelque peu de bien, on lui donnera quelque récompense. Qu’il ait donc la parole de sapience en la bouche et qu’il soit estimé sage de tous.

En troisième lieu, la parole de Justice parla et dit : Qu’on ôte au roi le marteau, car il a péché contre le Saint-Esprit, car le Saint-Esprit pardonne les péchés à tous ceux qui s’en repentent ; mais ce roi a résolu de croupir en iceux tout le temps de sa vie ; néanmoins il fait quelque peu de bien. Partant, qu’on lui donne ce qu’il désire pour le contentement du corps, savoir, la femme qu’il désire en épouse pour le plaisir, et afin qu’il obtienne une belle et désirable fin de vie, selon le jugement du monde.

Après cela, la fin de la vie du roi s’approchant, le diable dit : Voilà que le vase d’onction, est ôté : partant, je l’empêcherai de faire de bonnes œuvres.Et soudain que la parole du diable fut prononcée, le roi fut privé de la force et de la santé, et soudain le diable dit : Le fer tranchant est ôté. Partant, j’appesantirai et serrerai mon lacet.

Et soudain le roi fut privé de sa parole, et en ce point, la Justice parlait au bon ange qui avait été commis à la garde du roi, disant : Cherchez dans la roue, voyez laquelle des lignes tend en haut, et lisez son écriture.

Et voici que la quatrième ligne tendait en haut, ou il n’y avait rien d’écrit, mais elle était comme une roue rasée. Et lors la Justice dit : D’autant que cette âme a aimé ce qui était vain, qu’elle aille donc à son rémunérateur.

Et soudain l’âme du roi a été séparée du corps. Et l’âme étant entièrement séparée, le diable cria soudain, disant : Je romprai le cœur de ce roi, car je possède son âme.

Et soudain je vis comme ce roi était changé depuis la tête jusques aux pieds, et paraissait horrible comme un animal écorché. Ses yeux étaient arrachés, et sa chair était comme toute hachée. Puis on ouït sa voix plaintive : Malheur à moi qui me suis aveuglé comme un petit chien qui est né en sa cécité, cherchant le derrière de ma mère, n’ayant voulu voir, à raison de mon ingratitude, les mamelles de ma mère ! Malheur à moi qui vois, dans ma cécité, que je ne verrai jamais Dieu ! Hélas ! ma conscience comprend maintenant pourquoi je suis tombé, qu’est-ce que je devais faire et que je n’ai pas fait.

Malheur à moi qui, par la providence divine, étant né au monde, reçus le baptême, et ai négligé et oublié Dieu ! Et d’autant que je n’ai pas voulu boire le lait de la douceur divine, je suis maintenant plus semblable à un chien aveugle qu’à un enfant vivant et voyant. Or, bien que je sois roi, je suis contraint de dire la vérité contre ma volonté, car je suis comme lié de trois cordes, et j’étais obligé de doucement servir Dieu par la promesse du baptême, à raison du saint Sacrement du mariage et de la couronne. Mais j’ai méprisé le premier, quand je convertis mes actions vers le monde ; je ne considérais le second, quand je désirais la femme d’autrui. J’ai négligé le troisième, quand je me rendais orgueilleux de la puissance terrestre et ne considérais point la puissance céleste. Partant, bien que je sois aveugle maintenant, je vois pourtant en ma conscience que, pour le mépris que j’ai eu du baptême, je dois être lié à la rage du diable, et je dois souffrir et chercher les plaisirs de Satan en vengeance de mes voluptés charnelles. A raison de ma superbe, je dois être lié aux pieds de Satan.

Le diable dit alors : O frère, il est temps maintenant que je te parle, et qu’en parlant, j’exécute. Viens donc à moi, non avec charité, mais avec haine. J’étais le plus beau des anges, mais toi, tu étais homme mortel. Dieu tout-puissant m’a donné le libre arbitre ; mais d’autant qu’avec dérèglement je le tournai plutôt à haïr Dieu qu’à l’aimer, afin que j’excellasse par-dessus lui, à raison de cela, je suis tombé comme celui qui a la tête en bas et les pieds en haut. Mais toi, comme tout autre homme, tu as été créé après ma chute et as obtenu un privilège spécial sur moi, savoir, tu as été racheté par le sang du Fils de Dieu, et non pas moi. Mais d’autant que vous avez méprisé le sang du Fils de Dieu et son amour, tournez votre tête à mes pieds, et je prendrai de ma bouche vos pieds, et nous serons ainsi conjoints ensemble comme ceux-là dont l’un met le couteau au cœur de l’autre, et celui-ci dans les entrailles du premier. Percez-moi donc de votre colère, et je vous percerai de la fureur de ma malice. Et d’autant que j’avais une tête, c’est-à-dire, le pouvoir d’honorer Dieu, si j’eusse voulu, et que vous aviez des pieds et de la force pour aller honorer Dieu, et n’avez pas voulu, partant, il consumera mes pieds par le feu et roidira vos pieds par le froid.

Vous brûlerez incessamment, mais vous ne serez pas consumé ; voire vous serez renouvelé dans les feux. Lions-nous aussi avec trois cordes : la première liera votre nombril et le mien, afin que, quand je soufflerai, je verse mon venin en toi, et quand tu souffleras, j’attire en moi toutes tes entrailles, et avec raison, car tu as plus aimé toi-même que ton Créateur, et moi aussi je me suis plus aimé moi-même que mon Créateur. Avec la deuxième nous lierons ta tête à tes pieds, et avec la troisième, mes pieds et ta tête.

Après, je vis ce diable qui avait trois ongles très-aigus en chaque pied, et il dit au roi : D’autant que vous, ô frère, aviez des yeux pour voir la voie de la vie, et une conscience pour discerner le bien du mal, partant, deux de mes ongles perceront vos yeux. Le troisième ongle entrera en votre bouche ; vous en serez tellement affligé que toutes choses vous en seront amères, d’autant que l’offense de Dieu vous était au commencement à goût.

Ces choses étant dites, ils furent conjoints en la manière susdite, et tous deux liés descendirent en l’abîme infernal. Et lors j’ouïs une voix qui disait : Hélas ! hélas ! qu’est-ce que le roi a maintenant de toutes ses richesses  ? Certainement, il n’a plus autre chose que damnation. Que lui reste-il de tous les honneurs que honte  ? Que lui reste-il de la cupidité et ambition de régner, si ce n’est que peine  ? Il a été oint de l’huile sacrée, consacré par paroles saintes ; sa tête a été ornée d’une couronne royal, afin qu’il honorât les paroles et les œuvres de Dieu, défendit et protégeât son peuple et régnât, qu’il sût qu’il était sous les pieds du roi Jésus-Christ, et que Dieu était son rémunérateur. Mais d’autant qu’il a méprisé d’être sous les pieds de Dieu, il est maintenant sous les pieds du diable ; et n’ayant voulu rédimer son temps par des bonnes œuvres, le pouvant faire, il n’en aura jamais plus le temps !

Après cela, la Justice du pupitre me disait : Toutes ces choses que je vous ai décrites au long s’y sont passées en un point devant Dieu : mais vous, qui êtes corporel, devez entendre les choses spirituelles par les corporelles. Quand à ce que vous avez vu ce roi, ouï l’ange et le diable parler ensemble, ce ne sont qu’inspirations et influences du bon ou du mauvais esprit, faites par elles-mêmes ou par les conseillers du roi.

Quand le diable criait que la muraille était percée, cela se devait entendre que l’âme du roi était percée par le péché, lorsqu’il disait qu’il voulait tenir et retenir tout ce qui était sous sa couronne, quoique cela fût mal acquis, s’endurcissant en cela, sans se vouloir informer sur ce qui lui appartenait justement et ce qu’il avait injustement, et lorsqu’il ne se soucia point de savoir comment la justice se rendait en son royaume. Or, lors le crochet du diable fut mis en l’âme du roi, quand la tentation de Dieu prévalut en son esprit, et quand il voulut persévérer en son injustice jusques à la mort.

Quand à ce que le marteau vient en la poitrine du roi, cela signifie le temps de contrition, donné au roi ; car si ce roi se fût entretenu en telles pensées, disant : Hélas ! j’ai péché. Je ne veux plus pécher à escient ni tenir ce qui est mal acquis ; je m’amenderai donc du reste ; soudain le crochet de la justice eût été ruiné et brisé par le marteau de la contrition, et le roi fût arrivé à une bonne voie et vie. Quand à ce que le diable cria : Voici que le roi me présente sa langue, et que soudain le lacet y fut mis, le roi ne voulant point faire grâce à l’homme qu’il avait diffamé, il faut entendre cela en autre manière, savoir, que quiconque diffame sont prochain à escient, pour amplifier et étendre sa propre renommée, est régi d’un malin esprit et doit être lié comme un larron. Or, quand à ce que le fer aigu est venu devant le roi après le lacet, cela signifie le temps de changement de correction d’une mauvaise volonté en une vertueuse action.

