Le livre qui porte le nom
d'Ornement des Noces spirituelles
est considéré comme le chef-d'œuvre de Ruysbroeck. L'auteur lui-même
aimait à s'y référer. En 1350 il l'envoya aux Amis de Dieu de
Strasbourg, et dix ans plus tard il n'hésita pas à déclarer aux
chartreux de Hérinnes qu'il le tenait "pour tout à fait bon et
d'une doctrine très sûre."
Le Royaume des Amants de Dieu
avait été, vers 1330, le premier essai de Ruysbroeck. L'auteur, qui
était alors simple chapelain de Sainte-Gudule, à Bruxelles, n'avait
pas encore quarante ans, mais il faisait preuve d'une grande
maturité et d'une science très élevée dans les voies cachées de Dieu
dans l'âme. Or, Maître Eckart venait d'être condamné (27 mars 1329),
et l'agitation produite par cette condamnation, ainsi que la
défiance qu'elle avait soulevée à l'égard des écrivains mystiques,
étaient loin d'être calmées; et la fameuse Bloemardinne continuait à
abuser le peuple par de faux dehors de sainteté. Aussi Ruysbroeck ne
voulut-il pas livrer à la publicité ce livre du Royaume des Amants
de Dieu; cependant il cherchait à montrer la distinction qui existe
entre les vrais et les faux mystiques. Telle fut, semble-t-il,
l'origine du livre appelé L'Ornement des Noces spirituelles,
composé vraisemblablement vers 1336.
Les Noces spirituelles se répandirent
rapidement, et on cite au moins vingt-quatre manuscrits contenant le
texte original; plus tard il entra tout entier dans les
Institutiones ou Medulla Animae que Pierre de Nimègue publia sous le
nom de Tauler. Ce livre fut également traduit en latin. Aux
XVIème et XVIIème siècles on comptait plus de vingt éditions de
l'ouvrage, ainsi que plusieurs traductions en français, en allemand
et en italien. Malheureusement, à partir du milieu du XVIIème
siècle, sous l'influence du Jansénisme, on perdit l'habitude d'aller
puiser dans les écrits de Ruysbrœck les vraies directions pour la
vie spirituelle dans la spiritualité catholique.
Il convient de
remarquer ici que saint François de Sales appréciait Les Noces
spirituelles de Ruysbroeck, dont les textes avaient été cités et
rapportés par le vénérable Louis de Blois. Denys le Chartreux (†
1471), Sainte Thérèse d'Avila et saint Jean de la Croix
s'inspirèrent des textes de Ruysbroeck. Élisabeth de la Trinité,
morte en 1906, trouva, elle aussi, beaucoup de consolations dans la
lecture de ces écrits.
Le
traité des Noces spirituelles est essentiellement construit en
suivant le développement du texte évangélique de la parabole des dix
vierges. Ruysbroeck y traite de la vie active ou extérieure, de la
vie affective ou intérieure, et de la vie contemplative; il consacre
à chacune de ces vies un livre entier. Ruysbroeck nous demande de
regarder nos vies en attente de l'Époux, puis ce que nous devons
faire lorsque l'Époux arrive. Enfin, l'homme arrive au but,
c'est-à-dire à la rencontre des prévenances divines et des efforts
de l'homme, donc à la rencontre avec Dieu et l'union à Dieu.
Un point très important est à signaler au
sujet des Noces Spirituelles. Ce livre est essentiellement un traité
de théologie chrétienne et mystique, un véritable catéchisme qui
précise ce que doit être la vie conforme à la vie du Christ sur la
terre, et à ses désirs pour chaque homme désirant se sauver et
aboutir à la vie éternelle. Cela c'est le but final offert à tous
les hommes. Mais avant d'atteindre la vie éternelle, quelques âmes
choisies par Dieu peuvent, dès ici-bas, connaître une vie d'union à
Dieu, prémice de la vie béatifique.
En tête des Noces
spirituelles se lit un Prologue dans lequel l'auteur esquisse à
grands traits l'histoire de la création, de la chute et de la
rédemption. Dès lors il faut réparer les dégâts causés par la chute.
Pour cela, l'Époux vient; cette Rencontre, il faut la préparer, et
c'est ce dont traitent les douze premiers chapitres des Noces.
1-La vie active ou
extérieure a un point de départ, puis elle se développe et elle
a un terme.
Le point de départ
c'est la conversion, la justification du pécheur et, par l'infusion
de la grâce sanctifiante, son introduction dans la vie de la grâce.
Le développement de la vie active
comprend deux parties: ce que nous devons voir: l'Époux qui
vient, et ce que l'Époux fait pour l'Épouse; puis ce que nous devons
faire: sortir, c'est-à-dire ce que l'Épouse doit offrir à son
Époux; c'est la pratique des vertus à l'exemple du Christ lui-même.
L'on atteint alors le but de la vie active, qui est une première
rencontre avec le Seigneur
2° La vie affective
ou intérieure, "constitue la matière du 2ème livre des Noces
spirituelles: c'est la partie la plus considérable du traité. Elle
est caractérisée par une application aux choses de l'intérieur et
elle a pour terme une rencontre nouvelle et plus intime avec le
Christ, pour une union de jouissance avec la divinité."
On aboutit alors aux
conditions requises pour passer d'une vie active à une vie affective
ou intérieure, c'est-à-dire à une infusion de grâce plus élevée.
Les puissances supérieures, mémoire,
intelligence, volonté sont illuminées... "Le Christ attire à lui
le cœur, l'affection et toutes les puissances sensibles, afin de se
les unir, et il y fait naître la blessure d'amour, les langueurs, le
désir de la mort; puis ce sont l'extase, les visions, les paroles,
les ravissements, la jubilation, les songes (Livre 2-chap.
XXII-XXIV), toutes choses où il faut néanmoins se prémunir contre
l'excès ou les illusions, en s'abandonnant à la volonté divine."
(chap. XXV-XXVII). De là une sortie nouvelle de l'âme, qui est
saisie d'une faim insatiable (chap. LIII), qui lutte d'amour avec
Dieu (chap. LIV) et enfin se répand en œuvres fécondes. Nous
touchons au but de toute la vie intérieure, à l'union et à la
rencontre mystérieuse avec Dieu, et là Ruysbroeck met en
garde contre les fausses mystiques et les faux mystiques.
3°La vie
contemplative (Livre 3)
La
mise en garde qui précède ne concerne pas la vie contemplative, car,
selon Ruysbroeck, "il y a peu d'hommes à pouvoir y parvenir."
La vie contemplative, c'est la rencontre
divine dans le secret le plus profond de l'esprit, rencontre qui
"se consomme en un embrassement amoureux, dans les liens imbrisables
de l'Esprit-Saint."
Remarque importante:
Dans toutes ses œuvres Ruysbroeck revient
sans cesse sur ce sujet: la vie contemplative. En effet, sa vie fut
une longue expérience des grâces par lesquelles Dieu daigne dès
ici-bas s'unir les âmes privilégiées.
Dans tout ce qui suit nous utilisons,
pour les citations, la traduction des moines de l'Abbaye de Saint
Paul de Wisques, publiée à Oosterhout, en la fête de Ste Cécile, le
22 novembre 1919.
VOIR : G -
L'Ornement
des Noces éternelles
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