Cahier 1
1.
O Amour Éternel, Vous me faites peindre votre sainte image,
Et Vous nous découvrez la source de miséricorde inconcevable
Vous bénissez ceux qui approchent Vos rayons,
Et l’âme noire deviendra blanche comme neige.
O Doux Jésus, c’est ici que Vous avez établi
Le trône de Votre Miséricorde,
Pour réjouir et aider l’homme pécheur.
De Votre Cœur ouvert, comme d’une source limpide,
Coule la consolation pour l’homme repentant.
Que l’honneur et la gloire pour cette image
Ne cessent jamais de jaillir de l’âme humaine !
Que la gloire de la miséricorde divine découle
De chaque cœur,
Maintenant et à chaque heure,
Et dans les siècles des siècles
2.
Oh mon Dieu,
Lorsque je regarde les lendemains, la peur me prend.
Mais pourquoi sonder le futur ?
Pour moi, ce n’est que le moment présent qui est cher,
Car l’avenir peut ne pas s’établir dans mon âme.
Le temps passé n’est plus en mon pouvoir,
Pour changer quelque chose, corriger ou ajouter.
Car ni le sage, ni les prophètes ne seront parvenus à le faire.
Donc, il faut remettre à Dieu ce que l’avenir contient.
O moment présent, tu m’appartiens tout entier.
Je désire tirer profit de toi selon mes possibilités,
Et bien que je sois petite et faible,
Vous me donnez la grâce de Votre Toute-Puissance.
C’est donc par la confiance en Votre miséricorde
Que j’avance dans la vie comme un petit enfant,
Et je vous offre chaque jour mon cœur
Brûlant d’amour pour Votre plus grande gloire.
3.
J.M.J.
Dieu et les âmes.
Roi de Miséricorde, dirigez mon âme !
Sœur Marie Faustine
Du Très Saint Sacrement.
4.
O mon Jésus, c’est en ayant confiance en Vous,
Que je tresse des milliers de guirlandes,
Et je sais qu’elles vont toutes fleurir,
Lorsque le divin soleil les illuminera.
O mon Dieu caché
Dans ce grand et Divin Sacrement !
Jésus,soyez avec moi à chaque moment,
Et mon cœur sera tranquillisé.
J.M.J.
5. Dieu et les âmes.
Soyez adorée, ô Très Sainte Trinité, maintenant et toujours.
Soyez adorée dans toutes Vos œuvres et toutes Vos créatures. O Dieu ! que la
grandeur de Votre Miséricorde soit admirée et louée.
6. Je dois noter les rencontres de mon âme avec Vous, mon
Dieu, dans les moments de Vos visites particulières. Je dois parler par écrit de
Vous. Oh ! inconcevable Miséricorde envers moi, pauvre créature. Votre sainte
volonté est la vie de mon âme. Celui qui Vous remplace auprès de moi sur cette
terre et m’explique Votre sainte Volonté, m’a donné cet ordre. Jésus, voyez
comme il m’est difficile d’écrire, de noter clairement ce que mon âme éprouve.
O! mon Dieu , la plume peut-elle matérialiser ce qui parfois
n’a pas de mot ? Mais Vous m’ordonnez d’écrire, O ! mon Dieu, et cela me suffit.
7. L’entrée au couvent.
Dès l’âge de sept ans, je perçus l’appel définitif du
Seigneur, la grâce de la vocation à la vie religieuse. Pour la première fois,
j’entendis en moi la voix de Dieu, c’est-à-dire l’invitation à une vie plus
parfaite ; mais je n’ai pas toujours été obéissante à cette invitation de la
grâce. Je n’ai rencontré personne qui aurait pu m’expliquer ces choses.
8. A dix-huit ans, j’ai prié très instamment mes
parents de me permettre d’entrer au couvent ; ils repoussèrent catégoriquement
ma demande. Après quoi je me suis adonnée aux vanités de la vie, ne faisant
aucune attention aux signes de la grâce, bien que mon âme ne trouvât
contentement en rien.
Cet appel constant était un grand tourment pour moi ; je
tâchais pourtant de l’assourdir par des divertissements. J’évitais
intérieurement Dieu et me tournais résolument vers les créatures. Cependant la
grâce de Dieu fut victorieuse.
9. Un soir, j’étais au bal avec une de mes sœurs. Pendant que
tout le monde s’amusait, j’éprouvais des tourments intérieurs. Soudain, au
moment où je commençais à danser, j’aperçu près de moi Jésus supplicié,
dépouillé de ses vêtements, tout couvert de blessures, qui me dit ces mots : «
jusqu’à quand vais-Je te supporter, et jusqu’à quand vas-tu Me décevoir ? »
A ce moment la charmante musique cessa pour moi, la société
où je me trouvais disparut à mes yeux, il ne restait que Jésus et moi.
Je m’assis auprès de ma sœur, simulant un mal de tête, pour
cacher ce qui venait de se passer.
Quelques instants plus tard, je quittai discrètement la
société de ma sœur, et je me rendis à la cathédrale Saint Stanislas Kosta,
l’heure commençait à prendre une teinte grise, il y avait peu de personnes dans
la cathédrale ; ne faisant attention à rien de ce qui se passait autour de moi
je me prosternai devant le Très Saint Sacrement et demandai au Srigneur qu’il
daigne me faire connaître ce que je devais faire.
10. Tout à coup j’entendis ces paroles « pars tout de suite
pour Varsovie; là tu entrera au couvent. » Me redressant après cette prière, je
rentrai à la maison où je rangeai mes affaires. De mon mieux j’appris à ma sœur
ce qui s’était passé. Je l’invitait à dire adieu de ma part à mes parents et
ainsi, avec une seule robe, sans bagages, j’arrivai à Varsovie.
11. En quittant le train et en voyant que chacun des
passagers prenait sa route, je fus saisie de frayeur : que faire ? A qui
m’adresser ? Je dis à la Sainte Vierge « Marie, conduisez moi, guidez-moi ! »
Aussitôt je perçu que je devais quitter la ville pour un village où je pourrais
passer la nuit en sûreté. Je trouvais tout comme la Sainte Vierge me l’avais
dit.
12. Le lendemain de très bonne heure, j’arrivai en ville.
J’entrai dans la première église rencontrée, et me mis à prier pour connaître la
volonté divine. Les messes se succédaient. Pendant l’une d’elles j’entendis ces
mots: Va trouver ce prêtre ! et dis-lui tout. Il t’expliquera ce que tu dois
faire. »
La messe finie, je suis allée à la sacristie. J’ai raconté au
prêtre tout ce qui s’était passé et je lui ai demandé de m’indiquer dans quel
couvent je devais entrer.
13. Le prêtre s’étonna d’abord mais il me dit avoir grande
confiance, que Dieu disposerait de mon avenir. « En attendant je t’enverrai chez
une pieuse dame qui t’hébergera jusqu’au moment ou tu entreras au couvent. »
Pendant mon séjour chez cette dame qui me reçut avec beaucoup
de bienveillance, je cherchais le couvent, mais à chaque porte où je frappai, on
me refusait. La douleur serrais mon cœur et je dis au Seigneur Jésus: « Aidez
moi, ne me laissez pas seule »
14. Enfin, je frappais à notre porte. La Mère Supérieure,
l’actuelle Mère Générale Michèle, m’accueillit. Après une brève conversation,
elle m’invita à aller chez le Maître de la maison demander s’Il me recevrait. Je
compris tout de suite que je devais prier le Seigneur Jésus. Avec grande joie,
je suis allée à la chapelle et lui dit : « Maître de cette maison, est ce que
vous me recevrez ? c’est ce qu’une sœur m’a ordonné de demander . » Et tout de
suite j’entendis : « J’accepte tu es dans mon cœur. » Quand je sortis de la
chapelle, la Mère Supérieure me demanda : «Eh bien, est ce que le Seigneur t’a
reçue ? » « Oui », lui répondis-je. « Si le Seigneur t’a reçue, je te reçois
aussi. »
15. Telle fut ma réception. Mais pour plusieurs raisons, je dus rester dans le
monde chez cette dame pendant plus d’une année, mais je ne suis plus retournée à
la maison.
Entre temps, je dus affronter de nombreuses difficultés,
mais Dieu ne m’épargnera pas ses grâces. Une nostalgie de Dieu, toujours
grandissante, s’empara de moi.
Mon hôtesse, bien que très pieuse, ne comprenait pas le
bonheur de la vie religieuse et, très honnêtement, elle commença à élaborer
d’autres projets pour ma vie ; malgré tout, je ressentais que mon cœur était si
grand que rien ici bas ne pouvait le combler.
16. Alors je me tournai vers Dieu de toute mon âme
languissante. C’était pendant l’octave de la Fête-Dieu. Dieu me remplit d’une
lumière intérieure, d’une connaissance approfondie de Celui qui est le plus
Grand Bien et la plus Grande Beauté. Je reconnus combien j’étais aimée de Dieu
de toute éternité.
Pendant les vêpres, par des mots tout simples, je fis vœu de
chasteté perpétuelle. Depuis ce moment je sentis une grande intimité avec Dieu,
mon Epoux, et fis une petite cellule dans mon cœur, où je demeurai toujours avec
Jésus.
17. Enfin, vint le moment, où la porte du couvent s’ouvrit
pour moi. C’était le premier août au soir, la veille de la fête de Notre-Dame
des Anges. Je me sentais extrêmement heureuse, il me semblait que j’étais entrée
au Paradis. Mon cœur n’était qu’action de grâce.
18. Mais après trois semaines, je m’aperçus que l’on
consacrait peu de temps à l’oraison et, pour bien d’autres désirs de mon âme, je
pensais que je devais entrer dans un couvent plus strict. Cette idée, ou plutôt
cette tentation s’affermissait dans mon âme et devenait de plus en plus forte,
bien qu’elle soit opposée à la volonté divine.
