LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

Anna Maria Taïgi
La sainte aux sept enfants

Sergio C. Lorit

Traduit du livre italien
"TAIGI, la santa con sette figli"
(Città nuova editrice, 1964)
P. Marcel LITALIEN, o.ss.t.
Montréal, 1984

L’ange de Rome

La voix sortit de dessous un lugubre capuchon : " Voici mon ange ". C’était une voix joyeuse, remplie d’espérance, comme elle s’était fait entendre, dans cette salle de douleurs et de honte, tant d’autres dimanches.

La femme était étendue sur un petit lit immonde, à l’hôpital Saint-Jacques-des-Incurables, de Rome. Le capuchon noir en cachait la laideur du visage ; un visage complètement ravagé, méconnaissable. Tout était rongé, défait, déchiré par la maladie. La bouche seule se dessinait encore, si bouche il y avait. Quel trou ébréché dans lequel on introduisait de temps en temps, quelque breuvage !

On n’osait plus, depuis longtemps, s’approcher de Santa, la contagieuse ; elle occupait ce coin de l’hôpital, réservé aux malades réduits à l’état le plus répugnant. Personne, sauf une petite dame du peuple, venait à son chevet, certains dimanches, accompagnée d’une fillette.

Chaque fois, Santa entendait la voix de loin, et chaque fois, son coeur tressaillait dans sa poitrine, en des battements de joie qui lui donnaient l’impression d’être en paradis. " Voici mon ange ", disait-elle, et l’ange s’assoyait tout prés du lit. Il lui demandait avec douceur, comment elle se portait. Et si elle avait besoin de quelque chose, de n’importe quoi, elle le lui procurait ; elle était là pour cela, pour l’aider de toute manière et en toute nécessité. Mais Santa, la contagieuse, répondait toujours par un non, qu’elle n’avait maintenant plus besoin de rien. Tout ce qu’elle désirait, elle l’avait déjà reçu au moment où elle, son ange, avait franchi le seuil de sa chambre, pour lui livrer une parole d’amour.

Le dimanche, Anne-Marie Taïgi accompagnait une de ses filles, ou Sophia ou Mariuccia ; elles se rendaient à l’hôpital de Saint-Jean-de-Latran ou à celui de la Trinité-des-Pèlerins, ou justement à celui de Saint-Jacques-des-Incurables, pour y exercer des oeuvres de miséricorde.

Un jour, près de Santa, il parut que Sophia allait s’évanouir en raison de la puanteur que la malade exhalait. Quand la mère et la fille furent à l’extérieur, cette dernière s’en plaignit. " Ma fille, lui répondit la mère, si tu pouvais sentir l’odeur de son âme ! Il est certain que cette dernière passera immédiatement du lit au paradis ".

S’il est vrai que l’amour d’une épouse, d’une mère, doit d’abord se déverser sur l’homme que la Providence lui a donné comme compagnon de vie, et sur les créatures qui sont nées de cette union, il est autrement vrai que son affection et sa tendresse ne doivent s’épuiser, comme cela arrive trop souvent, entre les quatre murs de la demeure familiale, se transformer en froideur et en égoïsme pour les gens de l’extérieur.

Si une leçon jaillit vraiment de la vie d’Anne-Marie Taïgi, pour toutes les épouses et pour toutes les mères, c’est bien celle-ci : ne rien enlever, absolument rien, à la chaleur du foyer domestique, et projeter la flamme d’amour pour ses frères et soeurs de l’entourage, connus ou inconnus, afin qu’ils puissent être tous et toutes, de vrais enfants de Dieu. Anne-Marie Taïgi, épouse dévote et mère très aimante, ne manqua jamais à ses vieux parents : on garda à la maison maman Santa jusqu’à sa mort, on soigna le vieux papa jusqu’à la dernière minute, alors qu’il était horriblement atteint de la lèpre.

