CHAPITRE 1
Jésus-Christ, le
souverain Empereur, montre aux roi par son épouse qu’il est le vrai
Créateur de Roi, régnant en la Trinité et unité, et de l’ordre du
monde.
Je vis un palais d’une
grandeur incompréhensible, semblable au ciel quand il est serein,
dans lequel il y avait un nombre innombrable de personnes assises en
des sièges, revêtues de blanc, resplendissantes comme des rayons du
soleil. Je vis en ce palais un trône admirable sur lequel était
assis comme un homme plus reluisant que le soleil, d’un éclat et
d’une beauté incomparables, et Seigneur d’une puissance démesurée,
la splendeur duquel était incompréhensible en longueur, profondeur
et largeur. Or, une Vierge était auprès du siège du trône, reluisant
d’un éclat admirable, ayant en sa tête une couronne précieuse. Et
tous ceux qui assistaient auprès du trône, le louaient en hymnes et
cantiques, et honoraient cette Vierge comme Reine du ciel.
Celui donc qui était
assis sur le trône me dit d’une amoureuse voix : Je suis le Créateur
du ciel et de la terre. Je suis un avec le Père et le Saint-Esprit,
non certes trois dieux, mais bien trois personnes en Dieu. Vous me
pourriez demander maintenant : S’il y a trois personnes, pourquoi
n’y a t-il pas trois dieux ? Je vous réponds que Dieu est la
puissance, la sapience et la bonté même, duquel est toute puissance
dessus et dessous le ciel, toute sapience et toute piété qu’on peut
penser ; c’est pourquoi Dieu est un et trine, trine en personnes et
un en nature, car le Père est la puissance et la sapience, duquel
toutes choses sont, qui est puissant avant toutes choses, non
d’ailleurs, mais de lui-même de toute éternité.
Le Fils est aussi la
puissance et la sapience, égal au Père, non puissant d’être engendré
de soi-même, mais puissamment et d’une manière ineffable engendré du
Père, principe du principe d’origine, non jamais séparé du Père. Le
Saint-Esprit est puissance, et sapience est aussi le Saint-Esprit,
procédant du Père et du Fils, comme d’un principe éternel avec le
Père et le Fils, égal en majesté et en puissance.
Il y a donc un Dieu en
trois personnes, d’autant que les trois personnes n’ont qu’une même
nature, une opération et volonté, une gloire et puissance. Il est
tellement un en essence que les trois personnes sont distinctes en
propriété, car tout le Père est dans le Fils, et le Saint-Esprit et
le Fils sont dans le Père, et le Saint-Esprit est en tous deux en
une Déité de nature, non pas comme ce qui est devant ou après, mais
ce qui est ineffable, sans priorité ni postérité, majorité ni
minorité, mais tout ineffable et égal ; c’est pourquoi il est
très-bien écrit que Dieu est admirable et grandement louable.
Dieu a envoyé son Verbe
à la Sainte Vierge par l’ange Gabriel ; néanmoins Dieu était
envoyant et envoyé avec l’ange ; il était en Gabriel, et avant
Gabriel en la Sainte Vierge. Mais la parole étant dite par l’ange,
le Verbe a été fait chair en la Vierge. Je suis ce Verbe qui parle à
vous. Mon Père m’a envoyé au ventre de la Sainte Vierge, non pas en
telle sorte que les anges ont été privés de ma vision et de la
présence de ma Divinité, mais moi, Fils, qui étais avec le Père et
le Saint-Esprit, étant au ventre de la Vierge, J’étais le même au
ciel avec le Père et le Saint-Esprit en la vision des anges,
gouvernant toutes choses et soutenant toutes choses, bien que
l’humanité que j’avais revêtue demeurât au ventre de la Sainte
Vierge.
Je suis donc un Dieu en
la Déité et en l’humanité, pour manifester mon amour et affermir la
sainte foi. Je ne dédaigne point de parler à vous ; et bien que mon
humanité semble être auprès de vous et parler à vous, il est
pourtant plus véritable que votre âme, votre intelligence est ravie
en moi et est en moi, car rien ne m’est impossible ; rien ne m’est
difficile au ciel ni en la terre. Et de fait ; je suis comme un
puissant roi qui, venant à une cité avec son armée, remplit tous les
lieux et occupe tout : de même ma grâce remplit tous vos membres et
les fortifie tous. Je suis enfin en vous et hors de vous, et bien
que je parle à vous, je suis le même en la gloire.
Qu’est-ce qui me serait
difficile, à moi qui soutiens toutes choses et les dispose par ma
sapience et les surpasse toutes par ma vertu ? Je suis donc un Dieu
avec le Père et le Saint-Esprit, un Dieu sans commencement et sans
fin, qui, pour le salut des hommes ( ma Déité étant sans vision), ai
enduré la mort, suis ressuscité et monté au ciel en mon humanité, en
laquelle je vous parle.
Je suis le vrai et
souverain Empereur et Seigneur. Nul seigneur n’est plus excellent
que moi. Il n’y en a eu auparavant et il n’y en aura après, mais
tout domaine est à moi et par moi. Partant, je suis vrai seigneur,
et autre ne peut être dit vrai seigneur que moi seul, car de moi
sont toute puissance et domination, et pas un ne peut résister à ma
puissance.
Je suis aussi le Roi de
couronne. Savez-vous, mon épouse, pourquoi je dis Roi de couronne ?
C’est parce que ma Divinité est sans principe et sans fin. Cette
Divinité est comparée à bon droit à une couronne, d’autant qu’elle
est sans commencement et sans fin. Or, comme au royaume, on réserve
la couronne au roi futur, de même ma Déité était réservée à mon
humanité, afin qu’elle en fût couronnée. Or, j’ai eu deux très-bons
serviteurs, l’un desquels était laïque et l’autre prêtre. Le prêtre
était saint Pierre l’apôtre, ayant la charge du clergé ; l’autre
était saint Paul comme laïque. Saint Pierre fut lié au mariage,
voyant que le mariage et l’office de prêtrise ne pouvaient convenir
ensemble, et voyant que la rectitude de l’esprit périclitait en
l’incontinence, il se sépara de sa femme quand à l’usage charnel, et
s’unit à moi d’un esprit pur et parfait. Or, saint Paul garda la
chasteté et se conserva pur du lit nuptial.
Quelle charité ai-je
fait et manifesté à ces deux ! car à Pierre j’ai donné les clefs du
ciel, et lui ai dit que tout ce qu’il lierait en terre serait lié au
ciel, et que tout ce qu’il délierait serait délié. J’ai donné à Paul
qu’il fût semblable en gloire et en honneur à saint Pierre ; et
partant, sachez que comme ils ont été égaux en terre et unis, ils
sont aussi au ciel unis en gloire éternelle. Mais bien que je n’en
aie nommé que ces deux, néanmoins j’entend tous en eux, et avec eux
les autres pontifes et les rois qui sont mes amis ; car comme jadis
en la loi je parlais au seul Israël comme à un homme, et néanmoins
je désignais tout le peuple, de même maintenant, en ces deux
j’entends plusieurs, lesquels je remplis de ma gloire et de mon
amour. Or, par succession de temps, les maux commencèrent à ce
multiplier, et la chair à se rendre infirme et à pencher au mal plus
quelle n’avait accoutumé.
Partant, quand à l’un
et l’autre état ecclésiastique et séculier que j’entend en Pierre et
Paul, j’ai miséricordieusement permis aux ecclésiastiques d’avoir
modérément des biens de l’église pour l’utilité de leurs corps, afin
qu’ils en fussent plus fervents et plus fréquents à mon service. Il
m’a aussi plu que les laïques vécussent honnêtement en leur mariage,
selon les coutumes de la sainte Église.
CHAPITRE 2
Jésus-Christ,
souverain Empereur, dispose ici des rois, de leurs conseillers. Dix
conseils moraux.
Je suis le vrai Roi, et
pas un n’est digne d’être appelé roi que moi, car de moi sont tout
honneur et puissance. Je suis celui qui a jugé le premier ange, qui
est tombé à raison de sa superbe, cupidité et envie. Je suis celui
qui a jugé Adam, Caïn et tout le monde, envoyant le déluge pour les
péchés des hommes. Je suis le même qui ai permis que le peuple
d’Israël soit venu en la captivité, et qui l’ai affranchi de sa
captivité en des signes admirables. En moi est toute justice. Je
suis sans commencement et je serai sans fin. La justice n’a jamais
diminué en moi, mais elle demeure toujours vraie en moi et est
immuable. Et d’autant que ce roi de Suède demande de vous avec
humilité comment il vivra en son règne justement et prudemment,
c’est pourquoi je le lui montrerai. Il lui faut faire dix choses.
1° Qu’il retire de sa
cour tous les conseillers qui ont le cœur ambitieux et cupide, et la
langue desquels est double et trompeuse, les yeux desquels sont
aveugles aux choses spirituelles. Qu’il élise ceux qui ne vendent
point la justice, qui ont honte de mentir et ont horreur des
flatteries, qui aime plus Dieu que les choses charnelles et qui ont
compassion des misérables.
