LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

Vie de Sainte Catherine de Sienne
par le bienheureux Raymond de Capoue

 

 

 

CHAPITRE XII

CATHERINE REÇOIT TRÈS SOUVENT LA SAINTE COMMUNION ET LE SEIGNEUR ACCORDE PLUSIEURS MIRACLES A SA DEVOTION POUR LE TRÈS SAINT SACREMENT ET LES RELIQUES DES SAINTS.

Le Très-Haut sait, bon lecteur, que je voudrais de grand coeur terminer bien vite cette histoire, surtout à cause des occupations nombreuses qui me pressent de toutes parts; mais, quand je médite la vie de notre sainte, il me revient en mémoire tant de faits admirables et dignes d’être cités, que ma conscience m’oblige de faire à mon récit additions sur additions, et de rendre ainsi ce livre bien plus long que je ne le voulais tout d’abord.

Tous ceux qui ont connu Catherine savent, je ne l’ignore pas, quelles étaient sa vénération toute spéciale et son incomparable dévotion pour le Corps sacré du Seigneur dans l’Eucharistie. Ses communions fréquentes faisaient dire au peuple que la vierge Catherine recevait chaque jour le sacrement d’Eucharistie et ne demandait vie et santé à aucune autre nourriture. Ce n’était pas absolument exact, mais ceux qui parlaient ainsi avaient des intentions pieuses et rendaient honneur à Dieu, qui apparaît toujours admirable dans ses saints. Notre vierge ne recevait pas tous les jours le Sacrement, mais elle le recevait fréquemment, et avec une grande dévotion de cœur. Ces communions fréquentes excitaient même les murmures de certains personnages, vrais satrapes de Philistins plutôt que chefs de chrétiens. J’ai dû prendre contre eux la défense de l’innocente vierge, et ils n’ont su que répondre aux raisons que je leur ai apportées, car elles étaient toutes tirées de la vie et des écrits des Pères et des saints, de l’histoire et de la doctrine de la sainte Église.

Le témoignage de Denys, dans son livre de la Hiérarchie ecclésiastique,, établit qu’au temps de la primitive Église, alors qu’abondait la ferveur de l’Esprit-Saint les fidèles de l’un et l’autre sexe recevaient chaque jour le très vénérable Sacrement. Saint Luc semble aussi nous le dire dans les Actes des Apôtres, quand, parlant à plusieurs reprises de la fraction du pain, il ajoute une fois: " cum exultatione ", " avec allégresse (Ct 2,46) ", ce qui ne peut s’appliquer dignement qu’à la manducation du pain eucharistique. On ne doit pas non plus rejeter complètement, mais il faut accepter dévotement, l’interprétation qui entend du très saint Sacrement la quatrième demande de l’Oraison Dominicale, où l’on parle du pain quotidien. D’ailleurs, en témoignage de cette communion quotidienne des fidèles, notre sainte Mère l’Église a inséré dans le canon de la messe la prière suivante, qui est assez significative: "suppliants, nous vous conjurons, ô Dieu tout-puissant, d’ordonner que cette offrande soit portée par la main des anges sur votre sublime autel... afin, continue l’Eglise, que nous soyons remplis de votre céleste bénédiction, nous tous qui, dans cette participation à l’autel, aurons reçu le Corps très saint et le Sang de votre Fils (Supplices te rogamus) " L’enseignement des saints Pères nous affirme de même, que tout fidèle exempt de faute mortelle, et qui s’approche avec dévotion de ce très salutaire Sacrement, le reçoit non seulement licitement, mais avec fruit. Qui donc oserait empêcher une personne, dont la vie est irréprochable et sainte, de faire souvent cet acte méritoire? Lui répondre par un refus, quand elle demande humblement ce viatique de son pèlerinage et ce mémorial de la Passion du Sauveur, serait, je n’en doute pas, lui faire une injustice et une grande injustice, quel que soit celui qui se donne ce tort.

