LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

RÉVÉLATIONS CÉLESTES
Sainte Brigitte de Suède

Livre 1

— Chapitres 21 à 34 —

Chapitre 21

Paroles de l'Époux et l'épouse en une très belle figure. Magicien par lequel le diable est admirablement désigné et signifié.

L'époux parlait en figure à son épouse, rapportant l'exemple de la grenouille et disant : Un magicien avec de l'or très bon et très brillant. Un homme simple et doux, voulant l'acheter, alla vers le magicien, qui lui dit : Vous n'aurez pas cet or, si vous ne m'en donnez de meilleur et en plus grande quantité. Cet homme simple repartit : Je désire tant votre or que j'aime mieux vous en donner tout ce que vous voudrez que de ne point l'avoir. Et ayant donné au magicien un or meilleur et en une plus grande quantité, il reçut de lui cet or splendide et le mit en son cabinet, pensant en faire un anneau pour son doigt.

Or, un peu de temps s'étant écoulé, le magicien vint vers cet homme simple et lui dit : L'or que vous m'avez acheté et que vous avez mis dans votre cabinet, n'est pas de l'or, mais une grenouille très vile, qui a été nourrie dans ma poitrine et nourrie de ma viande. Et comme il en voulut faire l'expérience, la grenouille apparut en son cabinet, le couvercle duquel pendait sur les quatre gonds, comme celui qui devait tomber de l'instant. Lors, ayant ouvert la porte du cabinet, et ayant vu la grenouille le magicien, celle-ci se jeta en sa poitrine. Voyant cela, les serviteurs et les amis de cet homme simple lui dirent : Seigneur, l'or est caché dans la grenouille, et si vous le voulez, vous le pourrez heureusement avoir. Comment le pourrai-je avoir, dit-il ? Ils lui dirent : Si l'on prenait une lancette fort aiguë et fort chaude, et qu'on l'enfonçât dans le dos de la grenouille, où il est caché, alors soudain il pourrait avoir cet or. Que si l'on ne peut trouver de creux en elle, il faudrait alors enfoncer puissamment et profondément la lancette, et ainsi, vous pourriez avoir ce que vous avez acheté.

Qui est ce magicien, sinon le diable, qui persuade aux hommes les plaisirs, les délectations et les honneurs du monde, qui ne sont qu'une grenouille ? car il assure que le faux est vrai, et fait voir le vrai faux ; car il possède cet or précieux, c'est-à-dire, l'âme que j'ai faite, par la puissance adorable de ma Divinité, plus précieuse que les étoiles et les planètes ; que j'ai créée pour moi immortelle, stable et délectable par-dessus toutes choses, et lui ai préparé avec moi une habitation, un repos eternel. J'ai racheté cette âme de la puissance du démon avec un meilleur or et un plus grand prix, quand, par amour pour elle, j'ai donné ma chair exempte de péché et impeccable, et ai souffert une si amère passion qu'aucun de mes membres n'a été sans quelque blessure ; et en la créant, je l'ai mise en son corps comme dans un cabinet, jusqu'à ce que je la place dans la dignité suréminente de ma Divinité. Or, maintenant, l'âme étant rachetée de la sorte, elle est devenue comme une grenouille très laide et très vile, sautant par la superbe, et demeurant dans le bourbier par la luxure, et elle a enlevé mon or, c'est-à-dire, ma justice.

Et partant, le diable peut me dire à bon droit : L'or que vous avez acheté n'est pas de l'or, mais une grenouille nourrie au sein de mes plaisirs. Séparez donc le corps de l'âme, et vous verrez qu'elle s'envolera soudain dans mon sein où elle a été nourrie. Je réponds à cela : Vu que la grenouille est horrible à voir, fâcheuse à ouïr, vénéneuse à l'attouchement, et qu'elle ne m'apporte aucun bien, aucun plaisir, mais bien à vous, qui l'avez nourrie dans votre poitrine, elle vous appartient de droit.

Partant, séparée du corps, elle s'envolera soudain pour demeurer éternellement avec vous. Car telle est l'âme de celui dont je vous parle : certes, elle est comme un grenouille pernicieuse, pleine d'immondicités, et nourrie de voluptés infâmes dans la poitrine de Satan. J'approche maintenant de son cabinet, c'est-à-dire, de son corps, par l'approche de la mort, qui pend sur quatre gonds qui tombent en ruine, attendu que son corps subsiste par quatre choses : par la force, la beauté, l'afféterie, le regard, qui tous commence à défaillir et à se flétrir.

Quand l'âme sera séparée du corps, elle s'envolera soudain vers le diable, du lait duquel elle est nourrie, d'autant qu'elle a oublié mon amour, qui m'avait fait anéantir et subir la peine et le supplice qu'elle méritait ; car elle ne me rend pas plaisir pour plaisir ; mais d'ailleurs, elle ôte ma justice : elle me devait mieux servir que cela, d'autant que je l'avais rachetée plus qu'aucune autre créature ; mais elle aime mieux être avec le démon. La voix de son oraison m'est comme la voix de la grenouille ; sa vue m'est abominable ; son ouïe n'entendra jamais ma joie mélodieuse ; son attouchement envenimé ne sentira pas ma Divinité. Mais néanmoins, parce que je suis miséricordieux, son âme, bien qu'elle soit immonde, si quelqu'un la sondait et considérait s'il y a en elle quelque contrition ou quelque bonne volonté, et enfonçait en son esprit une lance pointue et fervente, c'est-à-dire, la crainte de mon sévère jugement, son âme trouverait encore ma grâce, si elle voulait y consentir. Que s'il n'y avait en elle ni contrition ni charité ; si quelqu'un la piquait d'une mordante correction et d'une dure répréhension, il y aurait encore en elle quelque espérance, car tant que l'âme vit avec le corps, ma miséricorde infinie est ouverte à tous.

Voyez donc que je suis mort pour la charité, et personne ne me rend la charité, mais me ravit ma justice, car il serait juste que les hommes vécussent, d'autant mieux qu'ils ont été éminemment rachetés d'un plus grand labeur. Mais maintenant, ils veulent vivre plus mal que je les ai plus amèrement et plus précieusement rachetés, et veulent pécher d'autant plus perfidement que plus je leur ai montré l'abomination de leur péché. Partant, voyez et considérez que je ne me courrouce pas sans sujet, car il convertissent ma grâce en leur malheur ; je les ai rachetés du péché, et ils se plongent de plus en plus dans le péché. Vous donc, ô mon épouse ! rendez-moi ce que vous me devez, c'est-à-dire, gardez-moi votre âme pure, car je suis mort pour vous, afin que vous la gardiez pure et intacte.

Chapitre 22

Des demandes de la douce Mère de Dieu à l'épouse ; des réponses humbles de l'épouse à la Mère ; des répliques utiles de la Mère à l'épouse, et du profit des bons entre les mauvais.

La Mère de Dieu parlait à l'épouse de son Fils, lui disant : Vous êtes l'épouse de mon Fils. Dites ce que vous avez dans l'âme et ce que vous demandez. L'épouse lui répondit : Vous le connaissez fort bien, ô notre Dame ! car vous savez tout. Et alors la Sainte Vierge lui dit : Bien que je sache tout, néanmoins je connaîtrai cela même quand vous parlerez en la présence des assistants, qui vous écoutent. Alors l'épouse repartit : Je crains deux choses : 1° que je ne pleure ni n'amende mes péchés comme je voudrais ; 2° je m'afflige de ce que plusieurs de vos enfants sont vos ennemis. La Sainte Vierge répondit : Je vous donne trois remèdes contre le premier.

En premier lieu, pensez que toutes les choses qui ont une âme comme les grenouilles et le reste des animaux, reçoivent quelquefois des incommodités ; néanmoins, leur âme ne vit pas éternellement, mais elle meurt avec le corps : mais votre âme et celle de tous les hommes vivent éternellement. En deuxième lieu, considérez la miséricorde de Dieu, car il n'y a pas homme, quelque pécheur qu'il soit, qui n'obtienne pardon, s'il m'en prie avec propos de s'amender et avec contrition du passé. En troisième lieu, voyez combien est grande la gloire de l'âme qui vit et règne sans fin en Dieu et avec l'éternité de Dieu infini.

Contre le deuxième, qui dit que les ennemis de Dieu sont nombreux, donnez aussi à vous-mêmes trois remèdes : 1° considérez que votre Dieu, votre Créateur et le leur, est leur juge, et ils ne jugeront jamais désormais, bien que, jusqu'au temps destiné, il supporte patiemment leur malice ; 2° pensez qu'ils sont enfants de damnation, et combien pesant et insupportable leur sera de toujours brûler malheureusement d'un inextinguible feu. Ils sont très pernicieux serviteurs ; ils ne seront jamais mes héritiers, mais mes enfants posséderont mon héritage.

Or, vous me direz peut-être : Il ne faut donc par leur prêcher la parole de Dieu ? Véritablement vous devez considérer qu'entre les mauvais, il y en a d'ordinaire des bons, et les enfants adoptifs se retirent souvent du bien, comme l'enfant prodigue, qui s'en alla en une autre région éloignée et vécut mal ; et même souvent, ceux-là même sont excités à la componction par la prédication, et retournent vers leur père, qui les reçoit avec autant de plaisirs qu'auparavant ils étaient partis pécheurs. Partant, il leur faut prêcher, car bien que le prédicateur voie presque tous ses auditeurs méchants, il doit considérer néanmoins à part soi qu'il y en a parmi ceux-là qui seront peut-être enfants de Dieu. Qu'il leur prêche donc, car ce prédicateur jouira d'une très bonne récompense.