En plus du mari, des fils, des gendres, l’amour d’Anne-Marie se répandit dans un vaste rayon ; il atteignit les sentiers les plus profonds et les plus obscurs de la pauvre société qui vivait alentour. Elle éprouva, plus d’une fois, L’amère saveur de la misère. La souffrance des autres fut à chaque instant, sa propre souffrance. Sa compassion pour les besogneux, sa peine pour les souffrants, dépassaient toujours le sentiment naturel de pitié, de commisération, que chaque être éprouve pour les malheureux du monde. Pour tout et pour tous, sa charité fut patiente, tendre, douce, empressée, toujours prête ; une charité, en d’autres termes, exercée à un degré héroïque, dans des situations souvent impossibles.

Quand, avec les troupes d’invasion du général Miollis, une épouvantable famine s’appesantit sur Rome, elle qui, avec son mari, ne savait pas comment nourrir leur famille y parvint et réussit même à en secourir bien d’autres qui étaient encore plus tourmentées. Nombreuses furent les familles qui survécurent, en ces années, grâce à son aide, le " miracle " de leur survivance.

Quand elle n’avait plus un sou en poche, ni de pain à offrir, à qui lui en demandait, elle laissait de côté toute considération, et allait personnellement, frapper aux portes de ceux qui en avaient encore. Ce qu’elle obtenait, elle le distribuait avec justice, selon les besoins les plus pressants.

Un épisode parmi mille autres : une fois, une femme déguenillée et tout ébouriffée, les traces de la faim gravées dans le visage, serrant dans ses bras un entortillement de chiffons, une petite créature se présenta à sa porte. Anne-Marie jeta un regard aux alentours. Il n’y avait rien à manger, dans la maison. La garde-robe était aussi demeurée vide. Que faire ? Elle enleva son propre vêtement et le fit endosser à l’instant par cette pauvrette. Puis, elle la pria ainsi : " Je vous prie de revenir tous les vendredis à la même heure ". Pour elle et son enfant, il y aura bien toujours quelque chose.

Parmi les misérables, elle préférait les enfants pauvres. Jeanne Cams, sa domestique, raconte qu’un matin très froid d’hiver, sortant avec Anne-Marie de l’église de Saint-Barthélemy-des-Bergamasques, " un pauvre petit garçon passa. Il était pieds nus, déguenillé, à demi vêtu. Il tremblait de froid, dévoré par la privation de la faim. Il était, de plus, malpropre, éclaboussé de boue, et personne n’avait le goût de l’approcher. Le jeune bambin s’approcha d’Anne-Marie Taïgi et sollicita une légère aumône. C’était, pour Anne, une précieuse rencontre ; elle l’amena au foyer familial, le réchauffa, le restaura. Toute empressée, elle lui donna ensuite des vêtements ; tant bien que mal, elle lui fit mettre des bas, chausser une paire de chaussures qui appartenait à son fils. Elle veilla sur lui, l’assista avec tant de charité qu’on eut cru qu’il était le fils d’un grand seigneur. Après lui avoir enseigné les principes de la religion, lui avoir assuré le réconfort auquel fait appel une si pénible situation, elle lui donna une aumône en argent, selon ses moyens, et le laissa aller au nom de Dieu ".

De ces enfants malheureux, rencontrés dans la rue et amenés à la maison pour les nourrir et les vêtir, l’histoire d’Anne-Marie Taïgi en est remplie. Elle continuera d’agir ainsi, malgré le fait regrettable que le bambin qu’elle avait assisté, rassasié, mis à neuf, ait couru droit au ghetto, vendre l’habit à peine reçu, pour se remettre demi-nu et être de nouveau en quête d’aumônes.

La friponnerie d’un seul petit voyou ne pouvait suffire pour figer ou geler la grande affection d’Anne-Marie pour les enfants les plus malheureux et les plus tristes ; ils étaient les préférés de Jésus.