Un jour je me décidai à m’en expliquer avec la Mère
Supérieure et a quitter immédiatement cette maison. Mais, Dieu dirigea les
évènements de telle façon que je ne pus voir la Mère Supérieure. Avant d’aller
me coucher, j’entrai en passant dans la petite chapelle et je demandai à Jésus
de m’éclairer sur ce point, mais je ne fus pas, semble-t-il, exaucée: seule une
inquiétude surprenante m’envahit. Malgré tout, je pris la résolution d’en parler
à la Mère Supérieure et de lui faire part de ma décision, le lendemain après la
messe
19. C’est dans ces dispositions que j’entrai dans ma cellule,
tourmentée et mécontente ; les sœurs étaient déjà couchées et la lumière
éteinte. Je ne savais que faire de ma personne. Je me jetai à terre et commençai
à prier intensément pour connaître la volonté de Dieu. Le silence régnait
partout comme dans un tabernacle. Toutes les sœurs, telles de blanches hosties,
reposaient, enfermées dans le calice de Jésus ; et c’est de ma cellule seulement
que montaient vers Dieu les gémissements d’une âme. J’ignorais qu’il n’était pas
permis. de prier dans sa cellule, sans autorisation, après neuf heures. Après un
moment, « Qui vous a fait une telle douleur ma cellule s’éclaira et sur le
rideau j’aperçus le Visage très douloureux de Jésus. Il était couvert de plaies
ouvertes, et de grosses larmes tombaient sur mon couvre-lit. J’ignorais tout ce
que cela signifiait. Je demandai à Jésus : « Qui Vous a fait une telle douleur ?
» Jésus me dit : « C’est toi qui Me fera souffrir, si tu quitte ce couvent.
C’est ici et non ailleurs que je t’ai appelée et je t’y ai préparé de nombreuses
grâces.» Je demandai pardon à Notre Seigneur et tout de suite j’oubliai la
résolution que j’avais prise.
Le lendemain était jour de confession. Je racontai les faits
de la nuit. Mon confesseur déclara que la volonté divine était évidente : je
devais rester dans ce couvent, et il m’était même défendu de penser à un autre.
Depuis ce moment je me suis toujours sentie heureuse et satisfaite.
20. Peu après je tombai malade. La chère Mère Supérieure
m’envoya avec deux autres Sœurs en vacances à Scolimow non loin de Varsovie.
C’est alors que j »ai demandé au Seigneur pour qui je devais encore prier. Je
compris qu’il me le ferait connaître la nuit suivante.
Je vis mon ange gardien qui m’ordonna de le suivre. En un
instant je me trouvai dans un endroit enfumé, rempli de flammes, où se
trouvaient une multitude d’âmes souffrantes qui prient avec ferveur, mais sans
efficacité pour elles-mêmes ; nous seuls pouvons les aider. Les flammes qui les
brûlaient ne me touchaient pas. Mon ange gardien ne me quittait pas un seul
instant. Et je demandais à ces âmes, quelle était leur plus grande souffrance.
Elle me répondirent d’un commun accord que c’était la nostalgie de Dieu. J’ai vu
la Sainte Vierge, visitant les âmes au Purgatoire. Elles l’appellent « Etoile de
la mer ». Elle leur apporte du soulagement. Je voulais encore leur parler, mais
mon ange gardien m’avait déjà donné le signal du départ. Nous sortions de cette
prison de douleurs quand Dieu a dit : « Ma Miséricorde ne veut pas cela, mais
la justice l’exige. » Depuis ce moment je suis en relations plus étroites avec
les âmes souffrantes.
21. Fin du postulat. 29.IV.1926. Mes Supérieures
m’envoyèrent à Cracovie, au noviciat. Une joie inconcevable inondait mon âme.
Lorsque nous arrivâmes au noviciat, Sœur …..
était mourante. Quelques jours plus tard elle vint vers moi et me pria d’aller
chez la Mère Maîtresse pour lui dire qu’elle demande à son confesseur l’Abbé
Rospond de célébrer une messe et de prier trois ferventes oraisons à son
intention. Tout d’abord j’acceptai ; mais le lendemain après réflexion, je
résolu de ne pas me rendre chez la Mère Maîtresse, car je mme demandais si je
n’avais pas rêvé. Je me rendis donc immédiatement chez elle
Je n’y suis pas allée. La même chose se répéta plus
distinctement la nuit suivante. Je n’avais plus aucun doute. Cependant, au
matin, je résolu de n’en parler à la Maîtresse que lorsque je la verrais dans le
courant de la journée. L’ayant rencontrée tout de suite, dans un couloir. Elle
me reprocha de n’être pas allée immédiatement la voir et une grande inquiétude
remplit mon âme. Je me rendis donc chez elle et lui racontai tout ce qui m’était
arrivé. La Mère promit de régler cette affaire. Trois jours après, cette vint me
dire : « Que Dieu vous le rende ! »
22. Au moment de ma prise d’habit, Dieu me fit connaître
combien je devrais souffrir. Je voyais clairement ce à quoi je m’engageais. Ce
fut un moment de douleur. Mais de nouveau , le Seigneur inonda mon âme de
grandes consolations.
23. Vers la fin de la première année de noviciat, mon âme
commençait à s’assombrir. Je ne ressentais aucune consolation dans l’oraison et
devait faire beaucoup d’efforts pour méditer.
La peur commençait à s’emparer de moi. Rentrant profondément
en moi-même, je ne voyais qu’une grande misère. Je découvrais aussi clairement
l’immense sainteté de Dieu. N’osant lever les yeux vers Lui, je me jetais à ses
pieds, dans la poussière, pour implorer Sa Miséricorde.
Près d’une demi année s’écoula ainsi. sans grand changement.
Notre chère Mère Maîtresse m’encourageait dans ces moments difficiles, lais ma
souffrance ne cessait de s’accroître. La seconde année de noviciat approchait et
je me souviens qu’à l’idée de prononcer mes vœux un frisson me traversait l’âme.
Je ne comprenais rien de ce que je . lisais, je ne pouvais méditer. Il me
semblait que mon oraison était désagréable à Dieu et que je l’offensais plus
encore en m’approchant des Saints Sacrements. Cependant mon confesseur ne me
permit jamais d’omettre une seule Communion. Dieu agissait étrangement en moi.
Je ne comprenais absolument rien des enseignements de mon confesseur. Les
simples vérités de la foi devenaient incompréhensibles pour moi. Mon âme était
tourmentée et ne trouvait de satisfaction nulle part.
A un certain moment, l’idée que j’étais rejetée de Dieu
s’empara de moi. Cette pensée affreuse me poursuivit au point que je crus
agoniser de douleur. Je voulais mourir et je ne le pouvais pas. La tentation me
vint aussi : « A quoi bon acquérir des vertus ? A quoi bon se mortifier lorsque
tout déplait à Dieu ? » Quand j’ai parlé de cela à la chère Mère Maîtresse, elle
me répondit : « Sachez ma Sœur, que Dieu vous prédestine à une grande sainteté.
C’est un signe qu’Il veut vous avoir tout près de Lui au ciel. Ayez grande
confiance en Notre Seigneur Jésus. »
Cette terrible idée d’être rejeté de Dieu, est le véritable
supplice des damnés. Je recouru aux Plaies de Jésus. Je répétais des mots de
confiance qui ne faisait qu’ajouter à mon supplice. Je suis allée devant le
Saint Sacrement et j’ai commencé à parler à Jésus : « Seigneur, Vous qui avez
dit qu’une mère oublierais son nourrisson plutôt que Dieu sa créature et « même
si elle l’oubliait, Moi, Dieu, Je n’oublierai pas Ma créature ». . Jésus,
entendez-vous mon âme? Daigniez entendre les cris de douleur et les plaintes de
Votre enfant. J’ai confiance en Vous mon Dieu, parce que le ciel et la terre
passeront mais Votre parole durera éternellement ». Cependant je ne trouvais pas
le moindre soulagement.
24. Un matin à mon réveil, en me mettant en présence de Dieu,
le désespoir commença à me saisir. Dans une obscurité extrême je luttai de mon
mieux jusqu'à midi. Dans l’après midi, des frayeurs vraiment mortelles
m’envahirent, mes forces physiques commencèrent à m’abandonner. Vite j’entrai
dans ma cellule, me jetai à genoux devant le Crucifix pour implorer Sa
Miséricorde. Mais Jésus semblait sourd à mes appels. Complément épuisée, je
tombai à terre, en proie au désespoir, j’endurai de véritables douleurs
infernales absolument semblable à celles que l’on éprouve en enfer. Au bout de
trois quarts d’heures, je voulus aller chez la Maîtresse, mais je n’en avais pas
la force. Je voulus appeler, mais je n’avais pas de voix. Heureusement une Sœur
entra dans ma cellule, elle en informa la Mère Maîtresse qui vint aussitôt. Dès
qu’elle entra dans ma cellule elle dit « Au nom de la sainte obéissance
relevez-vous. » Aussitôt, une force me souleva de terre et me tins debout près
de la chère Mère Maîtresse.
Elle me rassura affectueusement, me disant que cette épreuve
venait de Dieu. : « Soyez très confiante. Dieu est toujours notre Père, même
s’Il envoie des épreuves». Je revins à mes devoirs comme au sortir de la tombe,
les sens pénétrés de ce que j’avais éprouvé.
Le soir au salut, mon âme commença à agoniser dans des
ténèbres affreuses. J’avais la sensation d’être livrée au pouvoir du Dieu Juste
et d’être l’objet de sa fureur. Dans ces moments redoutables, j’ai dit au
Seigneur: « Jésus qui Vous comparez dans l’Evangile à la plus tendre des mères,
j’ai confiance dans vos parole, parce que Vous êtes la Vérité et la Vie. Jésus,
malgré tout, j’ai confiance en Vous en dépit de ces sentiments intérieurs qui
s’opposent à tout espoir. Faites ce que vous voudrez de moi. Je ne Vous
quitterai jamais, car Vous êtes la source de ma vie. » Seul, celui qui a vécu de
semblables moments, peu comprendre combien terrible est le tourment de l’âme.
25. Durant la nuit la Sainte Vierge me rendit visite, tenant
Jésus dans ses bras. La joie remplit mon âme et j’ai dit : « Marie ma Mère,
savez-vous quelles terribles souffrances j’endure ? » Et la Mère de Dieu me
répondit : « Je sais combien tu souffres, mais n’aie pas peur, j’ai et j’aurai
toujours compassion de toi. » Elle me sourit affectueusement et disparut.
Aussitôt mon âme se trouva emplie de force et d’un grand courage. Mais cela n’a
duré qu’un jour. C’était comme si l’enfer avait conspiré contre moi. Une haine
terrible fit irruption dans mon âme, la haine de tout ce qui est saint et divin.
Il me semblait que ces tourments de l’âme seraient le partage constant de mon
existence. Je me suis tournée vers le Saint Sacrement et j’ai dit : « Jésus,
Epoux de mon âme, ne voyez-Vous pas qu’elle agonise sans Vous? Pourquoi Vous
dérober devant un cœur qui Vous aime si sincèrement? Pardonnez moi, Jésus, que
Votre sainte Volonté se fasse en moi ! Je souffrirai tout en silence, comme une
colombe, sans me plaindre. Je ne laisserai pas mon cœur pousser un seul
gémissement, une seule plainte de douleur.»
