LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

Vie de Sainte Catherine de Sienne
par le bienheureux Raymond de Capoue

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE VIII

ORIGINE ET FONDATION DE L’ÉTAT RELIGIEUX DES SŒURS DE LA PÉNITENCE DU BIENHEUREUX DOMINIQUE. D’OU EST VENUE LEUR RÈGLE DE VIE.

Dans ce chapitre, j’expose à tous ceux qui me lire ce que j’ai lu moi-même, ce que j’ai appris de témoins dignes de foi, en diverses parties de l’Italie, et ce qu’attestent les actes mêmes de notre bienheureux Père. Le bienheureux Dominique, glorieux champion de la foi catholique, athlète du Christ, semblait avoir reçu la mission sacrée de soutenir le bon état de l’Église catholique. Il faisait, par lui-même et par ses Frères, une guerre victorieuse aux hérétiques, tant à Toulouse qu’en Lombardie. Au temps de sa canonisation, il fut juridiquement prouvé devant le Souverain Pontife que son enseignement et ses miracles avaient converti, dans la seule Lombardie, plus de 100.000 hérétiques. Néanmoins les esprits étaient tellement infectés de la doctrine empoisonnée de l’hérésie que presque tous les bénéfices ecclésiastiques avaient été usurpés par des laïcs, qui en jouissaient comme de biens héréditaires. Hélas, ô douleur ! cela est encore fréquent dans bien des pays d’Italie. A cause de cette usurpation, les évêques, réduits à la mendicité, n’avaient aucune puissance pour résister aux fauteurs de l’hérésie, et ils ne pouvaient soutenir et nourrir les clercs et les pauvres, conformément au devoir de leur charge. L’âme zélée du bienheureux Dominique ne put supporter le spectacle de pareils abus. Tout en choisissant pour lui et les siens une éminente pauvreté, il lutta pour garder à l’Église ses richesses.

Il réunit quelques laïcs qu’il savait remplis de la crainte de Dieu et commença de s’entendre avec eux pour l’organisation d’une sainte milice, qui aurait pour but de recouvrer et de défendre les droits des églises, et aussi de résister à la malice de l’hérésie. Ce projet fut réalisé. Le saint décida en effet tous les hommes de bonne volonté qu’il rencontra à lui promettre avec serment de poursuivre, même au péril de leur vie et de leurs biens, le but que nous venons d’exposer. Pour que leurs épouses ne missent pas obstacle à cette oeuvre sainte, il faisait aussi jurer à ces femmes de ne point gêner leurs maris, mais de les aider à leur façon de tout leur pouvoir. Il promettait à tous les époux qui observeraient ce serment la vie éternelle comme récompense assurée, et il les appela " Frères de la Milice de Jésus-Chris " Il voulut ensuite les distinguer des autres laïcs par quelque signe extérieur et leur prescrire quelques œuvres de surérogation, ajoutées aux pratiques communes de la vie chrétienne. Il leur donna donc un habit pareil au sien pour la couleur. Aucune forme spéciale n’était prescrite; mais tous, hommes ou femmes, devaient porter des vêtements blancs et noirs, de sorte que ces deux couleurs apparussent, extérieurement, comme symbole d’innocence et d’humilité. De plus il leur détermina un certain nombre d’oraisons dominicales et de salutations angéliques, qu’ils devaient réciter à la place de chaque heure canonique, afin d’avoir eux aussi leur Office divin.

Cette œuvre étant instituée, notre bienheureux Père, déposant le fardeau de sa chair, s’envola au ciel. Les miracles, qui se multiplièrent, décidèrent le Siège Apostolique à l’inscrire au catalogue des saints et à le proposer au culte de l’Église universelle. Dès lors les Frères et Sœurs dits de la Milice de Jésus-Christ, voulant tout particulièrement rendre grâce et honneur à leur glorieux fondateur, décidèrent de changer de nom et s’appelèrent les Frères de la Pénitence du bienheureux Dominique. Il y eut aussi un autre motif de ce changement. Grâce aux mérites et aux miracles du bienheureux Père, grâce aussi aux labeurs et à l’enseignement de ses Frères, la peste de l’hérésie avait presque disparu et les luttes extérieures ne paraissaient plus très nécessaires. Il ne restait plus qu’à combattre l’ennemi intérieur par la pénitence. De là ce choix particulier du nom de " Pénitence ". Mais le bataillon des fidèles prêcheurs allait chaque jour croissant, et parmi eux brilla, comme l’astre du matin, Pierre, martyr et vierge, qui, dans sa mort, broya plus d’ennemis que pendant sa vie. La tourbe des renards qui voulaient ravager la vigne du Seigneur des armées fut presque anéantie, et sous l’action de Dieu, la paix fut rendue à la sainte Eglise. La raison de la Milice disparaissant complètement, la Milice elle-même disparut. Mais à la mort des hommes qui en faisaient partie, leurs femmes survivantes, après avoir pratiqué avec leurs maris la vie religieuse, n’osaient plus se marier à nouveau et conservaient jusqu’à la fin la manière de vivre qu’elles avaient observée jusque-là. Ce que voyant, d’autres veuves qui n’avaient pas appartenu à la Milice, mais qui avaient résolu de rester dans le veuvage, voulurent suivre lesdites Soeurs de la Pénitence du bienheureux Dominique et imiter leurs observances pour la rémission des péchés. Leur nombre se multipliant chaque jour en divers lieux d’Italie, elles obligèrent les Frères habitant ces lieux de les former à la manière de vivre instituée pour la Milice par le bienheureux Dominique. Comme ce mode de vie n’était pas très sévère, un Père de sainte mémoire, nommé Frère Munio, Espagnol de nation, qui gouvernait alors l’Ordre entier, rédigea par écrit les lois de ce genre de vie, lois qu’elles ont encore aujourd’hui et qu’elles appellent " Règle ". Ce n’est cependant pas là une Règle à proprement parler, et cet état ne doit pas être dit " état régulier ", puisqu’il ne renferme pas les trois vœux qui constituent l’essence de toute religion.

Le nombre et le mérite desdites Sœurs allaient donc croissant en divers pays d’Italie. Le seigneur pape Honorius IV, de sainte mémoire, informé de leur bonne renommée, leur concéda, par une bulle, le privilège d’entendre les offices divins en temps d’interdit, dans l’église des Frères Prêcheurs. De même, le seigneur pape Jean XXII, après avoir promulgué sa Clémentine contre les Béguines et les Bégards, déclara que cotte bulle ne s’appliquait pas aux Sœurs dites de la Pénitence du bienheureux Dominique établies en Italie et qu’elle ne modifiait absolument en rien leur état.

Vous voyez maintenant, lecteur, pourquoi, aujourd’hui, cette règle de vie n’est pratiquée que par des femmes, et pourquoi les Sœurs de Sienne avaient répondu tout d’abord qu’elles n’avaient pas coutume de recevoir des vierges, mais seulement des veuves éprouvées.

J’ai pris la plupart de ces renseignements dans des documents écrits, trouvés en différentes parties de l’Italie. J’en ai recueilli quelques autres, mais fort peu, en écoutant et en interrogeant des témoins de l’un et l’autre sexe, tout à fait dignes de foi, et des plus anciens parmi les Frères Prêcheurs ou les Sœurs de la Pénitence.

Finissons donc ici ce chapitre et revenons à notre sujet.

   

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