LIVRE 1
La vie active
ou extérieure
Ruysbroeck commence son ouvrage en
rappelant les grandes lignes de l'histoire de notre salut. Nous ne
rapportons ici que les thèmes principaux du prologue, afin de rendre
plus compréhensible la suite de notre travail.
Ruysbroeck écrit: "Le Christ est
l'Époux et la nature humaine l'Épouse, créée par Dieu à son image et
ressemblance, et placée par lui, dès l'origine, au lieu le plus
digne, le plus beau, le plus riche et le plus fertile de la terre,
qui s'appelait le Paradis... Alors vint un fourbe, l'ennemi
infernal, qui, rempli de jalousie, prit la forme d'un serpent rusé
et trompa la femme... Et ainsi l'ennemi, par ses faux conseils,
ravit cette nature, l'Épouse de Dieu; et elle fut exilée en une
terre étrangère, devint pauvre et misérable, captive et opprimée
sous le joug de ses ennemis...
Mais lorsque Dieu vit le temps venu et
que les souffrances de sa bien-aimée l'eurent rempli de pitié, il
envoya son Fils unique sur la terre, en un riche palais et un temple
glorieux, le sein de la Vierge Marie. Là le Fils épousa sa fiancée
notre nature, et il l'unit à sa personne du sang très pur de la
noble vierge. Le prêtre qui présida à ces noces fut le
Saint-Esprit...
Ainsi le Christ, notre fidèle Époux,
s'est uni à notre nature; il nous a visités sur la terre d'exil, il
nous a enseignés d'une manière céleste et avec une fidélité
parfaite... Il a brisé la prison et remporté la victoire... Son sang
nous a rachetés, afin que, parés de toutes les vertus, nous
puissions sortir, comme il dit, et le rencontrer dans le palais de
sa gloire...
Le christ nous donne un précepte:
"Voyez!" l'Époux vient, il nous montre ce que nous
devons voir, et nous dit: "Sortez!" Alors, nous
pourrons entrer dans contemplation divine, état que peu d'hommes
atteignent, avertit notre auteur, Jean de Ruysbroeck. (Livre
1-Prologue)
Des trois choses nécessaires pour que
l'on puisse voir dans la vie active
(Livre 1-chapitre 1)
"Le Christ, Sagesse du Père, a fait
entendre une parole... Voyez...
Or pour voir corporellement, il faut que
la lumière matérielle illumine l'air... La volonté libre doit
permettre aux yeux de saisir les images... et les yeux doivent être
sains et sans tache..." Trois
conditions sont requises: "la lumière de grâce, l'action de la
volonté libre qui se tourne vers Dieu et une conscience purifiée de
tout péché mortel... Dieu... donne sa grâce de deux manières: la
grâce prévenante donnée communément à tous les hommes, païens et
juifs, bons et méchants, et celle qui fait mériter la vie
éternelle.. Qui veut se tourner vers Dieu peut se convertir."
Et pour que tous les hommes puissent se
convertir, Dieu leur a donné les sacrements. Hélas! tous les hommes
ne se convertissent pas; aussi est-il nécessaire de tailler les
sarments sauvages qui ne donnent pas de fruit. La taille des rameaux
sauvages, c'est la grâce:
– La grâce prévenante
se présente extérieurement sous la forme d'épreuves. Elle peut se
présenter aussi "par les bons exemples des saints, la méditation
des douleurs et des souffrances de Notre-Seigneur, ou, enfin, par la
contemplation des merveilles répandues au ciel, sur la terre et en
tous les êtres...
Lorsque l'homme fait ce qu'il peut et que
sa propre faiblesse l'empêche d'aller plus avant, c'est à l'infinie
miséricorde de Dieu de parfaire l'œuvre. Alors apparaît une lumière
plus haute de grâce divine, semblable à un rayon de soleil qui entre
dans l'âme...