2° Je veux que le roi
aide au bâtiment de votre monastère, dont j’ai dicté la règle.
3° Qu’il envoie de ses
sujets aux nations infidèles, où la foi catholique et la charité
peuvent être reçues, car ses sujets furent tués en la cité de Havine,
d’autant qu’ils ambitionnaient une partie du royaume d’autrui et des
chrétiens.
4° Que le roi dise tous
les jours les heures de Notre-Dame. Mais quand il aura de grands
jugements à donner, lors il pourra les laisser ; qu’il oie deux
messes particulières, ou bien une grande tous les jours ; qu’il se
souvienne aussi tous les jours cinq fois des plaies que je souffris
pour lui sur la croix.
5° Qu’il jeûne les
veilles des saints et de ma Mère, qui sont établies par l’Église
sainte ; qu’il jeûne les vendredis avec du poisson, et les samedis
avec du beurre et du lait, s’il veut. Qu’il observe le carême selon
la coutume de son pays, mais qu’il considère en son jeûne qu’il soit
modéré, afin que, par les jeûnes et les veilles indiscrètes ou
oraison trop longues, il ne soit lâche en ses conseils ou trop
affaibli pour donner ses arrêts. Mais quand le labeur augmentera,
qu’il obéisse lors en cela au conseil, puissance et dispense des
prélats de mon Église.
6° Qu’il donne aux
pauvres le dixième denier qui proviendra des biens confisqués ; que
s’il veut donner quelque chose par-dessus pour mon honneur et
gloire, ma récompense lui sera plus grande.
7° Que, tous les
vendredis, il ramasse treize pauvres ; qu’il leur lave les pieds ;
qu’il leur donne à vivre et de l’argent de sa propre main, si ce
n’est qu’il fût lors par le chemin, car il faudrait alors omettre
cet exercice ; qu’il emploie tout ce jour-là à ouïr les plaintes de
son royaume, et qu’il s’informe et s’enquière de la fidélité des
gouverneurs, des juges, des vassaux, des collecteurs et exacteurs
des tributs de son royaume et autres rentes royales.
8° Que le roi soit
discret en ses dons ; qu’il donne tellement à un qu’il ne soit pas
avaricieux aux autres. Que s’il veut donner davantage à quelqu’un à
raison des mérites et des peines, il fasse cela avec maturité et
sagesse, de peur qu’il ne soit marqué injuste et ne donne occasion
de murmure. Certainement il n’y a rien de si répréhensible dans les
puissants et grands seigneurs que la prodigalité et la trop grande
ténacité, et il n’y a rien qui orne tant un roi et qui lui soit plus
convenable que de commander avec modestie et de récompenser ceux qui
le servent, et cela avec charité. Le roi peut encore départir de ses
bien aux étrangers qui conservent la paix en son royaume et à ceux
qui ont nécessité. Qu’il fasse néanmoins cela si accortement que ses
vassaux ne soient ni négligés ni oubliés.
9° Qu’il ne transgresse
point la loi divine, et qu’il n’introduise point de nouvelles
coutumes contre les ordonnance bonnes et louables. Qu’il ne dispose
point des choses par puissance ni ne juge tout ce qui se présente en
son esprit, mais qu’il fasse toutes choses selon la règle
infaillible de la loi de Dieu et du royaume, et qu’il fasse le tout
avec modestie et équité. Il n’est pas décent à un roi de tant
commander et de ne rien faire, de laisser la justice et commander
cruellement.
10° Que le roi se
montre tel par œuvres qu’il soit digne du nom de roi, fuyant la
cupidité et aimant vraiment l’humilité, car d’autant plus que le roi
est plus grand que les autres, d’autant plus se doit-il abaisser
devant Dieu, à qui appartient toute puissance, et qui, au jour du
jugement, demandera raison autant strictement du roi que du peuple.
CHAPITRE 3
Le souverain
Empereur Jésus-Christ commande que les rois portent des vêtements
honnêtes ; en quels jours ils doivent porter la couronne.
Le Fils de Dieu parle :
D’autant que l’homme a méprisé d’obéir à Dieu, il est nécessaire
qu’il obéisse à l’homme, son semblable, et d’autant que le roi est
établi de Dieu pour juger et commander justement, il est digne
d’être craint et honoré de ses sujets. Afin donc que le roi soit
discerné des autres, il est nécessaire qu’il ait un vêtement
discret, honnête et honorable pardessus les autres. Car comme
l’honneur du roi est la justice et le jugement, de même l’honneur du
peuple est la beauté du roi et son éclat : c’est pourquoi on permet
au roi les vêtement les plus honorables et les plus honnêtes ; et
quand il les porte, il ne doit pas s’en rendre plus orgueilleux,
mais s’humilier, considérant la charge de son état.
Or, le roi doit porter
la couronne en sa tête, savoir, les jours de ma Nativité,
Apparition, Résurrection, Ascension, Pentecôte, Assomption de ma
Mère, Exaltation de la sainte Croix, de tous les Saints, et tous
jours qu’on tient les jugements généraux et qu’il fait des
chevaliers ; car comme aux jours de la fête de mon humanité et
glorification de mes saints, toute la cour céleste se réjouit pour
les bienfaits qu’ils en ont reçus, de même les justes se doivent
réjouir en terre de la justice du roi, qui est marquée en la
couronne, et toute la cour céleste se réjouir de la rétribution d’un
roi juste.
CHAPITRE 4
Jésus-Christ donne
dix conseils aux rois, pour eux et pour leur royaume.
Le Fils de Dieu parle à
son épouse, disant : J’ai montré aux rois les degrés par lesquels il
pouvait monter au ciel ; s’il les gravit, il arrivera avec facilité
comme celui qui tient la vie contemplative. Or, maintenant, je veux
donner aux rois dix conseils:
1° Qu’il ne soit point
seul à table, mais qu’il y soit avec quelques sujets, qui, par leur
présence, le consolent corporellement et spirituellement, car par
là, on est distrait des péchés et des déshonnêtetés.
2° Qu’après le repas,
il peut se récréer, d’autant que, étant humble pour parler
familièrement, il acquière l’amour de ses sujets ; et lors il
entendra les raisons et les opinons de plusieurs, pour les imiter ou
les rejeter.
3° Qu’en toutes ses
œuvres, il soit miséricordieux et juste, afin qu’il ne quitte de
faire la justice pour l’amitié, pour la fausse compassion ou bien
pour son intérêt, ou pour l’utilité temporelle ou crainte ; ni
qu’aussi il ne néglige ou oublie la miséricorde, car il est indécent
qu’un roi soit vaincu par la colère, et qu’un juge, juge sans sujet,
ou bien qu’il ne se fourvoie aussi de la voie de la justice par
l’importunité des prières.
4° Que le roi ne confie
jamais le gouvernement et le jugement à ceux qu’il sait être
partiaux et cupides, ou à ceux qu’il sait que frauduleusement ils
extorquent de l’argent des sujets, car ceux-là fourvoient facilement
les autres de la justice et de l’équité ; mais que le roi s’enquière
quels sont ceux qui sont bien réglés de leur nature et qui suivent
les traces équitables de leur prédécesseurs, et enfin quels sont
ceux qui aiment mieux les œuvres de justice que de s’enrichir.
5° Que le roi
s’enquière tous les jours comment les lois et la justice s’observent
en son royaume ; et ceux qu’il ne pourra corriger, étant
incorrigibles, qu’il ne les renvoie point impunis, et qu’il prenne
garde de ne pas trop tirer d’argent et des amendes des délinquants.
Qu’il n’opprime point les innocents par aucune finesse, mais qu’il
traite les familles avec plus de douceur, et qu’il ne punisse plus
sévèrement les endurcis, gardant en tous la miséricorde et la
justice ; et où il verra de l’humilité plus grande, qu’il rehausse
la miséricorde par l’équité.
6° Que le roi examine
continuellement ses jugements et ses œuvres. Que s’il voit s’être
trompé en quelque chose, qu’il n’aie point honte de corriger et
rétracter ce qui sera mal fait, car il n’est pas plus sage que
David, qui se trompa, ni plus saint que le prophète, qui, croyant au
mensonge, fut tué par le lion.
7° Qu’il ne soit pas
trop actif et prompt en ce qu’il faut faire, mais prévoyant et
circonspect, considérant la fin des affaires ; qu’il s’appuie aussi
sur le conseil des sages et expérimentés et qui craignent Dieu,
auxquels il obéisse, et qu’il ne se cache point d’eux, car c’est un
esprit dégénéré et suspect d’avoir suspecté le conseil des hommes de
bien ; qu’il rétracte prudemment et sagement le conseil des
adulateurs qui consente à tout.
8° Qu’il prenne garde à
la légèreté des paroles et des mœurs en toutes choses, même avec ses
domestiques et familiers ; qu’il fuit les adulateurs et flatteurs
comme des scorpions, car ceux-là le fomentent dans les péchés et
scandalisent les bons, car un tel doit être roi, qui est craint des
jeunes, honoré des vieux, loué des sages, aimé des justes et désiré
cordialement des opprimés.
