101. Jésus, vous seul savez comment l’âme, enveloppée de
ténèbres, gémit dans ces supplices et que, malgré cela, elle a faim et soif de
Dieu comme une bouche brûlée a soif d’eau. Elle meurt et se dessèche, elle meurt
d’une mort sans mort, c'est-à-dire qu’elle ne peut pas mourir. Ses efforts sont
inutiles, une main puissante est posée sur elle.
Désormais elle est au pouvoir du Juste. Toutes les tentations
extérieures cessent, tout ce Qui l’entoure se tait. Comme l’agonisant, l’âme
perd de vue tout ce qui est extérieur :
Elle est toute entière recueillie sous la puissance du Dieu Juste et Trois fois
Saint.
« Rejetée pour l’éternité » : c’est le moment suprême, et Dieu seul peut
éprouver l’âme de cette façon, car lui seul sait qu’elle est capable de le
supporter. Quand l’âme a été entièrement consumée par ce feu infernal, elle est
prise de désespoir.
Mon âme a vécu ce moment, alors que j’étais seule dans ma
cellule. Quand elle commença à s’enfoncer dans le désespoir, j’entrais en agonie
; je saisis ma petite croix et la serrait convulsivement dans la main. Je sentis
qu’en moi, le corps se détachait de l’âme, si bien que, désirant aller voir mes
Supérieures, je n’en avais plus la force. J’ai alors prononcé les derniers mots
: « Miséricorde de Dieu, j’ai confiance en vous ! » et il m’a semblé que j’avais
augmenté la colère de Dieu.
Je sombrais dans le désespoir et seul, de temps en temps, un
gémissement douloureux, un gémissement inexprimable s’exhalait de mon âme, à
l’agonie. Il me semblait que je resterais dans cet état, car je me sentais
incapable d’en sortir par mes propres forces. Chaque souvenir de Dieu me plonge
dans un océan d’indicibles souffrances ; et malgré cela, il y a quelque chose
dans l’âme qui est attiré vers Lui, mais il lui semble que ce n’est que pour
qu’elle souffre davantage. Le souvenir de l’amour dont Dieu l’entourait
autrefois lui est un surcroît de tourment. Son regard la transperce, et sous ce
regard, tout est brûlé dans l’âme.
102. Après un certain temps, une des Sœurs entra dans la
cellule et me trouva presque morte. Effrayée, elle alla trouver la Mère
Maîtresse, qui, en vertu de l’obéissance, m’ordonna de me lever. Aussitôt, je
sentis des forces me revenir et je me relevai de terre, toute tremblante. La
Maîtresse identifia d’emblée mon état, elle me parla de l’inconcevable
miséricorde divine : « Ne vous affligez de rien, ma sœur, je vous l’ordonne en
vertu de l’obéissance. » Elle ajouta : « Maintenant je sais que Dieu vous
appelle à une haute sainteté, le Seigneur veut vous avoir bien près de Lui,
puisque Il permet de telles choses si tôt. Soyez fidèle à Dieu, ma Sœur, car
c’est le signe qu’Il veut vous avoir haut dans le ciel. » Mais je ne comprenais
rien à ces paroles.
Quand je suis entrée à la chapelle, je sentis comme si tout
se détachait de mon âme, comme si je venais de sortir de la Main de Dieu. Je
sentis l’inviolabilité de mon âme. Je sentis que j »étais un tout petit enfant.
103. Soudain je vis intérieurement le Seigneur qui me dit : « N’aie pas peur, ma
fille, Je suis avec toi. » A ce moment tous les tourments et les ténèbres
prirent fin, mes sens furent pénétrés d’une joie indicible et les puissances de
mon âme inondées de lumière.
104. Je veux encore mentionner que, bien que mon âme fut déjà
sous les rayons de Son amour, les traces du tourment passé restèrent sur mon
corps : pendant deux jours j’eus la figure mortellement pâle et les yeux
injectés de sang. Jésus seul sait ce que j’ai souffert.
Ce que j’ai écrit est bien faible en comparaison de la
réalité. Je ne sais comment l’exprimer, il me semble que je suis revenue de
l’au-delà. Je sens un dégoût pour ce qui est crée. Je me blottis contre le Cœur
de Dieu comme un nourrisson contre la poitrine de sa mère. Je vois tout avec un
autre regard. Je suis consciente de ce que le Seigneur a achevé, d’un mot, en
mon âme : je vis de cela. Au souvenir du supplice passé, un frisson me saisit.
Je n’aurais pas cru qu’on pût tant souffrir si je n’étais pas moi-même passée
par là. C’est une souffrance purement spirituelle.
105. Cependant au milieu de toutes ces souffrances et ces
combats, je n’ai jamais omis la Sainte Communion. Quand il me semblait que je ne
devais pas communier, j’allais avant la Messe chez la Maîtresse pour lui dire
que je ne pouvais communier, car il me semblait que je ne le devais pas. Mais
elle ne me permettait pas d’y manquer et je reconnais que l’obéissance seule m’a
sauvée.
La Maîtresse me confia plus tard que ces épreuves avaient rapidement pris fin,
parce que: « Vous étiez obéissante, ma Sœur. C’est par la force de l’obéissance
que vous avez passé ceci, avec tant de courage. » C’est vrai, que, Seul le
Seigneur fait sortir de ce tourment. Mais la fidélité à l’obéissance Lui plaît.
Bien que ce soit là des supplices affreux, l’âme ne doit pas s’en effrayer ; car
Dieu n’éprouve pas au-delà de ce que nous pouvons supporter. D’un autre côté, Il
pourrait ne jamais nous donner de telles souffrances.
106. J’écris ceci, car s’il plait au Seigneur de faire passer
une âme par de pareils tourments, qu’elle n’ait pas peur ; mais qu’elle soit,
autant que cela dépend d’elle, fidèle à Dieu qui ne lui fera pas de tort. Car il
est tout amour. Il l’a créée en vertu de cet amour inconcevable. Quand j’étais
ainsi tourmentée, je ne comprenais pas.
107. O mon Dieu, je reconnais que je ne suis pas de cette
terre :le Seigneur a fortement imprégné mon âme de ce sentiment. Je me trouve
davantage en contact avec le Ciel qu’avec la terre, mais je ne néglige rien de
mes devoirs.
108. A ce moment-là, je n’avais pas de directeur spirituel et
je ne recevais aucune direction. Je demandai un directeur au Seigneur, mais il
ne m’en donnait pas. C’est Jésus, Lui-même, qui est mon maître depuis l’enfance
jusqu'à maintenant. Il m’a menée à travers tous les déserts et tous les dangers
; et je vois clairement que seul Dieu pouvait me faire traverser de tels
dangers, sans qu’il n’en résultat aucun dégât, ni aucun dommage pour mon âme qui
resta intacte. Je remportais la victoire sur toutes les difficultés, qui étaient
inconcevables, et j’en sortais… Le Seigneur ne me donna un directeur que plus
tard.
109. Après ces souffrances, l’âme connaît une grande pureté
spirituelle et se trouve très proche de Dieu ; je dois cependant remarquer qu’au
milieu de ces tourments spirituels, , elle est proche de Dieu, mais elle est
aveugle. Le regard de l’âme est plongé dans les ténèbres ; Dieu est tout proche
de l’âme qui souffre, seulement tout le secret est qu’elle n’en sait rien. Elle
affirme que non seulement Dieu l’a délaissée, mais qu’elle l’objet de Sa haine.
Quelle grave maladie que cet aveuglement de l’âme ! Frappée de la lumière
divine, l’âme affirme que cette lumière n’existe pas, alors que justement elle
est si forte qu’elle l’aveugle. Malgré tout, j’ai reconnu plus tard que Dieu est
plus proche de l’âme dans ces moments qu’à d’autres, car elle ne pourrait pas
endurer ces épreuves à l’aide d’une simple grâce. La toute – puissance de Dieu
agit ici à l’aide d’une grâce extraordinaire, car autrement l’âme succomberait
au premier choc.
110. O Divin Maître, Vous seul êtes à l’œuvre dans mon âme. O
Seigneur, Vous ne craignez pas de placer une ^me au bord d’un précipice où elle
ressent peur et angoisse, et de nouveau vous la rappelez vers Vous. Voilà Vos
inconcevables mystères.
111. Lorsque pendant ces tourments de l’âme, je tâchais de
m’accuser dans la confession de toutes les plus petites choses, le prêtre
s’étonnait que je ne commette pas de faute plus grave et il me dit « Si vous
êtes aussi fidèle à Dieu pendant ces tourments, ceci, seul, est la preuve que
Dieu vous soutient, ma Sœur, d’une grâce particulière ; et c’est aussi bien que
vous ne le compreniez pas. » Mais c’est chose étonnante que dans cette matière,
les confesseurs n’aies pu me comprendre, ni m’apaiser, jusqu’à ce que je
rencontre le père Andrasz Sopocko.
112. Quelques mots sur la confession et les confesseurs.
C’est seulement le souvenir de ce que j’ai éprouvé dans mon âme. Il y a trois
choses qui empêchent l’âme de tirer profit de la confession dans ces moments
exceptionnels :
a)Quand le confesseur connaît peu les voies extraordinaires et qu’il manifeste
de l’étonnement lorsque l’âme lui dévoile les grands mystères que Dieu opère en
elle. Cet étonnement effraye une âme sensible. Elle se rend compte que le
confesseur hésite à donner son avis, elle ne s’apaise pas. Et elle éprouvera
encore plus de doutes après la confession qu’avant, car elle sent que le
confesseur s’efforce de la tranquilliser sans conviction.
Ou bien, ce qui m’arriva, le confesseur, ne pouvant pénétrer
quelques uns des secrets de l’âme, refuse d’entendre sa confession et manifeste
une certaine peur quand cette personne s’approche du confessionnal. Comment
peut-on, dans ces conditions, puiser de l’apaisement au confessionnal ?
A mon avis dans ces moments d’épreuves divines peu ordinaires
pour l’âme, il devrait lui indiquer un confesseur expérimenté et instruit, ou
bien chercher lui-même la lumière pour donner à l’âme ce dont elle a besoin,
mais non pas lui refuser la confession. Car en agissant ainsi, il expose le
pénitent à u grand danger et plus d’une âme peut s’écarter de la voie où Dieu
voulait la voir s’engager. C’est une chose très grave, je l’ai moi-même
expérimentée. Je commençais déjà à vaciller malgré les dons tout particuliers de
Dieu ; et bien que Dieu, Seul, m’apaisât, j’ai toujours désiré y ajouter le
sceau de l’Eglise.
b) Quand le confesseur ne permet pas de s’exprimer en toute
sincérité et qu’il montre son impatience. Alors l’âme se tait et ne dit pas
tout. Et elle retirera moins encore si le confesseur commence à éprouver cette
âme, sans la connaître ; car alors au lieu de l’aider, il lui fait du tort. Car
elle sait que le confesseur ne la connaît pas, puisqu’il ne lui à pas permis de
dévoiler complètement ses grâces et sa misère. L’épreuve n’est donc pas
conforme. J’ai subi quelques épreuves qui m’ont fait rire.
J’exprimerai mieux ceci par une comparaison : le confesseur
est le médecin de l’âme. Mais comment le médecin peut-il donner le remède qui
convient s’il ne connaît pas la maladie ? Ou bien, le remède ne produit pas
l’effet désirable, ou bien le remède sera trop fort et augmentera encore la
maladie, ou provoquera même, parfois, la mort. Je dis cela, car j’ai éprouvé
qu’en certain cas, le Seigneur, Seul, me soutenait directement.
c) Le troisième cas. Il arrive aussi que le confesseur
méprise parfois les petites choses. Or, il n’y a rien de petit dans la vie
spirituelle. Parfois un détail, en apparence insignifiant, permettra de
découvrir une chose plus grave, et sera pour le confesseur le faisceau lumineux
qui lui permettra de connaître l’âme. Les choses infimes recèlent beaucoup de
nuances spirituelles. Si nous rejetons les petites briques, le magnifique
édifice ne s’élèvera jamais. Si Dieu exige de telle âme une grande pureté,il lui
donnera une connaissance plus profonde de sa misère. Et éclairée par la lumière
d’en haut, elle découvrira mieux ce qui plait à Dieu et ce qui lui déplait. Le
péché est selon la connaissance et la lumière de l’âme, le même mal que les
imperfections, bien qu’elle sache que le péché est strictement la matière du
sacrement.
Mais pour l’âme qui tend à la sainteté, ces petites choses
sont d’une grande importance, et le confesseur ne peut les mépriser. La patience
et la douceur du confesseur ouvrent la voie aux plus profonds secrets de l’âme.
Elle dévoile à son insu, ce qui est au plus profond d’elle-même, et elle se sent
plus forte et plus résistante. Elle combat plus courageusement, elle tâche de
mieux faire, car elle sait qu’elle doit en rendre compte.
