adveniat regnum tuum

     

L’Amour de Dieu

Dieu veut que nous L’aimions. Nous L’aimons. Mais, au juste, qu’est Dieu réellement pour nous ?

Dieu nous a donné la vie ; Il est pour nous Providence, et Miséricorde. Il est aussi le Rédempteur. “Il nous a rendus siens par le Baptême, et nous a nourris tendrement selon le cœur et selon le corps, par un Amour incompréhensible; et pour nous acquérir la vie, Il a supporté la mort, et nous a nourris de sa  propre Chair et de son propre Sang... Ce divin Rédempteur étendu sur la Croix... meurt d’amour pour nous, mais d’un Amour plus douloureux que la mort même, ou d’une mort plus amoureuse que l’amour même.” [1] 

Par sa Providence, Dieu pourvoit à tous nos besoins puisque “c’est l’acte par lequel Dieu peut fournir aux hommes et aux anges les moyens nécessaires ou utiles à leur fin... Cette Providence touche tout, règne sur tout et réduit tout à sa Gloire.””[2] 

Donc, la Providence pourvoit aussi à nos besoins spirituels, et ses grâces sont, elles aussi, variées à l’infini : “... Puisque la beauté du monde requiert la variété, il faut qu’il y ait des différentes et inégales perfections dans les choses, et que l’une ne soit pas l’autre... C’en est de même dans les choses surnaturelles: chaque personne a son don; un ainsi, et l’autre ainsi, dit le Saint-Esprit... L’Église est un jardin diapré de fleurs infinies; il y en faut donc de diverses grandeurs, de diverses couleurs, de diverses odeurs et en somme de différentes perfections.” [3] 

Toutes ces pièces diversifiées ont leur usage propre, “ou pour faire paraître la très sainte justice de Dieu, ou pour manifester la triomphante miséricorde de sa bonté, comme par une sonnerie de louanges... Son Amour envers nous est un abîme incompréhensible : c’est pourquoi il nous a préparé une riche suffisance, ou plutôt une riche affluence de moyens propres pour nous sauver... sa sagesse souveraine ayant, par son infinie science, prévu et connu tout ce qui était requis à cet effet.” [4]

Dieu connaît bien notre faiblesse, aussi sa Providence nous a-t-elle aussi donné une sainte crainte, que François de Sales appelle “crainte servile” jusqu’à ce que nous ayons enfin acquis la charité parfaite: “Tandis que la Providence divine fait la broderie des vertus et l’ouvrage de son Saint Amour en nos âmes, elle y laisse toujours la crainte servile ou mercenaire, jusques à ce que la charité étant parfaite, elle ôte cette aiguille piquante.” [5] 

En effet, “les éclairs, tonnerres, foudres, tempêtes, inondations, tremblements de terre et autres tels accidents inopinés excitent même les plus indévots à craindre Dieu...” Il sont d’ailleurs appelés “voix du Seigneur” ou “paroles du Seigneur” par le psalmiste. Cette crainte servile est “un effet d’une très bonne cause, et cause d’un très bon effet, car elle provient de la connaissance naturelle que Dieu nous a donnée de sa Providence et nous fait reconnaître combien nous dépendons de la toute puissance souveraine, nous incitant à l’implorer et, se trouvant en une âme fidèle, elle lui fait beaucoup de bien.”  [6] 

Par sa Miséricorde, Dieu regarda notre nature humaine et la prit en pitié. “Sa Miséricorde a été plus salutaire pour racheter la race des hommes que la misère d’Adam avait été vénéneuse pour la perdre... La faveur céleste prend plaisir de convertir toutes ces misères au plus grand profit de ceux qui l’aiment... Sa miséricorde, comme une huile sacrée, se tient au-dessus du jugement, et ses misérations (sic) surmontent toutes ses œuvres.”[7] "Dieu ne délivre personne de la damnation sinon par sa Miséricorde gratuite, par Jésus-Christ Notre Seigneur.”  [8] 

La Miséricorde de Dieu va encore beaucoup plus loin: “elle convertit et gratifie ordinairement les âmes en une manière si douce, si suave et délicate, qu’à peine aperçoit-on son mouvement; et néanmoins, il arrive quelquefois que cette bonté souveraine... comme un fleuve enflé et pressé de l’affluence de ses eaux qui débordent... fasse une effusion de grâces si impétueuse, quoiqu’amoureuse, qu’en un moment elle détrempe et couvre toute une âme de bénédictions, afin de faire paraître les richesses de son Amour...