Quand donc l’homme corrige sa faute par une bonne volonté et un bon amendement, une telle volonté est comme un fer tranchant par lequel on coupe les lacets du diable et on obtient rémission de ses péchés. Si ce roi donc eût changé sa volonté et eût fait grâce à cet homme qu’il avait injurié et diffamé, soudain le lacet du diable eût été coupé ; mais d’autant qu’il a résolu de mal faire, la justice de Dieu a permis qu’il s’endurcit de plus en plus.

En troisième lieu, vous avez vu que lorsque le roi songeait à de nouvelles impositions de tributs et exactions, le venin fut répandu en ses mains, et tout cela signifie que les œuvres du roi étaient régies par un esprit diabolique et par de méchantes suggestions ; car comme le venin refroidit et inquiète le corps, de même ce roi était sollicité et inquiété par de malignes suggestions et pensées, en recherchant les manières comment il pourrait posséder les biens d’autrui et l’or des vivants ; car quand les viateurs dormaient, ils croyaient que leur argent était en sa bourse ; et étant éveillés, ils voyaient que leur argent était en la puissance du roi.

Le vase d’onction qui vient après le venin signifie le sang de Jésus-Christ par lequel tout malade est sanctifié et vivifié. Partant, si le roi eût trempé ses œuvres dans le sang de Jésus par la méditation, et eût prié Dieu qu’il fût son aide, disant : O mon Dieu, qui m’avez créé et racheté, je sais que, par votre permission, je suis venu au royaume et à le couronne : combattez et abattez donc les ennemis qui combattent contre moi, et payez mes dettes, car les biens de mon royaume ne suffisent pas ; en vérité j’eusse rendu facile les œuvres et les fardeaux pour les porter. Mais d’autant qu’il désirait le bien d’autrui, voulant être vu juste où il savait qu’il était injuste, le diable a gouverné son cœur, me conseillant et persuadant d’agir contre les constitutions de l’Église, de faire la guerre et de tromper les innocents, jusques à ce que la justice divine a dit du pupitre jugement et équité.

La roue qui se mouvait selon l’état du roi signifie la conscience du roi, qui, à guise d’une roue, se tournait et se mouvait, maintenant à la justice, maintenant à la joie. Les quatre lignes qui étaient en la roue signifie les quatre volontés que tout homme est tenu d’avoir, savoir une volonté parfaite, forte, droite et raisonnable.

La parfaite volonté est aimer Dieu et le désirer sur toutes choses, et c’est ce qui devait être en la première ligne.

La deuxième volonté est le désir de faire au prochain toutes sorte de biens comme à soi-même pour l’amour de Dieu ; que cette volonté soit forte, afin qu’elle ne soit rompue par la haine ou par l’avarice.

La troisième volonté est vouloir s’abstenir des désirs charnels et désirer les choses éternelles ; cette volonté doit être droite, afin qu’on fasse le tout, non pour plaire aux hommes, mais à Dieu, et ces choses doivent être écrite en la troisième ligne.

La quatrième volonté est ne vouloir user du monde que pour la seul nécessité, et encore raisonnablement.

La roue apparut renversée en la ligne, d’autant que le roi aimait les plaisirs du monde, ayant méprisé la dilection divine. En la deuxième ligne était écrit qu’il avait aimé les honneurs et les hommes du monde.

En la troisième était écrite la délectation qu’il avait avec dérèglement aux possessions et richesses du monde. En la quatrième ligne il n’y avait rien d’écrit, mais tout était vide, en laquelle ligne devait être écrit : Dilection de Dieu sur toutes choses. Le vide donc de la quatrième ligne signifie défaut de crainte et dilection divine, car par la crainte, Dieu est attiré dans l’âme, et par la dilection, Dieu est uni à l’âme; car si l’homme, en toute sa vie, n’avait point aimé Dieu, et disait, à la fin de ses jours, de tout son cœur : O Dieu, je me repens de vous avoir offensé. Donnez-moi votre dilection, et je m’amenderai ; du reste, un tel homme n’irait point en enfer. D’autant que le roi n’a pas aimé celui qu’il devait, il a maintenant la récompense de sa dilection.

Après cela, je vis cet autre roi à la droite de la Justice, qui était en purgatoire, semblable à un enfant qui vient de naître, ne pouvant se mouvoir, si ce n’est lever les yeux. A la gauche du roi, je vis aussi un diable, la tête duquel était semblable à un soufflet avec un long tuyau. Les deux bras étaient comme deux couleuvres, ses genoux comme une presse, ses pieds comme de longs crochets. A la droite du roi était un bon et bel ange préparé pour l’aider. Et lors j’ouïs une voix qui disait : Ce roi n’apparut pas être tel que son âme était disposée, quand elle sortit du corps.

Et soudain le diable cria au pupitre, disant : Il y a ici quelque chose d’admirable. Cet ange et moi attendions la naissance de ce roi, lui avec sa pureté, moi avec mon impureté. Or, cet enfant étant né, la pureté apparut en sa chair, non pour la conserver, ce que l’ange abhorrant, il ne voulut toucher l’enfant ; mais moi je le touchai, étant tombé en mes mains. Je ne savais où le conduire à raison de mon aveuglement et à raison de quelques rayons de charité qui sortaient de son cœur. Or, l’ange le voyait et savait où il le voulait amener, mais il ne pouvais le toucher. Partant, vous qui êtes juste juge, videz et jugez notre différend.

La parole qui était dans le pupitre dit : Vous qui parlez, apprenez pourquoi cette âme du roi est tombée en vos mains.

Le diable répond : Vous, qui êtes la justice même, avez dit que pas un n’entrerait au ciel qu’il n’ai restitué ce qu’il tient injustement. Or, cette âme est toute souillée de ce qu’il a tenu injustement, de sorte que son corps, son sang, ses veines en étaient nourris et accrus. En second lieu, votre justice dit qu’il ne faut point amasser de trésor que la rouille et la teigne démolissent, mais bien ceux qui demeurent éternellement. Or, en cette âme, ce lieu était vide, où les célestes trésors doivent être enserrés, et ce lieu-là était plein, où les grenouilles et les vermisseaux étaient nourris.

En troisième lieu, vous avec dit qu’il fallait aimer le prochain pour l’amour de Dieu : mais cette âme a plus aimé son corps que Dieu, et ne s’est aucunement souciée de la dilection divine, car étant dans la chair, elle se consolait quand on lui portait le bien d’autrui. Il blessait le cœur de ses sujets, ne se souciant point du dommage d’autrui, pourvu qu’il abondât. Il a fait aussi tout ce qui lui a plu, lui a commandé tout ce qu’il a voulu, et s’est soucié bien peu de l’équité. Voici donc les causes principales, qui sont suivies d’autres innombrables.

Lors la parole parla encore du livre de justice, disant à l’ange : O vous, ange gardien de l’âme, qui êtes en la lumière et voyez la lumière, qui avez le droit et la vertu pour aider cette âme ?

L’ange répondit : Elle a eu la sainte foi; elle a cru et espéré que tout péché était effacé par la contrition et confession; elle a aussi craint Dieu bien moins qu’elle ne le devait.

D’ailleurs, la justice parla du livre, disant : O vous, ô mon ange, il vous est maintenant permis de toucher cette âme, et à toi, diable, il t’est aussi permis de voir l’éclat de l’âme. Informez-vous donc l’un et l’autre de ce que cette âme a aimé, quand elle vivait au monde et quand elle était saine en son corps.

L’un et l’autre répondirent, savoir, l’ange et le démon : Elle a aimé les hommes et les richesses.

Et lors la Justice dit : Qu’est-ce qu’elle aimait, quand elle était agitée des pressures de la mort  ?

Ils répondirent : Soi-même, car elle était plus en angoisse de l’infirmité de la chair et de la tribulation du cœur, que de la mort et passion de son Rédempteur.

D’ailleurs la Justice leur parlait : Informez-vous encore de ce qu’elle a aimé, et à quoi son esprit était occupé au dernier période de sa vie, quand elle avait la conscience saine et l’esprit.

L’ange dit : Elle pensait : Malheur à moi qui ai été trop osée et effrontée contre mon Rédempteur ! Plût à Dieu que j’eusse le temps de rendre grâces à mon Dieu des bienfaits dont il m’a comblée ! Plus d’affliction me donne d’avoir péché contre Dieu que la douleur de ma chair, bien que je n’obtienne point le ciel, néanmoins, je voudrais servir mon Dieu.

La Justice répondit du livre, disant : D’autant que toi, ô diable, tu ne peux voir l’âme en raison de son éclat, ni vous, ô ange, ne pouvez la toucher à raison de son impureté, partant, le jugement veut que toi, ô diable, la purifies; et vous, ô ange, consolez-la jusqu’à ce qu’elle soit arrivée à la gloire éternelle. Et vous, ô âme, il vous est permis de regarder l’ange et de prendre consolation de lui. Vous serez participant au sang de Jésus-Christ, aux prières de sa Mère et de l’Église.