Je mentionnerai encore une chose, à propos du confesseur. Il doit mettre l’âme à
l’épreuve, la sonder, l’exercer pour savoir s’il a affaire à de la paille, à de
fer ou à de l’or pur. Ces trois catégories d’âmes ont besoin d’exercices
différents. Il doit – et ceci absolument – se former un jugement clair sur
chacune d’elles pour savoir ce qu’elles peuvent supporter dans de tels moments,
telles circonstances, tel cas. Quant à moi, plus tard, après beaucoup
d’épreuves, lorsque je voyais que je n’étais pas comprise, je ne dévoilais plus
mon âme et je ne troublais plus sa paix. Mais je ne le fit qu’à partir du moment
où toutes ces grâces étaient soumises au jugement d’un confesseur sage, instruit
et expérimenté. Maintenant je sais comment je dois me conduire dans certains
cas.
113. Et à nouveau je voudrais ajouter quelques mots pour les
âmes qui désirent tendre à la sainteté et porter du fruit grâce à la confession.
Premièrement : entière sincérité, franchise absolue. Le plus saint et le plus
sage des confesseurs ne peut faire violence à l’âme pour y infuser de force ce
qu’il veut pour elle, si celle-ci n’est ni sincère ni franche. L’âme qui n’est
pas sincère et qui dissimule, s’expose à de grands dangers dans sa vie
spirituelle. Et Jésus, Lui-même ne se donnera pas d’une manière plus profonde à
cette âme, car Il sait qu’elle ne profitera pas de ces grâces particulières.
Deuxièmement : humilité. L’âme ne profite pas comme il faut du sacrement de la
confession, si elle n’est pas humble. L’orgueil la tient dans l’obscurité. Elle
ne sait pas et ne veut pas rentrer avec précision au fond de sa misère. Elle se
masque et évite tout ce qui pourrait la guérir.
Troisièmement : obéissance. L’âme désobéissante ne remportera aucune victoire,
même si Jésus Lui-même la confesserait directement. Le plus expérimenté des
confesseurs n’aidera en rien cette âme. L’âme désobéissante s’expose à de
grands dangers. Elle ne progressera pas dans la perfection. Dieu comble très
généreusement l’âme de Ses grâces, mais seulement l’âme obéissante.
114. Oh ! qu’ils sont beaux les hymnes que chante une âme
souffrante. Elle enchante le ciel entier quand elle se répand en en lancinantes
élégies, surtout quand Dieu l’éprouve. Sa beauté est grande, car elle vient de
Dieu. Cette âme passe par le désert de la vie, blessée par l’amour divin. Elle
ne touche pas terre, elle l’effleure.
115. Quand l’âme est sortie de ces tourments, elle est
profondément humble. Sa pureté est grande. Sans réfléchir, elle sent mieux ce
qu’elle doit faire à tel moment et ce à quoi elle doit renoncer. Elle ressent la
plus légère touche de la grâce et elle est très fidèle à Dieu. Elle reconnaît
Dieu de loin et se réjouit continuellement en Lui. Elle découvre très rapidement
Sa Présence dans les âmes des autres, et en général dans son entourage. Elle est
purifiée par Dieu seul. Dieu étant pur esprit, introduit l’âme dans une vie
purement spirituelle. Dieu, Seul, l’a tout d’abord préparée et purifiée,
c’est-à-dire, qu’Il l’a rendue capable d’une étroite intimité avec Lui. Reposant
dans l’amour, d’une manière toute spirituelle, elle demeure avec le Seigneur.
Elle parle à Dieu, sans s’exprimer avec les sens. Dieu remplit l’âme de Sa
lumière. Son intelligence voit clairement et distingue les degrés de la vie
spirituelle. Elle voit qu’elle était unie à Dieu de façon imparfaite : ses sens
prenaient part à cette union, et le spirituel se trouvait mêlé au sensoriel
d’une manière déjà supérieure et particulière, il est vrai, mais encore
imparfaite. Il existe une union à Dieu plus haute et plus parfaite : c’est
l’union spirituelle. L’âme y est davantage à l’abri des illusions. Sa
spiritualité est plus profonde et plus pure. Dans la vie,où les sens jouent un
rôle, on est plus exposé aux illusions. La prudence de l’âme elle-même, et des
confesseurs, devrait être plus grande. Il y a des moments où Dieu introduit
l’âme dans un état purement spirituel. Les sens s’éteignent et sont quasi morts.
L’âme est unie à Dieu de la façon la plus étroite : elle est plongée dans la
Divinité. Sa connaissance est complète et parfaite, non plus sporadique – comme
auparavant, mais totale et entière. Elle en éprouve de la joie.
Mais je veux encore parler des moments d’épreuves : il faut
alors que les confesseurs soient patients envers l’âme. Mais l’âme doit aussi
avoir la plus grande patience avec elle-même.
116. Mon Jésus, vous savez ce que ressent mon âme au souvenir
de ces souffrances. Plus d’une fois je m’étonnais que les anges et les Saints
puissent se taire devant de telles souffrances de l’âme. Mais ils nous aiment
particulièrement dans ces moments là. A maintes reprises, mon âme a crié vers
Dieu, comme un petit enfant, quand sa mère se voile le visage et qu’il ne peut
la reconnaître ; il crie alors de toutes ses forces. O mon Jésus, honneur et
gloire Vous soient rendus pour ces épreuves d’amour. Votre miséricorde est
grande et inconcevable. Toutes vos intentions envers mon âme sont imprégnées de
votre miséricorde.
117. Je noterai ici que l’entourage ne devrait pas ajouter
aux souffrances extérieures, car vraiment, lorsque le calice de l’âme est plein
jusqu’au bord, c’est parfois justement cette petite goutte que nous ajoutons qui
sera de trop, et la coupe d’amertume débordera. Et qui en sera responsable ?
Prenons garde de ne pas ajouter aux souffrances des autres, car cela ne plait
pas au Seigneur. Si les Sœurs ou les Supérieures savaient ou soupçonnaient
seulement qu’une âme est soumise à de telles épreuves, et lui ajoutaient des
souffrances supplémentaires, elles pécheraient gravement et Dieu Lui-même
revendiquerait Ses droits. Je ne parle pas des cas qui de par leur nature sont
péché ; je parle de ce qui ne l’est pas d’habitude. Gardons-nous d’avoir de
telles âmes sur la conscience. C’est grande faute dans la vie religieuse,
d’ajouter des souffrances à une âme souffrante. Je ne parle pas pour tous, mais
cela arrive. Ne nous permettons pas d’émettre des jugements de toutes sortes et
de parler quand il vaudrait mieux se taire.
118. La langue n’est qu’un petit membre, mais elle fait de
grandes choses. Une religieuse, qui n’est pas silencieuse n’arrivera jamais à la
sainteté, c’est-à-dire qu’elle ne deviendra jamais sainte. Qu’elle ne
s’illusionne pas. A moins que ce soit l’Esprit Divin qui parle par sa bouche ;
il lui est alors défendu de se taire. Cependant pour entendre la voix divine, il
faut garder le silence intérieur, et être silencieuse, non d’un silence morne,
mais d’un silence de l’âme qui est recueillement en Dieu. On peut beaucoup
parler sans rompre le silence, et par contre, parler peu et toujours rompre le
silence.
Oh ! quel dommage irréparable cause le manque de silence ! On
fait beaucoup de tort au prochain, mais plus encore à soi-même. A mon avis, et
d’après mon expérience la règle concernant le silence devrait figurer à la
première place. Dieu ne se donne pas à une âme bavarde qui bourdonne comme un
faux-bourdon dans la ruche, mais n fait pas de miel : l’âme bavarde est vide à
l’intérieur. Il n’y a en elle ni vertu fondamentale, ni intimité avec Dieu. Il
n’est pas question pour elle, d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du
silence où demeure le Seigneur. Celui qui n’a jamais goûté à la douceur du
silence intérieur est un esprit inquiet qui trouble le silence d’autrui. J’ai vu
beaucoup d’âmes qui étaient dans les gouffres de l’enfer pour n’avoir pas su
garder le silence. Elles me l’ont dit elle mêmes, lorsque je les questionnais
pour savoir ce qui avait causé leur perte. C’était des âmes religieuses. Mon
Dieu, quelle douleur de penser qu’elles pourraient non seulement être au Ciel,
mais même être Saintes.
119. O Jésus-Miséricorde, je tremble à la pensée de devoir
rendre compte de ma langue. Elle peut engendrer la vie, mais aussi causer la
mort et nous tuons plus d’une fois avec notre langue. Nous commettons de
véritables meurtres. Et cela aussi nous devrions le considérer comme choses de
peu d’importance ? Vraiment je ne comprends pas ceux qui ont la conscience ainsi
faite. J’ai connu une personne, qui ayant appris d’une autre qu’on avait dit
telle et telle chose sur son compte,…tomba gravement malade. Elle perdit
beaucoup de sang, versa beaucoup de larmes et ainsi jusqu’au dénouement fatal…
qui fut dans l’effet, non du glaive, mais de la langue.
O mon Jésus silencieux, miséricorde pour nous !
120. Je me surprends à parler du silence et ce n’est pas de
cela que je voulais parler, mais de la vie de l’âme avec Dieu et comment elle
répond à la grâce. Quand l’âme est purifiée, que le Seigneur à établi avec elle
une relation d’intimité, elle commence à tendre vers Dieu de toute sa force.
Mais elle ne peut rien par elle-même. Dieu seul fait tout, l’âme le sait et elle
en a conscience. Elle vit encore en exil et elle sait bien qu’il peut y avoir
encore des jours gris et pluvieux ; mais elle le voit d’une autre manière. Loin
de s’endormir dans une fausse paix, elle tend au combat. Elle sait qu’elle
appartient à une génération chevaleresque. Elle se rend mieux compte de tout
maintenant. Elle sait qu’elle est de race royale et que tout ce qui est grand et
saint la concerne.
121. De nombreuses grâces que Dieu accorde à l’âme après
cette épreuve du feu, lui permettent de jouir d’une étroite union avec Dieu.
Elle a un grand nombre de visions sensibles et spirituelles. Elle entend un
grand nombre de paroles surnaturelles et plus d’une fois des ordres précis ;
mais malgré ces grâces, elle ne se suffit pas à elle-même. D’autant que, comme
Dieu la visite de Ses grâces, elle s’expose à toutes sortes de dangers et peut
facilement tomber dans l’illusion. Elle devrait prier pour avoir un guide
spirituel ; car il faut s’efforcer d’en trouver un qui s’y connaisse, tel un
chef dont le devoir est de connaître les chemins par lesquels il doit mener ses
troupes au combat. Il faut préparer l’âme unie à Dieu à soutenir de grandes
batailles, des combats acharnés.
Après ces purifications et ces épreuves, Dieu demeure dans
l’âme d’une façon singulière ; mais l’âme ne collabore pas toujours avec ces
grâces. Non qu’elle se refuse d’elle-même œuvrer, mais elle rencontre de si
grandes difficultés extérieures et intérieures que vraiment il faut un miracle
pour qu’elle se maintienne sur ces hauteurs. Ici, elle a absolument besoin d’un
directeur averti.
Souvent, on emplissait mon âme de doute, quand ce n’était pas moi qui m’alarmais
moi-même, en me disant qu’après tout, je n’étais qu’une ignorante, qui
connaissait si peu, et en particulier aux choses spirituelles. Cependant, quand
les doutes augmentaient, j’allais chercher de la lumière auprès de mon
confesseur ou des Supérieures. Mais je n’obtenais pas ce que j’aurais désiré.
122. Quand j’ai dévoilé mon âme aux Supérieures, l’une
d’elles reconnut mon âme et la voie où Dieu voulait me conduire. En mettant en
pratique ses indications, j’ai commencé à progresser sur la voie de la
perfection. Mais cela n’a pas duré longtemps. Quand je lui ai dévoilé mon âme
plus à fond, je n’ai pas reçu ce que je désirais. Ces grâces semblaient
invraisemblables à la Supérieure, je ne pouvais donc plus trouver aucune aide
auprès d’elle. Elle me disait qu’il était impossible que Dieu ait de tels
rapports avec une créature. « J’ai peur pour vous, ma Sœur, n’est-ce pas une
illusion ? Consultez un prêtre. » Mais le confesseur, lui non plus ne m’a pas
comprise, il me dit : « Il vaudrait mieux, ma Sœur, parler de ces choses avec
vos Supérieures. » Et je passais ainsi des Supérieures au confesseur et du
confesseur aux Supérieures, sans trouver aucun apaisement.
Les grâces divines devinrent, pour moi, de grandes
souffrances. Plus d’une fois il m’arriva de dire carrément au Seigneur : «
Jésus, j’ai peur de Vous. N’êtes-Vous pas quelque fantôme ?» Il me
tranquillisait toujours mais je restais incrédule. Chose étonnante : plus
j’étais, plus Jésus me donnait de preuves qu’il était l’auteur de ces choses.
123. Quand je me rendis compte que je ne recevais aucun
apaisement de la part des Supérieures, je pris la résolution de ne plus leur
parler de ces choses purement intérieures. A l’extérieur je tâchais, comme doit
le faire une bonne religieuse, de tout dire aux Supérieures ; mais je ne parlais
qu’au confessionnal des besoins de mon âme. Je reconnus pour maintes raisons
très justes, que la femme n’avait pas été appelée à discerner de tels mystères.
Je m’étais exposée à beaucoup de souffrances inutiles.
