LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

RÉVÉLATIONS CÉLESTES

Livre IV

— Chapitres 76 à 100 —

CHAPITRE 76

La Mère de Dieu parle à l’épouse de Jésus-Christ : Pourquoi vous troublez-vous, ô ma fille?
Parce que, dit-elle, je crains d’être envoyée aux endurcis de cœur.
La Mère lui dit : D’où entendez-vous qu’il y a des endurcis de Dieu?

Je ne sais discerner, dit-elle, ni je n’ose le juger de personne, car en premier lieu, deux hommes m’ont été montrés, l’un desquels apparaissait très humble et très saint selon le jugement des hommes; l’autre large et ambitieux, l’intention et la volonté desquels néanmoins étaient différentes de l’œuvre, et l’un et l’autre épouvantèrent grandement mon esprit.

La Mère répondit : Il est permis de juger des choses qui apparaissent ouvertement mauvaises, savoir, par un esprit de compassion et de correction ; mais quant aux choses douteuses, qui ne sont certainement évidentes de quel esprit elles ont été faites, vous n’en devez pas juger. Partant, je vous veux montrer quels sont ceux qui sont amis de Dieu : sachez donc que ceux-là sont amis de Dieu, qui, ayant reçu les dons de Dieu, sont encore timides, et rendent grâces à Dieu de ceux-là à toute heure, et ne désirent point les choses superflues, mais se contentent de ce qui leur est donné.

Mais où se trouvent telle sorte de personne?
Recherchons-les en premier lieu dans les communautés. Quelle est celle d’entre elles qui dit jamais : C’est aussi ; je ne cherche rien de plus grand ? Cherchons-les parmi les soldats et chevaliers, et autres seigneurs. Quel est celui d’entre eux qui pense ceci : Les biens que je possède, je les ai de mon héritage, et d’iceux je désire et prends ma nourriture modérée et conforme à mon état, selon qu’il est agréable à Dieu et convenable aux hommes ; le superflu, je le communiquerai et départirai à Dieu et aux pauvres ? Que si je savais que ces biens héréditaires fussent mal acquis, je les restituerais ou les laisserais, ne les pouvant restituer selon le conseil des Pères spirituels et bons serviteurs de Dieu ? O ma fille! Une telle pensée est rare maintenant en la terre. Voyons aussi si, parmi les rois et les ducs, nous les trouverons.

Quel est celui d’entre eux qui se contienne en son état? Certainement celui-là est roi, qui est réglé et composé en ses mœurs comme un Job, et humilié comme un David, en zèle de la loi comme un Phinées, en mansuétudes et patience comme un Moïse. Celui-là est aussi vrai duc, qui régit les armées du roi, et leur donne les formes et les manières de guerre, qui a sa confiance en Dieu et sa crainte comme un Josué, qui cherche plus l’utilité de son maître que la sienne propre, comme un Joab ; qui aime le zèle de la loi et les utilités du prochain, comme un Judas Macchabées. Un tel duc est semblable à la licorne qui a une corne fort aiguë au front, et sous la corne, une pierre précieuse.

Or, qu’est-ce que la corne d’un duc, si ce n’est son cœur magnanime et généreux, quand il faut batailler fortement, blesser et abattre les ennemis de la foi ? Or, la pierre précieuse qui est sous la corne du duc, est la charité divine, qui, demeurant incessamment dans son cœur, le rend à tout prompt, agile et victorieux. Mais lors les ducs sont semblables aux chevreuils lascifs, quand ils bataillent en tout pour la chair, et non pour l’âme ni pour Dieu.

Cherchons maintenant parmi les rois : quel est celui d’entre eux qui ne foule ses sujets à raison de sa superbe ? Quel est celui qui maintient son état selon les rentes de sa couronne ? Quel est celui qui restitue ce qui n’appartient point à sa couronne d’équité et de justice ? Quel est celui-là qui laisse ses occupations pour faire la justice pour l’amour de Dieu ? Plût à Dieu, ma fille, qu’au monde, on trouvât de tels rois, afin que Dieu fût glorifié!

Cherchons maintenant si, parmi le clergé, nous en trouverons. Ils doivent aimer la continence, la pauvreté et la dévotion. Certainement, ceux-là aussi se sont retirés de la droite voie. Or, que sont les prêtres, sinon les pauvres et les aumôniers de Dieu, afin que, vivant d’aumônes et d’oblation à Dieu, ils fussent autant humbles et fervents envers Dieu qu’ils doivent être retirés des soins et sollicitudes du monde ? C’est pourquoi l’Église est sortie de la tribulation et a pris naissance de la pauvreté, afin que Dieu fût leur héritage, et afin qu’ils se glorifiassent, non au monde ni en la chair, mais en Dieu.

Mais, ma fille, Dieu n’eût-il pas pu élire les rois et les ducs en apôtres, et enrichir aussi l’Église de leur héritage ? Certainement, il l’eût pu. Mais Dieu, qui est la richesse même, est venu pauvre au monde pour nous en donner l’exemple, afin qu’il nous montrât que les choses terrestres sont passagères et périssables, et afin que l’homme s’unît à son Dieu et qu’il n’eût honte de la pauvreté, mais qu’il se hâtât, par la pauvreté, d’arriver aux richesses permanentes et éternelles. C’est pourquoi Dieu commença la très belle et éclatante disposition de l’Église, et le mit en sa place, afin qu’il vécût, non de l’héritage du monde, mais de celui de Jésus-Christ. C’est pourquoi la naissance de l’Église fut par trois sortes de biens :
1- la ferveur de la foi ;
2- la pauvreté ;
3- les effets des vertus et des miracles.

Ces trois choses aussi furent en saint Pierre, car il eut la ferveur de la foi, quand il confessa d’une franche volonté son Dieu et n’hésita pas à mourir pour lui.
Il eut aussi la pauvreté, quand, en voyageant, il mendiait, et se nourrissait du travail de ses mains. En vérité, il était riche dans les choses spirituelles, car ce fut bien plus de faire marcher un boiteux, ce qu’aucun des princes ne peut, que de lui donner de l’or et de l’argent. Mais quoi ! Saint Pierre n’aurait-il pas pu obtenir de Dieu de l’or, qui eût pu ressusciter un mort ? Oui, certainement ; mais il se déchargea du poids des richesses, afin qu’affranchi de tout, il entrât dans le ciel, et que, comme maître des brebis, il leur donnât exemple d’humilité, d’autant que la pauvreté corporelle ou spirituelle et l’humilité sont l’entrée du ciel.

En troisième lieu, il fut en lui l’effet des miracles, car laissant les grands et sublimes, les infirmes et malades étaient guéris par l’ombre de saint Pierre. D’autant donc qu’il avait la perfection des vertus, qui est de se contenter du nécessaire, c’est pourquoi sa langue a été faite la clef du ciel, et son nom est en bénédiction en terre et au ciel.

Or, ceux qui ont voulu célébrer leur nom en la terre et ont aimé la fiente de la terre, sont méprisés et sont écrits au livre de la fureur de la justice d’un Dieu tout-puissant. En vérité, Dieu, voulant montrer que, ni la pauvreté de saint Pierre, ni celle des saints, n’étaient pas contraintes, mais libres, excitant l’esprit de plusieurs à leur donner et leur départir de leurs biens, mais eux se réjouissaient plus en leur extrême pauvreté que dans les épines poignantes des richesses, de sorte que, plus leur pauvreté croissait, plus leur dévotion augmentait.

Et certes, ce n’est pas de merveille si ceux qui n’ont que Dieu pour leur joie, Dieu ne leur manque jamais. A ceux qui désiraient ardemment les richesses du monde, comment, je vous prie, Dieu pouvait-il leur être à goût ? Voire il n’était que comme un passant devant leurs yeux. Mais par la suite du temps, les amis de Dieu devenant plus fervents et plus deliés pour prêcher la parole divine, et afin qu'on sut que la richesse n'est point mauvaise , mais seulement l'abus qu'on en fait , partant, sous Sylvestre et autres, les biens temporels ont été donnes à l'Eglise, lesquels les hommes saints ont dispenses de longtemps pour leur seule nécessité et pour l'entretien des pauvres, amis de Dieu.

Sachez donc que tels sont les amis de Dieu, qui se contentent des dispositions divines, lesquels, bien qu'ils ne vous soient point connus, mon Fils voit fort clairement, d'autant qu'en un métal dur, souvente fois on trouve de l'or, et d'un dur caillou, on tire des scintilles de feu. Allez donc assurée, d'autant qu'il faut en premier lieu, crier, et puis faire, d'autant que mon Fils demeurant en la chair, n'a converti toute la Judée, ni les apôtres ensemble, ni la gentilité en une fois, mais il faut un plus long temps pour parfaire les œuvres de Dieu.

Ici sont les paroles de l'épouse à Jésus-Christ, qui manifestent la grande et magnifique miséricorde que Jésus-Christ a faite avec elle; et les paroles de Jésus-Christ à la même épouse, confirmant la même miséricorde en elle. En quelle manière il l'a élue un vase qui doit être rempli de vie, et par elle doit être donne à boire aux serviteurs de Dieu. De l'humble et agréable demande de l'épouse à Jésus-Christ.

CHAPITRE 77

Honneur et gloire à Dieu Tout-Puissant pour toutes les choses qu’il a créées ! Louange lui soit pour toute ses vertus ! Que le Ios lui en soit rendu et service pour toute la charité ! Moi (1) , indigne créature , qui , dès ma jeunesse , ai beaucoup offensé la divine bonté , je vous rends grâces , ô mon doux Jésus ! et pour cela singulièrement , d’autant qu’il n’y a créature si criminelle à qui vous refusiez votre miséricorde , qui vous la demande avec charité et vraie humilité, avec résolution de s’amender.

O mon très cher Jésus et le plus clément de tous ! ce que vous m’avez fait est admirable devant les yeux de tous , car quand il vous plaît , vous assoupissez mon corps , non pas toute fois avec un sommeil corporel , mais par une paix spirituelle . Or , vous m’excitez comme quasi du sommeil , pour voir , ouïr et sentir spirituellement . O Seigneur Dieu ! oh ! que douces sont vos paroles à ma bouche ! Il me semble que toutes fois et quand est que j’entends les paroles de votre Esprit , mon âme les engloutit en elle-même avec quelque sentiment ineffable de votre douceur signalée , comme une viande très douce qui semble tomber dans le cœur de mon corps avec une grande joie et une ineffable consolation . Néanmoins , cela me semble admirable que , quand j’entends vos paroles , je demeure rassasiée et affamée : je suis rassasiée , d’autant qu’alors rien ne me satisfait , si ce n’est vos paroles ; affamée , parce que mon appétit augment toujours.

Béni soyez-vous donc , ô Jésus-Christ , mon Dieu ! Donnez-moi , je vous supplie , le secours que je vous demande , afin que tous les jours de ma vie , je puisse faire ce qui vous est agréable.

Or , Notre-Seigneur répondit , disant : Je suis sans commencement et sans fin . Toutes choses sont créées de ma main toute-puissante , et disposées et réglées par mon inscrutable sapience ; mon jugement régit toutes choses , et rien ne met impossible . Et de fait , toutes mes œuvres sont disposées avec charité . Et partant , ce cœur est trop dur , qui ne veut m’aimez ni me craindre , puisque je suis nourricier de toutes choses et Juge . Or , le diable , qui est mon bourreau , est traité des hommes et servi , et on accomplit ses volontés . Enfin , ce diable a donné à boire au monde un venin si pestiféré et mortifère , que l’âme qui le goûte avec délectation ne saurait vivre , mais morte à la grâce , elle tombe misérablement dans l’enfer , pour vivre d’une mort animée de misères éternelles . Ce venin est le péché , qui , bien qu’il soit goûté de plusieurs au commencement, à la fin néanmoins est horriblement amer.

Certainement , ce venin est bu et reçu de la main du diable à toute heure avec délectation , qui engage aux malheurs : et qui a jamais ouï telles choses , ou quoi est plus admirable , voire étonnant ? La vie est présentée aux hommes , et ils choisissent misérablement la mort et embrassent volontairement les supplices éternels.