La grâce a des forces non pour forcer, mais pour allécher le cœur; elle a une sainte violence non pour violer notre liberté, mais pour la rendre amoureuse; et elle agit si fortement et si suavement que notre volonté ne demeure point accablée sous une si puissante action; elle nous presse, mais elle n’oppresse pas notre franchise (liberté)... tant la main de Dieu est aimable au maniement de notre cœur, tant elle a de dextérité pour nous communiquer sa force sans nous ôter notre liberté et pour nous donner le mouvement de son pouvoir sans empêcher celui de notre vouloir ajustant sa puissance à sa suavité...”  [9]

Nous devons avoir une extrême complaisance de voir comment Dieu exerce sa Miséricorde, “car sa justice et sa Miséricorde sont également aimables et admirables;.. Ainsi, la mort, les afflictions, les sueurs, les travaux dont notre vie déborde... sont les peines du péché; mais, par sa douce Miséricorde, ce sont aussi des échelons pour monter au Ciel.”   [10]

Ayant contemplé la Miséricorde divine, François de Sales peut prier: “O bonté d’infinie douceur, que votre volonté est aimable! Que vos faveurs sont désirables! Vous nous avez créés pour la vie éternelle et votre Cœur Sacré, comme le cœur maternel rempli d’un amour incomparable, abonde en lait de miséricorde, soit pour pardonner aux pénitents, soit pour perfectionner les justes.”  [11]

L’action de Dieu en nous. La grâce du recueillement

Dieu perfectionne les justes, pour les remplir toujours davantage de son Amour, les transformer en Lui, et les conduire à l’union avec Dieu. Dieu leur donne  d’abord la grâce du recueillement, lequel “ne gît pas en notre volonté, mais advient quand il plaît à Dieu de nous faire cette grâce... Il arrive quelquefois que Notre Seigneur répande imperceptiblement au fond du cœur une certaine suavité qui témoigne sa présence, et alors les puissances, et même les sens extérieurs de l’âme, par un certain secret consentement, se retournent du côté de cette intime partie où est le très aimable et très cher Époux... Notre Seigneur retire ainsi à soi toutes les facultés de notre âme, lesquelles se ramassent autour de Lui comme en leur objet très désirable... Ce recueillement se fait par l’amour qui, sentant la présence du Bien-Aimé par les attraits qu’Il répand au milieu du cœur, ramasse et rapporte toute l’âme vers Lui par une très aimable inclination, par un très doux contournement et par un délicieux repli de toutes les facultés du côté du Bien-aimé qui les attire à soi par la force de la suavité.” [12] 

O Dieu éternel, quel mystère quand vous manifestez votre présence par les parfums délicieux que vous jetez dans nos cœurs! “Alors toutes les puissances de nos âmes entrent en un agréable repos, avec un apaisement si parfait qu’il n’y a plus aucun sentiment que celui de la volonté, laquelle, comme l’odorat spirituel, demeure doucement engagée à sentir sans s’en apercevoir, le bien incomparable d’avoir son Dieu présent.”  [13]

L’action de Dieu en nous nous conduit à l’union à Dieu et transforme nos âmes

Dieu présent peut agir et nous unir à Lui, ” car nulle âme ne peut s’unir à Dieu si Dieu ne va à elle; et nulle âme ne peut aller à Dieu si elle n’est tirée par Lui.” [14] Notre Seigneur pria son Père pour que tous ses disciples soient uns, comme Lui et le Père étaient UN.

L’âme juste peut devenir épouse de Notre Seigneur et être aussi très étroitement unie à son Seigneur. D’abord par la puissance de la Charité: “Dieu nous ayant donné sa Charité, et par elle la force... son Amour ne Lui permet pas de nous laisser aller seuls; mais il le fait mettre en chemin avec nous, il le presse et sollicite son Cœur de solliciter et pousser le nôtre à bien employer la sainte Charité.” [15] 

Dès lors, avec la Charité, l’âme va rapidement se transformer. “A force de se plaire en Dieu, on devient conforme à Dieu, et notre volonté se transforme en celle de la divine Majesté par la complaisance qu’elle y prend... La complaisance sacrée nous transforme en Dieu que nous aimons; et à mesure qu’elle est plus grande, la transformation est plus parfaite... L’amour est le plus pressant docteur et solliciteur pour persuader au cœur qu’il possède l’obéissance aux volontés et intentions du Bien-aimé... Quiconque se plaît véritablement en Dieu, désire de plaire fidèlement à Dieu et, pour lui plaire, de se conformer à Lui.” [16]