9° Que le roi ne
communique point avec ceux qui sont excommuniés, et qu’il ne défende
point ceux qui se moquent de Dieu et de sa loi, mais qu’ils les
instruisent et les retire du péché avec des paroles de charité. Que
s’ils ne se corrigent point, qu’il leur montre sa sévérité et qu’il
les prive de leurs bénéfices, car l’honneur d’un roi est d’aimer
surtout les choses divines, et d’augmenter l’honneur de Dieu de
toutes ses forces.
10° Qu’il aime son
peuple et la communauté de son royaume ; qu’il traite ses soldats
avec clémence ; qu’il se souvienne des bienfaits reçus des parents
en leurs enfants.
CHAPITRE 5
Des conseils que
Jésus-Christ, souverain Empereur, donne aux roi.
Le Fils de Dieu parle à
son épouse ; Il est écrit d’un roi que, ne pouvant dormir, il se fit
apporter les anales ou chroniques. De même, que le roi pour lequel
vous me priez ( d’autant qu’il est enfant ), se fasse lire les
œuvres et les exemples des saints, les beaux faits des hommes
généreux, par lesquels son esprit sera excité à Dieu, et il
apprendra comment il peut s’occuper en d’honnêtes soulagements de
son royaume. D’ailleurs, je lui établis deux amis qui lui soient
comme deux mères : de l’un, il en aura le lait et le pain, et de
l’autre, le vin et la médecine. Le premier lui montrera comment et
en quoi il pèche ; comment il faut satisfaire pour les fautes ;
comment il pourra être consolé en tribulation ; comment, quand je
serai courroucé, il me pourra apaiser. Du second il recevra la
sapience ès choses douteuses, la solution des mystères, et la
prudence de régir et défendre son royaume.
Si donc il obéit à ces
choses, il profitera, devant Dieu, à soi et aux hommes. Qu’il
obéisse néanmoins à ces deux, sans mépriser le conseil des autres ;
mais qu’avec ces deux, il écoute le conseil de plusieurs, et qu’il
choisisse avec la meilleure délibération.
CHAPITRE 6
L’Empereur
Jésus-Christ enseigne aux rois d’aimer leurs sujets.
Le Fils de Dieu parle à
son épouse : J’ai dit ci-dessus que le roi doit aimer son peuple et
le bien commun de son royaume : or, lors il montre qu’il l’aime,
quand il lui permet l’usage des lois approuvées, si sur le peuple et
sur le commun ne dominent exacteurs cruels et collecteurs avares ;
si le peuple n’est chargé de nouvelles inventions et impositions de
tributs ; s’il n’est chargé de logements inaccoutumés. Le roi peut
pourtant, pour l’extirpation des infidèles, demander secours au
peuple et aux communautés du royaume, s’il en a besoin, mais qu’il
prenne garde que cette nécessité-là ne devienne une loi et une
coutume.
Que le roi s’étudie
aussi à bannir toutes les coutumes contraire qui nuisent au salut
des âmes, et nommément celle-là qui est abolie depuis longtemps, qui
contient que, quand les navires sont en péril, par la tempête et
l’orage, au rivage où sa puissance s’étend, le maître du navire et
de la marchandise sera privé des biens qu’il aborde à son port. Oh !
qu’impie est cette cruauté, quand on ajoute affliction à
affliction ! Certainement l’affligé se contente d’une seule
affliction, qui est de perdre son navire, sans que le reste des
biens soit encore perdu.
Donc, que le roi
arrache les pernicieuses et injustes coutumes de son royaume, et il
trouvera devant mes yeux une plus grande grâce et un plus grand
profit.
CHAPITRE 7
En quoi les rois
doivent principalement aimer Notre-Seigneur.
Le Fils de Dieu parle à
son épouse d’un roi de Suède, disant : Si ce roi me veut
honorer….etc., qu’il fasse ce qui est écrit au Livre IV, Chap.
XLVIII.
CHAPITRE 8
Jésus-Christ
commande aux roi d’élire des reines dévotes à son exemple.
Le Fils de Dieu dit à
sa Mère, la Sainte Vierge : Je suis couronné Roi en ma Divinité,
sans commencement et sans fin, et ma couronne n’a ni commencement ni
fin, signifiant ma puissance, qui n’a eu ni commencement ni n’aura
point de fin ; mais j’ai une autre couronne gardée en moi, laquelle
n’est autre que moi-même, etc. (Cherchez le reste de ce Chap. au
Livre V, après l’interrogation IX.)
CHAPITRE 9
D’une reine
nouvellement épousée, et de son fruit.
Jésus-Christ parle à
l’épouse d’une reine que le roi avait épousée, bien qu’elle fût
issue d’une race damnée par l’Église, et encore avant l’âge requis
pour le mariage, disant : Écoutez, ô ma fille, et sachez qu’en tout
mariage chrétien, on doit avoir l’âge et le consentement légitime.
Mais en ce mariage, il
n’y a rien de cela, et partant, ce mariage est semblable à la poupe
d’un navire et aux jouets des enfants, d’autant que, par ceux-ci, on
ne cherche que la gloire temporelle, et non la loi chrétienne et
l’honneur de Dieu. Partant, de ce mariage sortira la tribulation, et
non la paix du royaume ; et bien que cette nouvelle reine, fille de
parents damnés par l’Église, ne portera point l’iniquité du père,
néanmoins il ne sortira jamais au peuple de fruit salutaire, du sang
qui m’à provoqué à colère.
C’est pourquoi Isaac
averti son fils de prendre femme de son sang, de peur qu’il ne fût
contaminé par le peuple qui avait irrité Dieu.
CHAPITRE 10
De l’avertissement
salutaire que la Mère de Dieu donne à une reine.
La Mère de Dieu parle à
l’épouse, lui disant : Dites à la reine que moi, Mère de
miséricorde, l’ai reçue comme le noyau d’une pomme rongée, qui
n’était pas belle à voir, mais fort amère au goût et difficile à
avaler. Néanmoins, je l’ai transplantée en une terre éloignée, afin
qu’elle m’apportât un bon fruit. Donc, comme les arbres portent
d’eux-mêmes feuilles, fleurs et fruits, de même elle doit apporter
des feuilles de vertu, savoir, oyant franchement la parole divine,
qui est utile à l’âme et est semblable à la feuille des arbres.
Qu’elle parle aussi de ce qui honore Dieu et réussit à l’utilité du
prochain, car lors elle porte de belles fleurs.
Qu’elle aime aussi Dieu
et le prochain, et lors elle aura un très bon fruit. Qu’elle ne
parle pas franchement des cajoleries ni des choses qui contribuent à
l’honneur mondain, et partant, qu’elle se convertisse à moi, prêtant
l’oreille à mon Fils, écoutant sa parole et faisant des œuvres de
charité. Ce fruit-là lui est à goût, c’est-à-dire, son âme lui
agrée, laquelle il désire avoir et aisément posséder.
CHAPITRE 11
Jésus-Christ
réprouve un vœu fait sans conseil.
Après qu’un roi et une
reine eurent eu deux enfants, ils firent vœu de chasteté et de
continence entre eux, sur quoi l’épouse fut requise de prier Dieu.
Jésus-Christ lui apparut et lui dit : l’Écriture dit que l’homme ne
présume de séparer ce que Dieu a conjoint, car quel sera celui qui
osera changer ce qui est raisonnablement approuvé par la loi divine
et est saint ? Néanmoins, pour juste raison, le bien charnel se
peut changer en un bien spirituel, et lors ce n’est pas défaire le
mariage, mais le transférer, quand deux consentent en un meilleur
bien par charité, avec une mûre délibération et conseil.
Mais ce roi et cette
reine ont consenti en un bien apparent, mais non discret et solide,
car l’une des parties a consenti à ce vœu par une ferveur
commençante, indiscrète et par légèreté d’esprit ; l’autre par
quelque complaisance, par un mouvement subit et pour éviter les
douleurs. Partant, il est plus assuré et plus louable de retourner à
la première loi du mariage, de peur que, s’ils continuent
indiscrètement, les tentations croissent et que la plénitude du
consentement y intervenant, il ne sorte de là un plus grand mal et
occasion de médisance. Or, qu’en ceci, ils se comportent selon le
conseil des plus sages, car il n’est pas péché de rétracter sagement
ce qui a été commencé et attenté indiscrètement.
CHAPITRE 12
Avertissement salutaires pour les roi et pour les reines.
Le Fils de Dieu parle à
son épouse : Quand une arête est près du cœur, il ne faut pas tout
subitement l’arracher, mais il la faut couper peu à peu : de même si
la femme est bonne, il la faut aimer, mais elle est empêchement à
l’homme qui tend à la perfection. Partant, il faut que, quand
l’homme qui est lié à une femme par le mariage, voit le danger, la
flatte avec des parole douces à la manière d’un qui avertit ;
quelquefois il doit en user avec plus de sévérité à la manière d’un
docteur, d’autre fois comme un médecin qui tranche et coupe, car il
faut sagement écouter une femme, afin de la consoler prudemment et
la reprendre secrètement, de peur qu’elle ne soit méprisée ;
quelquefois il la faut instruire honnêtement, et quelquefois il ne
la faut point ouïr, de peur qu’on quitte la justice.
