LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

Anna Maria Taïgi
La sainte aux sept enfants

Sergio C. Lorit

Traduit du livre italien
"TAIGI, la santa con sette figli"
(Città nuova editrice, 1964)
P. Marcel LITALIEN, o.ss.t.
Montréal, 1984

Le martyre de la renommée

Le fait, avant même d’être significatif, fut pour le moins curieux. Dans l’intention de parler des rapports spirituels qui intervinrent, durant une longue période, entre deux êtres exceptionnels qui vécurent à Rome, à la même époque, totalement voués, bien que dans des champs divers, à la gloire de Dieu, des rapports entre saint Vincent Pallotti et Anne-Marie Taïgi.

Il faut poser, au préalable, que le saint fondateur des Pallotins eut plus d’une fois recours aux conseils et à l’aide de la protagoniste de notre histoire, la sachant généreusement dotée du ciel, de dons très singuliers. En pratique, dans les moments difficiles de sa splendide mission, chaque fois que le besoin d’une intervention de la Providence divine s’imposait, devenait urgente, dom Vincenzo Pallotti qui ne connaissait pas personnellement Anne-Marie Taïgi mais avait rencontré une de ses amies et lui avait ouvert son âme. Il l’avait priée de raconter ses peines à Anne-Marie et de la charger d’intercéder pour telle ou telle grâce, en sa faveur, ou en faveur de son oeuvre.

Après chaque colloque, déclara par la suite Vincent Pallotti, j’ai régulièrement et ponctuellement " vérifié les effets salutaires " des prières de cette humble mère de famille.

Mais le fait curieux est celui-ci : Après la mort d’Anne-Marie Taïgi, le saint prêtre se rendit compte du fait que, toutes les fois qu’il s’est accordé une entrevue avec une amie d’Anne-Marie, il avait, en réalité, rencontré Anne-Marie elle-même. " Par humilité et vertu ", elle disait ne pas la connaître personnellement, cachant son identité.

Dom Vincenzo Pallotti a cité cet épisode particulier, pour mieux souligner la modestie de cette femme qui, parvenue à se trouver au centre de la vénération de personnages de très haut rang, de personnages de très grande popularité, cherchait, néanmoins, par tous les moyens, à soustraire sa personne de la pression de l’admiration.

L’estime qui l’entourait pesait lourdement sur l’âme d’Anne-Marie Taïgi, comme nous l’indiquent très bien les larmes qu’elle a versées, dans les heures de tranquillité qu’elle s’assurait, en fuyant. Elle se retirait dans sa chambrette, et là, à genoux, à travers les sanglots, elle conversait avec son époux céleste, le blâmait presque, confidentiellement, de ne pas lui vouloir plus de bien. S’il m’aimait de fait, disait-elle, il m’aurait fait marcher dans les traces des infortunés, dans la voie qu’a empruntée Jésus. Dans les moments où elle était encensée par l’exaltation, elle comparait sa vie à celle du Sauveur cruellement traîné dans l’abjection. Elle tremblait à la pensée que toutes ces louanges n’étaient autres que l’oeuvre trompeuse du démon pour l’infatuer, la séduire, la conduire à la pire des chutes. Ainsi, chaque fois qu’elle sortait de sa chambrette, elle essuyait ses larmes et portait dans son coeur le dessein le plus ardent, de s’éclipser du milieu des adulations, de disparaître, de s’évanouir dans l’oubli.

Mais, comment faire ? Depuis des années, désormais, sa maison était un véritable port de mer où arrivaient continuellement, des reines et des princes, des cardinaux et des évêques, des ambassadeurs, des généraux, des gens nobles, des gens du peuple. Tout cela ne pouvait malheureusement être tenu secret, dans un voisinage aussi bavard que médisant. Se bouchant les oreilles et se fermant les yeux, elle ne pouvait connaître le nombre de ceux qui appréciaient ses vertus. Les cardinaux Pedicini et Barberini, Cesari et Riganti, Fesch et Cristaldi, des évêques, des prélats, tels Piervisari et Ercolani, Guerrieri et Basilici, et bien d’autres, la disaient sainte, en toutes lettres, et ce, avec une parfaite conviction. Plusieurs personnages de vie sans tache, ont été proclamés bienheureux, vénérables, serviteurs de Dieu : Vincent Strambi, Gaspard del Bufalo, Menocio, Bernard Clausi, frère Félix de Monte Fiascona, frère Pétrone de Bologne, Elisabeth Canori-Mora, Vincent Pallotti. Combien l’exaltèrent et la glorifièrent en toute occasion ? Marie Louise de Bourbon et les dames de sa cour à Lucques, les nobles Bandini et Gaétani, un groupe de prêtres, de religieux de tous Ordres.