Mais moi (Jésus-Christ) , qui suis puissant sur toutes choses , je compatis à leurs misères et à leurs pressantes angoisses . J’ai fait comme un roi riche et charitable qui , envoyant à ses plus familiers serviteurs le vin le plus précieux , leur dirait : Buvez et donnez-en à boire à plusieurs , car il est très salutaire : il rend la santé aux malades , aux triste la consolation , et donne un cœur généreux aux hommes sains . On n’envoie point aussi le vin sans vase . Véritablement , j’en ai fait de même en ce royaume , car j’ai envoyé à mes serviteurs mes paroles , qui sont comparées au vin le plus précieux , et eux le donneront aux autres , d’autant qu’elles sont très bonnes et salutaires. Par le vase , j’entends vous-même , qui écoutez mes paroles , car vous avez fait l’un et l’autre ; car vous avez écouté et prêché mes paroles, attendu que vous êtes mon propre vase. Je le remplirai aussi quand je le voudrai, et j’y puiserai quand il me plaira . Et partant , mon Esprit vous montrera où vous devez aller , ce que vous devez dire . Et ne craigniez personne , si ce n’est moi ; mais vous devez aller avec joie là où je voudrai , et dire sans crainte ce que je vous enverrai dire , car rien ne me peut résister , et je veux demeurer avec vous.

L’épouse parlait après : Moi , qui est entendu cette voix , je répondis en ces termes avec larmes : O Seigneur , mon Dieu , je suis en votre puissance comme un petit ver. Je vous prie de me donner licence de vous répondre.
Or , la voix répondit , disant : J’ai connu votre épouse avant que vous l’ayez conçue . En vérité , je vous donne néanmoins licence de parler.

Lors l’épouse dit : Je vous le demande , ô Roi de gloire ! vous qui versez en nous la sapience , et qui opérez en nous toutes les vertus , vous êtes la vertu même , pourquoi me voulez-vous choisir pour un tel office et charge , moi qui ai consommé mon corps en péchés , qui suis , touchant la sagesse , semblable à l’âme débile et lâche pour l’exercice de toute sorte de vertus ? Ne vous courroucez pas , à raison de cela , contre moi , qui vous ai interrogé de la sorte , car il ne faut en rien se défier de vous, car vous pouvez faire tout ce que vous voulez de moi . Je m’étonne grandement , d’autant que je vous ai grandement offensé , et me suis amendée.

La voix répondit , disant : Certainement , je vous réponds par similitude : Si on présentait à un roi riche et puissant diverses monnaies , lesquelles le roi ferait fondre après et en ferait ce que bon lui semblerait , comme , par exemple , couronnes , anneaux , de la monnaie d’or , des vases à boire , de la monnaie d’argent , des chaudrons et des poêles , de la monnaie de cuivre et que le roi se servît de toutes ces choses pour son honneur et sa commodité ; puisque vous ne vous étonneriez pas qu’il en usât de la sorte , il ne faut donc pas que vous vous étonniez que je reçoive les cœurs de mes amis , quand ils me sont franchement offert par eux-mêmes , faisant d’eux tout ce que bon me semble ; et bien que quelques-uns aient un plus grand sens , d’autres un sens moindre , néanmoins , quand il me présentent leur cœur , lors je me sers des uns pour une chose , des autre pour une autre , de tous néanmoins pour mon honneur et pour ma gloire , car le cœur du juste est une monnaie qui me plaît grandement ; et partant , je puis disposer des choses qui sont à moi comme je veux ; et puisque vous êtes à moi , vous ne devez vous étonner des choses que je veux faire avec vous , mais soyez constante et ferme pour soutenir , et volontaire pour faire tout ce que je vous commanderai , car je suis puissant en tous lieux pour vous donner tout ce qui vous est nécessaire.

Paroles qui ont été divinement révélées à l’épouse sainte Brigitte , voire déclarées et envoyées à elle par la bouche très douce de la glorieuse Vierge Marie.

CHAPITRE 78

J’ai , veuve , signifié à votre honorable paternité quelque choses qui ont été révélées , quelques choses grandement prodigieuses , lorsque cette personne était en son pays , choses qui ont été examinées diligemment et approuvées par des évêques , par des prêtres séculiers et par des moines , qui tous ont dit avoir procédé d’une pensée et merveilleuse influence du Saint-Esprit , ce que le roi et la reine de ce pays-là ont aussi connu par des raisons très probables.

La même femme veuve , étant assez incommodément à la ville de Rome , un jour en l’Eglise de sainte Marie-Majeure , occupée en oraison , fut ravie en une vision spirituelle , son corps étant comme malade et appesanti , non pas toutefois qu’elle fût plongée dans le sommeil.

En cette heure-là lui apparut quelque très révérende vierge . Mais cette femme , étant troublée de l’admiration de la vision , connaissant sa fragilité , craignait la déception de Satan , c’est pourquoi elle suppliait intimement la divine piété q’elle ne permît point qu’elle tombât dans les tourments du diable . La Vierge donc qui lui apparaissait , lui dit : Ne craignez point ce que vous voyez , et oyez maintenant , pensant que cela soit du malin esprit ; car comme de l’approche du soleil deux choses nous arrivent , savoir , la lumière et la chaleur qui ne suivent jamais , mais chassent les ombres épaisses , de même quand le Saint-Esprit est en une âme , deux choses arrivent en son cœur , savoir , l’ardeur de la divine charité et la parfaite lumière de la foi catholique . Or , vous sentez ces deux choses en vous , de sorte que vous n’aimez rien tant que Dieu , et il ne vous manque pas un seul point de l’intégrité de la foi . Mais le malin esprit qui est comparé aux ombres épaisses et palpables , ne suit pas ses deux choses.

Après , la même vierge ajouta , disant à la même femme : Vous devez envoyer de ma part mes paroles à un tel prélat.
La femme lui répondit avec un grand regret au cœur , disant : O ma révérende vierge , il ne me croira pas , mais , comme je pense , il aura mes paroles à risée plutôt que de les estimer être de la divine vérité.

La Vierge répondit , disant : Quoique je connaisse fort bien la disposition de son cœur et la réponse qu’il fera , et la fin de sa vie , néanmoins vous lui devez envoyer mes paroles.
Certainement , Je lui fais connaître que , du côté droit de l’Eglise , le fondement est grandement ruiné , de sorte que la voûte menace de si grandes ruines périlleuses que plusieurs y perdront leur vie . La plus grande partie des colonnes qui tendaient en haut, sont maintenant toutes courbées en bas jusqu’à terre , et tout le pavé est tellement fossoyé que les aveugles qui y entrent tombent avec grand danger ; voire même cela arrive souvent à ceux qui voient clair , à raison des fosses dudit pavé ; et pour toutes ces choses, l’Eglise de Dieu est en de grand dangers . Et que doit-il résulter de là ? Soudain on le verra , car certainement , elle souffrira une ruine totale , si on ne la répare ; et sa ruine sera si grande qu’elle sera ouï par toute la chrétienté , et ces choses doivent être entendues spirituellement.

Quand à moi , je suis cette Vierge au ventre de laquelle le Fils de Dieu a daigné venir avec la Déité et le Saint-Esprit , sans aucune mauvaise délectation corporelle . Et celui qui est Fils de Dieu éternel est né de mon ventre sans rupture , avec la Déité de l’humanité , et le Saint-Esprit avec une grande consolation et sans peine.

J’ai aussi demeuré auprès de la croix , quand lui surmontait l’enfer avec la vraie patience , et ouvrait le ciel avec le sang de son cœur . Véritablement j’étais en la montagne , quand le même Fils de Dieu, qui en vérité est mon Fils , montait au ciel. Enfin , j’ai connu clairement toute la foi catholique , laquelle il a enseignée en évangélisant tous ceux qui veulent entrer dans le ciel.

Je demeure donc au monde avec mon oraison assidue envers mon très cher Fils , comme l’arc sur les nuées du ciel , qui semble s’abaisser jusques à la terre et la toucher de ses deux bouts . Partant , j’entends moi-même ; et de fait , je m’abaisse aux habitants de l’univers , savoir , en les touchant des deux bouts de mon oraison , savoir , les bons et les mauvais . Je m’abaisse aux bons , afin qu’ils soient constants et fermés en tout ce que la Sainte Mère l’Eglise commande , et aux mauvais , afin qu’ils n’avancent en leur malice et ne se rendent pires.

Je signifie donc à ceux auxquels j’envoie mes paroles , que d’une partie de la terre sortent des nuées très horribles contre l’éclat de la beauté de l’arc , par lesquelles j’entends les hommes incontinents et les insatiables richesses , comme la mer des ruisseaux , qui donnent aussi les biens prodigalement et irraisonnablement pour la pompe mondaine et pour la vanité , comme un torrent épand son eau en son impétuosité.

Les pourvoyeurs de la sainte Mère l’Eglise exercent d’ordinaire ces trois horribles forfaits , dont les péchés abominables montent au ciel , et s’élèvent de la terre devant Dieu comme des nuées pour noircir et offusquer l’éclat signalé et la beauté nom pareille de mon arc ; et de la sorte , ceux qui devaient avec moi apaiser Dieu , provoquent misérablement sur leur tête l’ire et l’indignation d’un Dieu tout-puissant , et telle sorte de gens ne devraient pas être rehaussés et loués dans l’Eglise ,mais bien être déprimés.

Que quiconque donc voudra avoir soin que les fondements de l’Eglise demeurent fermes et stables , et que le pavé demeurent plein et égal par un bon et nouvel établissement , désire ardemment de renouveler cette bienheureuse vigne que Jésus a plantée et arrosée de son sang . Que s’il se croit pour cela insuffisant et incapable , moi , Reine du ciel , avec toutes les troupes des anges , viendrai à son aide et secours , arrachant les racines fabuleuses , coupant les arbres infructueux pour les brûler , et plantant en leur lieux des arbres fructueux . Par la vigne , j’entends notre Mère la sainte Eglise , en laquelle il faudrait renouveler dans les cœurs de ses enfants l’humilité et la charité.

Cette vierge glorieuse qui apparut à cette femme , a commandé de vous envoyer ceci par écrit , d’où votre révérende paternité pourra connaître que moi , qui envoie la présente lettre , jure par le vrai Jésus et le Dieu tout-puissant , et par sa très digne Mère Marie , voulant qu’ils m’aident de la sorte au corps et à l’âme , comme je n’ai envoyé cette lettre pour quelque honneur du monde , pour quelque cupidité , ou pour quelque faveur mondaine . Mais entre autres choses qui ont été dites à la même femme en cette révélation spirituelle , toutes les choses qui sont écrites en ce papier , on m’a commandé de les envoyer à votre dignité.

Ici est un poème notable dans lequel sont contenus plusieurs bons avis qui ont été révélés à la même épouse sainte Brigitte , sur une information qui est contenue dans le chapitre précédent.

CHAPITRE 79

Louange , honneur et gloire soient à Dieu tout-puissant pour toute ses œuvres admirables ! Que soit aussi honneur éternel à celui qui a commencé de vous donner la grâce ! Nous voyons que , quand la surface de la terre est couverte de neige et de froid ,il est certain que les semences qui ont été semées ne peuvent germer qu’en quelques lieux où le soleil darde ses rayons et les échauffe , lesquels lieux aussi , par le bienfait du même soleil , naissent les feuilles et les herbes , et on voit éclore des fleurs , lesquelles on peut voir et connaître de quelle espèce et de quelle vertu elles sont.

En vérité , tout le monde me semble être saisi et couvert du froid de la superbe insupportable , de la cupidité insatiable et de la brutale volupté .Hélas ! qu’il y en a peu dont on puisse connaître , par leurs paroles et œuvres que la parfaite charité de Dieu demeure dans leurs cœurs ! d’où il faut savoir que , comme les amis de Lazare se sont réjouis de le voir ressuscité pour la gloire de Dieu , de même maintenant les amis de Dieu peuvent se réjouir de voir ressusciter quelques-uns de ces trois vices , qui sont vraiment une mort éternelle.

D’ailleurs , il faut remarquer que, comme le Lazare , étant ressuscité, après sa résurrection , en acquit une double haine ( car il avait quelques ennemis corporels, qui étaient aussi ennemis de Dieu, et ceux-là haïssaient corporellement le Lazare , il avait aussi quelques ennemis spirituels, savoir, les démons, qui ne désirent jamais être amis de Dieu , et ceux-là le haïssaient spirituellement), de même maintenant, quiconque ressusciterait des vices et péchés mortels, voulant garder la chasteté, fuir l’orgueil et les ambitions, tombé en la double haine du diable et des hommes, car les hommes qui sont ennemis de Dieu , leur désirent nuire corporellement.

Et le diable désire aussi les damner par deux manières : il s’efforce de leur nuire spirituellement , car en premier lieu , les hommes du monde les blâment et les vitupèrent par des paroles médisantes et venimeuses ; en second lieu , ils les molestent , les fâchent et les inquiètent en leurs œuvres , afin qu’ils les rendent semblables à eux , tant en leur vie qu’en leurs œuvres , les arrachant des bonnes entreprises et résolutions . Mais l’homme de Dieu nouvellement converti à la vie spirituelle , peut fort bien vaincre telle sorte de gens malins , si , contre leurs paroles vaines , il s’arme de patience , et si lors , en leur présence , il s’exerce ès œuvres spirituelles et divines avec plus de ferveur et d’assiduité.