Partant, l’humilité de
l’esprit appartient à la reine ; la modestie découvre la prudence en
l’action et le compassion des misérables, car par la prudence d’une
femme,
David a été apaisé, afin qu’il ne se portât à la vengeance. Par
l’humilité, Esther est parvenue à la royauté et y persévéra ; mais
Jézabel a été abaissée par sa superbe et sa cupidité, et Marie, ma
Mère, à raison de sa compassion et de sa charité, a été faite Mère
de tous au ciel et en la terre. Partant, cette reine pour laquelle
vous priez demande par vous un conseil. Répondez-lui de ma par, et
dites-lui qu’elle a quelques inspirations et quelques suggestions de
deux esprits, du bon et du mauvais, que je vous montrerai une autre
fois.
CHAPITRE 13
Ici
sont manifestées les choses que dessus.
Jésus-Christ parle à
l’épouse, disant : les inspirations et les suggestions viennent de
deux esprits dans les cœurs : du bon et du mauvais. Le bon esprit
suggère à l’homme les pensées du ciel et de n’aimer la terre ;
l’esprit mauvais pousse l’homme à l’amour des choses présentes que
l’homme voit, de rendre légères ses fautes, d’alléger ses
infirmités, et propose pour cela les exemples des infirmes. (Voyez
ce qui reste au Livre IV, Chap. IV.)
CHAPITRE 14
De
l’estime que la reine doit avoir du conseil susdit.
Notre-Seigneur
Jésus-Christ parlait à son épouse de la reine susdite, disant :
Cette reine m’a demandé conseil par vous, et ayant ouï le conseil
que je lui avais donné, il lui semble trop dur ; et partant,
dites-lui que, du temps d’Elie, le prophète, il y avait une reine
qui aima plus son repos que moi, qui poursuivait et contrariait
toujours les paroles de vérité, et croyait subsister par sa
prudence.
Partant, il arriva que,
non seulement elle fut méprisée de tous, comme auparavant elle était
honorée, mais elle mourut d’une mauvaise mort. Et partant, moi,
Dieu, qui voit clairement les choses futures, je dis maintenant à
cette reine que son temps est court. Le compte qu’elle me doit
rendre au jour du jugement est grand, et sa fin ne sera pas comme
son principe, si elle n’obéit à mes paroles.
CHAPITRE 15
De
deux chariots mystiques.
Sainte Agnès apparut à
l’épouse de Jésus-Christ, et lui parla de quelque reine superbe et
pompeuse, disant ; Vous avez vu, ô ma fille, cette dame superbe sur
le chariot de superbe… (Voyez le reste au Livre IV, Chap. XVII.)
CHAPITRE 16
Jésus-Christ défend à un roi de prendre un adulateur et trop subtil.
Le Fils de Dieu,
parlant à son épouse d’un homme trop subtil et adulateur qu’un roi
voulait élever et recevoir pour son conseiller, lui dit : Cet homme
que vous connaissez, que maintenant le roi veut prendre pour
conseiller, est un loup. Et que fera-t-il donc autre chose que
ravir, avaler et tromper ? Partant, je vous dis que si le roi
désire trouver mon amitié, il s’en donne garde et se retire de son
amitié et de sa conversation ; qu’il ne lui donne pas un pas de
terre qu’il lui demande ; qu’il ne l’aide ni avec des présents ni
avec des hommes. Il a la laine de la brebis, mais une soif
inextinguible et un venin de tromperie sont en son cœur. Que si le
roi entend ses conseils et prend son amitié, il se perdra avec lui,
et se confiant en lui, il sera réprouvé de moi, et sera en proverbe
ridicule à plusieurs qui diront : Voici un roi plus semblable à un
âne couronné qu’a un prince. Et aussi il est à craindre qu’il ne
perde le royaume avec douleur.
Cette dame qui m’était
auparavant si chère m’a maintenant tourné le dos ; elle désire et
cherche d’avoir des enfants du sang de ce loup, contre ma volonté et
mes paroles : partant, sachez pour certain qu’elle ne ce réjouira
pas de ce fruit, et cette extraction ne donnera pas de profondes
racines, ni les habitants ne se réjouiront de l’héritier, car le roi
n’a pas gardé la justice à son royaume, puisque le moindre a
supplanté le plus grand.
CHAPITRE 17
Jésus-Christ défend à un roi de prendre un homme étranger.
Notre-Seigneur parle à
son épouse, disant. Le roi cherche le secours et l’amitié du renard.
Mais quelle est la coutume du renard, sinon feindre d’être mort,
afin de ravir les oiseaux simples ? S’il entre où sont les oies, il
ne se contente pas d’en manger une, mais il les tue toutes. De même
en fera celui-ci : s’il peut une fois posséder un peu de terre, il
n’aura pas de repos qu’il n’en possède davantage, et lors il sèmera
au loin et au large de grandes dissensions, car ceux du royaume ne
s’accordent point avec les étrangers. Partant, qu’on fuie sa
conversation comme le sifflet d’un serpent vénéneux, car s’il
s’avance davantage, il mettra le royaume en ruine et plumera les
oisons simples.
Que les conseillers du
royaume et le roi s’efforcent que l’argent qui lui est dû à raison
de la dot, lui soit payé, car, selon la maxime commune, il vaut
mieux être sage avant la chute qu’après la ruine.
Le Fils de Dieu dit
encore : Quelques-uns de la semence du renard et de la visière ont
élevé la tête ; ils savent plumer et blesser, mais non pas guérir,
ce qui ne leur réussira pas à joie ni en l’augmentation de la
justice, car cette race me déplaît, et ses commencements joyeux
seront étouffés par une fin douloureuse.
CHAPITRE 18
De
deux bons conseillers que Jésus donne à un roi.
Le Fils de Dieu parla à
l’épouse qui priait pour un roi, et lui dit : Si ce roi veut
travailler à la conversion des âmes, il doit choisir deux
conseillers qui, par ordonnance, régissent le royaume. Le premier
que je lui veux donner m’aime plus que soi-même et tout ce qui le
touche ; il est aussi prêt a mourir pour l’amour de moi. Le deuxième
s’est uni à la force de l’agneau ; il est disposé à m’obéir en tout,
et non à la chair, mais bien à l’esprit.
Mais vous me pourriez
demander pourquoi j’expose mes amis à la tribulation. Je vous
réponds par un exemple : Il y avait un seigneur qui avait un grand
bois ou un désert environné de murs, où il y avaient des animaux
indomptables, et hors de la muraille, des brebis. Les murs avaient
plusieurs ouvertures, et auprès de chaque ouverture, il y avait deux
espaces, et auprès de chaque espace, trois trous secrets.
Or, ce maître, étant
soigneux de ses brebis, dit à ses serviteurs : Vous savez que mes
brebis sont simples et que ces bêtes ravissent. Partant, garder les
ouvertures, de peur que les bêtes farouches, sortant de leur parc,
leur nuisent. Ne vous fâcher pas au labeur ; ne soyez point
paresseux à veiller ; que votre voix soit comme une trompette ; que
votre bâton soit incessamment en vos mains, afin que, quand les
bêtes dévorantes s’approcherons des brebis, elles soient
épouvantées.
Les serviteurs donc,
ayant reçu le commandement de leur maître, obéirent librement. Enfin
le seigneur, ayant appelé son chasseur, lui a dit : Entrez en mon
bois avec les chiens, et faites que les animaux écoutent la voix de
la trompette, et épouvantez-les de votre clameur.
Les serviteurs donc,
oyant le son de la trompette, dirent : Voici que c’est la voix du
chasseur de notre maître : levons-nous donc à la hâte ; n’ayons pas
maintenant crainte ni paresse. Que notre main soit maintenant
prompte à frapper, notre voix à crier, nos yeux vigilants pour la
défense des brebis.
Moi, Dieu, je suis
semblable à ce seigneur. Ce bois ou ce désert, c’est le monde, qui
foisonne en animaux farouches et indomptables, c’est-à-dire, en
hommes sans loi, sans charité, sans sentiment de Dieu, disposés à
faire toute sorte de maux. Le mur d’une excessive présomption et
obstination environne et clôt ce monde. Les hommes abusent de la
patience de Dieu, et avançant en mal, s’endurcissent. Hors de ce mur
sont mes amis, embrasés des feux de mon amour, qui suivent mes
traces et cherchent ma pâture.
Entre la clôture de la
muraille sont ceux dont les cupidités sont sans bornes, qui
préfèrent la créature au Créateur, qui aiment le corps et non l’âme,
aspirent aux choses présentes, et non aux futures.
Les ouvertures de ce
mur sont les fraudes, les déceptions, simonies et malices de ceux
qui n’obéissent ni au Père ni au Fils. Cette maladie trop funeste
domine maintenant en plusieurs, et on répute que c’est la souveraine
félicité d’obtenir le temporel et ne se soucier de l’éternel.