Pendant longtemps, je fus considérée comme une possédée du
démon et on me regardait avec pitié. La Supérieure pris certaines précautions à
mon égard. Il m’arrivait d’entendre que les Sœurs aussi me considéraient comme
telle. Et l’horizon s’assombrit autour de moi. Je tentais d’éviter ces grâces
divines, mais ce n’était pas en mon pouvoir. Soudain, un tel recueillement
s’empara de moi que, contre ma volonté, je me plongeai en Dieu et le Seigneur me
garda auprès de Lui.
124. Mon âme toujours un peu alarmée au début, connut ensuite
une paix ineffable et une force envahissante.
125. Tout était encore à supporter car, lorsque le Seigneur
exigea que je peigne ce tableau, on se mit à parler de moi et à me regarder
vraiment comme une hystérique, une illuminée, et on commença à en parler un peu
ouvertement. Une Sœur vint me parler cœur à cœur. Elle commença à s’apitoyer sur
moi : « J’entends dire de vous, ma Sœur, que vous êtes illuminée, que vous avez
des visions. Ma pauvre Sœur, défendez-vous de cela. » Elle était sincère et me
rapportait fidèlement qu’elle avait entendu. Mais c’est chaque jour que je
devais écouter de semblables choses : Dieu seul sait combien cela me fatiguait.
126. Je résolus, malgré tout, de tout supporter en silence et
de ne pas m’expliquer quand on me questionnait. Les uns étaient irrités de mon
silence, surtout les plus curieux ; d’autres, qui réfléchissaient plus
profondément disaient : « Pourtant Sœur Faustine doit être très près de Dieu
puisqu’elle a la force de tant souffrir. » Et je voyais devant moi comme deux
groupes de juges. Je tâchais d’être silencieuse intérieurement et
extérieurement. Je ne parlais pas de ce qui concernait ma personne, malgré les
questions directes de certaines Sœurs. Ma bouche devint muette. Je souffrais
sans me plaindre comme une colombe. Mais certaines Sœurs trouvaient,
semble-t-il, du plaisir à me vexer d’une manière ou d’une autre. Ma patience les
irritait, mais Dieu me donnait tant de force intérieure que je supportais cela
paisiblement.
127. J’ai compris qu’en de tels moments, personne ne
m’aiderait, et j’ai commencé à prier et à demander au Seigneur de me donner un
confesseur. Je désiras qu’un prêtre me dise seulement : « Soyez tranquille, vous
êtes en bonne voie » ; ou bien : « Rejetez tout ceci, car cela ne vient pas de
Dieu. » Mais je ne trouvais aucun prêtre aussi résolu, qui m’aurait ainsi parlé
clairement au nom du Seigneur. L’incertitude se prolongeait donc. O Jésus, si
c’est Votre volonté que je vive dans une telle incertitude, que Votre nom soit
béni. Je Vous prie, Seigneur, dirigez Vous-même mon âme et soyez avec moi, car
de moi-même, je ne suis rien.
128. Voilà que je suis jugée de tous côtés. Il n’y a plus
rien en moi, qui n’ait échappé aux jugements de mes Sœurs. Mais bientôt tout se
tassa en quelque sorte, et on commença à me laisser en paix. Mon âme exténuée se
reposa un peu. Mais j’ai reconnu que le Seigneur était plus proche de moi au
temps de ces persécutions. Cela ne dura pas longtemps. Un violent orage éclata à
nouveau. Les soupçons d’autrefois étaient devenus désormais une sorte de
certitude. Et il me fallut, à nouveau, écouter les mêmes chansons. C’est ainsi
qu’il plut au Seigneur. Mais, chose singulière, même à l’extérieur je
rencontrais des insuccès.
Cela me causa beaucoup de souffrances de toutes sortes,
connues de Dieu seul. Je faisais tout mon possible pour tout faire avec la plus
grande pureté d’intention. Je voyais désormais que j’étais partout surveillée,
comme un voleur, comme un voleur : à la chapelle, pendant mon travail, dans ma
cellule. Je sais que maintenant, outre la présence de Dieu, une présence humaine
était sans cesse près de moi. Cette présence humaine me fatiguait beaucoup. A
certains moments je me demandai si je devais oui ou nom me déshabiller pour me
laver. Mon pauvre lit était décidément souvent contrôlé. Le rire me prit quand
je vis qu’on ne laissait même pas mon lit en paix. Une Sœur me dit elle-même,
que chaque soir, elle venait voir dans ma cellule comment je me comportais.
Mais malgré tout, les Supérieures sont toujours des
Supérieures, et en dépit des humiliations personnelles que j’en reçus plus d’une
fois et des doutes de toutes sortes dont elles me remplirent, elles me
permettaient toujours ce que le Seigneur exigeait de moi, Non comme je le
demandais, mais d’une autre façon, elles satisfaisaient les exigences du
Seigneur, et me donnaient la permission de ces pénitences et de ces rigueurs
Un jour, une de ces Mères se fâcha si fort contre moi, et
m’humilia tellement que je crus que je ne pourrais pas le supporter. Elle me dit
: « Extravagante, hystérique, visionnaire allez-vous-en de cette chambre, que
je ne vous voie plus. » Elle déversa sur moi tout ce qui lui passait par la
tête. Arrivée dans ma cellule, je suis tombée devant la croix et je regardais
Jésus, ne pouvant plus prononcer un mot. Pourtant je gardai ceci secret devant
les autres et je fis comme si rien ne s’était passé entre nous.
129. Satan profite toujours de tels moments; des pensées de
découragement commencèrent à me venir à l’esprit ; « Voila la récompense de ta
fidélité et de ta sincérité. Comment peut-on être sincère lorsqu’on est si
incomprise ? » Jésus, Jésus, je n’en puis plus. Et je tombais de nouveau à terre
sous le poids de ce fardeau. La sueur commença à m’inonder, et je fus saisie de
frayeur. Je n’avais personne sur qui m’appuyer intérieurement. Tout à coup,
j’entendis une voix dans mon âme : « N’aie pas peur, Je suis avec toi ». Une
singulière lumière éclaira mon esprit et je compris que je ne devais pas me
laisser aller à une telle tristesse. Une force me remplit et je sortis de la
cellule avec un nouveau courage pour souffrir.
130. Cependant j’ai commencé à me négliger un peu. Je ne
prêtais plus attention à ces inspirations intérieures et m’appliquais à me
dissiper. Mais malgré le bruit et la dissipation, je voyais ce qui se passait en
mon âme. La parole de Dieu est éloquente et rien ne peut l’assourdir. J’ai
commencé à éviter les rencontres du Seigneur dans mon âme, car je ne voulais pas
être victime d’illusions. Mais Lui me poursuivait pour ainsi dire de Ses dons.
Et vraiment je ressentais tour à tour tourments et joie. Je ne mentionne pas ici
les diverses visions et grâces que Dieu m’accorda dans ces moments, j’en ai
parlé ailleurs. Je noterai seulement ici que ces souffrances, ayant déjà atteint
un sommet, je pris la résolution d’en finir avec mes doutes avant mes vœux
perpétuels.
131. Pendant tout ce temps d’épreuve, je priais pour que Dieu
éclaire le prêtre auquel je devais dévoiler mon âme à fond. Je demandais à Dieu,
de m’aider Lui-même et de me donner la grâce de pouvoir exprimer les choses les
plus cachées qui ont lieu entre le Seigneur et moi, et de me disposer à accepter
toutes les décisions de ce prêtre comme venant de Jésus Seul. Sa décision
m’importait peu. Je ne désire que la vérité, et une réponse décisive, à
certaines questions. Je m’en remets complètement à Dieu, et mon âme désire la
vérité. Je ne puis rester plus longtemps dans le doute, tout en ayant dans mon
âme une si grande certitude que ces choses proviennent de Dieu, que je donnerai
ma vie pour cela. J’ai cependant placé l’avis du confesseur au-dessus de tout.
Et j’ai décidé de faire ce qu’i déciderait, et d’agir d’après les indications
qu’il me donnera. Je regarde ce moment comme étant décisif pour le progrès de
toute ma vie. Je sais que de cela dépendra tout. Peu importe, si ce qu’il me
dira, sera en accord avec mes inspirations, ou tout-à-fait contraire, cela ne me
trouble pas. Je désire connaître la vérité et la suivre.
« Jésus, vous pouvez m’aider ! » Et depuis ce moment j’ai
pris une nouvelle voie. Gardant secrètes toutes les grâces reçues, j’attends ce
que le Seigneur m’enverra. Ne doutant de rien, dans mon cœur, je priais le
Seigneur qu’il daigne m’aider dans ces moments, et un certain courage entra dans
mon âme.
132. Je dois encore mentionner que certains confesseurs
aident l’âme et sont comme des pères spirituels quand tout va bien. Mais quand
l’âme se trouve dans de plus grands besoins, alors ils sont perplexes et ne
peuvent ou ne veulent pas comprendre l’âme. Ils tâchent de se débarrasser d’elle
au plus vite ; mais si l’âme est humble, elle peut en retirer au moins un peu de
profit. Dieu seul jettera parfois un faisceau de lumière au fond de cette âme,
à cause de son humilité et de sa foi. Quelquefois le confesseur dit des choses
qu’il n’avait pas du tout l’intention de dire, sans s’en rendre compte lui-même.
Oh ! que l’âme croie bien que ce sont les paroles mêmes du Seigneur. Certes nous
devons croire que chaque mot entendu dans le confessionnal a un caractère divin,
mais les paroles dont je viens de parler proviennent, elles, directement de
Dieu. Et l’âme sent que le prêtre ne parle pas de lui-même, il dit des choses
qu’il n’avait pas l’intention de dire. Voilà comment Dieu récompense la foi.
J’ai éprouvé cela moi-même à maintes reprises. Il y avait un
prêtre très savant et fort estimé – il m’arrivait parfois d’aller me confesser à
lui – qui était toujours très sévère. Et il s’opposait à ces choses. Mais une
fois il me répondit « Sachez, ma Sœur que si Dieu exige que vous acheviez ceci,
il ne faut pas vous y opposer. Dieu veut parfois être loué justement de cette
façon. Soyez tranquille, ce que Dieu a commencé, Dieu le finira. Mais je vous le
dis : fidélité envers Dieu et humilité. Une fois encore : humilité.
Rappelez-vous bien ce que je vous ai dit aujourd’hui. » Je me suis réjouie et
j’ai pensé que peut-être, ce prêtre m’avais comprise. Mais les circonstances
changèrent de telle sorte que je ne me suis plus jamais confessée à lui.
133. Une fois, une des Mères plus âgées m’appela et ce fut
sur ma tête comme un coup de foudre dans un ciel qui semblait serein, à tel
point que je ne savais pas ce dont il s’agissait. Je compris assez vite que
c’était pour des choses qui ne dépendaient pas de moi. Elle me dit : « Otez-vous
de la tête, ma Sœur, que Jésus soit si intime avec vous. Une telle misère, une
telle imperfection ! Rappelez-vous que Jésus n’est en rapport si intime qu’avec
les Saints. » J’ai avoué qu’elle avait raison, que j’étais misérable, mais
néanmoins confiante en la Miséricorde divine. Quand j’ai rencontré le Seigneur,
je me suis humiliée et j’ai dit : « Jésus Vous n’êtes pas, à ce qu’il parait ,
en rapport intime avec des misérables comme moi ? »-« Sois tranquille, ma fille,
c’est justement par une telle misère, que je veux montrer la puissance de Ma
Miséricorde. » J’ai compris que cette Mère voulait seulement m’humilier.
134. O mon Jésus, Vous m’avez bien éprouvée pendant cette
courte vie, j’ai compris beaucoup de choses, tellement même que cela m’étonne
maintenant. Oh ! Comme il est bon de se livrer totalement à Dieu et de lui
permettre d’agir pleinement dans l’âme !
135. Pendant la troisième probation, le Seigneur me fit
comprendre que je devais me sacrifier pour Lui, afin qu’il puisse faire de moi
tout ce qu’il Lui plairait. Je dois me placer devant Lui en attitude d’oblation.
Au premier moment, j’étais toute effrayée, sentant que j’étais un abîme de
misère, moi qui me connaissais bien. J’ai répondu encore une fois au Seigneur :
« Je suis la misère même, comment puis-je être un otage ? » -« Tu ne le
comprendra pas aujourd’hui. Demain, pendant ton adoration, je te le ferai
connaître. » Mon cœur frémit autant que mon âme. Ces mots s’enfoncèrent
profondément dans mon âme. La parole de Dieu est vivante.
Lorsque je suis venue pour l’adoration, j’ai senti
intérieurement que j’étais entrée dans le temple du Dieu vivant dont la Majesté
est grande et inconcevable. Et Il me fit connaître ce que sont vis-à-vis de Lui
les esprits les plus purs. Bien que ne voyant rien, la présence divine me
pénétra jusqu’au fond de moi-même. Dans le moment même, mon esprit fut
singulièrement éclairé. Devant les yeux de mon âme passa une vision, comme la
vision de Jésus au Jardin des Oliviers. D’abord les souffrances physiques et
toutes les circonstances qui augmenteront, puis les souffrances spirituelles
dans toute leur étendue et celles aussi dont personne ne saura jamais rien. Tout
entra dans cette vision : les soupçons injustes, la perte de la bonne renommée.