Les démons infernaux s’efforcent aussi de les décevoir par deux autres différentes manières : ils désirent impatiemment de faire rechuter l’homme qui est converti de nouveau . Que s’ils ne peuvent , lors la malice des démons , qui n’aura jamais d’égale , le sollicité encore et le tente , afin qu’il fasse ses œuvres spirituelles irraisonnablement et sans discrétion , savoir est , en veilles excessives , en abstinences indiscrètes , afin que ,de la sorte , ses forces soient bientôt épuisées , et qu’il soit infirme pour le reste du temps à faire les œuvres spirituelles.

Contre le premier il y a un très bon remède , savoir , la fréquente et pure confession de ses péchés et une grande et intime contrition. Contre le deuxième , le meilleur remède est l’humilité basse et profonde , qui le porte à plutôt obéir et à se soumettre à quelque personne ancienne , spirituelle , que se gouverner soi-même ès choses spirituelles et ès pénitences qu’il fait . En vérité , cette médecine est grandement utile , de sorte que , bien que celui qui la conseillerait fût plus indigne que celui qui se conseille , il faudrait néanmoins espérer certainement que la divine Sapience coopérera , par son secours , à ce que celui qui donne le conseille ne se trompe , mais lui conseille tout ce qui est utile . Tous deux ont la volonté de chercher en tout l’honneur et la gloire de Dieu.

Or , maintenant , ô mon bien-aimé ! d’autant que tous deux nous sommes sortis des péchés , prions Dieu tout-puissant qu’il nous donne son aide et son secours , à moi en disant , et à vous en obéissant.
Et nous devons d’autant plus prier et remercier Dieu de ce qu’il a permis que vous , qui êtes riche , sage et noble , ayez daigné prendre conseil de moi , indigne , inconnue et peu intelligente . Et de fait, j’espère que Dieu regardera bénignement votre humilité et vous donnera la grâce de faire tout ce qui sera utile , et dont je vous écris pour son honneur et gloire.

Instruction révélée à son épouse grandement discrète . Elle est fort utile pour un prêtre , contenant la manière de bien vivre , tant spirituellement que corporellement.

CHAPITRE 80

En premier lieu , je vous conseille de demeurer en votre logis , auprès de votre Eglise de Sainte-Marie , Vierge ; d’avoir seulement un seul serviteur ; de rendre à vos créditeurs tout ce qui sera superflu , les dépenses nécessaires en étant déduites , satisfaisant entièrement à vos dettes ; car il n’est pas raisonnable ni licite de donner beaucoup d’argent aux pauvres , moins aux amis qui sont riches et parents , qu’on n’ait entièrement payé et baillé tout ce qui sera par-dessus la dépense de vous et votre serviteur ; et ayant payé , vous pourrez donner le superflu aux pauvres , à l’honneur et à la gloire de Dieu.

Ayez votre habit de prêtre honnête et édificatif , étant diligemment attentif , et prenant soigneusement garde quand la qualité de l’étoffe ni en la forme de l’habit , il n’y ait quelque pompe ou vanité , mais qu’on y remarque la seul et honnête nécessité , utilité et décence corporelle . Soyez content de deux vêtements égaux , un pour les jours de fête , l’autre pour les jours ordinaires . N’ayez que deux paires de chausses ou chaussures et souliers ; tout ce qui sera par-dessus , changez-le en autre usages ou à payer des dettes . Laissez les vêtements de linge , tant la nuit que le jour , pour toute cette année.

Ayez votre Eglise de Sainte-Marie toute cette année pour église claustrale , pour trois choses : 1° afin que , si vous y êtes jamais entré , enflé de superbe , vous y demeuriez à l’avenir en l’honneur de la Vierge Marie , très-humble , et ce , par la vertu de l’obéissance . Et si , par aventure , vous avez retiré les chanoines et bénéficies de cette église du service de Dieu par vos paroles déshonnêtes ,et les avez alléchés à la concupiscences mauvaise ,efforcez-vous maintenant ,par le secours de Dieu ,par les paroles spirituelles et divines , de retirer quelqu’un des concupiscences pernicieuses , aux délectation du divin amour . Et si peut-être , par vos mauvaises mœurs , vous avez donné mauvais exemple à quelqu’un , tâcher maintenant , en aimant , par vos bonnes œuvres et honnêtes mœurs , de donner à ces âmes , qui ont vu votre désordre , un bon et profitable exemple.

Après , ô mon ami bien-aimé ! vous devez ranger le temps du jour et de la nuit pour la louange de Dieu , car j’ai prit garde que vous clochez souvent à des heures ordonnées . Et partant , je vous conseille , soudain que vous les ouïrez la nuit , de sortir du lit , et avec cinq génuflexions , autant de Pater noster et Ave Maria , de vous souvenir des cinq plaies de Notre-Seigneur Jésus-Christ , et des douleurs de sa très digne Mère.

Après cela , commencez matines de la Sainte Vierge , et dites les autres prières que vous avez accoutumées , jusqu’à ce que les chanoines viennent au chœur pour psalmodier . Il est meilleur que vous veniez à l’Eglise avec les premiers qu’avec les derniers.
Vous devez donc chanter matines dévotement et honnêtement , demeurant tantôt debout , tantôt assis , comme il sera plus décent . Mais vous ne devez parler à pas un , si ce n’est qu’on vous interroge , et lors même , vous devez répondre avec peu de paroles , non hautes , sans donner aucun signe qu’elles vous fâchent et qu’elles vous impatientent , si faire se peut , car vous vous comporteriez fort modestement et honnêtement , si vous étiez devant quelque grand seigneur temporel et terrestre ; c’est pourquoi vous vous devez mieux comporter avec toute sorte d’honnêteté , modestie , humilité et révérence intérieure et extérieure , en la présence et au service du Roi éternel des cieux , qui est toujours et en tous lieux présent et voyant tout.

Et si , par aventure , vous êtes contraint , par nécessité et pour de grandes choses qui touchent à un autre , de parler emmi vos heures , sortez du chœur , et dites-en ce qui vous en semble en peu de paroles , sans crier ni parler trop haut , retournant sans délai à votre chœur ; et si vous pouvez le différer , différez-le en autre temps , afin que le culte divin ou l’honneur de Dieu ne soit diminué ou empêché.

Donnez-vous garde aussi de n’aller par l’Eglise, en vous y promenant quand on chante les heures, car cela marque un esprit vague, inconstant, tiède, de peu d’amour et de dévotion. Or , priez Dieu entre les intervalles des heures ; priez, ou lisez des choses utiles à votre âme et profitables à celle d’autrui, gardant et observant ceci incessamment, que de l’heure que vous vous levez de votre lit pour aller à matines, vous ne vous employiez et plongiez librement dans les affaires , si ce n’est à votre chant , lecture oraison ou étude, jusques à ce que la grande messe soit dite , si ce n’est qu’en votre chapitre , il fallût traiter entre vous de quelques affaires concernant les affaires de l’Eglise, ou pour établir un meilleur ordre ou état entre vous: La grande messe étant célébrée , il est convenable de parler des utilités corporelles, des commodités et des honnêtes et vertueuses complexions.

Or , quand vous vous mettez à table , que les bénédictions de table soient lues , et soit que vous soyez hôte d’un autre , soit que vous soyez logé chez autrui , commencez , en mangeant par parler de Dieu , ou bien de sa très digne Mère , ou bien de quelque saint , pour l’édification et utilité des conviés , voire des serviteurs de table , ou moins quelque peu , ou bien interrogez les autres sur Dieu , sur sa Mère ou sur quelque saint . Et lorsque vous serez seul à table avec le serviteur , faites-en de même , et ayez la lecture que les frères ont en leur monastère . Mais ayant pris votre réfection , ayant rendu grâces à Dieu et à vos bienfaiteurs ; parlez de vos affaires avec quelques personnes honnêtes telles qu’il vous plaira l’espace d’une heure , et après , entrez soudain en votre cabinet , et ayant fléchi les genoux cinq fois , dites cinq fois le Pater et autant de fois l’Ave Maria , pour l’amour des plaies de Notre-Seigneur Jésus-Christ et pour les douleurs de la Sainte Vierge Marie.

Cela étant fait , employez la moitié du temps , jusque à vêpres , à l’étude , à lire et à vous reposer un peu , si ce n’est que vous fussiez employé à quelque affaire qui touchât vos amis . L’autre moitié du temps , vous l’emploierez pour récréer le corps , afin que vous soyez plus fort aux louanges divines.

Quand on sonnera les vêpres , allez et entrez soudain dans l’église pour chanter dans le chœur , et comportez-vous-y en même manière que nous avons dite ci-dessus . Et ayant dit complies , dites tous les jours pour les morts les vigiles à trois leçons , et ce , avant souper . Mais ayant soupé , exercez-vous comme nous avons dit au dîner ; après avoir dit grâces , allez vous promener , disant des paroles utiles et de consolation jusqu'à votre coucher.

Lors aussi , avant de vous mettre au lit , mettez-vous devant le lit , et là , dites dévotement cinq fois le Pater et l’Ave Maria pour l’amour de la passion de Jésus-Christ , et après , entrez en votre lit et donnez à votre corps tout autant de sommeil et de repos qu’il en faut pour qu’il ne vous faille dormir , à raison de la brièveté du sommeil , quand il faut veiller et chanter.

Tous les vendredis , dites les sept psaumes avec les litanies , et donnez aussi en ces jours cinq deniers à cinq pauvres , pour la révérence des cinq plaies de Notre-Seigneur . Partant , ô mon frère et ami très cher ! je vous conseille de garder la souscrite abstinence toute cette année-ci , en satisfaction de vos péchés . 1° Jeûnez tout le carême , ne faisant qu’une réfection de poisson , et le semblable en l’avent , toutes les vigiles de Notre-Dame au pain et à l’eau, et en poisson les vigiles des apôtres . Tous les mercredis , mangez du fromage , des œufs et du poisson ; tous les vendredis , en pain et vin seulement , et s’il vous agrée plus avec de l’eau seule et du pain , je vous le conseille ; tous les samedis en poisson et huile et un repas seulement . Mais les dimanches , lundis , mardis et jeudis , vous mangerez de la viande deux fois par jour , pourvu que l’Eglise ne vous commande de jeûner.

Remarquez , ô mon frère bien-aimé ! que je vous ai voulu écrire et conseiller ces choses pour trois raisons : 1° afin que l’envie de Satan et son astuce ne vous attirassent à ce que soudain vous vous consommiez , et que vos sens et vos forces étant bientôt épuisées, défaillant, vous serviez Dieu tout le reste de votre vie moins qu’il ne faut . En second lieu , que si les mondains remarquent en vous, en vos sens et vos forces, quelque défaut, ou voient que vous vous rendiez lâche en vos entreprises et résolutions , ils vous auront à horreur , et craindront de s’occuper des œuvres divines.
En troisième lieu, d’autant que j’espère qu’en vous assujettissant plutôt au conseil d’autrui qu’au vôtre , et ne vous gouvernant par votre jugement, vous plairez plus à Dieu.

Réponse de la Sainte Vierge à l’épouse touchant trois hommes , pour lesquels l’épouse intercédait auprès de Dieu . Quelles sont les larmes méritoires , et quelles non . Manière dont l’amour de Dieu s’augmente par la méditation de l’humilité de Jésus-Christ . Comment la crainte non filiale ici commençant est bonne.

CHAPITRE 81

Cet homme-là est comme un sac plein d’arêtes ,duquel , si on en ôtait une , dix y seraient remises . Oui , vraiment , tel est celui pour lequel vous me priez , dit la Sainte Vierge Marie , attendu qu’il laisse un péché pour la crainte de Dieu , et en commet dix pour l’honneur du monde . Quand à l’autre homme pour lequel vous me priez , je vous dis que la coutume n’est pas de donner de bonnes sauces à chair pourrie et puante . Vous demandez que des tribulations lui soient données pour l’utilité de son âme, mais sa volonté est contraire à votre demande , car il désire ardemment les honneurs du monde , et souhaite plus les richesses périssables que la pauvreté , et son cœur est confit en volupté , à raison de quoi son âmes est pourrie et puante devant moi ; et partant , les sauces précieuses , c’est-à-dire , les tribulations de la justice , ne doivent pas lui être appliquées.