Les deux espaces qui
sont auprès des ouvertures sont deux abus dans le monde, ou deux
maux : le premier est donner aux autres occasion et exemple de
pécher par paroles et par œuvres : le deuxième est corporel, qui se
partage en deux chefs : le premier est dissimulation du péché qu’il
fallait corriger, et ce à raison des faveurs et des honneurs
présents, ou bien pour la crainte mondaine ; le deuxième est ne
vouloir point punir le péché manifeste pour l’utilité propre ou pour
quelque respect mondain.
Les trois trous cachés
sont les trois affections des malins, car ou ils désirent de nuire à
la vie du prochain, ou le déroger à l’honneur, ou de porter dommage
en ses biens ou en celui de ses amis.
Le chasseur signifie la
justice de Dieu qui se manifestera, la voix de laquelle sera :
Donnez aux endurcis des choses dures, et aux mols des choses molles.
Les chiens qui suivent sont les hommes d’iniquité, desquels, bien
qu’ils soient mauvais, Dieu se sert pour le bien, non pour eux, mais
pour ceux qui en doivent être purifiés. Ceux-là donc sont comme des
chiens insatiables, qui s’accoutument à haïr les brebis, à les
frapper et à les pousser avec les dents de leur superbe, à leur
arracher inhumainement leur toison, à les fouler aux pieds ; et
parce que le royaume de ce roi est du désert, et que ce bois a des
bêtes farouches et indomptées plus que de brebis, c’est pourquoi
j’établis mes amis pour gardiens de mes brebis, qui seront disposés
à faire miséricorde aux humbles, justice aux endurcis, et à tous le
droit de l’équité.
Au reste, que mes amis
se donnent garde de ces gardiens, qui, demeurant auprès des
ouvertures et ayant des lances en leurs mains, les suspendent, afin
que, les bêtes et les ennemis étant passés, ils frappent fort la
terre, voulant signifier qu’ils se sont fortement opposés à la
sortie, car ceux-ci sont des gardiens qui ne cherchent point les
âmes, mais l’utilité temporelle, qui dissimulent les péchés et les
reprennent doucement, et s’endorment à la recherche, afin de plaire.
Mais que mes fidèles amis travaillent soigneusement à ce que la
justice soit observée et gardée, que le bien commun soit aimé, que
l’honneur de Dieu soit augmenté, et que les rebelles et les impies
soient punis. Mais il n’est pas licite de savoir si la voix de ma
justice viendra en ces jours, mais qu’ils soient fermes et qu’ils
crient généreusement, car moi, Dieu, la vérité, je leur donnerai la
récompense de vérité.
CHAPITRE 19
Pourquoi la Saint Vierge en parlant dit nous, et Jésus-Christ dit
je, et des avertissements à un roi.
La Mère de Dieu parle à
son épouse, disant : Vous admirez pourquoi je dis quelquefois nous
quand je vous parle, et pourquoi, quand mon Fils vous parle, dit je.
Sachez que je sais cela : car quand mon Fils parle, il vous parle de
la part de la Divinité, d’autant que l’auguste et adorable Trinité
est un Dieu. Mais quand je parle, je vous parle en vertu de la même
Trinité, et le Verbe des trois personnes, c’est un même Verbe, c’est
pourquoi je dis nous. Dites donc à ce roi pour lequel vous me priez
maintenant, que la Mère de charité l’avertit de la honte, pudeur et
sien dommage, car ce serait une honte si le Seigneur mettait en son
lieu le serviteur.
Or, il serait
dommageable si quelqu’un changeait un coffre plein d’or avec un vide
ou de peu de valeur : de même ce roi propose de l’autel un serviteur
du diable, désirant lui obéir, ce qui est une honte spirituelle :
partant, je jure que mon Fils Jésus que s’il ne le chasse avec le
conseil des sages, le faisant homme simple selon son sang, ne lui
donnant aucune puissance ni une obole pour tout, de ce qui est
royal, je le fouetterai depuis la tête jusques aux pieds, jusques à
ce qu’il disent de douleur : Marie, ayez miséricorde de moi, car je
vous ai provoquée à colère.
En second lieu, je vous
avertis du dommage, savoir, qu’il ne cherche pas tant un petit
repos, de peur de perdre le long repos et de trouver l’inquiétude
éternelle, mais que plutôt il travaille soigneusement et fortement
en la divine charité, afin d’obtenir cet or précieux et éternel. Que
s’il ne veut obéir comme mon Fils le lui avait dit, qu’il le laisse,
car nous trouverons bien les voies par lesquelles il pourra se
retirer des choses commencées sans opprobre et dommage du monde.
CHAPITRE 20
De
qui il faut prendre conseil.
La Mère de Dieu parle à
son épouse, disant : Dites au roi pour lequel vous priez qu’il a
cinq serviteurs, le premier desquels est aveugle. Néanmoins, il y a
un certain sujet et matière dont on peut faire une bonne image :
partant, on ne doit point prendre conseil d’un enragé avant qu’il
ait la vue claire.
Le deuxième est sourd,
car la divine charité n’entre point en ses oreilles : partant, il ne
faut point conférer avec lui des choses spirituelles, si ce n’est
qu’il ait une ouïe meilleure.
Le troisième serviteur
est muet, d’autant que l’amour divin n’est point en son âme :
partant, tout ce qu’il dit est pour la crainte de la peine, ou pour
le lucre du monde, ou pour plaire.
Le quatrième serviteur
est un lépreux spirituellement : partant, il faut fuir sa présence,
de peur que les autres ne soient entachés.
Le cinquième est
paralytique en tous ses membres : partant, il est inhabile aux
œuvres spirituelles.
Pour ces cinq
serviteurs que nous lui persuadons de laisser, nous lui en
conseillons cinq autres qui voient bien, entendent spirituellement
et sont sans tache spirituelle, auxquels s’il consent, il aura
l’amitié de mon Fils. Elle lui dit d’ailleurs qu’il arrête en sa
couronne avec obéissance, autrement mon Fils l’appellera sous la
couronne. Je vous appliquerai ceci en son temps.
CHAPITRE 21
Comment les rois doivent reprendre ceux qui offensent Dieu.
Le Fils de Dieu parle à
son épouse : pourquoi vous troublez-vous que j’aie supporté si
patiemment celui qui se moquait de moi ? Ne savez-vous pas qu’il
est dur et amer de brûler éternellement ? car là où on sème
diverses couleurs, si on les moissonne avant le temps, elles ne sont
pas si fortes pour donner les couleurs, qu’elles le seraient si
elles étaient cueillies en leur saison : de même mes paroles, qui
doivent être manifestées avec justice et miséricorde, doivent
croître jusques à la parfaite maturité, et lors elle conviennent
mieux à ce qu’on les applique, et elles dépeindront mieux
l’excellence de ma vertu.
Partant, que le roi
prenne garde que son âme ne réponde pour l’âme de celui qui se moque
de moi, car il le devait punir pour l’honneur de Dieu, et afin qu’il
ne fût puni de Dieu comme fit Moïse ; car de la sorte, la couronne
lui sera redoublée, d’autant qu’il a apaisé l’ire de Dieu, et parce
qu’il admire le jugement du défaillant, afin qu’il ne fût puni
éternellement. Mais quand à celui qui dissimule de corriger les
défaillants, la peine lui sera redoublée, savoir, augmentant la
peine future et en n’exerçant pas la justice.
CHAPITRE 22
De
l’avertissement donné au roi de Cypre.
Notre-Seigneur
Jésus-Christ parle, par son épouse, à l’enfant de douze ans du roi
de Cypre et à son oncle, prince et gouverneur du royaume susdit,
disant à son épouse : Écrivez-leur comme de votre par. (La lettre
est au Livre VII, Chap. XVIII, touchant le confesseur.)
CHAPITRE 23
De
l’amendement sans délai de ceux de Cypre.
Sainte Brigitte, étant
en extase, suspendue en la contemplation, voyait en esprit un palais
d’une incompréhensible grandeur et d’une beauté admirable ; et là,
elle voyait Jésus-Christ, souverain Empereur, entre les saints, et
un trône élevé…., etc. ( Voyez Livre VII, Chapitre XIX. )
CHAPITRE 24
Que les rois doivent
ouïr le conseil des humbles, bien qu’ils ne soient éloquents.
Le Fils de Dieu dit à
son épouse : Un médecin vint en une région éloignée et inconnue en
laquelle le roi ne gouvernait pas, mais était gouverné, car il avait
un cœur de lièvre ; et partant, étant assis au trône royal, il
paraissait au peuple comme un âne couronné, et son peuple s’amassait
aux banquets. (Voyez le reste au Livre III, Chap. XXXI.)
CHAPITRE 25
(Voyez ce chapitre au
Livre IV, Chap. I.)
CHAPITRE 26
(Voyez ce chapitre au
Livre IV, Chap.. CIV. )
CHAPITRE 27
(Voyez celui-ci au
Livre IV, Chap. CIV.)