En troisième lieu, considérez qu'on permet aux méchants de vivre pour éprouver les bons, afin qu'étant exercés par leurs mœurs fâcheuses, les bons soient récompensés par le fruit de leur patience, comme vous le pourrez comprendre par un exemple.

Bien que la rose sente bon, soit agréable à la vue, douce au toucher, néanmoins, elle ne croît que parmi les épines, qui sont âpres au touche, laides à la vue et ne sentent point bon. De même aussi, les hommes bons et justes, bien qu'ils soient doux par leur patience, beaux en leurs mœurs, agréables en leur conversation, ne peuvent néanmoins s'avancer ni être éprouvés que parmi les mauvais. Quelquefois l'épine empêche que la rose soit cueillie avant qu'elle soit éclose et épanouie : de même les mauvais empêchent les bons de se laisser aller au mal ; souvent ils sont retenus comme par un frein par la malice des méchants, afin qu'ils ne s'échappent pas par la joie immodérée ou par quelque autre péché. On ne connaît jamais bien le bon vin que dans la lie : de même les bons et les justes ne peuvent s'avancer dans la vertu, sans être éprouvés par les tribulations et les persécutions des méchants.

Partant, supportez librement les ennemis de mon Fils ; considérez qu'il est leur juge, et pensez que, s'il était équitable de les ruiner tout à fait, il pourrait, par ses pouvoirs adorables, les effacer et les perdre en un moment. Endurez-les donc puisqu'il les endure lui-même.

Chapitre 23

Paroles de Jésus-Christ à son épouse, traitant de l'homme feint et dissimulé qui est appelé ennemi de Dieu. Il parle en particulier de l'hypocrite et le décrit entièrement.

L'homme feint et dissimulé ressemble à l'homme riche, beau, fort et généreux dans le combat de son seigneur. Mais n'ayant plus son casque sur sa tête, il est abominable à voir et il ne peut rien faire.

Son cerveau paraît creux et vide ; il a les oreilles au front et les yeux derrière la tête ; son nez est coupé ; ses joues sont ridées et enfoncées ; il ressemble à un homme mort; sa mâchoire du côté droit, sa gorge et la moitié des lèvres, sont tombées, de sorte qu'il n'y a du côté droit que le gosier qui paraît tout nu; sa poitrine est pleine de vers qui y fourmillent; ses bras sont comme deux serpents. Il porte dans son cœur un scorpion pernicieux; son dos est comme un charbon brûlé; ses intestins, corrompus et puants, sont comme de la chair en putréfaction; ses pieds morts sont sans mouvement, incapables de marcher.

Qu'est-ce que tout ceci signifie ? Écoutez, je vous le dirai. L'homme feint et dissimulé paraît devant les hommes à l'extérieur être de bonnes mœurs, orné de sagesse, généreux à la défense de mon honneur ; mais il n'en est pas ainsi, car si on lui ôtait son casque de la tête, c'est-à-dire, si on le montrait aux hommes tel qu'il est en effet, on le verrait le plus vile et le plus poltron de tous. Certes, son cerveau est tout vide; sa folie et sa légèreté dans ses mœurs montrent assez, par des signes évidents, manifestes, qu'il est indigne d'un tel honneur, car s'il était sage selon ma sagesse divine, il comprendrait qu'il devrait faire une pénitence d'autant plus rude et s'abaisser plus profondément, qu'il est rehaussé en honneur par-dessus les autres. Il a les oreilles au front, attendu qu'au lieu de l'humilité profonde qu'il devrait avoir, à raison de la dignité à laquelle il est élevé et estimé, et brille au-dessus des autres, il ne veut ouïr que ses propres louanges et ses propres honneurs, s'enorgueillissant de telle sorte qu'il veut que tous l'appellent grand et bon.

Il a les yeux derrière la tête, attendu que sa vue et ses connaissances ne sont inutilement occupées que des choses présentes, et non des choses éternelles. Toute son étude est de chercher comment il plaira aux hommes, comment il contentera sa chair, et non comment il me contentera et profitera aux âmes. Son nez est coupé, car la discrétion lui est ôtée, par laquelle il pouvait discerner le péché de la vertu, l'honneur passager de l'honneur éternel, les richesses temporelles des richesses immortelles, et les délices fades et périssables des douces et permanentes délices. Ses joues sont creuses, c'est-à-dire, toute l'humilité qu'il devait avoir devant moi, la splendeur et la beauté dont il devait me réjouir, sont éteintes, flétries, attendu qu'il a eu honte de pécher devant les hommes, et non pour ma considération. L'autre partie de la mâchoire et de la lèvre était toute tombée, de sorte, il n'y avait que le gosier, d'autant que l'imitation de mes œuvres, la prédication de mes paroles et la prière fervente, étaient déchues en lui, de sorte qu'il ne restait en lui que le gosier de sa gourmandise.

Or, il n'était préoccupé que de l'imitation des méchants, de la révolution des affaires séculières et de leurs tracas. Sa poitrine est remplie de vers, car là où le souvenir de ma passion, de mes œuvres et de mes commandements devait incessamment résider, là est la sollicitude des choses temporelles et la cupidité du monde, qui rongent cruellement sa conscience, comme des vers, afin qu'elle ne pense pas aux choses spirituelles. Dans son cœur, où je (bonté éternelle) voudrais demeurer, et là où mon amour devrait régner, un méchant scorpion réside, qui le pique de sa queue, et le flatte, et l'allèche de sa face, car de sa bouche sortent des paroles séduisantes et affétées, mais son cœur est plein d'injustice et de tromperie, d'autant qu'il ne se soucie point que l'Église fût détruite, s'il pouvait satisfaire à sa volonté abominable et contenter ses détestables appétits. Ses bras sont comme des serpents pestiférés, car malicieusement il s'étend aux simples, les alléchant et les appelant à soi avec sa feinte simplicité ; et ayant saisi adroitement l'occasion, il les supplante misérablement; et ensuite, comme un serpent, il s'entortille en cercle, d'autant qu'il cache sa malice et son intolérable iniquité, de telle sorte qu'à grand peine peut-on découvrir ses ruses et ses tromperies.

Cet homme dissimulé est devant moi comme un très vil serpent : car comme le serpent est haï de tous les animaux, de même l'hypocrite m'est le plus désagréable des pécheurs, attendu qu'il met à néant la grandeur et la rigueur de ma justice, et me répute comme un homme qui ne veut pas se venger. Son dos est noir comme un charbon, bien que, néanmoins, il dût être blanc comme l'ivoire, attendu que ses œuvres devraient être fortes et pures plus que toutes celles des autres, afin qu'il portât les infirmes à bien faire. Mais maintenant, il est comme un charbon, car il est si infirme et si faible qu'il ne saurait endure une parole pour l'amour de moi ; mais pour l'amour de soi-même il endure tout. Vraiment, il lui semble être fort dans le monde ; néanmoins quand il pensera subsister, il succombera, parce qu'il est difforme et mort, devant moi et devant les saints, comme un charbon éteint. Ses intestins sont puants, parce que sa pensée et son affection sont puantes comme une charogne dont personne ne peut souffrir la corruption : de même aucun des saints ne peut le supporter, mais tous en détournent le visage et en demandent à Dieu l'épouvantable jugement et la vengeance terrible. Ses pieds sont morts : les deux pieds signifient deux affections qu'il me porte : l'une, le désir d'amender les fautes commises, et l'autre, la volonté de faire le bien. Mais ces deux pieds sont tout à fait morts en lui, attendu que toute la moelle de la charité est consommée, et il ne reste en lui que les os d'un épouvantable endurcissement. Et ainsi est-il devant moi. Néanmoins, tant que l'âme est dans le corps, il peut trouver ma miséricorde.

Déclaration.

Saint Laurent apparut à sainte Brigitte, disant : Tant que j'ai vécu dans le monde, j'ai eu trois choses : la continence, la miséricorde envers mon prochain, et l'amour envers Dieu. Partant, j'ai prêché avec ferveur la parole de Dieu ; j'ai distribué sagement les biens de l'Église, et supporté joyeusement les fouets, les feux et la mort : mais cet évêque tolère et dissimule l'incontinence du clergé, dépense largement et misérablement les biens de l'Église aux riches ; il a de la charité pour soi et pour les siens. Partant, je lui signifie qu'une légère nuée est déjà montée au ciel. Oh ! que de flambeaux sont éteints et s'obscurcissent, de peur qu'elle ne soit vue de plusieurs! Or, cette nuée est l'oraison de la Mère de Dieu, qu'elle fait pour l'Église, que les flambeaux de la cupidité, de l'indévotion et du défaut de justice, enveloppent, en sorte que la douceur de la miséricorde de la Mère de Dieu ne peut pénétrer le cœur de ces misérables.

Partant, que cet évêque se convertisse soudain à l'amour divin, qu'il se corrige soi-même, et amende ses sujets par ses exemples et par ses paroles, les avertissant, les exhortant vivement à ce qu'il y a de meilleur, sinon, il sentira la main du juge, et son Église sera purifiée par le feu et par le glaive ; elle sera affligée par le larcin et par tribulation, en sorte qu'en peu de temps, personne ne la consolera.

Chapitre 24

Paroles de Dieu le Père devant les troupes célestes, et réponse du Fils et de la Mère au Père, pour obtenir la grâce pour sa fille, c'est-à-dire, pour l'Église.