On objectera peut-être à ce que je viens de dire, qu’il n’est permis à aucun fidèle, si parfait et si pieux qu’il soit, de recevoir très souvent ce Sacrement. Quelques-uns même affirment, sans savoir ce qu’ils disent, qu’il n’est permis de communier qu’une fois l’an. C’est là une opinion qui me paraît être plus contraire aux saintes Écritures qu’appuyée sur de bonnes raisons. Pour défendre leurs ineptes propositions, quelques-uns de ces satrapes sans dévotion et tout à fait étrangers à l’intelligence des Écritures invoquent en leur faveur cette parole du bienheureux Augustin, disant qu’il ne loue, ni ne blâme, celui qui reçoit chaque jour le sacrement d’Eucharistie. Ce prince des Docteurs semble vouloir dire, que la communion quotidienne, bonne en elle-même, peut être faite de telle façon qu’elle devienne dangereuse; il en abandonne en conséquence l’appréciation au jugement de Dieu qui connaît tout, et il n’ose se prononcer sur cette pratique. Mais si ce grand Docteur, Docteur entre les Docteurs, ne veut pas porter de jugement sur ce point, je ne puis comprendre comment ceux qui nous citent ses paroles ont l’audace et la présomption de trancher cette même question. Il me revient, à ce sujet, en mémoire, une réponse que Catherine fit en ma présence à un évêque qui alléguait contre la communion quotidienne cette autorité d’Augustin: " Pourquoi donc, Monseigneur, dit la sainte, voudriez-vous blâmer ce que le bienheureux Augustin ne blâme pas? En invoquant ainsi son autorité, vous vous mettez en contradiction avec lui. " Après tous ces témoignages, voici encore celui du saint et célèbre Docteur Thomas d’Aquin. Il se demande, s’il est utile à un chrétien fidèle de communier souvent et chaque jour, et il répond, que cette communion quotidienne augmente la dévotion, mais diminue parfois le respect pour le Sacrement. Or, tout fidèle doit avoir beaucoup de dévotion et de respect pour la sainte Eucharistie. Celui-là donc qui sentirait son respect diminuer par suite de la communion fréquente devrait se priver pendant quelque temps de ce Sacrement, afin de le recevoir ensuite avec plus de révérence. S’il s’aperçoit, au contraire, que cette révérence ne diminue pas, mais augmente, il peut communier en toute sécurité, car une âme bien disposée puise certainement de grandes grâces dans la réception d’un sacrement si excellent et si admirable (Somme théologique, III e partie, question LXXX, article 10). Voilà la pensée et l’avis du Docteur saint Thomas, et notre sainte s’y conformait en tout point. Elle communiait souvent, mais elle s’en abstenait quelquefois, quoique toujours elle désirât s’unir, par l’Eucharistie, à son Epoux, tant était grande l’ardente charité qui l’entraînait à Celui qu’elle avait vu, qu’elle aimait, en qui elle avait toute confiance et qu’elle chérissait de tout son cœur (Office d’une vierge. Répons IXe de Matines ).

Elle avait parfois un tel désir de cette union eucharistique, que, si elle était privée ce jour-là de la sainte Communion, son corps lui-même en souffrait, plus que de plusieurs journées de fièvre ou de violentes douleurs. Et cette souffrance physique avait cependant pour cause unique le tourment de l’âme. C’est une épreuve qui lui fut très souvent et pendant longtemps infligée par des supérieurs religieux indiscrets, par la Prieure des Soeurs, ou encore par certaines personnes de sa famille. J’employai tous mes efforts à faire cesser l’opposition de ceux qui voulaient ainsi l’empêcher de recevoir la sainte Eucharistie, et à lui donner la facilité de goûter à son gré cette joie. C’est une des raisons qui lui firent trouver plus de consolation dans mon ministère que dans celui de mes prédécesseurs. Aussi, quand son âme s’enflammait du désir de la communion, avait-elle pris l’habitude de me dire, si j’étais présent: " Père, j’ai faim, pour l’amour de Dieu, donnez à mon âme sa nourriture. " Pour lui assurer cette consolation, le pape Grégoire XI lui avait accordé une Bulle, qui lui permettait d’avoir toujours avec elle un prêtre pour l’absoudre et lui donner la sainte Hostie. Ce prêtre avait même le privilège de l’autel portatif, afin que partout Catherine pût entendre la Messe et recevoir la Communion, sans aucune autre permission.

Après ces explications, j’en arrive au récit d’un miracle qui n’a été manifesté qu’à moi seul, bien que je ne voie pas en moi-même ou dans mes œuvres ce qui pourrait m’avoir mérité pareille faveur. En l’absence du confesseur choisi par la sainte, j’étais auprès d’elle l’indigne ministre du vénérable Sacrement, quand Dieu a bien voulu me montrer, pour la gloire de son Nom, je pense, combien cette vierge lui était agréable. J’avoue que, s’il ne s’agissait pas de l’honneur de Dieu et de Catherine, il ne me conviendrait pas de raconter et d’écrire ces détails que ma conscience ne me permet pas cependant de passer sous silence; et c’est surtout ici lecteur, que je vous demande d’interpréter pieusement mes paroles.