– Le libre retour de la volonté,
qui alors donne naissance à la charité, le lien d'amour entre Dieu
et l'âme... En cette âme naît la charité, à la fois de Dieu et de
l'âme elle-même; car la charité est un lien d'amour entre Dieu et
l'âme aimante."
– De cet amour naît le troisième élément,
la purification de la conscience... "C'est parce qu'il
aime Dieu, que l'homme, apercevant ses péchés et les souillures de
son âme, en éprouve du mépris pour soi-même et pour ses propres
œuvres."
Quelques considérations sur la Sainte
Trinité (Livre 1-Chapitre 2 et
Livre 2-Chapitre 49)
"Voyez",
nous dit Ruysbroeck de la part du Jésus. Le Christ nous montre
ensuite ce que nous devons voir, l'Époux qui vient, et les trois
modes ou venues de l'Époux: Jésus-Christ se fait homme; Il envoie sa
grâce; ensuite interviendra le jugement. Les motifs, qui ont poussé
le Christ à agir ainsi sont: "son amour divin, sans mesure; puis
l'amour créé ou charité qu'il possédait en son âme... et la grande
détresse de la nature humaine; enfin la gloire du Père céleste... Le
Christ est en effet la Sagesse du Père, et tous deux produisent un
seul Esprit, un seul Amour qui est leur lien mutuel et celui de tous
les saints et de tous les hommes justes, au ciel et sur la terre."
(Livre 1-Chapitre 2)
Ruysbroeck s'efforcera
plus loin de définir la Sainte Trinité, exercice particulièrement
difficile. Mais pour bien comprendre la suite de ce chapitre, il est
intéressant de savoir comment Ruysbrœck "voit" la Sainte Trinité. Il
écrit: "La haute unité superessentielle en laquelle le Père et le
Fils possèdent la nature divine, en union avec le Saint-Esprit,
dépasse toute compréhension, intelligence et faculté de notre
esprit, en son essence la plus pure; et dans ce grand silence, Dieu
défie toute créature ne jouissant que de lumière créée. Cette haute
unité de la nature divine est vivante et féconde, car c'est du sein
de cette même unité que le Verbe éternel naît sans cesse du Père.
Par cette génération le Père connaît le Fils et toutes choses dans
le Fils, et le Fils connaît le Père et toutes choses dans le Père,
car ils sont d'une nature unique. De ce commun regard du Père et du
Fils, dans une clarté éternelle, procède une complaisance éternelle,
un amour immense, et c'est le Saint-Esprit...
C'est par son divin
Esprit et son éternelle Sagesse que Dieu s'incline vers chaque
créature en particulier, répandant et enflammant l'amour en chacune,
selon sa dignité et l'état où l'ont située et élue ses vertus et
l'éternelle providence de Dieu." (Livre 2-chapitre 49)
Revenons au livre 1. Ruysbroeck nous
propose de retenir les trois vertus essentielles du Christ:
– "L'humilité,
– la charité
– et la patience dans les peines soit
intérieures soit extérieures."
2-2-1-L'humilité
de Jésus (Chapitre 3)
De son humilité, Jésus "donna d'abord
la preuve en se faisant homme... La seconde sorte d'humilité chez le
Christ fut de prendre pour sa mère, non une fille de roi, mais une
pauvre vierge qui devint ainsi mère de Dieu et de celui qui est
Seigneur du ciel, de la terre et de toute créature..." Non
seulement "son âme, avec toutes ses puissances, s'inclinait avec
respect et vénération devant la haute puissance de son Père..."
mais Il obéissait à la loi des hommes, "et même à de simples
coutumes, quand cela était utile. Il fut circoncis, présenté au
Temple, racheté selon l'usage, et il paya l'impôt à César comme les
autres juifs. Il se soumit en toute humilité à sa mère et à saint
Joseph..."
2-2-2-La
charité du Christ (Chapitre 4)
La charité est le
principe de toutes les autres vertus. "Sous
l'action de cette charité, le Christ s'élevait sans cesse vers son
Père en toute révérence et louange, avec amour et ardente
intercession pour les besoins de tous les hommes, et il offrait
toutes ses œuvres à l'honneur de son Père...