Je l’ai écrit en résumé, mais cette connaissance était déjà si nette, que tout
ce par quoi je suis passée plus tard, n’a rien changé au moment où je l’ai
connu. Mon nom doit être : »sacrifice ».
Quand la vision fut finie, une sueur froide baignait mon
front. Jésus me fit savoir que m^me si je n’y consentais pas, je pouvais me
sauver. Il ne me donnerais pas moins de grâces, et Il continuerait a avoir avec
moi les mêmes rapports intimes. Donc, même si je ne consentais pas à ce
sacrifice, la largesse de Dieu ne diminuerait pas en ma faveur. Et le Seigneur
me fit savoir que tout le mystère dépendait de moi, de mon consentement
volontaire au sacrifice avec la pleine connaissance de mon esprit. C’est cet
acte volontaire et conscient qui fait toute sa puissance et sa valeur aux yeux
de Sa Majesté. Même si rien de ces choses pour lesquelles je me suis offerte
n’arrivait, tout était déjà comme consommé pour le Seigneur.
136. A ce moment je connus que j’entrais directement en
communication avec la Majesté inconcevable. Je sentis que Dieu attendait ma
réponse, mon consentement. Alors mon esprit se plongea dans le Seigneur et je
dis : « Faites ce qu’il Vous plaira de moi, Seigneur. Je me livre à Votre
volonté qui sera désormais ma nourriture. Je serai fidèle à Vos exigences, avec
l’aide de Votre grâce. Faites de moi ce qu’il Vous plaira. Mais je vous en
supplie, Seigneur, soyez avec moi à chaque instant de ma vie. »
137. Au moment où j’ai consenti au sacrifice avec ma volonté
et mon cœur, la Présence divine me pénétra. Mon âme fut plongée en Dieu et
inondée d’un tel bonheur, que je ne puis le décrire, même en partie. Je sentais
que la Majesté divine m’entourait. J’étais singulièrement unie à Dieu. Je voyais
à quel point je plaisais à Dieu et réciproquement, mon esprit s’abîmait en Lui.
Consciente de cette union avec Dieu, je sens que je suis particulièrement aimée,
et, en retour, je L’aime de toute la force de mon âme. Un grand mystère eut lieu
pendant cette adoration. Un mystère entre le Seigneur et moi. Il me semblait en
voyant l’amour dans Son regard que j’allais expirer. J’eu une longue causerie
avec le Seigneur, sans prononcer un mot. Et il me dit : « Tu es le délice de mon
Cœur. A partir d’aujourd’hui, le moindre de tes actes, est un plaisir à Mes
yeux, quoi que tu fasses. » De ce moment je me sentis consacrée. L’enveloppe du
corps reste la même, mais l’âme est autre. Dieu demeure en elle et se complait
en elle. Ce n’est pas un sentiment, mais une réalité consciente que rien ne peut
assombrir. Un grand mystère s’est accompli entre Dieu et moi. Mon âme en fut
affermie et fortifiée.
138. L’adoration finie, je sortis, regardant paisiblement en
face tout ce dont j’avais tellement peur avant. Quand j’arrivai dans le
corridor, une grande souffrance et une humiliation m’attendaient infligées par
une certaine personne. Je les acceptais en soumission à une volonté plus haute
et je me suis fortement serrée contre le Sacré-Cœur de Jésus montrant, de cette
façon, que je suis prête à ce à quoi je me suis offerte. La souffrance semblait
surgir sous mes pas, même Mère Marguerite Gimbutt en fut étonnée. Beaucoup de
choses échappaient aux autres, car vraiment il n’y avait pas de quoi y faire
attention. Mais à moi rien n’échappait, chaque mot était analysé, chaque pas
observé.
Une Sœur me dit : « Préparez-vous, ma Sœur à recevoir une
petite croix, que vous réserve la Mère Supérieure, j’ai pitié de vous, ma Sœur.
» Et mon âme se réjouit, car j’y étais prête depuis longtemps ; quand elle
perçut mon courage elle fut étonnée. Je vois maintenant que l’âme seule ne peut
grand-chose par elle-même, mais avec Dieu elle peut tout. Telle est la puissance
de la grâce de Dieu. Peu d’âmes restent toujours attentives aux inspirations de
Dieu; et encore moins, suivent ces inspirations divines.
139. Cependant l’âme fidèle à Dieu ne peut pas décider seule
de ses inspirations, elle doit les soumettre au contrôle d’un prêtre prudent et
avisé et tant qu’elle n’a pas acquit la certitude, il faut qu’elle reste
incrédule. Quelle ne se fie pas, seule, à ces inspirations et à toutes ces
grâces reçues d’en haut ; car elle peut s’exposes à de grands désastres.
Bien que l’âme discerne les fausses inspirations de celles de
Dieu, qu’elle soit cependant prudente. Car il y a beaucoup de choses
incertaines. Dieu aime et apprécie quand l’âme ne croit pas en Lui, par amour
pour Lui, quand elle demeure prudente, qu’elle demande et cherche de l’aide pour
se prouver à elle-même que c’est vraiment Dieu, qui agit en elle. Et si un
confesseur éclairé le lui affirme, quelle soit tranquille et se rende à Dieu
suivant les indications du confesseur.
140. L’amour pur est capable de grandes actions et ni les
difficultés ni les contrariétés ne peuvent le briser. Quand l’amour surmonte de
grandes difficultés, il est aussi persévérant dans la vie monotone et ennuyeuse
de chaque jour. Il sait qu’une seule chose plaît à Dieu : tout faire, même les
moindres choses avec un grand amour – l’amour et l’amour seul.
L’amour pur ne s’égare pas et ne fait rien qui pourrait déplaire à Dieu. Il est
ingénieux pour faire ce qui est le plus agréable à Dieu et personne ne
l’égalera ; son bonheur est de s’anéantir et de brûler comme une offrande pure.
Plus il se donne, plus il est heureux. De plus, personne ne sait deviner les
dangers d’aussi loin que lui. Il sait démasquer et il sait aussi à qui il a
affaire.
141. Mais mes tourments arrivaient à leur fin. Le Seigneur me
donna l’aide promise. Je la vis en la personne de deux prêtres : le Père Andrasz
et l’abbé Sopocko. Pendant la retraite, avant mes vœux perpétuels, je fus, pour
la première fois, tranquillisée à fond. Et plus tard, je fus guidée dans la même
direction par l’Abbé Sopocko. Ainsi s’accompli la promesse du Seigneur.
142. Lorsque je fus tranquillisée et instruite de la façon
dont je devais avancer dans les voies divines, mon esprit s’est réjoui dans le
Seigneur, et il me semblait que je ne marchais pas, mais que je courrais. Les
ailes déployées pour le vol, j’ai commencé à planer en plein soleil, et je ne
descendrai pas jusqu’à ce que je repose en Celui en qui mon âme s’est perdue
pour l’éternité. Et je me suis totalement soumise à l’influence de la grâce ;
les abaissements de Dieu envers mon âme sont bien grands. Je ne m’écarte ni ne
me refuse; mais je me noie en lui, comme mon seul trésor. Je suis un avec le
Seigneur. Le gouffre qui nous sépare : le Créateur et sa créature, semble avoir
disparu.
Pendant quelques jours, mon âme vécut comme en une incessante
extase. La présence de Dieu ne me quittait pas un instant. Et je restais en
continuelle union amoureuse avec le Seigneur. Cependant cela ne m’empêchait pas
d’accomplir mes devoirs. Je sentais que j’étais transformée en amour, je brûlais
toute mais sans me consumer. Je m’anéantissais continuellement en Dieu. Dieu
m’attirait à Lui avec une telle force et une telle puissance que par moment je
ne me rendais plus compte que j’étais sur terre.
Si longtemps j’avais gêné et craint la grâce ! et maintenant
Dieu, par l’intermédiaire du Père Andrasz éloignait toutes les difficultés. Mon
esprit fut tourné vers le soleil et s’épanouit dans sa lumière pour Lui seul, je
ne comprends plus…(ici la phrase s’interrompt et Sœur Faustine commence une
toute autre pensée à la ligne suivante
143. J’ai gaspillé bien des grâces divines, car j’avais
toujours peur d’être dans l’illusion. Dieu m’attirait à Lui avec une telle
puissance que souvent il n’était pas en mon pouvoir de résister à Sa grâce
lorsque j’étais soudain plongée en Lui. Dans ces moments, Il me remplissait
d’une telle paix que, même quand je voulais, par la suite, m’inquiéter, je ne le
pouvais pas.. Et, un jour, j’entendis dans mon âme ces paroles : « Pour que tu
sois assurée que c’est Moi qui suis l’auteur de toutes ces exigences, Je
t’accorderai une paix si profonde que, même si tu voulais t’inquiéter et
t’effrayer, aujourd’hui ce ne sera pas en ton pouvoir ; l’amour va inonder ton
âme jusqu’à l’oubli de toi. »
144. Plus tard, Jésus me donna un autre prêtre, devant lequel
il m’ordonna de dévoiler mon âme. Je le fis au premier moment avec un peu
d’hésitation ce qui me valut une sévère réprimande de Jésus, à la suite de
laquelle mon âme fut envahie par une profonde humilité. Sous sa direction
cependant, mon âme progressait rapidement dans l’amour de Dieu, et de nombreuses
demandes du Seigneur furent extérieurement accomplies. Plus d’une fois, son
courage et sa profonde humilité retinrent mon attention
145. Oh ! que mon âme est misérable, elle a gaspillé’ tant de
grâces ! Je fuyais Dieu et il me poursuivait de Ses grâces. Le plus souvent je
recevais des faveurs de Dieu lorsque je ne m’y attendais pas. Depuis que le
Seigneur m’a donné un directeur, je suis plus fidèle à la grâce. C’est avec ce
directeur, et en vertu de sa vigilance pour mon âme que j’ai expérimenté ce
qu’est la direction spirituelle, et comment Jésus la conçoit. Jésus
m’avertissait de la plus petite faute. Il insistait sur le fait que c’est Lui
qui décide dans toutes les affaires que je soumettais à mon directeur et que
tous les manquements envers celui-ci L’atteignaient Lui-même.
Quand mon âme commença à goûter un profond recueillement et
la paix, sous cette direction, j’entendis souvent ces mots, plus d’une fois
répétés : « Fortifie-toi pour le combat. »
Jésus m’a souvent révélé que ce qui lui déplait en moi, et
plus d’une fois, Il m’a réprimandée pour des choses minimes en apparence, mais
qui, à vrai dire, avaient une grande signification. Il m’avertissait et
m’exerçait comme un Maître. Pendant de nombreuses années c’est Lui-même qui m’a
élevée, jusqu’au moment où Il me donna un directeur de conscience. Auparavant,
il m’expliquait Lui-même ce que je ne comprenais pas ; maintenant il m’ordonne
de questionner en toutes choses mon confesseur. Il m’a souvent dit : « Je te
répondrai par sa bouche, sois tranquille. »
Il ne m’est jamais arrivé de recevoir une réponse contraire à
ce que le Seigneur exigeais de moi, dans le cadre de ce que j’avais soumis à mon
directeur. Parfois Jésus me recommandait certaines choses, ignorées de tous, et
quand je m’adressais à mon confesseur, celui-ci me recommandait la même chose.
Cela n’arrivais pas souvent.
Lorsqu’une âme a longtemps reçu lumière et inspiration en
abondance et que ses confesseurs ont confirmé sa paix et la provenance divine de
ces inspirations, si son amour est grand, Jésus lui indique qu’il est temps
d’utiliser ce qu’elle a reçu et de passer à l’action. L’âme réalise que le
Seigneur compte sur elle et cette connaissance augmente ses forces. Elle sait
que, pour rester fidèle, elle devra, plus d’une fois s’exposer à des
difficultés, mais elle a confiance en Dieu et, grâce à cette confiance, elle
arrive là où Dieu l’appelle. Les difficultés ne l’effrayent pas, elles sont pour
elle comme le pain quotidien. Elles ne l’effrayent ni ne l’épouvantent, de même
que le fracas des canons ne terrifie pas le chevalier qui est constamment au
cœur du combat. Loin d’avoir peur elle écoute, afin de remporter la victoire, de
quel côté l’ennemi attaque. Elle ne fait rien aveuglément, mais elle scrute,
elle réfléchit profondément et, ne comptant pas sur elle-même, elle prie avec
ferveur et consulte des chevaliers expérimentés et sages. Lorsqu’elle agit de la
sorte, elle remporte presque toujours la victoire
Il y a des attaques où l’âme n’a le temps ni de réfléchir ni
de consulter, alors il faut combattre à la vie, à la mort Il est bon parfois de
se réfugier dans la Blessure du Cœur de Jésus, sans répondre un seul mot, par
cela même l’ennemi est déjà vaincu.
En temps de paix l’âme doit aussi s’imposer des efforts comme
au moment du combat, Elle doit s’exercer et bien s’exercer, sinon elle n’a
aucune chance de victoire. J’estime le temps de paix comme un temps de
préparation à la victoire. Elle doit veiller sans cesse ; vigilance et encore
vigilance. L’âme qui réfléchit reçoit beaucoup de lumière. L’âme dissipée
s’expose à la chute ; qu’elle ne s’étonne pas si elle tombe. O Esprit divin,
Directeur de l’âme, sage est celui que vous avez exercé. Mais pour que l’Esprit
divin puisse agir dans une âme, la paix et le recueillement sont nécessaires.