Nos cœurs ont soif de Dieu, une soif qui ne peut être étanchée que par Lui-même. Une soif qui ne sera vraiment et totalement étanchée qu’au ciel: “O Jésus! quelle joie pour le cœur humain de voir la face de la Divinité, face tant désirée, bien plus! face, l’unique désir de nos âmes!... Quelle union de notre cœur à Dieu là-haut au Ciel, où, après ces désirs infinis du vrai bien, jamais assouvis en ce monde, nous en trouverons la vivante et puissante source!...”  Quelle joie alors pour notre âme, toute haletante de la soif extrême du vrai bien, quand elle rencontrera la source inépuisable de la Divinité: “O vrai Dieu, quelle sainte et suave ardeur à s’unir et joindre à ces mamelles fécondes de la toute bonté, ou pour être tout abîmée (l’âme) en elles, ou afin qu’elle vienne toute en nous!” [17] 

Nous contemplerons alors Dieu comme notre fontaine de la béatitude et de la vie éternelle, nous contemplerons, non par la foi comme maintenant, mais “nous Le verrons par la lumière de gloire dans laquelle nous serons plongés et abîmés en elle... Dieu répandra dans notre entendement la lumière sacrée de gloire qui lui fera jour dans cet abîme de lumière inaccessible, afin que par la clarté de la gloire nous voyions la clarté de la divinité.”    [18] 

L’amour domine la volonté

La volonté gouverne nos facultés. "Elle a du pouvoir sur l’entendement et sur la mémoire,... non par force, mais par autorité, en sorte qu’elle n’est pas toujours infailliblement obéie... ” Si nous n’y prenons garde, notre volonté peut être dominée par nos mauvaises passions: “Avant que tu fasses le péché, tant que le péché n’est pas encore en ton consentement mais seulement en ton sentiment, c’est-à-dire qu’il est encore en ton appétit et non en ta volonté, ton appétit est sous toi, et tu le maîtriseras... Avant que ta volonté consente à l’appétit, elle domine sur lui, mais, après le consentement, elle devient son esclave.”  [19] 

L’amour est la première -et même le principe et l’origine- de toutes les passions. “C’est pourquoi c’est lui qui entre le premier dans le cœur, et parce qu’il pénètre et perce jusqu’au fond de la volonté où il a son siège, on dit qu’il blesse le cœur... Parlant de l’Amour sacré, il y a en sa pratique une sorte de blessure que Dieu lui-même fait quelquefois en l’âme qu’Il veut grandement perfectionner. Car Il lui donne des sentiments admirables et des attraits non pareils pour sa souveraine bonté, comme la pressant et sollicitant de L’aimer, et alors elle s’élance de force comme pour voler plus haut vers son divin objet; mais demeurant courte parce qu’elle ne peut pas tant aimer comme elle désire, ô Dieu! elle sent une douleur qui n’a point d’égale... Le cœur amoureux de son Dieu, désirant infiniment d’aimer voit bien que néanmoins il ne peut ni assez aimer ni assez désirer... Désirant d’aimer, il reçoit de la douleur; mais aimant à désirer, il reçoit de la douceur...” [20] 

Souvenons-nous que c’est toujours l’amour qui domine la volonté: “L’amour étant la première complaisance, il précède le désir,... il précède la délectation,... il précède l’espérance,... Il précède la haine, car nous ne haïssons le mal que pour l’amour que nous avons envers le bien... La droite volonté est l’amour bon, la volonté mauvaise est l’amour mauvais, c’est-à-dire en un mot, que l’amour domine tellement en la volonté qu’il la rend toute telle qu’il est... La volonté change aussi de qualité selon l’amour qu’elle épouse... La volonté n’aime qu’en voulant aimer, et de plusieurs qui se présentent à elle, elle peut s’attacher à celui que bon lui semble... Elle est maîtresse sur les amours... et demeure asservie à celui qu’elle choisit. Pendant qu’un amour vit en la volonté, il y règne et elle demeure soumise à ses mouvements... Pour faire vivre et régner l’Amour de Dieu en nous, nous devons amortir l’amour-propre, et si nous ne pouvons l’anéantir entièrement, au moins nous devons l’affaiblir en sorte qu’il n’y règne plus.”  [21]

L’amour, c’est la charité

La charité, c’est d’abord une amitié, mais “une amitié vraie car elle est réciproque. Dieu ayant aimé éternellement quiconque L’a aimé, L’aime ou L’aimera temporellement. Elle est déclarée et reconnue mutuellement, attendu que Dieu ne peut ignorer l’amour que nous avons pour Lui, puisque Lui-même nous le donne... Nous sommes en perpétuelle communication avec Lui, qui ne cesse de parler à nos cœurs par inspirations, attraits et mouvements sacrés...