26. Fin de noviciat. La douleur ne diminue pas Affaiblie
physiquement, je suis dispensée de tous les exercices spirituels, éventuellement
remplacés par de courtes prières spontanées.
Vendredi Saint : Jésus plonge mon cœur en plein ravissement,
dans le brasier même de l’amour. C’était pendant l’adoration du soir, la
présence divine s’empara tout à coup de moi. J’oubliai tout. Jésus me fit
connaître combien Il a souffert pour moi. Cela dura très peu de temps. J’en
ressentis une nostalgie affreuse, la soif d’aimer Dieu.
27. Premiers vœux. Fervent désir de m’anéantir pour Dieu par
un amour actif, mais imperceptible, même aux Sœurs les plus proches.. Après les
vœux, mon âme resta encore dans les ténèbres pendant près de six mois. Puis à la
faveur d’une oraison, Jésus l’envahit.
Les ténèbres se retirèrent. Je perçu ces paroles : « Tu es
Ma joie, tu es le délice de mon cœur ». Depuis ce moment, j’ai senti dans mon
cœur – intérieurement – la présence de la Très Sainte Trinité. J’étais inondée
de lumière divine et depuis lors , mon âme est en rapport intime avec Dieu,
comme un enfant avec son Père bien aimé.
28. Un jour, Jésus me dit « Demande à la Mère Supérieure la
permission de porter un cilice pendant 7 jours ; la nuit venue, tu te lèvera et
tu viendra à la chapelle. » Je répondis : «Bien », mais j’eus une certaine
difficulté à aller chez la Supérieure. Le soir Jésus me demanda : « Jusqu’à
quand vas-tu différer ? » - Je résolus d’en parler à la Mère Supérieure dès la
première rencontre. Le lendemain, avant midi, j’ai vu la Mère Supérieure se
rendre au réfectoire. Et comme la cuisine, le réfectoire et la petite chambre de
sœur Aloïse sont voisins, j’ai demandé à la Mère Supérieure d’entrer dans la
petite chambre de Sœur Aloïse et là j’ai formulé la demande du Seigneur. La
Supérieure répondit : « Je ne vous autorise absolument pas à porter un cilice !
Si Jésus vous donnait les forces d’un colosse, je vous permetterais cette
mortification ».Après avoir demandé pardon à la mère de lui avoir pris du temps,
je sortis de la chambre. Alors je vis le Seigneur Jésus qui se tenait debout
dans l’embrasure de la porte de la cuisine et je dis : « Seigneur, Vous
m’ordonnez d’aller demander cette mortification à la Mère Supérieure et elle mr
la refuse. » Jésus me dit : « J’étais ici pendant ta conversation avec la
Supérieure. Je sais tout. Je n’exigeais, pas tes mortifications mais
l’obéissance. En te soumettant, tu me rends grande gloire et tu gagnes du
mérite. »
29. Lorsqu’une des Mères apprit que je vivais dans une telle
intimité avec Jésus, elle me dit : « vus êtes dans l’illusion. Le Seigneur
Jésus, n’a de telles relations qu’avec les saints, pas avec les âmes pécheresses
comme la votre, ma Sœur.»
A dater de ce moment, je me mis en quelque sorte à me défier de Jésus. Dans
notre conversation matinale je dis à Jésus : « N’êtes-VLous pas une illusion ? »
- Il me répondit « Mon amour ne trompe personne. »
30. Un jour je réfléchissais sur la Sainte Trinité, sur
l’Essence divine. Je voulais absolument approfondir et connaître ce mystère de
Dieu… Subitement mon esprit fut ravi dans l’autre monde. Je vis une clarté
inaccessible où brillaient comme trois sources de lumière, que je ne pouvais
comprendre. Il en sortait des paroles sous la forme de foudre, qui encerclaient
le ciel et la terre. Ne comprenant rien, j’étais toute triste. Soudain de cette
mer de lumière inaccessible je vis apparaître notre bien-aimé Sauveur, d’une
beauté inconcevable. Ses plaies étaient brillantes. Et de cette clarté une voix
se fit entendre: « Ce qu’est Dieu dans son être, personne ne peut le saisir, en
profondeur, ni l’esprit angélique, ni l’esprit humain » Jésus me dit : « Fais la
connaissance de Dieu par la contemplation de ses attributs. » Puis Jésus, de la
main, traça le signe de la croix et disparut.
31. Une autre fois, j’ai vu une multitude de personnes qui se
pressaient dans notre chapelle, devant notre chapelle et jusque dans la rue, car
il n’y avait plus de place. La chapelle était solennellement parée. Près de
l’autel se tenaient de nombreux Prêtres, nos Sœurs et beaucoup de Religieuses
d’autres congrégations.
Tout le monde attendait quelqu’un qui devait prendre place
sur l’autel. C’est alors que j’entendis une voix : c’étai moi qui devait prendre
place sur l’autel. Je me dirigeais vers la chapelle en suivant la voix qui
m’appelait. Mais dès que je sortis du corridor pour passer dans la cour, tous
ces gens commencèrent à jeter sur moi : de la boue, des pierres, du sable, des
balais, n’importe quoi ; si bien qu’au premier moment, j’hésitait à avancer mais
la voix m’appelait encore plus fort. Malgré tout je me mis à avancer avec plus
de hardiesse. Lorsque je passai le seuil de la chapelle les Supérieures, les
Sœurs, les élèves et même les parents commencèrent à me frapper avec ce qu’ils
avaient en main, si bien que, bon gré mal gré, je dus vite monter à la place qui
m’étais destinée sur l’autel.
Dès que j’eus occupé cette place, cette même foule, les
élèves, les Sœurs, les Supérieures et les parents, tous commencèrent à tendre
leurs mains en demandant des grâces. Et moi, loin de leur tenir rigueur de
m’avoir jeté toutes sortes de projectiles, c’est étonnant comme je me suis mise
à aimer justement tous ces gens qui m’avaient forcés à monter plus vite à la
place qui m’était destinée. Alors mon âme fut inondée d’un bonheur inconcevable,
et j’entendis « : Fais ce que tu veux,distribue les grâces comme tu veux, à qui
tu veux et quand tu veux ! » Et la vision disparut.
32. Une fois j’entendis ces mots ; « Vas chez la Supérieure
et demande-lui la permission de faire une heure d’adoration chaque jour pendant
9 jours. Pendant cette adoration tâche d’unir ta prière à celle de Ma Mère. Prie
de tout cœur en union avec Marie. Tâche aussi pendant ce temps de faire le
chemin de la croix. » J’obtins la permission, mais pas pour une heure entière,
seulement pour le temps qui me resterait une fois mes devoirs accomplis. Je
devais faire cette neuvaine à l’intention de ma Patrie.
33. Le. Septième jour de la neuvaine, je vis la Très Sainte
Vierge vêtue d’une robe claire, entre ciel et terre. Elle priait les mains
jointes sur la poitrine, les yeux levés au ciel. De son cœur sortait des rayons
de feu dont les uns se dirigeaient vers le ciel, les autres recouvraient notre
terre. Je mis mon confesseur au courant de certaines de ces manifestations. Il
me dit que cela pouvait vraiment venir de Dieu, mais que cela pouvait
n’être également qu’une illusion. Et comme je changeais souvent de confesseur,
je n’en avais donc pas un de permanent.
34. Et de plus, j’avais d’incroyables difficultés à parler de ce que je vivais.
Je priais ardemment que Dieu me fasse la grande grâce de me donner un directeur
spirituel. Mais, cette grâce, je ne l’obtins qu’après mes vœux perpétuels,
lorsque je vins à Wilno. Il s’agit de l’abbé Sopocko. Dieu me donna d’en avoir
d’abord une vision intérieure, avant même d’arriver à Wilno.
35. Si j’avais eu un directeur de conscience depuis le début,
je n’aurais pas gaspillé tant de grâces divines. Un confesseur peut beaucoup
aider les âmes, comme il peut aussi leur causer beaucoup de difficultés. Oh !
Comme les confesseurs devraient être attentifs à l’action de la grâce divine
dans l’âme de leurs pénitents, c’est tellement important. D’après les grâces
reçues par l’âme, on peu savoir son degré d’intimité avec Dieu.
36. Une fois je fus appelée au jugement de Dieu. Je comparus,
devant le Seigneur seule à seul. Je vis Jésus tel qu’il était durant sa passion.
Après un moment Ses Plaies disparurent. Il n’en resta que cinq, celles des
Mains, des Pieds et du Côté. Aussitôt je vis exactement l’état de mon âme avec
le regard de Dieu. Je vis clairement tout ce qui déplaît. J’ignorais qu’on doive
rendre compte même de ses menues souillures. Qui décrira un tel moment où l’on
se tient devant le Dieu trois fois Saint ? Jésus me demanda : « Qui es-tu ? » Je
répondis « Votre servante Seigneur.» Tu es redevable d’un jour au feu du
Purgatoire. » Je voulus tout de suite me jeter dans les flammes, mais Jésus me
retint, disant : « Préfères-tu souffrir maintenant un jour au Purgatoire ou
pendant un court espace de temps sur la terre ? » Je répondis : « Jésus, je veux
souffrir au Purgatoire et je veux aussi souffrir sur terre les plus grands
tourments, fût-ce jusqu’à la fin du monde. » Jésus reprit : « Un jour suffira,
tu descendras sur la terre où tu vas souffrir intensément mais pour peu de
temps. Tu accompliras ainsi Ma volonté et Mon souhait. Mon fidèle serviteur te
viendra en aide. Maintenant pose la tête sur Ma poitrine, sur Mon Cœur et puise
en lui des forces et de la vigueur pour supporter toutes les souffrances ; car
ailleurs tu ne trouveras ni soulagement, ni aide, ni consolation. Sache que tu
devras beaucoup, beaucoup souffrir, mais que cela ne t’effraye pas, Je suis avec
toi.
37. Peu après je tombai malade. Les malaises physiques
étaient pour moi une école de patience. Seul Jésus sait combien d’efforts j’ai
pu m’imposer pour accomplir mon devoir.
38. Voulant purifier l’âme, Jésus emploie les outils qu’Il
veut. Mon âme éprouvait un délaissement complet de la part des créatures.
