LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

RÉVÉLATIONS CÉLESTES

Livre VIII

— Chapitres 1 à 47 —

CHAPITRE 1

Jésus-Christ, le souverain Empereur, montre aux roi par son épouse qu’il est le vrai Créateur de Roi, régnant en la Trinité et unité, et de l’ordre du monde.

Je vis un palais d’une grandeur incompréhensible, semblable au ciel quand il est serein, dans lequel il y avait un nombre innombrable de personnes assises en des sièges, revêtues de blanc, resplendissantes comme des rayons du soleil. Je vis en ce palais un trône admirable sur lequel était assis comme un homme plus reluisant que le soleil, d’un éclat et d’une beauté incomparables, et Seigneur d’une puissance démesurée, la splendeur duquel était incompréhensible en longueur, profondeur et largeur. Or, une Vierge était auprès du siège du trône, reluisant d’un éclat admirable, ayant en sa tête une couronne précieuse. Et tous ceux qui assistaient auprès du trône, le louaient en hymnes et cantiques, et honoraient cette Vierge comme Reine du ciel.

Celui donc qui était assis sur le trône me dit d’une amoureuse voix : Je suis le Créateur du ciel et de la terre. Je suis un avec le Père et le Saint-Esprit, non certes trois dieux, mais bien trois personnes en Dieu. Vous me pourriez demander maintenant : S’il y a trois personnes, pourquoi n’y a t-il pas trois dieux  ? Je vous réponds que Dieu est la puissance, la sapience et la bonté même, duquel est toute puissance dessus et dessous le ciel, toute sapience et toute piété qu’on peut penser ; c’est pourquoi Dieu est un et trine, trine en personnes et un en nature, car le Père est la puissance et la sapience, duquel toutes choses sont, qui est puissant avant toutes choses, non d’ailleurs, mais de lui-même de toute éternité.

Le Fils est aussi la puissance et la sapience, égal au Père, non puissant d’être engendré de soi-même, mais puissamment et d’une manière ineffable engendré du Père, principe du principe d’origine, non jamais séparé du Père. Le Saint-Esprit est puissance, et sapience est aussi le Saint-Esprit, procédant du Père et du Fils, comme d’un principe éternel avec le Père et le Fils, égal en majesté et en puissance.

Il y a donc un Dieu en trois personnes, d’autant que les trois personnes n’ont qu’une même nature, une opération et volonté, une gloire et puissance. Il est tellement un en essence que les trois personnes sont distinctes en propriété, car tout le Père est dans le Fils, et le Saint-Esprit et le Fils sont dans le Père, et le Saint-Esprit est en tous deux en une Déité de nature, non pas comme ce qui est devant ou après, mais ce qui est ineffable, sans priorité ni postérité, majorité ni minorité, mais tout ineffable et égal ; c’est pourquoi il est très-bien écrit que Dieu est admirable et grandement louable.

Dieu a envoyé son Verbe à la Sainte Vierge par l’ange Gabriel ; néanmoins Dieu était envoyant et envoyé avec l’ange ; il était en Gabriel, et avant Gabriel en la Sainte Vierge. Mais la parole étant dite par l’ange, le Verbe a été fait chair en la Vierge. Je suis ce Verbe qui parle à vous. Mon Père m’a envoyé au ventre de la Sainte Vierge, non pas en telle sorte que les anges ont été privés de ma vision et de la présence de ma Divinité, mais moi, Fils, qui étais avec le Père et le Saint-Esprit, étant au ventre de la Vierge, J’étais le même au ciel avec le Père et le Saint-Esprit en la vision des anges, gouvernant toutes choses et soutenant toutes choses, bien que l’humanité que j’avais revêtue demeurât au ventre de la Sainte Vierge.

Je suis donc un Dieu en la Déité et en l’humanité, pour manifester mon amour et affermir la sainte foi. Je ne dédaigne point de parler à vous ; et bien que mon humanité semble être auprès de vous et parler à vous, il est pourtant plus véritable que votre âme, votre intelligence est ravie en moi et est en moi, car rien ne m’est impossible ; rien ne m’est difficile au ciel ni en la terre. Et de fait ; je suis comme un puissant roi qui, venant à une cité avec son armée, remplit tous les lieux et occupe tout : de même ma grâce remplit tous vos membres et les fortifie tous. Je suis enfin en vous et hors de vous, et bien que je parle à vous, je suis le même en la gloire.

Qu’est-ce qui me serait difficile, à moi qui soutiens toutes choses et les dispose par ma sapience et les surpasse toutes par ma vertu  ? Je suis donc un Dieu avec le Père et le Saint-Esprit, un Dieu sans commencement et sans fin, qui, pour le salut des hommes ( ma Déité étant sans vision), ai enduré la mort, suis ressuscité et monté au ciel en mon humanité, en laquelle je vous parle.

Je suis le vrai et souverain Empereur et Seigneur. Nul seigneur n’est plus excellent que moi. Il n’y en a eu auparavant et il n’y en aura après, mais tout domaine est à moi et par moi. Partant, je suis vrai seigneur, et autre ne peut être dit vrai seigneur que moi seul, car de moi sont toute puissance et domination, et pas un ne peut résister à ma puissance.

Je suis aussi le Roi de couronne. Savez-vous, mon épouse, pourquoi je dis Roi de couronne  ? C’est parce que ma Divinité est sans principe et sans fin. Cette Divinité est comparée à bon droit à une couronne, d’autant qu’elle est sans commencement et sans fin. Or, comme au royaume, on réserve la couronne au roi futur, de même ma Déité était réservée à mon humanité, afin qu’elle en fût couronnée. Or, j’ai eu deux très-bons serviteurs, l’un desquels était laïque et l’autre prêtre. Le prêtre était saint Pierre l’apôtre, ayant la charge du clergé ; l’autre était saint Paul comme laïque. Saint Pierre fut lié au mariage, voyant que le mariage et l’office de prêtrise ne pouvaient convenir ensemble, et voyant que la rectitude de l’esprit périclitait en l’incontinence, il se sépara de sa femme quand à l’usage charnel, et s’unit à moi d’un esprit pur et parfait. Or, saint Paul garda la chasteté et se conserva pur du lit nuptial.

Quelle charité ai-je fait et manifesté à ces deux  ! car à Pierre j’ai donné les clefs du ciel, et lui ai dit que tout ce qu’il lierait en terre serait lié au ciel, et que tout ce qu’il délierait serait délié. J’ai donné à Paul qu’il fût semblable en gloire et en honneur à saint Pierre ; et partant, sachez que comme ils ont été égaux en terre et unis, ils sont aussi au ciel unis en gloire éternelle. Mais bien que je n’en aie nommé que ces deux, néanmoins j’entend tous en eux, et avec eux les autres pontifes et les rois qui sont mes amis ; car comme jadis en la loi je parlais au seul Israël comme à un homme, et néanmoins je désignais tout le peuple, de même maintenant, en ces deux j’entends plusieurs, lesquels je remplis de ma gloire et de mon amour. Or, par succession de temps, les maux commencèrent à ce multiplier, et la chair à se rendre infirme et à pencher au mal plus quelle n’avait accoutumé.

Partant, quand à l’un et l’autre état ecclésiastique et séculier que j’entend en Pierre et Paul, j’ai miséricordieusement permis aux ecclésiastiques d’avoir modérément des biens de l’église pour l’utilité de leurs corps, afin qu’ils en fussent plus fervents et plus fréquents à mon service. Il m’a aussi plu que les laïques vécussent honnêtement en leur mariage, selon les coutumes de la sainte Église.

CHAPITRE 2

Jésus-Christ, souverain Empereur, dispose ici des rois, de leurs conseillers. Dix conseils moraux.

Je suis le vrai Roi, et pas un n’est digne d’être appelé roi que moi, car de moi sont tout honneur et puissance. Je suis celui qui a jugé le premier ange, qui est tombé à raison de sa superbe, cupidité et envie. Je suis celui qui a jugé Adam, Caïn et tout le monde, envoyant le déluge pour les péchés des hommes. Je suis le même qui ai permis que le peuple d’Israël soit venu en la captivité, et qui l’ai affranchi de sa captivité en des signes admirables. En moi est toute justice. Je suis sans commencement et je serai sans fin. La justice n’a jamais diminué en moi, mais elle demeure toujours vraie en moi et est immuable. Et d’autant que ce roi de Suède demande de vous avec humilité comment il vivra en son règne justement et prudemment, c’est pourquoi je le lui montrerai. Il lui faut faire dix choses.

1° Qu’il retire de sa cour tous les conseillers qui ont le cœur ambitieux et cupide, et la langue desquels est double et trompeuse, les yeux desquels sont aveugles aux choses spirituelles. Qu’il élise ceux qui ne vendent point la justice, qui ont honte de mentir et ont horreur des flatteries, qui aime plus Dieu que les choses charnelles et qui ont compassion des misérables.