Nous étions revenus d’Avignon avec la sainte, et rentrés à Sienne, quand un jour nous allâmes rendre visite hors de la ville à quelques serviteurs de Dieu, pour nous consoler ensemble dans le Seigneur. Nous revînmes au matin de la fête de saint Marc l’Evangéliste et l’heure de Tierce était presque passée, quand nous arrivâmes chez Catherine elle se tourna alors vers moi et me dit: " Oh ! Père ! si vous saviez comme j’ai faim ! " La comprenant bien, je lui répondis: "Il est déjà bien tard pour célébrer la Messe, et je suis si fatigué, que je pourrais difficilement me disposer à offrir le saint Sacrifice." Elle garda tout d’abord le silence un instant, mais bientôt, ne pouvant cacher son désir, elle me dit à nouveau qu’elle avait grand’faim. Je lui accordai alors ce qu’elle me demandait. Je me rendis à la chapelle, que le Bref du Souverain Pontife lui avait permis d’avoir dans sa maison, et, après avoir purifié mon âme par la confession sacramentelle (Les anciennes constitutions des Frères Prêcheurs supposent que le Prêtre se confesse toutes les fois qu’il ne prépare a dire la Messe.), je revêtis les ornements sacrés et célébrai, en présence de la sainte, la messe du bienheureux Marc. J’avais consacré une petite hostie pour la communion de Catherine quand j’eus moi-même consommé les saintes Espèces, je me retournai pour réciter les prières habituelles de l’absolution générale (Le " Misereatur " qui répond au "Confiteor " des fidèles ). Je vis alors le visage de la vierge rayonnant et resplendissant comme celui d’un ange. Elle était en quelque sorte transfigurée et je me disais intérieurement: ceci n’est plus la figure de Catherine. j’entendis alors une voix qui disait en mon âme: " Celle-ci est vraiment, Seigneur, votre épouse fidèle et bien-aimée." J’étais tout saisi de cette pensée, quand je me tournai à nouveau vers l’autel et j’ajoutai intérieurement: "Venez, Seigneur, à votre épouse. J’ignore d’où m’est venue cette inspiration, mais à peine mon esprit eut-il formulé cette invocation, que la sainte hostie se mit d’elle-même en mouvement avant que je l’eusse touchée. Je la vis clairement venir à moi, en traversant un espace de trois doigts et plus, et arriver ainsi jusqu’à la patène que j’avais en main. L’éclat dont j’avais vu briller le visage de la sainte, et ce second prodige m’ont tellement troublé, que je ne me rappelle pas si la sainte Hostie est montée d’elle-même sur la patène, ou si c’est moi qui l’y ai placée. Mais, en vérité, quoique je n’ose l’affirmer absolument, je crois bien qu’elle s’y est mise d’elle-même.

Dieu, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, sait et m’est témoin que je ne mens pas, et je demande à celui qui refuserait de me croire, à cause de mes défauts et de la vie peu vertueuse qu’il me voit mener, de se souvenir que la miséricorde du Sauveur vient au secours des hommes et des bêtes (Ps 35,7), et que Dieu ne révèle pas seulement ses secrets aux grandes âmes, mais parfois encore aux petites. Qu’il n’oublie pas non plus cette parole de la Vérité incarnée: "Ce ne sont pas les justes, mais les pécheurs, que je suis vertu appeler à la pénitence.(Mt 9,13) " Et cette même Vérité disait encore à ceux qui méprisent les pécheurs: "Allez, et apprenez ce que signifie cette parole, je veux la miséricorde et non le sacrifice." Je n’apporterai que ces excuses, qui conviennent à tous les pécheurs. Puissent les justes du Seigneur et les serviteurs de Dieu m’accorder leur indulgence, et je sais qu’ils me l’accorderont, car les serviteurs de Dieu sont miséricordieux. S’il en est d’autres qui veulent me juger, je m’en soucie fort peu. Si je tiens ferme ou si je tombe, c’est à mon Seigneur que j’en dois compte ( Rm 14,4). Celui-là seul a le droit de m’examiner et de me juger, qui connaît mes défaillances et mes relèvements (Ps 138,2) ; car il est le Seigneur et il sait que je dis la vérité. Non, je ne veux pas croire que j’aie été le jouet du démon en face d’un sacrement aussi saint et aussi redoutable. Oui, je le sais, et j’en suis absolument sûr, j’ai vu la très sainte Hostie se mouvoir d’elle-même, sans que rien d’extérieur la touchât et pût être cause de ce mouvement, je l’ai vue venir à moi, alors que ma seule pensée disait: "Venez, Seigneur, à votre épouse. " Que celui qui veut le croire, le croie et loue Dieu; quant à celui qui ne voudra pas croire, un jour viendra, je n’en doute pas, où il reconnaîtra son erreur. Mais passons à d’autres récits, et puisque j’ai commencé par les faits connus de moi seul, je vais continuer en racontant un autre miracle, qui ne me semble ni moins grand, ni moins digne d’être rappelé que le précédent. Si l’on accepte mon témoignage ou du moins pour ceux qui l’accepteront, ce prodige montrera clairement combien le Seigneur Sauveur avait pour agréable l’ardent désir que ressentait l’âme de notre vierge pour la réception du très vénérable Sacrement. J’avoue que, si j ai bon souvenir, le fait que je raconte maintenant est arrivé avant le premier; mais nous n’avons pas à nous inquiéter ici beaucoup de la date, pourvu que le récit soit fidèle.

J’étais à Sienne où une assignation de mes supérieurs m’avait envoyé remplir l’office de lecteur; et il n’y avait pas longtemps que je connaissais Catherine. Je m’efforçais, ainsi que je l’ai dit plus haut, de lui procurer autant que je le pouvais les consolations de la sainte Communion; aussi s’adressait-elle à moi avec plus de confiance qu’aux autres religieux du couvent quand elle voulait s’approcher de la sainte Table. Un matin qu’elle désirait vivement communier, il se trouva que son mal d’entrailles et ses autres infirmités l’accablaient plus encore que d’habitude; mais son pieux désir, au lieu de diminuer, n’en devint que plus ardent.