À tous les hommes bien disposés il dispensait l'aliment
spirituel, et parfois il leur procurait l'aliment matériel, qu'ils
n'auraient pu trouver dans les déserts où ils l'avaient suivi: il
faisait entendre les sourds et marcher les boiteux, il rendait la
vue aux aveugles et la parole aux muets, chassait les démons du
corps des possédés et ressuscitait les morts, ce qui doit s'entendre
tant du corps que de l'esprit.
2-2-3-La
patience de Jésus (Chapitre 5)
"La troisième vertu remarquable dans le
Christ est sa patience dans les souffrances... En naissant il eut
déjà à supporter le dénuement et le froid. À la circoncision il
versa son sang; il dut fuir en terre d'exil, et fut le serviteur de
sa mère et de saint Joseph...
Durant sa vie publique "il souffrit la faim et la soif, les
opprobres et le mépris..."
Enfin, "trahi, bafoué, injurié,
flagellé et frappé, condamné sur de faux témoignages, il porta sa
croix avec grande souffrance... Rien ne lui fut épargné. Il fut
attaché au bois de la croix avec des clous grossiers, et on étira
tous ses membres jusqu'à les lui déchirer... Il souffrait encore
spirituellement en son âme, de l'endurcissement des juifs et de ceux
qui le mettaient à mort... Le Christ portait aussi la douleur et
l'affliction de sa mère et de ses disciples... Il souffrait de ce
que sa mort demeurerait inutile pour beaucoup, et il s'affligeait de
l'ingratitude d'un grand nombre et des blasphèmes impies que tant
d'hommes devaient proférer... Mais, plein d'amour pour nous, il
faisait taire toutes ces douleurs et criait à son Père:
'Pardonnez-leur, ô Père, car ils ne savent ce qu'ils font'. "
Vient la première conclusion de
Ruysbroeck: "Puis le Christ s'est élevé au ciel par sa propre
puissance, et il y siège à la droite de son Père, partageant son
règne pour l'éternité. C'est la première venue de notre Époux, qui
est pleinement achevée."
Ruysbroeck précise ensuite sa pensée
concernant les vertus dans le cadre de la seconde venue du Christ.
Afin de ne pas trop éparpiller notre réflexion, il nous a semblé
utile de poursuivre ici même, les réflexions de Ruysbroeck
concernant la pratique des vertus. Ainsi, il écrit: "Le Christ a
dit tout d'abord: Voyez; et pour l'accomplir, il faut la charité et
une conscience pure... Il nous indique maintenant ce que nous avons
à faire ensuite, et il dit: Sortez. Or cette sortie doit se
faire de trois manières; car il nous faut sortir vers Dieu, vers
nous-mêmes et vers notre prochain, et cela se fait par la charité et
la justice... Ces deux vertus, charité et justice, donnent un
fondement au royaume de l'âme, où Dieu doit faire sa demeure, et ce
fondement c'est l'humilité; ces trois vertus portent tout le poids
et l'édifice de toutes les autres et de toute noblesse..."
(Chapitre 11)
Ruysbroeck traite alors des principales
vertus liées à la charité, à la justice et à l'humilité, en
commençant pas l'humilité, ce sentiment bas et profond, cette
inclination ou prosternement intérieur du cœur et de l'âme devant la
haute dignité de Dieu. Face à Dieu qui "est si haut, si puissant
et si noble, et l'homme si pauvre, si petit et si chétif, l'homme
sent naître en son cœur une immense révérence et haute estime de
Dieu... Il est humble encore dans toute son attitude, devant Dieu et
tous les hommes... Et c'est ainsi qu'il triomphe et se débarrasse de
l'orgueil, cause et principe de tout péché. Par l'humilité sont
rompus les liens du démon, du péché et du monde." (Chapitre 12)
Mais l'humilité conduit à l'obéissance
qui "est le fait d'une âme humble, soumise et souple, et d'une
volonté prête à tout bien. Elle soumet l'homme aux commandements,
aux défenses et à la volonté de Dieu... L'obéissance de volonté et
d'acte orne, étend et manifeste l'humilité de l'homme. Elle donne la
paix aux communautés... et maintient la concorde et l'égalité d'âme
entre frères... L'obéissance engendre l'abandon de la volonté
propre et de l'opinion personnelle... La volonté de Dieu devient
dès lors maîtresse en toutes choses, et celle de l'homme lui est si
unie, qu'il ne peut plus vouloir ni désirer autre chose...