CHAPITRE 28
(Lisez tout ce chapitre
au Livre IV, Chap. CV.)
CHAPITRE 29
(Voyez ce chapitre au
Livre VI, Chap. XCV.)
CHAPITRE 30
(Voyez-le aussi au
Livre VI, Chap. XXVI.)
CHAPITRE 31
D’un roi et d’une reine qui changeaient les bonnes mœurs.
Lorsque je priais, je
vis en esprit le ciel quasi en trouble, et le soleil et la lune
reluisants en un sérénité très claire, la lumière desquels
s’étendait au delà du ciel. Et lorsque je considérais attentivement,
je vis que les bon et mauvais anges bataillaient contre le ciel ;
mais ils ne purent les surmonter, jusques à ce que le dragon grand
et horrible montât au ciel, à qui le soleil et la lune donnèrent la
puissance et la clarté. Et soudain le ciel a été pâle et noir, et la
lune s’est enfuie sous la terre. Mais quand je regardai la terre, je
la vis toute pleine de reptiles et de serpents qui mangeaient la
superficie de la terre et tuaient les hommes avec leurs queues,
jusques à ce que le soleil fût tombé dans l’abîme ; et le lieu de la
lune n’a plus été trouvé.
Or, après ceci, onze
ans s’étaient écoulés, j’ouïs la voix de Dieu qui me disait :
Souvenez-vous, ô épouse, de ce que je vous ai montré, en la cité
Stoecholive, le ciel troublé ; maintenant je vous montrerai ce que
cela signifie. Le ciel que je vous ai montré signifie le royaume de
Suède, car ce royaume devrait être quasi céleste, pacifique et
juste, mais hélas ! il est maintenant agité par les vents des
tribulations ; il est foulé d’iniquités et d’exactions, ni n’est
point de merveilles, car le roi et la reine, qui reluisaient comme
le soleil et la lune, sont maintenant noircis comme des charbons,
d’autant qu’ils sont changés en leurs mœurs et volontés, car ils ont
élevé un homme de la race des vipères, afin de fouler mes amis
simples.
Partant, sachez que ce
prêtre, qui est un dragon confus, descendra plus qu’il ne montera ;
et mes amis, desquels la vie est comme la vie des anges, entre
lesquels aussi il y en a quelques-uns qui sont d’une sale et
méchante vie comme les mauvais anges, qui en seront dispensés,
seront élus et affranchis des tribulations. Mais le soleil pâlira
jusques à ce qu’il vienne sous la couronne, puisqu’il n’a voulu
justement vivre en la couronne, et on dira de lui que ses ténèbres
se sont multipliées selon la grandeur de votre splendeur.
CHAPITRE 32
De
la création des chevaliers.
Notre-Seigneur
Jésus-Christ parlait à son épouse ; il lui disait entre autre
choses : Écoutez, et sachez que l’état des hommes laïques était bien
rangé autrefois. En effet, quelques-uns labouraient la terre et y
étaient assidus ; les autres parcouraient les mers, allaient aux
marchandises et transportaient en d’autres régions, afin que la
fertilité d’une région aidât à la stérilité de l’autre. Les autres
s’occupaient aux ouvrages manuels et à divers arts et artifices.
Entre ceux-ci il y avait quelques défenseurs de la foi et de
l’Église, qui sont appelés curiaux ou porte-épée, d’autant qu’ils
avaient pris les armes pour la vengeance des injures qu’on fait à
l’Église sainte et à la foi, et pour combattre et abattre les
ennemis de Dieu.
Entre ceux-là apparut
un bon homme et mon ami, qui ruminait ces pensées en son esprit : Je
ne laboure point la terre, comme un laboureur : je ne cingle pas sur
la mer ; je ne m’occupe point aux œuvres manuelles, comme un
excellent ouvrier. que ferai-je donc, ou par quelles œuvres
apaiserai-je mon Dieu ? Je ne suis pas fort pour les œuvres de
l’Église : mon corps est débile et mol pour souffrir les plaies ; ma
main est lâche pour frapper les ennemis ; mon esprit est dégoûté
pour considérer les choses célestes : que ferai-je donc ?
Certainement je sais ce que je ferai : je me lèverai, et
m’obligerai, par un serment stable, sous un prince temporel, à
défendre de toutes mes forces et de tout mon sang la foi de la
sainte Église.
Mais cet homme, venant
à ce prince ou roi, lui dit : Je suis des défenseurs de l’Église.
Mon corps est trop mol pour souffrir les plaies, ma main trop lâche
pour frapper, mon esprit trop léger et trop inconstant pour
considérer le bien et pour agir; ma volonté propre me plaît ; le
repos, qui m’est si cher, ne me permet pas de m’opposer fortement
aux ennemis pour la maison de Dieu. Partant, je m’astreins avec
jurement public, sous l’obéissance de notre Mère la sainte l’Église,
et de la vôtre, mon prince, à la défendre tous les jours de ma vie.
Que si mon esprit et ma volonté se refroidissent au combat, j’y suis
tenu à cause de mon jurement, et j’y puis être contraint.
Le prince répondit :
J’irai avec vous en la maison de Dieu, et je serai témoin de votre
jurement et promesse.
Or, tous deux venant à
mon autel, mon ami, étant agenouillé devant l’autel, dit : je suis
trop faible en ma chair pour pâtir les plaies ; ma volonté propre
m’est trop chère ; ma main est trop lâche pour frapper : c’est
pourquoi je promets maintenant obéissance à Dieu, et à vous qui êtes
le chef, promettant avec jurement de défendre la sainte Église
contre ses ennemis, d’affermir les amis de Dieu, de faire du bien
aux veuves, aux orphelins et à ceux qui sont fidèles à Dieu, de ne
rien faire contre l’Église de Dieu et la foi.
Et d’ailleurs, je
m’oblige à votre correction, si je me fourvoie, afin qu’étant
obligé, je puisse mieux fuir le péché et mes volontés propres, et
d’autant plus facilement et avec plus de ferveur faire la volonté de
Dieu et la vôtre, et que je sache qu’il m’est autant damnable
par-dessus les autres et suis plus méprisable, qu’ayant violé
l’obéissance, je présume d’aller encore contre vos commandements.
Or, ayant fait cette
profession devant mon autel, le prince, considérant sagement, se
disposa un habit différent de ceux des séculiers, en signe de
l’anéantissement et de la résignation de sa volonté propre ; et afin
qu’il sût qu’il avait un supérieur à qui il devait obéir, le prince
lui donna un glaive en sa main, disant : Avec ce glaive, vous
taillerez les ennemis de Dieu. Et lui donnant au bras le bouclier,
il lui dit : Avec ce bouclier, vous vous mettrez à couvert des coups
de vos ennemis, et souffrirez patiemment les injures qu’on vous
fera ; et plutôt que de fuir, que votre bouclier se crève. Il promit
au prêtre qui était là présent de garder le tout fidèlement. La
promesse étant faite, ce prêtre le communia en force et
affermissement, afin que mon amis, étant uni avec moi, ne se séparât
jamais de moi.
Tel fut mon ami Georges
et plusieurs autres ; tels devraient être les chevaliers qui
devaient avoir un nom à raison de leur dignité, un habit pour régir
et défendre la sainte foi.
Écoutez maintenant, ô
mon épouse, ce que mes ennemis font contre ce que mes amis auraient
fait auparavant. Certainement les chevaliers qui portaient mes armes
étaient prêts à donner leur vie pour la justice et à répandre leur
sang pour la sainte foi ; ils annonçaient la perfection de la
justice à ceux qui en avaient besoin, et ils déprimaient et
humiliaient les mauvais. Mais écoutez maintenant comment il sont
différents de leur première institution : autrefois ils mouraient
pour la foi, maintenant ils meurent pour la vanité, cupidité et
envie, selon les diverses suggestions, et ne vivent pas selon mes
commandements, pour obtenir la joie éternelle.
Donc, tous les
chevaliers qui meurent en telle volonté, leur stipende leur sera
donnée par le jugement de la divine justice, savoir, que leurs âmes
seront en l’éternelle conjonction avec le diable. Mais ceux qui me
servent doivent avoir la stipende avec la milice céleste qui est
sans fin. Moi, Jésus-Christ, ai dit ces paroles, moi qui suis vrai
Dieu et vrai homme, un Dieu avec le Père et le Saint-Esprit.
CHAPITRE 33
D’un chevalier qui avait apostasié.
Tout le temps de cette
vie n’est quasi qu’une heure devant moi : partant, ce que je vous
dis maintenant a été éternellement en ma présence. Je vous ai parlé
de ce chevalier au Livre II, Chap. IX.
CHAPITRE 34
D’un chevalier qu’arment saint Pierre et saint Paul.
Notre-Seigneur parlait
à son épouse, disant: Aujourd’hui vous avez composé en grammaire une
maxime : Il est mieux de prévenir que d’être prévenu. Je vous ai
prévenu de la douceur de ma grâce, afin que le diable ne domine
votre âme.