Or, ces choses étant ouïes, le diable dit à l’âme : D’autant que vous êtes venue à mes mains, pleine de viandes et de biens mal acquis, c’est pourquoi je vous égoutterai maintenant par ma presse.

Et lors le démon mit le cerveau du roi entre ses genoux semblables à une presse, et le serra avec tant de violence que toute la moelle s’écoulait et se rendait déliée comme la feuille d’un arbre.

Le diable dit encore à l’âme : Le lieu où les vertus devraient être est vide : partant, je le remplirai. Et lors il mit en l’oreille du roi comme un canal, la remplissant d’un vent horrible, de sorte que toutes les veines et les nerfs du roi étaient tous enflés et se rompaient misérablement.

En troisième lieu, le diable dit à l’âme du roi : D’autant que vous avez été impie et sans miséricorde envers vos sujets qui vous devaient être comme des enfants, mes bras vous serreront comme si on vous mordait, car comme vous avez affligé vos sujets, de même mes bras vous déchireront comme des serpents, avec une douleur insupportable et horrible. Après ces trois peines, le diable voudrait aggraver encore les peines et commencer par la première. Lors je vis l’ange de Dieu étendre ses mains sur les mains du diable, de peur qu’il ne donnât autant de peine qu’à la première, et de la sorte, l’ange adoucissait les peines à chaque fois, et à chaque peine, l’âme élevait ses yeux vers l’ange, ne disant pourtant rien, mais seulement elle marquait en son geste qu’elle était consolée par lui, et que bientôt elle serait affranchie de ses peines.

La voix parlait encore du pupitre, disant : Toutes les choses qui vous sont montrées avec tant de sérieux devant Dieu, sont faites devant Dieu en un seul point; mais d’autant que vous êtes corporelle, il fallait vous manifester ceci par similitude corporelle. Partant, bien que ce roi ait été avide des honneurs du monde et de recevoir ce qui ne lui appartenait point, néanmoins, d’autant qu’il a craint Dieu et a laissé de prendre ses plaisir pour la même crainte, cette crainte l’a attiré à l’amour de Dieu. Partant, sachez que plusieurs, enveloppés dans les filets de plusieurs péchés, obtiennent la contrition avant la mort, la contrition desquels peut être si parfaite que, non-seulement le péché leur est pardonné, mais encore la peine du purgatoire, s’ils meurent dans la même contrition.

Mais le roi n’a pas obtenu la contrition avant le dernier point de sa vie, et lors, par ma grâce, il obtint (bien que ses forces lui manquassent), la contrition, et souffrait plus de douleur de m’avoir offensé et de m’avoir déshonoré, que de la douleur qu’il endurait et de celle qu’il devait encore endurer. Or, cette douleur signifiant cette grande lumière, de laquelle le diable étant obscurci, ignorait où l’âme du roi devait être conduite. Il n’était pas obscurci pour n’avoir des intelligences spirituelles, mais d’autant qu’il admirait une si grande lumière en l’âme avec une si grande immondicité. Mais l’ange savait bien où il avait conduit cette âme, mais d’autant qu’il ne la pouvait toucher avant d’être purifiée, comme il est écrit : Pas un ne verra la face de Dieu qu’il ne soit purifié.

La parole me disait encore : Quant à ce que vous avez vu que l’ange étendait ses mains sur les mains du diable, afin qu’il n’aggravât ses peines, cela signifie la puissance des anges sur le diable, à réfréner et à contenir leur malice, car le diable n’a ni ordre ni mesure en ses punitions, s’il n’est retenu par la vertu divine : c’est pourquoi Dieu fait de même miséricorde en enfer, car bien que les damnés n’aient point de rédemption, ni rémission, ni consolation, néanmoins, d’autant qu’ils ne sont point punis par-dessus leurs démérites et selon la justice divine, en cela Dieu leur fait une grande miséricorde, autrement le diable n’aurait point de mesure en ses supplices ni en sa malice.

Quant à ce que ce roi vous semblait comme un enfant nouvellement né, cela signifie que quiconque voudra de la vanité du monde naître à la vie céleste, doit être innocent, et avec la grâce de Dieu croître en toute sorte de vertus jusques à la perfection. Quant à ce que le roi levait ses yeux vers l’ange, cela signifie qu’il recevait de la consolation par le moyen de son ange gardien, et une joie provenant de l’espérance qu’il avait d’arriver enfin en la vie éternelle. Ainsi donc, les choses spirituelles se donnent à entendre par les similitudes corporelles, car les diables ou les anges n’ont point ces membres ni tant de paroles entre eux, vu que ce sont des esprits, mais leur bonté ou leur malice est déclarée aux yeux du corps et montrée comme au doigt par telles similitudes.

La parole du pupitre parlait encore et me disait : Le pupitre que vous avez vu signifie la Déité même, savoir, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Et ce que vous n’avez pu comprendre la longueur, largeur, profondeur et hauteur du pupitre, cela signifie qu’en Dieu il ne se trouve point de commencement ni de fin, d’autant que Dieu était et est sans principe et sera sans fin. Et ce que chacune des trois couleurs susmentionnées se voyait en l’autre, et que toutefois l’on discernait l’une d’avec l’autre, cela signifie que le Père est éternellement au Fils et au Saint-Esprit, le Fils au Père et au Saint-Esprit, et le Saint-Esprit en tous les deux, n’étant qu’une seule nature distincte par la propriété des personnes. La couleur qui semblait comme de sang et rouge signifie le Fils qui, sans lésion de la Déité, se revêtit de la nature humaine, la faisant subsister par son hypostase et subsistance personnelle.

La couleur blanche signifie le Saint-Esprit, par lequel les péchés sont lavés. La couleur dorée signifie le Père, qui est le principe et la perfection de toutes choses, non qu’il y ait quelque perfection de plus au Père qu’au Fils, ni que le Père ait été plus tôt que le Fils; et afin que vous entendiez que le même qui est le Père n’est pas le Fils, mais que le Père est autre en personne, le Fils autre en personne, le Saint-Esprit autre en personne, et tous trois un en nature, c’est à cette cause que vous sont montrées trois couleurs distinctes et conjointes : distinctes pour la distinction des personnes; conjointes et unies pour l’unité de la nature. Et comme en chaque couleur vous avez vu les autres couleurs et n’en avez pu voir une sans l’autre, ni rien de prieur ou de postérieur, plus grand ou plus petit en celles-ci, ainsi en la Trinité, il n’y a ni prieur ni postérieur, ni plus grand ni plus petit; rien de divisé ou de confus, mais une seule volonté, une éternité, une puissance, une gloire. Et quoique le Fils soit du Père et le Saint-Esprit de tous les deux, toutefois le Père n’a jamais été sans le Fils et le Saint-Esprit, ni le Fils et le Saint-Esprit sans le Père.

La parole me parlait aussi et me disait : Le livre qui se voyait sur le pupitre signifie qu’en la Déité, il y a une éternelle justice et sagesse, à laquelle il ne se peut rien ajouter ou diminuer, et c’est ici le livre de vie, qui n’est pas écrit comme l’écriture, qui est et n’a pas été, car l’écriture de ce livre est toujours, car il y a en la Déité ce qui est éternel et intellectif de toutes choses présentes, passées et à venir, sans changement ou vicissitude quelconque de sa part, et rien ne lui est invisible, parce qu’il voit tout.

Et ce que la parole se disait elle-même, cela signifie que Dieu est la parole éternelle de laquelle sont toutes les paroles, et en laquelle toutes choses sont vivifiées et subsistent. Et lors la parole parlait visiblement, quand le Verbe fut fait chair et quand il conversait parmi les hommes. Au reste, la Mère de Dieu vous a mérité cette vision divine, et c’est la miséricorde promise au royaume de Suède, savoir, que les hommes qui seraient en celui-ci entendraient les paroles qui procèdent de la bouche de Dieu. Et s’il y en a peu qui reçoivent et croient les paroles célestes qui vous sont divinement données, ce n’est pas la faute de Dieu, mais des hommes qui ne veulent pas quitter le glaçon de leur âme; car aussi les paroles de l’Évangile ne sont pas accomplies avec les premiers rois de ce temps-là, mais il viendra encore des temps où elles le seront.

CHAPITRE 49

Jésus-Christ déclare à son épouse pourquoi Dieu afflige le peuple d’Israël au désert, et non en Égypte, et de la probation de Moïse. Il reprend aussi un roi avec menaces, d’autant qu’il ne compatissait point aux misères de ses sujets, et qu’il était gouverné par de mauvais conseillers; et qu’il ne se confie point en ce qu’auparavant il l’avait appelé son ami.