Le Père éternel parlait, lorsque toute la cour céleste, écoutait, disant : Devant vous je me plains : j'ai donné ma fille à un homme qui l'afflige trop et la serre misérablement avec un cep de bois, de sorte que toute la moelle sort de ses pieds. Son Fils répondit : C'est celle-là que j'ai rachetée de mon propre sang et que j'ai épousée par mon amour ; mais maintenant, on me l'a ravie par violence. Ensuite la Mère de Dieu disait : Vous êtes mon Dieu et mon Seigneur, et en mon corps ont été les membres de votre vrai Fils et mon vrai Fils. Or, je ne vous ai rien refusé sur la terre : ayez donc pitié de votre fille pour l'amour de mes prières.

Après ceci, les anges parlaient, disant : Vous êtes notre Dieu et notre Seigneur, et nous avons en vous toute sorte de biens, et nous n'avons besoin que de vous. Quand vous vous choisîtes cette épouse, nous vous en félicitions tous ; mais maintenant, nous pouvons nous en contrister à bon droit, car elle est livrée entre les mains d'un méchant, qui l'avilit misérablement et la charge d'opprobres. Faites-lui donc miséricorde pour l'amour de votre grande miséricorde, car sa misère est immense, et il n'y a personne qui la console et l'en affranchisse, si ce n'est vous, ô Seigneur, Dieu tout-puissant !

Alors le Père répondit au Fils : Mon Fils, votre plainte est ma plainte, votre parole est ma parole, vos œuvres sont mes œuvres. Vous êtes en moi et je suis en vous inséparablement. Que votre volonté soit faite. Après, il dit à la Vierge sainte, Mère de Dieu : Comme vous ne m'avez rien refusé sur la terre, je ne veux rien vous refuser dans le ciel. Que votre volonté soit accomplie. Et il dit aux anges : Vous êtes mes amis, et les flammes de votre amour brûlent dans mon cœur. Je ferai miséricorde à ma fille pour l'amour de vos prières.

Chapitre 25

Paroles de Dieu le Créateur à son épouse. En quelle manière sa justice soutient les mauvais: en trois manières ; et comme la miséricorde leur est donnée en trois autres façons.

Je suis l'adorable Créateur du ciel et de la terre. Vous admirez, ô mon épouse! pourquoi je souffre les méchants avec tant de patience : c'est parce que je suis miséricordieux, car ma justice les souffre en trois manières. En premier lieu, ma justice les souffre afin que leur temps soit entièrement accompli. Car comme un roi juste qui a des méchants dans sa prison, si on lui demande pourquoi il ne les fait pas mourir, répond : Parce que l'occasion générale ne s'en est pas encore offerte, où on les entendra, et on les verra souffrir au profit et à l'utilité des auditeurs et des spectateurs : de même je supporte les mauvais jusqu'à ce que leur temps vienne, afin que leur malice soit connue aux autres.

N'avais-je pas prédit la réprobation de Saül longtemps avant qu'elle fût manifestée aux hommes, de Saül que j'ai longtemps souffert, afin que sa malice fût manifestée aux autres. Deuxièmement, d'autant que les méchants ont fait quelque bien dont ils doivent être récompensés jusqu'au dernier période de leur vie, afin qu'il n'y ait pas un bien, quelque petit qu'il soit, fait pour l'amour de moi, dont ils ne soient récompensés en cette vie. Troisièmement, je les souffre, afin que l'honneur de Dieu et son incomparable patience soient publiés : c'est pourquoi j'ai supporté Pilate, Hérode et Judas, bien que toutefois ils fussent damnés par leurs péchés. Partant, si quelqu'un s'enquiert pourquoi je supporte celui-là et celui-là, qu'il considère un Judas et un Pilate.

Ma miséricorde pardonne aussi aux méchants en trois manières : premièrement, à cause de l'excès de mon amour, car la peine éternelle est longue : c'est pourquoi, à raison de ma grande charité, je les supporte jusqu'au dernier période de leur vie, afin que les peines qui doivent durer longuement commencent fort tard ; en deuxième lieu, afin que leur nature se consomme en vices, car la nature se consomme par le péché, afin qu'ils ne trouvent pas la mort temporelle si amère, si leur nature était forte dans la jeunesse, car la nature jeune fait la mort plus longue et plus amère. En troisième lieu, ma miséricorde leur pardonne, à raison de la perfection des bons et pour la conversion de quelques méchants : car quand les hommes bons et justes sont affligés par les méchants, cela leur profite, ou bien pour les retenir du péché, ou bien pour les retenir du péché, ou bien pour les faire mériter. De même les mauvais vivent quelquefois avec les mauvais pour le bien ; car quand les méchants considèrent les événements des méchants et leur iniquité, ils disent en eux-mêmes : Que nous sert de les suivre ?

Puisque Dieu est si patient, il vaut mieux se convertir que l'offenser. Et de la sorte, souvent ceux qui s'étaient retirés de moi retournent vers moi, car ils ont horreur de commettre telles choses que commettent les méchants, leur conscience leur dictant qu'il ne faut pas faire de telles choses. De là vient qu'on dit que celui qui est piqué par le scorpion, guérit soudain, s'il est oint de l'huile d'un autre scorpion mort : de même un méchant, voyant les événements funeste d'un autre, se repent, et considérant la vanité et l'iniquité d'autrui, guérit les siennes.

Chapitre 26

Paroles de louange que les anges donnent à Dieu, et de la génération des enfants, si nos premiers parents n'eussent pas péché. En quelle manière Dieu a montré par Moïse ses merveilles à son peuple, et puis lui à nous en son avènement. Des corruptions du mariage corporel qui se font en ce temps, et des conditions d'un mariage spirituel.

On a vu devant Dieu une troupe d'anges qui disaient : O Dieu et Seigneur, à vous louange et honneur, à vous qui êtes et qui étiez sans fin ! Nous sommes vos serviteurs. Nous vous louons, nous vous honorons pour trois raisons : premièrement, parce que vous nous avez créés de votre main puissante, afin que nous nous réjouissions avec vous, et que vous nous avez donné la lumière ineffable, afin que nous tressaillions d'une joie indicible et éternelle ; deuxièmement, parce toutes choses sont créées en votre bonté, persistent en votre stabilité, toutes subsistent selon votre volonté et sont permanentes en votre parole ; troisièmement, parce que vous avez créé l'homme, pour lequel vous avez pris l'humanité, d'où nous retirons un grand sujet de joie et un grand contentement de ce que votre Mère bien-aimée a mérité de porter celui que les cieux ne pouvaient envelopper ni contenir.

Que votre gloire et votre bénédiction soient sur toutes choses, pour la dignité angélique dont vous nous avez revêtus et pour le grand honneur que vous nous avez fait ! Que votre éternité, que votre perpétuelle stabilité soit tout à tout ce qui est et sera jamais ! Que votre amour soit sur l'homme que vous avez créé ! Vous seul êtes désirable à cause de votre amour ; vous seul êtes aimable pour votre stabilité : donc, honneur et gloire vous soient incessamment rendus en tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il !

Alors Notre-Seigneur dit : Vous m'honorez dignement pour toutes les créatures ; mais dites, pourquoi me louez-vous pour l'amour de l'homme, puisqu'il a provoqué mon indignation plus que toutes les autres créatures ? Ne l'ai-je pas créé plus excellent que toutes les créatures terrestres ? Ai-je souffert, pour aucune créature, tant de choses si indignes que j'ai souffertes pour lui ? et ai-je rien racheté plus chèrement que lui ? Ou bien, quelle est celle des créatures qui ne garde pas quelque ordre réglé, si ce n'est l'homme ? Il m'est la plus fâcheuse de toutes les créature, car comme je vous avais créés pour ma gloire et pour mon honneur, de même j'avais créé l'homme pour ma gloire.

Certes, je lui avais donné le corps comme un temple spirituel, dans lequel j'avais mis l'âme comme un bel ange, parce que l'âme de l'homme est presque semblable à la vertu et à la force d'un ange. Dans ce temple, moi, son Dieu et son Créateur, j'étais le troisième, afin qu'il eût du plaisir et du contentement. Je lui ai fait ensuite avec sa propre côte un autre temple semblable à celui-ci. Mais vous, maintenant, ô mon épouse! pour l'amour de laquelle se font toutes ces choses, vous pouvez considérer et demander quels enfants seraient nés d'eux, s'ils n'eussent péché. Je vous dis qu'ils seraient nés de la divine charité et de la mutuelle dilection d'Adam et d'Ève; et de leurs descendants qui se seraient unis, le sang, dans le corps de la femme, serait devenu fécond par l'amour sans aucune sale volupté, et de la sorte la femme se serait rendue plus fructueuse. Ensuite, l'enfant étant conçu sans péché, sans aucun plaisir immonde, j'aurais versé de ma Divinité une âme en lui, et la femme l'aurait ainsi porté et enfanté sans douleur. L'enfant aurait été, dès sa naissance, parfait comme Adam. L'homme a méprisé cet honneur, quand il a obéi au démon, et a désiré plus d'honneur que je ne lui en avais donné.

Or, la rébellion étant faite, mon ange vint à eux. Ils eurent honte de leur nudité, et soudain ils sentirent la concupiscence de la chair et endurèrent la faim et la soif. Alors ils ne me possédèrent plus, car quand ils me possédaient, ils ne ressentaient ni faim, ni soif, ni délectation sensuelle, ni honte, mais moi seul, j'étais tout leur bien, toute leur douceur et tout leur plaisir, et le diable se réjouissait de leur perte malheureuse et de leur funeste ruine. Moi, ému de pitié sur eux, je ne les ai point laissés, mais je leur ai découvert une triple miséricorde ; car ils étaient nus, je les ai vêtus, et la terre leur a donné du pain ( Gn. 3 ). Pour la luxure que le démon avait excitée en eux par l'accroissement de la rébellion, ma Divinité leur a donné pour leur semence des âmes ; et tout ce que le diable leur suggérait de mal, je le changeai heureusement en bien. Je leur ai montré ensuite la manière de bien vivre et de m'honorer, et leur ai permis de se marier et d'engendrer ; car avant que je leur eusse indiqué et permis le mariage, saisis de crainte et d'effroi, ils n'osaient pas se marier.