2° Je veux que le roi aide au bâtiment de votre monastère, dont j’ai dicté la règle.

3° Qu’il envoie de ses sujets aux nations infidèles, où la foi catholique et la charité peuvent être reçues, car ses sujets furent tués en la cité de Havine, d’autant qu’ils ambitionnaient une partie du royaume d’autrui et des chrétiens.

4° Que le roi dise tous les jours les heures de Notre-Dame. Mais quand il aura de grands jugements à donner, lors il pourra les laisser ; qu’il oie deux messes particulières, ou bien une grande tous les jours ; qu’il se souvienne aussi tous les jours cinq fois des plaies que je souffris pour lui sur la croix.

5° Qu’il jeûne les veilles des saints et de ma Mère, qui sont établies par l’Église sainte ; qu’il jeûne les vendredis avec du poisson, et les samedis avec du beurre et du lait, s’il veut. Qu’il observe le carême selon la coutume de son pays, mais qu’il considère en son jeûne qu’il soit modéré, afin que, par les jeûnes et les veilles indiscrètes ou oraison trop longues, il ne soit lâche en ses conseils ou trop affaibli pour donner ses arrêts. Mais quand le labeur augmentera, qu’il obéisse lors en cela au conseil, puissance et dispense des prélats de mon Église.

6° Qu’il donne aux pauvres le dixième denier qui proviendra des biens confisqués ; que s’il veut donner quelque chose par-dessus pour mon honneur et gloire, ma récompense lui sera plus grande.

7° Que, tous les vendredis, il ramasse treize pauvres ; qu’il leur lave les pieds ; qu’il leur donne à vivre et de l’argent de sa propre main, si ce n’est qu’il fût lors par le chemin, car il faudrait alors omettre cet exercice ; qu’il emploie tout ce jour-là à ouïr les plaintes de son royaume, et qu’il s’informe et s’enquière de la fidélité des gouverneurs, des juges, des vassaux, des collecteurs et exacteurs des tributs de son royaume et autres rentes royales.

8° Que le roi soit discret en ses dons ; qu’il donne tellement à un qu’il ne soit pas avaricieux aux autres. Que s’il veut donner davantage à quelqu’un à raison des mérites et des peines, il fasse cela avec maturité et sagesse, de peur qu’il ne soit marqué injuste et ne donne occasion de murmure. Certainement il n’y a rien de si répréhensible dans les puissants et grands seigneurs que la prodigalité et la trop grande ténacité, et il n’y a rien qui orne tant un roi et qui lui soit plus convenable que de commander avec modestie et de récompenser ceux qui le servent, et cela avec charité. Le roi peut encore départir de ses bien aux étrangers qui conservent la paix en son royaume et à ceux qui ont nécessité. Qu’il fasse néanmoins cela si accortement que ses vassaux ne soient ni négligés ni oubliés.

9° Qu’il ne transgresse point la loi divine, et qu’il n’introduise point de nouvelles coutumes contre les ordonnance bonnes et louables. Qu’il ne dispose point des choses par puissance ni ne juge tout ce qui se présente en son esprit, mais qu’il fasse toutes choses selon la règle infaillible de la loi de Dieu et du royaume, et qu’il fasse le tout avec modestie et équité. Il n’est pas décent à un roi de tant commander et de ne rien faire, de laisser la justice et commander cruellement.

10° Que le roi se montre tel par œuvres qu’il soit digne du nom de roi, fuyant la cupidité et aimant vraiment l’humilité, car d’autant plus que le roi est plus grand que les autres, d’autant plus se doit-il abaisser devant Dieu, à qui appartient toute puissance, et qui, au jour du jugement, demandera raison autant strictement du roi que du peuple.

CHAPITRE 3

Le souverain Empereur Jésus-Christ commande que les rois portent des vêtements honnêtes ; en quels jours ils doivent porter la couronne.

Le Fils de Dieu parle : D’autant que l’homme a méprisé d’obéir à Dieu, il est nécessaire qu’il obéisse à l’homme, son semblable, et d’autant que le roi est établi de Dieu pour juger et commander justement, il est digne d’être craint et honoré de ses sujets. Afin donc que le roi soit discerné des autres, il est nécessaire qu’il ait un vêtement discret, honnête et honorable pardessus les autres. Car comme l’honneur du roi est la justice et le jugement, de même l’honneur du peuple est la beauté du roi et son éclat : c’est pourquoi on permet au roi les vêtement les plus honorables et les plus honnêtes ; et quand il les porte, il ne doit pas s’en rendre plus orgueilleux, mais s’humilier, considérant la charge de son état.

Or, le roi doit porter la couronne en sa tête, savoir, les jours de ma Nativité, Apparition, Résurrection, Ascension, Pentecôte, Assomption de ma Mère, Exaltation de la sainte Croix, de tous les Saints, et tous jours qu’on tient les jugements généraux et qu’il fait des chevaliers ; car comme aux jours de la fête de mon humanité et glorification de mes saints, toute la cour céleste se réjouit pour les bienfaits qu’ils en ont reçus, de même les justes se doivent réjouir en terre de la justice du roi, qui est marquée en la couronne, et toute la cour céleste se réjouir de la rétribution d’un roi juste.

CHAPITRE 4

Jésus-Christ donne dix conseils aux rois, pour eux et pour leur royaume.

Le Fils de Dieu parle à son épouse, disant : J’ai montré aux rois les degrés par lesquels il pouvait monter au ciel ; s’il les gravit, il arrivera avec facilité comme celui qui tient la vie contemplative. Or, maintenant, je veux donner aux rois dix conseils:

1° Qu’il ne soit point seul à table, mais qu’il y soit avec quelques sujets, qui, par leur présence, le consolent corporellement et spirituellement, car par là, on est distrait des péchés et des déshonnêtetés.

2° Qu’après le repas, il peut se récréer, d’autant que, étant humble pour parler familièrement, il acquière l’amour de ses sujets ; et lors il entendra les raisons et les opinons de plusieurs, pour les imiter ou les rejeter.

3° Qu’en toutes ses œuvres, il soit miséricordieux et juste, afin qu’il ne quitte de faire la justice pour l’amitié, pour la fausse compassion ou bien pour son intérêt, ou pour l’utilité temporelle ou crainte ; ni qu’aussi il ne néglige ou oublie la miséricorde, car il est indécent qu’un roi soit vaincu par la colère, et qu’un juge, juge sans sujet, ou bien qu’il ne se fourvoie aussi de la voie de la justice par l’importunité des prières.

4° Que le roi ne confie jamais le gouvernement et le jugement à ceux qu’il sait être partiaux et cupides, ou à ceux qu’il sait que frauduleusement ils extorquent de l’argent des sujets, car ceux-là fourvoient facilement les autres de la justice et de l’équité ; mais que le roi s’enquière quels sont ceux qui sont bien réglés de leur nature et qui suivent les traces équitables de leur prédécesseurs, et enfin quels sont ceux qui aiment mieux les œuvres de justice que de s’enrichir.

5° Que le roi s’enquière tous les jours comment les lois et la justice s’observent en son royaume ; et ceux qu’il ne pourra corriger, étant incorrigibles, qu’il ne les renvoie point impunis, et qu’il prenne garde de ne pas trop tirer d’argent et des amendes des délinquants. Qu’il n’opprime point les innocents par aucune finesse, mais qu’il traite les familles avec plus de douceur, et qu’il ne punisse plus sévèrement les endurcis, gardant en tous la miséricorde et la justice ; et où il verra de l’humilité plus grande, qu’il rehausse la miséricorde par l’équité.

6° Que le roi examine continuellement ses jugements et ses œuvres. Que s’il voit s’être trompé en quelque chose, qu’il n’aie point honte de corriger et rétracter ce qui sera mal fait, car il n’est pas plus sage que David, qui se trompa, ni plus saint que le prophète, qui, croyant au mensonge, fut tué par le lion.

7° Qu’il ne soit pas trop actif et prompt en ce qu’il faut faire, mais prévoyant et circonspect, considérant la fin des affaires ; qu’il s’appuie aussi sur le conseil des sages et expérimentés et qui craignent Dieu, auxquels il obéisse, et qu’il ne se cache point d’eux, car c’est un esprit dégénéré et suspect d’avoir suspecté le conseil des hommes de bien ; qu’il rétracte prudemment et sagement le conseil des adulateurs qui consente à tout.

8° Qu’il prenne garde à la légèreté des paroles et des mœurs en toutes choses, même avec ses domestiques et familiers ; qu’il fuit les adulateurs et flatteurs comme des scorpions, car ceux-là le fomentent dans les péchés et scandalisent les bons, car un tel doit être roi, qui est craint des jeunes, honoré des vieux, loué des sages, aimé des justes et désiré cordialement des opprimés.