Cette amitié de dilection, n’est pas un amour que les forces de la nature ni humaine ni angélique puissent produire, mais le Saint-Esprit le donne et le répand en nos cœurs... La charité, donc, est un amour d’amitié, une amitié de dilection de préférence, mais de préférence incomparable, souveraine et surnaturelle, laquelle est comme un soleil en toute l’âme, pour embellir de ses rayons, en toutes les facultés spirituelles pour les perfectionner, en toutes les puissances pour les modérer, mais en la volonté comme en son siège, pour y résider et lui faire chérir et aimer son Dieu sur toutes choses. Oh! que bienheureux est l’esprit dans lequel cette sainte dilection est répandue, puisque tous biens lui arrivent pareillement avec elle.”  [22]

La charité, c’est aussi et nécessairement, l’amour pour le prochain       

L’amour de Dieu conduit nécessairement à l’amour du prochain.”La même charité qui produit les actes de l’amour de Dieu produit aussi ceux de l’amour du prochain... Une même dilection s’étend à chérir Dieu et le prochain. Car aimer le prochain par charité, c’est aimer Dieu en l’homme, ou l’homme en Dieu ; c’est chérir Dieu seul pour l’amour de Lui-même et la créature pour l’amour de Lui... 

Notre prochain, Dieu l’a formé comme nous à son image et ressemblance. “C’est pourquoi non seulement le divin Amour commande maintes fois l’amour du prochain, mais il le produit et répand lui-même dans le cœur humain, comme sa ressemblance et son image... L’amour sacré de l’homme envers l’homme est la vraie image de l’amour céleste de l’homme envers Dieu... Ainsi, le comble de l’Amour de la divine bonté du Père céleste consiste en la perfection de l’amour de nos frères.”  [23]

Les âmes privilégiées

Comme tous les mystiques, François de Sales s’est arrêté, ou plutôt a été arrêté par la volonté divine sur l’Amour de prédilection (pré-dilection) que le Seigneur a pour les âmes qu’Il s’est choisies de toute éternité, pour ses âmes privilégiées. Il est impossible de contempler l’Amour de Dieu sans rapporter ici quelques paroles de François de Sales concernant les âmes privilégiées.

Tout d’abord en ce qui concerne la manière dont s’exerce la Miséricorde de Dieu en faveur des âmes pécheresses, c’est-à-dire nous tous:

“Il faut donner un rang particulier à ces âmes privilégiées dans lesquelles Dieu s’est plu d’exercer non la seule affluence mais l’inondation, et s’il faut ainsi dire, non la seule libéralité et effusion, mais la prodigalité et profusion de son Amour...”

La justice divine doit s’exercer, parfois sévèrement, mais “sa Miséricorde convertit et gratifie ordinairement les âmes en une manière si douce, si suave et délicate qu’à peine aperçoit-on son mouvement ; et néanmoins, il arrive quelquefois que cette bonté souveraine, surpassant ses rivages ordinaires, comme un fleuve enflé et pressé de l’affluence de ses eaux, et qui se déborde dans la plaine, elle fait une effusion de ses grâces si impétueuse quoiqu’amoureuse, qu’en un moment elle détrempe et couvre toute une âme de bénédictions, afin de faire paraître les richesses de son amour... Ainsi, sa Miséricorde fait l’exercice de sa libéralité par voie ordinaire sur le commun des hommes, et sur quelques-unes aussi par des moyens extraordinaires.” [24]

Quelle est donc l’action de la charité répandue sur ceux qui sont consacrés au service de Dieu ? “Le motif de la divine charité répand une influence de perfection particulière sur les actions vertueuses de ceux qui se sont spécialement dédiés à Dieu pour le servir à jamais. Tels sont les évêques et les prêtres qui, par une consécration sacramentelle et par un caractère spirituel qui ne peut être effacé, se vouent, comme serfs stigmatisés et marqués, au perpétuel service de Dieu. Tels les religieux qui, par les vœux, solennels ou simples, sont immolés à Dieu en qualité d’hostie vivante et raisonnable. Tels tous ceux qui se rangent aux congrégations pieuses  (expression prise dans son sens du 16e siècle) dédiées à jamais à la Gloire divine. Tels tous ceux encore qui, à dessein, se procurent de profondes et puissantes résolutions de suivre la volonté de Dieu, faisant pour cela des retraites de quelques jours afin d’exciter leurs âmes, par divers exercices spirituels, à l’entière réformation de leur vie.”  [25] 