Anne-Marie aima aussi les malades ; nous le savons déjà. Une de ses pires dénigreuses tomba malade, un jour. Il s’agissait d’une commère maligne et incurable qui avait contribué, de façon obstinée, par ses médisances et ses insinuations malveillantes, à créer une atmosphère de soupçons et de troubles autour de la demeure des Taïgi. Quand Anne-Marie sut qu’elle était malade, elle oublia tout, courut à la maison de sa persécutrice, pour lui rendre les offices de la charité, tant au plan moral que physique, raconta sa fille Sophia. Elle lui fut toujours attentive, toujours disponible ; dans les visites qu’elle lui faisait, elle l’exhortait à la patience, lui apportait quelque biscuits, quelques carafes de bon vin qu’elle réservait pour les malades, quand on lui en faisait cadeau. Elle l’exhortait à la foi en Dieu ; elle y voyait un moyen excellent de supporter une maladie lente et pénible. Elle l’invitait souvent à la patience, l’invitait à la prière, à l’oraison, convaincue que le Seigneur la consolerait. De fait, la malade guérit.

À l’amour des pauvres et des malades, Anne-Marie ajouta l’amour des pécheurs, des gens qui souffrent de la pire des maladies. Elle les aima à un point tel, qu’elle leur dédia la plus grande part de ses prières les plus ardentes, ses plus dures mortifications, ses plus exténuantes pénitences, ses pèlerinages nocturnes qui s’échelonnaient sur une durée de quarante nuits consécutives, qui la conduisaient à la porte des églises où elle se prosternait et demandait à Dieu la conversion des âmes qui lui étaient chères et même de celles qu’elle ne connaissait pas, mais qui lui avaient été recommandées.

" Combien d’hommes, écrivit avec autorité le cardinal Pedicini, liés à de vieilles et scandaleuses pratiques, parvinrent à une véritable contrition et bénéficièrent des miséricordes divines, par le renoncement immédiat à leurs péchés, aux pratiques infernales d’amitiés malhonnêtes ".

Que de souffrances morales, que de souffrances physiques, n’a-t-elle pas appelées sur elle-même, de la part du Seigneur qui répondait à ses désirs en chargeant ses épaules de croix nombreuses qui procuraient le salut aux âmes en détresse, à ceux qui étaient condamnés à l’échafaud, qu’Anne-Marie considérait être les plus malheureux parmi les malheureux. De leur terrible sort, elle ne pouvait s’apaiser, compte tenu des nombreux délits qu’ils avaient commis. Pour leur conversion, elle mobilisait aussi Mgr Natali qui avait accès aux prisons, pouvait se rendre utile aux disgraciés, jusqu’au dernier moment de leur vie.

C’est dans cette lumière de vertus héroïques, qu’étaient attirés les très chers malheureux ; une lumière qui venait d’en haut. Toutes les biographies qui racontent la vie d’Anne-Marie Taïgi, soulignent son charisme prophétique. Il est certain que parmi les multiples dons qu’elle a reçus, le don de prédiction de l’avenir a joué un grand rôle. Ainsi, le Père éternel récompensait sa créature qui lui appartenait totalement. Du reste, les témoignages qui se rapportent à la vie de nombreux saints, en constituent une confirmation richement documentée. Il est certain qu’Anne-Marie fut une de ces saintes créatures que Dieu gratifia largement de ce don.

Quand Pie VIII était encore pape, Anne-Marie fit une prophétie d’un caractère dramatique formidable, qui garde aujourd’hui encore son intérêt tout à fait exceptionnel. Il s’agit d’une prophétie qui produisit alors, chez ceux qui la recueillirent, un trouble profond, un émoi intense qui continue, jusqu’à maintenant, à éveiller, en qui la redécouvre parmi les vieux documents, la même commotion et un trouble identique, parce qu’elle implique le futur de l’humanité, inséparable de l’avenir de l’Eglise, le plaçant parmi les tourments de cette lutte de l’homme qui tend, depuis son origine, à assurer le triomphe du bien sur le mal.

Riche en particularités, d’une clarté des plus évidentes, elle nous est parvenue par une déposition juridique assermentée de Monseigneur Raphaël Natalie.