9° Que le roi ne communique point avec ceux qui sont excommuniés, et qu’il ne défende point ceux qui se moquent de Dieu et de sa loi, mais qu’ils les instruisent et les retire du péché avec des paroles de charité. Que s’ils ne se corrigent point, qu’il leur montre sa sévérité et qu’il les prive de leurs bénéfices, car l’honneur d’un roi est d’aimer surtout les choses divines, et d’augmenter l’honneur de Dieu de toutes ses forces.

10° Qu’il aime son peuple et la communauté de son royaume ; qu’il traite ses soldats avec clémence ; qu’il se souvienne des bienfaits reçus des parents en leurs enfants.

CHAPITRE 5

Des conseils que Jésus-Christ, souverain Empereur, donne aux roi.

Le Fils de Dieu parle à son épouse ; Il est écrit d’un roi que, ne pouvant dormir, il se fit apporter les anales ou chroniques. De même, que le roi pour lequel vous me priez ( d’autant qu’il est enfant ), se fasse lire les œuvres et les exemples des saints, les beaux faits des hommes généreux, par lesquels son esprit sera excité à Dieu, et il apprendra comment il peut s’occuper en d’honnêtes soulagements de son royaume. D’ailleurs, je lui établis deux amis qui lui soient comme deux mères : de l’un, il en aura le lait et le pain, et de l’autre, le vin et la médecine. Le premier lui montrera comment et en quoi il pèche ; comment il faut satisfaire pour les fautes ; comment il pourra être consolé en tribulation ; comment, quand je serai courroucé, il me pourra apaiser. Du second il recevra la sapience ès choses douteuses, la solution des mystères, et la prudence de régir et défendre son royaume.

Si donc il obéit à ces choses, il profitera, devant Dieu, à soi et aux hommes. Qu’il obéisse néanmoins à ces deux, sans mépriser le conseil des autres ; mais qu’avec ces deux, il écoute le conseil de plusieurs, et qu’il choisisse avec la meilleure délibération.

CHAPITRE 6

L’Empereur Jésus-Christ enseigne aux rois d’aimer leurs sujets.

Le Fils de Dieu parle à son épouse : J’ai dit ci-dessus que le roi doit aimer son peuple et le bien commun de son royaume : or, lors il montre qu’il l’aime, quand il lui permet l’usage des lois approuvées, si sur le peuple et sur le commun ne dominent exacteurs cruels et collecteurs avares ; si le peuple n’est chargé de nouvelles inventions et impositions de tributs ; s’il n’est chargé de logements inaccoutumés. Le roi peut pourtant, pour l’extirpation des infidèles, demander secours au peuple et aux communautés du royaume, s’il en a besoin, mais qu’il prenne garde que cette nécessité-là ne devienne une loi et une coutume.

Que le roi s’étudie aussi à bannir toutes les coutumes contraire qui nuisent au salut des âmes, et nommément celle-là qui est abolie depuis longtemps, qui contient que, quand les navires sont en péril, par la tempête et l’orage, au rivage où sa puissance s’étend, le maître du navire et de la marchandise sera privé des biens qu’il aborde à son port. Oh ! qu’impie est cette cruauté, quand on ajoute affliction à affliction ! Certainement l’affligé se contente d’une seule affliction, qui est de perdre son navire, sans que le reste des biens soit encore perdu.

Donc, que le roi arrache les pernicieuses et injustes coutumes de son royaume, et il trouvera devant mes yeux une plus grande grâce et un plus grand profit.

CHAPITRE 7

En quoi les rois doivent principalement aimer Notre-Seigneur.

Le Fils de Dieu parle à son épouse d’un roi de Suède, disant : Si ce roi me veut honorer….etc., qu’il fasse ce qui est écrit au Livre IV, Chap. XLVIII.

CHAPITRE 8

Jésus-Christ commande aux roi d’élire des reines dévotes à son exemple.

Le Fils de Dieu dit à sa Mère, la Sainte Vierge : Je suis couronné Roi en ma Divinité, sans commencement et sans fin, et ma couronne n’a ni commencement ni fin, signifiant ma puissance, qui n’a eu ni commencement ni n’aura point de fin ; mais j’ai une autre couronne gardée en moi, laquelle n’est autre que moi-même, etc. (Cherchez le reste de ce Chap. au Livre V, après l’interrogation IX.)

CHAPITRE 9

D’une reine nouvellement épousée, et de son fruit.

Jésus-Christ parle à l’épouse d’une reine que le roi avait épousée, bien qu’elle fût issue d’une race damnée par l’Église, et encore avant l’âge requis pour le mariage, disant : Écoutez, ô ma fille, et sachez qu’en tout mariage chrétien, on doit avoir l’âge et le consentement légitime.

Mais en ce mariage, il n’y a rien de cela, et partant, ce mariage est semblable à la poupe d’un navire et aux jouets des enfants, d’autant que, par ceux-ci, on ne cherche que la gloire temporelle, et non la loi chrétienne et l’honneur de Dieu. Partant, de ce mariage sortira la tribulation, et non la paix du royaume ; et bien que cette nouvelle reine, fille de parents damnés par l’Église, ne portera point l’iniquité du père, néanmoins il ne sortira jamais au peuple de fruit salutaire, du sang qui m’à provoqué à colère.

C’est pourquoi Isaac averti son fils de prendre femme de son sang, de peur qu’il ne fût contaminé par le peuple qui avait irrité Dieu.

CHAPITRE 10

De l’avertissement salutaire que la Mère de Dieu donne à une reine.

La Mère de Dieu parle à l’épouse, lui disant : Dites à la reine que moi, Mère de miséricorde, l’ai reçue comme le noyau d’une pomme rongée, qui n’était pas belle à voir, mais fort amère au goût et difficile à avaler. Néanmoins, je l’ai transplantée en une terre éloignée, afin qu’elle m’apportât un bon fruit. Donc, comme les arbres portent d’eux-mêmes feuilles, fleurs et fruits, de même elle doit apporter des feuilles de vertu, savoir, oyant franchement la parole divine, qui est utile à l’âme et est semblable à la feuille des arbres. Qu’elle parle aussi de ce qui honore Dieu et réussit à l’utilité du prochain, car lors elle porte de belles fleurs.

Qu’elle aime aussi Dieu et le prochain, et lors elle aura un très bon fruit. Qu’elle ne parle pas franchement des cajoleries ni des choses qui contribuent à l’honneur mondain, et partant, qu’elle se convertisse à moi, prêtant l’oreille à mon Fils, écoutant sa parole et faisant des œuvres de charité. Ce fruit-là lui est à goût, c’est-à-dire, son âme lui agrée, laquelle il désire avoir et aisément posséder.

CHAPITRE 11

Jésus-Christ réprouve un vœu fait sans conseil.

Après qu’un roi et une reine eurent eu deux enfants, ils firent vœu de chasteté et de continence entre eux, sur quoi l’épouse fut requise de prier Dieu. Jésus-Christ lui apparut et lui dit : l’Écriture dit que l’homme ne présume de séparer ce que Dieu a conjoint, car quel sera celui qui osera changer ce qui est raisonnablement approuvé par la loi divine et est saint  ? Néanmoins, pour juste raison, le bien charnel se peut changer en un bien spirituel, et lors ce n’est pas défaire le mariage, mais le transférer, quand deux consentent en un meilleur bien par charité, avec une mûre délibération et conseil.

Mais ce roi et cette reine ont consenti en un bien apparent, mais non discret et solide, car l’une des parties a consenti à ce vœu par une ferveur commençante, indiscrète et par légèreté d’esprit ; l’autre par quelque complaisance, par un mouvement subit et pour éviter les douleurs. Partant, il est plus assuré et plus louable de retourner à la première loi du mariage, de peur que, s’ils continuent indiscrètement, les tentations croissent et que la plénitude du consentement y intervenant, il ne sorte de là un plus grand mal et occasion de médisance. Or, qu’en ceci, ils se comportent selon le conseil des plus sages, car il n’est pas péché de rétracter sagement ce qui a été commencé et attenté indiscrètement.

CHAPITRE 12

Avertissement salutaires pour les roi et pour les reines.

Le Fils de Dieu parle à son épouse : Quand une arête est près du cœur, il ne faut pas tout subitement l’arracher, mais il la faut couper peu à peu : de même si la femme est bonne, il la faut aimer, mais elle est empêchement à l’homme qui tend à la perfection. Partant, il faut que, quand l’homme qui est lié à une femme par le mariage, voit le danger, la flatte avec des parole douces à la manière d’un qui avertit ; quelquefois il doit en user avec plus de sévérité à la manière d’un docteur, d’autre fois comme un médecin qui tranche et coupe, car il faut sagement écouter une femme, afin de la consoler prudemment et la reprendre secrètement, de peur qu’elle ne soit méprisée ; quelquefois il la faut instruire honnêtement, et quelquefois il ne la faut point ouïr, de peur qu’on quitte la justice.