146. L’oraison : Par l’oraison, l’âme s’arme pour le combat ;
en quelque état qu’elle soit, elle doit prier. L’âme pure et belle doit prier,
sous peine de perdre sa beauté. L’âme qui tend vers cette pureté, sinon elle n’y
arriverait pas. L’âme qui vient de se convertir doit prier, pour persévérer.
L’âme pécheresse, plongée dans le péché, doit prier pour pouvoir se relever.
Ainsi il n’y a pas d’âme qui ne soit obligée de prier, car s’est par la prière
que la grâce descend sur elle.
147. Je me rappelle que j’ai reçu beaucoup de lumière pendant
les adorations que je faisais pendant une demi-heure chaque jour, pendant le
Carême, prosternée devant le Saint-Sacrement. C’est alors que j’approfondis la
connaissance que j’avais de moi-même, ainsi que celle de Dieu. Bien qu’ayant la
permission des Supérieures, j’eus beaucoup de difficulté à faire ainsi oraison.
Que l’âme sache que pour prier et persévérer dans l’oraison, il faut s’armer de
patience et surmonter courageusement toutes les difficultés intérieures t
extérieures. Les difficultés intérieures : les découragements, les sécheresses,
les lourdeurs, les tentations. Les difficultés extérieures: c’est l’opinion
humaine. Il faut savoir sauvegarder les moments destinés à l’oraison. J’en ai
fait moi-même l’expérience, car si je ne faisais pas mon oraison au moment fixé,
je la négligeais parce que, plus tard, mes devoirs m’en empêchaient ; et m^me si
j’avais la chance de la faire, c’était à grande peine, car ma pensée fuyais vers
mes devoirs.
J’avais aussi une autre difficulté: quand l’âme a bien fait
son oraison, elle reste ensuite profondément recueillie intérieurement; et si
d’autres personnes contrarient, alors, son recueillement, elle doit être
patiente pour persévérer dans l’union à Dieu. Plus d’une fois il m’est arrivé
que lorsque mon âme était très profondément abîmée en Dieu elle retirât un plus
grand profit de l’oraison. Et Dieu m’accompagnait de sa présence durant la
journée Et; je restais recueillie pendant mon travail et je réalisais avec plus
de soins et de précision. Et c’est justement alors qu’il m’est arrivé de
recevoir le plus de reproches : sur mon manque de fidélité à mon devoir, sur mon
indifférence à tout. Car les âmes moins recueillies veulent que les autres, qui
sont pour elles un remord incessant, leur ressemblent.
148. L’âme noble et sensible qui peut même être très simple,
mais qui a des sentiments délicats, voit Dieu en tout et Le rencontre partout,
elle sait trouver Dieu même dans les choses les plus secrètes. Tout a de
l’importance pour elle. Elle apprécie tout, elle remercie Dieu pour tout, elle
tire un profit spirituel de tout, et tout lui est une occasion de louer Dieu.
Elle a confiance en Lui et ne de trouble pas quand vient le temps des épreuves.
Elle sait que Dieu est toujours le meilleur des Pères,et elle fait peu de cas de
l’opinion humaine. Attentive au moindre souffle de l’Esprit Saint elle jouit de
cet hôte spirituel et se tient près de Lui comme un enfant près de sa mère.
Là, où d’autres âmes s’arrêtent et ont peur, elle passe sans crainte et sans
difficulté.
149. Quand le Seigneur veut être Seul près de l’âme et la
conduire, Il éloignera d’elle tout ce qui est extérieur. Lorsque je tombai
malade et qu’on me transporta à l’infirmerie, cela me causa des ennuis. Nous
étions deux malades à l’infirmerie. Les Sœurs venaient voir Sœur N., personne ne
venait me voir. Il est vrai que c’est une infirmerie, mais chacune a sa cellule.
Sœur N., personne ne venait me voir. Il est vrai que c’est une infirmerie, mais
chacune a sa cellule. Les soirées d’hiver étaient longues, Sœur N. avait de la
lumière, un récepteur de radio, moi je ne pouvais même pas préparer ma
méditation, faute de lumière.
Près de deux semaines plus tard, un soir, je me plaignis au Seigneur de beaucoup
souffrir et de ne même pas pouvoir préparer ma méditation, faute de lumière. Et
le Seigneur me répondit que chaque soir Il viendrait et m’indiquerait les points
à méditer le lendemain... Ces points concernaient toujours Sa douloureuse
Passion. Il me disait : « Considère Ma Passion devant Pilate ». – Et ainsi,
pendant toute la semaine, je considérais, un par un, les différents moments de
Sa douloureuse Passion. A partir de ce moment, une grande joie pénétra dans mon
âme, et je ne désirais plus ni visites ni lumière : Jésus me suffisait en tout.
La sollicitude des Supérieures pour les malades était bien grande, pourtant le
Seigneur en avait disposé ainsi : je me sentais délaissée. Pour pouvoir agir
Seul, ce Maître incomparable éloigne tout ce qui est crée.
Parfois j’éprouvais de telles persécutions et souffrances que, même Mère
Marguerite me dit : sur votre voie, ma Soeur, les souffrances surgissent comme
d’elles-mêmes sous vos pas. Je vous vois, ma Sœur, comme une crucifiée.
Cependant j’ai remarqué que Jésus y est pour quelque chose. Soyez fidèle au
Seigneur.
150. Je désire noter un rêve que j’ai eu : j’ai rêvé de
Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. J’étais encore novice et j’avais certaines
difficultés que je ne pouvais surmonter. Ces difficultés étaient intérieures et
des difficultés extérieures s’y mêlaient. Je faisais des neuvaines à divers
Saints. Mais l’épreuve devenait de plus en plus lourde. Mes souffrances étaient
si grandes que je ne savais plus comment vivre et soudain l’idée me vint de
prier Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. J’ai commencé une neuvaine à cette
Sainte. Avant mon entrée au couvent, j’avais une grande dévotion envers elle. Je
l’avais un peu négligée depuis. Mais dans la nécessité où je me trouvais, j’ai
recommencé à la prier avec une grande ferveur.
Le cinquième jour de la neuvaine, Sainte Thérèse m’apparut en
rêve, mais elle me semblait être encore sur la terre. Elle m’avait caché qu’elle
était Sainte et elle me consolait, disant que je ne devais pas tellement
m’attrister de cette affaire, mais être plus confiante envers Dieu. Elle me
disait « Moi aussi, j’ai beaucoup souffert ». Je ne croyais pas trop qu’elle
avait tant souffert, et je lui dis : « Il me semble que vous ne souffrez pas du
tout. » Cependant Sainte Thérèse me répondit d’une manière convaincante. Elle:
ajouta, « Sachez ma Soeur que dans trois jours cette affaire arrivera à bonne
fin. » Comme je ne voulais pas trop la croire, elle me révéla qu’elle était
Sainte. A ce moment une grande joie emplit mon âme et je lui dis : « Vous êtes
Sainte ? » Elle me répondit : « Oui, je suis Sainte. Ayez confiance, cette
affaire sera réglée en trois jours. » Et je lui dit : « Sainte Thérèse,
dites-moi, est ce que j’irai au ciel ? » Elle répondit: « Oui, vous irai au
Ciel, ma Sœur. » « Et serais-je Sainte ? » - « Oui, vous serez sainte »
répondit-elle. – « Mais, Thérèse, serais-je sainte comme Vous, sur les autels ?
» Et elle répondit : « Oui, vous serez Sainte comme moi.. Mais vous devez avoir
une grande confiance en Jésus. »
Et je lui demandai alors si mon père et ma mère iraient au
Ciel, si…( ici Sœur Faustine a interrompu la phrase). Elle me répondit qu’ils
iraient au Ciel. – « Et mes frères et mes sœurs iront-ils au Ciel ? » Elle ne me
donna pas une réponse sûre, mais elle me dit que je devais beaucoup prier pour
eux. Je compris qu’ils avaient besoin de beaucoup de prières.
C’était comme un rêve et, comme dit le proverbe : « Dieu est
foi, songe est mensonge. Cependant le troisième jour, je réglai cette difficulté
très facilement. Tout s’accomplit exactement comme elle me l’avait dit. C’est un
rêve, mais il avait sa signification.
151. Une fois, alors que j’étais à la cuisine avec Sœur N.,
elle s’est un peu fâchée contre moi ; et comme pénitence elle me fit asseoir sur
la table. Elle-même s’activait, elle nettoyait, frottait ; et moi je restais
assise sur la table. Les sœurs venaient et s’étonnaient de me voir ainsi.
Chacune disait son mot ; – Elle est désoeuvrée… – Quelle extravagante ! – Quelle
Sœur fera-t-elle ? (Je n’étais alors que postulante).
Néanmoins, au nom de l’obéissance, je ne pouvais descendre,
puisque la sœur m’avait ordonné, au nom de l’obéissance de rester assise jusqu’à
ce qu’elle me dise de descendre. Vraiment, Dieu sait combien d’actes
d’abnégations je fis alors. Il me semblait brûler de honte. Plus d’une fois,
Dieu m’éprouva de la sorte pour me tremper intérieurement, mais il me récompensa
de cette humiliation par une grande consolation. Pendant la Bénédiction, je le
vis très beau. Jésus me regarda avec bienveillance et dit : « Ma fille, n’aie
pas peur des souffrances, Je suis avec toi. »
152. Une autre fois j’étais de service pendant la nuit, et la
peinture de ce tableau me faisait beaucoup souffrir. Je ne savais plus à quoi
m’en tenir tant on m’avais persuadé que c’était une illusion. Par ailleurs, un
prêtre m’avait dit que peut-être justement, Dieu voulait être honoré par ce
tableau et qu’il fallait donc tâcher de le faire peindre. Cependant mon âme
était très fatiguée. Quand je suis entrée dans la petite chapelle, j’ai approché
ma tête du tabernacle, j’ai frappé à la porte et j’ai dit : « Jésus, voyez
quelles grandes difficultés me cause ce tableau. » J’entendis alors une voix
venant du Tabernacle : « Ma fille, tes souffrances ne vont plus durer longtemps.
»
153. Un jour je vis deux routes : l’une large, sablonneuse et
semée de fleurs, pleine de joie, de musique et de toutes sortes de plaisirs. Les
hommes passaient sur cette route dansant et s’amusant. Ils arrivaient au terme
sans s’en apercevoir. Or à la fin de cette route il y avait un horrible gouffre,
l’abîme infernal. Les âmes y tombaient aveuglément et en si grand nombre qu’on
ne pouvait les compter.
La deuxième était plutôt un sentier, car elle était étroite,
semée de ronces et de pierres. Et ceux qui avançaient sur cette route étaient en
larmes, la souffrance était leur part. Les uns tombaient sur les pierres, mais
ils se relevaient aussitôt et continuaient à avancer. Au bout de la route, il y
avait un magnifique jardin rempli de toutes sortes de bonheurs. Toutes les âmes
y entraient et dès qu’elles en avaient franchi le seuil, elles en oubliaient
leurs souffrances.
154. Une fois il y avait l’adoration chez les Sœurs de la
Sainte Famille, j’y suis allée le soir, avec une de nos Sœurs. Dès que je suis
entrée dans la petite chapelle, la présence de Dieu envahit mon âme. Je priais
comme en de tels moments, sans prononcer de paroles. Soudain je vis le Seigneur
qui me dit : « Sache que si tu néglige la peinture de ce tableau et toute
l’œuvre de la miséricorde, tu devras rendre compte au Jour du Jugement, d’un
grand nombre d’âmes. » A ces paroles du Seigneur, la frayeur s’empara de moi.
Je n’arrivais pas à me tranquilliser. Ces mots sonnaient à mes oreilles. Ainsi
je ne devrai pas répondre seulement pour moi-même au Jour du Jugement de Dieu,
mais aussi pour d’autres. Ces mots se gravèrent profondément dans mon cœur.
Rentrée à ma maison je suis allée chez le Petit Jésus, je me
suis prosternée devant le Saint Sacrement et j’ai dit au Seigneur : « Je ferai
tout mon possible, mais je Vous en supplie, soyez toujours avec moi et
donnez-moi la force d’accomplir votre Sainte Volonté. Car Vous pouvez tout, et
moi je ne peut rien de moi-même. »
155. Il m’arrive depuis quelque temps que mon âme sente
aussitôt quand quelqu’un prie pour moi ; et de même si une âme désire (même sans
me le dire) que je prie pour elle, je le ressens aussi dans mon âme, au point
que j’éprouve une certaine inquiétude, comme si quelqu’un m’appelait. Et, quand
je prie, je recouvre la paix.