Un jour de 1818, parlant des prochains fléaux de la terre, des futurs fléaux du ciel, elle précisa qu’ils pourraient, les uns et les autres, être atténués par les prières des âmes pieuses. Anne-Marie prédit que des millions d’hommes sont appelés à mourir par une main de fer, qu’un grand nombre mourront à l’occasion de guerres, de litiges, par traîtrise, et d’autre millions, par des morts imprévues. Des nations entières arriveraient ensuite à l’unité de l’Église catholique. Plusieurs turcs, païens et juifs, se convertiront, en demeurant tout confus devant les chrétiens, admirant leur ferveur et l’exactitude de leur vie. Elle me dit plusieurs fois que le Seigneur lui fit voir dans le mystérieux soleil, le triomphe et la joie universelle de la nouvelle Eglise, si grands et si surprenants, qu’elle ne pouvait pas l’expliquer.

En 1922, le lendemain de la première guerre mondiale, on publiait, selon notre jugement personnel, la plus sérieuse biographie d’Anne-Marie, conforme en tout à l’histoire, selon la critique qui en a été faite. L’auteur, le cardinal Salotti, rapporte largement cette prophétie qu’évitaient de mentionner la plupart des biographes. S’arrêtant sur la prédiction des carnages en masse, il annonce la conversion de peuples entiers, le triomphe de l’Eglise. L’auteur ajoutait : " Si on pense à la guerre mondiale qui s’est déchaînée en 1914, pour la première fois, dans l’histoire, périrent simultanément, sur divers champs de bataille, des millions et des millions d’hommes. Si on pense aux centaines de milliers tués par trahison, dans la même période. Si on pense aux tueries de la révolution bolchevique, en Russie, une révolution qui éclata sur les ruines de la même guerre. Si on pense aux luttes intestines dont les haines de partis se répandirent furieusement, souillant de sang les rues de la ville. Si on pense aux milliers et milliers de victimes emportées par les tremblements de terre de Sicile, de Calabre, de Marsica. Si on pense, enfin, à cette peste qui intervint en 1919, à la fin de la guerre cruelle ; dans l’espace de quelques mois, dans différentes parties du monde, se produisit cette hécatombe épouvantable de millions et de millions de morts, une contagion qui ne s’était jamais vue dans les siècles passés. " Si on pense, ajoutons-nous, énumérant seulement quelques autres fléaux de la terre qui suivirent l’année 1922, quand le cardinal Salotti écrivit ces lignes, il songeait aux guerres d’Afrique, à la guerre d’Espagne, au second conflit mondial, rendu plus apocalyptique par les génocides hitlériens, par les exterminations atomiques de Hieroshima et de Nagasaki, au calvaire de l’Europe de l’Est, à la révolution de Chine, à la guerre de Corée, à la guerre de l’Indo-Chine, à l’insurrection et à la répression de la Hongrie, au martyre de plusieurs peuples coloniaux, à la grande famine qui continue de ravager l’Inde et d’autres pays, aux massacres d’Algérie, jusqu’aux derniers tremblements de terre. " Si on réfléchit, dis-je, à tout cet ensemble de morts, par les guerres, les trahisons, les tremblements de terre, les contagions, concluait le cardinal Charles Safotti, on a l’impression d’être en présence de fléaux prédits par notre Bienheureuse ".

Personne ne nous en voudra d’ajouter d’autres faits, d’autres événements, si on considère la grande espérance que tout le monde met dans les conclusions du concile Vatican II, l’espérance qu’on met aussi dans la perspective du retour à l’unité de l’église, un retour qui apparaît lointain, qui n’est pas pour autant, une utopie.

Pour raconter toutes les prophéties faites et réalisées par notre protagoniste, nous aurions besoin de beaucoup plus d’espace que celui réservé à ce travail, à cette rapide narration. Elles eurent, en effet, pour objets, de nombreuses personnes de haute autorité, beaucoup de gens du peuple absolument inconnus.

Un jour de 1827, disons-nous dans le but de faire ressortir certains épisodes, Mgr Louis Lambruschini, partant dans la direction de Paris, comme nonce apostolique à la cour de France, fit demander à Anne-Marie Taïgi de le recommander vivement à Dieu, dans sa mission. Anne-Marie regarda dans son soleil céleste et lui fit savoir : " que son voyage serait heureux, son séjour à Paris, angoissant, qu’il vivrait un long et pénible martyre de l’esprit ". Et peu de temps après, se succédèrent un tant soit peu d’événements qui dominèrent dans la suite, durant la révolution imprévue de juillet 1830, et le nonce dut revenir à Rome.