Partant, l’humilité de l’esprit appartient à la reine ; la modestie découvre la prudence en l’action et le compassion des misérables, car par la prudence d’une femme[1], David a été apaisé, afin qu’il ne se portât à la vengeance. Par l’humilité, Esther est parvenue à la royauté et y persévéra ; mais Jézabel a été abaissée par sa superbe et sa cupidité, et Marie, ma Mère, à raison de sa compassion et de sa charité, a été faite Mère de tous au ciel et en la terre. Partant, cette reine pour laquelle vous priez demande par vous un conseil. Répondez-lui de ma par, et dites-lui qu’elle a quelques inspirations et quelques suggestions de deux esprits, du bon et du mauvais, que je vous montrerai une autre fois.

CHAPITRE 13

Ici sont manifestées les choses que dessus.

Jésus-Christ parle à l’épouse, disant : les inspirations et les suggestions viennent de deux esprits dans les cœurs : du bon et du mauvais. Le bon esprit suggère à l’homme les pensées du ciel et de n’aimer la terre ; l’esprit mauvais pousse l’homme à l’amour des choses présentes que l’homme voit, de rendre légères ses fautes, d’alléger ses infirmités, et propose pour cela les exemples des infirmes. (Voyez ce qui reste au Livre IV, Chap.  IV.)

CHAPITRE 14

De l’estime que la reine doit avoir du conseil susdit.

Notre-Seigneur Jésus-Christ parlait à son épouse de la reine susdite, disant : Cette reine m’a demandé conseil par vous, et ayant ouï le conseil que je lui avais donné, il lui semble trop dur ; et partant, dites-lui que, du temps d’Elie, le prophète, il y avait une reine [2] qui aima plus son repos que moi, qui poursuivait et contrariait toujours les paroles de vérité, et croyait subsister par sa prudence.

Partant, il arriva que, non seulement elle fut méprisée de tous, comme auparavant elle était honorée, mais elle mourut d’une mauvaise mort. Et partant, moi, Dieu, qui voit clairement les choses futures, je dis maintenant à cette reine que son temps est court. Le compte qu’elle me doit rendre au jour du jugement est grand, et sa fin ne sera pas comme son principe, si elle n’obéit à mes paroles.

CHAPITRE 15

De deux chariots mystiques.

Sainte Agnès apparut à l’épouse de Jésus-Christ, et lui parla de quelque reine superbe et pompeuse, disant ; Vous avez vu, ô ma fille, cette dame superbe sur le chariot de superbe… (Voyez le reste au Livre IV, Chap. XVII.)

CHAPITRE 16

Jésus-Christ défend à un roi de prendre un adulateur et trop subtil.

Le Fils de Dieu, parlant à son épouse d’un homme trop subtil et adulateur qu’un roi voulait élever et recevoir pour son conseiller, lui dit : Cet homme que vous connaissez, que maintenant le roi veut prendre pour conseiller, est un loup. Et que fera-t-il donc autre chose que ravir, avaler et tromper  ? Partant, je vous dis que si le roi désire trouver mon amitié, il s’en donne garde et se retire de son amitié et de sa conversation ; qu’il ne lui donne pas un pas de terre qu’il lui demande ; qu’il ne l’aide ni avec des présents ni avec des hommes. Il a la laine de la brebis, mais une soif inextinguible et un venin de tromperie sont en son cœur. Que si le roi entend ses conseils et prend son amitié, il se perdra avec lui, et se confiant en lui, il sera réprouvé de moi, et sera en proverbe ridicule à plusieurs qui diront : Voici un roi plus semblable à un âne couronné qu’a un prince. Et aussi il est à craindre qu’il ne perde le royaume avec douleur.

Cette dame qui m’était auparavant si chère m’a maintenant tourné le dos ; elle désire et cherche d’avoir des enfants du sang de ce loup, contre ma volonté et mes paroles : partant, sachez pour certain qu’elle ne ce réjouira pas de ce fruit, et cette extraction ne donnera pas de profondes racines, ni les habitants ne se réjouiront de l’héritier, car le roi n’a pas gardé la justice à son royaume, puisque le moindre a supplanté le plus grand.

CHAPITRE 17

Jésus-Christ défend à un roi de prendre un homme étranger.

Notre-Seigneur parle à son épouse, disant. Le roi cherche le secours et l’amitié du renard. Mais quelle est la coutume du renard, sinon feindre d’être mort, afin de ravir les oiseaux simples  ? S’il entre où sont les oies, il ne se contente pas d’en manger une, mais il les tue toutes. De même en fera celui-ci : s’il peut une fois posséder un peu de terre, il n’aura pas de repos qu’il n’en possède davantage, et lors il sèmera au loin et au large de grandes dissensions, car ceux du royaume ne s’accordent point avec les étrangers. Partant, qu’on fuie sa conversation comme le sifflet d’un serpent vénéneux, car s’il s’avance davantage, il mettra le royaume en ruine et plumera les oisons simples.

Que les conseillers du royaume et le roi s’efforcent que l’argent qui lui est dû à raison de la dot, lui soit payé, car, selon la maxime commune, il vaut mieux être sage avant la chute qu’après la ruine.

Le Fils de Dieu dit encore : Quelques-uns de la semence du renard et de la visière ont élevé la tête ; ils savent plumer et blesser, mais non pas guérir, ce qui ne leur réussira pas à joie ni en l’augmentation de la justice, car cette race me déplaît, et ses commencements joyeux seront étouffés par une fin douloureuse.

CHAPITRE 18

De deux bons conseillers que Jésus donne à un roi.

Le Fils de Dieu parla à l’épouse qui priait pour un roi, et lui dit : Si ce roi veut travailler à la conversion des âmes, il doit choisir deux conseillers qui, par ordonnance, régissent le royaume. Le premier que je lui veux donner m’aime plus que soi-même et tout ce qui le touche ; il est aussi prêt a mourir pour l’amour de moi. Le deuxième s’est uni à la force de l’agneau ; il est disposé à m’obéir en tout, et non à la chair, mais bien à l’esprit.

Mais vous me pourriez demander pourquoi j’expose mes amis à la tribulation. Je vous réponds par un exemple : Il y avait un seigneur qui avait un grand bois ou un désert environné de murs, où il y avaient des animaux indomptables, et hors de la muraille, des brebis. Les murs avaient plusieurs ouvertures, et auprès de chaque ouverture, il y avait deux espaces, et auprès de chaque espace, trois trous secrets.

Or, ce maître, étant soigneux de ses brebis, dit à ses serviteurs : Vous savez que mes brebis sont simples et que ces bêtes ravissent. Partant, garder les ouvertures, de peur que les bêtes farouches, sortant de leur parc, leur nuisent. Ne vous fâcher pas au labeur ; ne soyez point paresseux à veiller ; que votre voix soit comme une trompette ; que votre bâton soit incessamment en vos mains, afin que, quand les bêtes dévorantes s’approcherons des brebis, elles soient épouvantées.

Les serviteurs donc, ayant reçu le commandement de leur maître, obéirent librement. Enfin le seigneur, ayant appelé son chasseur, lui a dit : Entrez en mon bois avec les chiens, et faites que les animaux écoutent la voix de la trompette, et épouvantez-les de votre clameur.

Les serviteurs donc, oyant le son de la trompette, dirent : Voici que c’est la voix du chasseur de notre maître : levons-nous donc à la hâte ; n’ayons pas maintenant crainte ni paresse. Que notre main soit maintenant prompte à frapper, notre voix à crier, nos yeux vigilants pour la défense des brebis.

Moi, Dieu, je suis semblable à ce seigneur. Ce bois ou ce désert, c’est le monde, qui foisonne en animaux farouches et indomptables, c’est-à-dire, en hommes sans loi, sans charité, sans sentiment de Dieu, disposés à faire toute sorte de maux. Le mur d’une excessive présomption et obstination environne et clôt ce monde. Les hommes abusent de la patience de Dieu, et avançant en mal, s’endurcissent. Hors de ce mur sont mes amis, embrasés des feux de mon amour, qui suivent mes traces et cherchent ma pâture.

Entre la clôture de la muraille sont ceux dont les cupidités sont sans bornes, qui préfèrent la créature au Créateur, qui aiment le corps et non l’âme, aspirent aux choses présentes, et non aux futures.

Les ouvertures de ce mur sont les fraudes, les déceptions, simonies et malices de ceux qui n’obéissent ni au Père ni au Fils. Cette maladie trop funeste domine maintenant en plusieurs, et on répute que c’est la souveraine félicité d’obtenir le temporel et ne se soucier de l’éternel.