Elle ne manquait jamais d’écrire à Turin, à la comtesse Dandozeno, femme du gouverneur général de la Savoie, pour se déclarer indigne, humble femme du peuple qu’elle était, d’accepter son invitation à la cour, pour la conjurer de ne parler d’elle à personne, de ne pas faire allusion, même vaguement, aux grâces obtenues du Seigneur, par ses pauvres prières. Lorsqu’elle ne pouvait faire autrement, elle disait que le Bon Dieu s’était servi de la " plus misérable créature ", qu’elle ne voulait, d’aucune façon, être connue.

Jamais elle ne révélait le nom des personnages illustres qui venaient la visiter ou qui l’appelaient pour des conseils. " Si nous ne l’avions pas vue de nos yeux, dira sa fille Sophia, ou si nous ne l’avions pas accompagnée dans plusieurs foyers, nous n’aurions jamais rien su d’elle ".

Elle ne manquait pas de s’humilier en toute circonstance, pour souligner qu’elle était, elle-même, comme toutes les autres, une femme, et pas plus. Quand elle entendait parler de quelques coquineries commises par quelqu’un, son opinion était invariablement que " si le Seigneur ne nous protégeait pas, nous serions capables de choses pires, encore ". Elle apportait tout de suite l’exemple de Philippe Néri et répétait avec lui : " Seigneur, retiens-moi fortement, sinon, je me ferai juif, aujourd’hui ". Et chaque instant lui servait pour rappeler à tous que, " si nous tenons, c’est grâce à Dieu, totalement ".

Chaque fois que quelqu’un la priait de le recommander au Seigneur, elle lui répondait : " L’un pour l’autre ; vous, faites-le pour moi, et moi, faiblement, je le ferai pour vous ". Et si certains insistaient, disant qu’elle était la plus écoutée du ciel, elle répondait : " Vous est-il déjà arrivé de dire cette chose ? Et elle en était troublée. Je ne m’explique pas le fait que le Seigneur me laisse sur terre, lorsque je songe à mes péchés. Ne dites plus ces hérésies parce que Dieu seul est juste, Dieu seul est saint ".

Puis, souvent, c’était quelqu’un que Sophia rencontrait dans la rue et lui faisait cette remarque : " Oh ! vous êtes une jeune fille tellement chanceuse, avec une mère sainte comme la vôtre ". Et Sophia rapportait tout cela à la maison. Anne-Marie lui répliquait : " Ma fille, n’y prête pas attention parce que les saints ne sont pas de ce monde. Prions Dieu pour qu’il permette que nous mourrions en saints ".

Et chaque fois que des personnalités de premier rang de l’église lui manifestaient ouvertement la grande estime qu’elles lui portaient, elle ne pouvait demeurer en paix, se répétait déconcertée ! " Je suis une pécheresse, une pauvre misérable, je ne sais pas comment ceux-ci peuvent agir de la sorte, à mon égard ".

La renommée, les hommages, la célébrité, en somme, l’ont suffoquée, inquiétée, pendant toute sa vie.

Il n’y a pas de doute que cela fut pour Anne-Marie la croix la plus pénible parmi tant d’autres qui l’accablèrent ; l’unique croix qu’elle ne réussit jamais à embrasser avec joie et amour, et dont elle a tenté de se dégager, à maintes reprises.

Elle éprouvait une grande répugnance pour les " hosanna " ; elle ne s’en trouvait pas digne. Elle chercha de toutes manières, et en plus d’une occasion, à se soustraire aux rencontres avec des admirateurs. Elle y parvint, quelquefois, avec Lord Clifford, d’Angleterre, par exemple.

Mgr Raphaël Natali avait, un jour, révélé à ce grand seigneur en visite, " certaines circonstances que lui confia Anne-Marie Taïgi, circonstances, lui précisa-t-il, dont les diverses épisodes ne pouvaient être connues que par des lumières venant de Dieu ". Le lord était demeuré littéralement abasourdi de ces révélations, et est devenu à ce point entiché à l’égard de l’humble romaine, qu’il ne pouvait désirer autre chose que de la connaître personnellement. Il ajouta que, s’il avait eu l’honneur de la rencontrer, il lui aurait assigné ainsi qu’à toute sa famille, après sa mort, une substantielle pension mensuelle, avec l’adjonction de quelque titre de noblesse ".