Notre-Seigneur parlait à son épouse, disant : Au peuple d’Israël, il y avait trois sortes d’hommes. Quelques-uns d’entre eux aimaient Dieu et Moïse; les autres s’aimaient plus qu’ils n’aimaient Dieu; les autres n’aimaient ni Dieu ni Moïse, mais seulement les choses de la terre. Et comme ce peuple était en Égypte, ils étaient tous appelés enfants de Dieu et enfants d’Israël, mais tous ne servaient pas Dieu avec un esprit et une affection égale. Ainsi, quand il plut à Dieu de tirer hors de l’Égypte ce peuple, quelques-uns crurent à Dieu et à Moïse; les autres imitaient Dieu et Moïse : c’est pourquoi Dieu montra sa grande miséricorde et justice aux endurcis.

Mais vous pourrez me demander : Pourquoi Dieu mit-il ce peuple hors de servitude ? pourquoi ne l’affligea-t-il plutôt en Égypte, sachant qu’il n’était pas encore temps de leur faire miséricorde, et que leur malice n’était pas encore accomplie et montée jusqu’à son dernier point ?

A cela je réponds moi-même : Dieu élut le peuple d’Israël comme des écoliers, pour l’instruire et l’éprouver dans le désert, écoliers qui avaient besoin d’un pédagogue qui allât devant eux et leur montrât le chemin de parole et de fait. Afin donc qu’ils fussent plus parfaitement instruits, le désert leur était plus propre que l’Égypte, de peur qu’en celle-ci ils ne fussent trop inquiétés par les Égyptiens en la discipline de la justice de Dieu, ou de peur que, parmi les signes de la miséricorde qu’il faut cacher aux chiens, ils ne s’élevassent présomptueusement et malicieusement. Moïse aussi, comme maître de tout ce peuple, eut besoin d’être éprouvé, afin qu’ayant été connu de Dieu, il fût aussi connu de ses disciples pour l’imiter, comme celui qui avait donné de plus grandes preuves de foi par la folie du peuple, et qui avait été rendu plus remarquable et plus connu de tous par ses signes. Je dis avec vérité que, même sans Moïse, le peuple eût été tiré de l’Égypte, et que, sans Moïse, ce même peuple fût mort.

Mais à cause de sa bonté, le peuple ne fut pas affligé d’une mort si universelle, et pour sa charité, il fut couronné plus glorieusement, ce qui n’est pas de merveille, car en la mort d’un chacun, Moïse pâtit et endura par compassion. Dieu donc différa sa promesse, pour que le peuple fût éprouvé et que sa divine majesté se fit connaître par divers signes, par sa miséricorde et sa patience, comme aussi afin que la perverse volonté et l’ingratitude du peuple se donnassent à connaître pour précaution à l’avenir.

Ainsi plusieurs saints, suivant l’inspiration du Saint-Esprit, sont entrés dans les terres des infidèles, qui n’ont pas obtenu ce qu’ils voulaient; et toutefois, à cause de leur bonne volonté, ils ont eu de très-glorieuses couronnes, et à cause de leur patience, Dieu a fait avancer le temps de la miséricorde, et a d’autant plus conduit à fin le nouveau chemin qu’ils essayaient de faire.

De là vous voyez qu’il faut toujours révérer et craindre les jugements de Dieu, et se donner bien de garde que la volonté de l’homme ne soit contraire à la volonté de Dieu. Mais ce roi dont je vous parle et que vous connaissez n’était pas porté d’une volonté pareille à celle de Moïse, d’autant qu’il ne se souciait pas que tout son peuple mourût, pourvu qu’il se sauvât et demeurât toujours en honneur, se laissant gouverner par des conseils diaboliques. Il ne voulut jamais quitter son obstination et l’inconstance de son esprit, ni obéir au conseil de ceux à qui il devait obéir, desquels il pouvait avoir le lait de la sagesse divine et du changement de vie, ce qui n’est pas de merveille, car il était descendu d’un homme irritant Dieu à tout propos et ne se corrigeant que par les afflictions.

Sachez aussi qu’il y a eu en ce royaume quatre sortes de générations de rois : en la première ont été l’ambition et la cruauté, lesquelles Dieu a endurées pour quelques bonnes œuvres et pour les péchés du peuple. En la deuxième ont été l’incontinence et l’injustice, que Dieu a miséricordieusement humiliées et appelées sur la couronne. La troisième génération a procédé d’une racine ambitieuse et d’un trône dur, en laquelle étaient la cupidité et l’amour de soi-même : c’est pourquoi Dieu l’a punie temporellement, afin qu’à l’avenir elle ne fût pas si mal.

En la quatrième sont l’humilité feinte et simulée, la prodigalité et le défaut de justice : c’est pourquoi, par charité, je lui montrerai la miséricorde et le jugement, et si elle ne m’écoute, je l’affligerai et la flagellerai depuis la tête jusques aux pieds, en telle sorte que tous ceux qui l’entendront s’en émerveilleront et trembleront de peur de la justice de Dieu. Or, qu’il ne se confie point en ce que je l’ai dit mon ami, mais qu’il prenne garde à la conclusion de mes paroles, savoir, que, s’il me garde sa foi, je lui tiendrai aussi ma promesse.

CHAPITRE 50

Paroles de Jésus-Christ révélées à l’épouse pour l’empereur d’Allemagne, à ce qu’il tâche de remettre en l’Église de Dieu quatre vertus qui ont été chassées de leurs sièges, et qu’on ôte entièrement les quatre vices contraires qui ne règnent que trop dans l’Église.

Jésus-Christ commanda à l’épouse d’écrire à l’empereur comme d’elle-même les paroles de la révélation divine en ces termes : Je me plains, non seulement, etc.(Vous trouverez ce Chap. au Liv. IV, Chap. XLV.)

CHAPITRE 51

L’empereur Jésus-Christ écrit à l’empereur d’Allemagne, lui faisant savoir comme de sa propre bouche il a tenu avec son épouse plusieurs discours qui sont écrits au Livre céleste, et lui commande de les voir et de les éplucher, et de s’employer vers Sa Sainteté pour la confirmation de la règle qu’il a dictée à l’épouse.

Jésus-Christ parlait à son épouse, disant : Écrivez de ma part ces paroles à l’empereur : Je suis cette lumière qui illumina toutes choses quand elles étaient couvertes de ténèbres. Je suis aussi cette lumière qui, étant invisible par la Déité, ai paru visible par l’humanité. Je suis cette lumière qui vous ai établi au monde comme une clarté spéciale, afin qu’en vous il se trouvât plus de justice qu’aux autres, et afin que vous conduisiez tout le monde à la justice et à la piété : c’est pourquoi moi, qui suis la vraie lumière et qui vous ai fait monter au trône impérial, je vous fais savoir, parce qu’il me plaît ainsi, que je parle à une femme des paroles de justice et de miséricorde. Recevez donc les paroles des livres qu’elle a écrits, dictées de ma bouche; épluchez-les, et mettez peine que ma justice soit redoutée et ma miséricorde désirée avec discrétion.

Sachez aussi, vous qui tenez l’empire, que moi, auteur et créateur de toutes choses, j’ai dicté une règle de religieuses à l’honneur de la Vierge, ma très chère Mère, et l’ai donnée à cette femme qui vous écrit. Lisez-la donc tout du long, et employez-vous envers le pape, pour que, devant les hommes, elle soit approuvée par lui, qui est mon vicaire en terre, moi l’ayant approuvée dans le ciel devant tous les bienheureux.

CHAPITRE 52

Jésus-Christ conseille à un roi qui avait été désobéissant aux conseils de la Vierge, sa Mère, de s’en aller au pape, et de lui demander l’absolution de quelques grands et énormes péchés contenus ici, sans les cacher ni s’excuser, mais s’humiliant de tout son cœur, d’autant que les plus grands péchés doivent être remis et absous par le grand vicaire de Notre-Seigneur.

Le Fils de Dieu parle à son épouse et lui dit : D’autant que le roi a été désobéissant aux conseils de ma Mère, à cette cause, moi, qui suis Fils de Dieu et qui suis en ma Mère, je lui conseille de s’en aller au pape, et de lui demander humblement l’absolution de ses péchés, car les péchés qui sont parvenus au souverain degré de malice, doivent être remis par le souverain pontife, qui en a la puissance souveraine, car elle est entre les mains de celui-là qui, dans le monde, étant assis en mon siège, a le pouvoir de lier et de délier en mon nom.

Or, si le roi suit mon conseil, je lui donnerai un trésor très-précieux; je le défendrai contre ses ennemis et j’acquitterai toutes ses dettes, soit corporellement, soit spirituellement, s’il n’a pas de quoi pour les payer, et je compterai chaque pas qu’il fera pour l’amour de moi, et le lui remesurerai en la vie éternelle. Or, quand il sera arrivé par devers le souverain pontife, qu’il s’humilie de tout son cœur, sans cacher ses péchés ni s’excuser, mais qu’il demande l’absolution de la désobéissance aux constitutions de la sainte Église, de l’excommunication dont il est lié, du parjure public, de la foule extraordinaire de ses sujets, de la promotion qui, à son occasion, a été faite des clercs indignes aux bénéfices de l’Église, et de ce qu’il avait entrepris et essayé contre les louables coutumes et statuts du royaume et des évêques.