Parfois la plus pure intention était mal interprétée par les Sœurs .Cette
souffrance était très douloureuse, mais permise par Dieu, elle doit être
acceptée, car de cette manière nous devenons semblables à Jésus Pendant
longtemps, je ne pouvais comprendre une chose : c’est que Jésus m’avait ordonné
de tout dire à mes Supérieures qui ne me croyaient pas ; elles me témoignaient
de la pitié, comme si j’étais dans l’illusion ou bien sous l’influence de mon
imagination. Aussi, je pris la résolution d’éviter intérieurement Dieu par
crainte des illusions.
Mais la grâce divine me poursuivait à chaque pas et lorsque
je m’y attendais le moins, Dieu me parlait.
39. Un jour Jésus me dit qu’Il enverrait un châtiment sur la plus belle ville de
notre patrie. Cette punition devait être celle subie par Sodome et Gomorrhe.
J’ai vu la grande colère de Dieu et un frisson d’angoisse me traversa le cœur.
Je priai en silence et bientôt Jésus me dit : « Mon enfant, unis-toi étroitement
à Moi pendant le Saint Sacrifice et offre à mon Père Mon Sang et Mes Plaies,
pour obtenir le pardon des péchés de cette ville. Renouvelle ceci sans
interruption pendant toute la Sainte Messe. Fais cela pendant sept jours. » Le
septième jour, Jésus m’apparut dans une nuée lumineuse et je lui demandai de
jeter un regard sur cette ville et sur notre pays tout entier Il le fit de bonne
grâce. Sa bienveillance m’encouragea à le supplier de le bénir. Alors Jésus dit
: « Pour toi, Je bénis le pays tout entier. » Et il fit de la main un grand
signe de croix sur notre Patrie. Cette bonté de Dieu inonda mon âme d’une grande
joie.
40. L’année 1929. Pendant la Sainte Messe, je sentis une fois
d’une manière plus particulaire la proximité de Dieu, malgré mon opposition
intérieure et ma fuite. Je fuyais Dieu souvent, car je craignais d’être la
victime du démon comme on m’avait dit plus d’une fois que je l’étais. Cette
incertitude se prolongea un certain temps.
Un jour de renouvellement des vœux pendant la Sainte Messe, alors que nous
venions de quitter nos prie-Dieu et commencions à réciter la formule des vœux,
soudain Jésus parut à coté de moi, portant une tunique blanche et une ceinture
d’or. Il me dit : « Je t’accorde un amour perpétuel pour que ta pureté soit sans
tache; et tu n’éprouvera plus de tentations contre la pureté. En voici le gage
». Jésus ôta alors Sa ceinture d’or et m’en ceignit. A partir de cet instant je
ne ressentis plus aucune tentation contre cette vertu ni dans mon cœur ni dans
mon esprit. Je compris plus tard que c’est l’une des plus grande grâce que
m’avait obtenue la Très Sainte Vierge Marie, car je la lui avais demandée
pendant de nombreuses années. Depuis lors, j’ai une plus grande dévotion envers
la Sainte Vierge. C’est elle qui m’a appris à aimer Dieu intérieurement et m’a
montré comment accomplir en tout Sa Sainte Volonté. « Marie, vous êtes la joie,
car, par Vous Dieu descendit sur la terre et dans mon cœur.
41. Une certaine fois, je vis un serviteur de Dieu en danger
de péché mortel. J’ai prié Dieu qu’il fasse descendre sur moi tous les tourments
de l’enfer, toutes les douleurs qu’Il voudrait pour libérer ce prêtre et
l’arracher à cette grande tentation. Je fus exaucée et au même moment je sentis
sur ma tête la couronne d’épine dont les piquants pénétraient jusqu’à mon
cerveau. Cela dura trois heures. Le serviteur de Dieu fut libéré et son âme
fortifiée par une grâce particulière.
42. Une fois, le jour de Noël, je sentis la présence et la
Toute Puissance de Dieu m’envelopper. Et de nouveau j’évitai la rencontre
intérieure avec le Seigneur. Je demandai à la Mère Supérieure la permission
d’aller à « Jozefinek » rendre visite aux Sœurs. Elle nous l’accorda et, tout de
suite après dîner, nous commençâmes à nous préparer. Les Sœurs m’attendaient
déjà à la porte. Je courus à ma cellule pour prendre ma pèlerine ; en revenant,
alors que je passais près de la petite chapelle, je vis Jésus sur le seuil, qui
me dit : « Vas-y, mais Moi je prend ton cœur ». A l’instant, je sentis que je
n’avais plus de cœur dans ma poitrine.
Mais les Sœurs m’appelaient, se demandant pourquoi je
n’arrivait pas plus vite, car il se faisait tard. Si bien que je les rejoignis
aussitôt. Mais j’étais tourmentée par le mécontentement. Une sorte de langueur
envahit mon âme. Personne, hormis Dieu ne savait ce qui s’était passé dans mon
âme. Après quelques moments passés à « Josefinek », je dis aux Sœurs : «
Rentrons à la maison. » Elles souhaitaient se reposer encore un peu, mais mon
esprit ne pouvait s’apaiser. J’expliquais que nous devions revenir, avant qu’il
ne fasse nuit, car nous avions un bon bout de chemin à faire. Nous sommes donc
revenues tout de suite à la maison. Lorsque la Mère Supérieure nous rencontra
dans le corridor, elle me demanda : « Est-ce que les Sœurs ne sont pas encore
parties ou sont-elles déjà de retour. J’ai répondu que nous étions déjà
revenues, car je ne voulais pas rentrer le soir. J’ai ôté ma pèlerine et
aussitôt, je suis allée à la petite chapelle. A peine étais-je rentrée que Jésus
me dit : « Vas chez la Mère Supérieure et dis lui que tu es rentrée, non pas
pour être à la maison avant le soir, mais parce que j’ai pris ton cœur. »
Bien que cela m’en coûtât beaucoup, je suis allée chez la
Supérieure et je lui ai dit avec sincérité la raison pour laquelle j’étais
revenue si tôt. Et j’ai demandé pardon au Seigneur pour tout ce qui avait pu Lui
déplaire. A cet instant Jésus inonda mon âme d’une grande joie. Je compris qu’il
n’y a de contentement nulle part en dehors de Dieu.
43. Une certaine fois, je vis deux Sœurs qui entraient en
enfer. Une douleur indicible étreignit mon âme, j’intercédais pour elles auprès
de Dieu et Jésus me dit ; « Va chez la supérieure et dis-lui que ces deux Sœurs
ont l’occasion de commettre un péché grave ». Ce que je fis le lendemain.
Aujourd’hui une de ces Sœurs vit dans une grande ferveur, l’autre mène un grand
combat.
44. Un jour, Jésus me dit : « Je quitterai cette maison… car
il y a ici des choses qui ne me plaisent pas. » Et l’Hostie sortit du tabernacle
et se posa sur mes mains. Et moi, avec joie, je la remis dans le tabernacle.
Ceci se répéta une seconde et même une troisième fois. Alors l’Hostie se
transfigura, laissant apparaître Jésus vivant qui me dit : « Je ne resterai plus
ici. » Aussitôt dans mon âme se réveilla un grand amour pour Jésus. Je
répondis:« Et moi, je ne vous laisserai pas quitter cette maison. » Et Jésus
disparut, et l’Hostie revint sur mes mains. Après l’avoir remise dans le
Ciboire, j’ai fermé le tabernacle. Et Jésus est resté avec nous. Pendant trois
jours, je tachai de faire une adoration expiatoire.
45. Une fois Jésus me dit : « Dis à la Mère Générale que dans
cette maison …se commet telle chose …qui ne Me plaît pas et M’offense beaucoup.
». Je ne l’ai pas dit tout de suite à la Mère, mais le trouble que le Seigneur
me fit sentir ne me permit point de différer plus longtemps. J’écrivis à la Mère
Générale et la paix rentra dans mon âme.
46. J’éprouvai souvent, mais d’une manière invisible, la
Passion du Seigneur Jésus dans mon corps. Je m’en réjouissais puisque Jésus le
voulait. Cela durait peu de temps. Les douleurs enflammaient mon âme du feu de
l’amour de Dieu et des âmes immortelles. L’amour endure tout, l’amour n’a peur
de rien, l’amour survivra à la mort.
47. Un soir, dans ma cellule, je vis Jésus vêtu d’une tunique
blanche, une main levée pour bénir, la seconde touchait son vêtement sur la
poitrine. De la tunique entr’ouverte sortaient deux grands rayons, l’un rouge,
l’autre pâle. Je fixais le Seigneur en silence, l’âme saisie de crainte, mais
aussi d’une grande joie. Après un moment, Jésus me dit ; « Peins un tableau de
ce que tu vois, de ce qu tu vois avec l’inscription « Jésus, j’ai confiance en
vous ! »Je désire qu’on honore cette image, d’abord dans votre chapelle, puis
dans le monde entier.
48. Je promets que l’âme qui honorera cette image, ne sera pas perdue. Je lui
promets aussi la victoire sur ses ennemis dès ici bas, et, spécialement à
l’heure de la mort. Moi-même je la défendrai comme Ma propre gloire. »
49. Lorsque j’en informai mon confesseur, il me répondit : «
Oui, cela te concerne, peins l’image de Dieu dans ton âme. » Lorsque je sortis
du confessionnal, j’entendis de nouveau ces paroles : « Mon image est en toi .Je
désire qu’il y ait une fête de la Miséricorde. Je veux que cette image que tu
peindra avec un pinceau, soit solennellement bénie le premier dimanche après
Pâques : ce dimanche doit être la Fête de la Miséricorde.
50. Je désire que les prêtres proclament Ma grande
miséricorde envers les âmes pécheresses. Quelles n’aient pas peur de s’approcher
de Moi. Les flammes de la miséricorde Me brûlent. Je veux les répandre sur les
âmes. »
Jésus se plaignit ainsi: « La méfiance des âmes Me déchire le Cœur, mais la
méfiance d’une âme choisie Me fait encore plus mal. Malgré la Miséricorde dont
Je l’inonde, elle se méfie de Moi. Même Ma Mort ne lui suffit pas. Malheur à qui
en abuse».