De même, après qu'Abel eut été tué, Adam et Ève l'ayant pleuré longtemps et s'étant abstenus de l'usage du mariage, ému de compassion envers eux, je les ai consolés. Et alors, ayant connu ma volonté, ils commencèrent de nouveau d'engendrer des enfants, de la postérité desquels moi, leur Créateur, je leur promis de naître, selon les desseins éternels de la Divinité.

Mais la malice des enfants d'Adam croissant de plus en plus, je manifestai aux pécheurs les rigueurs épouvantables de ma justice, et aux élus, les trésors infinis de ma miséricorde. En effet, étant apaisés, je les ai sauvés de la perdition et je les ai exaltés, parce qu'ils gardaient mes commandements et croyaient à mes promesses. Or, le temps de ma miséricorde étant arrivé, je leur ai montré mes merveilles par Moïse ( Ex. 3.4.5 etc. ), car j'ai sauvé mon peuple, selon ma promesse. Je les ai nourris de la manne, et j'allais au-devant d'eux, dans la colonne de nuée et de feu; je leur ai donné ma loi ; je leur ai découvert mes secrets et révélé les choses futures, par mes prophètes.

Après tout cela, moi, qui ai créé toutes choses, j'élevai une vierge née de père et de mère (Niceph. lib. I. c. 7. ), de laquelle j'ai pris d'une manière ineffable une chair humaine ; et je voulus naître d'elle miraculeusement et sans péché, comme les premiers enfants devaient naître au paradis terrestre, par le mystère de la divine charité, d'un amour mutuel de ceux qui engendraient sans autre immonde volonté. De même ma Divinité a pris chair humaine de la Sainte Vierge, sans connaissance d'homme et sans blesser sa virginité. Venant donc en ma chair, vrai Dieu et vrai homme, j'accomplis la loi et toutes les Écritures, comme il avait été auparavant prophétisé de moi, et j'ai commencé une nouvelle loi, car l'ancienne était étroite et lourde à porter ; elle n'était qu'une figure des choses futures qu'il fallait faire. En effet, dans cette ancienne loi, il était loisible à un homme d'avoir plusieurs femmes, afin que la postérité ne fût pas sans enfants, ou bien afin qu'ils ne se mariassent pas avec les Gentils. Or, dans ma nouvelle loi, il est ordonné que le mari n'ait qu'une seule femme, et il lui est défendu, tant qu'elle vit, d'en avoir davantage.

Ceux donc qui se marient, portés par une charité et une crainte divine pour engendrer, me sont un temple spirituel dans lequel, moi, troisième, je veux demeurer avec eux. Mais les hommes de ce temps se marient pour sept raisons : 1° pour la beauté de la face ; 2° pour les richesses ; 3° pour le trop grand plaisir et l'excessif plaisir qu'ils y prennent ; 4° parce que là se font une assemblée de parents et d'amis et des banquets immodérés ; 5° parce qu'au mariage, il y a de l'orgueil dans les habits, les banquets, les cajoleries et autres vanités ; 6° pour engendrer des enfants, non pas pour les nourrir à Dieu ou pour les élever dans les bonnes mœurs, mais pour les faire parvenir aux richesses et aux honneurs ; 7° pour satisfaire comme des chevaux aux appétits de luxure.

Ceux-là viennent avec un consentement et concorde devant la porte de mon Église ; leur affection et leurs pensées me sont entièrement contraires, attendu que, pour plaire au monde, ils préfèrent leur volonté à la mienne. Si leur pensée étaient en moi ; s'ils mettaient leur volonté dans mes mains et s'ils se mariaient en ma crainte, alors je consentirais à leur mariage et je serais le troisième avec eux. Or, maintenant, mon consentement qui devrait être le principal de leur fait, leur est refusé, car la luxure est en leur cœur, et non mon amour. Après, ils s'approchent de mon autel, où ils apprennent qu'ils devraient être un même cœur et une même âme en Dieu ; mais alors mon cœur se retire d'eux, parce qu'ils n'ont pas l'amour de mon cœur ni le goût de ma chair divinisée ; car ils cherchent l'amour qui périra soudain, et trouvent la chair que les vers rongeront bientôt. Partant, ceux-là sont unis sans le lien de Dieu, mon Père, et leur union est sans la charité du Fils et sans la consolation du Saint-Esprit.

Or, quand les mariés entrent dans la chambre nuptiale, soudain mon Esprit se retire d'eux, et l'esprit d'impureté s'en approche, attendu qu'ils ne s'unissent que pas un mouvement de luxure, et il n'y a que luxure entre eux. Néanmoins, je leur ferais miséricorde s'ils se convertissaient, car ma grande charité verse l'âme vivant, créée par ma puissance, et je permets quelquefois que de mauvais parents engendrent de bons enfants. Ordinairement, néanmoins, de mauvais parents ne naissent que de mauvais enfants, d'autant que ces enfants imitent l'iniquité de leurs parents autant qu'ils peuvent, et les imiteraient davantage, si ma patience le permettait. Un tel mariage ne verra jamais ma face, si les mariés ne font pénitence. Certes, il n'y a pas de péché, quelque grand qu'il soit, qui ne soit effacé par la pénitence.

C'est pourquoi je me convertirai au mariage spirituel que Dieu fait avec un corps et une âme chastes, car en ce mariages se trouvent sept biens opposés aux maux susdits ; car en lui, la beauté et l'éclat du corps n'y sont pas tant désirés, ni la vue de ce qui est désirable par le débordement de la sensualité, mais seulement l'amour et la vue de Dieu. En deuxième lieu, on n'y souhaite pas de grands moyens, mais seulement de quoi vivre et pour subvenir à la nécessité, et non pour la superfluité. Troisièmement, ils y évitent les paroles oiseuses et les cajoleries. Quatrièmement, ils ne se soucient point d'y voir leurs amis et leurs parents, mais je suis leur amour et leur désir.

Cinquièmement, ils désirent garder l'humilité intérieure en leurs consciences, et extérieure en leurs vêtements. Sixièmement, ils ne veulent jamais s'adonner à l'impureté. Septièmement, ils enfantent à Dieu leur fils et leurs filles par la sainte conversation, par le bon exemple et par la prédication de la parole de Dieu. Ceux-là assistent alors aux portes de mon Église, quand ils gardent une foi inviolable, quand ils obéissent à mes volontés et moi aux leurs, et ils s'approchent de mon autel, quand ils se plaisent à mon corps et à mon sang. Et en cette délectation, ils veulent être un même cœur, une même âme et une même volonté ; et moi, Dieu et homme puissant dans le ciel et sur la terre, je serai troisième avec eux, moi qui remplis leur cœur.

Les mariés de ce temps commencent leur union par la luxure, comme les chevaux et sont pires que les chevaux. Mais les mariés spirituellement commencent en la charité et la crainte divine ; ils veulent ne plaire qu'à moi seul. Le diable remplit et excite ceux-là à la délectation de la chair, dans laquelle il n'y a que puanteur, mais ceux-ci sont remplis de mon Esprit, et sont enflammés du feu de l'amour divin, qui ne s'éteint jamais en eux. Je suis un Dieu en trois personnes et un en substance avec le Père et le Saint-Esprit ; car comme il est impossible de séparer le Père du Fils, et le Saint-Esprit du Père et du Fils ; et comme il est impossible de séparer la chaleur du feu, de même il est impossible de séparer de moi tels mariés spirituels, et de faire que je ne sois le troisième avec eux, car mon corps a été déchiré et mis à mort dans la passion, mais il ne sera jamais plus déchiré, il ne mourra jamais plus. De même ceux qui me sont incorporés par une foi droite et par une volonté parfaite, ne mourront jamais, car là où ils sont debout, assis ou marchant, je suis toujours le troisième avec eux.

Chapitre 27

Paroles de la Mère de Dieu à l'épouse, où elle lui montre qu'il y a trois choses dans les danses. Comment ce monde est désigné pour les danses. Tribulation que reçut la Mère de Dieu en la mort de Jésus-Christ.

La Mère Dieu parlait à l'épouse de Jésus-Christ disant : Ma fille, je désire que vous sachiez que là où est la danse, là sont trois choses : la joie vaine, la voix épandue et le labeur superflu. Mais quand quelqu'un entre triste et dolent dans une maison où l'on danse, alors son ami, qui participait à la joie de la danse, le voyant triste et dolent, se retire de la danse, afin de s'affliger avec son ami. Cette danse est le monde, qui roule incessamment en ses solitudes malheureuses, que ceux qui sont fous prennent pour des joies et des contentements.

Dans ce monde, il y a trois choses : la vaine joie, les paroles de cajolerie et le labeur inutile : car tout ce à quoi l'homme s'attache avec tant de sollicitude, le laisse le jour de sa mort. Or, que celui qui est en cette danse considère mon labeur et ma douleur incomparable ; qu'il compatisse avec moi, qui étais privée et séparée de toute la joie mondaine, et qu'il se sépare aussi du monde.