156. A un certain moment je désirais beaucoup communier. Mais
j’avais un doute, et je ne suis pas allé à la Sainte Table. J’en souffrais
terriblement. Tandis que j’étais occupée à mon travail ; il me semblait que mon
cœur éclatait de douleur. Tandis que j’étais occupée à mon travail, le cœur
plein d’amertume, Jésus se trouva soudain près de moi et me dit : « Ma fille,
n’omets pas la Sainte Communion, à moins que tu sache que tu es tombée
gravement. De plus qu’aucun doute ne t’arrête pour t’unir à Moi dans Mon mystère
d’amour. Tes menues fautes disparaîtront dans mon amour, comme un brin de paille
jeté dans une grande fournaise. Sache que tu M’attristes beaucoup quand tu Me
délaisses dans la Sainte Communion. »
157. Le soir, quand je suis entrée dans la petite chapelle,
j’entendis : « Ma fille, médite ces paroles : Etant tombé en agonie, Il priait
plus instamment. » - Lorsque j’ai commencé à réfléchir plus profondément, mon
âme fut envahie par une grande lumière. J’ai reconnu qu’il nous faut beaucoup de
persévérance dans l’oraison et que notre salut dépend souvent d’une prière bien
difficile.
158. J’étais à Kiekrz pour peu de temps, pour remplacer une
de mes Sœurs. Or un après midi, passant par le jardin, je me suis arrêtée au
bord du lac. Pendant un long moment je restais là, pensive. Soudain, je vis
Jésus près de moi. Il me dit avec bonté : « J’ai crée tout ceci pour toi, Mon
épouse. Mais sache que toutes ces beautés ne sont rien comparées à ce que Je
t’ai préparé dans l’éternité. » Mon âme fut inondée d’une si grande consolation
que je restai là jusqu'au soir. Et il me sembla que ce n’était qu’un moment bien
court. C’était mon jour libre destiné à la retraite d’un jour, j’avais donc
liberté complète de tester en oraison. Oh ! que la bonté de Dieu est infinie !
Il nous poursuit de Sa bonté. Il arrive le plus souvent que le Seigneur me donne
les plus grandes grâces alors que je m’y attends le moins.
159. O Sainte Eucharistie ! Pour loi,
Vous êtes enfermé dans le ciboire d’or,
Pour que, dans le grand désert de l’exil je puisse passer immaculée, intacte
Par la puissance de Votre amour.
O Sainte Eucharistie ! Pour moi,
Vous êtes enfermé dans le ciboire d’or,
Pour que, dans le grand désert de l’exil, je puisse passer immaculée, intacte,
Par la puissance de votre amour.
O Sainte Eucharistie ! Hôte de mon âme,
Le plus pur amour de mon cœur,
Que votre clarté dissipe les ténèbres.
Vous ne refusez pas vos faveurs au cœur plein d’humilité
.O Sainte Eucharistie ! Enchantement du ciel,
Bien que vous cachiez Votre beauté,
Et que Vous Vous présentiez à moi dans une parcelle de pain,
La force de la foi déchire ce voile.
160. Le jour de la croisade, qui est le cinquième jour du
mois, tombait le premier vendredi du mois. Aujourd’hui c’est mon jour pour
monter la garde d’honneur devant Jésus. Mon devoir était de réparer tous les
outrages et les manques de respect envers le Seigneur, de prier qu’en ce jour
aucun sacrilège ne soit commis. Mon esprit était ce jour là d’un singulier
amour pour l’Eucharistie. Il me semblait être changée en brasier. Quand je
m’approchai de la Sainte Communion et que le prêtre me donna Jésus, une seconde
hostie s’accrocha à sa manche et je ne savais pas laquelle des deux je devais
recevoir. Alors que je réfléchissais un instant, le prêtre impatient me fit de
la main le signe de recevoir l’hostie qu’il me présentait. Dès que je l’eus
reçue, l’autre tomba sur mes mains. Le prêtre continua à donner la Sainte
Communion jusqu’au bout de la table de Communion, cependant que moi je tenais
Jésus sur mes mains pendant tout ce temps. Quand le prêtre revint, je lui
présentai l’hostie pour qu’il la remette dans le ciboire. Car, après avoir reçu
Jésus, je ne pouvais, avant de L’avoir consommé, dire que l’autre hostie était
tombée…
Mais pendant tout le temps où j’ai eu l’hostie en main, je
ressentais une telle puissance d’amour que, de toute la journée, je ne pus ni
manger ni reprendre connaissance. J’ai entendu ces paroles venant de l’hostie :
« Je désirais reposer sur tes mains et pas seulement dans ton cœur. » Et
soudain, au même instant, je vis Jésus. Mais quand le prêtre s’approcha, je ne
vis plus que l’hostie à nouveau.
161. O Marie, Vierge Immaculée,
Pur cristal pour mon cœur,
Vous êtes ma force, ô ancre puissante.
Vous êtes le boulier et la défense du cœur pauvre.
O Marie, vous êtes pure, incomparable,
Vierge et Mère en même temps,
Vous êtes belle comme le soleil, sans tache.
Incomparable est votre âme !
Votre beauté a charmé le regard du Trois fois Saint,
Quittant le Trône éternel, Il descendit du Ciel,
Et Il a reçu Son Corps et Son Sang de Votre Cœur,
Pendant neuf mois se cachant dans le cœur d’une Vierge.
O Vierge Mère, personne ne concevra ceci :
Dieu infini devint homme.
Par Son amour et Son insondable Miséricorde.
Par vous, Mère, Il nous est donné de vivre éternellement avec Lui.
O Marie, Vierge, Mère et Porte du Ciel
Par vous le salut nous est venu.
De vos mains jaillit chaque grâce pour nous,
Une fidèle imitation de vous peut seule me sanctifier.
O Vierge Marie, le plus beau des Lys,
Votre Cœur était pour Jésus le premier tabernacle sur terre.
C’est parce que votre humilité était la plus profonde
Que vous êtes élevée au dessus des Chœurs angéliques et des Saints.
O Marie, ma douce mère,
Je vous rends mon âme, mon corps et mon pauvre cœur,
Soyez gardienne de ma vie,
Et particulièrement à l’heure de la mort, dans le combat suprême.
162. J. M. J. 1er janvier 1937
Jésus, j’ai confiance en vous.
La carte du contrôle intérieur de l’âme. L’examen particulier.
S’unir au Christ Miséricordieux.
Pratique : le silence intérieur, garder strictement le silence.
La conscience
Janvier :
Dieu et l’âme, le silence. Victoires: 41; chutes 4.
Court acte de piété : « Et Jésus gardais le silence. »
Février
Dieu et l’âme, le silence. Victoires 36 ; chutes 3
Mars :
Dieu et l’âme, le silence. Chutes :3.
Court acte de piété : « Jésus, enflammez mon cœur d’amour.»
Avril :
Dieu et l’âme, le silence. Victoires : 61 ; chutes : 4.
Court acte de piété : « Avec Dieu, je peux tout. »
Mai :
Dieu et l’âme, le silence. Victoire : 92 ; chutes : 3.
Court acte de piété : « Dans Son Nom est ma force. »
Juin :
Dieu et l’âme, le silence. Victoires : 64, chutes : 1.
Court acte de piété : « Tout pour Jésus. »
Juillet
Dieu et l’âme, le silence. Victoires : 62 ; chutes : 8.
Court acte de piété : « Reposez-Vous, Jésus, dans mon cœur. »
Août
Dieu et l’âme, le silence. Victoires :88 ; chutes : 7.
Court acte de piété : « Jésus, Vous savez… »
Septembre
Dieu et l’âme, le silence. Victoires : 99 ; chutes 1.
Court acte de piété : « Jésus, cachez-moi dans Votre Cœur. »
Octobre :
Dieu et l’âme, le silence. Victoires : 41 ; chutes : 3.
Court acte de piété : « Marie, unissez-moi à Jésus. »
(Ici c’est une nouvelle page. Retraite.)
Novembre :
Dieu et l’âme, le silence. Victoires, chutes
Court acte de piété : « O mon Jésus, miséricorde ! »
Décembre :
Dieu et l’âme, le silence. Victoires, chutes.
Court acte de piété : « Salut, vivante Hostie ! »
163. J.M.J. Année 1937
Exercices généraux
O très Sainte Trinité,je désire adorer Votre Miséricorde par
chaque souffle de mon être, chaque battement de mon cœur, chacune de mes
pulsations.
Je désire être toute transformée en Votre Miséricorde et être
ainsi un vivant reflet de Vous, Seigneur. Que le plus grand des attributs divins
Votre insondable Miséricorde, se déverse par mon âme et mon cœur sur le
prochain.
Aidez-moi, Seigneur, pour que mes yeux soient miséricordieux,
pour que je ne soupçonne jamais ni ne juge d’après les apparences extérieures,
mais que je discerne la beauté dans l’âme de mon prochain et que je lui vienne
en aide.
Aidez-moi, Seigneur, pour que mon oreille soit
miséricordieuse, afin que je me penche sur les besoins de mon prochain et ne
reste pas indifférente à ses douleurs ni à ses plaintes.
Aidez-moi, Seigneur, pour que ma langue soit miséricordieuse,
afin que je ne dise jamais du mal de mon prochain, mais que j’aie pour chacun un
mot de consolation et de pardon.
Aidez-moi, Seigneur, pour que mes mains soient
miséricordieuses et remplies de bonnes œuvres, afin que je sache faire du bien à
mon prochain et prendre sur moi les tâches les plus lourdes et les plus
déplaisantes.
Aidez-moi, Seigneur, pour que mes pieds soient
miséricordieux, pour me hâter au secours de mon prochain, en dominant ma propre
fatigue et ma lassitude. Mon véritable repos est de rendre service à mon
prochain.
Aidez-moi, Seigneur, pour que mon cœur soit miséricordieux
afin que je ressente toutes les souffrances de mon prochain. Je ne refuserai mon
cœur à personne. Je fréquenterai sincèrement m^me ceux qui, je le sais, vont
abuser de ma bonté ; et moi, je m’enfermerai dans le Coeur Très Miséricordieux
de Jésus. Je tairai mes propres souffrances. Que Votre miséricorde repose en
moi, Seigneur.
Vous m’ordonnez Vous-même de m’exercer aux trois degrés de la
miséricorde. Le premier : l’acte de charité quel qu’il soit ; le second : la
parole miséricordieuse : si je ne puis aider par l’action, j’aiderai par la
parole ; le troisième : la prière. Si je ne peux témoigner la miséricorde ni par
l’action, ni par la parole, je le pourrai toujours par la prière. J’envoie ma
prière même là où je ne puis aller physiquement. O Jésus, transformez-moi en
Vous, car Vous pouvez tout. (Ici quatre pages sont restées libres).
164. J. M. J. Varsovie, 1933
Probation avant les vœux perpétuels
Lorsque j’appris que je devais partir pour la probation, mon
cœur fut empli de joie à la perspective d’une telle joie : mes vœux perpétuels !
Je suis allée devant le Saint Sacrement et je me suis plongée dans l’action de
grâce. J’ai entendu : « Mon enfant, tu es mon délice, tu es le soulagement de
Mon Cœur. Je t’accorde autant de grâces que tu es capable d’en supporter. Parle
au monde entier de Ma grande et insondable Miséricorde, si tu veux Me faire
plaisir. »
165. Quelques semaines avant l’annonce de mon entrée en
probation, je suis allée passer un moment à la chapelle, et Jésus me dit : « A
cet instant les Supérieures annoncent quelles Sœurs prononceront leurs vœux
perpétuels. Elles ne recevront pas toutes cette grâce, mais c’est leur faute.
Qui ne profite pas des petites grâces n’en reçoit pas de grandes. Mais à toi,
mon enfant, cette grâce est donnée. »
Un joyeux étonnement envahit mon âme, parce que, quelques
jours auparavant, une des Sœurs m’avait dit : « Vous ne ferez pas la troisième
probation, ma Sœur. Je vais déconseiller moi-même de vous laisser faire vos vœux
; » Je n’ai rien répondu à cette Sœur, mais j’en ai grandement souffert ;
pourtant je tâchais de cacher ma douleur. O Jésus, comme vos actions sont
singulières. Je vois maintenant que les gens ne peuvent grand’chose par eux
mêmes, car je vas en probation comme l’a dit Jésus.
166 Je trouve toujours lumière et force de l’âme dans la
prière. Bien qu’à certains moments particulièrement lourds et pénibles il me
soit difficile d’imaginer que ces choses puissent avoir lieu dans un couvent.
Dieu le permet parfois étrangement ainsi, mais toujours pour que la vertu se
manifeste dans l’âme ou s’y développe. Voilà la raison d’être des ennuis.