Les deux espaces qui sont auprès des ouvertures sont deux abus dans le monde, ou deux maux : le premier est donner aux autres occasion et exemple de pécher par paroles et par œuvres : le deuxième est corporel, qui se partage en deux chefs : le premier est dissimulation du péché qu’il fallait corriger, et ce à raison des faveurs et des honneurs présents, ou bien pour la crainte mondaine ; le deuxième est ne vouloir point punir le péché manifeste pour l’utilité propre ou pour quelque respect mondain.

Les trois trous cachés sont les trois affections des malins, car ou ils désirent de nuire à la vie du prochain, ou le déroger à l’honneur, ou de porter dommage en ses biens ou en celui de ses amis.

Le chasseur signifie la justice de Dieu qui se manifestera, la voix de laquelle sera : Donnez aux endurcis des choses dures, et aux mols des choses molles. Les chiens qui suivent sont les hommes d’iniquité, desquels, bien qu’ils soient mauvais, Dieu se sert pour le bien, non pour eux, mais pour ceux qui en doivent être purifiés. Ceux-là donc sont comme des chiens insatiables, qui s’accoutument à haïr les brebis, à les frapper et à les pousser avec les dents de leur superbe, à leur arracher inhumainement leur toison, à les fouler aux pieds ; et parce que le royaume de ce roi est du désert, et que ce bois a des bêtes farouches et indomptées plus que de brebis, c’est pourquoi j’établis mes amis pour gardiens de mes brebis, qui seront disposés à faire miséricorde aux humbles, justice aux endurcis, et à tous le droit de l’équité.

Au reste, que mes amis se donnent garde de ces gardiens, qui, demeurant auprès des ouvertures et ayant des lances en leurs mains, les suspendent, afin que, les bêtes et les ennemis étant passés, ils frappent fort la terre, voulant signifier qu’ils se sont fortement opposés à la sortie, car ceux-ci sont des gardiens qui ne cherchent point les âmes, mais l’utilité temporelle, qui dissimulent les péchés et les reprennent doucement, et s’endorment à la recherche, afin de plaire. Mais que mes fidèles amis travaillent soigneusement à ce que la justice soit observée et gardée, que le bien commun soit aimé, que l’honneur de Dieu soit augmenté, et que les rebelles et les impies soient punis. Mais il n’est pas licite de savoir si la voix de ma justice viendra en ces jours, mais qu’ils soient fermes et qu’ils crient généreusement, car moi, Dieu, la vérité, je leur donnerai la récompense de vérité.

CHAPITRE 19

Pourquoi la Saint Vierge en parlant dit nous, et Jésus-Christ dit je, et des avertissements à un roi.

La Mère de Dieu parle à son épouse, disant : Vous admirez pourquoi je dis quelquefois nous quand je vous parle, et pourquoi, quand mon Fils vous parle, dit je. Sachez que je sais cela : car quand mon Fils parle, il vous parle de la part de la Divinité, d’autant que l’auguste et adorable Trinité est un Dieu. Mais quand je parle, je vous parle en vertu de la même Trinité, et le Verbe des trois personnes, c’est un même Verbe, c’est pourquoi je dis nous. Dites donc à ce roi pour lequel vous me priez maintenant, que la Mère de charité l’avertit de la honte, pudeur et sien dommage, car ce serait une honte si le Seigneur mettait en son lieu le serviteur.

Or, il serait dommageable si quelqu’un changeait un coffre plein d’or avec un vide ou de peu de valeur : de même ce roi propose de l’autel un serviteur du diable, désirant lui obéir, ce qui est une honte spirituelle : partant, je jure que mon Fils Jésus que s’il ne le chasse avec le conseil des sages, le faisant homme simple selon son sang, ne lui donnant aucune puissance ni une obole pour tout, de ce qui est royal, je le fouetterai depuis la tête jusques aux pieds, jusques à ce qu’il disent de douleur : Marie, ayez miséricorde de moi, car je vous ai provoquée à colère.

En second lieu, je vous avertis du dommage, savoir, qu’il ne cherche pas tant un petit repos, de peur de perdre le long repos et de trouver l’inquiétude éternelle, mais que plutôt il travaille soigneusement et fortement en la divine charité, afin d’obtenir cet or précieux et éternel. Que s’il ne veut obéir comme mon Fils le lui avait dit, qu’il le laisse, car nous trouverons bien les voies par lesquelles il pourra se retirer des choses commencées sans opprobre et dommage du monde.

CHAPITRE 20

De qui il faut prendre conseil.

La Mère de Dieu parle à son épouse, disant : Dites au roi pour lequel vous priez qu’il a cinq serviteurs, le premier desquels est aveugle. Néanmoins, il y a un certain sujet et matière dont on peut faire une bonne image : partant, on ne doit point prendre conseil d’un enragé avant qu’il ait la vue claire.

Le deuxième est sourd, car la divine charité n’entre point en ses oreilles : partant, il ne faut point conférer avec lui des choses spirituelles, si ce n’est qu’il ait une ouïe meilleure.

Le troisième serviteur est muet, d’autant que l’amour divin n’est point en son âme : partant, tout ce qu’il dit est pour la crainte de la peine, ou pour le lucre du monde, ou pour plaire.

Le quatrième serviteur est un lépreux spirituellement : partant, il faut fuir sa présence, de peur que les autres ne soient entachés.

Le cinquième est paralytique en tous ses membres : partant, il est inhabile aux œuvres spirituelles.

Pour ces cinq serviteurs que nous lui persuadons de laisser, nous lui en conseillons cinq autres qui voient bien, entendent spirituellement et sont sans tache spirituelle, auxquels s’il consent, il aura l’amitié de mon Fils. Elle lui dit d’ailleurs qu’il arrête en sa couronne avec obéissance, autrement mon Fils l’appellera sous la couronne. Je vous appliquerai ceci en son temps.

CHAPITRE 21

Comment les rois doivent reprendre ceux qui offensent Dieu.

Le Fils de Dieu parle à son épouse : pourquoi vous troublez-vous que j’aie supporté si patiemment celui qui se moquait de moi  ? Ne savez-vous pas qu’il est dur et amer de brûler éternellement  ? car là où on sème diverses couleurs, si on les moissonne avant le temps, elles ne sont pas si fortes pour donner les couleurs, qu’elles le seraient si elles étaient cueillies en leur saison : de même mes paroles, qui doivent être manifestées avec justice et miséricorde, doivent croître jusques à la parfaite maturité, et lors elle conviennent mieux à ce qu’on les applique, et elles dépeindront mieux l’excellence de ma vertu.

Partant, que le roi prenne garde que son âme ne réponde pour l’âme de celui qui se moque de moi, car il le devait punir pour l’honneur de Dieu, et afin qu’il ne fût puni de Dieu comme fit Moïse ; car de la sorte, la couronne lui sera redoublée, d’autant qu’il a apaisé l’ire de Dieu, et parce qu’il admire le jugement du défaillant, afin qu’il ne fût puni éternellement. Mais quand à celui qui dissimule de corriger les défaillants, la peine lui sera redoublée, savoir, augmentant la peine future et en n’exerçant pas la justice.

CHAPITRE 22

De l’avertissement donné au roi de Cypre.

Notre-Seigneur Jésus-Christ parle, par son épouse, à l’enfant de douze ans du roi de Cypre et à son oncle, prince et gouverneur du royaume susdit, disant à son épouse : Écrivez-leur comme de votre par. (La lettre est au Livre VII, Chap. XVIII, touchant le confesseur.)

CHAPITRE 23

De l’amendement sans délai de ceux de Cypre.

Sainte Brigitte, étant en extase, suspendue en la contemplation, voyait en esprit un palais d’une incompréhensible grandeur et d’une beauté admirable ; et là, elle voyait Jésus-Christ, souverain Empereur, entre les saints, et un trône élevé…., etc. ( Voyez Livre VII, Chapitre XIX. )

CHAPITRE 24

Que les rois doivent ouïr le conseil des humbles, bien qu’ils ne soient éloquents.

Le Fils de Dieu dit à son épouse : Un médecin vint en une région éloignée et inconnue en laquelle le roi ne gouvernait pas, mais était gouverné, car il avait un cœur de lièvre ; et partant, étant assis au trône royal, il paraissait au peuple comme un âne couronné, et son peuple s’amassait aux banquets. (Voyez le reste au Livre III, Chap. XXXI.)

CHAPITRE 25

(Voyez ce chapitre au Livre IV, Chap. I.)

CHAPITRE 26

(Voyez ce chapitre au Livre IV, Chap.. CIV. )

CHAPITRE 27

(Voyez celui-ci au Livre IV, Chap. CIV.)