Le cœur de Jésus

Le Cœur de Jésus se révèle d’abord durant la Passion: “Représentons-nous le doux Jésus chez Pilate où, pour l’amour de nous, les gens d’armes ministres de la mort, le dévêtirent de ses habits l’un après l’autre et, non contents de cela, lui ôtèrent encore sa chair, la déchirant à coups de verges et de fouets, comme ensuite son âme fut dépouillée de son corps et le corps de sa vie, par la mort qu’il souffrit sur la Croix. Mais, trois jours passés, par sa sainte Résurrection, l’âme se revêtit de son corps glorieux et le corps de sa chair immortelle... L’Amour fit tout cela.” [26] 

Car Jésus est venu, par amour, pour nous sauver, nous délivrer du péché, et nous rendre la vie: “Vous nous avez créés pour la vie éternelle et votre Cœur sacré, comme le cœur maternel rempli d’un Amour incomparable, abonde en lait de miséricorde, soit pour pardonner aux pénitents, soit pour perfectionner les justes.” [27] 

Pour parler de l’Amour de Jésus, de sa charité à notre égard, pour parler du Cœur de Jésus sans toutefois le nommer, Saint François de Sales est intarissable, et il est impossible de ne pas s’arrêter longuement sur une telle contemplation amoureuse. “La charité de Jésus-Christ nous presse, elle nous force et violente par son infinie douceur, pratiquée en tout l’ouvrage de notre rédemption, dans lequel est apparu la bénignité et l’Amour de Dieu envers les hommes; car qu’est-ce que ce divin Ami ne fit pas en matière d’amour ?

1° Il nous aima d’amour de complaisance car ses délices furent d’être avec les enfants des hommes et d’attirer l’homme à soi, se rendant homme Lui-même.

2° Il nous aima d’amour de bienveillance, jetant sa propre Divinité en l’homme en sorte que l’homme fût Dieu.

3° Il s’unit à nous par une conjonction incompréhensible, en laquelle il adhéra, et se serra à notre nature, si fortement, indissolublement et infiniment, que jamais rien ne fut si étroitement joint et pressé à l’humanité, qu’est maintenant la très sainte Divinité, en la personne du Fils de Dieu.

4° Il s’écoula tout en nous et fondit sa grandeur pour la réduire à la forme et figure de notre petitesse; d’où il est appelé source d’eau vive, rosée et pluie du ciel.

5° Il s’est en quelque sorte quitté Soi-même, Il s’est renoncé Soi-même, Il s’est épuisé de sa grandeur et de sa gloire, il s’est démis du trône de son incompréhensible Majesté, et Il s’est anéanti Soi-même pour venir à notre humanité, nous remplir de sa divinité, nous combler de sa bonté, nous élever à sa dignité et nous donner le divin être d’enfant de Dieu... Celui qui habitait en Soi-même habite maintenant en nous... et Celui qui éternellement n’avait été que Dieu sera éternellement à jamais encore homme, tant l’amour de l’homme a ravi Dieu...

6° Il admira souvent par dilection, comme il fit le Centenier et la Cananéenne.

7° Il contempla le jeune homme qui avait jusqu’à l’heure gardé les commandements...

8° Il prit une amoureuse quiétude en nous... dans le sein de sa mère, et en son enfance.

9° Il a eu des tendretés admirables envers les petits enfants qu’Il prenait dans ses bras... envers Marthe et Magdeleine, envers Lazare qu’Il pleura, comme sur la cité de Jérusalem.

10° Il fut animé d’un zèle sans égal envers notre nature humaine...

11° L’Amour qu’Il nous portait Le pressait afin de nous voir délivrés par sa mort, de la mort éternelle...

12° Enfin, Théotime, ce divin Sauveur mourut entre les flammes et ardeurs de la dilection, à cause de l’infinie charité qu’Il avait envers nous et par la force et vertu de l’Amour; c’est-à-dire, Il mourut en l’Amour, par l’Amour, pour l’amour de l’Amour... O Dieu, quel brasier pour nous enflammer à faire les exercices du saint amour pour le Sauveur tout bon, voyant qu’Il les a si amoureusement pratiqués pour nous qui sommes si mauvais ! Cette charité donc de Jésus-Christ nous presse.” [28]

L’amour divin siège sur le Cœur du Sauveur comme sur un trône royal et regarde, par la fente de son côté percé tous les enfants des hommes. "Car ce Cœur, étant le roi des cœurs, tient toujours ses yeux sur les cœurs... et le divin Amour de ce Cœur, ou plutôt ce Cœur du divin Amour voit toujours clairement les nôtres et les regarde des yeux de sa dilection, mais nous ne le voyons pas... car si nous le voyions, nous mourrions d’amour pour lui...”