Et soudain apparut
saint Jean-Baptiste qui dit : Béni soyez-vous, ô Dieu, qui êtes
avant toutes choses, avec qui pas un ne fut jamais Dieu, sans lequel
aucun ne serait, car vous êtes l’éternité ! etc. (Voyez le reste au
Chap. LXXIV. du Livre IV.)
CHAPITRE 35
Des
bénéfices que Dieu donne aux chevaliers, et de leur ingratitude.
(Voyez le Chap. VIII du Livre II.)
CHAPITRE 36
(Voyez le Chap. XII du
Livre II.)
CHAPITRE 37
(Voyez la peine d’un
soldat, au Chap. XI du Livre II.)
CHAPITRE 38
(Voyez-le au Livre VI,
Chap. LXXXII.)
CHAPITRE 39
Comment les rois doivent faire la guerre aux infidèles.
Un roi de Suède pria
l’épouse de Jésus-Christ de consulter Dieu pour savoir s’il lui
était agréable qu’il allât à la guerre contre les païens, car il le
désirait. Sur quoi, l’épouse priant, Notre-Seigneur lui apparut, lui
disant : Si le roi veut aller contre les païens, je le lui
conseille, mais je ne le lui commande pas.
Je lui conseille deux
choses : 1° qu’il ait un bon cœur et le corps bien dispos. Le cœur
sera bon, s’il n’a point intention de sortir à cette guerre que pour
l’amour de Dieu et aussi pour le salut des âmes. Le corps sera lors
dispos et apte, quand il sera accoutumé au jeûne et au travail. 2°
Il doit s’efforcer d’avoir tous ses sujets et ses chevaliers
volontaires et hommes de bien. Partant, qu’il visite plutôt tout son
royaume, recherchant comment la justice est rendue, comment et par
qui les jugements sont faits et les gouvernements sont administrés,
car il est nécessaire que celui qui s’efforce de mettre les autres
au ciel, commence par corriger ses erreurs, avertir ses sujets, les
corriger et les exciter par de bons exemples.
CHAPITRE 40
De
la charité que les rois doivent garder avec les fidèles.
Jésus-Christ parlait à
son épouse, lui disant : On dit que nul ne doit être contraint pour
aller au ciel. Je réponds que là où les bonnes fleurs sont empêchées
par la zizanie, n’est-il pas meilleur que la zizanie soit arrachée
et que les fleurs ne soient empêchées ? Oui, certes. Partant, que
ceux qui vont aux terres des infidèles leur offrent, en premier
lieu, la paix, la foi et la liberté ; et si les infidèles reçoivent
leurs conseils et avertissements, leur zèle et leur main charitable
les doivent alors exercer au bien.
Or, tous ceux qui
seront morts pour cette charité, moi Dieu, qui suis la charité même,
je leur rendrai le centuple, et même les infidèles ne seront pas si
durement suppliciés et tourmentés que s’ils eussent vécu davantage
et s’ils fussent morts en paix, car s’ils eussent vécu davantage,
ils eussent plus péché. La charité est si grande que la moindre
pensée ne sera pas sans récompense : à combien plus forte raison la
bonne œuvre !
CHAPITRE 41
D’un colloque de Jésus-Christ avec son épouse touchant un roi.
Contenu au Livre IV,
Chap. 3.
CHAPITRE 42
(Ce Chapitre est au
Livre II, Chap. 6.)
CHAPITRE 43
De
l’équipage que les rois doivent amener contre les Turcs.
Le Fils de Dieu parle à
son épouse : Il faut que le roi qui cherche le lucre des âmes et qui
veut assaillir les païens, ait deux drapeaux : qu’au premier soit
décrite et peinte la passion, qui marque la miséricorde, au second,
le glaive de ma justice. Donc, que le roi venant contre les païens
élève le premier drapeau de miséricorde, offrant la paix à ceux qui
la voudront recevoir, et qu’il érige l’autre drapeau à ceux qui la
refuseront ; et se confiant en ma bonté, il ne doit craindre la
multitude des ennemis ni se retirer par pusillanimité, et n’écouter
point la voix de ceux qui disent : Retirez-vous, il ne faut plus
combattre.
Que si le roi n’est
constant à poursuivre, qu’il ne l’attente point et qu’il ne commence
ce bien, car il est meilleur de ne pas commencer les choses ardues
que de ne les poursuivre, les ayant prises avec charité. Que le roi
prenne aussi avec lui des prêtres d’une bonne vie et des religieux
de divers ordres qui méprisent vraiment le monde : il y en a
plusieurs, dans le paganisme et entre les païens, qui préfèrent leur
secte à toute autre chose, auxquels il faut répondre fort sagement.
Que les prêtres aussi instruisent le peuple et l’avertissent qu’à
raison de ses cupidités insatiables, il n’encoure l’anathème, et
qu’il ne meure à raison du murmure et de l’incontinence.
CHAPITRE 44
(Ce chapitre se trouve
en entier au Livre VI, Chap. XLI.)
CHAPITRE 45
Comment et avec quelle confiance en Dieu le roi qui va contre les
païens doit procéder.
La Mère de Dieu parlait
à sainte Brigitte, disant : Si le roi va contre les païens à un
grand nombre de peuple, je sais l’entrée et l’issue du fait ; je
sais que plusieurs qui y iront seront non moins rebelles à Dieu que
ceux qui sont sortis d’Égypte avec Moïse. Mais comme Moïse
n’introduisit point le peuple en la terre promise à raison de son
ingratitude, de même ceux qui ne sont point nés encore accompliront
les volontés de Dieu.
Que le roi ne se confie
point en ce que je l’ai appelé mon fils et que je voudrais ne me
jamais séparer de lui, car s’il me garde ce qu’il m’a promis, je lui
garderai aussi ce que je lui ai promis ; mais s’il me méprise, qu’il
craigne d’être méprisé.
CHAPITRE 46
Ce
que doit faire l’évêque qui va contre les infidèles.
La Reine du ciel
parlait à l’épouse, disant : Saint Sigfridus, archevêque, sorti
d’Angleterre et fit la volonté de Dieu au royaume de Suède. De même
quand cet évêque pour lequel vous priez, qui va avec le roi contre
les infidèles, sera arrivé contre les païens et se trouvera en
quelque terre qui sera acquise à Jésus-Christ, qu’il y établisse par
les chrétiens une église cathédrale en quelque lieu honnête et
convenable, afin que les chrétiens s’y puissent abriter comme auprès
d’une mère, pour les nécessités de leur âme, et là se réfectionner
spirituellement des sacrements et de la parole divine, et se
consoler en l’esprit.
Et si l’évêque ne peut
établir là qu’un ou deux prêtres, les sustenter et les nourrir,
qu’il s’en contente, car mon Fils est puissant pour augmenter les
dons et dilater l’épiscopat. Que si lui et mes amis murmurent avant
que ces paroles soient accomplies, lors leur bonne volonté sera
réputée pour l’effet, et ils auront de la leur récompense ; et
partant, que pas un ne se confie en sa longue vie, mais qu’un chacun
attende patiemment le vouloir de Dieu.
CHAPITRE 47
De
l’ingratitude de ce roi, ne voulant suivre les conseils de Dieu,
mais celui des mondains.
La Reine du ciel
apparut à l’épouse, disant : Oyez, vous qui comprenez ce qui est
spirituel, et venez avec moi ès colloques du Saint-Esprit. Je suis
un vase rempli et remplissant, car comme le vase, étant sous le
torrent, se remplit d’eau, et comme l’eau s’écoule, toutefois le
vase est toujours rempli du coulant du torrent, de même mon âme,
quand elle fut créée et conjointe au corps, fut remplie du coulant
du torrent du Saint-Esprit, duquel elle n’a jamais été vide.
Partant, quiconque vient à moi avec humilité et pureté de cœur, aura
le secours du Saint-Esprit.
C’est pourquoi je puis
être fort bien appelée un vase rempli, car quand j’étais au monde,
au cour de son torrent, le Fils de Dieu vint en mon corps, prenant
de moi la chair et mon sang ; il a demeuré en moi jusques à la
naissance ; et étant né et venant en mes mains, les anges se
réjouirent et annoncèrent la paix en terre.
Après cela, mon Fils
tomba en la peine de la mort, quand sa peau fut déchirée de coups de
fouets, que les os furent serrés par les clous, et quand le cœur se
creva, tous les autres membres étant morts. Or, le cas fut grand,
d’autant que par là la puissance du diable était diminuée et les
portes du ciel s’ouvraient.
Je compare la passion
de mon Fils au tonnerre, dont on voit la lueur avant qu’on en
entende le bruit : de même la passion de mon Fils était annoncée par
la bouche des prophètes longtemps avant qu’elle vînt. Mais après que
mon Fils fut mort, un grand bruit a été excité, qu’on a ouï
longtemps et prêché après sa passion, et pour cela plusieurs
donnèrent joyeusement leur vie. Or, maintenant mon Fils est
tellement oublié et méprisé que quelques-uns estiment sa mort comme
rien.