CHAPITRE 53

Jésus-Christ conseille par son épouse au roi susdit d’aller vers le pape, non avec pompe et grande famille, faisant de grandes largesses pour être loué des hommes, mais qu’il y aille humblement et modestement, ayant un train nécessaire, honnête et dévot.

Notre-Seigneur parlait à son épouse et lui disait : Si le roi va vers le souverain pontife et qu’il estime que ses péchés soient grands, qu’il se donne garde des flatteurs qui lui conseillent d’y aller avec pompe, afin que son nom soit loué en terre, comme aussi de ceux qui lui conseillent de faire des largesses, afin de faire publier sa renommée et d’assembler une grande et nombreuse famille, de peur d’être surpris par les ennemis; mais qu’il y aille humblement et sagement, ayant avec soi un train nécessaire, non superflu, et des serviteurs dévots et honnêtes, employant ses biens, non pour en faire parade, mais pour l’honneur de Dieu et pour sa nécessité.

Or, qu’il se garde prudemment de ceux qui désirent lui nuire, car bien que je puisse toutes choses, toutefois il faut quelquefois se gouverner selon les conseils et l’aide des hommes. Et bien que je parlasse avec Moïse, toutefois il ouït et suivit le conseil d’un homme païen qu’il trouva à propos.

CHAPITRE 54

Jésus-Christ avertit par son épouse les rois de se décharger du fardeau de leurs péchés, et qu’à l’exemple de l’ange qui apparut à Tobie ceint et troussé pour aller par pays, ils se ceignent d’une ceinture, c’est-à-dire, de la continence des paroles et bonnes œuvres, avant de sortir du monde, et qu’ils portent des robes non déchirées, mais honnêtes, et qu’ils aillent avec un geste modéré.

Notre-Seigneur parlait du roi susdit à l’épouse, lui disant : Il est écrit que l’ange de Dieu, ceint et comme tout prêt à se mettre en chemin, apparut à Tobie, lorsqu’il était prêt à faire un long voyage, ce qui est la marque et la figure d’un homme juste, car l’homme qui désire obtenir la rémission de ses péchés, doit se décharger d’iceux par la contrition et par la confession, et se ceindre de la continence des paroles et bonnes œuvres. Que ce roi donc fasse de même. Qu’il corrige toutes ses actions avant de sortir du monde, ayant un ferme propos de tellement rejeter toutes les légèretés passées, qu’il ne prenne plus de plaisir en celles-ci, car c’est une chose vilaine et honteuse que promettre à un très beau seigneur et maître de suivre sa beauté, et après cela imiter encore des façons de faire malséantes et très déshonnêtes.

Les serviteurs du roi David ayant la barbe vilainement rasée et leurs robes coupées à demi, ne purent entrer dans la Jérusalem terrestre, avant que leurs robes ne fussent premièrement rhabillées et que la barbe ne leur fût revenue, mais demeurèrent en un lieu de tribulation et de mépris, à combien plus forte raison moi, qui suis bien plus beau et plus fort que David, cherche la beauté ès hommes ! car je ne veux pas qu’ils portent des robes rognées à demi comme des bouffons; je ne veux pas qu’ils aient un geste comme des efféminés, mais je veux qu’ils aient ce qui leur est profitable et honnête, qu’ils soient vêtus pour leur bien, honnêtes pour mon honneur, et prêts à me rendre compte, quand il me plaira de les appeler du monde.

CHAPITRE 55

Jésus-Christ console son épouse et lui dit qu’elle ne taise point les paroles de Dieu qui lui sont révélées, bien qu’on le trouve mauvais; qu’elle ne les dise pas aussi pour la louange des hommes, d’autant que ceux à qui les conseils divins sont données, s’ils y obéissent, obtiendront la miséricorde qui leur est promise; s’ils les méprissent, encourront la divine justice.

Le Fils de Dieu parlait à l’épouse, disant : Vous qui voyez les choses spirituelles, vous ne devez pas les taire parce que vous en êtres blâmée, ni les dire, parce que vous êtes louée des hommes; et vous ne devez pas craindre de ce que mes paroles qui vous sont révélées sont méprisées et ne sont pas accomplies tout aussitôt, car la justice juge celui qui me méprise, et la miséricorde récompense celui qui m’obéit, et ce, en deux manières : 1° d’autant que la peine du péché est effacée du livre de justice; 2° d’autant que la récompense est augmentée selon la satisfaction des péchés.

C’est pourquoi j’envoie toutes mes paroles avec cette conclusion, savoir est, si ceux auxquels elles sont envoyées et les écoutent, les croient et les accomplissent par effet, que lors mes promesses seront accomplies. C’est à cette cause qu’Israël, ne voulant pas suivre mes commandements, quitta son droit et plus court chemin, et s’en alla par un autre, fâcheux et pénible, et se rendit odieux à tous. Il en est de même à présent, car le peuple de ce royaume, que j’avais affligé, n’est pas devenu plus humble ni plus obéissant pour ce coup de verge, mais s’est rendu plus audacieux contre moi et plus contraire à mes volontés.

Après ceci, j’ouïs une voix qui disait : O mon Fils, qui, par votre mort, avez délivré de l’enfer le genre humain, levez-vous et défendez-vous, d’autant que plusieurs, tant hommes que femmes, vous ont mis dehors et vous ont fermé la porte de leur cœur. Entrez donc sagement, comme Salomon, dans votre royaume. Ôtez puissamment, comme Samson, les portes de leurs gonds. Mettez le siège contre le clergé, et des pièges devant les pieds des soldats. Donnez de la terreur aux femmes avec les armes, et mettez par terre les puissants en la présence des peuples, et que pas un de vos ennemis n’échappe qu’auparavant il ne vous ait demandé miséricorde avec une vraie humilité, comme aussi tous ceux qui s’endurcissent contre vous.

CHAPITRE 56

Dieu le Père déclare à l’épouse, et lui montre tout au long le terrible procédé du jugement divin fait contre un roi ingrat, vivant encore et désobéissant aux conseils divins. Et en quelle manière l’épouse voyait l’Agneau, et en icelui une face humaine sur l’autel de la divine Majesté dans le ciel. Et au même instant, elle le voyait entre les mains du prêtre célébrant en terre; et comment les serviteurs et les sujets des rois étant affligés, soit en ce monde, soit en enfer ou en purgatoire, se plaignaient grandement à Dieu de ces rois et de leurs princes; et tous les saints demandaient justice d’eux.

Dieu le Père parlait à l’épouse, disant : Écoutez mes paroles, et dites ce que je vous commande, non pour votre honneur ou pour votre blâme, mais tenez votre esprit également en balance, sans pencher ni du côté de ceux qui vous louent, ni du côté de ceux qui vous blâment, à ce que vous n’entriez en colère pour le blâme ni en vanité pour la louange; car celui-là est digne d’honneur qui est et qui a été éternellement en soi-même; qui, mû par la charité seule, a créé les anges et les hommes, non pour autre sujet qu’afin qu’il y en eût plusieurs qui fussent participants de sa gloire, car je suis maintenant le même en puissance et en volonté que je fus lorsque mon Fils prit chair humaine; je suis et j’ai été en lui, et lui a été en moi, et le Saint-Esprit en tous deux; et bien qu’il fût caché au monde que ce fût le Fils de Dieu, toutefois il fut connu de quelque petit nombre : c’est pourquoi sachez que cette justice de Dieu, qui n’a jamais eu de commencement non plus que Dieu même, et que la lumière fut montrée aux anges avant de voir Dieu, lesquels ne churent pas pour avoir ignoré la loi et la justice de Dieu, mais parce qu’ils ne la voulurent pas garder, car ils savaient fort bien que tous ceux qui aimeraient Dieu verraient Dieu et demeureraient éternellement avec lui; que ceux qui haïraient Dieu seraient éternellement punis sans le voir jamais en sa gloire. Et toutefois leur ambition et cupidité leur firent plutôt choisir de haïr Dieu pour être punis, que de l’aimer afin d’avoir une joie éternelle.

La justice qui fut exercée à l’endroit de l’homme est semblable à celle des anges, car l’homme est plutôt tenu d’aimer Dieu et puis de le voir : c’est pourquoi mon Fils a voulu, par sa charité, naître après la loi de justice, afin d’être visible par son humanité, ne pouvant l’être par sa Divinité. De plus le libre arbitre fut donné aux hommes comme aux anges, pour désirer les choses célestes et mépriser celles de la terre : c’est pourquoi je visite plusieurs en plusieurs et différentes manières, quoique ma Déité ne soit point vue, et j’ai montré, en plusieurs endroits de la terre à plusieurs personnes, en quelle manière le péché de chaque contrée a pu être amendé, et en quelle manière on a pu obtenir miséricorde, avant que ma justice vînt à y prononcer et faire exécuter ses arrêts.