Et ce Cœur dit à chaque âme : “Viens, ma Bien-aimée toute chère...viens considérer mon Cœur en la caverne de l’ouverture de mon côté, qui fut faite lorsque mon Corps, comme une maison réduite en masure, fut si pieusement démoli sur l’arbre de la Croix.” [29]

Tous les mystiques ont parlé du Cœur du Seigneur avec les comparaisons qui parlaient le mieux à leurs cœurs, même si ces comparaisons nous étonnent parfois ou nous semblent désuètes. Écoutons François de Sales: “Le Cœur du Sauveur, vraie perle orientale, uniquement unique et de prix inestimable, jeté au milieu d’une mer d’aigreurs incomparables au jour de sa Passion, se fondit en soi-même, se résolut, défit et écoula en douleur sous l’effort de tant d’angoisses mortelles; mais l’amour, plus fort que la mort, amollit, attendrit et fait fondre les cœurs encore bien plus promptement que toutes les autres passions... et comme l’Époux avait répandu son Amour en son âme dans le cœur de l’épouse, aussi l’épouse réciproquement verse son âme dans le Cœur de l’Époux...”  [30] 

Jésus et Marie

Il est impossible de parler de l’Amour de Dieu qui nous révèle le Cœur de Jésus et, en conséquence, le Cœur de Dieu, sans dire quelques mots des relations existant entre Marie et son Fils, relations qui nous révèlent aussi la profondeur du Cœur de Dieu et de son Amour pour ses créatures humaines et de l’amour que ces dernières devraient lui rendre en échange. Marie “est la Mère de belle dilection, c’est-à-dire la plus aimable comme la plus aimante, et la plus aimante la plus aimée. Mère de cet unique Fils, qui est aussi le plus aimable, le plus aimant et le plus aimé Fils de cette unique mère...” [31] 

Aussi, le cœur de la Vierge Mère “demeura-t-il perpétuellement enflammé du Saint amour qu’elle reçut de son Fils.”

Dieu destina à sa Sainte Mère une faveur digne de l’amour d’un Fils: il voulut que sa Rédemption lui fût appliquée préventivement. “De cette manière Dieu détourna de sa glorieuse Mère toute captivité, lui donnant le bonheur des deux états de la nature humaine, puisqu’elle eut l’innocence que le premier Adam avait perdue, et jouit excellemment de la rédemption que le second lui acquit... Rédemption admirable, chef-d'œuvre du Rédempteur et la première de toutes les rédemptions, par laquelle le Fils, d’un Cœur vraiment filial,...la préserva non seulement du péché, comme les anges, mais aussi de tout péril du péché...”  [32] 

Et cet amour maternel si pur, “le plus pressant, le plus actif, le plus ardent de tous, amour infatigable et insatiable, que ne devait-il pas faire dans le cœur d’une telle mère, et pour le Cœur d’un tel Fils?” Il devait inévitablement l’associer à la Passion du Fils. "La douleur du Fils fut alors une épée tranchante qui passa au travers du cœur de la Mère; car ce cœur de Mère était collé, joint et uni à son Fils d’une union si parfaite que rien ne pouvait blesser l’un sans blesser l’autre.”  [33] 

Le Cœur de Dieu

“Le Cœur de Dieu est si abondant en Amour, son bien infini est si fort que tous le peuvent posséder sans qu’un chacun pour cela le possède moins, cette infinité de bonté ne pouvant être épuisée quoiqu’elle remplisse tous les esprits de l’univers; car après que tout en est comblé, son infinité lui demeure toujours tout entière sans diminution quelconque...”  De la même manière que le soleil regarde une rose comme si elle était seule, ainsi “Dieu ne répand pas moins son Amour sur une âme, encore qu’Il en aime une infinité d’autres, comme s’Il n’aimait que celle-là seule, la fore de sa dilection ne diminuant point par la multitude des rayons qu’elle répand mais demeurant toujours toute pleine de son immensité.” [34] 