Certes, à la mort de mon Fils, j'avais le cœur transpercé de cinq lances : la première lance était de voir mon très cher Fils tout-puissant nu à la colonne, sans pouvoir couvrir sa nudité. La deuxième était l'accusation des blasphèmes qu'on vomissait contre lui, car on l'accusait d'être traître, menteur, perfide et déloyal espion, lui que je savais juste, véridique ; lui qui n'avait jamais voulu offenser personne. La troisième lance était la couronne d'épines qui a si inhumainement percé sa tête que le sang découlait dans sa bouche, dans sa barbe et dans ses oreilles. La quatrième était sa voix, disant : Mon Père, pourquoi m'avez-vous délaissé ? comme s'il avait voulu dire : Il n'y a que vous qui me fassiez miséricorde. La cinquième lance qui perçait mon cœur, était sa mort très amère, et mon cœur a été presque blessé d'autant de lances qu'il est sorti de sang de ses veines.

Or, les veines de ses pieds et de ses mains ont été percées, et la douleur des nerfs percés a répondu si vivement à son cœur, et du cœur à ses nerfs sans aucun relâche, attendu que son cœur était délicat (parce qu'il était d'une très bonne nature), que sa vie et sa mort combattaient ensemble : et ainsi sa vie était prolongée avec ses cuisantes douleurs.

Mais la mort s'approchant, son cœur se fendit à cause de l'intolérable douleur ; alors soudain tous ses membres tremblèrent, et sa tête, qui était baissée, se leva un peu ; ses yeux à demi clos s'ouvraient à demi. Sa bouche aussi était ouverte, et on voyait sa langue ensanglantée ; ses doigts et ses bras, qui s'étaient aucunement retirés, s'étendaient. Mais quand il eut rendu l'esprit, sa tête s'abaissa vers sa poitrine, ses mains se retirèrent un peu du lieu des plaies, et ses pieds supportaient un plus grand poids. Alors mes mains se séchèrent, mes yeux s'obscurcirent, ma face pâlit comme la face d'un homme mort, mes oreilles n'entendaient rien, ma bouche ne parlait point, mes pieds chancelaient, et mon corps tomba à terre.

Or, me relevant, voyant mon cher Fils plus méprisé qu'un lépreux, je conformai ma volonté à la sienne, sachant que toutes choses avaient été faites selon sa volonté, et que rien ne se pouvait faire que par sa permission, et le remerciai de toutes ces choses. Sa joie était mêlée de douleur, car je voyais qu'innocent, il avait voulu souffrir avec tant d'amour pour les pécheurs. Donc, que tous ceux qui sont dans le monde considèrent quelle j'étais à la mort amère et cruelle de mon Fils, et qu'ils aient toujours cet objet posé devant les yeux de leur esprit.

Chapitre 28

Paroles de Notre-Seigneur à son épouse, par lesquelles il lui montre en quelle manière quelqu'un vint devant le tribunal pour être jugé, et de la sentence horrible et formidable que lancèrent contre lui Dieu et tous les saints.

Sainte Brigitte, épouse, voyait Dieu comme courroucé, qui disait : Je suis sans commencement et sans fin ; il n'y a point en moi de changement, ni dans les ans, ni dans les jours, mais tout le temps de ce monde est en moi comme une heure ou comme un moment. Celui qui me voyait, voyait et entendait en moi tout ce qui y est comme en un point ; mais parce que vous, ô mon épouse ! êtes encore corporelle, vous ne pouvez le voir ni le connaître comme un esprit. Partant, pour l'amour de vous, je vous manifesterai tout ce qui s'est passé.

Je suis assis comme au jugement criminel, d'autant que tout jugement m'est donné. Quelqu'un qui devait être jugé vint devant le tribunal. On entendit la voix du Père, qui lui dit : Malheur à vous, de ce que vous êtes né ! Non pas que Dieu se repentît de l'avoir fait, mais il parlait comme celui qui a coutume de souffrir et de compatir à l'affligé. Après, la voix du Fils répondit : J'ai versé mon sang pour l'amour de vous, et j'ai souffert pour vous une peine très amère ; vous vous êtes éloigné de tout ce bien, et n'avez rien en vous de tout ceci. La voix du Saint-Esprit dit : J'ai cherché dans tous les replis de son cœur, pour savoir si par hasard j'y trouverais un peu de charité et d'affection, mais il est froid comme la glace, dur comme la pierre : je n'ai rien avec lui. Les trois voix n'ont pas été ouïes comme s'il y avait trois dieux, mais elles ont été proférées pour l'amour de vous, ô mon épouse ! car vous ne pouviez autrement entendre ce mystère.

Après, ces trois voix du Père, du Fils et du Saint-Esprit, se sont changées soudain en une voix qui a dit : Le royaume des cieux ne vous est dû aucunement. La Mère de miséricorde ne dit pas un mot, n'ouvrit pas le sein de sa miséricorde, car celui qui devait être jugé en était indigne, et tous les saints criaient d'une commune voix, disant : Telle est la rigueur, telle est la fureur de la divine justice, qu'il soit banni du royaume et de la joie éternelle. Et tous ceux qui étaient en purgatoire dirent : Les douleurs que nous endurons, quelques amères qu'elles soient, ne peuvent vous punir de vos péchés, car vous méritez de souffrir de plus grandes peines : Partant, vous serez séparé de nous.

Alors celui qui devait être jugé criait d'une voix horrible, disant : Malheur ! malheur à la semence dont j'ai été engendré et formé ! Après, il disait : Malheureuse soit l'heure où mon âme a été unie à mon corps ! Maudit soit celui qui m'a donné le corps et l'âme ! En troisième lieu, il criait et disait : Maudite soit l'heure où je suis sorti vivant du ventre de ma mère !

Alors sortirent de l'enfer trois voix qui disaient : Venez à moi, âme maudite, entrez dans la mort éternelle et dans la douleur sans fin. Ensuite une autre voix horrible, épouvantable, s'entendit, criant: Venez, ô âme vide de bien ! livrez-vous à notre malice, car il n'y aura aucun de nous qui ne vous replisse de la fureur de sa malice et de sa peine. En troisième lieu, cette voix disait : Venez, ô âme maudite ! lourde comme une pierre qui s'enfonce toujours et ne trouve jamais le fond où elle puisse reposer : de même, vous descendrez en un lieu plus profond et plus horrible que le nôtre, afin que vous ne puissiez vous arrêter avant d'arriver à l'abîme profond et épouvantable.

Et alors Notre-Seigneur lui dit : Je fais comme un homme qui a plusieurs femmes : voyant la chute de l'une, il se tourne vers les autres et se réjouit avec elles : de même, je détourne de lui ma face et ma miséricorde infinie, et je regarde d'un œil favorable mes serviteurs et me réjouis avec eux Partant, quand vous entendez la chute funeste et la misère déplorable de celui-ci, servez-moi aussi sincèrement que je vous ai fait plus de miséricorde. Fuyez le monde impur et son insatiable concupiscence. N'ai-je pas enduré une passion amère et anéantissante pour la gloire du monde ? Ne pouvais-je pas le racheter avec moins de douleur ? Oui, vraiment. Mais la rigueur de la justice l'exigeait de la sorte : car comme l'homme avait péché par tous ses membres, aussi fallait-il satisfaire pour tous. Pour cela, la Divinité, compatissant à l'homme, brûla d'une si grande charité et d'un si grand amour envers la Vierge sainte, qu'elle prit d'elle la nature humaine en laquelle Notre-Seigneur porta toute la peine que l'homme devait supporter. Donc, si, pour l'amour de vous, je supporte votre peine, demeurez, comme mes vrais et fidèles serviteurs demeurent, en humilité, afin que vous n'ayez honte de rien ni ne craigniez rien que moi.

Gardez-vous tellement de parler, que, si vous saviez que ce fût ma volonté, vous ne voudriez jamais parler. Ne vous attristez pas pour les choses temporelles, car elles sont périssables, puisque je puis enrichir et appauvrir celui que je voudrai. Partant, ô mon épouse ! mettez en moi toute votre espérance.

Déclaration.

Cet homme était un chanoine noble, sous-diacre. Ayant obtenu une fusse dispense pour épouser une fille fort riche, il mourut de mort subite sans jouir de ce qu'il désirait.

Chapitre 29

Paroles de la Vierge Marie à sa fille, traitant de deux âmes dont l'une s'appelle Superbe, et l'autre Humilité, par laquelle était désignée la douceur de la Sainte Vierge. De la venue que la Sainte Vierge fait chez ses amis à l'heure de la mort.

La Mère de Dieu parlait à l'épouse de son Fils, lui disant : Il y a deux dames, l'une sans nom spécial, car elle n'en mérite pas, l'autre est Humilité, qui s'appelle Marie. Le démon domine la première.

Un chevalier disait à cette dame : Je suis prêt à faire tout ce que vous voudrez et tout ce que je pourrai, pourvu que j'abuse impurement de vous, car je suis fort magnanime de cœur ; je ne crains rien ; je suis prêt à mourir pour vous.

La dame lui répondit : Mon serviteur, votre amour pour moi est grand ; mais moi, je suis assise sur un siège élevé. Je n'ai qu'un seul siège, et il y a trois portes entre nous : la première est si étroite que tout ce qui est corporel s'y déchire quand l'homme y passe ; la deuxième a des pointes si aiguës qu'elles percent jusques aux nerfs ; la troisième est si ardente que le feu y est incessamment, de sorte que celui qui y passe se fond soudain comme du métal.

Le chevalier lui répondit : Je donnerai ma vie pour vous, car je ne fais pas grand cas de cette chute.