(Chapitres 13 et 14)
Du renoncement à la volonté propre naît
la patience... support tranquille de tout ce qui peut nous
atteindre de la part de Dieu et de toutes les créatures... La
patience donne naissance à la douceur, car nul ne peut être
doux dans la mauvaise fortune s'il n'est tout d'abord patient.
La douceur
donne à l'homme paix et tranquillité au milieu de toutes choses. Il
peut alors supporter paroles et gestes de menace, visage mauvais et
méchants procédés, ou encore l'injustice sous toutes ses formes...
De ce même fonds de douceur naît la bonté, nul ne pouvant
être bon que celui qui est doux de cœur... Grâce à la clémence et à
la bonté, la charité demeure vivante et féconde en l'homme...
La bonté fait naître la compassion,
c'est-à-dire une commune sympathie pour tous les hommes... mouvement
intérieur du cœur ému de pitié... C'est sous cet empire que l'on
souffre avec le Christ en sa passion, lorsque l'on considère le
pourquoi de ses souffrances, la manière dont il les a portées et la
patience dont il y a fait preuve... Devant ces peines inouïes et
multiples du Christ, notre Sauveur et notre Époux, l'homme vraiment
bon se sent ému de compassion et de pitié à son égard..."
(Chapitres 15 à 16)
Selon Ruysbroeck, l'homme remarque
maintenant ses propres fautes, et se prenant lui-même en pitié il
"gémit de l'aberration et de l'aveuglement des hommes, de l'oubli où
ils sont de leur Dieu et de leur propre salut, de leur ingratitude
vis-à-vis de tout le bien que Dieu leur a fait et de toutes les
souffrances endurées pour eux... En constatant tout cela, l'homme
vraiment bon se sent pris d'un grand désir du salut de tous. Son
souci de miséricorde s'exerce encore sur les besoins
temporels de son prochain et les souffrances multiples qu'il
endure... Mais sa plus grande souffrance est de voir les hommes
porter tout cela sans patience, perdre ainsi leur récompense et
mériter souvent l'enfer. Telle est l'œuvre de la compassion et de la
miséricorde..." amour commun à tous les hommes "qui expulse
le troisième péché capital qui est la haine et l'envie."
(Chapitre 17 et 18))
Ruysbroeck peut aborder la libéralité,
"large effusion du cœur ému de charité et de miséricorde...
Voyant l'aberration, l'aveuglement et l'injustice des hommes, il
souhaite et implore de Dieu avec une intime confiance l'effusion de
ses dons divins et de sa libéralité sur tous, afin qu'ils le
connaissent et se tournent vers la vérité. Il regarde aussi avec
compassion les besoins matériels de tous les hommes, et il se
dépense, donne et prête, consolant chacun selon qu'il est nécessaire
et selon son pouvoir, en toute discrétion..." (Chapitre 19)
Ruysbroeck parle ensuite des vertus de
sobriété et surtout de pureté d'âme et de corps.
Pour lui, la "pureté d'esprit consiste pour l'homme... à se
donner à Dieu seul... La pureté de cœur consiste à se tourner vers
Dieu en toute tentation des sens ou poussée de la nature, avec sa
volonté libre, un abandon toujours renouvelé, sans hésitation, avec
une nouvelle fidélité et le ferme propos de demeurer sans cesse avec
Dieu..." (Chapitres 21 et 22)
Sous l'empire des vertus, l'homme devient
joyeux et se trouve rempli de zèle, "poussée intérieure et
pressante vers toutes les vertus et vers la ressemblance du
Christ et de ses saints... " (Chapitre 20)
Comment acquérir toutes ces vertus?