" J’accomplis moi-même la mission, raconte Mgr Natali, mais elle sourit et refuse toujours l’ostentation qui se pavane ; elle préfère la vie cachée, dans le Seigneur ". " Lord Clifford envoya chez moi, par la suite, une personne qui désirait la rencontrer. Voyant la constance de son refus, elle ne la dérangea pas ".

Lord Clifford ne fit pas seulement la lumière sur son désintéressement total, pour ne pas dire son dédain, d’ailleurs avoué par Anne-Marie elle-même, pour toute vie mondaine ; il confirma en particulier et, une fois de plus, son détachement pour tout bien terrestre.

J’ai déjà signalé comment elle avait écarté l’hospitalité offerte par l’ex-souveraine d’Etrurie qui voulait l’attirer, l’avoir, la retenir près d’elle, avec son mari et ses enfants, à la cour de Lucques. On sait aussi, comment elle refusa pareille invitation adressée par l’entremise du cardinal Pedicini.

Des offrandes généreuses, elle en repoussa plusieurs ; elle aurait pu accumuler beaucoup d’honneurs et d’argent si, seulement, elle avait dit oui. Souvent, on voulait la récompenser par des biens matériels, pour des avantages spirituels qu’on avait reçus. Elle demeura, jusqu’au dernier jour, ferme dans le propos explicite de préserver son honorable pauvreté de tout attentat relié à la richesse. Elle maintint cette détermination, y fut fidèle, même dans les années les plus sombres, quand sa pauvreté atteignait souvent le seuil de l’affreuse misère.

On a cru qu’elle n’agissait ainsi que par pure résignation. Certes, un autre motif s’ajoutait : un amour vrai, chaud, passionné, pour " soeur pauvreté ", un amour basé sur la confiance, une attitude d’abandon, entre les mains de Dieu.

Sa confiance en Dieu ne fut jamais trompée ; la maison Taïgi ne fut jamais négligée par la Providence, pas même dans les situations qui semblaient désespérées ; Anne-Marie l’avait expérimenté. C’est tout dire.

Un jour, il ne restait pas même un petit morceau de pain dans le garde-manger. Et je ne parle pas du fricot, pour restaurer le mari et les enfants. Il ne se trouvait pas, non plus, dans toute la maison, un petit objet qui put être échangé pour quelque chose à se mettre sous la dent. Des sous, il était déjà étrange que quelqu’un, dans la famille, en conservât le souvenir, depuis tant de temps qu’on n’en avait pas vus. Tous semblaient consternés. Si l’ombre d’un trouble a envahi l’esprit d’Anne-Marie, personne ne l’a su. En tout cas, elle ne le fit pas voir.

Elle s’enveloppa dans son seul manteau, salua ses familiers, et, d’un pas régulier, se dirigea vers la basilique Saint-Paul. Elle y entra, s’agenouilla au pied du crucifix, pria longuement, avec cette ardeur qui la transformait ; elle pria jusqu’à ce qu’elle entendit une voix, la voix bien connue de son époux céleste, qui lui dit : " Retourne à la maison et tu trouveras la Providence ". Obéissant alors, immédiatement, elle se releva et prit le chemin du retour.

Dans son coeur, régnait la tranquillité, certaine, que cette fois encore, tout était résolu pour le mieux. À peine, avait-elle, en effet, posé le pied sur le seuil de la porte, qu’elle se vit remettre, par ses filles, une lettre du marquis Carlo Bandini. Cette lettre venait tout juste d’arriver de Florence, lui dirent-elles. Avant de l’ouvrir, Anne-Marie savait déjà, qu’avec le message, il y avait de l’argent en quantité suffisante pour faire face à la crise.

Ces moments de crise devinrent encore plus fréquents dans les derniers mois de la vie d’Anne-Marie. Quand les maladies se succédaient, s’ajoutaient l’une à l’autre, les besoins se multipliaient. Elle ne doutait alors pas même un instant de l’aide céleste. Et l’aide céleste ne lui manqua jamais. En certaines circonstances dramatiques, elle vit arriver à la maison les secours les plus inattendus, de la part de gens éloignés qui ne l’avaient jamais connue, sinon par ouï-dire. Jusqu’à la fin, cependant, prévalut la règle que, chaque fois que les offrandes dépassaient les nécessités immédiates, elles se transformaient en dons qu’elle distribuait à d’autres pauvres ou d’autres malades, également dans le besoin.