51. Lorsque je dis à la Mère Supérieure ce que Dieu exigeait
de moi, elle me répondit qu’il fallait que Jésus se fasse connaître plus
clairement, par un signe. Je demandai donc au Seigneur un signe qui me prouvât
qu’Il était vraiment mon Dieu et Seigneur et que c’était bien de Lui que venait
cette demande. J’entendis une voix intérieure qui disait : « Je le donnerai aux
Supérieures par les grâces que J’accorderai par l’intermédiaire de cette mage. »
52. Comme je voulais fuir ces inspirations intérieures, Dieu
me dit qu’au Jour du Jugement, Il me demanderait compte d’un grand nombre d’âmes
Une fois, lassée par toutes les difficultés soulevées par le fait que Jésus me
parlait et me demandait de peindre cette image, je résolus de demander au père
Andrasz, avant mes vœux perpétuels, de me délivrer de ces inspirations
intérieures et de me dispenser de peindre cette image. Après avoir écouté ma
confession, le père Andrasz me répondit: « Je ne vous dispense de rien et il ne
vous est pas permis de vous soustraire à ces inspirations intérieures. Mais vous
devez absolument en parler à votre confesseur, autrement vous tomberez dans
l’erreur malgré ces grandes grâces de Dieu. Pour le moment c’est à moi que vous
confessez, mais sachez que vous devez avoir un confesseur permanent, c’est–à-dire
un directeur de conscience ».
53. J’étais bien affligée de cette situation. Je pensais que
j’allais me délivrer de tout et voilà que c’était le contraire: un ordre formel
de satisfaire les exigences de Jésus. A ceci s’ajoutait le tourment de ne pas
avoir de confesseur permanent. Et si, pendant quelque temps, je me confessais au
même prêtre, je n’arrivais pas à lui ouvrir entièrement mon âme en raison des
grâces indicibles que je n’osais lui révéler, et cela me faisait souffrir. Je
priai Jésus de donner ces grâces à quelqu’un d’autre, car je ne savais pas en
profiter et je ne faisais que les gaspiller.
« Jésus, ayez pitié de moi, ne me commandez pas de si grandes
choses. Vous voyez que je suis inexistante et incapable». Mais la bonté de Jésus
est infinie. Il me promit une aide 53a. visible sur terre, et peu de temps
après, je l’obtins à Wilno.
Je reconnus cette aide divine en la personne de l’abbé
Sopocko. Avant d’arriver à Wilno je le connaissais déjà par une vision
intérieure. Un jour, je l’avais vu dans notre chapelle entre l’autel et le
confessionnal. J’avais alors entendu une voix qui me disait: « Voilà l’aide
visible pour toi, ici bas, il t’aidera à accomplir Ma volonté. »
54. Lorsqu’une fois, fatiguée par ces incertitudes, je
demandais à Jésus : « Etes-Vous Jésus ou quelque fantôme ? car mes Supérieures
me disaient qu’il y avait des illusions et des fantômes de toutes sorte. –Su
Vous êtes mon Seigneur, je Vous en prie, bénissez-moi. » Alors Jésus fit un
grand signe de croix, au dessus de moi.. Je me signai. Lorsque je lui demandai
pardon pour cette question, Il me répondit que je ne Lui faisais aucune peine
par cette question et que ma confiance lui plaisait beaucoup.
55. 1933. Le conseil spirituel que le Père Andrasz
S.J. me donna : « Il vous est défendu de vous soustraire à ces inspirations
intérieures mais informez en toujours votre confesseur. Si vous reconnaissez que
ces inspirations intérieures vous concernent, c'est-à-dire sont de quelque
profit pour votre âme ou pour d’autres âmes,je vous prie de les suivre car il
n’est pas permis de les négliger, mais faites le toujours en vous entendant avec
votre confesseur.
Si ces inspirations ne sont pas en accord avec la foi ni avec l’esprit de l’Eglise,
il faut les rejeter tout de suite car cela vient du Malin.
Si ces inspirations ne concernent pas le bien des âmes, ni en
général, ni en particulier, ne les prenez pas trop à cœur et n’y faites aucune
attention. Mais ne vous guidez pas seule en cela. D’une manière ou d’une autre,
vous pouvez tomber dans l’erreur malgré ces grandes grâces de Dieu. Humilité,
humilité et toujours humilité car nous ne pouvons rien de nous même. Tout n’est
que grâce de Dieu. Vous me dites que Dieu exige des âmes une grande confiance.
Eh bien, montrez cette confiance, vous la première. Encore un mot : acceptez
tout cela dans la paix. »
La réflexion d’un des confesseurs : « Ma Sœur,Dieu vous
prépare de nombreuses grâces particulières mais tâchez que votre vie soit pure
comme une larme devant le Seigneur. Laissez le monde vous juger sans en ^être
troublée. Que Dieu vous suffise, Lui seul ».
Vers la fin du noviciat, mon confesseur me dit : « avancez
dans la vie en faisant le bien pour que je puisse inscrire sur le livre de votre
vie : elle a passé sa vie à faire le bien. Dieu le veuille. »
Une autre fois mon confesseur me dit : « Agissez envers Dieu
comme la veuve de l’Evangile. Elle n’avait mis qu’une menue monnaie dans le
trésor, mais cette obole, devant Dieu, avait plus de poids que les offrandes de
prix des autres. »
Une autre fois, je reçu cette instruction : « Que tous ceux
qui sont en contact avec vous, en retirent de la joie. Semez le bonheur autour
de vous puisque vous avez beaucoup reçu de Dieu, donnez donc beaucoup aux
autres. Qu’ils vous quittent heureux, même s’ils n’ont touché que la frange de
votre vêtement. Rappelez-vous bien ce que je vous dis maintenant. »
Une autre fois, il me dit : « Permettez à Dieu d’éloigner la
barque de votre vie vers les profondeurs insondables de la vie intérieure.
Quelques mots d’un entretien avec la Mère Maîtresse vers la
fin de mon noviciat : « que la simplicité et l’humilité soient les signes
caractéristiques de votre âme. Marchez dans la vie comme une enfant, toujours
confiante, toujours pleine de simplicité et d’humilité, contente de tout,
toujours heureuse. Là où les autres âmes s’effrayent, passez tranquillement par
la simplicité et l’humilité. Souvenez-vous de ceci, ma Sœur, durant toute votre
vie : comme les eaux se déversent des montagnes dans les vallées, ainsi les
grâces de Dieu se déversent seulement sur les âmes humbles.
56. O mon Dieu ! Je comprend bien que Vous exigez de moi
cette enfance spirituelle, car par la voix de Vos remplaçants, Vous l’exigez
continuellement de moi.
Les douleurs et les contrariétés au début de ma vie
religieuse m’effrayaient et me décourageaient. Je priais sans cesse Jésus de
m’aguerrir et de me donner la force de Son Esprit –Saint, pour accomplir en tout
Sa Sainte Volonté, car dès le départ je connaissais ma faiblesse. Je sais bien
que ce que je suis de moi-même, car Jésus m’a fait voir intérieurement tout
l’abîme de misère que je suis. Et à cause de cela, je comprends bien que tout ce
qu’il y a de bon en mon âme est uniquement dû à Sa Sainte Grâce. En prenant
conscience. En prenant conscience de ma misère, je prends en même temps
conscience de la profondeur infinie de Votre Miséricorde. Dans ma vie
intérieure, je garde constamment sous les yeux l’abîme de misère et d’abjection
que je suis, d’une part, et d’autre part l’abîme de Votre Miséricorde, ô mon
Dieu.
57. O mon Jésus, Vous êtes la vie de ma vie. Vous savez bien
que je ne désire rien d’autre que la gloire de Votre Nom, et que les âmes aient
la connaissance de Votre bonté. Pourquoi les âmes Vous évitent-elles, Jésus ? Je
ne comprends pas cela. Oh ! si je pouvais découper mon cœur en menues parcelles
et de cette manière, Vous offrir, Jésus, chaque parcelle comme un cœur entier,
pour Vous dédommager ainsi pour les cœurs qui ne Vous aiment pas. Je Vous aime
Jésus avec chaque goutte de mon sang. Je les verserais volontiers pour Vous,
afin de Vous donner la preuve de la sincérité de mon amour. O Dieu, plus je Vous
connais, et moins je puis vous concevoir, mais cette « incapacité » me fait
comprendre combien Vous êtes grand, O Dieu. Et cette « incompréhension » de
Vous, allume une nouvelle flamme en mon cœur pour Vous, Seigneur. Depuis le
moment où Vous m’avez permis de fixer le regard de mon âme sur Vous, Jésus, je
goûte le repos et je ne désire plus rien. J’ai trouvé ma destinée au moment où
mon âme s’est noyée en Vous, l’unique objet de mon amour. Tout est néant en
comparaison de Vous. Les douleurs, les contrariétés, les humiliations, les
insuccès, les soupçons qui surviennent sont des échardes, qui enflamment mon
amour pour Vous, Jésus. Mes désirs sont fous et inaccessibles :
Je veux Vous cacher ma souffrance. Je désire ne jamais être
récompensée pour mes efforts et mes bonnes actions. O Jésus, Vous seul êtes ma
récompense. Trésor de mon cœur, Vous me suffisez. Je désire compatir à la
souffrance de mon prochain et enfouir les miennes dans mon cœur, afin de les
cacher non seulement aux yeux des autres, mais aussi aux Vôtres, Jésus.
La souffrance est une grande grâce. Par elle, l’âme devient
semblable au Sauveur. L’amour se décante dans la souffrance ; plus la souffrance
est grande, plus l’amour devient pur.
58. Une nuit, je reçus la visite d’une Sœur, morte depuis
deux mois. C’était une Soeur du premier chœur. Je la vis dans une condition
effrayante: toute en flammes, le visage tordu par la douleur. Cela dura quelques
instants puis elle disparut. Un frisson me saisit l’âme, car j’ignorais si elle
souffrait au Purgatoire ou en Enfer. Malgré cela, j’intensifiais mes prières à
son intention. Elle revint la nuit suivante, dans un état encore plus effrayant,
assaillie de flammes plus intenses, le désespoir peint sur ses traits. Je
m’étonnai, après les prières que j’avais offertes pour elle, de voir que son
état avait empiré, et je lui demandai : « est ce que mes prières ne vous ont pas
aidée ? » Et elle me répondit que ma prière n’avait été et ne lui serait d’aucun
secours. Je lui demandai : « Et les prières que toute la communauté a offertes
pour vous ne vous ont-elles apporté aucune aide ? » Elle me répondit de même;
ces prières avaient profité à d’autres âmes. Je lui répliquai : Si mes prières
ne vous son d’aucun secours, veuillez cesser de venir me voir. » Elle disparut
aussitôt. Malgré cela, je ne cessais de prier pour elle. Au bout d’un certain
temps, elle m’apparut à nouveau, de nuit mais déjà dans un autre état. Elle
n’était plus environnée de flammes comme auparavant, le visage rayonnant et les
yeux brillants de joie, elle me dit que j’avais un véritable amour du prochain,
que beaucoup d’autres âmes avaient profité de mes prières ; elle m’encouragea à
persévérer dans mes prières pour les âmes du Purgatoire, et me dit qu’elle n’y
resterais plus longtemps. Les jugements de Dieu sont surprenants !