D’autres disent qu’il
ne savent pas s’il y a un Dieu ou non ; d’autre le savent, mais ils
ne s’en soucient pas, et il y en a peu qui se souviennent de sa
passion avec amour ; et afin que la passion de mon Fils vienne en ma
mémoire, les paroles que je vous ai manifestées sont venues au
monde, et partant, vous avez été envoyée au roi de Suède, qui, étant
enveloppé dans les filets d’une quantité de péchés, après avoir été
séparé du diable, a été par moi reçu pour mon fils, désirant en
faire un généreux combattant pour l’honneur de Dieu. Le diable,
voyant cela, lui porta envie, comme jadis à Moïse jeté en l’eau, le
berceau duquel Notre-Seigneur conduisit au port, lequel, bien qu’il
fût empêché en sa langue, disait néanmoins tout ce que Dieu
voulait ; et fuyant de crainte d’Égypte, il retourna à pharaon, la
divine Providence l’ordonnant de la sorte : de même le diable en a
fait au roi, car il a jeté un grand orage en son cœur, afin qu’ayant
assemblé une grande multitude de combattants, il se retirât de son
entreprise à cause de la pauvreté et de la famine ; et partant, il
était établi un certain nombre de personnes.
D’ailleurs, Le roi, par
la suggestion du diable, considéra de la sorte : Les amis de Dieu
n’ont point de science de batailler et combattre, c’est pourquoi
j’irai chercher des gens aguerris au combat, à qui le diable envoya
ensuite plusieurs des siens, par le conseil desquels il fut
gouverné, bien qu’il fût manifesté au roi à quels conseils il devait
obéir. Il lui avait été aussi conseillé d’amener quand et soi des
prêtres et religieux de bonne vie, et cela fut fait par la
providence du Saint-Esprit contre les astuces de diable.
Certainement, il sait qu’en peu de temps Dieu lui voulait montrer
comment il fallait entrer en bataille. Le diable savait aussi qu’il
y en a plusieurs dans le paganisme qui s’estiment grands dans leur
secte, et il n’ignore point qu’il y en a plusieurs qui désirent
savoir la foi sainte et catholique. Partant, le diable désire qu’au
temps de grâce, on envoie chez eux des gens pleins d’ignorance et de
cupidité. Donc, les amis de Dieu, les prêtres et les religieux,
doivent être prêts, avec une sapience spirituelle, à répondre aux
païens qui viennent à eux avec leur secte.
Beaucoup d’autres
choses vous sont dites, qui ne se feront pas sitôt ; mais ces
paroles doivent être gardées jusques au temps fixé, car Dieu montra
à Moïse plusieurs choses qui n’ont pas été accomplies en une heure.
David fut manifesté roi longtemps avant d’en avoir la puissance, et
partant, que les amis de Dieu attendent patiemment et qu’ils ne se
dégoûtent pas en l’œuvre.
Nous disons aussi que
les frères de l’ordre de Saint-Dominique, de Saint-François et les
Bernardins, sont sortis avec le roi, d’autant que ces trois ordres
sont appelés pour la conversion des païens. Les monastères doivent
certainement se faire pour ceux qui méprisent véritablement le
monde, qui n’ont d’autre volonté que celle d’honorer Dieu et de
trouver son amitié.
Mais quelques-uns de
ces frères considèrent et disent : Où est ce peuple à qui il fallait
prêcher ? Où est le lieu où il fallait édifier ? Le peuple
d’Israël disait pareillement à Moïse : Où est la terre promise ? Il
eût mieux valu pour nous être en Égypte sur les pots de chair que
d’être exposés aux danger de mourir de faim et d’angoisse. Le peuple
néanmoins arriva en Israël au temps qu’il plut à Dieu, bien que
quelques-uns murmurassent.
Que le roi donc ait
toujours avec soi des prêtres dévots et tels qu’ils le suivent
volontairement, poussés par la charité divine, et qu’il se donne
garde d’amener des prêtres cupides comme des oiseaux de rapine.
Mais écoutez maintenant
ce que je dois dire, moi, Mère de miséricorde : Ce roi que j’ai
appelé mon fils est maintenant fils de rébellion, à qui, quand il
était petit enfant, étaient gardés deux royaumes. Étant arrivé aux
ans de discrétion, il gouvernait injustement et sans discrétion ;
néanmoins, Dieu, le souffrant, lui donnait même des dons
spirituellement, quand il convertit son cœur à Dieu. D’ailleurs, il
lui remet en mémoire ce que Dieu lui a fait, car il arriva souvent
qu’étant enfant au ventre de la mère, il était si lié avec la mère
qu’il ne pouvait aucunement en être séparé. Ce que la femme sage
considérant sagement, elle dit : S’il demeure davantage au ventre de
la mère, tous deux mourront ; si on les sépare, la mère mourra et
l’enfant vivra.
Et soudain la femme
sage sépara l’enfant de la mère, avec laquelle il était collé : de
même ce roi était lié à sa mère le monde ; que s’il y fût demeuré
davantage, il y fût mort et serait descendu aux peines de l’enfer.
Or, moi, Reine du ciel, j’allai au roi, le séparant de l’amour du
monde. Or, j’allai à lui par l’inspiration du Saint-Esprit qui entra
dans son cœur, car là où le Saint-Esprit entre, là entre le Père, le
Fils et le Saint-Esprit ; et comme il est impossible que les trois
personnes puissent être séparées en la Trinité, aussi est-il
impossible ( la loi et le décret divin de grâce, de prédestination
et de gloire ), que moi, étant Mère de Dieu, puisse être séparée de
Dieu. En vérité, j’ai eu en moi le Fils de Dieu avec sa Divinité et
son humanité. Partant, Dieu le Père m’a en sa Divinité, et le
Saint-Esprit est le lien de notre dilection, où le Saint-Esprit, qui
est dans le Père et le Fils, est en moi, et nous ne pouvons être
séparés. En ce doute, quand j’allai au roi, Dieu donna à son cœur la
contrition, et à leur yeux les larmes spirituelles, qu’aucune ne
peut obtenir que par la grâce divine.
Le deuxième bien : je
remets en mémoire au roi quelle grâce a été faite en son royaume,
car mon Fils, qui est assis au souverain trône de la Majesté
souveraine, vous parle souvent, ô Brigitte, vous qui êtes née de son
royaume ; et j’ai mérité cette grâce au roi, afin qu’il rendît
honneur à Dieu et ce fruit à son âme ; à qui j’ai montré aussi par
vous comment il gouvernerait sagement son royaume, et d’aimer
charitablement son peuple, et en quelle manière il devrait se
gouverner corporellement et spirituellement pour l’honneur de Dieu.
En troisième lieu, le
lui remets en mémoire la manière dont il a été élevé, afin que, s’il
voulait, il portât la foi catholique aux païens.
Mais oyez maintenant ce
que le roi a fait, car moi, Mère de miséricorde, j’ai appelé ce roi
mon nouveau fils, oui, nouveau, d’autant qu’il était venu
nouvellement à la sainte obéissance. Je lui avais promis par vous
que je voulais être la maîtresse et la défenderesse de son camp et
de son royaume, et que je serais devant lui aux terres de ses
ennemis, et il a été fait de la sorte, car la paix était en sa terre
par la divine Providence, par mes prières, et avant lui, j’ai été en
la terre des ennemis, quand je les ai amassés en un lieu que je lui
devais donner.
Un peu de temps s’étant
écoulé, les instruments du diable vinrent à ce roi, pleins d’un cœur
malin et d’un esprit méchant, qui se confiaient ès mains des hommes
plus qu’au secours de leur Créateur, la cupidité desquels fut plus
grande aux possessions terrestres que pour le secours des âmes, les
langues desquels excita à parler celui-là qui poussa Judas à vendre
son Créateur ; les dents desquels étaient élevées par les doigts du
diable ; les lèvres froides desquels furent ointes du venin de
Satan : c’est pourquoi la charité divine ne leur fut point à goût,
mais crachant les paroles de vérité, ils eurent la fausseté en leur
bouche.
Le roi, obéissant à
leurs pernicieux conseils, a retiré mes ennemis de mes mains,
résistants à la sainte foi, et lors je demeure le sein vide et toute
seule. Ce roi fit aller les loups çà et là, assignant les agneaux ès
mains des serpents, qui sont tous prêts à les déchirer, et lors ils
se sont remplis du venin d’une plus grande malice.
Telles choses ont
procédé des trompeuses suggestions de Satan. Le roi, ayant méprisé
le conseil des amis de Dieu, obéit aux conseils charnels des
hommes ; et ne considérant point la force divine et ne pensant point
à mes conseils, il s’en retourna sans aucun fruit, et il foula le
peuple de son royaume, étant désobéissant à Dieu et aux hommes, et
violateur de sa promesse par sa malice. Mais comme la mère s’apaise
bientôt, son fils lui demandant miséricorde, je lui en dis de même
maintenant : Mon fils, convertissez-vous à moi, et je retournerai à
vous. Sortez de votre chute, selon le conseil des amis de Dieu.
Cette lettre est la
dernière que je lui enverrai.
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