J’ai démontré, rapidement, les multiples maladies qui frappèrent notre protagoniste, peu de temps, avant sa mort. Si on devait compléter, à la bonne franquette, un genre de fiche médicale, pour y enregistrer tous les maux qui accompagnèrent l’entière période de ses dernières années, du moment où elle se consacra au Seigneur, jusqu’au dernier soupir, nous serions embarrassés. Non seulement parce qu’elle garda ses souffrances secrètes, le plus possible, comme elle chercha toujours à cacher ses vertus, à dissimuler les dons prodigieux qu’elle obtint du ciel, mais surtout, parce que, comme l’écrivait le cardinal Carlo Salotti : " Le caractère étrange des maladies sert à démontrer que, la Bienheureuse ayant le désir de souffrir pour les âmes, d’être crucifiée avec le Christ, fut exaucée dans son désir du martyre ".

Elle le fut de telle manière que " dans ses états maladifs, il parut que tous ses membres portaient l’empreinte de la Passion divine et qu’elle sembla percevoir dans ses sens, les effets ou l’effet des douleurs du Calvaire ".

Entreprise ardue, dès lors, de tenter de définir la nature exacte, les symptômes précis, l’intensité de ses souffrances, de tant de maux. Si toutefois, je veux ici tenter de les énumérer, je risquerais de les définir par une terminologie inexacte, dans l’intention de les faire comprendre à tous ; il s’agirait d’un tableau approximatif des incroyables douleurs que cette femme exceptionnelle supporta, pendant tant d’années, avec une sérénité qui ne s’est jamais démentie, puisqu’elle les avait demandées à son divin époux, pour payer, elle, infime créature, les nombreux méfaits de son temps.

Douleurs très fortes aux oreilles, qui s’accompagnèrent de souffrances lancinantes, genre de névralgie qui se répandait dans toute la tête, la contraignant à garder toujours un bandage autour de la tête.

Des yeux, un s’était fermé bientôt, dans l’obscurité d’une cécité presque totale. L’autre était réduit à entrevoir à peine la lumière du jour, alors que les rayons éblouissants du mystérieux soleil céleste l’aveuglaient continuellement, la transperçaient si douloureusement, qu’elle aurait pu pleurer sans trêve.

Une inflammation profonde et fétide de la muqueuse nasale, en plus de lui boucher le nez, la tourmentait sans répit ; une senteur repoussante et nauséabonde se logeait dans son odorat. Un asthme perpétuel nuisait terriblement à sa respiration. Ses dents lui causaient un martyre ininterrompu.

Aucune articulation aux membres supérieurs et aux membres inférieurs, comme à la colonne vertébrale, devenue très douloureuse, parce que atteinte d’arthrite. Le faisceau musculaire fut également atteint ; les pieds et les mains, surtout la main droite, " la main qui guérissait ", disaient les gens, étaient envahis et déformés, par les noeuds de la goutte.

Une grosse hernie ombilicale s’était rapidement ulcérée et jamais, remède ne put soulager cette plaie.

Tout son corps, en somme, comme le confirme le cardinal Pedicini, fut constamment tourmenté par de violentes douleurs. Une couronne d’épines acérées, la faisait particulièrement souffrir, surtout le vendredi. Et, plus d’une fois, elle a dû prendre le lit.

Quand elle faisait des conquêtes d’âmes, et ces conquêtes étaient fréquentes, elle se sentait attaquée par de fortes maladies qui, selon l’opinion de plusieurs, auraient pu, chaque fois, la conduire à la mort.

Tout son corps, affirme le cardinal Pedicini, était à tel point crucifié dans chacune de ses parties, que même le médecin, qu’on fit venir à maintes reprises, en était étonné. Comment, aux prises avec des malaises si sérieux, pouvait-elle continuer à vivre ?

Cette existence fut, jusqu’au bout, ce qui semble incroyable, très active. Elle était totalement engagée, le jour et une grande partie de la nuit, dans la gouverne habile de sa maison, dans l’éducation patiente des enfants, des brus et de ses petits enfants, dans l’attention affectueuse à l’égard de son mari, dans les pratiques intenses de piété, à travers les pénitences les plus sévères, dans les attitudes charitables envers les pauvres, dans les pieuses veilles, au chevet des malades, dans les colloques avec les puissants et les miséreux, sans que jamais, elle fit ostentation de ses propres souffrances.