59. 1933. Un autre jour j’entendis ces mots dans mon
âme : « Fais une neuvaine pour ta Patrie. Elle se composera des litanies des
Saints. Demandes-en la permission à ton confesseur ». En ayant obtenu la
permission lors de la confession suivante, je commencai cette neuvaine le soir
même.
60. Vers la fin des litanies, je vis une grande clarté et,
dans cette clarté, Dieu le Père. Entre cette clarté et la terre, je vis Jésus
cloué en Croix, placé de telle façon que lorsque Dieu voulait voir la terre, Il
devait la regarder à travers les Plaies de son fils. Et je compris que c’est à
cause de Jésus que Dieu bénit la terre.
61. « Jésus, jr Vous remercie pour cette grand grâce, ce
confesseur que Vous avez Vous-même daigné me choisir, et que vous m’avez fait
connaître par une vision avant de l’avoir jamais rencontré. » Lorsque je me
confessais au Père Andrasz, je lui confiais mon désir d’être libéré de ces
inspirations intérieures. Le Père me répondit que ce n’était pas en son pouvoir
et m’encouragea à prier pour avoir un directeur de conscience.
Après une coure et fervente prière, je vis une deuxième fois
l’abbé Sopocko. Je le vis dans notre chapelle, entre le confessionnal et
l’autel. J’étais alors à Cracovie. Ces deux visions fortifièrent mon esprit
d’autant plus que je le trouvais tel que je l’avais vu dans mes visions, tant
celle de Varsovie lors de ma troisième probation, que celle de Cracovie. Jésus,
je Vous remercie pour cette grande grâce.
Maintenant, je suis maintes fois saisie de crainte lorsque
j’entends des personnes dire qu’elles n’ont pas de confesseur attitré,
c'est-à-dire de directeur de conscience. Car je sais quels grands dommages j’ai
moi-même subi alors que je n’avais pas cette aide. Sans directeur, on s’égare
facilement.
62. O vie grise et monotone, que de trésors tu recèles !
Aucune heure ne ressemble à une autre, car la grisaille et la monotonie
disparaît quand je regarde tout avec l’œil de la foi. La grâce qui m’est donnée
à cette heure-ci ne se représentera pas à l’heure suivante. La grâce me sera
encore donnée, mais ce ne sera plus la même. Le temps passe et ne reviens
jamais. Ce qu’il contient ne changera plus. Il est scellé du sceau éternel.
63. L’abbé Sopocko doit être très aimé de Dieu. Je le dis,
parce que j’ai éprouvé avec quelle force Dieu le réclame à certains moments ;
voyant ceci, je me réjouis infiniment que Dieu ait de tels élus.
64. 1928. – Excursion à Kalwaria
J’avais été désignée pour remplacer pendant deux mois une Sœur de Wilno, partie
pour sa troisième probation. J’y restai un peu plus longtemps.
Un jour, voulant me faire plaisir, la Mère Supérieure,
m’autorisa à me rendre à Kalwaria en compagnie d’une Sœur pour faire ce qu’on
appelle le tour des petits sentiers du Chemin de la Croix. J’en étais très
heureuse. Nous devions faire le voyage en bateau bien que cela fut tout près. La
veille au soir, Jésus me dit : « Je désire que tu restes à la maison. » Je
répondis « Jésus tout est prêt pour partir demain matin ; que dois-je faire ? »
Le Seigneur ajouta « Cette excursion serait préjudiciable à ton âme. » Je
répondis : « dirigez les circonstances pour que Votre Volonté soit faite ». A ce
moment la cloche sonna le coucher. D’un regard je dis adieu à Jésus et je me
rendis à ma cellule.
Le lendemain matin, la journée s’annonçait belle. Ma compagne
se réjouissait à l’idée de tout visiter. Quant à moi, j’étais sûre que nous ne
partirions pas. Cependant aucun obstacle ne semblait s’opposer au départ. Nous
allions communier plus tôt et nous mettre en route immédiatement après l’action
de grâce. Pendant la Sainte Communion, le temps changea. Des nuages assombrirent
le ciel et une averse se mit à tomber. Tout le monde s’étonna d’un changement
aussi soudain.
La Mère Supérieure nous dit : « Mes Sœurs, cela me peine que
vous puissiez partir. » Je répondis : Petite Mère, cela ne fait rien ; c’était
la volonté de Dieu que nous restions à la maison ». Cependant personne ne savait
que c’était le désir exprès de Jésus pour moi. Je passai toute la journée dans
le recueillement et la méditation : je remerciais le Seigneur de m’avoir retenue
à la maison. Ce jour là, Dieu m’accorda beaucoup de consolations célestes
65. Au noviciat, lorsque la Mère Maîtresse me destina à la
cuisine des enfants, je m’en affligeais grandement, car j’étais incapable de
maîtriser les énormes marmites. Le plus difficile pour moi était de vider l’eau
des pommes de terre cuites dont la moitié parfois s’échappait avec l’eau de
cuisson. La Mère Maîtresse à qui j’avais exposé mes craintes, me répondit que je
m’accoutumerais et que j’allais acquérir de l’expérience. Cependant la
difficulté demeurait. Et je sentais mes forces diminuer de jour en jour. Pour
cette raison je m’écartais lorsque venait le moment de vider l’eau des pommes de
terre. Les Sœurs s’aperçurent que j’évitais ce travail et s’en étonnèrent
beaucoup car elles ignoraient que malgré tous mes efforts et sans me ménager, je
ne pouvais arriver à les aider. A midi pendant l’examen de conscience je me
plaignis à Dieu de ma faiblesse. Soudain j’entendis ces paroles. « A partir
d’aujourd’hui tu n’aura plus aucune peine à faire e travail. Je vais accroître
tes forces. »
Le soir, lorsque vint le moment de ce service, je me hâtai la
première, confiante dans la promesse du Seigneur. Je pris le récipient avec
facilité et versai l’eau parfaitement. J’ôtai le couvercle pour faire évaporer
les pommes de terre et que vis-je ? Des bottes de roses rouges d’une beauté
indescriptible. Je n’en ai jamais vues de pareilles. Cela m’étonna beaucoup, je
n’en comprenais pas la signification.
A ce moment, j’entendis une voix en mon âme : « Je change ton
travail si pénible en bouquet des plus belles fleurs et leur parfum monte
jusqu’à Mon trône.
Des lors, je tâchais de vider l’eau des pommes de terre non
seulement pendant la semaine qui m’était assignée, mais aussi durant celle des
autres Sœurs. J’essayais de m’offrir la première pour tous les travaux pénibles,
car j’avais expérimenté combien cela plaît à Dieu.
66. O trésor inépuisable de la pureté d’intention, qui rend
toutes nos actions parfaites et si agréables à Dieu !
O Jésus, Vous savez combien je suis faible, soyez donc toujours avec moi.
Dirigez mes actes et tout mon être. Vous, mon Maître incomparable ! En vérité, O
Jésus je suis saisie d’angoisse quand je vois ma misère. Mais je retrouve la
paix dès que je vois Votre insondable miséricorde, qui de toute éternité, est
plus grande que ma misère. Cette disposition intérieure me fait revêtir Votre
puissance, et quelle joie de connaître ce que je suis. O Vous,Vérité
Inaltérable, Votre durée est éternelle.
67. Je suis tombée malade après mes premiers vœux. Malgré les
soins affectueux et attentifs de mes Supérieures et les efforts du médecin je ne
me sentais ni mieux, ni moins bien. J’appris que l’on croyait que je simulais.
Cela me causa une grande souffrance morale et dura assez longtemps. Un jour que
je me plaignais à Jésus d’être à charge de mes Sœurs, Il me répondit : « Tu ne
vis pas pour toi, mais pour les âmes qui vont profiter de tes souffrances. Tes
souffrances prolongées leur donneront lumière et force pour accepter Ma Volonté.
»
68. La souffrance qui me pesait le plus était la pensée que
ni mes prières ni mes bonnes actions ne plaisaient à Dieu. Je n’osais regarder
le Ciel. Cela m’occasionnait une peine si profonde, durant les exercices
spirituels communs, qu’un jour la Mère Supérieure me fit venir après les
exercices et me dit : « Demandez à Dieu, ma Sœur la grâce de la consolation,
car je vois bien moi-même ce que me disent les Sœurs. On a pitié rien qu’a vous
voir. Je ne sais vraiment que faire de vous. Je vous ordonne de ne vous affliger
de rien ».- Mais ces entretiens avec la Mère Supérieure ne m’apportaient aucun
soulagement, et ne m’éclairaient en rien. Des ténèbres encore plus épaisses me
voilaient Dieu.
Je cherchais de l’aide au confessionnal, mais là non plus je
n’en trouvais pas. Un saint prêtre voulut m’aider, mais j’étais si malheureuse
que je ne savais même pas définir mes souffrances et cela ajoutait encore à mes
tourments. Une tristesse mortelle saisissait mon âme à tel point que je ne
pouvais pas la cacher et que cela transparaissait au dehors. Je perdis espoir.
La nuit devint de plus en plus sombre. Le prêtre à qui je me confessais me dit
:« Je vois en vous des grâces particulières, et je suis tout à fait tranquille
en ce qui concerne. Pourquoi vous tourmentez-vous autant ? Cependant je ne
comprenais pas alors, et j’étais très étonnée lorsque, pour pénitence, il me
disait de réciter un Te Deum ou un Magnificat, parfois de faire un tour dans le
jardin au pas de course le soir, ou encore de rire tout haut dix fois par jour.
Ces pénitences me surprenaient beaucoup. Et pourtant ce prêtre ne me fut pas
d’un grand secours. Manifestement Dieu voulait que je lui rende gloire par ma
souffrance. Le prêtre cherchait à me consoler en me disant que j’étais plus
agréable à Dieu dans cet état que si je jouissais en abondance des plus grandes
consolations.
« Quelle grande grâce l’état de tourment où vous vous
trouvez, ma Sœur ! Non seulement vous n’offensez pas Dieu, mais vous vous
exercez à la vertu. En considérant votre âme, je découvre en vous de grands
desseins de Dieu, des faveurs spéciales, et je Lui en rend grâce ».
Malgré cela, mon âme était à la torture, en proie à des
tourments indicibles. Comme un aveugle qui se confie à son guide et lui tient
fermement la main, je m’attachais à l’obéissance qui devint, pour moi, la main
secourable durant cette épreuve.