Ruysbroeck va nous répondre en développant les notions de justice et
de libre-arbitre. Si nous voulons acquérir toutes les vertus
énumérées ci-dessus et expulser les vices qui leur sont contraires,
il nous "faut posséder la justice, la pratiquer et la
garder jusqu'à l'heure de notre mort, avec pureté de cœur... car
nous avons trois puissants adversaires... le démon, le monde et
notre propre chair..."
C'est pourquoi "nous devons supporter
volontiers toute souffrance, peine ou persécution pour la justice,
pour l'honneur de Dieu et par amour de la vertu, afin d'acquérir et
de posséder la justice dans la pureté du cœur... Au moyen de ces
vertus, l'homme sort pour aller vers Dieu, vers soi-même et son
prochain, par une vie bonne, vertueuse et juste...
Quiconque veut acquérir et conserver ces
vertus doit orner, posséder et gouverner son âme comme un royaume.
Là c'est le libre arbitre qui est roi... Le manteau royal
dont il est revêtu et paré se compose de deux parties. À droite,
c'est le don divin de force... Le côté gauche du manteau est
la vertu cardinale qui s'appelle la force morale... Ce roi
doit aussi choisir des conseillers en sa terre, les plus sages qu'il
puisse trouver. Ce sont la science et la discrétion... Il
appartient encore à ce roi, qui est le libre arbitre, d'établir en
son royaume un juge, la justice elle-même..."
Ce juge devra parcourir le royaume avec
sagesse et prudence, et les puissances de l'âme,
établies sur l'humilité devront lui être soumises. "Celui qui
a, de cette manière, disposé, ordonné et régi le royaume de son âme,
est sorti par amour et par vertu, pour aller vers Dieu, vers
soi-même et son prochain."
"La seconde venue a lieu quotidiennement
chez les bons; elle est source de grâces nombreuses et de dons
nouveaux..." La raison? La
miséricorde de Dieu et notre misère, sa libéralité et la grandeur de
nos désirs. Ce sont quatre causes de croissance en vertu et en
dignité pour l'âme..."
Ruysbroeck prend alors une comparaison
simple: le soleil qui éclaire même les profondes vallées. De même,
pour "l'âme qui prend conscience de sa pauvreté et de sa
détresse... qui connaît sa misère, qui l'expose et en gémit devant
la bonté et la miséricorde de Dieu. Ainsi peut-il reconnaître et la
hauteur de Dieu et sa propre bassesse, et il devient une vallée
profonde. Or, le Christ est un soleil de justice et aussi de
miséricorde, qui se tient au plus haut du firmament, c'est-à-dire à
la droite de son Père, et il brille jusqu'au fond des cœurs
humbles...
La vallée, qui est le cœur humble, reçoit
ainsi une illumination plus haute de la grâce, une ferveur plus
grande de charité, une croissance de vertus parfaites et de bonnes
œuvres. En cela consistent la cause, le mode et l'effet de la
seconde venue du Christ."
Chaque jour notre âme peut progresser
lorsque nous recevons "d'un cœur humble quelque sacrement, sans
apporter d'obstacle à son efficacité... c'est-à-dire c'est pour le
baptême le manque de foi, pour la confession l'absence de
contrition, pour le sacrement de l'autel le péché mortel ou la
volonté perverse, et ainsi de suite pour les autres sacrements..."
Dès lors, grâce aux sacrements reçus
humblement, l'âme peut progresser. "Telle est la seconde venue du
Christ notre Époux, qui se fait pour nous quotidiennement."
"La troisième venue, qui est encore
future, se fera au jugement ou à l'heure de la mort..."