Un autre jour, Anne-Marie rencontra le cardinal Mazzarini, sur la rue. Élevé depuis peu à la pourpre sacrée, il se rendait à Saint-Pierre, dans toute la splendeur de sa dignité nouvelle. " En ce jour, dans la pompe, murmura la voyante à celui qui était à ses côtés, dans un mois, la tombe ". À la fin du mois, elle assistait aux funérailles du cardinal.

Une autre fois, elle allait visiter une femme du peuple, qui avait donné naissance à une jolie petite créature. Elle la trouva très bien, mais appela toutefois, en aparté, quelques personnes présentes, et leur dit : " Vite, faites-lui donner les sacrements, la pauvre va mourir ! " Tous demeurèrent surpris et incrédules. Mais comment ! Tout allait pour le mieux ; la mère et l’enfant jouissaient d’une parfaite santé. Ils en parlèrent avec le confesseur et ce dernier fit gorge chaude sur cette prophétie. Dans la suite, " on ne sait jamais ", cette voyante les devinera toutes. On finit par lui faire apporter les derniers sacrements. Cela arriva juste à temps ; dès qu’elle les eut reçus, la jeune maman expira.

Mais la vie d’Anne-Marie Taïgi fut une suite d’épisodes semblables. Nous nous limiterons à rappeler une de ses dernières prédictions ; elle fut d’un grand intérêt pour l’histoire. Elle en fit mention, un jour, dans la maison, alors que le dialogue avait cessé. Elle avait trait aux désordres qui commençaient à exploser, un peu partout, dans les Etats romains. En cette occasion, Anne-Marie Taïgi fit remarquer que ce qui est arrivé, n’était rien en comparaison avec ce qui allait arriver, dans quelque temps. Elle ajouta que le successeur du pontife régnant, Grégoire XVI, aurait un pontificat plus violent, au milieu de tourments continuels. Elle ajouta, toutefois, que le futur pape vivrait plus longtemps et qu’à la fin, il mourrait paisiblement, à Rome, dans son lit, après un long pontificat.

Nous devons maintenant, nous rendre compte que, à l’époque où Anne-Marie prononça ces paroles, Grégoire XVI occupait depuis peu, le siège de Pierre. Quelques années plus tard, en 1837, Anne-Marie Taïgi mourrait et Grégoire XVI continua à régner jusqu’en 1846. Pie IX seul, serait appelé à lui succéder.

Tel que prédit par Anne-Marie longtemps auparavant, le règne de Pie IX se terminera en 1878, après 31 ans, 7 mois, 23 jours d’exercice de la papauté.

Anne sera, dans la suite, encore plus précise. Elle indique, en une autre occasion, au chanoine Raymond Pigliacelli, que des temps difficiles s’annoncent pour l’Eglise. A la question du prélat qui porte sur l’identité du pape qui régnera en cette période de mésaventures, Anne répond : " Le pontife qui régnera, en sera un qui n’est même pas cardinal. De plus, il ne demeure pas à Rome ".

Elle confirma, quelque temps après, ses propos, à Mgr IMatali, à qui elle avait indiqué la façon de faire face à la persécution que subirait l’église de Rome, à l’intérieur de laquelle l’iniquité serait triomphante. Dieu exigera un pontife saint, choisi selon son coeur, et à qui il communiquerait des lumières tout à fait spéciales ; que celui-ci serait élu d’une manière extraordinaire, qu’il serait assisté et protégé par Dieu, d’une façon particulière, que son nom répandu dans tout l’univers, serait applaudi par les peuples et craint par les rois. Le Turc lui-même le vénérera, demandera à le féliciter. Il fera des réformes. Il instruira le peuple, recevra des secours de toutes parts. Les impies seront écrasés et humiliés, beaucoup d’hérétiques, sous son pontificat, retourneront à l’unité de la Sainte église Catholique Romaine. Elle souligna, de nouveau, à la fin, que le futur pape était dans le moment, un simple prêtre et se trouvait dans un pays assez lointain.