Elle espérait qu’au bout de quelque temps ses douleurs se calmeraient un peu, et elle m’envoya une de ses compagnes, qui vint me dire au moment où j’entrais à l’église à l’heure de la messe: Catherine vous demande de retarder un peu votre messe, car elle souffre beaucoup à ce moment, et elle voudrait cependant absolument communier ce matin. J’y consentis bien volontiers et me rendis au chœur où, après avoir assisté à tout l’office conventuel, je continuais d’attendre sans savoir que la vierge du Seigneur était venue à l’église vers l’heure de Tierce pour satisfaire son saint désir. Ses compagnes considérant que l’heure était avancée, essayaient de la décider à ne pas communier ce jour-là, pour ne pas donner occasion de scandale aux Frères que cette communion tardive ferait murmurer. Car elles savaient bien que, dans son action de grâces, Catherine restait en extase trois ou quatre heures et même plus sans bouger du lieu où elle se trouvait ; ce qui obligeait à laisser l’église ouverte à une heure où on aurait dû la fermer (Les églises sont généralement fermées en Italie pendant les heures de la méridienne) et provoquait souvent les plaintes de Frères ignorants. Notre sainte, humble et discrète, n’osant pas les contredire, finit par céder à leurs remontrances; mais, toujours désireuse du pain eucharistique, elle eut recours comme d’habitude à la prière. Elle se prosterna près d’un banc placé tout au bas de l’église et se mit à prier avec ferveur son Époux de vouloir bien répondre lui-même au désir qu’il lui avait inspiré, puisqu’elle ne pouvait plus en obtenir satisfaction des hommes. Le Dieu tout-puissant, qui ne méprise jamais les prières de ses serviteurs, répondit non seulement miséricordieusement, mais merveilleusement, au voeu de son épouse, par le miracle que je vais décrire.

Je ne savais absolument rien de ce qui se passait et je croyais Catherine encore chez elle. Quand il eut été décidé qu’elle ne communierait pas, une de ses compagnes vint me trouver à la place où j’étais resté à attendre et me dit : " Catherine vous prie de célébrer la messe quand il vous plaira, car elle ne peut pas communier aujourd’hui. " Je m’en allai alors à la sacristie, je revêtis les ornements sacrés et me rendis à un autel qui se trouve au chevet de l’église et qui est dédié, si je ne me trompe, au bienheureux Paul, puis je commençai la messe comme de coutume. J’étais séparé de Catherine par toute la longueur de 1’édifice et j’ignorais complètement qu’elle fût alors à l’église. Quand, après la Consécration et le Pater, je voulus, conformément au rite de la sainte Église, briser d’abord en deux parts l’hostie consacrée pour diviser ensuite en deux autres une de ces parties, il se trouva qu’à la première fraction je n’eus pas seulement deux parcelles, mais trois, deux grandes et une petite, longue comme une fève ordinaire, mais un peu moins large. Cette petite parcelle était cependant assez considérable pour que je ne doutai point qu’elle ne contînt encore réellement le Corps de Notre-Seigneur ( La présence du corps de Notre-Seigneur cesse quand la parcelle d’hostie est si petite qu’elle n’est plus perceptible aux sens). Mon regard attentif l’avait fort bien vue éclater par-dessus le calice sur lequel je brisais l’hostie comme de coutume et tomber sur le corporal. J’avais parfaitement suivi son mouvement vers le pied du calice, mais je ne pus jamais l’apercevoir sur le corporal même. Je crus que c’était la blancheur du corporal qui m’empêchait de distinguer cette blanche parcelle d’hostie, et je fis la seconde fraction. Après avoir récité l’Agnus Dei et communié, j’étendis la main droite devenue libre (Au rite dominicain, le prêtre tient l’hostie sur le calice, depuis la prière du " Pax Domini " jusqu’à la communion), de l’autre côté du calice à l’endroit du corporal où j’avais vu tomber la petite parcelle; mais j’eus beau toucher et palper en tout sens le corporal, avec mes doigts, je n’y pus rien trouver. J’en fus profondément troublé ; j’achevai alors les cérémonies prescrites pour la communion et, après avoir pris le précieux Sang, je cherchai à nouveau et palpai très soigneusement tout le corporal; mais ni la vue, ni le tact, ne purent rien découvrir, bien que j’eusse cherché longtemps et avec une grande attention. J’en fus encore plus chagrin et affligé jusqu’aux larmes. Je voulus cependant terminer la messe à cause des personnes séculières qui y assistaient, et attendre leur départ pour continuer mes recherches avec tout le soin possible et sur toutes les parties de l’autel. La messe finie, et les assistants partis, je visitai encore une fois minutieusement non seulement le corporal, mais tout l’autel, sans pouvoir rien trouver qui ressemblât en quoi que ce soit à la parcelle cherchée. En face de moi derrière l’autel se dressait un grand retable avec des images des saints; je ne pouvais donc pas supposer que le fragment d’hostie aie pu passer de l’autre côté de ce retable, quoique je l’aie très bien vu prendre cette direction. Pour plus de sûreté, je visitai encore les côtés de l’autel, je descendis sur le pavé cherchant partout avec grand soin et grande attention, mais sans résultat. Ne sachant que faire, je résolus de parler de Cet accident au Prieur du couvent, religieux instruit et craignant Dieu. Je couvris soigneusement l’autel et, appelant le sacristain, je lui commandai de ne laisser personne approcher de cet autel jusqu’à mon retour. Je revins donc à la sacristie bien triste et bien inquiet, et je déposai les ornements sacrés avec l’intention d’aller immédiatement trouver le Prieur et de m’en rapporter à ses conseils.