Alors, le Christ, notre Époux,
"récompensera et punira en toute justice, rendant à chacun selon ses
mérites... Au jugement sont cités comme témoins les anges et la
conscience de chacun. L'accusateur, c'est le démon d'enfer, et le
juge, c'est le Christ que nul ne peut tromper."
Il y a cinq catégories de personnes qui
doivent comparaître devant ce juge:
– "des chrétiens qui meurent en péché
mortel, sans repentir ni pénitence,
– les infidèles et les païens...
–La troisième catégorie se compose des
bons chrétiens qui, tombés parfois dans le péché, se sont relevés
avec contrition, en y joignant l'expiation de la pénitence; mais ils
n'ont pas achevé cette expiation conformément à la pleine justice,
et ils appartiennent au purgatoire.
– La quatrième catégorie comprend ceux
qui ont gardé les commandements de Dieu, ou qui, s'ils les ont
enfreints, se sont retournés vers lui avec contrition et pénitence,
accomplissant des œuvres de charité et de miséricorde, et qui ont si
parfaitement expié que de leurs lèvres leur âme s'exhale pour aller
au ciel sans passer par le purgatoire.
– La cinquième catégorie, ce sont ceux
qui... à peine délivrés des liens du corps, en un instant jouissent
de leur éternelle béatitude, sans autre jugement...
Telle est la troisième venue que nous
attendons tous et qui est future. La première a déjà eu lieu,
lorsque Dieu s'est fait homme; la seconde est présente et se fait en
chaque cœur aimant par la grâce; la troisième enfin aura lieu au
jugement dernier ou à l'heure de notre mort."
Le désir de connaître l'époux en
lui-même: une rencontre spirituelle entre Dieu et nous
(Livre 1-Chapitres 25 et 26)
"Lorsque, par la grâce de Dieu, l'homme
peut voir, lorsqu'il a purifié sa conscience et s'est rendu attentif
à la triple venue du Christ, notre Époux, lorsqu'enfin il est sorti
au-devant de lui en pratiquant les vertus, la rencontre doit suivre,
et c'est le quatrième et dernier point à considérer. Il y a là, en
effet, toute notre béatitude, ainsi que le principe et le
couronnement de toute vertu, car tout acte vertueux suppose une
rencontre de Dieu." Cette
rencontre se fait en cherchant Dieu et Lui seul le Maître de tout,
en Le connaissant mieux pour L'aimer plus que tout, en se reposant
en Lui, en s'abandonnant à sa miséricorde. "Ce mode et ce
procédé, que je viens d'exposer, s'appellent une vie active.
Lorsque l'homme atteint la perfection qui
vient d'être décrite, consacrant toute sa vie et toutes ses œuvres à
l'honneur et à la louange de Dieu, et le recherchant et l'aimant par
dessus toutes choses, il est souvent saisi du désir de voir, de
savoir et de connaître qui est cet Époux, le Christ, qui pour lui
s'est fait homme et par amour a porté le labeur jusqu'à la mort."
Comme le publicain Zachée, il doit monter
sur un arbre, mais c'est ici l'arbre de la foi du sommet duquel
vient Jésus, l'Époux. Jésus dit: "Descends vite, car il faut que
je demeure aujourd'hui dans ta maison." Descendre, ici, cela
signifie "descendre par l'amour dans l'abîme de la divinité."
Ruysboeck conclut alors le livre 1 des
Noces Spirituelles:
"C'est ainsi que nous devons rencontrer
le Christ au point culminant de la vie active. Si donc vous avez
établi comme fondements la justice, la charité et l'humilité; si
vous avez ensuite construit là une habitation, c'est-à-dire les
vertus qui ont été exposées ci-dessus, et si vous avez rencontré le
Christ par la foi, l'intention et l'amour, alors vous habitez en
Dieu et Dieu en vous, et vous êtes en possession d'une vie active
c'est la première chose dont nous avons voulu parler."
VOIR : G -
L'Ornement
des Noces éternelles 3 |