Quant au troisième, dans les yeux duquel vous voyez flotter les larmes, je vous dis que vous voyez le corps , et moi je sonde le cœur; car comme vous voyez que quelquefois une nuée ténébreuse s’élève de la terre et monte jusques au ciel, obscurcissant le soleil, et que cette nuée produit la pluie, la neige largement, et la grêle, et après, la nuée se dissipe et se perd , d’autant qu’elle avait pris connaissance des immondices de la terre, de même tout homme est comparé à cette nuée, quand il se nourrit dans le péché et se plonge dans les infâmes et abominables voluptés jusques à sa vieillesse. Mais la vieillesse arrivant, il commence à craindre la mort, et pense au danger qui le menace ; mais néanmoins , le péché demeure par délectation dans son esprit.

Donc, comme ces nuées tirent les immondices de la terre jusques au ciel, de même la conscience de cet homme se tire des immondices corrompues et puantes du corps et des péchés abominables, et elle donne trois sortes de larmes. Les premières larmes sont comparées aux eaux, qui sont pour les choses charnellement, qui l’aime comme par exemple, il pleure quand il perd ses amis, ou les biens temporels, qui ne servaient point pour son salut ; lors il se dépite et se chagrine contre l’ordre des disposition divines, et lors il jette de grands ruisseaux de larmes , avec une grande indiscrétion.

Les secondes larmes sont comparées à la neige, car quand l’homme commence à penser aux périls de son corps qui s’approchent, les peines de la mort affreuse et les misères incomparables De l’enfer, lors il commence à pleurer, non d’amour et de charité, mais de crainte et d’effroi. Et partant, comme la neige se fond , de même ses larmes cessent soudain.

La troisième sorte de larmes est comparée aux nuées, car quand l’homme pense combien douce lui est et lui était la volupté charnelle, et que , l’ayant eue à horreur, combien de consolation lui en resterait au ciel, il commence à débonder les larmes, se lamentant sur sa perte et sa damnation, ne se souciant de pleurer d’avoir déshonoré Dieu par ses détestables abominations ; ni ne considérait pas qu’il perdait une âme qu’il avait rachetée par son précieux sang, ne se souciant si elle verra et possèdera Dieu ou non après la mort, ne considérant ni ne désirant que d’avoir une demeure au ciel ou en terre , où il ne sentirait aucune peine, mais où elle jouirait d’une volupté éternelle. C’est pourquoi telle larmes sont fort à propos comparées aux nuées , d’autant que le cœur d’un tel homme est trop dur, et n’a aucun sentiment ni mouvement d’amour envers Dieu . Partant, telles larmes ne le portent pas au ciel.

Mais maintenant , je vous veux montrer les larmes qui ravissent l’âme au ciel et qui sont semblables à la rosée, car quelquefois, quelque vapeur sort de la douceur de la terre et monte au ciel sous le soleil, laquelle, étant dissoute par les rayons du soleil , descend derechef en terre , et rend plantureux tous les fruits de la terre , et cela est appelé par vous rosée , comme il paraît aux feuilles des roses, lesquelles , opposées à la chaleur , donnent de l’humidité, et puis, l’humeur descend. De même en est-il de l’homme spirituel.

En vérité, tous ceux qui considèrent la terre bénie, qui est le corps de Notre-Seigneur , et les paroles que Jésus-Christ, Fils de l’Eternel , prononçait de sa bouche propre , quelles grâces il a faites au monde, et quelle peine dure et amère il a soufferte, mû à cela par les ardeurs des divines amours dont il brûlait pour les âmes, lors l’amour qu’il a envers Dieu monte au cerveau, qui est comparé au ciel ; son cœur aussi , qui est comparé au soleil , se remplit des divines amours ; ses yeux s’abîment dans les larmes, pleurant d’avoir offensé un Dieu infiniment bon, qui n’aura jamais d’égal en clémence , désirant maintenant plutôt d’endurer toute sorte de supplices pour l’honneur de Dieu , que de jouir de tous les autres plaisirs et être séparer de Dieu. C’est pourquoi ces bonnes larmes sont comparées à la rosée qui tombe des cieux, d’autant qu’elles donnent la vertu de faire des bonnes œuvres fructueuses devant Dieu, et que , comme les fleurs écloses et croissantes attirent à elles la rosée qui tombe, et que la rosée est enclose en la fleur, de même les larmes.

Qui sont épanchées par les feux de la divine charité , enferment Dieu en l’âme d’une manière du tout signalée , et Dieu , d’un pouvoir amoureux , attire et ravit l’âme à soi : néanmoins , il est bon de craindre à raison de deux choses : 1° d’autant que l’abondance des œuvres faites avec crainte peut être si grande en quantité qu’elles attirent après quelque scintille de grâce au cœur pour obtenir la charité. Vous le pourrez comprendre par similitude.

Par exemple : il y avait un orfèvre qui mettait quantité d’or sur les balances , auquel le charbonnier vint, lui disant : Monsieur, j’ai du charbon pour l’usage de vos œuvres ; donnez-moi ce qu’il vaut.
Il lui répondit : Le charbon est taxé en sa valeur.

Et lui ayant donné de l’or pour son paiement, l’orfèvre disposa les charbons selon la règle de son art, et l’or pour son entretien.
De même en est-il des choses spirituelles , car les œuvres faites sans charité sont semblables aux charbon , et la charité à l’or. Partant, celui qui fait ses bonnes œuvres, par l’esprit de crainte , ayant néanmoins le désir d’acquérir le salut de son âme avec ses œuvres , cet homme-ci , bien qu’il ne souhaite voir Dieu au ciel , mais craint seulement de loger en enfer, a néanmoins de bonne œuvres, mais froides, et qui apparaissent devant Dieu comme des charbons. Mais Dieu est comparé à un orfèvre, qui sait en la justice spirituelle par quelles manières il faut récompenser les œuvres, ou par quelle justice divine la charité divine est acquise ; Il l’ordonne ainsi de la sorte dans les arrêts et décrets de sa providence divine, que l’homme ait la charité pour les bonnes œuvres faites avec crainte, laquelle l’homme dispose pour le salut de son âme.

Comme donc l’orfèvre , plein d’amour et de charité , se sert de charbons pour son ouvrage, de même Notre-Seigneur Jésus-Christ use des œuvres froides pour son honneur et sa gloire.
Le deuxième : il est bon de craindre , d’autant que tout autant de péchés que l’homme laisse pour la crainte, il sera délivré et affranchi d'autant de peines du péché dans l'enfer ; néanmoins, d'autant qu'il n'a pas eu de la charité, il n'a pas aussi de la justice pour monter au ciel, car sa volonté est telle que, s'il pouvait, il voudrait vivre éternellement en ce monde.

Hélas, au cœur de celui-la la charité n'y est point, et les faits de Notre-Seigneur et Rédempteur sont quasi aveugles devant lui; partant, il pèche mortellement et sera jugé et condamné à l'enfer. Néanmoins, n'est pas tenu de brûler dans l'enfer, mais d'être assis et plongés dans les ténèbres épaisses, celui qui a cessé de pécher à raison des peines et supplices, mais il ne ressentira pas les joies indicibles du ciel, d'autant qu'il ne les a pas désirées pendant le cours de sa vie; c'est pourquoi il sera assis comme un aveugle et muet comme un homme qui n'a ni pieds ni jambes, car son âme comprend les peines de l'enfer, et bien peu les joies indicibles du ciel.

DECLARATION

Cette déclaration est de trois chevaliers: le premier fut de Scania, duquel a été faite une telle révélation. Sainte Brigitte vit cette âme comme revêtue d'écarlate deux fois teinte, mais parsemée un peu de noir comme de petites gouttes; et l'ayant vue soudain, elle sortit de sa présence. Trois jours après, elle vit la même âme toute rouge mais reluisante en pierreries et perles enlacées en or. Tandis qu'elle admirait cela, l"Esprit de Dieu lui dit : Cette âme a été occupée aux soins du monde; mais ayant une vraie foi, elle est venue gagner les indulgences à Rome, à intention d'obtenir la charité, la divine dilection et la volonté ferme de ne pécher à l'avenir à escient.

L'âme que vous avez vu revêtue d'écarlate, signifie qu'avant la mort du corps, elle a obtenu la divine dilection, bien qu'imparfaite. Quant à ce que vous l'avez vue parsemée de gouttes noires, cela signifie qu'elle avait quelques mouvements et ressentiments d'amour charnel envers ses parents, et de retourner en son pays; néanmoins elle résigna sa volonté a la mienne, c'est pourquoi elle a mérité d'être purifiée et d'être disposée à des choses sublimes. Quant à ce que vous l'avez vue entre les pierres éclatantes en couleur rouge, cela signifie que pour la bonne volonté et par l'effet des indulgences , il s'approchait de la couronne tant désirée.

Voyez donc ma fille, et considérez quels biens apportent les indulgences de cette ville aux hommes qui viennent ici avec l'intention sainte de les gagner; car si on donnait à quelqu'un mille milliers d'années, comme elle sont données à raison de la foi et dévotion de ceux qui y viennent, la proportion et le poids ne seraient pas encore digne d'obtenir la divine charité sans la grâce divine, laquelle charité est vraiment donnée et méritée à raison de ces indulgences que mes saints ont méritées par leur sang.

Le Fils de Dieu parle en la même révélation de deux chevaliers qui ont été de Mallande. Que vous a dit ce babillard plein de vanité, ce souffle du vent ? N'est-ce pas que plusieurs doutent de mon suaire, s'il est vrai ou non? Mettez-lui constamment quatre choses que je vous dis : 1° que plusieurs thésaurisent et ne savent pour qui; 2° que celui qui n'expédie et n'exploite le talent que Dieu lui a commis avec joie et plaisir, et le retient au contraire inutilement, tombe dans les jugements effroyables de Dieu Tout-Puissant ;
3° que celui qui aime plus la terre et le sang que Dieu, ne sera point en la compagnie de ceux qui ont faim et soif de la justice; 4° que celui qui n'exauce point ceux qui crient a lui, criera lui-meme et ne sera point exaucé.
Quant à mon suaire, qu'il sache que, comme la sueur de mon sang coula de mon corps, lorsque je m'approchais de ma passion très amère et quand je priais mon Père, de même cette sueur coula de ma face, pour la grandeur et qualité de celui qui priait pour la consolation de la postérité.

Le troisième chevalier fut de Suède, duquel telle révélation a été faite. Le Fils de Dieu parle: Il est écrit que l'homme est sauve par la femme fidèle: de même la femme de ce soldat s'est avancée et a conçu promptement pour délivrer son mari de la gueule de Satan, car d'une main, elle l'a arrache des mains du diable, savoir, avec des larmes, oraisons et œuvres de charité. De l'autre main, elle l'a affranchi de la captivité du dragon infernal, par ses salutaires avertissements, par son exemple et sa doctrine, de sorte qu'il s'approche de la voie du salut.

Partant, il faut considérer trois choses qui sont écrites en la loi vulgaire, car en elle il y a trois choses remarquables : l'une est portée en titre au frontispice : posséder ; l'autre s'appelle vendre ; la troisième acheter . Au premier, qui est posséder, je dis: Rien n'est justement possédé, si ce qui est justement acquis, car tout ce qui est acquis par des inventions frauduleuses, par des occasions de malice, par des prix inégaux, n'est pas agréable à Dieu. Au deuxième, qui est vendre, je dis que quand quelque chose est vendue par pauvreté et crainte, et quelquefois par violence et jugement injuste, une conscience doit être sondée pour voir si la compassion et la charité sont en son cœur.

Au troisième qui est acheter je dis que celui qui veut acheter quelque chose doit sonder si la chose qui se vend est justement acquise, et aussi ce avec quoi on l'achète . Et de fait, en la loi, rien n'a été agréable de ce qui a été acquis par exaction injuste. Partant, celui-ci doit sonder diligemment en son esprit et savoir pour certain qu'il me rendra raison de toutes choses, voire de ce que ses parents lui ont laisse, s'il dépend tout cela plus pour le monde , et en outre, s'il l'a dépendu plus pour l'utilité raisonnable que pou Dieu. Qu'il sache aussi qu'il me rendra raison de sa malice , avec quelle intention il la reçoit en son cœur, pourquoi et comment il la conserve, et en quelle manière il accomplit le vœu qu'il m'a fait.

Notre-Seigneur Jésus-Christ, parlant a son épouse, lui dit que l'âme dévote doit avoir, comme une épouse, la bouche plaisante, les oreilles pures, les yeux pudiques et le cœur constant, exposant fort bien toutes ces parties spirituellement.