A peine avais-je ôté mes ornements qu’arriva le Prieur de Saint-Rignardo, dom Christophe, qui fut dans la suite Prieur de la Chartreuse et a raconté ce fait à dom Étienne, son successeur dans le gouvernement de cette même Chartreuse. Je connaissais dom Christophe, et nous étions très liés d’amitié. Il me demanda de lui procurer une entrevue avec Catherine, et, comme je le priais d’attendre un instant et de me laisser traiter d’abord une affaire que j’avais à régler avec mon Prieur, il me répondît: " C’est aujourd’hui jeûne solennel, je dois rentrer promptement au monastère, et vous savez combien de milles le séparent de la ville. Pour l’amour de Dieu, ne tardez pas, car, en conscience, j’ai absolument besoin de parler à Catherine. " Je dis alors au sacristain : " Ne vous éloignez pas d’ici, et gardez cet autel, comme je vous l’ai demandé, jusqu’à mon retour. " Puis, je me rendis avec dom Christophe à la demeure de notre sainte, Mais ceux qui s’y trouvaient me disent que la vierge était partie depuis longtemps pour se rendre à notre église, et qu’elle y était encore. J’en fus bien surpris, et revenant avec dom Christophe à l’église, j’y trouvai tout au bas les compagnes de la sainte. Je leur demandai où était Catherine, elles me la montrèrent prosternée sur le banc et en extase, comme d’ordinaire. J’avais toujours sur le coeur, le malheur qui m’était arrivé. Je priai donc les compagnes de notre vierge d’employer tous les moyens possibles pour la tirer de son extase, car nous étions très pressés. Aussitôt qu’elle eut repris connaissance, je m’assis à côté d’elle avec le Prieur des Chartreux, et, pressé par la douleur qui me tourmentait intérieurement, je commençai le premier à lui raconter à voix basse et brièvement l’accident de la messe et la peine dont j’étais affligé. Elle eut aussitôt un léger sourire, et me répondit comme une personne déjà bien informée " N’avez-vous pas cherché partout? " "Oui", lui répondis-je. Pourquoi dès lors, continua-t-elle, avoir si grand chagrin de cet accident? Et cela dit, elle ne put s’empêcher de sourire à nouveau. Ce sourire me parut significatif, et je me tus, pour laisser la parole au Prieur des Chartreux, qui se retira aussitôt après avoir obtenu l’avis qu’il désirait. Déjà rassuré par la première réponse et soupçonnant ce qui s’était passé, je dis alors à la sainte : " En vérité, ma Mère, je crois bien que c’est vous qui m avez dérobé cette parcelle d’hostie. " Elle me répondit en riant " Ne m’accusez pas, Père, ce n’est pas moi, mais un autre; je puis vous dire seulement, que vous ne trouverez plus. cette parcelle. " Je la pressai alors de m’expliquer clairement tout ce qu’elle savait; et elle continua : " Père, ne vous mettez pas en peine de ce fragment d’hostie, car je vous déclare en toute vérité, comme à mon confesseur et à mon Père spirituel, que Notre-Seigneur Jésus-Christ me l’a apporté et m’a communié de ses propres mains. Mes compagnes ne voulaient pas me laisser faire la sainte communion ce matin, à cause de ceux qui s’en seraient plaint; je n’ai pas voulu les contrister et devenir pour d’autres une occasion de scandale, mais j’ai eu recours à la souveraine bénignité de mon Époux. Il m’est apparu lui-même et m’a offert miséricordieusement la parcelle qui vous a été enlevée. C’est de ses mains sacrées que je l’ai reçue. Réjouissez-vous donc en ce même Seigneur, car il ne vous est rien arrivé de fâcheux; et moi j’ai reçu aujourd’hui si grande faveur que je veux passer toute cette journée à chanter des louanges et des actions de grâces à mon Sauveur.