Mais les hommes ne considèrent pas ceci et ne s’en soucient pas. Cette justice aussi est en Dieu, que tous ceux qui sont sur la terre espèrent en premier lieu fermement ce qu’ils ne voient pas, et croient à l’Église de Dieu et au saint Évangile, après qu’ils aiment sur toutes choses celui qui leur a tout donné et s’est livré lui-même à la mort pour eux, afin que tous se réjouissent éternellement avec lui : c’est pourquoi je parle moi-même à ceux à qui bon me semble, afin qu’on sache comment on doit amender les péchés, diminuer la peine et augmenter la couronne.

Après ceci, je vis tous les cieux comme s’ils n’eussent été qu’une maison, en laquelle était assis un Juge sur un trône, et la maison était pleine de serviteurs louant le Juge chacun de sa voix. Sous le ciel se voyait un royaume. Et soudain fut ouïe de tous une voix qui disait : Venez au jugement, vous deux, vous, ange, qui êtes le gardien du roi, et toi, esprit malin qui es son gouverneur.

Et cette parole dite, l’ange et le diable comparurent devant le Juge. L’ange ressemblait à un homme tout troublé, et le diable à un homme plein d’aise et de joie. Et lors le Juge dit : Mon ange, je vous établis gardien du roi, lorsqu’il fit un pacte avec moi et se confessa de tous les péchés qu’il avait commis depuis sa jeunesse, afin que vous fussiez plus proche de lui que le diable. Comment est-ce donc que maintenant je vous vois éloigné de lui  ?

L’ange répondit : O Juge, je brûle du feu de votre charité, de laquelle aussi le roi fut échauffé pour un temps. Mais depuis qu’il a méprisé et eu en abomination ce que vos amis lui ont dit, et qu’il s’est ennuyé de faire ce que vous lui aviez conseillé, lors il s’en est allé où son plaisir l’a attiré, et s’éloignant de moi, il s’est à toute heure approché de l’ennemi.

Le diable répondit : O Juge, je suis le froid même, et vous, vous êtes la chaleur même et le feu divin. Comme donc quiconque s’approche de vous devient plus ardent aux bonnes œuvres, ainsi le roi, s’approchant de moi, s’est rendu plus froid à votre charité et plus chaud à mes œuvres.

Le Juge répondit alors : On avait persuadé au roi d’aimer Dieu sur toutes choses et le prochain comme soi-même : pourquoi donc m’ôtes-tu un homme que j’ai racheté de mon propre sang, et le fais porter préjudice au prochain, non-seulement en ses biens temporels, mais aussi en la vie  ?

Le diable répondit : O Juge, c’est maintenant à moi de parler et à l’ange de se taire. Quand le roi se départit de vous et de vos conseils et vint à moi, lors je lui conseillai de s’aimer soi-même plus que le prochain, et de ne se soucier point du bien des âmes, pourvu qu’il eût l’honneur du monde, et de ne prendre point garde qui souffrait nécessité ou injustice, pourvu que ses amis foisonnassent en toutes choses.

Et lors le Juge dit au diable : Quiconque voudra s’en aller d’auprès de toi, le pourra, et tu n’en pourras retenir aucun par force et malgré lui : c’est pourquoi j’enverrai encore au roi quelques-uns de mes amis, qui l’avertiront du danger où il est.

Le diable répondit : La justice est que quiconque veut m’obéir doit être gouverné par moi : c’est pourquoi je lui enverrai aussi de mes conseillers, et nous verrons quels conseils il suivra plus volontiers.

Lors le Juge dit : Va, d’autant que c’est ma justice d’adjuger au bourreau ce qui est à lui, comme au demandeur ce que le droit de sa cause lui donne.

Quelques années après, je vis derechef le Juge Jésus-Christ avec son armée céleste ; ému plus que de coutume et comme en colère, il dit à l’ange et au diable : Dites-moi qui de vous deux a vaincu.

L’ange répondit : Quand je vins au le roi avec les inspirations du ciel, et vos amis avec leurs paroles spirituelles, tout aussitôt les messagers du diable lui soufflèrent aux oreilles, disant : Vous ne devez point épargner les biens de ce monde, l’honneur, les âmes ni les corps, afin que vos amis, que vous aimez plus que vous-même, puissent prospérer et être honorés.

Le roi, consentant à ces suggestions, fit réponse à vos amis et à leurs saints conseils : Je suis assez suffisant et sage pour me conseiller sans vous. Retirez-vous donc de moi avec honte.

Et ainsi le roi, tournant le derrière de la tête et la face vers l’ennemi, repoussa d’auprès de soi vos amis avec déshonneur et injure, et moqués des amis du monde. Lors le diable s’écria : O Juge, c’est maintenant à moi de gouverner le roi et de lui donner du conseil par le moyen de mes amis.

Le juge lui répondit : Va, et afflige le roi autant qu’il t’est permis, d’autant qu’il a provoqué mon indignation contre lui.

Deux ans après ceci, le Juge apparut derechef, assisté de l’ange et du diable. Le diable se prit à parler, disant : O Juge, jugez. Je prononcerai maintenant justice, car vous êtes véritablement la charité même : c’est pourquoi il est hors de raison que vous fassiez votre demeure dans ce cœur, où sont enracinées l’envie et la colère. Vous êtes la sagesse même, c’est pourquoi vous ne devez pas être dans le cœur de celui qui désire nuire à la vie, aux biens et à l’honneur du prochain.

Vous êtes la vérité même, c’est pourquoi il n’est pas bienséant que vous demeuriez avec cet homme, qui avait promis et juré de faire des trahisons. Donc, parce que ce roi vous rejette comme on rejette avec horreur ce qui est abominable, permettez-moi de le jeter par terre, et de le presser de telle sorte qu’il en étouffe, d’autant qu’il estime mes conseils sagesse, et a les vôtres en dérision, car je désire le salarier d’une telle récompense, parce qu’il a fait ma volonté. Toutefois je ne pourrai rien faire sans votre permission.

Et voici que, ces choses ouïes, le Juge semblait être merveilleusement changé ; et lors il apparut reluisant comme un soleil, et dans ce soleil se lisaient ces trois mots :Vertu, Vérité, Justice.

La Vertu parlais et disait : J’ai tout créé sans aucun mérite précédent de la par des choses créées, c’est pourquoi je suis digne d’être honoré de toute créature, et non d’être méprisé. Je suis digne d’être loué de mes amis, à cause de ma charité, craint et respecté de mes ennemis, d’autant que je les supporte patiemment, sans qu’ils aient mérité cette grâce, dignes au contraire de jugement. C’est pourquoi c’est à moi, ô Satan, de juger un chacun selon ma justice, et non selon ta malice.

La Vérité aussi parla tout aussitôt, disant : J’ai pris de la Vierge l’humanité, étant en ma Déité. En cette humanité, je parlais et prêchais aux peuples. J’ai aussi envoyé le Saint-Esprit aux apôtres, et ai parlé par leurs langues, comme tous les jours je parle par une infusion spirituelle à qui bon me semble : c’est pourquoi je veux que mes amis sachent que moi-même, qui suis la Vérité, ai envoyé mes paroles à un roi qui les a méprisées. Toi donc, ô Satan, écoute maintenant, d’autant que je veux parler, afin qu’on sache si ce roi a obéi à mes conseils ou à tes suggestions. Je dis maintenant les conseils que j’ai donnés à ce roi, redisant en peu de mots ce qu’auparavant j’avais expliqué au long.

Il avait donc été persuadé à ce roi de se garder de tous péchés et de toutes les choses défendues par l’Église ; d’être modéré en ces jeûnes, afin de pouvoir ouïr les plaintes des sujets et y répondre ; d’être prêt à faire justice à ceux qui la demanderaient, riches ou pauvres indifféremment, de peur aussi qu’une trop grande abstinence ne portât préjudice au bien du peuple et au gouvernement de la chose publique, ou qu’un excès démesuré ne le rendît plus lâche et plus faible, pour donner audience à tous.

De plus, il lui fut montré en quelle manière il servirait Dieu et le prierait ; en quels jours et en quel temps il quitterait toute autre occupation pour le bien du public et pour le bien général de son royaume ; en quels jours il porterait la couronne royale à l’honneur et à la gloire de Dieu. Il fut aussi averti de communiquer ses conseils et traiter de toutes ses délibérations avec des amis de Dieu et des personnes qui aimassent la vérité, et que jamais à escient il ne transgressât la loi et la vérité ; qu’il n’imposât sur son peuple aucun tribut extraordinaire, si ce n’est pour la défense du royaume et pour la guerre contre les infidèles ; d’avoir un certain nombre de serviteurs et de domestique, selon la portée des revenus de son royaume, et quand au surplus, qu’il le distribuât entre les soldats et ses amis.