CHAPITRE 82

Le Fils de Dieu éternel, engendre de toute éternité, parle : Vous devez avoir, comme une chère amante et épouse, les yeux pudiques et le cœur constant. Et de la sorte, l'âme doit être disposée car la bouche signifie l'esprit épuré, afin qu'il n'entre rien en lui, sinon ce qui me plait.
Que sa bouche aussi, c'est-à-dire, son esprit , soit agréable et délectable par l'odeur des bonnes et sublimes pensées, et de la continuelles mémoire de ma passion amère. Que son esprit soit range comme sa bouche, c'est-à-dire, fervent d'amour divin, afin qu'il opère ce qu'il entend, car comme on ne désire point baiser la bouche qui est pale, de même l'âme ne me plait point, si ce n'est qu'elle soit belle et fasse de bonnes œuvres de bonne et franche volonté.

L'esprit aussi doit avoir, comme la bouche, deux lèvres, c'est-à-dire deux affections, l'une afin de désirer ardemment les choses du ciel, l'autre afin de mépriser les choses terrestres. Le palais inférieur de l'âme doit être la crainte de la mort effroyable, par laquelle l'âme est séparé du corps, et laquelle elle doit appréhender comme un décret irrévocable. Que le palais de dessus soit l'effroi du jugement terrible et épouvantable. Entre ces deux, la langue de l'âme doit être mise . Or, quelle est la langue de l'âme , si ce n'est que la fréquente considération de ma miséricorde intime?

Considérez donc ma miséricorde, comment je vous ai créée et rachetée, comment je vous souffre. Considérez aussi combien je suis juge sévère, moi qui ne laisse rien impuni, et voyez combien incertaine est l'heure de la mort. Que les yeux de l'âme soient simples comme des colombes, qui regardent le vautour dans le courant des eaux, c'est-à-dire, que votre pensée soit incessamment occupée en la charité, en ma passion, et ès œuvres et paroles de mes chers élus, lesquels vous pourrez entendre comment le diable vous pourra décevoir, afin que vous ne vous assuriez jamais en vous ni de vous. Que vos oreilles soient pures, et que vous n’affectiez point d’ouïr les plaisanteries et les bouffonneries, ou ce qui émeut à rire. Que votre cœur soit stable, afin que vous ne craigniez point la mort, et que, gardant la foi, vous n’ayez point honte des opprobres du monde. Ne vous troublez point des dommages corporels, mais souffrez-les pour l’amour de moi, qui suis votre Dieu.

Notre-Seigneur Jésus-Christ parle à l’épouse, disant qu’elle le doit aimer comme le bon serviteur aime son maître, comme un bon fils aime son père, et comme aime son mari une femme fidèle, qui ne doit jamais se séparer de lui. Il explique les choses susdites spirituellement et généreusement.

CHAPITRE 83

Le Fils du Père éternel, engendré avant le temps, parle à sainte Brigitte en ces termes : Je vous aime comme un bon maître aime son serviteur, comme un père chérit son fils, et comme un époux est plein de dilection envers son épouse, car le maître dit à serviteur : Je vous donnerai les vêtements, une nourriture convenable et un labeur modéré. Le père dit à son fils : Tout ce que j’ai est à vous. L’époux dit à l’épouse : Mon repos est en votre repos, et ma consolation est la vôtre.

Que répondront donc ces trois à une si grande dilection ? Certainement, si le serviteur est bon, il dira à son maître : Je suis de condition servile : j’aime mieux vous servir qu’en servir un autre. Et le fils dira à son père : D’autant que j’ai tout bien de vous, c’est pourquoi je ne veux être séparé de vous. Mais l’épouse dira à son époux : D’autant que je suis nourrie et sustentée par vos infatigables travaux, que j’ai la chaleur de votre poitrine et la douceur de vos paroles, partant, j’aime mieux mourir que me séparer de vous.

Or, moi, qui suis votre Seigneur, je suis cet époux, et l’âme est mon épouse, qui se doit consoler en moi, qui suis son centre et son repos, et se réfectionner de la viande divine, qui donne la force de vouloir plutôt mourir et souffrir toute sorte de tourments que de se séparer de moi, car sans moi, elle n’a ni consolation ni honneur.

Mais deux choses sont requises au mariage sacré :
1- des biens d’où les mariés se puissent sustenter ;
2- un fils qui reçoive leur héritage, et que le serviteur soit pour obéir, car comme nous lisons : Abraham se troublait, parce qu’il n’avait pas un fils; or, l’âme a lors des biens pour se sustenter, quand elle est pleine de vertus ; elle a aussi un fils, quand elle a la vertu de discrétion, quand elle a raison de discerner les vertus des vices, et quand elle discerne cela même selon Dieu ; elle a aussi un serviteur, c’est-à-dire, l’affection charnelle, qui ne vit point selon la concupiscence de la chair, mais comme il est expédient et convenable au corps et selon que l’âme avance en la perfection.

Je vous aime donc comme un époux son épouse, car mon repos est votre repos. Partant, vous devez plus franchement souffrir toute sorte de tribulations que me provoquer à ire et à indignation. Je vous chéris aussi comme un père son fils, d’autant que je vous ai donné la discrétion et la franche volonté. Je vous aime aussi comme un maître son serviteur, à qui j’ai commandé d’avoir les choses nécessaires avec modération, et le labeur avec tempérament. Mais ce serviteur, c’est-à-dire, le corps, est si insensé qu’il veut plutôt servir le diable que moi, bien que le diable ne lui donne jamais ni repos ni relâche des sollicitudes du monde.

Notre Seigneur Jésus-Christ, parlant à l’épouse, dit qu’il y a trois sortes d’hommes qui ont été supplantés par les femmes, l’un desquels est comparé à l’âne couronné ; l’autre a le cœur d’un lièvre, et le troisième est comparé au basilic. Et partant, la femme doit toujours être sujette à son mari.

CHAPITRE 84

Le Fils de Dieu, engendré au-delà du monde dans le sein de son Père, parle en ces termes : On lit que trois sortes d’hommes ont été supplantés à raison des femmes.
Le premier était un roi qu’Amasia frappa à la face, quand il ne la contentait pas, d’autant qu’il était fol, et il ne la retenait point ni ne se souciait de son honneur. Cet homme était semblable à l’âne à raison de sa sottise, et à l’âne couronné à raison de sa dignité royale.

Le deuxième fut Samson, qui, bien qu’il fût très fort, fut néanmoins vaincu par une femme. Celui-ci eut le cœur d’un lièvre, d’autant qu’il n’avait pu dompter une femme.

Le troisième était Salomon, qui a été comme un basilic, qui tue de sa vue et est tué par un miroir : de même la sapience de Salomon excédait tous ; néanmoins, la face d’une femme le tua. Partant, il faut que la femme soit soumise à l’homme.

Jésus-Christ dit à l’épouse que, devant lui, il y a deux feuillets d’un livre : en l’un est écrit une triple miséricorde, et en l’autre la justice, qui l’avertit que, pendant qu’elle a le temps, elle se convertisse à la miséricorde, de peur qu’après elle ne soit punie de la justice.

CHAPITRE 85

Le Fils de Dieu et le Fils de la Vierge parle à son épouse, disant : Je suis le Créateur de toutes choses. Devant moi sont comme deux feuillets : en l’un est écrite la miséricorde, en l’autre la justice. Partant, que celui qui sera contrit de ses péchés propose de ne pécher désormais. Ma miséricorde dit à celui-là que mon Esprit l’allumera et le poussera à faire de bonnes œuvres. Quiconque donc voudra franchement se délivrer les vanités de ce monde, mon Esprit le rendra plus fervent ; mais celui qui est même préparé et disposé à mourir pour moi, mon Esprit l’embrasera tellement des feux de mon amour qu’il sera tout à moi et que je serai tout en lui.

En l’autre feuillet est écrite la justice, qui dit : Quiconque ne s’amende quand il en a le temps, et s’éloigne sciemment de Dieu, le Père éternel ne défendra pas celui-là, ni le Fils ne lui sera propice, ni le Saint-Esprit ne l’embrassera pas des feux de son divin amour. Partant, pendant qu’il en est temps, considérez mûrement le feuillet de la miséricorde divine, car quiconque sera sauvé, sera purifié, ou par l’eau, ou par le feu, c’est-à-dire, par quelque médiocre labeur de pénitence en ce temps, ou par le feu du purgatoire en l’autre monde, jusqu’à ce qu’il soit entièrement purifié.

Sachez aussi que j’ai montré à un homme que vous connaissez ces deux feuillets du livre de la miséricorde et de la justice. Mais il méprise maintenant le feuillet de ma miséricorde, et ce qui est à gauche, il le répute à droite ; et comme l’oiseau qu’on nomme hérodius veut exceller par-dessus les oiseaux, de même il désire surpasser tous les hommes en vanité ; et partant, il doit craindre que, s’il ne prend garde diligemment, il mourra en riant, et sera misérablement enlevé des yeux du monde.
Cela arriva après, car sortant de table joyeux et content, il fut tué de nuit par ses ennemis.

La Mère de Dieu parle, disant d’elle-même qu’elle est semblable à la fleur de laquelle les abeilles cueillent la douceur, car les abeilles sont les serviteurs et les élus de Dieu, qui, tous les jours, cueillent et puisent les douceurs de la grâce, et ont des ailes et des pieds spirituels.

CHAPITRE 86

La Mère de Dieu parle : Je suis la Reine et la Mère de miséricorde. Mon Fils, créateur de toutes choses, est touché de tant de douceur en mon endroit, qu’il m’a donné l’intelligence spirituelle de toutes choses créées. Partant, je suis semblable à une fleur, de laquelle les mouches à miel cueillent la douceur ; bien qu’elles ne cueillent beaucoup, néanmoins la douceur lui demeure : de même je puis impétrer les grâces à tous, et j’en surabonde. Voire même mes élus sont semblables aux abeilles, qui , de toute l’étendue de leur dévotion, sont touchés des atteintes de mon honneur ; car comme des abeilles, ils ont deux pieds, savoir, le désir continuel d’augmenter mon honneur.

En second lieu, ils travaillent en cela avec un grand soin, faisant à ces fins tout ce qu’ils peuvent. Ils ont aussi deux ailes, savoir, qu’ils se réputent par humilité indignes de me louer. En deuxième lieu, ils obéissent à tous en ce qui concerne mon honneur, ils ont aussi un aiguillon, et si cet aiguillon leur manque, ils mourront. De même les amis de Dieu sont assaillis d’un torrent de tribulations du monde, lesquelles, pour la conservation des vertus, ne leur seront pas ôtées avant la fin de leur vie ; mais quoi, qui suis l’océan et le Dieu de toute consolation, je les consolerai.

Notre Seigneur Jésus-Christ parle à son épouse, disant qu’elle doit avoir ses membres beaux et sans tache, comparant spirituellement tous ses membres à la parfaite dilection de Dieu et du prochain, et singulièrement des amis de Dieu. Il conclut aussi qu’il faut faire spirituellement ce que le phénix fait corporellement : il amasse de petites bûchettes pour se brûler lui-même par icelles.

CHAPITRE 87

Le Fils du Père éternel, la splendeur de la gloire, parle à son épouse en ces termes : Je vous ai dit en premier lieu que vous devez avoir les yeux clairs et sereins, afin que vous voyiez les maux que vous avez faits et le bien que vous avez omis ; que votre bouche, c’est-à-dire, votre esprit, soit sans aucune tache ; les lèvres sont les deux désirs, l’un de quitter tout pour l’amour de moi, l’autre la volonté de demeurer avec moi, et que ces lèvres soient de couleur rouge, qui est la plus décente des couleurs et qui se voit de plus loin. Or, la couleur signifie beauté, et toute beauté et éclat sont en la vertu, car cela est plus acceptable et agréable à Dieu, quand on lui offre ce que les hommes aiment le plus et dont les âmes prennent un plus grand et juste sujet d’édification.

Il faut donc donner à Dieu ce que l’homme a de plus cher, soit en effet, soit en œuvre. Partant, on lit que Dieu s’est réjoui de la perfection de ses œuvres : de même Dieu se réjouit quand l’homme s’offre tout à lui, voulant être indifféremment, selon les volontés divines, en supplice ou en joie. Les bras doivent être légers et flexibles à l’honneur et à la gloire de Dieu. Donc, le bras gauche est la considération des biens et bénéfices dont je vous ai enrichie, vous créant du néant, vous rachetant par le prix de mon sang, et la pensée de vos insupportables ingratitudes. Mais le bras droit est la dilection si fervente à mon endroit, que vous aimeriez mieux endurer les tourments durs et cruels, que de me perdre et de me provoquer à ire et à indignation. Entre ces deux bras je me repose franchement, et votre cœur sera mon cœur, car je suis comme un feu de la divine dilection, et partant, je veux être là aimé avec plus de ferveur.