167. Novembre, 1932. Je suis arrivée aujourd’hui à Varsovie
pour ma troisième probation. Après avoir salué affectueusement les chères Mères,
je suis entrée dans la petite chapelle. Soudain la présence divine inonda mon
âme et j’entendis ces paroles : « Ma fille, je désire que ton cœur soit
semblable à Mon Cœur miséricordieux. Tu dois être toute imprégnée de Ma
miséricorde. »
Ma chère Mère Maîtresse me demanda tout de suite si j’avais
fait une retraite cette année ; je répondis que non. « Eh bien ma Sœur, il faut
que vous fassiez une retraite de trois jours au moins. » Dieu merci il y avait à
Valendov une retraite de huit jours, je pouvais donc en profiter. Mais des
difficultés survinrent quant au départ pour cette retraite. Une certaine
personne y était opposée et il était déjà décidé que je ne partirais pas. Après
dîner, j’entrai à la chapelle pour une adoration de cinq minutes. Tout à coup je
vis Jésus, qui me dit : « Ma fille, je te prépare beaucoup de grâces. Tu les
recevras pendant la retraite que tu commenceras demain. » Je répondis : « Jésus,
cette retraite est commencée et je ne dois pas partir. » Et Il me dit : «
Prépares toi à commencer demain la retraite. Et c’est moi qui arrangerai ton
départ avec les Supérieures. » Et soudain Jésus disparut. Je me suis demandée
comment cela allait arriver. Mais tout de suite j’ai rejeté toute réflexion, et
j’ai consacré tout mon temps à la prière, demandant au Saint-Esprit la lumière
pour connaître toute la misère que je suis. Et après un moment, je sortis de la
chapelle pour aller à mon devoir. Bientôt la Mère Générale m’appela et me dit :
« Ma Sœur, vous partirez aujourd’hui avec Mère Valéria à Valendov. Vous pourrez
ainsi commencer votre retraite demain. Mère Valéria est là, vous partirez avec
elle. » Pres de deux heures après, j’étais à Valendov. Je rentrai un instant en
moi-même, et je reconnus que seul Jésus peut arranger des affaires de la sorte.
168. Dès que la personne qui était si fortement opposée à ce
que je fasse cette retraite me vit, elle manifesta son étonnement et son
mécontentement. Sans y prêter attention, je l’ai saluée affectueusement, et je
suis allée chez le Seigneur pour savoir comment me conduire pendant la retraite.
169. Dans une conversation avec Lui, avant la retraite, Jésus
m’apprit que cette retraite serait un peu différente des autres : « Tu vas
tâcher d’avoir une grande paix dans tes rapports avec Moi. J’éloignerai tous
tes doutes à cet égard. Je sais que maintenant, quand je te parle, tu es
tranquille. Mais, dans un moment, quand J’aurai cessé, tu recommenceras à
chercher des raisons de douter. Sache cependant que J’affermirai si bien ton âme
que même si tu voulais t’inquiéter, ce ne sera pas en ton pouvoir. Et, comme
preuve que c’est Moi qui te parle, tu iras le deuxième jour de la retraite te
confesser au prêtre qui la prêche. Tu iras à lui dès qu’il aura fini sa
conférence. Tu lui exposeras tes craintes envers Moi, et je te répondrai par sa
bouche. Alors tes craintes se dissiperont. Pendant cette retraite, garde un
silence complet, comme si rien n’existait autous de toi. Tu ne parleras qu’avec
Moi et ton confesseur ; à tes Supérieures tu ne demanderas que des pénitences. »
J’éprouvai un immense bonheur de voir le Seigneur Jésus me montrer tant de
bienveillance et S’abaisser ainsi jusqu’à moi.
170. Le premier jour de la retraite, j’ai tâché d’être la
première le matin à la chapelle. Avant la méditation, j’avais un moment pour
prier le Saint Sacrement et la Sainte Vierge. Je demandais ardemment à la Mère
de Dieu qu’Elle m’obtienne la grâce de la fidélité aux inspirations intérieures
et à la volonté divine, quelque qu’elle soit. J’ai commencé cette retraite avec
un singulier courage.
171. Combat pour garder le silence. Comme il est de coutume,
des Sœurs de toutes les maisons se réunissent pour la retraite. Une Sœur,que je
n’avais pas vue depuis longtemps, vint dans ma cellule et me dit qu’elle voulait
me parler. Ne lui ayant rien répondu, elle s’ aperçut que je ne voulais pas
rompre le silence et me dit : « Je ne savais pas que vous étiez si étrange. » Et
elle s’en alla. J’ai compris que cette personne n’avait d’autre souci que de
rassurer sa propre curiosité. O mon Dieu, maintenez-moi dans la fidélité.
172. Le Père qui prêchait la retraite arrivait d’Amérique. Il
était venu faire un court séjour en Pologne et les circonstances avaient fait
qu’il nous prêchait la retraite. Une profonde vie intérieure l’animait, c’était
visible. Son aspect respirait l’intelligence ; l’esprit de mortification et de
recueillement caractérisait ce prêtre. Mais malgré ses hautes vertus,
j’éprouvais d’immenses difficultés à lui dévoiler entièrement mon âme. Pour ce
qui rst des péchés, c’est toujours facile ; mais quand au grâces reçues, je
devais vraiment faire un grand effort, et encore je ne disais pas tout.
Les tentations du démon pendant la méditation
Une singulière peur me prit que le prêtre ne me comprenne pas
ou qu’il n’aie pas assez de temps pour me laisser m’exprimer jusqu’au bout.
Comment lui parler de tout cela ? Si encore il s’agissait du Père Bukowski, je
l’aurais fait plus facilement. Mais c’était la première fois que je voyais ce
Jésuite. Ici, je me suis rappelée un conseil du Père Bukowski, qui m’avait dit
que, lorsque je faisais une retraite, je devais prendre au moins quelques notes
au sujet des lumières que Dieu m’envoyait, et lui en faire un bref compte rendu.
Mon Dieu, pendant une journée et demie tout allait si bien ; et voilà que
commençait. un combat à mort. Dans une demi heure il y aurait la conférence, et
ensuite la confession. Le démon me persuada que, si les Supérieures avaient dit
que ma vie intérieure était une illusion, à quoi on questionner et fatiguer
encore le confesseur ? Mère X t’a dit que Jésus ne vivait pas en intimité avec
des âmes aussi misérables. Ce confesseur te répondra de même. Pourquoi en parler
? Ce ne sont pas des péchés, et Mère X t’a dit bien précisément que toute cette
intimité avec Jésus n’est que rêverie ou pure hystérie. Pourquoi en parler au
confesseur ? Tu ferais mieux de rejeter toutes ces illusions. Vois, tu as
souffert tant d’humiliations déjà, et beaucoup d’autres t’attendent encore. Et
les Sœurs savent que tu es hystérique. J’ai appelé de toutes les forces de mon
âme : « Jésus ! » - A ce moment, le Père commença la conférence.
174. Il a parlé peu de temps, comme s’il se dépêchait. Après
la conférence il alla au confessionnal. Voyant qu’aucune des Sœurs ne s’y
rendait, je me suis élancée de mon prie-Dieu et m’agenouillai dans le
confessionnal. Je n’avais pas le temps de réfléchir. Au lieu de dire au Père
tous les doutes qu’on avait formulé à l’égard de mes rapports avec Jésus, j’ai
commencé à parler de toutes ces tentations que j’ai décrites plus haut. Mais le
confesseur comprit tout de suite ma situation, et il dit : « Vous vous méfiez,
ma Sœur, de Jésus, parce qu’il est si bienveillant envers vous. N’est-ce pas ?
Soyez donc complètement tranquille. Jésus est votre Maître, et vos rapports avec
Jésus ne sontt ni hystérie, ni rêverie, ni illusion. Sachez que vous êtes dans
la bonne voie. Tâchez d’être fidèle à ces grâces ; il vous est défendu de vous
en écarter. Vous n’avez pas du tout besoin d’en parler à vos Supérieures, sauf
quand Jésus vous donne un ordre précis et dans ce cas, il faut d’abord vous
entendre avec votre confesseur. Mais si Jésus exige quelque chose d’extérieur,
alors, après vous être entendue avec votre confesseur, vous devez accomplir ce
qu’exige le Seigneur, même si cela doit vous coûter énormément. <d’un autre
côté, vous devez tout dire à votre confesseur. Il n’y a absolument pas d’autre
voie pour vous, ma Sœur.
Priez pour avoir un directeur spirituel, car autrement vous
gaspillerez ces grands dons de Dieu. Je le répète encore une fois : soyez
tranquille. Vous êtes dans la bonne voie. Ne faites attention à rien de ce que
l’on dit de vous. C’est justement avec de telles âmes misérables que Jésus est
en intimité et plus vous vous abaisserez, plus Jésus s’unira à vous. »
175. Quand j’ai quitté le confessionnal, une joie
inconcevable inonda mon âme, de sorte que je m’écartais dans un endroit
solitaire du jardin, pour me cacher des Sœurs et permettre à mon cœur de
s’épancher intérieurement en Dieu. La présence divine me submergea et, en un
instant, mon être s’anéantit totalement en Dieu et je sentis, je discernai alors
les Trois Personnes Divines qui demeuraient en moi. Et j’éprouvais une si grande
paix dans mon âme que je m’étonnais d’avoir pu tellement m’inquiéter.
176. Résolution : fidélité aux inspirations intérieures, quoi
qu il pût m’en coûter. Ne rien faire de moi-même sans m’être entendue avec mon
confesseur.
177. La rénovation des vœux. Dès le matin, lorsque je
m’éveillai, mon esprit fut tout entier immergé en Dieu, cet océan d’amour. Je
sentais que j’étais toute plongée en Lui ! Pendant la Sainte Messe, mon amour
pour Lui arriva à une grande puissance. Après la rénovation des vœux et la
Sainte Communion, je vis soudain Jésus, qui me dit avec bienveillance : « Ma
fille, regarde Mon Cœur miséricordieux. ».
Fixant mon regard sur ce Cœur Très Saint
176. Résolution : fidélité aux inspirations intérieures, quoi
qu il pût m’en coûter. Ne rien faire de moi-même sans m’être entendue avec mon
confesseur.
177. La rénovation des vœux. Dès le matin, lorsque je
m’éveillai, mon esprit fut tout entier immergé en Dieu, cet océan d’amour. Je
sentais que j’étais toute plongée en Lui ! Pendant la Sainte Messe, mon amour
pour Lui arriva à une grande puissance. Après la rénovation des vœux et la
Sainte Communion, je vis soudain Jésus, qui me dit avec bienveillance : « Ma
fille, regarde Mon Cœur miséricordieux. ». Fixant mon regard sur ce Cœur Très
Saint je vis en sortir des rayons comme du Sang et de l’Eau, les mêmes que sur
le tableau, et je compris combien la miséricorde du Seigneur est grande. Et de
nouveau, Jésus me dit gracieusement : « Ma fille, parles aux prêtres de mon
inconcevable Miséricorde. Les flammes de Ma Miséricorde Me brûlent, Je veux les
déverser sur les âmes, mais les âmes ne veulent pas croire en ma bonté. » Et
tout à coup Jésus disparut. Mais mon esprit resta toute la journée plongé en
Dieu, dans sa présence divine, sensible malgré le bruit et les conversations qui
suivent habituellement une retraite. Cela ne me dérangeais pas. Mon esprit était
en Dieu, tout en prenant part aux conversations. Je suis même allée visiter
Derdy.
178. Aujourd’hui nous commençons la troisième probation. Nous
nous sommes rassemblées, toutes les trois, chez Mère Marguerite, car les autres
Sœurs avaient leur troisième probation au noviciat. Mère Marguerite commença par
une prière, elle nous expliqua en quoi consiste la troisième probation, et
rappela combien la grâce des vœux perpétuels était grande. Soudain j’ai commencé
à pleurer à haute voix. En un instant, toutes les grâces de Dieu parurent devant
le regard de mon âme. Et je me voyais tellement misérable et ingrate envers Lui.
Les Sœurs commencèrent à me réprimander disant : « Pourquoi éclate-t-elle en
sanglots ? » Cependant Mère Marguerite pris ma défense et dit qu’elle ne s’en
étonnait pas.
L’heure finie, je suis allée devant le Saint Sacrement et,
consciente de mon immense misère, Je Lui demandai miséricorde afin qu’il daigne
purifier et guérir ma pauvre âme. Alors j’entendis ces paroles : « Ma fille
toutes tes misères sont brûlées dans le feu de Mon amour, comme un brin d’herbe
jeté dans un brasier dévorant. Par cet abaissement, tu attires sur toi et sur
d’autres âmes toute l’immensité de Ma Miséricorde. » Je répondis : « Jésus,
façonnez mon pauvre cœur à votre gré. »
179. Pendant tout le temps de la troisième probation, j’avais
le devoir d’aider la Sœur au vestiaire. Ce devoir me donna de nombreuses
occasions de m’exercer à la pratique des vertus. Parfois il fallait aller par
trois fois chez certaines Sœurs avec le linge, et encore on ne pouvait les
satisfaire. Mais j’ai découvert aussi les grandes vertus de certaines sœurs, qui
demandaient toujours de leur donner ce qu’il y avait de pire dans tout le
vestiaire. J’admirais cet esprit d’humilité et de mortification.
180. Pendant l’Avent, une grande nostalgie de Dieu s’éveilla
dans mon âme. Mon esprit, de toutes les forces de son être, s’élançait vers
Dieu. Et le Seigneur m’accorda de nombreuses lumières dans la connaissance de
Ses attributs. Le premier attribut que le Seigneur me fit connaître, ce fut Sa
Sainteté. Cette Sainteté, est si grande que toutes les Puissances, les Vertus,
tremblent devant Lui. Les purs esprits voilent leur face et s’abîment dans une
incessante adoration. La Sainteté de Dieu se répand sur l’Eglise de Dieu et sur
chaque âme vivant en elle – à des degrés divers. Il y a des âmes toutes
pénétrées de Dieu, et il y en a qui vivent à peine.