CHAPITRE 28

(Lisez tout ce chapitre au Livre IV, Chap. CV.)

CHAPITRE 29

(Voyez ce chapitre au Livre VI, Chap. XCV.)

CHAPITRE 30

(Voyez-le aussi au Livre VI, Chap. XXVI.)

CHAPITRE 31

D’un roi et d’une reine qui changeaient les bonnes mœurs.

Lorsque je priais, je vis en esprit le ciel quasi en trouble, et le soleil et la lune reluisants en un sérénité très claire, la lumière desquels s’étendait au delà du ciel. Et lorsque je considérais attentivement, je vis que les bon et mauvais anges bataillaient contre le ciel ; mais ils ne purent les surmonter, jusques à ce que le dragon grand et horrible montât au ciel, à qui le soleil et la lune donnèrent la puissance et la clarté. Et soudain le ciel a été pâle et noir, et la lune s’est enfuie sous la terre. Mais quand je regardai la terre, je la vis toute pleine de reptiles et de serpents qui mangeaient la superficie de la terre et tuaient les hommes avec leurs queues, jusques à ce que le soleil fût tombé dans l’abîme ; et le lieu de la lune n’a plus été trouvé.

Or, après ceci, onze ans s’étaient écoulés, j’ouïs la voix de Dieu qui me disait : Souvenez-vous, ô épouse, de ce que je vous ai montré, en la cité Stoecholive, le ciel troublé ; maintenant je vous montrerai ce que cela signifie. Le ciel que je vous ai montré signifie le royaume de Suède, car ce royaume devrait être quasi céleste, pacifique et juste, mais hélas ! il est maintenant agité par les vents des tribulations ; il est foulé d’iniquités et d’exactions, ni n’est point de merveilles, car le roi et la reine, qui reluisaient comme le soleil et la lune, sont maintenant noircis comme des charbons, d’autant qu’ils sont changés en leurs mœurs et volontés, car ils ont élevé un homme de la race des vipères, afin de fouler mes amis simples.

Partant, sachez que ce prêtre, qui est un dragon confus, descendra plus qu’il ne montera ; et mes amis, desquels la vie est comme la vie des anges, entre lesquels aussi il y en a quelques-uns qui sont d’une sale et méchante vie comme les mauvais anges, qui en seront dispensés, seront élus et affranchis des tribulations. Mais le soleil pâlira jusques à ce qu’il vienne sous la couronne, puisqu’il n’a voulu justement vivre en la couronne, et on dira de lui que ses ténèbres se sont multipliées selon la grandeur de votre splendeur.

CHAPITRE 32

De la création des chevaliers.

Notre-Seigneur Jésus-Christ parlait à son épouse ; il lui disait entre autre choses : Écoutez, et sachez que l’état des hommes laïques était bien rangé autrefois. En effet, quelques-uns labouraient la terre et y étaient assidus ; les autres parcouraient les mers, allaient aux marchandises et transportaient en d’autres régions, afin que la fertilité d’une région aidât à la stérilité de l’autre. Les autres s’occupaient aux ouvrages manuels et à divers arts et artifices. Entre ceux-ci il y avait quelques défenseurs de la foi et de l’Église, qui sont appelés curiaux ou porte-épée, d’autant qu’ils avaient pris les armes pour la vengeance des injures qu’on fait à l’Église sainte et à la foi, et pour combattre et abattre les ennemis de Dieu.

Entre ceux-là apparut un bon homme et mon ami, qui ruminait ces pensées en son esprit : Je ne laboure point la terre, comme un laboureur : je ne cingle pas sur la mer ; je ne m’occupe point aux œuvres manuelles, comme un excellent ouvrier. que ferai-je donc, ou par quelles œuvres apaiserai-je mon Dieu  ? Je ne suis pas fort pour les œuvres de l’Église : mon corps est débile et mol pour souffrir les plaies ; ma main est lâche pour frapper les ennemis ; mon esprit est dégoûté pour considérer les choses célestes : que ferai-je donc  ? Certainement je sais ce que je ferai : je me lèverai, et m’obligerai, par un serment stable, sous un prince temporel, à défendre de toutes mes forces et de tout mon sang la foi de la sainte Église.

Mais cet homme, venant à ce prince ou roi, lui dit : Je suis des défenseurs de l’Église. Mon corps est trop mol pour souffrir les plaies, ma main trop lâche pour frapper, mon esprit trop léger et trop inconstant pour considérer le bien et pour agir; ma volonté propre me plaît ; le repos, qui m’est si cher, ne me permet pas de m’opposer fortement aux ennemis pour la maison de Dieu. Partant, je m’astreins avec jurement public, sous l’obéissance de notre Mère la sainte l’Église, et de la vôtre, mon prince, à la défendre tous les jours de ma vie. Que si mon esprit et ma volonté se refroidissent au combat, j’y suis tenu à cause de mon jurement, et j’y puis être contraint.

Le prince répondit : J’irai avec vous en la maison de Dieu, et je serai témoin de votre jurement et promesse.

Or, tous deux venant à mon autel, mon ami, étant agenouillé devant l’autel, dit : je suis trop faible en ma chair pour pâtir les plaies ; ma volonté propre m’est trop chère ; ma main est trop lâche pour frapper : c’est pourquoi je promets maintenant obéissance à Dieu, et à vous qui êtes le chef, promettant avec jurement de défendre la sainte Église contre ses ennemis, d’affermir les amis de Dieu, de faire du bien aux veuves, aux orphelins et à ceux qui sont fidèles à Dieu, de ne rien faire contre l’Église de Dieu et la foi.

Et d’ailleurs, je m’oblige à votre correction, si je me fourvoie, afin qu’étant obligé, je puisse mieux fuir le péché et mes volontés propres, et d’autant plus facilement et avec plus de ferveur faire la volonté de Dieu et la vôtre, et que je sache qu’il m’est autant damnable par-dessus les autres et suis plus méprisable, qu’ayant violé l’obéissance, je présume d’aller encore contre vos commandements.

Or, ayant fait cette profession devant mon autel, le prince, considérant sagement, se disposa un habit différent de ceux des séculiers, en signe de l’anéantissement et de la résignation de sa volonté propre ; et afin qu’il sût qu’il avait un supérieur à qui il devait obéir, le prince lui donna un glaive en sa main, disant : Avec ce glaive, vous taillerez les ennemis de Dieu. Et lui donnant au bras le bouclier, il lui dit : Avec ce bouclier, vous vous mettrez à couvert des coups de vos ennemis, et souffrirez patiemment les injures qu’on vous fera ; et plutôt que de fuir, que votre bouclier se crève. Il promit au prêtre qui était là présent de garder le tout fidèlement. La promesse étant faite, ce prêtre le communia en force et affermissement, afin que mon amis, étant uni avec moi, ne se séparât jamais de moi.

Tel fut mon ami Georges et plusieurs autres ; tels devraient être les chevaliers qui devaient avoir un nom à raison de leur dignité, un habit pour régir et défendre la sainte foi.

Écoutez maintenant, ô mon épouse, ce que mes ennemis font contre ce que mes amis auraient fait auparavant. Certainement les chevaliers qui portaient mes armes étaient prêts à donner leur vie pour la justice et à répandre leur sang pour la sainte foi ; ils annonçaient la perfection de la justice à ceux qui en avaient besoin, et ils déprimaient et humiliaient les mauvais. Mais écoutez maintenant comment il sont différents de leur première institution : autrefois ils mouraient pour la foi, maintenant ils meurent pour la vanité, cupidité et envie, selon les diverses suggestions, et ne vivent pas selon mes commandements, pour obtenir la joie éternelle.

Donc, tous les chevaliers qui meurent en telle volonté, leur stipende leur sera donnée par le jugement de la divine justice, savoir, que leurs âmes seront en l’éternelle conjonction avec le diable. Mais ceux qui me servent doivent avoir la stipende avec la milice céleste qui est sans fin. Moi, Jésus-Christ, ai dit ces paroles, moi qui suis vrai Dieu et vrai homme, un Dieu avec le Père et le Saint-Esprit.

CHAPITRE 33

D’un chevalier qui avait apostasié.

Tout le temps de cette vie n’est quasi qu’une heure devant moi : partant, ce que je vous dis maintenant a été éternellement en ma présence. Je vous ai parlé de ce chevalier au Livre II, Chap. IX.

CHAPITRE 34

D’un chevalier qu’arment saint Pierre et saint Paul.

Notre-Seigneur parlait à son épouse, disant: Aujourd’hui vous avez composé en grammaire une maxime : Il est mieux de prévenir que d’être prévenu. Je vous ai prévenu de la douceur de ma grâce, afin que le diable ne domine votre âme.