Cette dame, c'est la Superbe. Celui qui voudra aller vers elle passera pas trois portes. Celui-là entre par la première porte, qui fait tout pour s'attirer la louange des hommes et pour s'en enorgueillir. Celui-là entre par la deuxième porte, qui fait tout, qui emploie ses pensées et son temps pour pouvoir accomplir la superbe ; qui, s'il le pouvait, donnerait sa chair à déchirer, pourvu qu'il pût acquérir de l'honneur et des richesses. Celui-là entre par la troisième, qui n'a jamais de repos, qui ne se tait jamais, et brûle comme un feu pour trouver les manières de s'enorgueillir et d'acquérir des honneurs. Mais quand il aura acquis ce qu'il désirait, il ne demeurera guère en même état, mais il tombera misérablement. Et néanmoins, la Superbe demeure dans le monde.

Quant à moi, dit la Vierge Marie, qui suis très humble, je suis assise en un lieu spacieux, et il n'y a au-dessus de moi ni lune ni soleil, mais une inestimable, une admirable sérénité, qui procède de la majesté divine. Au-dessous de moi, il n'y a ni terre ni pierres, mais un incomparable repos au sein de la divine vérité. Auprès de moi, il n'y a point de mur, mais une glorieuse compagnie des anges et des âmes bienheureuses.

Et bien que je sois assise si haut, néanmoins, j'entends les gémissements et je vois les larmes de mes amis qui sont sur la terre. Je vois que leurs peines et leur force sont plus grandes que celles qui combattent pour dame Superbe. Partant, je les visiterai et les placerai sur mon trône, qui est spacieux, qui peut les contenir tous. Mais ils ne pourront encore venir à moi ni s'asseoir avec moi, d'autant qu'il y a deux murs entre eux, par lesquels je les conduirai sûrement, afin qu'ils arrivent jusqu'à mon trône. Le premier mur est le monde, qui est étroit et rigoureux : c'est pourquoi je consolerai mes serviteurs ; le second mur est la mort : partant, moi, leur chère Dame et leur Mère, j'irai au-devant d'eux ; je les assisterai à la mort, afin que, dans la mort, ils trouvent soulagement et consolation. Je les placerai avec moi sur le trône de la joie céleste, afin qu'au sein d'une dilection perpétuelle et d'une éternelle gloire, ils reposent éternellement avec une joie qu'on ne peut exprimer.

Chapitre 30

Paroles amoureuse de Notre-Seigneur à son épouse, qui traitent de la multiplicité des faux chrétiens pour se crucifier avec lui ; et comment, s'il était possible, il serait de nouveau prêt à endurer la mort pour les pécheurs.

Je suis Dieu. Mes pouvoirs sont infinis. J'ai créé toutes choses pour l'utilité des hommes, afin qu'elles servissent toutes à l'éducation de l'homme ; mais l'homme abuse de toutes à son détriment. Et d'ailleurs, il se soucie bien peu de Dieu et l'aime moins que la créature. Les Juifs irrités me firent, dans la passion, trois sortes de peines : l'une fut le bois sur lequel je fus cloué, fouetté et couronné ; l'autre fut le fer avec lequel mes pieds et mes mains furent attachés ; le troisième fut le fiel dont je fus abreuvé. Après, ils blasphémaient contre moi, disant que j'étais un insensé, attendu que, franchement et librement, je m'étais exposé à souffrir la mort, et m'appelaient menteur en ma doctrine.

Oh ! combien dans le monde, il y a maintenant de gens de cette trempe, qui me donnent bien peu de consolation ! car ils m'attachent au bois par la volonté qu'ils ont de pécher ; ils me fouettent par leur impatience, car il n'y en a pas un qui veuille souffrir une parole pour l'amour de moi ; et ils me couronnent des épines de superbe, d'autant qu'ils veulent être plus grands que moi. Ils percent mes mains et mes pieds par le fer de leur endurcissement, attendu qu'ils se glorifient d'avoir péché, et s'endurcissent afin de me craindre. Par le fiel, ils m'offrent d'insupportable tribulation ; par une passion douloureuse, à laquelle j'allais joyeusement, ils me croient insensé, et disent que je suis un menteur. Or, de fait, je suis assez puissant pour les submerger, même tout le monde avec eux, à raison de leurs péchés, si je voulais ; et si je les submergeais, ceux qui resteraient me serviraient par crainte ; mais cela ne serait pas juste et équitable, attendu que, par amour, ils devraient me servir fidèlement. Or, si je venais visiblement et en personne chez eux, leurs yeux ne pourraient me regarder, ni leurs oreilles m'ouïr. En effet, comment un homme mortel pourrait-il voir un immortel ? Je mourrais certes franchement, poussé par l'incomparable amour que j'ai pour l'homme, s'il en était besoin et si c'était possible.

Alors apparut la bienheureuse Vierge Marie, et son Fils lui dit : Que voulez-vous, ma Mère, ma bien-aimée ? Elle répondit : Hélas ! mon Fils, faites miséricorde à votre créature par l'amour de votre amour. Et Notre-Seigneur repartit : Je leur ferai encore une fois miséricorde pour l'amour de vous. Puis l'Époux, Notre-Seigneur, parlait à son épouse, disant : Je suis Dieu et Seigneur des anges. Je suis Seigneur de la mort et de la vie. Moi-même je veux demeurer en votre cœur. Voici combien d'amour j'ai à votre égard : le ciel, la terre, et tout ce qui est en eux, ne peuvent me contenir, et toutefois, je veux demeurer en votre cœur, qui n'est qu'un petit morceau de chair. Qui donc alors pourrez-vous craindre ? De qui pourriez-vous avoir besoin, quand vous avez en vous-même le Dieu tout-puissant, qui a en soi tout bien ?

Il faut donc qu'il y ait trois choses dans le cœur qui doit être ma demeure : le lit, dans lequel nous nous reposions, le siège sur lequel nous nous asseyons, la lumière, afin d'être illuminés. Donc, qu'en votre cœur soit un lit de repos et de quiétude, afin que vous vous retiriez des pensées perverses et des désirs du monde, et que vous considériez incessamment la joie éternelle. Le siège doit être la volonté de demeurer avec moi, bien qu'il arrive parfois que vous excédiez : car c'est l'ordre de la nature d'être toujours en même état. Or, celui-là s'arrête en même état qui désire d'être au monde et de ne s'asseoir jamais avec moi. La lumière doit être la foi, par laquelle vous croyiez que je puis tout et que je suis tout-puissant par-dessus tout.

Chapitre 31

En quelle manière l'épouse voyait la très douce Vierge Marie enrichie d'une couronne et d'autres ornements, et comment saint Jean-Baptiste lui apparut et lui déclara ce que signifient la couronne et les autres ornements.

L'épouse sainte Brigitte voyait la Mère de Dieu et la Reine du ciel qui avait sur sa tête une inestimable couronne. Ses cheveux, d'un éclat et d'une beauté admirables, tombaient sur ses épaules. Elle avait une tunique d'or d'une splendeur éclatant, et un manteau bleu comme le ciel ; mais elle était ravie en admiration d'une vision singulière, et elle était immobile d'admiration, comme aliénée de soi par la vue intérieure. Soudain lui apparut saint Jean Baptiste qui lui dit : Écoutez attentivement : je vais vous dire ce que ces choses signifient.

La couronne signifie que la Sainte Vierge est Reine, Dame, Mère du Roi et des anges. Les cheveux épars signifient qu'elle est vierge très pure et très parfaite. Son manteau bleu comme le ciel signifie que toutes les choses temporelles lui étaient comme mortes. Sa tunique d'or signifie qu'elle fut ardente en amour et en charité, tant intérieurement qu'extérieurement.

Son Fils a mis en sa couronne sept lys, et entre les lys, sept pierres précieuses. Le premier lys, c'est son humilité, le deuxième la crainte, le troisième l'obéissance, le quatrième la patience, le cinquième la stabilité, le sixième la douceur, car c'est à ceux qui sont doux qu'il convient fort bien de donner à tous ceux qui demandent ; le septième est la miséricorde dans les nécessités : en effet, en quelque nécessité que l'homme se trouve, s'il l'invoque, il sera sauvé.

Le Fils de Dieu a mis entre ces sept lys sept pierres précieuses : la première, c'est son éminente vertu: en effet, il n'est pas, dans quelque esprit, dans quelque corps que ce soit, de vertu que cette Vierge sainte n'ait en elle plus excellemment et avec plus d'éminence ; la deuxième est une pureté parfaite, car cette Reine du ciel a été si pure, qu'il ne s'est pas trouvé en elle la moindre tache de péché, depuis le jour de sa naissance jusqu'au dernier période de sa vie ; tous les démons n'ont pu trouver en elle la moindre impureté. Vraiment, elle fut très pure, car il était décent que le Roi de gloire ne reposât qu'en un vase qui fût très pur et très choisi par-dessus les anges et les hommes. La troisième pierre précieuse est la beauté, d'autant que Dieu est loué de la beauté de sa Mère par ses saints, et la joie de tous les anges, de tous les saints et de toutes les saintes, est accomplie.

La quatrième pierre précieuse de la couronne est la sagesse de la Vierge Mère, car étant enrichie d'éclat et de beauté, elle a été remplie et accomplie de toute sagesse avec Dieu. La cinquième est la force, d'autant qu'elle est si forte avec Dieu qu'elle peut ruiner et perdre tout ce qui est créé. La sixième pierre, c'est son éclat et sa clarté, car les anges, qui ont leurs yeux plus claires que la lumière, sont illuminés de son éclat, et les démons, éblouis de sa beauté, n'osent regarder sa splendeur. La septième pierre est la plénitude de toute délectation, de toute douceur spirituelle, qui est en elle avec tant de plénitude, qu'il n'y joie qui ne soit augmentée par la sienne, nulle délectation qui ne s'accomplisse de la vue bienheureuse d'elle ; car elle a été remplie de grâce par-dessus tous les saints; car elle est le vase de pureté où s'est trouvé le pain des anges, et où se trouvent toute douceur et toute beauté.