Ces paroles changèrent ma tristesse en joie, et donnèrent à mon âme une telle sécurité qu’il ne me fut plus possible d’avoir la moindre inquiétude. Réfléchissant à tout ce qui s’était passé, je me disais : " N’ai-je pas bien vu cette parcelle tomber sur le corporal, et cependant je n’ai jamais pu l’y apercevoir. Aucun vent ne soufflait sur l’autel, qui est abrité de partout. D’ailleurs il n’y avait de vent ni à l’intérieur ni à l’extérieur de l’église; et si la parcelle s’était ainsi envolée, j’aurais vu de quel côté elle se dirigeait1 puisque j’avais les yeux fixés sur elle. Mais il n’y avait pas le moindre souffle, ni fort ni léger, quand je l’avais vue tomber; j’examinais attentivement la place où elle devait arriver; c’est pendant ce mouvement qu’elle avait disparu à mes regards, sans que j’aie pu la trouver ensuite, ni à cet endroit ni à côté, et cependant je l’avais cherchée trois fois, avec un soin qui m’aurait permis de retrouver un grain de sénevé. Je me rappelais encore que la vierge ne m’avait témoigné nulle compassion, qu’elle avait même souri quand je lui contai la grande amertume de mon âme. Lorsque je lui eus dit que j’avais perdu une parcelle d’hostie consacrée, elle ne s’en était nullement émue et m’avait répondu d’un air tranquille : " N’avez-vous pas soigneusement cherché sans pouvoir rien trouver, pourquoi dès lors vous attrister? " En pensant à toutes ces circonstances et à d’autres encore, mon esprit fut tellement rassuré que je fus bien obligé de quitter toute tristesse et tout souci de nouvelles recherches. J’ai donc eu parfaite connaissance de ces deux merveilles que le Seigneur a accordées, dans la sainte Communion, aux mérites de Catherine, et je les ai racontées, pour ne pas être exposé à me voir accusé d’ingratitude et de négligence par Dieu ou par les hommes. Passons maintenant à des prodiges de même nature, que j’ai appris d’autres personnes.

Plusieurs témoins, hommes et femmes, qui ont assisté quelquefois aux messes, où Catherine communiait, m ont rapporté qu’ils voyaient parfaitement l’hostie s’envoler des mains du prêtre, pour entrer dans la bouche de la sainte. Ils l’ont même vue s’échapper ainsi de mes propres mains quand je la présentais à la vierge. Pour moi je n’ai pas eu la sensation bien nette de ce mouvement miraculeux, mais je remarquais très bien le bruit que faisait la sainte hostie, en entrant dans la bouche de Catherine, bruit semblable à celui d’une petite pierre, qu’on y aurait fortement lancée d’assez loin. Frère Barthélemy Dominici, alors professeur d’Écriture sainte, et maintenant Prieur Provincial de nos religieux de la Province romaine, dit aussi que les deux doigts qui tenaient l’hostie consacrée la sentaient très bien s’envoler, quand il communiait notre vierge. Je n’ose ni affirmer en toute assurance ces faits, ni les nier, et laisse à la discrétion du pieux lecteur le soin de juger de la créance qu’il faut leur accorder, en les comparant aux miracles bien prouvés que j’ai rapportés tout à l’heure. Enfin, comme il serait inutile de répéter ce que j’ai déjà dit dans des chapitres sur le même sujet, nous terminerons ici le récit des merveilles eucharistiques, pour parler brièvement des miracles qui ont trait aux reliques des saints, et finir par là notre seconde partie.

Catherine avait appris par révélation qu’elle serait placée dans le royaume des cieux avec la bienheureuse sainte Agnès de Monte Pulciano, qu’elle jouirait du même degré de gloire et l’aurait ainsi comme compagne d’éternelle béatitude. Cette révélation, que la sainte nous a confidentiellement avoué, tant à moi qu’à son autre confesseur, lui avait mis au coeur un vif désir de visiter les reliques de cette bienheureuse et de recevoir ainsi, dès cette vie, les premières arrhes du  bonheur sans fin, que pareille compagnie devait lui procurer dans la, vie éternelle. Mais peut-être que l’ignorance des mérites de la bienheureuse vierge Agnès vous empêcherait, lecteur, de bien comprendre les prodiges que je vais raconter. Je vous dirai donc que, par ordre de mes supérieurs, j’ai en pendant plus de trois ans la direction du monastère où repose le corps de cette sainte. C’était au temps de ma jeunesse.

Avec les écrits trouvés dans le monastère et les relations orales de quatre religieuses, disciples d’Agnès et encore vivantes alors, j’ai composé une vie de la bienheureuse; et je vais vous en faire un court résumé pour vous donner une idée de la sainteté et des miracles de cette vierge. Agnès n’est pas encore inscrite au Catalogue des Saints; mais la Bonté divine l’a cependant tellement prévenue de ses grâces et de ses bénédictions que les personnes présentes à la naissance de cette enfant, virent parfaitement des lumières apparaître dans la chambre où sa mère la mit au monde. Ces lumières miraculeuses, qui disparurent après l’enfantement, furent pour tous les assistants le présage des mérites que devait avoir auprès de Dieu la petite fille qui venait de naître. Chaque année de son existence ne fit en effet qu’ajouter à la beauté et à l’excellence de ses vertus. Elle fonda deux monastères et repose aujourd’hui dans le second, qu’elle illustra pendant sa vie et plus encore après sa mort, par de nombreux et éclatants prodiges.