L’Amour de Dieu est l’amour sans égal parce que la bonté de Dieu est la bonté sans pareille. Dieu est le seul Seigneur et sa bonté est infiniment éminente, au-dessus de toute bonté. Nous devons donc L’aimer de cet amour de suprême dilection que Dieu met en nos cœurs. “C’est cette suprême dilection qui met Dieu en telle estime dedans nos âmes, et fait que nous prisons si hautement le bien de lui être agréable, que nous le préférons et affectionnons sur toutes choses... Quiconque aime Dieu de cette sorte... préférera la bonne grâce de Dieu à toutes choses et sera toujours prêt à quitter tout l’univers pour conserver l’amour qu’il doit à la divine bonté... C’est l’Amour d’excellence ou l’excellence de l’amour qui est commandé à tous les mortels en général et à chacun d’eux en particulier, dès lors qu’ils ont le franc usage de raison, Amour suffisant pour chacun et nécessaire à tous pour être sauvé.” [35]

Et en guise de conclusion

Ce qui frappe surtout quand on lit les œuvres de Saint François de Sales et spécialement son Traité de l’Amour de Dieu,  c’est la joie et le bonheur qui y sont renfermés. François de Sales aime Dieu, d’un amour de préférence, d’un amour total. François de Sales est amoureux de Dieu, et cet amour le rend heureux. Dieu aime François, et François aime Dieu, et cet amour que François veut partager à ses Visitandines et aux âmes dévotes, cet amour de François pour Dieu est une vraie poésie.

François de Sales, évêque de Genève, diocèse difficile, ne disposait que de très peu de temps pour écrire, et il en souffrait. Obligé d’aller à l’essentiel, il se devait de délaisser la poésie qui chante l’Amour de Dieu pour ne s’exprimer qu’en prose. Il n’est pas question de prendre la place de François de Sales, c’est impossible... Mais pourquoi ne pas essayer, avec nos mots à nous, nos  expressions du XXIe siècle, mais avec le cœur de François, et avec tout son amour, pourquoi ne pas exprimer ce qu’aimer Dieu veut dire pour nous.

Aimer

Aimer !

Je suis tellement émerveillé par l’Amour que Dieu nous donne, je suis tellement émerveillé de Dieu, émerveillé de l’Amour, l’Amour de Dieu, l’Amour qu’est Dieu, l’Amour qui est la substance de Dieu, l’Amour qui est l’Être même de Dieu,  que je ne peux m’empêcher de méditer encore sur l’Amour pour mieux Le contempler, pour mieux L’aimer.

Mon Dieu, je Vous contemple, Dieu-Amour, je Vous contemple mon Dieu, je Vous contemple et je Vous aime. Je Vous aime d’un pauvre amour, d’un amour à ma taille, d’un amour à mon échelle, mais d’un amour qui me comble, car cet amour vient de Vous. C’est Vous mon Dieu, c’est Vous Jésus qui me donnez l’Amour par lequel je Vous aime.

C’est Vous mon Dieu qui m’avez aimé le premier, je ne sais pas pourquoi. Vous m’avez aimé parce que Vous avez fait les hommes pour Vous. En les créant, vous les aimiez, déjà. En les façonnant à votre image Vous pensiez qu’un jour ils feraient vos délices... Un jour de votre éternité, l’éternel Aujourd’hui de votre éternité, les hommes enfin revenus à Vous, revenus à l’Amour, à votre Amour, Vous aimeraient d’amour et feraient votre joie, et feraient vos délices.

Vous nous aimez Seigneur, Vous nous avez faits pour çà, pour être aimés de Vous. Et nous Vous aimerons, c’est sûr, car Vous voulez que nous Vous aimions: c’est notre liberté, notre vraie liberté, celle qui est d’amour, qui dit “oui” à l’Amour. Et nous serons en Vous, et nous vivrons en Vous, et nous ne Vous quitterons plus, jamais. Le ciel, c’est cela, car le Ciel c’est l’Amour.

Je Vous contemple Jésus, et j’essaie de comprendre ce que c’est que l’Amour, l’Amour véritable, l’Amour dont Vous nous aimez, l’Amour que Vous nous partagez, l’Amour qui est Vous. L’Amour qui fait que l’on devient un peu Vous quand on Vous aime vraiment.

Aimer! Aimer, c’est avoir du plaisir, de la joie, un bonheur infini à demeurer ensemble. Aimer, c’est partager ce qu’on est avec l’autre que l’on aime. L’amour c’est un échange permanent de ce qu’est l’un avec tout ce qu’est l’autre. Aimer c’est vouloir devenir l’autre. C’est penser comme lui, c’est vouloir comme lui, c’est aller avec lui dans la même direction, c’est partager le même bonheur, parfois les mêmes peines ou les mêmes soucis...