Or, les ôtes qui défendent votre cœur sont les parents, non charnels, mais mes chers élus, lesquels vous devez aimer comme moi et plus que les parents charnels, car de fait, ils sont vos parents qui vous ont régénérée à la vie éternelle. Or, la peau de l’âme doit être si belle qu’elle n’ait aucune souillure. Par la peau, on entend le prochain. Si vous aimez le prochain comme vous-même, mon amour et celui de tous mes saints seront gardés inviolables en vous ; que si vous le haïssez, le cœur est lésé, et les côtés seront dénuées de la chair, c’est-à-dire, l’amour de mes saints sera moindre en vous. La peau ne doit avoir aucune tache, d’autant que vous ne devez point haïr le prochain, mais l’aimer selon Dieu, car lors mon cœur est sain avec votre cœur.

D’ailleurs, je vous ai dit ci-devant que je veux être aimé avec beaucoup de ferveur, d’autant que je suis le feu de la divine dilection, car en mon feu, il y a trois merveilles :
la première est que ce feu brûle et ne s’allume jamais ;
la deuxième, il ne s’éteint point ;
la troisième, qu’il brûle incessamment et n’est jamais consumé.

De même, ma charité du commencement était si ardente envers l’homme né de ma Déité, qu’elle brûla plus en l’assomption de l’humanité, et brûle tellement qu’elle ne s’éteindra jamais : mais elle rend l’âme plus fervente et ne la consume pas, mais elle la fortifie et l’affermit de plus en plus, comme vous le pourrez colliger du phénix, qui, étant en ses dernières années, amasse de petites bûchettes en une montagne très haute, et ces bûchettes étant allumées par la chaleur du soleil, il se jette dans le feu, et étant consumé par le feu, il revit : de même l’âme qui est embrasée des feux du divin amour, est d’elle comme un autre phénix meilleur et plus fort.

Jésus-Christ, parlant à son épouse, lui dit que toutes choses créées ont été à sa volonté, excepté les hommes. Il lui dit aussi qu’il y a trois sortes de personnes au monde qui sont comparées à trois navires flottants en mer, l’un desquels est en danger de faire naufrage ; le deuxième chancelle sur les vagues, lorsque le troisième jouit du calme.

CHAPITRE 88

L’Engendré de toute éternité dans le sein du Père, et l’engendré dans le sein de la Mère dans le temps, Jésus-Christ parle en ces termes : Je suis le créateur des esprits bons et mauvais. Je suis aussi le conducteur et le modérateur de tous les esprits. Je suis encore créateur de tous les animaux et des choses qui ont l’être, et non la vie. Partant, tout ce qui est compris dans le pourpris de l’univers, et toutes choses font ma volonté, excepté l’homme seul.

Sachez aussi qu’il y a des hommes qui sont comme des navires qui ont perdu le gouvernail et le mât, qui vaguent ça et là à la merci des flots agités par les tempêtes de la mer, jusqu’à ce qu’ils soient arrivés au rivage des îles de la mort. En ce navire sont tous ceux qui se jettent et s’abandonnent comme quasi au désespoir et à toute sorte de voluptés.

D’autres hommes sont comme des navires qui ont encore le mât, un gouvernail et une ancre avec deux cordes. Mais l’ancre principale est rompue, et le gouvernail est bientôt fracassé, si les impétuosités des vagues se mettent entre le navire et le gouvernail. Qu’on y prenne donc garde, car tant que le gouvernail et le navire sont unis ensemble, ils ont comme quelque chaleur entre eux. Le troisième navire a tout ce qui est requis pour voguer et cingler quand on voudra.

La première ancre dont nous avons parlé ci-dessus est la discipline de la religion, qui est soulagée par la patience et la ferveur de la divine dilection. Il est maintenant défait et rompu, d’autant que l’institution et l’instruction des Pères est maintenant foulée aux pieds ; ce qui leur semble utile, ils ont cela pour religion, et de la sorte, ils sont changeants et inconstants comme le navire au milieu des flots.

La deuxième ancre, qui est encore saine, comme j’ai dit ci-dessus, est la volonté de servir Dieu, liée avec deux cordes par l’espérance et la foi, d’autant qu’ils me croient Dieu et s’appuient en moi, croyant que je les veux sauver. Je suis le gouvernail de ceux-là : tant que je serai en leur navire, les flots et les orages n’y entreront point, et il y a entre eux et moi quelque chaleur.

Or, lors je suis uni au navire d’iceux, quand eux n’aiment rien tant que moi ; je suis lors comme attaché à eux comme par trois clous, savoir, par la crainte, l’humilité, et la considération de mes œuvres. Mais que, s’ils aiment quelque chose plus que moi, lors l’eau de dissolution est entrée en eux, et lors les trois clous sont arrachés, savoir, la crainte, l’humilité et la divine considération ; lors l’ancre de la bonne volonté est rompue, et les cordes de la foi et de l’espérance ferme sont coupées. Mais ceux qui voguent en ce navire sont grandement inconstants, et partant, ils avancent chemin aux écueils et aux dangers.
Dans le troisième navire dont j’ai parlé, qui avait tout ce qui était utile et nécessaire pour voguer, sont mes très chers et fidèles amis.

Jésus-Christ parle à son épouse, lui enseignant la manière que le soldat spirituel doit tenir au combat, savoir, qu’il se doit confier en Dieu, et non en ses propres forces. Il lui donne deux oraisons fort courtes pour les dire tous les jours ; il lui dit aussi qu’il doit être armé des armes spirituelles contenues en ce chapitre.

CHAPITRE 89

Le Fils du Père éternel parle en ces termes : Que quiconque veut combattre soit magnanime à se lever ; s’il tombe, qu’il se confie, non en ses propres forces, mais en ma miséricorde, car celui qui se défie de ma bonté, pensant ainsi à part soi : Si je commence quelque chose, mortifiant ma chair par jeûnes, la travaillant par des veilles, je ne pourrai persévérer ni m’abstenir des vices, car Dieu ne m’aide point ; celui-ci tombe à bon droit. Que celui donc qui veut combattre spirituellement, se confie en moi qu’il pourra accomplir ses desseins par la coopération de ma grâce.

Après, qu’il ait la volonté de faire le bien, de laisser le mal, et de se relever tout autant de fois qu’il tombera, disant cette oraison : Seigneur, Dieu tout-puissant, qui conduisez tous les hommes au bien, je, pécheur, me suis par trop éloigné de vous par mes crimes: je vous rends grâces de ce que vous m’avez ramené à la voie droite. Partant, je vous prie, mon très pieux Jésus, d’avoir miséricorde de moi, vous qui avez été sanglant, douloureux au gibet de la croix pour l’amour de moi ; et je vous prie et conjure par vos cinq plaies, et par les douleurs excitées en vos veines quand on les perçait, et qui montaient au cœur, qu’il vous plaise me conserver ce jourd’hui, afin que je ne tombe en péché. Donnez-moi encore la force et la vertu de résister puissamment aux flèches de mes ennemis, et que je me relève généreusement, si je tombe.

Quant à ce que le combattant puisse glorieusement persévérer en bonnes œuvres, qu’il prie en cette manière : Seigneur Dieu, à qui rien n’est impossible et qui pouvez toutes choses, donnez-moi la force de faire de bonnes œuvres et de persévérer incessamment en icelles. Après, qu’il prenne les armes en main, c’est-à-dire, la pure confession, qui doit être bien limée et resplendissante par la sainte considération ; limée par une diligente discussion et examen de sa conscience : comment, combien, en quel lieu il aura failli, et pourquoi. Après, elle doit être resplendissante, savoir, qu’il ne cache rien de honte, ni qu’il ne dise autrement qu’il a péché.

Ce glaive doit avoir deux côtés tranchants, savoir, la volonté de n’offenser Dieu à l’avenir, et le désir d’amender ce qu’il a confessé. La pointe de ce glaive est la contrition, par laquelle le diable est tué, lorsque l’homme s’attriste tout autant qu’il avait pris du plaisir au péché, qu’il s’en repent et gémit, d’autant qu’il m’a provoqué à courroux. Ce glaive doit avoir aussi la considération de la grande miséricorde de Dieu, dont la miséricorde est si grande qu’il n’y a pécheur si grand qui ne l’obtienne, s’il la demande avec volonté de se corriger avec cette intention, savoir, que Dieu est miséricordieux sur toutes choses. Il faut tenir le glaive de la confession ; mais afin que, par aventure, le taillant ne blesse la main, que les gardes qui sont entre la lame et la poignée l’empêchent ; et afin que le glaive ne tombe de la main, que la poignée le préserve.

Semblablement, que celui qui a le glaive de la confession, espérant de la miséricorde divine que ses péchés lui seront pardonnés et qu’il en sera purifié, se donne aussi de garde qu’il ne tombe par la présomption d’obtenir pardon : partant, que la crainte de Dieu ne l’empêche, craignant que Dieu ne lui ôte la grâce et lui donne sa fureur, à raison de sa trop grande présomption. Mais de peur qu’il ne soit blessé, et que la main de l’œuvre ne soit affaiblie et diminuée par la grande ferveur et l’activité du labeur, et par l’indiscrétion, que le fer qui est entre la main et l’acier, c’est-à-dire, la considération de l’équité de Dieu, le conserve des extrémités, car bien que je sois juste, de sorte que je ne laisse rien impuni et sans examen, je suis néanmoins si miséricordieux et si équitable que je ne demande point plus loin que ce que la nature peut faire et supporter facilement, et je pardonne, à raison de la bonne volonté, un grand supplice et un grand crime pour un petit amendement.

La cotte de mailles d’un soldat est l’abstinence, car comme la cotte de mailles est composée et tissue de plusieurs chaînons, de même l’abstinence résulte de plusieurs vertus, savoir, de la mortification des yeux, de l’abnégation et anéantissement de tous les sens, des viandes, de la fuite de toute sorte de lubricités, de toutes les choses superflues, et de plusieurs autres choses que saint Benoît défend. Mais cette cotte de mailles ne peut être personnellement accommodée à quelqu’un sans le secours d’un autre. Partant, ma Mère, la Sainte Vierge, doit être invoquée et honorée, d’autant qu’en elle sont tous les moyens de la vie et toute la forme des vertus. Certes, si on l’invoque constamment, elle nous montrera en quoi consiste la parfaite abstinence.

Le heaume est la parfaite espérance, qui a comme deux trous par lesquels le soldat regarde : le premier est la considération mûre et prudente de ce qu’il faut faire; le deuxième est la pensée de ce qu’il faut omettre, attendu que tout homme qui espère en Dieu pense toujours à ce qu’il doit faire selon Dieu, et à ce qu’il doit omettre pour Dieu. Or, que le bouclier soit la patience, qui lui fait pâtir et souffrir invinciblement et franchement tout ce qui lui arrive.

Notre-Seigneur Jésus-Christ dit que ses amis sont comme son bras, d’autant que lui, comme un bon médecin, coupe et taille leur chair pourrie et tout ce qui leur est nuisible, et conjoint à soi la bonne chair, les transformant en soi.

CHAPITRE 90

Le Fils de Dieu dit que ses amis sont comme son bras. Il a cinq choses au bras : la peau, le sang, les os, la chair et les moelles. Mais moi, je suis comme un sage médecin, qui taille en premier lieu tout ce qui est nuisible; après, il unit la chair à la chair et l’os à l’os, et de la sorte applique le médicament salutaire. J’en ai fait de même à mes amis : en premier lieu, je leur ai ôté toute la cupidité mondaine et les désirs illicites de la chair, et puis j’ai conjoint ma moelle à leur moelle.

Quelle est ma moelle, sinon la puissance de mon adorable Déité? Car comme sans moelle tout homme est mort, de même celui qui ne communique à ma Déité est mort. J’ai conjoint lors cette moelle à leur infirmité, quand ma sagesse les goûte et les fructifie en eux, et quand leur âme comprend et entend ce qu’il faut faire et ce qu’il faut omettre. Or, les os signifient ma force infinie : je la conjoins à leur force, quand je les rends forts pour faire le bien. Le sang signifie ma volonté : je la conjoins lors à leur volonté, quand leur volonté est selon mon vouloir, et quand ils ne désirent ni ne cherchent que moi seul. La chair signifie ma patience : je l’ai lors conjointe à leur patience, quand ils sont patients comme je l’ai été, lorsque, du sommet de la tête jusqu’à la plante des pieds, il n’y avait point de santé en moi. La peau signifie ma dilection : lors je l’ai conjointe à moi, quand ils n’aiment rien tant que moi, et quand, avec ma grâce, ils veulent mourir pour l’amour de moi.

Jésus-Christ avertit son épouse de s’humilier en quatre manières, savoir : devant les potentats du monde; devant les pécheurs; devant les amis de Dieu spirituels et devant les pauvres de ce monde.