« Jésus, Vérité éternelle, affermissez mes faibles forces. Vous pouvez tout,
Seigneur. Je sais que sans Vous mes efforts sont inutiles, O Jésus. Ne me cachez
pas Votre Visage, car je ne puis vivre sans Vous. Soyez attentif à l’appel de
mon âme, ayez pitié de ma misère, parce que Votre miséricorde est inépuisable.
Votre amour infini dépasse l’intelligence des Anges et celle de l’humanité toute
entière, et bien qu’il me semble que Vous ne m’entendiez pas, j’ai déposé ma
confiance dans l’océan de Votre miséricorde et je sais que mon espoir ne sera
pas déçu.
Jésus seul sait combien il est difficile et pénible de
s’acquitter de ses devoirs, lorsque l’âme est tourmentée intérieurement, les
forces physiques amoindries, et l’esprit assombri. Dans le calme de mon cœur, je
répétais : « O Christ à Vous les délices, l’honneur et la gloire, à moi la
souffrance. Je ne ralentirai pas d’un seul pas à Votre suite bien que les épines
me blessent les pieds ».
71. Lorsque je fus envoyée pour une cure à la maison de
Plock, j’eus le bonheur d »avoir à orner la chapelle de fleurs. C’était à Biala,
Sœur Tekla n’en avait pas toujours le temps. Je fleurissais donc souvent, seule,
la petite chapelle. Un jour j’avais cueilli de très belles roses pour fleurir la
chambre d’une certaine personne. Comme j’arrivais près de la galerie, j’y
aperçus Jésus qui me demanda gracieusement ; « Ma fille, à qui portes-tu ces
fleurs ? » Mon silence fut ma réponse, car au même moment, je reconnus que
j’éprouvais pour cette personne un très subtil attachement dont je ne m’étais
pas encore aperçue. Et Jésus disparut. A l’instant même, j’ai jeté les fleurs et
me suis rendue devant le Saint Sacrement, le cœur comblé de gratitude pour la
grâce de la connaissance de moi-même.
O Soleil divin ! A la lumière de vos rayons, l’âme voit les
plus petits grains de poussière qui peuvent vous déplaire.
72. Jésus, Vérité éternelle, notre vie, j’implore et je
mendie Votre miséricorde pour les pauvres pécheurs. Très doux cœur de mon
Seigneur, empli de pitié et d’indicible bonté, je vous supplie pour les pauvres
pécheurs. O Cœur Sacré, Source de Miséricorde dont les rayons de grâces
inconcevables se répandent sur tout le genre humain, je vous en supplie, donnez
la lumière aux pauvres pécheurs. O Jésus, souvenez-Vous de Votre Passion amère
et ne permettez pas que périssent les âmes rachetées au prix de Votre précieux
Sang. O Jésus, lorsque je considère le don de Votre Sang, je me réjouis de son
inestimable valeur car une goutte aurait suffi pour tous les pécheurs. Bien qu
le péché soit un gouffre de méchanceté et d’ingratitude, le prix donné pour nous
est sans commune mesure – c’est pourquoi chaque âme doit avoir confiance en la
passion du Seigneur, confiance dans Sa miséricorde. Dieu ne refuse Son Pardon à
personne. Le ciel et la terre peuvent changer, mais la Miséricorde de Dieu ne
s’épuisera jamais. Oh ! Quelle joie brûle dans mon cœur quand je vois Votre
inconcevable bonté. O mon Jésus, je désire amener tous les pécheurs à Vos pieds
pour qu’ils louent Votre Amour infini, pendant des siècles sans fin.
73. Mon Jésus, bien que la nuit soit obscure autour de moi et
que de sombres nuages me voilent l’horizon, je sais que le soleil ne s’éteint
pas. O Seigneur, bien que je ne puisse concevoir ni comprendre Votre action,
j’ai confiance en Votre Miséricorde. Si Votre Volonté, Seigneur, est que je vive
toujours dans de telles ténèbres, soyez béni. Je vous demande une chose, mon
Jésus, ne permettez pas que je vous offense jamais, en quoi que ce soit. O mon
Jésus, vous seul connaissez les langueurs et les douleurs de mon cœur. Je me
réjouis de pouvoir souffrir, si peu qu ce soit, pour vous.
Lorsque je sens que la souffrance dépasse mes forces, j’ai
recours au Seigneur dans le Saint Sacrement et un profond silence est ma façon
de parler au Seigneur.
La confession d’une de nos élèves
74. Un jour, je fus poussée à faire des démarches pour
obtenir la Fête de la Miséricorde et je ne pouvais goûter de repos avant que ne
fût peinte l’image de Jésus Miséricordieux. Ce sentiment me pénétra entièrement,
mais une certaine peur me prit : Est-ce que je n’étais pas dans l’illusion ? A
vrai dire, ces incertitudes venaient toujours du dehors, car au fond de moi, je
sentais que mon âme était toute pénétrée du Seigneur. Le confesseur, auquel je
me confessais alors me dit que parfois on peut s’illusionner et je sentais que
ce prêtre semblait avoir peur de me confesser. C’était pour moi un supplice.
Voyant que je nr pouvais attendre beaucoup d’aide de la part des hommes, je
recourus d’autant plus à Jésus, ce Maître incomparable. Une fois, dans
l’incertitude où j’étais de savoir si la voix qui me parlait était ou non celle
du Seigneur, Je me suis adressée à Jésus intérieurement sans prononcer de
paroles. Tout de suite une force me pénétra et je dis : « Si Vous êtes vraiment
mon Dieu, si c’est Vous qui m’êtes présent et qui me parlez, je Vous en prie,
Seigneur, que cette élève aille aujourd’hui encore se confesser ; ce signe me
rassurera. » Au même moment, cette enfant demanda à se confesser. La Maîtresse
de classe s’étonna de cette décision soudaine mais elle tâcha, tout de suite de
trouver un prêtre et l’enfant se confessa avec grande contrition. Alors,
j’entendis en mon âme cette voix : « Est-ce que tu Me crois maintenant ». Et de
nouveau, une force étonnante me pénétra et m’affermit de telle sorte, que
j’étais stupéfaite moi-même d’avoir pu me laisser envahir par le doute. Ces
doutes viennent toujours de l’extérieur, ce qui me dispose à m’enfermer en
moi-même.
75. Lorsque je perçois l’incertitude du prêtre pendant la
confession, alors je ne dévoile pas mon âme plus profondément, je m’accuse
seulement de mes péchés. Un tel prêtre ne me donnera pas la paix puisque
lui-même ne la possède pas. O prêtres, vous, les cierges lumineux qui éclairent
les âmes, que votre clarté ne s’obscurcisse jamais. J’ai compris alors que ce
n’était pas la volonté de Dieu que je dévoile le fond de mon âme. Plus tard,
Dieu me donna cette grâce.
76. « Mon Jésus, dirigez mon âme, prenez complète possession
de tout mon être, enfermez-moi au fond de votre cœur et défendez moi contre les
attaques de l’ennemi. En vous est ma seule espérance ! Parlez par ma bouche
quand je serai avec les puissants et les savants, moi, la plus misérable des
créatures, pour qu’ils reconnaissent que cette affaire est la Vôtre et qu’elle
vient de vous ».
Ténèbres et tentations
77. Mon esprit était assombri d’une manière singulière ;
aucune vérité ne me semblait claire. Quand on me parlait de Dieu, mon cœur était
comme un roc. Je ne pouvais en tirer un seul sentiment d’amour pour lui.
Lorsque je m’efforçais de rester auprès de Dieu par un acte de volonté,
j’éprouvais de grands tourments et il me semblait que je poussais Dieu à une
plus grande colère. Je ne pouvais plus méditer comme auparavant. J’ai senti dans
mon âme un grand vide que je ne pouvais remplir. J’ai commencé à souffrir la
soif et la nostalgie de Dieu, mais je voyais toute mon impuissance. J’essayais
de lire lentement, phrase par phrase, et de méditer de cette façon, mais cela
aussi était vain. Je ne comprenais rien de ce que j’avais lu. Mon gouffre de
misère m’était sans cesse présent. Chaque fois que j’entrais pour quelque
exercice à la chapelle, j’éprouvais les pires tourments et tentations. Plus
d’une fois j’ai du combattre des pensées de blasphèmes qui, pendant toute la
Sainte Messe, se pressaient sur mes lèvres. Je ressentais un désir de m’éloigner
des Saints Sacrements. Il me semblait que je n’en profitais aucunement. Je ne
les fréquentais que par obéissance à mon confesseur, et cette obéissance aveugle
était pour moi le seul chemin sur lequel je devais marcher, la Voie du salut. Le
prêtre m’expliquait que c’était des épreuves permises par Dieu et que dans
l’état où j’étais, non seulement je n’offensais pas Dieu, mais que je lui étais
très agréable.
C’est un signe, me disait-t-il que Dieu vous aime énormément,
qu’Il a confiance en vous lorsqu-Il vous afflige par de pareilles épreuves. Mais
ces mots ne me consolaient pas, il me semblait qu’ils ne s’appliquaient
nullement à moi. Une chose m’étonnait : il m’arriva plus d’une fois, lorsque je
souffrais terriblement, qu’au moment où je m’approchais du confessionnal, ces
terribles tourments mais dès que je m’éloignais, ils revenaient à la charge avec
encore plus d’acharnement. Alors je tombais face contre terre, devant le Saint
Sacrement et je répétais ces paroles : « Même si vous me tuez, j’aurai confiance
en Vous ! » Il me semblait que j’agonisais dans ces douleurs. Une pensée
terrible pour moi était de croire que j’étais rejetée par Dieu. Puis d’autres
pensées me venaient : - Pourquoi tâcher d’acquérir des vertus et de faire des
bonnes actions ? Pourquoi se mortifier et s’anéantir ? A quoi bon faire des vœux
? A quoi bon prier ? A quoi bon se sacrifier et s’anéantir ? A quoi bon faire, à
chaque pas, le sacrifice de soi-même ? A quoi bon ? Si j’étais déjà rejetée par
Dieu, à quoi bon ces efforts ? Ici Dieu seul sait ce qui se passait dans mon
cœur.