Il lui fut aussi conseillé d’avertir sagement, avec paroles douces et charitable, les insolents, malavisés, et de reprendre et châtier puissamment les superbes et obstinés ; d’aimer les hommes prudents et asservis de longtemps en l’amour de Dieu ; de défendre les habitants de son royaume et faire ses dons et libéralités avec discrétion ; de ne diminuer ou aliéner rien qui appartînt à la couronne; de juger équitablement les étrangers; d’aimer le clergé ; d’obliger à soi le soldat par démonstration de bienveillance, maintenant en paix ses peuples et ses sujets.

Ces choses ouïes, le diable répondit au Juge, disant : Et moi je conseillai au roi de faire quelques péchés qu’il n’osait faire en public. Je lui persuadai aussi de lire par un fort long temps, sans attention et sans dévotion de cœur, plusieurs oraisons et psaumes, afin que, prolongeant ainsi et employant inutilement le temps, il n’entends les plaintes de personne et qu’il ne rendît point de justice à celui qui souffrait injure.

Je lui donnai aussi avis de choisir un homme sans faire état de tous les autres gens de bien de son royaume, de l’élever par-dessus tous, de lui donner commandement sur tous, de l’aimer de tout son cœur et plus que soi-même, de haïr son fils au prix de lui, de grever par exactions ses sujets, de tuer les hommes, de dépouiller les églises ; davantage de permettre, en dissimulant la justice, qu’un chacun portât dommage à autrui, et de donner quelques terres appartenant à sa couronne à un grand prince d’un autre royaume, mon frère et mon ami juré, afin qu’à l’occasion de cette aliénation, il fût suscité des guerres et des trahisons ; que les justes et gens de bien fussent affligés, les mauvais plongés plus avant dans l’enfer, ceux qui iraient en purgatoire tourmentés davantage ; que les femmes fussent violées, les navires pris et pillés en la mer, les sacrements de l’Église méprisés ; que la vie luxurieuse fût continuée avec plus de liberté, et toutes mes volontés accomplies avec plus de licence. C’est pourquoi, ô Juge, on peut savoir et prouver par tous ces traits que le roi a commis plusieurs autres péchés, s’il a obéi à vos conseils ou aux miens.

La Justice, après ceci, vint à parler et répondre, en disant : Parce que le roi a eu la vertu en haine et a méprisé la vérité, à cette cause, c’est maintenant à toi d’accroître au roi quelques maux du grand nombre des tiens, et je dois, selon la justice, lui diminuer quelques biens des grâces qui lui ont été données.

Le diable répondit : J’accroîtrai, ô Juge, et multiplierai mes dons au roi, et premièrement je lui enverrai la négligence, afin qu’il ne considère point en son erreur les œuvres de Dieu, et qu’il ne pense point aux œuvres et aux exemples de vos amis.

La Justice répondit : Et moi je lui diminuerai les infusions de mon Saint-Esprit. Je lui ôterai les bons souvenirs, et les douces consolations qu’il a eues par ci-devant.

Et lors le diable : Je lui enverrai l’audace de penser et de faire dix péchés mortel et véniels sans honte aucune.

La Justice répondit : Je lui diminuerai la raison et la discrétion, afin qu’il ne considère et ne discerne point les jugements et la peine des péchés mortels et des péchés véniels.

Et lors le diable dit : Je lui enverrai la crainte, afin qu’il n’ose parler ou faire justice des ennemis de Dieu.

A quoi la Justice : Je lui diminuerai la prudence et la science de ce qui est à faire, afin qu’il soit plus semblable à un badin et à un bouffon qu’à un homme sage.

Le diable dit : Je lui mettrai dans le cœur des tribulations et des inquiétudes, d’autant qu’il ne prospérera pas selon sa volonté.

La Justice : Je lui diminuerai les consolations spirituelles qu’autrefois il a eues en ses œuvres et en ses oraisons.

Le diable : Je lui mettrai en l’esprit la ruse pour trouver de subtiles inventions par lesquelles il supplante et trompe ceux dont il désire la perdition.

La Justice : Je lui diminuerai l’entendement en telle sorte qu’il ne prendra pas garde à son honneur et à sa commodité propre.

Le diable : Je lui mettrai une telle réjouissance en l’esprit que même il se réjouira de sa honte, de la perte et du danger de son âme, pourvu que temporellement il puisse prospérer à souhait et selon son désir.

La Justice ; Je lui diminuerai cette considération et préméditation qu’ont les sages en leurs paroles et actions.

Le diable : Je lui donnerai une audace de femme, une crainte messéante, et des gestes tels qu’il sera plus semblable à un ribaud qu’à un roi couronné.

La Justice dit alors : Celui qui se sépare de Dieu est digne d’un tel jugement, car il doit être méprisé par ses amis, haï de tout le peuple et rejeté par les ennemis de Dieu, parce qu’il a abusé des dons de la divine charité, tant spirituels que corporels.

La Vérité alors parla et dit : Tout ce qui a été montré n’est pas pour les mérites du roi, l’âme duquel n’est pas encore jugée, mais elle le sera au dernier moment où elle sera appelée de ce monde.

Ces choses dites, je vis que ces trois, savoir, la Vertu, la Vérité et la Justice, étaient semblables au Juge qui parlait auparavant. Et lors j’ouïs une voix comme d’un chœur public qui disait : O cieux, et vous, étoiles du firmament, avec les planètes donnez audience  ! Et vous, esprit qui êtes dans les ténèbres, écoutez tous. L’Empereur souverain veut ouïr et faire jugement des princes de la terre.

Et soudain les choses que je vis n’étaient pas corporelles, mais spirituelles, et mes yeux spirituels étaient ouverts pour voir et pour ouïr. Et lors je vis venir Abraham avec tous les saints venus de sa génération. Tous les patriarches et les prophète vinrent. Après, je vis les quatre évangélistes, la forme desquels était semblable aux quatre animaux qu’on dépeint ès murailles dans le monde, animaux qui toutefois paraissent vivants et non morts. Après je vis douze sièges, et en iceux les douze apôtres, attendant la Puissance qui venait. Après tout ceci venaient Adam et Ève, avec les martyrs, les confesseurs et tous les autres saints descendus d’eux. L’humanité de Jésus-Christ ne paraissait pas encore, ni le corps béni de sa Mère, mais tous attendaient qu’ils vinssent. La terre et l’eau semblaient s’élever jusqu’au ciel, et tout ce qui était en iceux s’humiliait et se courbait devant la Puissance.

Après je vis un autel qui était au siège de la majesté, et un calice avec du vin et de l’eau, et du pain en forme de l’hostie qu’on montre à l’autel. Et lors je vis comme dans une église du monde un prêtre revêtu des ornements sacerdotaux commencer la messe, lequel ayant fait toutes les cérémonies et dit les oraisons accoutumées, comme il fut venu aux paroles avec lesquelles on bénit le pain, je voyais que le soleil, la lune, les étoiles et les planètes, tous les cieux avec leurs mouvements, retentissaient d’une douce harmonie, et leurs voix se répondant les unes aux autres, on entendrait un chant et une mélodie admirables. On voyait aussi une infinité de musiciens de toute sorte, dont les accords étaient si doux qu’il serait impossible aux sens de les comprendre et de les dire. Ceux qui étaient dans la lumière regardaient le prêtre, et s’inclinaient avec révérence et honneur devant la Puissance, mais ceux qui étaient en ténèbres étaient lors effrayés et tremblants.

Le prêtre donc ayant proféré les paroles divines sur le pain, il me semblait que ce même pain était en trois figures au siège de la majesté, demeurant néanmoins entre les mains du prêtre. Ce pain devenait un agneau vivant, et en l’agneau se voyait une face d’homme, et on voyait aussi une flamme ardente au dedans et au dehors de l’agneau et de la face. Et comme je regardais attentivement et fixement la face, je voyais l’agneau en icelle. Et regardant l’agneau, je voyais la même face en icelui. Et une vierge couronnée était assise avec l’agneau, et tous les anges les servaient, desquels on voyait un nombre aussi grand que celui des atomes dans le soleil, et une splendeur merveilleuse procédait de l’agneau. La multitude aussi des âmes saintes était si grande que mes yeux ne pouvaient arriver à la longueur, largeur, profondeur et hauteur d’icelle. Je vis aussi quelques sièges vides, qui doivent encore être remplis pour la gloire de Dieu.

Et lors j’ouïs une voix de la terre d’une infinité de millions qui criaient et disaient : O Seigneur, juste Juge, jugez nos rois et nos princes, et considérez l’effusion de notre sang, les douleurs et les larmes de nos femmes et de nos enfants. Regardez la faim que nous endurons, la honte, les plaies, la captivité, l’embrasement de nos maisons, les ravissements et les violences exercées contre l’honneur des jeunes filles et des femmes, les injures faites aux églises et à tout le clergé.