CHAPITRE 91

Le Fils de l’Éternel, la Sapience infinie, parle à sa très-chère amante l’épouse, lui disant : Vous vous devez humilier en quatre manières :
1° devant les puissants et potentats du monde, car soudain que l’homme méprisa d’obéir à Dieu, il a été sujet d’obéir à l’homme, et d’autant que l’homme ne peut subsister sans gouverneur, c’est pourquoi il est juste qu’il se soumette à l’homme;
2° devant les pauvres spirituels, c'est-à-dire, devant les pécheurs, priant pour eux et remerciant Dieu, d’autant que, peut-être, vous n’avez pas été ni ne serez telle;
3° devant les riches spirituels, c'est-à-dire, devant les amis de Dieu, vous estimant être véritablement digne de les servir et de converser avec eux;
4° devant les pauvres du monde, les aidant, les revêtant et lavant leurs pieds.

Jésus-Christ avertit l’épouse d’avancer et de persévérer dans les vertus, imitant la vie des saints, afin qu’elle soit le bras de Jésus. Il prouve aussi que les saints transformés sont les bras de Jésus-Christ.

CHAPITRE 92

L’engendré avant le temps, de toute éternité dans le sein du Père éternel, parle, disant : Mes amis sont comme mon bras. Véritablement cela est de la sorte, car le Père éternel, le Fils tout sage, le Saint-Esprit et la Vierge le sont aussi. La Déité est comme la moelle sans laquelle personne ne vit. Mes os sont l’humanité, qui fut forte pour pâtir et souffrir. Or, le Saint-Esprit est comme le sang, d’autant qu’il remplit et réjouit toutes choses.

Ma Mère, en laquelle ont été la Déité, l’humanité et le Saint-Esprit, est comme la chair. La peau est toute la milice céleste, car comme la peau couvre la chair, de même ma très-chère Mère excelle par-dessus tous les saints en éminence de vertu, car bien que les anges soient purs, elle est pourtant plus pure; et bien que les prophètes aient été remplis de l’Esprit de Dieu et que les martyrs aient beaucoup souffert, néanmoins, l’Esprit d’amour a été plus fervent en ma Mère, et elle a été plus que martyre; et bien que les confesseurs se soient abstenus de toutes choses mauvaises, et même de quelques-unes licites, ma très-chère Mère eut néanmoins une plus parfaite abstinence, car elle eut ma Déité avec mon humanité.

Quand donc mes amis m’ont en eux, ma Déité est en eux, qui vivifie leur âme; la force de mon humanité est en eux, qui les fortifie jusque à la mort, et mon sang est en eux, par lequel leur volonté a les mouvements à toute sorte de biens. Leur chair aussi est remplie de mon sang et de ma chair, quand ils ne veulent en rien se salir, se conservant inviolables en la chasteté par ma grâce. Ma peau est aussi conjointe à leur peau quand on imite la vie et les mœurs de mes saints. Et de la sorte, mes saints sont à bon droit appelés mon bras, desquels vous devez être aussi les membres par les désirs ardents d’avancer au bien, en les imitant autant que vous pourrez; car comme je les unis à moi par la conjonction de mon corps, de même vous devez vous unir à eux et à moi par le même corps qui est le mien.

Jésus-Christ parle à son épouse, lui commandant trois choses : 1° qu’elle ne désire que la vie et le vêtement; 2° qu’elle ne désire les choses spirituelles, si ce n’est selon les volontés divines; 3° qu’elle ne s’attriste de rien, si ce n’est de ses péchés et de ceux d’autrui. Il dit encore que ceux qui n’ont pas voulu amender leurs péchés par la pénitence, seront rudement punis au jugement divin.

CHAPITRE 93

Le Verbe éternel, le Fils de Dieu, commande trois choses à sainte Brigitte : 1° de ne rien désirer que la vie et les vêtements; 2° de ne désirer les choses spirituelles que conformément aux volontés divines; 3° de ne s’affliger que de ses péchés et de ceux d’autrui. Si vous en voulez avoir de la douleur, considérez la rigueur et la fureur du jugement effroyable, laquelle vous pourrez mieux pénétrer en un homme déjà jugé, qui, étant entré en un monastère, eut trois choses en l’âme, savoir, d’être sans peine, d’avoir la nourriture sans soin, d’esquiver les tentations de la chair sans en venir à l’exécution; c’est pourquoi il a été assailli de trois sortes d’afflictions, car, 1° voulant être sans labeur et sans peine, il y a été contraint par parole et par le fouet; 2° il a souffert la faim et la nudité; 3° il a été méprisé de tous, de sorte qu’il n’a pu se délecter en volupté.

Or, le jour de la profession s’approchant, il eut cette pensée : D’autant, dit-il, que je pourrai être au monde sans labeur, il vaut plus que je sois dans le monastère et que je travaille pour l’amour de Dieu. Et le voyant en telle volonté, ma miséricorde et ma justice voulurent qu’il parvînt à la gloire éternelle, car soudain qu’il eut fait profession, dès l’instant il fut accablé d’une grande maladie et en telle sorte affligé, qu’il perdit de douleur la vue et l’ouïe et fut affligé en tous ses membres, d’autant qu’il voulait être sans peine ni labeur. Il endurait une plus grande pauvreté qu’il n’eût endurée au monde, et même, ayant des viandes plus délicates, il n’en peut aucunement manger, et ne pouvait avoir ce que la nature désirait. Sa nature fut tellement exténuée et consommée avant la mort, qu’il semblait un tronc.

Mais étant mort, il vint au jugement comme un larron qui voulait être en la religion sans rien faire que sa volonté, non pas pour y bien vivre; mais néanmoins, il ne devait pas être jugé comme larron, car bien qu’il fut fou et insensé en sa raison et en sa conscience, néanmoins il avait son espérance en moi, qui suis Dieu, et partant, il fut jugé à la miséricorde. Le péché commis n’ayant pu être pleinement purifié par les peines corporelles, c’est pour cela aussi que son âme est grièvement punie en purgatoire, ni plus ni moins que si les os lui ayant été arrachés, la peau était mise en une presse, afin que la moelle s’en écoulât toute.

Hélas! Que pâtiront donc ceux qui ont croupi dans le péché tout le cours de leur vie, et n’ont ni ne veulent avoir un acte contraire! C’est ce qu’ils me rendent pour les avoir si chèrement rachetés, conservés, et pour leur avoir donné tout ce qui leur est nécessaire! Et partant, j’en exigerai cela au jugement avec fureur, d’autant qu’ils ont violé la foi qu’ils m’avaient vouée au baptême, et parce que, tous les jours, ils ne font que m’offenser, méprisant mes commandements. En vérité, je ne laisserai point sans une grande punition la moindre chose qu’ils ont commise en religion.

DECLARATION

Le Frère dont il est ici parlé eut un péché caché dont il ne voulut jamais se confesser. Notre-Seigneur commanda à sainte Brigitte de l’aller trouver, ce qu’elle fit, et elle lui dit : Faites pénitence. Vous avez quelque chose de caché en votre conscience. Tant que vous cacherez cela, vous ne pourrez mourir.

Il lui répondit : Je n’ai rien qui n’ait été dit en la confession.
Cherchez, dit-elle, comment vous avez vécu durant tout le cours de votre vie jusque à maintenant, et vous trouverez la vérité en votre cœur.

Lors fondant en larmes, il dit : Béni soit Dieu qui vous a envoyée à moi, car puisque vous m’avez parlé du secret de mon cœur, j’en veux dire la vérité devant ces auditeurs! Oui, j’ai quelque chose de caché dans mon cœur, que je ne pouvais ni n’osais déclarer, d’autant que toutes fois et quand est-ce que je me confessais des autres péchés, ma langue demeurait muette et liée quand il fallait parler de celui-ci; et d’ailleurs la honte me saisissait, et la confusion m’empêchait de confesser ce qui me rongeait le cœur. C’est pourquoi, quand je me confessais, je terminais ma confession en ces termes : O Père, je me confesse des péchés que j’ai dits et de ceux que je n’ai pas dits. Je croyais que de la sorte tous les péchés m’étaient remis, bien que cachés. Mais maintenant, Madame, s’il plaisait à Dieu, je voudrais dire à tout le monde les péchés que j’ai si longtemps cachés dans mon cœur.
Ayant appelé un confesseur, il dit tous ses péchés, et mourut la même nuit.

Notre-Seigneur enseigne à sa chère épouse de belles et excellentes oraisons pour dire quand elle s’habille, quand elle va à table et se coucher, l’avertissant qu’elle soit humble en tous ses vêtements, modeste et honnête en tous ses membres.

CHAPITRE 94

La splendeur de la gloire, le Fils de Dieu dit à son épouse : La beauté extérieure signifie la beauté intérieure que l’homme doit avoir; c’est pourquoi, quand vous prenez le bandeau ou le voile par lesquels les cheveux sont serrés, dites : O Seigneur Dieu, je vous rends grâces de ce que vous m’avez supportée lorsque j’étais plongée en mes péchés; et parce que je ne suis pas digne de voir à raison de mon incontinence, je voile mes cheveux.

Notre-Seigneur ajouta : L’incontinence m’est tellement abominable, que la vierge qui a quelque mauvais et volontaire désir à quelque incontinence, n’est pas pure devant mes yeux, si elle ne corrige sa pernicieuse volonté par la pénitence.

Quand vous voilez votre front, dites : O mon Dieu, mon Seigneur, d’autant que vous avez bien créé toutes choses, et particulièrement l’homme d’une manière plus excellente par-dessus tout, le faisant à votre image et ressemblance, ayez miséricorde de moi. Et d’autant que je n’ai pas gardé la beauté de ma face pour votre honneur et gloire, je voile mon front.

Quand vous ôtez vos souliers, dites : Béni soyez-vous, ô mon Dieu, qui me commandez d’avoir des souliers, afin que je sois forte, et non pas lâche à votre service! Confortez-moi donc et affermissez-moi, pour que je puisse marcher en la voie de vos commandements. Que dans le reste de vos vêtements paraisse toujours l’humilité, et en tous vos membres, l’honnêteté modérée.

Quand vous allez à la table, dites : O mon Dieu, si vous vouliez, comme vous le pouvez, me soutenir sans viande, je vous en prierais maintenant. Mais puisque vous nous commander d’en prendre, donnez-moi donc la sobriété des viandes, afin que, par votre grâce, je puisse manger selon la nécessité que la nature exige, et non selon que la cupidité le désire.

Quand vous allez vous coucher, dites : Béni soyez-vous, mon Dieu, qui disposez les vicissitudes et les changements des saisons pour le soulagement de notre corps et de notre âme! Il vous supplie très humblement de donner à ce corps, cette nuit, le repos, et conservez-moi à l’abri de la puissance et des illusions diaboliques.

Jésus-Christ, parlant à son épouse, lui déclare quelles sont les armes des ennemis qui se sont glorifiés dans le péché avec volonté d’y persévérer. Ils seront consommés avec effroi par le glaive de la fureur d’un Dieu tout-puissant.

CHAPITRE 95

La Sapience incarnée, le Fils de Dieu, parle : Je m’arrête comme un roi provoqué au combat. Le diable s’arrête contre moi avec son armée; mais le dessein et la constance de ma résolution sont tels, qu’avant de me retirer de ma justice d’un seul point, plutôt le ciel et la terre et tout ce qui est compris dans leur pourpris, se renverseraient! Mais l’intention du diable est qu’avant de s’humilier, il aimerait mieux qu’il y eût autant d’enfers qu’il y a d’atomes dans le soleil, et souffrir l’un avec l’autre sans fin.

Quelques-uns de mes ennemis s’approchèrent du jugement, et il n’y a pas la distance de deux pieds : Leur bannière, leur étendard est dressé; leur bouclier est au bras, le glaive est en main, mais il n’est pas encore au vent. Ma patience est si grande que, s’ils ne me frappent les premiers, je ne les frapperai point. En la bannière de mes ennemis, il y a trois devises : la gourmandise, la cupidité et la luxure. Leur heaume est l’endurcissement du cœur, car ils ne considèrent point les peines effroyables de l’enfer, ni ne pensent pas mûrement combien difforme et abominable est le monstre du péché.

Les trous du heaume sont la volonté de la chair et la volonté de plaire au monde, car par ces misérables désirs, ils courent partout et ils voient ce qu’il ne faut pas voir. Leur bouclier est la perfidie, qui leur fait excuser leurs péchés, et ils les imputent, non à leur méchanceté, mais à la fragilité de la chair, c’est pourquoi ils tiennent peu de compte de leurs péchés et d’en demander pardon. Leur glaive est la mauvaise volonté de persévérer en leur péché infâme; il n’est pas arraché, d’autant que leur malice n’est pas accomplie; mais lors il est arraché, quand ils veulent tout autant pécher qu’ils peuvent vivre; mais lors ils frappent très rudement, quand ils se glorifient, ensevelis dans la misère du péché, de désirer de persévérer dans l’état misérable qui n’a jamais d’égal, et dans l’iniquité abominable.