Dans ses colloques à la chaîne, elle se tenait grave et digne avec les illustres personnages, plaisante et bienveillante avec les femmes du peuple qui frappaient à sa porte, seules ou accompagnées, pour lui soumettre leurs petits problèmes quotidiens ou des problèmes intimes. Elle ne s’inquiétait pas pour autant ; elle leur prodiguait sa patience la plus évangélique, ses sollicitudes les plus affectueuses, même si elle savait, par une longue expérience, qu’une fois sorties de là, ces femmelettes l’appelleraient de nouveau, " sorcière " ou " bigote ".

Mais le calvaire d’Anne-Marie devait connaître la souffrance la plus aiguë dans les derniers moments de son existence. Elle le savait, depuis quelque temps, depuis un an plus précisément ; l’époux l’avait avertie du moment précis, des circonstances exactes de sa mort.

Le jour où avait eu lieu cette dramatique révélation, on l’avait vue plus joyeuse que de coutume ; elle souriait, heureuse, comme une jeune fille qui se prépare à se rendre aux noces. L’Époux céleste avait cependant joint à cette annonce, qu’elle, servante humble et fidèle, vivrait, comme il les a vécues, lui-même, les trois heures d’abandon, sur la croix. Il permettrait, qu’en ces moments extrêmes de l’agonie, elle fut abandonnée de tous. Et il en advint ainsi ; nous le verrons bien.

Puisque j’ai parlé par incise, de " la main qui guérissait ", je dois poser, au préalable, qu’à Anne-Marie, furent attribués plusieurs miracles.

Lorsque se répandit la nouvelle d’une guérison prodigieuse opérée par Anne-Marie, par le simple toucher de sa main, l’invocation de la Très Sainte Trinité, des vagues de commotions, jointes, par malheur, à une certaine exaltation à caractère fanatique, se diffusèrent en plusieurs occasions, dans toute la ville de Rome et même au delà. Il y eut des périodes où la Taïgi ne trouva pas un instant de paix. Elle était sans trêve recherchée par des foules avides de miracles faciles, traquée par des curieux plus ou moins aimables, traînée continuellement, ici et là, au chevet des malades plus ou moins en danger, pendant que l’annonce de nouvelles guérisons, vraies ou inventées, contribuèrent à surexciter de plus en plus les gens.

Dans les situations comme celles-ci, il est extrêmement difficile de distinguer la réalité de la fantaisie, la vérité des inventions, la bonne de la mauvaise foi. Il n’appartient pas au chroniqueur de démêler le tout, de censurer dans un sens comme dans l’autre. Bien sûr, le fait demeure, d’après les témoignages les plus dignes de foi, les documentations les plus sérieuses. Une autre preuve indiscutable du surnaturel qui s’affirma chez Anne-Marie Taïgi : l’opinion autorisée du cardinal Carlo Saletti, au sujet d’une série de guérisons merveilleuses opérées par elle.

Je n’en rappellerai qu’une seule : Anne-Marie, accompagnée d’une autre personne, faisait la visite des sept églises. Elle fut surprise par un violent orage, une de ces averses imprévisibles et soudaines, qui s’abattent sans merci sur Rome, au moment où on s’y attend le moins. Elle s’arrêta à la première porte et frappa. On la fit entrer et elle se trouva dans une salle où plusieurs personnes, en larmes, entouraient un lit sur lequel gisait râlant, une pauvre moribonde.

Désormais, lui dit quelqu’un, il n’y a plus rien à faire. Le médecin a quitté ; sa présence était devenue, à ce point, inutile. On lui administrera les derniers sacrements.

Anne-Marie s’approcha alors du grabat et plaça sa main, sur le front diaphane de la mourante, le signa au nom de la Trinité. Puis, elle se retourna et dit de sa voix douce et coutumière : " Ne craignez rien ; la grâce est déjà obtenue ". Au dehors, la pluie s’était apaisée et elle poursuivit son pèlerinage de pénitence.

À peine fut-elle sortie que la malade cessa ses râlements de l’agonie et commença à parler. Elle demanda de la nourriture et, face à la stupeur des personnes présentes, elle se souleva de façon à s’asseoir. Elle était parfaitement guérie.

   

Pour toute suggestion, toute observation ou renseignement sur ce site,
adressez vos messages à :

 voiemystique@free.fr