Voici les fausses et trompeuses promesses des princes et des rois, les trahisons et exactions qu’ils font avec colère et violence, d’autant qu’ils ne se soucient pas combien de milliers il en meurt, pourvu qu’ils puissent étendre et dilater leur superbe. Il y en avait après comme des milliers infinis qui, du profond des enfers, criaient et disaient : O Juge, nous savons que vous êtes créateur de toutes choses : jugez donc nos maîtres et seigneurs, que nous avons servis en terre, car ce sont eux qui nous ont plongés plus avant encore dans l’enfer. Et bien que nous vous désirions du mal, toutefois la justice nous force de nous plaindre et de dire la vérité, car nos seigneurs terriens nous ont aimés sans charité, ne se souciant pas plus de nos âmes que des chiens, leur étant indifférent si nous vous aimions ou non, désirant seulement d’être aimés et servis de nous : c’est pourquoi ils sont indignes du ciel, parce qu’ils ne se soucient pas de vous, et dignes de l’enfer, si votre grâce ne leur aide, d’autant qu’ils nous ont perdus, et nous voudrions endurer des peines encore plus graves que nous n’endurons, afin que leur peines n’eût point de fin.

Après, ceux qui étaient en purgatoire criaient aussi et semblaient dire : O Juge, nous avons été, par votre jugement, envoyés au purgatoire, à cause de la contrition et bonne volonté que nous avons eues à la fin de notre vie. C’est pourquoi nous nous plaignons de nos maîtres et seigneurs qui vivent encore en terre, car ils devaient nous avoir régis, avertis et repris de parole, nous avoir enseignés par leurs conseils salutaires et bons exemples. Mais c’étaient eux qui nous poussaient et encourageaient le plus à mal faire et à commettre des péchés : c’est pourquoi, à cause de ceux-ci, notre peine est maintenant plus forte, le temps de celle-ci plus long, la honte et la tribulation sont plus grandes.

Abraham avec tous les patriarches parla après, disant : O Dieu, entre toutes les choses désirables, nous désirions que votre Fils, qui maintenant est méprisé, naquît de notre race. C’est pourquoi nous demandons jugement sur eux, d’autant qu’ils n’ont point d’égard à votre miséricorde et ne craigne point votre jugement.

Les prophètes aussi parlèrent et dirent : Nous avons prophétisé la venue du Fils de Dieu, et dit qu’il était nécessaire que, pour la délivrance du peuple, il naquît d’une vierge, qu’il fût trahi, fait prisonnier, flagellé, couronné d’épines, et enfin qu’il mourût en croix pour ouvrir le ciel et effacer le péché. Or, d’autant que ce que nous avons prédit est maintenant accompli, c’est pourquoi nous demandons jugement sur les princes de la terre méprisants votre Fils, qui, par son immense charité, est mort pour eux.

Les évangélistes aussi parlèrent et dirent : Nous sommes témoins que votre Fils a accompli en soi-même toutes les choses qui avaient été prédites. Les apôtres dirent ensuite : Nous sommes juges ; c’est pourquoi c’est à nous de juger selon la vérité. Nous jugeons donc à perdition ceux qui méprisent le corps de Dieu et ses commandements.

Lors la Vierge, qui était assise près de l’agneau, commença à dire : O mon Seigneur et mon doux Jésus, ayez pitié d’eux. Le Juge répondit : Ce n’est pas justice que de vous refuser quelque chose. Ceux qui se déporteront du péché et feront une pénitence condigne, trouveront miséricorde, et je détournerai d’eux le jugement.

Après, je vis que la face qu’on voyait en l’agneau parlait au roi et lui disait : Je vous ai fait une grâce, car je vous ai montré ma volonté comment vous vous comporteriez au gouvernement de votre état, et comment vous vous gouverneriez vous-même honnêtement et avec prudence. Je vous attirais comme une mère attire son petit enfant, avec les douces paroles de ma charité, et vous donnais de la terreur par mes avertissements, comme fait un père à son fils. Mais vous, obéissant au diable, vous m’avez rejeté bien loin de vous, comme fais une mère qui rejette un enfant mort-né, qu’elle ne daigne toucher, encore moins lui présenter sa mamelle et le lui mettre sur la bouche : c’est pourquoi tous les biens qui vous avaient été promis vous serons ôtés et donnés à quelqu’un qui viendra après vous.

Après, la Vierge, qui était assise avec l’agneau, me parlait et me disait : Je vous veux faire savoir comment est-ce que vous a été donnée l’intelligence des visions spirituelles, car les saints ont reçu le Saint-Esprit en diverses manières, car quelques-uns D’eux savaient le temps où adviendraient les choses qui leur étaient montrées, comme les prophètes ; les autres savaient en esprit ce qu’ils répondraient aux personnes venant vers vous, lorsqu’ils seraient interrogés sur quelque chose ; les autre savaient si ceux-là étaient morts ou vivants, qui étaient loin d’eux ; quelques-uns savaient quelle fin et quelle issue pourrait avoir quelque bataille avant qu’elle se donnât.

Mais à vous il n’est pas permis de savoir autre chose, sinon de voir et d’ouïr des choses spirituelles, écrire ce que vous voyez, et de dire aux personne auxquelles il vous est enjoint de les dire ; et il ne vous est pas permis de savoir si ceux-là sont en vie ou morts auxquels il vous est commandé d’écrire, ou s’ils obéiront ou non aux conseils de votre écriture ou à la vision spirituelle qui vous est divinement donnée pour eux. Mais bien que ce roi ait méprisé mes paroles, toutefois viendra quelque autre qui les recevra avec honneur et révérence, et en usera pour son salut.

CHAPITRE 57

La Mère de Dieu dit à l’épouse que le châtiment de Dieu est venu sur le royaume à cause de trois péchés, c’est pourquoi Dieu peut être apaisé en considération de trois autres biens : 1° que les peuples embrassent une vraie humilité et une modestie en leurs habits ; 2° par certaines aumônes ; 3° par processions et messes ici contenues.

La Mère de Dieu parlait à l’épouse, lui disant : L’affliction et la punition de Dieu sont venues sur le royaume pour trois péchés, savoir, pour la superbe, l’incontinence et la cupidité : c’est pourquoi Dieu peut être apaisé par trois choses, afin que le temps de l’affliction soit abrégé et raccourci : 1° que tous embrassent une vraie humilité en leurs habits, ayant des robes honnêtes, non trop longues, comme celles des femmes, ni trop étroites, comme celles des bouffons, ni des découpures, taillades ou déchiquetures pleines de dépenses vaines et inutiles, d’autant que telles choses déplaisent à Dieu ; qu’ils portent aussi leur corps avec telle honnêteté qu’ils ne paraissent pas avancés en dehors par une vaine ostentation, ni plus courts ou plus grêles par le moyen de certaines ligatures, nœuds et semblables artifices, mais que tout soit pour le profit et pour l’honneur de Dieu.

Que les femmes aussi quittent leurs robes de parade, qu’elles ont prises par superbe et vaine gloire, d’autant que le diable a suggéré aux femmes qui méprisent les anciennes et louables coutumes de leurs pays, un nouvel abus et des ornements indécents en la tête, aux pieds et aux autres membres, pour provoquer la luxure et irriter Dieu. 2° Qu’on fasse des aumônes avec allégresse et gaîté de cœur. 3° Qu’un prêtre, en chaque paroisse, une fois chaque mois, un an durant, chante une messe de la sainte Trinité, à laquelle se trouve tout le peuple confès et contrit, et qu’il jeûne ce jour, faisant de ferventes prières, pour que leurs péchés leur soient pardonnés et que l’ire de Dieu soit apaisée.

Que semblablement les évêques, chaque mois, fassent par eux-mêmes ou par autres personnes, des processions solennelles en leurs églises cathédrales, célébrant la messe de la sainte Trinité, et qu’ils assemblent les pauvres et leurs lavent humblement les pieds.

CHAPITRE 58

L’empereur céleste Jésus-Christ, assis sur son tribunal, reprend rudement les rois et les princes de la terre et tous les états, de leur ingratitude, y ajoutant la menace de la terrible sentence de son courroux ; toutefois il les avertit de se convertir, et qu’il les recevra avec miséricorde, comme fera aussi son Père.

Je vis un grand palais semblable au ciel serein et sans nuage, dans lequel était l’armée céleste, qui paraissait plus nombreuse que les atomes du soleil, etc. ( Cherchez au Livre VII, Chap. 30.)

CHAPITRE 59

D’un roi indigne et de son jugement.

Le Fils de Dieu parle: Parce que ce roi ne cherche pas...

(Cherchez au Livre des Révél. Extrav. XXVII. )

CHAPITRE 60

De six rois iniques, etc.

Le Fils de Dieu parle : Je t’ai ci-devant fait voir cinq roi...

(Cherchez chap. 78. )

CHAPITRE 61

Un roi était averti de se corriger, autrement qu’il serait privé de son royaume.

La Vierge Marie, Mère de Dieu, parlait à l’épouse de Jésus-Christ, disant : Je suis celle vers laquelle l’ange, etc.

(Cherchez au Livre des Révél. extrav. Chapit. 80.)

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