Et soudain apparut saint Jean-Baptiste qui dit : Béni soyez-vous, ô Dieu, qui êtes avant toutes choses, avec qui pas un ne fut jamais Dieu, sans lequel aucun ne serait, car vous êtes l’éternité ! etc. (Voyez le reste au Chap. LXXIV. du Livre IV.)

CHAPITRE 35

Des bénéfices que Dieu donne aux chevaliers, et de leur ingratitude. (Voyez le Chap. VIII du Livre II.)

CHAPITRE 36

(Voyez le Chap. XII du Livre II.)

CHAPITRE 37

(Voyez la peine d’un soldat, au Chap. XI du Livre II.)

CHAPITRE 38

(Voyez-le au Livre VI, Chap. LXXXII.)

CHAPITRE 39

Comment les rois doivent faire la guerre aux infidèles.

Un roi de Suède pria l’épouse de Jésus-Christ de consulter Dieu pour savoir s’il lui était agréable qu’il allât à la guerre contre les païens, car il le désirait. Sur quoi, l’épouse priant, Notre-Seigneur lui apparut, lui disant : Si le roi veut aller contre les païens, je le lui conseille, mais je ne le lui commande pas.

Je lui conseille deux choses : 1° qu’il ait un bon cœur et le corps bien dispos. Le cœur sera bon, s’il n’a point intention de sortir à cette guerre que pour l’amour de Dieu et aussi pour le salut des âmes. Le corps sera lors dispos et apte, quand il sera accoutumé au jeûne et au travail. 2° Il doit s’efforcer d’avoir tous ses sujets et ses chevaliers volontaires et hommes de bien. Partant, qu’il visite plutôt tout son royaume, recherchant comment la justice est rendue, comment et par qui les jugements sont faits et les gouvernements sont administrés, car il est nécessaire que celui qui s’efforce de mettre les autres au ciel, commence par corriger ses erreurs, avertir ses sujets, les corriger et les exciter par de bons exemples.

CHAPITRE 40

De la charité que les rois doivent garder avec les fidèles.

Jésus-Christ parlait à son épouse, lui disant : On dit que nul ne doit être contraint pour aller au ciel. Je réponds que là où les bonnes fleurs sont empêchées par la zizanie, n’est-il pas meilleur que la zizanie soit arrachée et que les fleurs ne soient empêchées  ? Oui, certes. Partant, que ceux qui vont aux terres des infidèles leur offrent, en premier lieu, la paix, la foi et la liberté ; et si les infidèles reçoivent leurs conseils et avertissements, leur zèle et leur main charitable les doivent alors exercer au bien.

Or, tous ceux qui seront morts pour cette charité, moi Dieu, qui suis la charité même, je leur rendrai le centuple, et même les infidèles ne seront pas si durement suppliciés et tourmentés que s’ils eussent vécu davantage et s’ils fussent morts en paix, car s’ils eussent vécu davantage, ils eussent plus péché. La charité est si grande que la moindre pensée ne sera pas sans récompense : à combien plus forte raison la bonne œuvre !

CHAPITRE 41

D’un colloque de Jésus-Christ avec son épouse touchant un roi.

Contenu au Livre IV, Chap. 3.

CHAPITRE 42

(Ce Chapitre est au Livre II, Chap. 6.)

CHAPITRE 43

De l’équipage que les rois doivent amener contre les Turcs.

Le Fils de Dieu parle à son épouse : Il faut que le roi qui cherche le lucre des âmes et qui veut assaillir les païens, ait deux drapeaux : qu’au premier soit décrite et peinte la passion, qui marque la miséricorde, au second, le glaive de ma justice. Donc, que le roi venant contre les païens élève le premier drapeau de miséricorde, offrant la paix à ceux qui la voudront recevoir, et qu’il érige l’autre drapeau à ceux qui la refuseront ; et se confiant en ma bonté, il ne doit craindre la multitude des ennemis ni se retirer par pusillanimité, et n’écouter point la voix de ceux qui disent : Retirez-vous, il ne faut plus combattre.

Que si le roi n’est constant à poursuivre, qu’il ne l’attente point et qu’il ne commence ce bien, car il est meilleur de ne pas commencer les choses ardues que de ne les poursuivre, les ayant prises avec charité. Que le roi prenne aussi avec lui des prêtres d’une bonne vie et des religieux de divers ordres qui méprisent vraiment le monde : il y en a plusieurs, dans le paganisme et entre les païens, qui préfèrent leur secte à toute autre chose, auxquels il faut répondre fort sagement. Que les prêtres aussi instruisent le peuple et l’avertissent qu’à raison de ses cupidités insatiables, il n’encoure l’anathème, et qu’il ne meure à raison du murmure et de l’incontinence.

CHAPITRE 44

(Ce chapitre se trouve en entier au Livre VI, Chap. XLI.)

CHAPITRE 45

Comment et avec quelle confiance en Dieu le roi qui va contre les païens doit procéder.

La Mère de Dieu parlait à sainte Brigitte, disant : Si le roi va contre les païens à un grand nombre de peuple, je sais l’entrée et l’issue du fait ; je sais que plusieurs qui y iront seront non moins rebelles à Dieu que ceux qui sont sortis d’Égypte avec Moïse. Mais comme Moïse n’introduisit point le peuple en la terre promise à raison de son ingratitude, de même ceux qui ne sont point nés encore accompliront les volontés de Dieu.

Que le roi ne se confie point en ce que je l’ai appelé mon fils et que je voudrais ne me jamais séparer de lui, car s’il me garde ce qu’il m’a promis, je lui garderai aussi ce que je lui ai promis ; mais s’il me méprise, qu’il craigne d’être méprisé.

CHAPITRE 46

Ce que doit faire l’évêque qui va contre les infidèles.

La Reine du ciel parlait à l’épouse, disant : Saint Sigfridus, archevêque, sorti d’Angleterre et fit la volonté de Dieu au royaume de Suède. De même quand cet évêque pour lequel vous priez, qui va avec le roi contre les infidèles, sera arrivé contre les païens et se trouvera en quelque terre qui sera acquise à Jésus-Christ, qu’il y établisse par les chrétiens une église cathédrale en quelque lieu honnête et convenable, afin que les chrétiens s’y puissent abriter comme auprès d’une mère, pour les nécessités de leur âme, et là se réfectionner spirituellement des sacrements et de la parole divine, et se consoler en l’esprit.

Et si l’évêque ne peut établir là qu’un ou deux prêtres, les sustenter et les nourrir, qu’il s’en contente, car mon Fils est puissant pour augmenter les dons et dilater l’épiscopat. Que si lui et mes amis murmurent avant que ces paroles soient accomplies, lors leur bonne volonté sera réputée pour l’effet, et ils auront de la leur récompense ; et partant, que pas un ne se confie en sa longue vie, mais qu’un chacun attende patiemment le vouloir de Dieu.

CHAPITRE 47

De l’ingratitude de ce roi, ne voulant suivre les conseils de Dieu, mais celui des mondains.

La Reine du ciel apparut à l’épouse, disant : Oyez, vous qui comprenez ce qui est spirituel, et venez avec moi ès colloques du Saint-Esprit. Je suis un vase rempli et remplissant, car comme le vase, étant sous le torrent, se remplit d’eau, et comme l’eau s’écoule, toutefois le vase est toujours rempli du coulant du torrent, de même mon âme, quand elle fut créée et conjointe au corps, fut remplie du coulant du torrent du Saint-Esprit, duquel elle n’a jamais été vide. Partant, quiconque vient à moi avec humilité et pureté de cœur, aura le secours du Saint-Esprit.

C’est pourquoi je puis être fort bien appelée un vase rempli, car quand j’étais au monde, au cour de son torrent, le Fils de Dieu vint en mon corps, prenant de moi la chair et mon sang ; il a demeuré en moi jusques à la naissance ; et étant né et venant en mes mains, les anges se réjouirent et annoncèrent la paix en terre.

Après cela, mon Fils tomba en la peine de la mort, quand sa peau fut déchirée de coups de fouets, que les os furent serrés par les clous, et quand le cœur se creva, tous les autres membres étant morts. Or, le cas fut grand, d’autant que par là la puissance du diable était diminuée et les portes du ciel s’ouvraient.

Je compare la passion de mon Fils au tonnerre, dont on voit la lueur avant qu’on en entende le bruit : de même la passion de mon Fils était annoncée par la bouche des prophètes longtemps avant qu’elle vînt. Mais après que mon Fils fut mort, un grand bruit a été excité, qu’on a ouï longtemps et prêché après sa passion, et pour cela plusieurs donnèrent joyeusement leur vie. Or, maintenant mon Fils est tellement oublié et méprisé que quelques-uns estiment sa mort comme rien.