C’est un fait, à l’époque où Anne-Marie annonçait à l’avance, ces événements, Dom Giovanni Mastaï Ferretti, le futur Pie IX, était au Chili, à titre d’auditeur du délégué pontifical, Mgr Giovanni Muzzi.

Les prédictions devinrent, dans la suite, plus circonstanciées. Elle déclara, conversant un jour avec le comte Broglio, secrétaire de la Légation de la Sardaigne, que " le prochain pontife effectuerait des réformes dans le but de se décharger de tant d’affaires temporelles de l’état ; il appellerait au pouvoir des séculiers qui rempliraient des charges pour que lui puisse s’occuper plus longuement des affaires spirituelles de l’Église ". Elle fit aussi savoir, par la suite, au cardinal Racanati, que le successeur de Grégoire XVI ne devait pas se déconcerter, qu’il aurait confiance en Dieu et recevrait assistance, qu’il serait aidé de l’extérieur, même en argent, de ceux en qui il ne porte pas foi, confesse le cardinal, et qu’à la fin, le pontife opérerait des miracles ".

Plusieurs années après, l’histoire devait, d’une manière ponctuelle et avec exactitude, confirmer la prédiction d’Anne-Marie Taïgi, sur la longueur exceptionnelle du pontificat de Pie IX, sur les tourments qui devaient l’agiter. Il suffit de feuilleter certains textes de l’histoire pour en trouver la documentation : rappelons l’assassinat de Pellegrino Rossi, ministre de Pie IX, jusqu’à sa fuite à Gaète ; les orgies sacrilèges des athées, les spoliations des églises et des couvents ; les meurtres des prêtres et des religieux du Transtévère, la lutte anticléricale conduite au parlement et sur la place, dans les écoles et dans la presse, jusqu’au massacre d’une troupe de canailles qui tentèrent de s’emparer de la dépouille mortelle du même Pontife, dans la nuit du 12 au 13 juillet 1881, durant sa translation au Campo Verano.

Les réformes que fit Pie IX, par la suite, pour se libérer des affaires temporelles consistaient en ceci : céder le conseil municipal à la ville de Rome, le conseil des députés à l’Etat. La vénération profonde que, d’un pôle du monde à l’autre, les peuples ont voulu manifester, était de nature à consoler le pontife, à lui faire oublier les nombreux outrages, les persécutions qui pleuvaient contre lui. Ils lui signifiaient, en même temps, leur approbation. Les Turcs appuyaient aussi son attitude ferme. Les rois de l’Europe firent preuve de respect mais exprimèrent de la crainte, une crainte qu’ils ne réussissaient pas à dissimuler ; ils dépouillèrent le pape de son pouvoir, l’église, de ses biens.

L’aide matérielle qui lui parvint de toute part, quand il fut réduit à la pauvreté, témoignait de l’affection qu’on avait pour lui. La Belgique, à elle seule, lui fit parvenir un montant de 285,000 francs, en l’espace de deux ans. En 1877, lors de la célébration de son jubilé d’or sacerdotal, lui parvinrent de partout des dons pour une valeur de 10 millions de lires. Le denier de Saint-Pierre atteint, cette année-là, un montant supérieur à 16 millions de francs. De la sainteté et des miracles de Pie IX, il reste la documentation rigoureuse des procès informatifs qui ont été confiés à la Sacrée Congrégation des Rites, pour la promotion de sa cause de béatification. Après 1878, le pontife est entré dans l’histoire pour de longues années et il demeure des traces de son passage. Sa prédiction tout à fait à point, ne pouvait qu’être confirmée par la suite. Une explication ne peut être profitable que si on s’y arrête, que si on la fait sienne. Anne-Marie Taïgi, cette humble femme du peuple, a donné la preuve que le don extraordinaire qu’elle possédait, correspondait à de prodigieuses lumières divines, venues d’en haut.

   

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