Mais quand leur malice sera accomplie, lors la voix criera en mon armée, disant : Frappez maintenant! Et lors le glaive de ma sévérité les consommera, et un chacun sentira la rigueur et la fureur de ma justice, et comme elle est armée; leurs âmes seront ravies par les diables, qui, comme des oiseaux de rapine, ne cherchent point le bien temporel, mais ces âmes, qu’ils déchireront éternellement.

L’Époux déclare à l’épouse ce que signifie la distance de deux pieds, et arracher le glaive dont il a parlé au chapitre précédent.

CHAPITRE 96

Le miroir sans tache, le Fils de Dieu, parle : Je vous ai dit qu’entre mes amis et moi, il n’y a pas la distance de deux pieds; mais maintenant, ils approchent d’un pied du jugement. L’un de ces deux pieds est la récompense des bonnes œuvres qu’ils ont faites pour moi. Partant, dès ce jour, leur infamie augmentera; leur délectation sera rendue amère; leur joie sera ôtée; leur tribulation prendra accroissement avec douleur.

Le second est leur malice, qui n’est pas encore accomplie; mais comme on a accoutumé de dire que quand quelque chose est pleine, c’est lors qu’elle crève, de même, quand l’âme et le corps se séparent, c’est lors que le Juge les condamne. Leur glaive est la volonté qu’ils ont de pécher, qui est arrachée à moitié, d’autant que leurs honneurs venant à décroître et les adversités les assaillant, ils sont plus en colère et brûlent du désir d’offenser, car la prospérité et l’honneur ne les laissent pas beaucoup penser au péché; mais maintenant, afin qu’ils puissent accomplir leurs sales et abominables voluptés, ils désirent de vivre plus longtemps et se donnent licence de pécher davantage. Malheur à eux, d’autant que, s’ils ne s’amendent, leur perte, leur totale ruine s’approche!

Jésus-Christ, parlant à son épouse d’un certain prélat, lui dit que l’âme dévote qui a perdu la chaleur de la méditation et de la sainte dévotion, à raison de sa superbe cupidité, pour les intrigues du monde, recouvrera la divine lumière et amour, en s’humiliant parfaitement à Dieu et au prochain, de sorte qu’il ressentira intimement la divine douceur.

CHAPITRE 97

Le Fils de Dieu et de la Vierge Marie parle par son épouse à un certain prélat, lui disant : Vous êtes semblable à la roue d’un moulin, qui, tant qu’elle est immobile et demeure ferme , ne brise point le blé. Cette roue signifie fort à propos votre volonté , qui devrait être mobile, non à votre volonté et accomplir vos désirs, mais bien les miens , et vous abandonner totalement en mes mains. Mais cette roue est trop immobile à ses vouloirs, d’autant que, l’eau des désirs de la terre sollicitant par trop votre esprit , la considération de vos œuvres et ma passion sont quasi mortes en votre cœur : C’est pourquoi la viande de l’âme ne vous est point à goût. Et partant, rompez les écluses et les branches qui retiennent l’eau , afin qu’elle coule , fasse rouler la roue et que le blé soit broyé.

La tranchée qui retient l’eau n’est autre que la superbe intérieure de l’esprit et l’ambition insatiable , qui bouchent le courant des grâces du Saint-Esprit, et empêchent tout le bien dont l’âme devrait fructifier . Partant , embrassez la vraie humilité et soumission en votre esprit, car par elles coulera en votre âme la douceur de mon Esprit, et les pensées terrestres s’évanouiront ; par elles, votre volonté aura son mouvement et se rendra parfaite selon mes vouloirs. Lors vous commencerez de porter jugement de vos œuvres et d’avoir une grande estime des miennes.

Or, quelle est la vraie humilité ? Certainement, c’est de ne se soucier aucunement des faveurs humaines et de ce que les hommes disent, marcher par ma voie , qui est oubliée et négligée, ne pas chercher ce qui est superflu et vous conformer aux simples. Si vous aimez cette voie , les choses spirituelles , ma passion et la voie de mes saints , vous seront à goût. Lors vous entendrez combien redevable vous êtes aux âmes que vous gouvernez, attendu que vous êtes monté au plus haut de la roue par deux pieds : par la puissance et par l’honneur ,de sorte que de la puissance prend source votre cupidité, et de l’honneur votre orgueil.

Partant, descendez maintenant , vous humiliant en l’esprit , et suppliez les humbles de prier Dieu pour vous, car je vous enverrai ma justice comme un fleuve rapide et j’exigerai de vous jusques à la dernière maille , et demanderai raison des affections , pensées , paroles et œuvres. Je vous demanderai aussi les âmes que j’ai commises à votre providence et que j’ai rachetées par mon sang.

Jésus-Christ dit à l’épouse qu’il faut percer les pécheurs de quatre flèches contenues en ce chapitre, c’est-à-dire, de quatre répréhensions, et les lâcher aussi, afin qu’ils aient componction et qu’ils soient humblement ramenés à la correction et à l’amendement de leur vie.

CHAPITRE 98

Jésus-Christ dit : Je donnerai à mes amis quatre flèches : par la Première, il faut entendre celui qui a perdu un de ses yeux ; par la deuxième, celui qui est boiteux de l’un des pieds ; par la troisième , celui qui est sourd d’une oreille ; par la quatrième, celui qui est couché à terre.

Or, celui-là est l’origine, qui ne voit et ne considère les œuvres de mes saints ; mais il voit et désire les délectations du monde. Un tel doit être percé en cette manière, lui parlant en ces termes : Vous êtes semblable à Lucifer, qui, ayant connu (2) la souveraine bonté de Dieu, la désira injustement , c’est pourquoi il descendit en enfer.

Celui-là est boiteux d’un pied , qui se repent et fait pénitence de ses péchés , mais s’occupe avec peine en l’acquisition des choses du monde. Celui-ci doit être blessé en cette sorte. Vous travaillez pour les commodités corporelles , que les vers mangeront bientôt , c’est pourquoi occupez-vous à travailler fructueusement pour votre âme , qui vivra éternellement.

Celui-là est sourd d’une oreille , qui désire ouïr mes paroles et celles des saints ; mais il a l’autre oreille ouverte aux railleries, aux cajoleries et aux vanités du monde , c’est pourquoi il lui faut dire : Vous êtes semblable à Judas , qui, d’une oreille , ouït les paroles de Dieu , et par l’autre, elles sortirent , c’est pourquoi les paroles qu’il ouït ne lui profitèrent point. Partant , fermez vos oreilles aux vains discours, afin que vous puissiez parvenir aux chants angéliques.

Or, celui-là est gisant à terre qui s’intrique et s’enveloppe ès affaires du siècle , mais qui , néanmoins, voudrait savoir la voie et le moyen de s’amender . Qu’on parle en cette sorte à celui-ci : Ce temps est court comme un point. La peine de l’enfer est éternelle , et la gloire des saints perpétuelle. Partant , afin que vous parveniez à la vraie vie , ne vous fâchez pas d’embrasser ce qui est fâcheux et amer , car comme Dieu est tout bon et tout miséricordieux, aussi est-il tout juste.

Quiconque donc sera ainsi percé de ces flèches, si la sagette sort de son cœur toute sanglante, c’est-à-dire, s’il est excité à componction et s’il propose de s’amender , je verserai en celui-là l’huile de ma grâce , par lequel tous ses membres seront confortés et affermis.

Notre-Seigneur se plaint des Juifs qui l’on crucifié, et des chrétiens qui méprisent sa charité et sa justice , en péchant présomptueusement et sciemment contre ses commandements, et méprisant les sentences des excommunications de l’Eglise, sous prétexte de sa miséricorde , à raison de quoi il les menace avec l’ire et la fureur de sa justice.

CHAPITRE 99

Pour le jour de la passion.
La Mère de Dieu éternel parle, disant : En ce temps, mon Fils souffrait. Judas, le traître, s’approchant, se baissa , d’autant qu’il était de petite taille , lui donnant un baiser et lui disant : Mon ami , pourquoi êtes-vous venu? Et soudain, les uns le saisirent , les autres le traînèrent par les cheveux , les autres le salirent par leurs crachats.

Après , le Fils parlait, disant : je suis réputé comme vermisseau qui est comme gisant en un fumier, que les passants foulent aux pieds et sur lequel ils crachent : de même en firent les Juifs , d’autant que j’étais jugé par eux comme un vermisseau très abject et très indigne : de même, les chrétiens me méprisent , car tout ce que j‘ai fait et souffert pour l’amour d’eux , ils le réputent à vanité , à folie et à néant . Il me foulent aussi comme en mon dos, quand ils craignent et honorent plus homme que moi , leur Dieu , quand ils réputent pour néant ma justice , et établissent le temps en leur jugement et les manières de ma miséricorde. Ils me frappent comme aux dents , quand ayant ouï mes préceptes et vu ce que j’ai enduré pour eux, ils disent : Faisons maintenant tout ce qui nous plaît et nous délecte, et néanmoins nous aurons le ciel, car si Dieu nous voulait perdre et nous punir éternellement, il ne nous auraient pas créés et ne nous aurait point rachetés avec tant de peine.

Partant, je leur ferai sentir les effroyables fureurs de ma justice, car comme le moindre bien ne sera pas sans récompense , de même le moindre mal ne sera pas sans supplice. Ils me méprisent aussi comme en me foulant aux pieds, quand ils n’écoutent point les jugements de l’Eglise , savoir, mes excommunications. Partant , comme ceux qui sont excommuniés publiquement sont évités de tous, de même ils seront séparés de moi, car quand l’excommunication est sue et est méprisée , elle nuit plus que le glaive corporel . Partant, moi qui suit estimé comme un vermisseau, je veux maintenant revivre par les fureurs de mon terrible jugement, et je viendrai si terrible que ceux qui me verront , diront devant la face de l’ire de Dieu : Montagnes tombez sur nous!

Jésus-Christ dit à son épouse qu’elle est comme le flageolet du Saint-Esprit, par lequel il résonne mélodieusement au monde pour l’honneur et l’utilité des Gentils ; c’est pourquoi il la veut argenter par dehors par les bonnes œuvres et la sapience, et la dorer par dedans par la vraie humilité et la pureté de cœur.

CHAPITRE 100

Le Fils de Dieu , la Sapience incarnée, dit à, son épouse : Vous devez être comme un flageolet par le moyen duquel on chante mélodieusement. Or, celui qui est maître du flageolet l’argente par dehors, afin qu’il soit estimé plus précieux , et par dedans , il le dore d’un or durable : de même vous devez être reluisante en argent de bonnes mœurs et de sapience humaine, afin que vous compreniez qu’est-ce que vous devez à Dieu et quoi au prochain , et qu’est-ce qui est expédient, utile et sortable à votre corps et à votre âme, pour avoir un jour le salut éternel. Au dedans, vous devez être dorée par humilité, afin que vous ne désiriez plaire à autre qu’à moi, et afin que vous ne craigniez point de déplaire aux hommes pour l’amour de moi.

Après , celui qui joue du flageolet en faisant trois usages : 1° il l’enveloppait avec du drap, afin qu’il ne se tachât point ; 2° il lui faisait une couverture , afin de le garder ; 3° il le mettait dans un coffre , afin que le larron ne le dérobât : de même vous devez vous envelopper toute dans la pureté, afin que jamais plus vous ne désiriez de vous souiller par effet, ni par affection, ni par délectation ; mais faites en sorte de demeurer seule, car la conversation des mauvais corrompt les bonnes mœurs,,et ayez la serrure , la diligente et sérieuse garde de vos sens et de tout votre intérieur , afin que vous preniez garde qu’en aucune de vos actions, vous ne soyez déçue par les ruses et les finesses de Satan. La clef est le Saint-Esprit, qui ouvre votre cœur comme il vous plaira, pour mon honneur et ma gloire, et pour le fruit et le salut des hommes.

La Mère de Dieu dit que le cœur de son Fils est très doux , très pur et très agréable , et si abondant en charité que si le pécheur était aux portes de sa ruine, et s’il criait à lui avec désire de s’amender, soudain il l’en délivrerait. On parvient au cœur de Dieu par l’humilité d’une vraie contrition, et par la dévote, fervente et fréquente considération de la passion de Jésus.


(1) Sainte Brigitte.
(2) Non en voyant son essence , par réflexion de sa Beauté , montant a la source de la beauté.

   

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