Son Fils a mis ces pierres entre les lys qui était sur la couronne de la Vierge. Honorez-la donc, ô épouse du Fils ! et louez-la de tout votre cœur : elle est digne en effet de tout honneur et de toute louange.

Chapitre 32

En quelle manière l'épouse sainte Brigitte, étant avertie de Dieu, choisit la pauvreté, rejeta les richesses et méprisa sa maison. De la vérité de ce qui lui a été révélé, et de trois choses notables que Jésus-Christ lui montra.

Vous devez être comme un homme qui épand et qui amasse : vous devez laisser les richesses de l'esprit, les richesses du corps et amasser les vertus ; laisser ce qui est périssable et entasser ce qui est durable ; abandonner les choses visibles et amasser les choses invisibles : car je vous donnerai, pour la délectation de la chair, la joie et l'ivresse de l'esprit ; pour le plaisir du monde, la délectation du ciel ; pour l'honneur du monde, l'honneur des anges ; pour la vue de vos parents et leur conversation, la vision ravissante de Dieu ; pour la possession des biens, je me donnerai moi-même à vous, moi, auteur, créateur et source inépuisable de tous biens.

Dites-moi trois choses que je vous demande : 1° voulez-vous être riche ou pauvre en ce monde ? Elle répondit : Seigneur, j'aime mieux être pauvre que riche, attendu que les richesses ne m'apportent d'autre bien qu'une importune sollicitude qui me retire du service de mon auguste et adorable Dieu. 2° N'avez-vous pas trouvé en mes paroles, que vous avez ouïes de ma bouche, quelque chose de faux ou de répréhensible, selon votre pensée ? Hélas ! non, dit-elle, car tout est selon la raison. 3° Y a-t-il plus de contentement dans les plaisirs de la chair, que vous avez eus autrefois, que dans les plaisirs de l'esprit, dont vous jouissez maintenant ? J'ai honte, dit-elle, de penser à l'ombre fuyante des plaisirs charnels passés, et ils me sont maintenant comme autant de poisons, et d'autant plus amers que je les ai aimés avec plus de passion, car j'aimerais mieux mourir que de les reprendre, et il n'y a pas de comparaison entre les plaisirs spirituels et les plaisirs corporels.

Vous éprouvez donc en vous, dit Notre-Seigneur, que ce que je vous avais dit autrefois est véritable. Pourquoi craignez-vous donc, ou pourquoi vous inquiétez-vous si je tarde de faire ce que je vous ai dit ? Considérez les prophètes, les apôtres et les saints docteurs : ont-ils trouvé en moi, source de la vérité, autre chose que la vérité ? C'est pourquoi ils ne se sont souciés ni du monde ni de la concupiscence. Ou bien, pourquoi les prophètes ont-ils prophétisé de si loin les choses à venir, si ce n'est que Dieu a voulu que les paroles fussent d'abord connues, puis que les œuvres les suivissent, et que les ignorants fussent instruits dans la foi ? Car tous les mystères de mon ineffable incarnation furent auparavant connus des prophètes, voire l'étoile qui conduisit les mages fut prévue par eux. Ceux qui croyaient aux paroles du Prophète méritèrent de voir ce qu'ils croyaient; et ayant vu l'étoile, ils en ont soudain été faits certains. De même maintenant, mes paroles doivent être premièrement annoncées, et après que les œuvres auront suivi, on y croira plus évidemment.

Je vous ai montré trois choses : la première, c'est la conscience d'un certain homme que je vous montrai par des signes très évidents quand je manifestais son péché. Mais pourquoi ne pouvais-je pas le faire mourir ou ne pouvais-je pas le submerger en un instant ? Je le pouvais de fait ; mais pour instruire les autres et pour l'évidence de mes paroles, et afin que je manifeste combien je suis juste et patient, et combien est malheureux celui que le diable domine, je ne l'ai pas voulu faire. Voilà les raisons pourquoi mon insigne patience le souffre encore, car à cause de la volonté qu'il a de continuer son péché et de la délectation qu'il y prend, la puissance du diable enragé s'est tellement augmentée sur lui, que ni la douceur des paroles, ni la rigueur des menaces, ni la crainte de la géhenne infernale, ne le peuvent rappeler. Et certes, il est digne de cela, car il a eu la volonté de pécher toujours, bien qu'il ne l'ait pas mise à effet. Il mérite donc d'être mis éternellement en enfer avec le diable, d'autant que le moindre péché mortel auquel on se délecte, si on ne s'amende pas, est suffisant pour la damnation éternelle. Je vous en ai encore montré deux autres : le corps de l'un était furieusement tourmenté par le diable, mais il n'était pas dans son âme ; il obscurcissait la conscience de l'autre par des ruses et des tromperies ; toutefois, il n'était pas dans son âme et il n'avait aucune puissance sur elle.

Mais peut-être vous vous enquerrez si l'âme et la conscience, ce n'est pas la même chose. Le diable n'est-il pas dans l'âme, quand il est dans la conscience ? Non, car comme le corps a deux yeux par le moyen desquels il voit, et que, bien qu'on ôte les yeux du corps, il demeure néanmoins entier, de même en est-il de l'âme. En effet, bien que l'entendement et la conscience soient quelquefois troublés quant à la peine, néanmoins l'âme n'est pas offensée quant à la coulpe : c'est pourquoi le diable dominait la conscience de l'un et non pas son âme. Je vous montrerai le troisième, dont la conscience et l'âme sont entièrement dominées par le démon, et le démon n'en sortira pas, à moins qu'il n'y soit contraint par ma toute-puissance et par ma grâce spéciale. Le diable sort librement de quelques hommes et fort vitement, et des autres, non sans y être contraint, car le diable entre en quelques-uns, ou à cause du péché des parents, ou bien par quelque secret jugement de Dieu, comme on le voit dans les enfants et les insensés. Il entre dans les autres à cause de l'infidélité ou quelque autre péché.

Le diable sort fort librement de ceux-ci, s'il est jugé par ceux qui savent des conjurations et autres artifices pour le chasser ; s'ils le chassent par vaine gloire, ou bien pour quelque lucre temporel, alors le diable a le pouvoir d'entrer en celui qui l'avait chassé de l'autre, et de nouveau en celui-ci même, duquel il a été chassé, d'autant que l'amour de Dieu n'était ni en l'un ni en l'autre. Or, il ne sort jamais de ceux qu'il possède corporellement et spirituellement, que par ma puissance. Comme le vinaigre, s'il est mêlé au vin doux, le corrompt entièrement et ne peut jamais en être séparé, de même le diable ne sort jamais que par ma puissance d'une âme qu'il possède. Or, ce vin n'est autre chose que l'âme, qui m'a été si chère et par-dessus toutes les créatures, que j'ai permis qu'on coupât mes nerfs et qu'on déchirât ma chair jusques aux côtes pour l'amour d'elle ; et avant que cette âme me fût ôtée, j'ai souffert la mort.

Ce vin se conserve dans la lie, d'autant que j'ai mis l'âme dans le corps, où, comme dans un vase clos, elle était conservée pour accomplir mes volontés.
Mais on a mêlé à ce doux vin le vinaigre, qui est le diable, dont la malice m'est plus aigre et plus abominable que le vinaigre. Ce vinaigre, c'est-à-dire, le diable, sera chassé de cet homme dont je vous ai dit le nom, afin qu'en lui je vous montre ma miséricorde infinie et mon incomparable sagesse, et dans le premier, ma justice rigoureuse et mon épouvantable jugement.

Chapitre 33

Paroles par lesquelles Notre-Seigneur avertit son épouse, pour discerner la vraie sagesse de la fausse. Comment les bons anges assistent les hommes sages, et comment les diables sont auprès des hommes méchants.

Mes amis sont comme quelques écoliers qui ont trois choses : la première, une conscience et une intelligence ; la deuxième une sagesse sans l'avoir apprise des hommes, d'autant que moi-même je les enseigne intérieurement ; la troisième, c'est qu'ils sont plein de douceurs, et de dilection divine, par le moyen de laquelle ils surmontent le diable. Mais maintenant, les hommes apprennent au rebours : 1° ils veulent être savants pour s'enorgueillir et pour être réputés bons clercs ; 2° pour acquérir des richesses ; 3° pour se faire passage et jour aux honneurs et aux dignités. C'est pourquoi, quand ils entrent et qu'ils sortent des écoles, je me retirent d'eux, d'autant qu'ils apprennent pour s'enorgueillir, et moi, je leur ai enseigné l'humilité.