D’autres disent qu’il ne savent pas s’il y a un Dieu ou non ; d’autre le savent, mais ils ne s’en soucient pas, et il y en a peu qui se souviennent de sa passion avec amour ; et afin que la passion de mon Fils vienne en ma mémoire, les paroles que je vous ai manifestées sont venues au monde, et partant, vous avez été envoyée au roi de Suède, qui, étant enveloppé dans les filets d’une quantité de péchés, après avoir été séparé du diable, a été par moi reçu pour mon fils, désirant en faire un généreux combattant pour l’honneur de Dieu. Le diable, voyant cela, lui porta envie, comme jadis à Moïse jeté en l’eau, le berceau duquel Notre-Seigneur conduisit au port, lequel, bien qu’il fût empêché en sa langue, disait néanmoins tout ce que Dieu voulait ; et fuyant de crainte d’Égypte, il retourna à pharaon, la divine Providence l’ordonnant de la sorte : de même le diable en a fait au roi, car il a jeté un grand orage en son cœur, afin qu’ayant assemblé une grande multitude de combattants, il se retirât de son entreprise à cause de la pauvreté et de la famine ; et partant, il était établi un certain nombre de personnes.

D’ailleurs, Le roi, par la suggestion du diable, considéra de la sorte : Les amis de Dieu n’ont point de science de batailler et combattre, c’est pourquoi j’irai chercher des gens aguerris au combat, à qui le diable envoya ensuite plusieurs des siens, par le conseil desquels il fut gouverné, bien qu’il fût manifesté au roi à quels conseils il devait obéir. Il lui avait été aussi conseillé d’amener quand et soi des prêtres et religieux de bonne vie, et cela fut fait par la providence du Saint-Esprit contre les astuces de diable. Certainement, il sait qu’en peu de temps Dieu lui voulait montrer comment il fallait entrer en bataille. Le diable savait aussi qu’il y en a plusieurs dans le paganisme qui s’estiment grands dans leur secte, et il n’ignore point qu’il y en a plusieurs qui désirent savoir la foi sainte et catholique. Partant, le diable désire qu’au temps de grâce, on envoie chez eux des gens pleins d’ignorance et de cupidité. Donc, les amis de Dieu, les prêtres et les religieux, doivent être prêts, avec une sapience spirituelle, à répondre aux païens qui viennent à eux avec leur secte.

Beaucoup d’autres choses vous sont dites, qui ne se feront pas sitôt ; mais ces paroles doivent être gardées jusques au temps fixé, car Dieu montra à Moïse plusieurs choses qui n’ont pas été accomplies en une heure. David fut manifesté roi longtemps avant d’en avoir la puissance, et partant, que les amis de Dieu attendent patiemment et qu’ils ne se dégoûtent pas en l’œuvre.

Nous disons aussi que les frères de l’ordre de Saint-Dominique, de Saint-François et les Bernardins, sont sortis avec le roi, d’autant que ces trois ordres sont appelés pour la conversion des païens. Les monastères doivent certainement se faire pour ceux qui méprisent véritablement le monde, qui n’ont d’autre volonté que celle d’honorer Dieu et de trouver son amitié.

Mais quelques-uns de ces frères considèrent et disent : Où est ce peuple à qui il fallait prêcher  ? Où est le lieu où il fallait édifier  ? Le peuple d’Israël disait pareillement à Moïse : Où est la terre promise  ? Il eût mieux valu pour nous être en Égypte sur les pots de chair que d’être exposés aux danger de mourir de faim et d’angoisse. Le peuple néanmoins arriva en Israël au temps qu’il plut à Dieu, bien que quelques-uns murmurassent.

Que le roi donc ait toujours avec soi des prêtres dévots et tels qu’ils le suivent volontairement, poussés par la charité divine, et qu’il se donne garde d’amener des prêtres cupides comme des oiseaux de rapine.

Mais écoutez maintenant ce que je dois dire, moi, Mère de miséricorde : Ce roi que j’ai appelé mon fils est maintenant fils de rébellion, à qui, quand il était petit enfant, étaient gardés deux royaumes. Étant arrivé aux ans de discrétion, il gouvernait injustement et sans discrétion ; néanmoins, Dieu, le souffrant, lui donnait même des dons spirituellement, quand il convertit son cœur à Dieu. D’ailleurs, il lui remet en mémoire ce que Dieu lui a fait, car il arriva souvent qu’étant enfant au ventre de la mère, il était si lié avec la mère qu’il ne pouvait aucunement en être séparé. Ce que la femme sage considérant sagement, elle dit : S’il demeure davantage au ventre de la mère, tous deux mourront ; si on les sépare, la mère mourra et l’enfant vivra.

Et soudain la femme sage sépara l’enfant de la mère, avec laquelle il était collé : de même ce roi était lié à sa mère le monde ; que s’il y fût demeuré davantage, il y fût mort et serait descendu aux peines de l’enfer. Or, moi, Reine du ciel, j’allai au roi, le séparant de l’amour du monde. Or, j’allai à lui par l’inspiration du Saint-Esprit qui entra dans son cœur, car là où le Saint-Esprit entre, là entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit ; et comme il est impossible que les trois personnes puissent être séparées en la Trinité, aussi est-il impossible ( la loi et le décret divin de grâce, de prédestination et de gloire ), que moi, étant Mère de Dieu, puisse être séparée de Dieu. En vérité, j’ai eu en moi le Fils de Dieu avec sa Divinité et son humanité. Partant, Dieu le Père m’a en sa Divinité, et le Saint-Esprit est le lien de notre dilection, où le Saint-Esprit, qui est dans le Père et le Fils, est en moi, et nous ne pouvons être séparés. En ce doute, quand j’allai au roi, Dieu donna à son cœur la contrition, et à leur yeux les larmes spirituelles, qu’aucune ne peut obtenir que par la grâce divine.

Le deuxième bien : je remets en mémoire au roi quelle grâce a été faite en son royaume, car mon Fils, qui est assis au souverain trône de la Majesté souveraine, vous parle souvent, ô Brigitte, vous qui êtes née de son royaume ; et j’ai mérité cette grâce au roi, afin qu’il rendît honneur à Dieu et ce fruit à son âme ; à qui j’ai montré aussi par vous comment il gouvernerait sagement son royaume, et d’aimer charitablement son peuple, et en quelle manière il devrait se gouverner corporellement et spirituellement pour l’honneur de Dieu.

En troisième lieu, le lui remets en mémoire la manière dont il a été élevé, afin que, s’il voulait, il portât la foi catholique aux païens.

Mais oyez maintenant ce que le roi a fait, car moi, Mère de miséricorde, j’ai appelé ce roi mon nouveau fils, oui, nouveau, d’autant qu’il était venu nouvellement à la sainte obéissance. Je lui avais promis par vous que je voulais être la maîtresse et la défenderesse de son camp et de son royaume, et que je serais devant lui aux terres de ses ennemis, et il a été fait de la sorte, car la paix était en sa terre par la divine Providence, par mes prières, et avant lui, j’ai été en la terre des ennemis, quand je les ai amassés en un lieu que je lui devais donner.

Un peu de temps s’étant écoulé, les instruments du diable vinrent à ce roi, pleins d’un cœur malin et d’un esprit méchant, qui se confiaient ès mains des hommes plus qu’au secours de leur Créateur, la cupidité desquels fut plus grande aux possessions terrestres que pour le secours des âmes, les langues desquels excita à parler celui-là qui poussa Judas à vendre son Créateur ; les dents desquels étaient élevées par les doigts du diable ; les lèvres froides desquels furent ointes du venin de Satan : c’est pourquoi la charité divine ne leur fut point à goût, mais crachant les paroles de vérité, ils eurent la fausseté en leur bouche.

Le roi, obéissant à leurs pernicieux conseils, a retiré mes ennemis de mes mains, résistants à la sainte foi, et lors je demeure le sein vide et toute seule. Ce roi fit aller les loups çà et là, assignant les agneaux ès mains des serpents, qui sont tous prêts à les déchirer, et lors ils se sont remplis du venin d’une plus grande malice.

Telles choses ont procédé des trompeuses suggestions de Satan. Le roi, ayant méprisé le conseil des amis de Dieu, obéit aux conseils charnels des hommes ; et ne considérant point la force divine et ne pensant point à mes conseils, il s’en retourna sans aucun fruit, et il foula le peuple de son royaume, étant désobéissant à Dieu et aux hommes, et violateur de sa promesse par sa malice. Mais comme la mère s’apaise bientôt, son fils lui demandant miséricorde, je lui en dis de même maintenant : Mon fils, convertissez-vous à moi, et je retournerai à vous. Sortez de votre chute, selon le conseil des amis de Dieu.

Cette lettre est la dernière que je lui enverrai.


[1] Abigail.

[2] L’impie Jézabel.

   

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