Parmi les miracles qui ont suivi la mort d’Agnès, citons la conservation merveilleuse de son corps virginal, qui n’a jamais été enterré. Les gens du pays voulaient, à cause des prodiges qui avaient illustré la vie de la sainte, embaumer son corps pour le garder intact plus longtemps. Mais alors on vit sortir goutte à goutte, de l’extrémité de ses mains et de ses pieds, une liqueur très précieuse, que les Soeurs ont recueillie conservée dans un vase de verre et qu’elles montrent encore aujourd’hui aux pèlerins. Cette liqueur a la couleur du baume; mais, à mon avis, elle a bien autrement de prix. Le Dieu tout-puissant a voulu montrer par là qu’il n’était pas besoin de baume naturel pour un corps qui produisait surnaturellement un baume si merveilleux. De plus, à l’heure où Agnès mourait au milieu du silence de la nuit, les petits enfants, filles et garçons qui couchaient avec leurs parents, se mirent à crier : " Voilà que soeur Agnès quitte son corps et devient une sainte du ciel. " Au matin, on vit se rassembler, sous la seule impulsion d’une inspiration divine, une troupe de petites filles innocentes. Elles ne voulurent admettre parmi elles aucune enfant corrompue, et, s’étant procuré des cierges, elles s’en allèrent en procession au monastère d’Agnès, offrir à cette vierge leur virginale oblation. Le Seigneur s’est encore servi de cette sainte pour faire éclater aux regards du peuple de ce pays beaucoup d’autres prodiges. Aussi la mémoire d’Agnès est-elle fêtée chaque année, avec des honneurs extraordinaires, par tous les habitants de la région ; on la célèbre très dévotement et on offre en ce jour nombre de cierges, et de grands cierges.

La vierge Catherine, dont nous racontons aujourd’hui la vie, voulut donc aller visiter et vénérer le corps d’Agnès. Mais, toujours fille d’obéissance, elle nous en demanda la permission, à moi et à son autre confesseur. Après la lui avoir accordée, nous la suivîmes pour voir ce qui se passerait, et si le Très-Haut ne ferait pas quelque prodige au moment où ces deux vierges, ses épouses choisies, seraient ainsi réunies. Le miracle eut lieu en effet. La sainte, étant arrivée avant nous, entra aussitôt à l’intérieur du monastère et s’approcha dévotement du corps de la vierge Agnès. Toutes les religieuses étaient présentes, ainsi que les Soeurs du bienheureux Dominique, qui accompagnaient Catherine. Celle-ci se mit à genoux aux pieds du corps de la bienheureuse et commença d’incliner la tête pour les baiser. A ce moment, tous les assistants virent le corps inanimé lever en l’air un de ses pieds et le présenter respectueusement au baiser de celle qui s’inclinait. Aussitôt Catherine s’inclina davantage et ce pied reprit ainsi peu à peu sa première position. Remarquez ici la raison pour laquelle là vierge Agnès n’a levé qu’un seul pied. Si elle les eût levés tous les deux, on aurait pu croire que la partie supérieure de ce corps inanimé et raidi s’était inclinée par suite d’un accident qui aurait en même temps soulevé naturellement les parties inférieures; tandis que ce mouvement d’un seul pied nous apparaît évidemment comme l’oeuvre d’une vertu divine, dépassant les forces de la nature et excluant toute possibilité d’illusion. Et ce n’est pas sans raison que je fais cette remarque, car le lendemain, quand nous arrivâmes à notre tour au monastère, on parlait beaucoup du miracle accordé aux mérites des deux vierges par leur Époux; mais on nous dit en même temps que quelques-unes des religieuses, un petit nombre il est vrai, après avoir été les témoins de ce prodige, calomniaient l’oeuvre de Dieu à l’imitation des Pharisiens, qui disaient du Sauveur : " C’est par Béelzébub, prince des démons, qu’il chasse les démons (Lc 11, 15) " Comme j’avais reçu du Prieur Provincial autorité sur ce monastère, je réunis, selon la règle de l’Ordre, toutes les religieuses au chapitre, et, au nom de la sainte obéissance, je les obligeai de répondre à l’enquête minutieuse que je fis sur ce miracle. Il fut clairement établi par les affirmations de toutes les Soeurs présentes. Je m adressai alors à une de celles qui étaient des plus ardentes à mal interpréter ce prodige, et je lui demandai si le fait s’était bien passé comme les autres l’attestaient. Elle reconnut spontanément, et devant tout le chapitre, que les dires des Soeurs étaient absolument exacts, mais elle voulut donner aux intentions de la bienheureuse Agnès, en cette circonstance, une interprétation différente de celle que nous croyions être la vraie. Je lui répondis " Ma très chère Soeur, nous ne vous interrogeons pas sur ce qu’a voulu faire Agnès, nous savons bien que vous n’êtes ni sa conseillère ni sa secrétaire, nous vous demandons simplement si vous avez vu la miraculeuse élévation du pied. " Oui dit-elle. ", Je lui donnai alors, pour les mauvais propos qu’elle avait tenus, la pénitence que le zèle du Seigneur et le bon exemple de la communauté me firent trouver convenable et cet incident m’a permis d’écrire, avec plus d’assurance encore, ce que je vous raconte.