Ils y entrent pour la cupidité d'avoir, et moi je n'ai rien eu pour appuyer ma tête. Ils y entrent pour obtenir les charges et les dignités, portant envie à ceux qui les surpassent, et moi, j'étais jugé par Pilate et j'étais risée d'Hérode: c'est pourquoi je me retire d'eux, car ils n'apprennent pas ma doctrine. Mais néanmoins, parce que je suis bon et doux, je donne ce qu'on me demande, car celui qui me demande du pain en aura, celui qui me demande un lit le recevra. Or, mes amis demandent du pain quand ils cherchent et apprennent la sagesse divine, dans laquelle est mon amour ; mais d'autres demandent un lit, c'est-à-dire, une sagesse mondaine ; car comme il n'y aucune utilité dans le lit, mais qu'il y a de la paille, pâture des animaux irraisonnables, il en est de même de la sagesse du monde, qu'ils cherchent avec tant de passion : il n'y a en elle aucune utilité, aucun rassasiement de l'âme, toute sa sagesse est réduite à néant et ne peut être vue de ceux par qui il était loué. De là vient que je suis comme un grand seigneur qui a plusieurs serviteurs qui distribuent de la part de leur maître tout ce qui est nécessaire ; de même les bons et les mauvais anges s'arrêtent à mon commandement.

Or, ceux qui apprennent ma sagesse admirable, c'est-à-dire, à me bien servir, sont servis par les bons anges, qui les repaissent d'une consolation indicible et d'un délectable labeur. Mais les mauvais anges assistent les sages du monde, leur suggèrent et forment en eux les désirs inutiles, selon leur volonté, leur inspirant des pensées laborieuses. Vraiment s'ils se tournaient vers moi, s'ils se convertissaient, je pourrais leur donner du pain sans labeur. Le monde leur en donne, mais ils n'en sont jamais rassasiés, attendu qu'ils changent la douceur en amertume.

Or, vous, ô ma chère épouse ! vous devez être comme le lait, et votre corps comme une forme dans laquelle on met le lait jusqu'à ce qu'il ait pris la figure de cette forme : de même votre âme, qui m'est douce et délectable comme un fromage, doit aussi longtemps être purifiée et éprouvée dans le corps, jusqu'à ce que le corps et l'âme soient d'accord et aient une même continence, que la chair obéisse à l'esprit, et que l'esprit régisse et conduise dûment la chair à toute sorte de vertus.

Chapitre 34

Doctrine de Jésus-Christ à son épouse, par laquelle il lui enseigne la manière de vivre. Comment le diable confesse que Jésus-Christ aime son épouse par-dessus toutes choses. De la question que le diable fait à Notre-Seigneur, savoir : pourquoi Notre-Seigneur aime tant les hommes, et de l'amour que Jésus a envers son épouse, amour qui a été manifesté par le diable.

Je suis le Créateur du ciel et de la terre. J'ai été dans le sein de la Vierge, vrai Dieu et vrai homme, qui mourut, ressuscita et monta au ciel. Vous, ô ma nouvelle épouse ! vous êtes venue en un lieu inconnu. Il faut donc que vous ayez quatre choses : 1° il faut savoir le langage du pays ; 2° avoir les vêtements que l’on y porte ; 3° savoir disposer les jours et les temps suivant les coutumes de ce pays ; 4° s’accoutumer aux viandes que l’on y mange.

De même, vous qui êtes venue de l’instabilité du monde à la stabilité éternelle, vous devez avoir : 1° un langage nouveau, c’est-à-dire, vous abstenir des paroles inutiles, et quelquefois même des paroles licites, pour la grandeur et pour l’honneur du silence. 2° Vos vêtements doivent être l’humilité intérieure et extérieure, afin que vous ne vous éleviez, comme si vous étiez plus sainte que les autres, et que vous n’ayez pas honte de vous montrer extérieurement humble. 3° Vous devez modérer le temps, car comme vous avez sacrifié beaucoup de temps aux nécessités corporelles, de même maintenant vous devez avoir le temps pour l’avancement de l’âme, savoir, qu’en tout vous ne vouliez m’offenser ; 4° cette nouvelle viande est l’abstinence des viandes délicates avec discrétion, conformément aux forces de la nature, car l’abstinence qui se fait par-dessus les forces de la nature ne me plaît point, d’autant que je demande ce qui est raisonnable, afin que la volupté soit domptée.

Alors le diable apparut soudain. Notre-Seigneur lui dit : Tu as été créé par moi, et tu as vu et senti les rigueurs de ma justice. Réponds-moi : cette nouvelle épouse m’appartient-elle légitimement et justement ? Je te permets de voir son cœur et de le sonder, afin que tu saches ce qu’il me faut répondre. Aime-t-elle quelque chose comme moi, ou voudrait-elle me changer en quelque chose ?

Le diable répondit : Elle n’aime rien autant que vous, et voudrait plutôt souffrir toute sorte de supplices ( si vous lui en donniez la sagesse et la force ), que se séparer de vous. Je vois comme un certain lien d’amour qui descend de vous à elle, qui lie en telle sorte son cœur qu’elle ne pense qu’à vous et qu’elle n’aime que vous.

Alors Notre-Seigneur dit au diable : Dis-moi comment te plaît la dilection que je lui porte.

Le diable dit : J’ai deux yeux, l’un corporel, bien que je n’aie pas de corps. Avec cet œil je connais si clairement les choses corporelles qu’il n’y a rien de si caché ni de si obscur que je ne connaisse ; l’autre est spirituel, avec lequel je vois la moindre peine due au péché ; et il n’y a pas de péché, quelque petit qu’il soit, que je ne punisse, s’il n’est purifié par la sainte pénitence. Mais bien que les yeux n’aient pas des membres, néanmoins, je souffrirais peut-être volontiers que deux flambeaux ardents me les pénétrassent incessamment, pourvu que cette épouse fût aveugle des yeux spirituels.

J’ai aussi deux oreilles : une corporelle, avec laquelle j’entends les choses les plus secrètes ; l’autre spirituelle, avec laquelle j’entends toutes les pensées, toutes les affections au péché, quelque cachées qu’elles soient, si elles ne sont pas effacées par la pénitence. Il y a en enfer une peine toujours bouillante : je souffrirais qu’elle entrât incessamment en mes oreilles, et qu’elle me sortît incessamment, comme un torrent impétueux, pourvu que cette épouse n’ouït point des oreilles spirituelles.

J’ai aussi un cœur spirituel : je souffrirais franchement qu’il fût mis en lambeaux et qu’il fût toujours en proie à de nouveaux supplices, pourvu que son cœur se refroidît en votre amour.

Or, parce que vous êtes juste, je vous demande une parole, afin que vous me disiez pourquoi vous l’aimez tant, ou pourquoi vous n’avez pas élu une plus sainte, plus riche et plus belle créature.

Notre-Seigneur lui dit : Ma justice l’exigeait ainsi. Or, toi, qui as été créé par moi, qui as vu ma justice, dis-moi en présence d’elle pourquoi tu es tombé si misérablement, ou quelle était ta pensée quand tu tombas.

Le diable lui répondit : J’ai vu en vous trois choses : j’ai connu votre gloire, en considérant ma beauté et mon éclat, et que vous deviez être honoré sur toutes choses, et je pensai à ma gloire : partant, m’enorgueillissant, je résolus. Non pas de vous être seulement égal, mais de vous surpasser. Après, je connus que vous étiez plus puissants que tous, c’est pour cela que je désirais être plus puissant que vous. En troisième lieu, je vois les choses futures qui viennent nécessairement, et que votre gloire et votre honneur sont sans principe et sans fin : j’enviai cela, et je pensai en moi-même que je souffrirais volontiers des peines et des tourments pourvu que vous cessassiez d’être ; et en cette pensée, je tombai misérablement, et c’est pour cela que l’enfer existe.

Notre-Seigneur répondit : Tu t’es enquis pourquoi j’aime tant cette épouse : certainement parce que je change toute ta malice en bien : car toi, d’autant que tu es superbe, tu as voulu m’avoir pour égal, moi qui suis ton Créateur.

C’est pourquoi, m’humiliant, j’assemble tous les pécheurs, et je me compare à eux, les faisant participants de ma gloire infinie. En deuxième lieu, d’autant que tu as eu une cupidité si dépravée que de vouloir être plu s puissant que moi, c’est pourquoi je rends les pécheurs puissants sur toi et puissants avec moi. En troisième lieu, c’est parce que tu m’as porté envie, à moi qui suis si charitable que je m’offrirais pour les pécheurs.

Ensuite, Notre-Seigneur lui dit : Maintenant, ô diable ! ton esprit ténébreux est illuminé. Dis, en telle sorte que mon épouse l’entende, dis de quel amour je l’aime. Le diable repartit : S’il était possible, vous souffririez volontiers une peine telle que vous avez souffert en chacun de vos membres, plutôt que de vous priver d’elle ! Alors, Notre-Seigneur repartit : Si je suis donc si miséricordieux que je ne refuse le pardon à aucun de ceux qui me le demandent, demande-moi humblement miséricorde, toi aussi, et je te la donnerai. Le diable lui repartit : Je n’en ferai rien, car quand je tombai, il fut ordonné une peine pour chaque péché, ou pour toute pensée et parole inutiles, et tous les esprits qui sont tombés ont chacun une peine infligée.

Partant, plutôt que de fléchir mon genou devant vous, j’aimerais mieux attirer sur moi et engloutir toutes les peines, tous les supplices, bien que leur rigueur fût incessamment renouvelée.

Alors, Notre-Seigneur dit à son épouse : Voyez combien est endurci le prince du monde, et combien il est puissant par ma justice cachée : car de fait, mon adorable et redoutable puissance pourrait l’effacer tout à fait en un instant, mais néanmoins, je ne lui fais pas plus d’injure qu’au bon ange, qui, dans le ciel, m’aime et m’adore. Mais quand le temps sera arrivé (il s’approche maintenant), je le jugerai, lui et ses complices. Partons, ô mon épouse ! Avancez incessamment en bonnes œuvres ; aimez-moi de tout votre cœur ; ne craignez que moi seul, car je suis le maître du démon et de tout ce qui existe.
 

   

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