La seconde connaissance que Dieu m’accorda, ce fut celle de
Sa Justice. Elle est si grande et si pénétrante qu’elle atteint les choses dans
leur essence. Tout se présente à Lui dans sa vérité, mi à nu, et rien ne
pourrait Lui résister.
Le troisième attribut fut l’Amour et la Miséricorde. Et j’ai
compris que c’est là le plus grand, celui qui unit la créature au Créateur. Le
suprême Amour et l’infini de la Miséricorde se manifestent dans l’Incarnation du
Verbe et dans la Rédemption. Et c’est ainsi que j’ai découvert que cette qualité
était première en Dieu.
181. Aujourd’hui je mettais de l’ordre dans la chambre d’une
des Sœurs. Je tâchais de nettoyer avec le plus grand soin ; cependant cette
personne me suivait partout en disant : « Ici il reste une poussière. Et là une
petite tâche sur le plancher. » A chacune de ses remarques, je corrigeais un
détail, refaisant jusqu’à dix fois la même chose dans le but de la satisfaire.
J’étais moins fatiguée par le travail que par ces bavardages et exigences
immodérées. Mon martyre de toute la journée ne lui ayant pas suffi, elle est
encore allée se plaindre chez la Maîtresse : « Ma Mère, quelle est cette Sœur
qui ne sais pas se dépêcher ? » Le lendemain je suis allée faire la même besogne
sans protester. Lorsqu’elle s’en prit à moi, j’ai pensé : « Jésus, on peut être
une martyre silencieuse ; ce n’est pas le travail qui m’affaiblit mais ce
martyre… »
Je me suis aperçue que certaines personnes ont l’art de vexer
les autres. Elles s’y emploient de leur mieux et la pauvre âme qu’elles ont sous
la main n’y pourra rien : les meilleures choses seront critiquées avec malice.
182. Veille de Noël. Aujourd’hui je me suis unie étroitement
à la Mère de Dieu et j’ai vécu ses sentiments intérieurs. Le soir, avant la
cérémonie pendant laquelle on rompt le pain azyme, je suis allée à la chapelle
pour le rompre, par la pensée avec les êtres qui me sont cher, et j’ai demandé à
Notre Dame des grâces pour eux. Mon esprit était entièrement plongé en Dieu.
Pendant la Messe de minuit, j’ai vu l’enfant Jésus qans l’Hostie et mon esprit
s’est aimé en Lui. C’est un petit Enfant, mais sa Majesté submergeait mon âme.
J’ai pénétré ce mystère très profondément : ce grand abaissement de Dieu et Son
inconcevable anéantissement. Ce sentiment resta vivant dans mon âme pendant la
durée des fêtes. Oh ! nous ne comprendrons jamais ce grand abaissement de Dieu –
plus je le considère…(ici la pensée est interrompue).
183. Un matin, après la Sainte Communion, j’entendis cette
voix : « Je désire que tu M’accompagnes quand J e vais chez les malades. ». Je
répondis que j’étais d’accord. Après un moment de réflexion je me suis demandée
comment je pourrai le faire : Les Sœurs du second chœur n’accompagnent pas le
Saint Sacrement, ce sont les Sœurs directrices qui y vont toujours. J’ai pensé
que Jésus y remédierait.
Peu après, Mère Raphaële m’envoya chercher : « Ma Sœur, vous
allez accompagner Jésus quand le prêtre ira chez les malades. » Et pendant tout
le temps de ma probation, j’ai pu porter le flambeau en accompagnant le
Seigneur. Et comme chevalier de Jésus, je tâchai toujours de me ceindre d’une
ceinture de fer, cela me paraissait s’imposer pour avancer devant le Roi. Et
j’offrais chaque fois cette mortification pour les malades.
184. L’Heure Sainte. Pendant cette heure je tâchais de
méditer la Passion du Seigneur. Cependant la joie inonda mon âme et, soudain je
vis le petit Enfant Jésus. Mais Sa Majesté me pénétra tellement que je dis : «
Jésus, Vous êtes si petit, mais je sais que Vous êtes mon Créateur et mon
Seigneur. » Jésus me répondit : « Oui, Je le suis et c’est pour t’apprendre
l’humilité et la simplicité, que je suis avec toi sous l’aspect d’un enfant. »
Je déposais comme un bouquet pour Jésus toutes mes
souffrances et mes difficultés, le jour de nos épousailles perpétuelles. Rien ne
m’était difficile lorsque je me souvenais que c’était pour mon Epoux, comme
preuve de mon amour pour Lui.
185. Mon silence pour Jésus. Je tachais de garder un grand
silence pour Jésus. Au milieu du plus grand bruit, Jésus trouvait toujours le
silence dans mon cœur, bien que cela me coûtât parfois beaucoup. Qu’est-ce qui
serait trop grand pour Jésus, pour Celui que j’aime de toute la force de mon
cœur ?
186. Aujourd’hui Jésus me dit : « Je désire que tu connaisses
plus profondément l’amour dont brûle mon cœur. Tu le comprendras en méditant Ma
Passion. Appelle Ma Miséricorde sur les pécheurs, Je désire leur salut.
Quand tu réciteras cette prière pour un pécheur d’un cœur
contrit et avec foi, Je lui donnerai la grâce de la conversion. Voici cette
petite prière :
187. « O Sang et Eau, qui avez jailli du Cœur de Jésus comme
source de Miséricorde pour nous, j’ai confiance en Vous! »
188. Pendant les derniers jours du carnaval, alors que je
faisais mon heure sainte, je vis comment Jésus avait souffert pendant la
flagellation. C’est un supplice inconcevable. Quelles terribles douleurs Jésus a
endurées lorsqu’Il a été flagellé ! Pauvres pécheurs, comment ferez-vous pou
rencontrer, au Jour du Jugement, Jésus que vous torturez tellement aujourd’hui ?
Son sang a coulé à terre, et la chair commençait à se détacher en certains
endroits. Et j’ai vu dans Son dos quelques os à nu… Jésus gémissait et soupirais
en silence.
189. Un jour, Jésus me fit comprendre combien Lui est
agréable une âme qui observe fidèlement la règle. L’âme reçoit une plus grande
récompense pour l’observance de la règle que pour des pénitences et de grandes
mortifications. Si elles sont entreprises en plus de la règle, elles recevront
aussi leur récompense, mais elles ne surpasseront pas la règle.
190. Au cours d’une adoration, Jésus exigea de moi que je
m’offre à Lui comme oblation, pour endurer certaines souffrances, en expiation,
non seulement pour les péchés du monde en général, mais en particulier pour les
fautes commises dans cette maison. J’ai dit à l’instant : « Très bien, je suis
prête. » Cependant Jésus me fit connaître ce que j’allais souffrir ; et
instantanément, je vis défiler devant mes yeux toutes les parties successives de
ce supplice. Premièrement, mes intentions seraient mal interprétées ; puis
viendraient nombre de soupçons et méfiances, humiliations et contrariétés de
toutes sortes – et j’en passe.
Tout cela se présenta à mes yeux comme un sombre orage, dont
la foudre allait tomber ; elle n’attendait que mon consentement. Un moment, ma
nature s’effraya. Soudain la cloche sonna pour le dîner. Je sortis de la
chapelle tremblante et indécise..
Mais ce sacrifice restait toujours présent à mon esprit, car
sans le refuser au Seigneur, je ne me décidais pas à l’accepter. Je voulais me
rendre à Sa volonté. Si Jésus Seul me l’imposait, j’y étais prête. Mais Jésus me
fit connaître que je devais moi-même y consentir volontiers, sinon il n’aurait
pas de valeur. Toute sa force devant le Seigneur résidait dans mon acte
volontaire. En même temps il me fit comprendre que tout était en mon pouvoir :
Je pouvais le faire, mais je pouvais aussi ne pas le faire. Je répondis donc
aussitôt : « Jésus, j’accepte tout ce que Vous voudrez m’envoyer, j’ai confiance
en Votre bonté. » Et au même instant, je ressentis que j’avais ainsi rendu
grande gloire à Dieu. Cependant je m’armai de patience. Dès que je sortis de la
chapelle, je rencontrai la réalité. Je ne veux pas la décrire en détail, mais il
y en avait autant que je pouvais en supporter. Je n’aurais pu en venir à bout,
si il y avait eu une goutte de plus.
191. Un certain matin, j’entendis ces paroles dans mon âme :
« Vas chez la mère Générale, et dis que cette chose ne Me plaît pas dans telle
et telle maison. » Quelle chose et dans quelle maison ? Je l’ignore, mais je
l’ai dit à la Mère Générale, bien que cela m’ait bien coûté.
192. Un jour je me suis engagée à prendre sur moi une
terrible tentation dont souffrait une de nos élèves dans la maison de Varsovie :
la tentation du suicide. J’ai souffert pendant sept jours, au bout desquels
Jésus lui donna la grâce demandée, et moi aussi j’ai cessé de souffrir. C’était
une grande souffrance. Je prends souvent sur moi les tourments de nos élèves.
Jésus me le permet, mon confesseur aussi.
193. Mon cœur est la demeure permanente de Jésus. Personne
n’y a accès qu Lui. C’est en Jésus que je puise la force de combattre les
difficultés et les contrariétés. Je désire passer en Jésus pour pouvoir me
donner complètement aux âmes. Sans Lui, je ne pourrai m’approcher d’elles. Car
je sais ce que je suis. J’absorbe Dieu en moi pour le donner aux âmes.
194. Je désire de toutes mes forces, travailler, m’anéantir
pour notre œuvre de salut des âmes immortelles. Peu importe si ces efforts
doivent raccourcir ma vie. Elle ne m’appartient plus, mais elle est la propriété
de la Congrégation. Je désire être utile à toute l’Eglise par ma fidélité à
notre Congrégation.
195. O Jésus, mon âme est comme assombrie par la souffrance.
Pas un seul rayon de lumière. La tempête fait rage, et Jésus dort. O mon Maître,
je ne Vous réveillerai pas, je n’interromprai pas Votre doux sommeil. Je crois
que Vous me donnez la force sans que je le sache. Pendant des heures entières,
je Vous adore, ô Pain vivant, dans une grande sécheresse d’âme. O Jésus, pur
amour, je n’ai pas besoin de consolations, je me nourris de Votre volonté. O
Puissant ! Votre volonté est le but de mon existence. Il me semble que le monde
entier me sert et qu’il dépend de moi. Seigneur, Vous comprenez mon âme dans
toutes ses aspirations.
Jésus, lorsque je ne puis moi-même Vous chanter l’hymne de
l’amour, j’admire alors le chant des Séraphins, eux que Vous aimez tant. Je
désire m’abîmer en Vous de la même manière. Rien ne fera obstacle à un tel
amour, et aucune puissance, et aucune puissance n’a la force de le détruire. Il
est semblable à l’Eclair, qui illumine les ténèbres, mais n’y reste pas.
O mon Maître, formez mon âme selon Votre volonté et Vos
desseins éternels
196. Une certaine personne s’est fait comme un devoir de
m’exercer de toute façon dans la vertu. Un jour elle m’arrêta dans le corridor
et, pour commencer, elle me dit qu’elle n’avait aucun motif de me faire des
remarques, mais qu’elle m’ordonnait de rester debout pendant une demi-heure, en
face de la petite chapelle et d’attendre la Mère Supérieure, qui devait passer
là après la récréation. Je m’accuserai alors de différentes choses qu’elle
m’ordonna de dire. Mon âme était totalement étrangère à ces choses, mais je fus
obéissante et j’ai attendu pendant toute la demi-heure la Supérieure. Chaque
Sœur qui passait me regardais avec un sourire. Quand je me suis accusée à la
Mère Supérieure, elle me renvoya à mon confesseur. Quand je me suis confessée,
ce prêtre remarqua aussitôt que c’était quelque chose qui ne venait pas de mon
âme, que je n’avais aucune idée de ce dont il s’agissait. Et il était très
étonné que cette personne ait pu se décider à donner de tels ordres.
197. O Divine Eglise, vous êtes la meilleure des mères. Vous
seule savez élever et faire grandir l’âme. Oh quel grand amour et quelle
déférence j’éprouve pour l’Eglise, cette Mère incomparable.
198. Une autre fois, le Seigneur me dit : « Ma fille, ta
confiance et ton amour retiennent Ma Justice. Et Je ne puis punir, car tu M’en
empêches. » Oh quelle grande force possède l’âme pleine de confiance.
199. Quand je pense aux vœux perpétuels, et qui est Celui qui
désire s’unir à moi, cette pensée m’absorbe pendant des heures entières, pendant
lesquelles je médite sur Lui. Comment cela arrivera-t-il ? Vous êtes Dieu et moi
Votre créature. Vous le Roi immortel, et moi une mendiante et la misère même.
Mais maintenant tout est clair pour moi. Votre grâce et votre amour, Seigneur
vont combler cet abîme qui existe entre Vous, Jésus, et moi.
200. O Jésus, comme l’âme est profondément blessée
lorsqu’elle tâche d’être sincère, et qu’on la soupçonne d’hypocrisie et qu’on la
traite avec méfiance. O Jésus, vous avez souffert tout cela pour donner
satisfaction à Votre Père.
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