Quelque temps après, Catherine revint encore une fois au monastère de la bienheureuse Agnès, pour y consacrer au service du Très-Haut deux de ses nièces, filles de son frère. Elle reçut, dans cette nouvelle visite au corps de la vierge Agnès, une nouvelle grâce miraculeuse qu’il ne m’est pas permis de passer sous silence. Aussitôt qu’elle fut arrivée et entrée au monastère, elle se hâta, comme la première fois, d’aller vénérer le corps virginal de la bienheureuse. Elle fut suivie des compagnes qui étaient venues avec elle et de quelques religieuses. Quand elle fut près du corps, elle ne se plaça pas aux pieds, comme à la visite précédente, mais elle s’approcha toute joyeuse de la tête. Peut-être, dans sa parfaite humilité, voulait-elle éviter une nouvelle élévation miraculeuse du pied, peut-être aussi se souvint-elle que Madeleine avait répandu ses parfums, la première fois, sur les pieds du Seigneur, et, la seconde fois, sur la tête de ce même Seigneur, tandis qu’il était à table ( Mt 26, 6). S’étant donc approchée de la tête du saint corps, Catherine mit ses joues sur les tissus d’or et de soie qui recouvraient les joues d’Agnès et les y tint longtemps ainsi. Puis, au bout de quelque temps, elle se retourna joyeuse vers Lysa, sa compagne, encore vivante aujourd’hui, et qui était la mère des deux jeunes filles qu’elle avait amenées, et lui dit humblement: " Pourquoi ne faites-vous pas attention au don qui nous est envoyé du Ciel, et n’en témoignez-vous pas votre gratitude? " A ces mots, Lysa et les autres personnes présentes levèrent les yeux et virent tomber d’en-haut comme une pluie de manne très blanche et très fine, assez abondante pour couvrir non seulement le corps d’Agnés, mais aussi Catherine et tous les assistants. Lysa put ramasser une pleine poignée de cette manne. Ce miracle était significatif, car pareille pluie merveilleuse de manne avait été très souvent accordée à Agnès pendant sa vie, surtout quand elle était en oraison. Les jeunes filles qu’elle formait au service du Seigneur voyaient fréquemment la sainte se relever de sa prière avec un manteau tout blanchi, et comme elles voulaient le secouer, ne soupçonnant pas le prodige, Agnès était obligée de le leur défendre doucement, ainsi que je me rappelle l’avoir écrit dans sa vie. La bienheureuse renouvela donc ce miracle, qui lui était habituel, pour honorer sur la terre et s’associer par avance la vierge Catherine, qu’elle devait avoir pour compagne dans le ciel. Toute âme intelligente pouvait d’ailleurs voir dans les grains petits et blancs de la manne le symbole des vertus d’humilité et de pureté qui brillèrent d’un éclat tout particulier dans la vie de nos deux saintes. Je m’en suis parfaitement rendu compte en écrivant ces vies, oeuvre que je dois à la pure miséricorde du Sauveur, non à mes propres mérites, et dont la valeur se mesure à la grâce qui m’a été donnée.

Ce dernier miracle eût pour témoins toutes les compagnes de Catherine, et, parmi elles, Lysa qui est encore vivante, puis beaucoup de religieuses du monastère, qui toutes ont attesté la vérité de ce fait, à moi et aux religieux qui m’accompagnaient. Elles nous ont raconté et affirmé qu’elles avaient vu de leurs propres yeux le prodige. Beaucoup d’entre elles ont déjà quitté ce monde; mais leur témoignage n’est pas mort, puisque nous vivons encore, nous qui l’avons recueilli, mes compagnons aussi bien que moi. Lysa montra et donna à plusieurs personnes de la manne qu’elle avait ramassée.

Le Seigneur s’est encore servi de son épouse, vivant au milieu des hommes, pour montrer au monde beaucoup d’autres merveilles qui ne sont pas écrites dans ce livre. Ce que j’ai raconté, je l’ai fait pour la gloire de Dieu, l’honneur du nom divin et le salut des âmes. J’ai voulu aussi ne pas être un jour accusé d’ingratitude vis-à-vis des dons du Ciel. Je ne devais pas, Dieu m’en garde, envelopper dans un suaire le talent qui m’avait été confié, mais il me fallait bien employer mes pauvres forces à lui faire rapporter quelque intérêt, afin de pouvoir, au jour fixé, le rendre avec usure au Seigneur tout-puissant ( Mt 25,15). Je termine ici la seconde partie de cette histoire pour passer à la troisième, où nous parlerons de la mort de Catherine et des miracles qui accompagnèrent ou suivirent cette mort. Puissent ces trois parties de notre livre rendre à l’éternelle Trinité, louange, honneur et gloire, dans les siècles des siècles.

   

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