Aimer, c’est tout donner pour tout recevoir. Aimer c’est devenir l’autre tout en restant soi-même, car nul ne peut aimer s’il n’a pas su garder son “être”, l’être qu’il est et qui fait qu’il est aimé. On n’aime pas un fantôme, un ectoplasme. On n’aime qu’une personne vivante, pensante, aimante, capable de comprendre l’amour qu’on a pour elle et de pouvoir le rendre. Car l’amour est relation. S’il n’y a pas un autre, il n’y a pas d’amour. L’amour est l’opposé de l’égoïsme: l’amour est compagnie, l’égoïsme, effrayante solitude.

Mon Dieu, je Vous aime. Je Vous aime parce que Vous m’aimez d’un Amour qui me crée. Si Vous ne m’aimiez pas, je n’existerais pas. C’est pour cela Jésus que j’ai parfois si peur de Vous perdre. Je sais bien, comme l’a appris peu à peu l’épouse du Cantique des cantiques, que l’Époux a ses occupations, qu’il a sa liberté, et que l’épouse n’a pas à le retenir pour elle seule. Je sais... Je sais, mais, comme l’épouse du Cantique, quand Vous êtes absent je suis bien malheureux, et je Vous cherche. Je vous cherche chez vos amis, je Vous cherche dans la ville, je Vous cherche dans le monde, je Vous cherche partout. Et j’implore les gardes: “Avez-vous vu Celui que mon cœur aime?”

Les gardes n’ont jamais vu Celui que mon cœur aime... Les gardes ne savent pas que Celui que mon cœur aime n’est jamais loin de moi, mais qu’Il est caché tout au fond de mon cœur. Et qu’Il m’attend! Mais moi je ne sais pas toujours le trouver, et je m’agite au dehors, alors qu’Il est dedans.

Car aimer c’est aussi, c’est surtout, garder tout au fond de son cœur l’Amour qui nous aime. Aimer c’est conserver sans cesse tout au fond de son cœur l’Amour qui s’y cache pour mieux nous faire comprendre que Lui aussi nous attend. Il veut que nous Le cherchions pour connaître la joie immense des retrouvailles, Il veut que nous Le cherchions pour mieux découvrir sa tendresse et sa sollicitude. Il veut que nous Le cherchions pour nous faire faire l’expérience de sa Miséricorde. Et de l’amour sans faille, de l’amour partagé naît la confiance, la confiance qui est aussi amour, car c’est l’Amour qui se fie à l’amour, et l’amour qui dit oui à l’Amour: réciprocité étonnante de l’amour!...

Jésus ! Quel Amour que le vôtre ! Jésus, Vous Vous cachez parfois pour bien nous faire comprendre qu’aimer c’est aussi espérer. Car l’espérance naît de la confiance, donc l’espérance naît de l’amour. L’Espérance est fille de l’Amour, de l’Amour qui nous attend...

Curieuse Trinité : la foi, l’espérance et la Charité. De la foi jaillit l’amour. De la foi unie à la charité naît l’espérance...


[1] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 7 -  Chapitre 8

[2] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 2 -  Chapitre 3

[3] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 2 -  Chapitre 6

[4] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 4 -  Chapitre 8

[5] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 11 -  Chapitre 17

[6] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 11 -  Chapitre 18

[7] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 2 -  Chapitre 5

[8] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 4 -  Chapitre 7

[9] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 2 -  Chapitre 12

[10] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 9 -  Chapitre premier

[11] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 8 -  Chapitre 4

[12] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 6 -  Chapitre 7

[13] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 6 -  Chapitre 9

[14] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 7 -  Chapitre 3

[15] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 3 -  Chapitre 3

[16] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 8 -  Chapitre premier

[17] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 3 -  Chapitre 10

[18] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 3 -  Chapitre 14

[19] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre Premier -  Chapitre 3

[20] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 6 -  Chapitre  13

[21] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 1 -  Chapitre 4

[22] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 2 -  Chapitre 22

[23] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 10 -  Chapitre 11

[24] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 2 -  Chapitre 12

[25] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 12 -  Chapitre 8

[26] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 9 -  Chapitre 16

[27] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 8 -  Chapitre 4

[28] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 10 -  Chapitre 17

[29] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 5 -  Chapitre 11

[30] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 6 -  Chapitre 13

[31] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 3 -  Chapitre 8

[32] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 2 -  Chapitre 6

[33] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 7 -  Chapitre 13

[34] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 10 -  Chapitre 14

[35] Saint François de Sales  “Traité de l’amour de  Dieu “   Livre 10 -  Chapitre 6
 

   

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