78. Un jour où ces souffrances terribles m’étreignaient,
j’entrai à la chapelle et je dis ces mots du fond de mon âme : « Faites de moi
ce qui Vous plaît, ô Jésus, je veux Vous adorer en tout. Que Votre volonté soit
faite en moi, ô mon Seigneur et mon Dieu, et moi je vais louer votre infinie
miséricorde ». Cet acte de soumission dissipa mes terribles tourments. Tout à
coup, j’aperçus Jésus, qui me dit : « Je suis toujours dans ton cœur. » Une joie
inconcevable pénétra mon âme et la remplit d’un grand amour de Dieu, ce qui
enflamma mon pauvre cœur. Je vois que Dieu ne permet jamais plus que ce que nous
pouvons supporter. Oh ! je n’ai peur de rien. Si Dieu envoie à l’âme un si grand
tourment, il la soutien par une grâce plus grande encore, bien que nous ne nous
en rendions pas compte. Dans de tels moments, un acte de confiance rend à Dieu
plus de gloire que des heures entières passées en prières, remplies de
consolation. Maintenant je vois que si Dieu veut maintenir une âme dans les
ténèbres, aucun livre, ni aucun confesseur ne pourra l’éclairer.
79. Marie, notre Mère et notre Reine, je vous confie mon âme,
mon corps, ma vie, ma mort et tout ce qui la suivra. Je dépose tout entre vos
mains. O ma Mère, couvrez mon âme de votre manteau virginal et donnez-moi la
grâce de la pureté du cœur, de l’âme t du corps ; défendez-moi par votre
puissance de tous les ennemis et spécialement de ceux qui cachent leur
méchanceté sous le masque de la vertu. O Lis ravissant, vous êtes pour moi un
miroir, ô ma Mère !
80. Jésus, divin prisonnier de l’amour, lorsque je considère
Votre amour et Votre anéantissement pour moi, mes sens m’abandonnent. Vous
cachez Votre inconcevable majesté et Vous Vous abaissez vers mon néant. O Roi de
gloire, bien que Vous cachiez Votre beauté, le regard de mon âme déchire le
voile. Je vois les chœurs angéliques qui ne cessent de Vous rendre honneur et
toutes les Puissances célestes, qui vous louent sans fin, chantant : « Saint,
Saint, Saint. »
81. Oh ! qui comprendra Votre amour et Votre insondable
miséricorde envers nous ! O prisonnier de l’amour, j’enferme mon pauvre cœur
dans ce tabernacle pour qu’il vous adore sans cesse nuit et jour; je ne connais
aucun obstacle à cette adoration et même quand je serai éloignée physiquement,
mon cœur sera toujours avec Vous. Rien ne peut mettre de barrières à mon amour
pour Vous. Les obstacles n’existent pas pour moi. O mon Jésus, je vais Vous
consoler de toutes les ingratitudes, blasphèmes froideurs, haines et sacrilèges
des impies. O Jésus, je désire brûler comme une offrande pure, immolée devant le
trône de Votre abaissement, Vous priant sans cesse pour les pécheurs agonisants…
O Sainte Trinité, Dieu Unique, Indivisible, soyez béni pour
cet immense don et ce testament de Miséricorde. Mon Jésus, en expiation pour les
blasphémateurs, je garderai le silence quand on me réprimandera injustement,
pour réparer au moins un peu. Je vous chante un hymne incessant dans mon âme, et
personne ne s’en doutera, ni ne comprendra. Le chant de mon âme n’est connu que
de Vous, ô mon Créateur et mon Seigneur.
82. Je ne permettrai pas que le tourbillon du travail
m’absorbe au point d’oublier Dieu. Je passerai tous mes moments libres aux pieds
du Maître, caché dans le Saint Sacrement. Là Il m’enseigne depuis mes plus
tendres années.
83. « Ecris ceci : Avant de venir comme un Juge équitable, Je
viens d’abord comme Roi de Miséricorde. Avant qu’advienne le jour de Justice, il
sera donné aux hommes ce signe dans les cieux :
Toute lumière dans le ciel s’éteindra et il y aura de grandes
ténèbres sur toute la terre. Alors le signe de la Croix se montrera dans le ciel
; des Plaies des Mains et des Pieds du Sauveur, sortiront de grandes lumières,
qui, pendant quelque temps, illumineront la terre. Ceci se passera peu de temps
avant le dernier jour. »
84. O Sang et Eau, qui avez jailli du Coeur de Jésus, comme
source de miséricorde pour nous, j’ai confiance en vous !
Wilno 2.VIII. 1934
85. Vendredi, après la Sainte Communion, je fus transportée
en esprit devant le Trône de Dieu entouré par les Puissances célestes qui
L’adorent sans cesse. Derrière le trône, je vis une clarté inaccessible aux
créatures, uniquement réservée au Verbe Incarné, Médiateur. Lorsque Jésus
pénétra dans cette clarté, j’entendis ces paroles : « Ecris tout de suite, ce
que tu entends : Je suis le Seigneur dans Sa réalité et Je ne connais ni ordres,
ni besoins. Si J’appelle la créature à la vie, c’est en vertu de Ma Miséricorde
infinie. »
Et à ce moment je revins à la réalité ; j’étais dans notre
chapelle, sur mon prie-Dieu, la Sainte Messe finissait. Ces paroles étaient déjà
écrites.
86. Quand je vis combien mon confesseur aurait à souffrir à
cause de cette œuvre que Dieu veut mener à bien par son entremise, la peur me
prit un instant et je dis au Seigneur : « Jésus, cette affaire est vôtre
pourquoi agissez-Vous de la sorte envers lui ? Il me semble que Vous lui
suscitez des difficultés, tout en lui ordonnant d’agir. »
« Ecris que nuit et jour Mon regard se pose sur lui et que Je
permets ces contrariétés pour augmenter ces mérites. Ce n’est pas la réussite
que Je récompense, mais la patience et la peine prises pour Moi. »
Wilno, 26.X. 1934
87. Vendredi, quand je revenais du jardin avec nos élèves à
l’heure du souper (il était six heures moins dix), je vis Jésus au dessus de
notre chapelle, exactement comme Il était lorsque je Le vis pour la première
fois, tel qu’Il est peint sur l’image. Les deux rayons qui sortaient de Son Cœur
couvraient notre chapelle et l’infirmerie, puis toute la ville et ils se
répandirent sur le monde entier. Cela dura environ quatre minutes, puis tout
s’évanouit.
Une des enfants, qui m’accompagnait, un peu en arrière des
autres, voyant également ces rayons, mais pas Jésus, ne pouvait imaginer d’où
sortaient ces rayons. Elle était saisie et le raconta à ses compagnes. Les
élèves riaient d’elle disant qu’elle avait rêvé ; peut-être était-ce la lumière
d’un avion ? Mais elle s’obstinait et disait que jamais elle n’avait vu de tels
rayons. Des compagnes lui dirent alors que ce pouvait être un réflecteur ; elle
répondit qu’elle savait ce qu’était la lumière d’un réflecteur, mais qu’elle
n’avait jamais vu de tels rayons. Après le souper, cette enfant me dit que ces
rayons l’avaient tellement émue qu’elle ne pouvait rester tranquille. « J’en
parlerai toujours ! » Cependant elle n’avait pas vu Jésus. Revenant sans cesse
sur ces rayons elle me mit dans une position difficile, car je ne pouvais lui
dire que j’avais vu Jésus. Je priais pour elle, demandant au Seigneur qu’Il lui
donne les grâces dont elle avait tant besoin. Mon cœur se réjouit que Jésus seul
se fasse connaître dans Son œuvre. Cela m’a causé de grands ennuis, mais on peut
tout supporter pour Jésus.
88. Pendant mon adoration, je sentis la proximité de Dieu.
Après un moment, j’aperçus Jésus et Marie. Cette vision emplit mon âme de joie,
et je demandai au Seigneur : « Quelle est Votre volonté, Jésus, dans cette
affaire ? Mon confesseur m’a ordonné de Vous le demander. » Jésus répondit : «
Ma volonté est qu’il soit ici et qu’il ne se dispense de rien lui-même. »J’ai
demandé à Jésus : « Est-ce que l’inscription peut-être comme suit : « Christ,
Roi de Miséricorde » ? Il me répondit : « Je suis le Roi de Miséricorde – et il
n’a pas dit « Christ ». – Je désire que cette image soit publiquement exposée le
premier dimanche après Pâques, jour de la fête de la Miséricorde. Par le Verbe
Incarné, Je fais connaître l’infini de ma Miséricorde. »
89. Il est étonnant de voir que les choses s’arrangèrent
comme le Seigneur l’exigeait. La première fois, que cette image reçut les
honneurs publics, elle était placée à Ostra Brama, au faîte de la fenêtre, et
l’on pouvait l’apercevoir de très loin. A Ostra Brama, l’on célébrait
solennellement, durant ces trois jours, la Clôture du Jubilé de la Rédemption du
monde, 1900 après la Passion du Sauveur. Je comprends maintenant que l’œuvre de
la Rédemption est unie à cette œuvre de la Miséricorde que le Seigneur exige.
90. Un jour, je vis intérieurement combien mon confesseur
allait souffrir. Tous vont vous contredire et vos forces physiques diminueront.
Je vous ai vu telle une grappe de raisins, choisie par le Seigneur et jetée dans
le pressoir des souffrances. Votre âme, mon Père, sera à certains moments
remplie de doute et d’incertitude à propos de cette œuvre et de moi. Et j’ai vu,
comment Dieu seul vous contredisait. J’ai demandé au Seigneur pourquoi Il
agissait de la sorte envers vous, comme pour rendre difficile ce qu’Il ordonnait
Lui-même. Et le Seigneur dit :« J’agis ainsi envers lui pour témoigner que cette
œuvre est Mienne . Dis-lui qu’il n’ait peur de rien, Mon regard repose sur lui
nuit et jour. Il y aura tant de fleurons dans sa couronne et tant d’âmes seront
sauvées par cette œuvre ! Je ne récompense pas le succès du travail, mais la
souffrance. »
91. Mon Jésus, Vous seul savez quelles persécutions je
souffre, uniquement parce que je Vous suis fidèle et que j’accepte Vos
exigences. Vous êtes ma force – soutenez-moi, pour que j’accomplisse toujours
fidèlement ce que Vous exigez de moi. Seule, je ne puis rien, mais toutes les
difficultés s’évanouissent si Vous me soutenez. O mon Seigneur, ma vie est
devenue un combat continuel et de plus en plus acharné dès le moment où mon âme
reçut la faculté de Vous connaître. Chaque matin pendant la méditation, je me
prépare au combat pour toute la journée; la Sainte Communion est une garantie
que je remporterai la victoire, et il en est ainsi. Je crains le jour où je ne
pourrais recevoir la Sainte Hostie. Ce pain des Forts me donne toute l’énergie
nécessaire pour accomplir cette œuvre, et le courage de faire tout ce qu’exige
le Seigneur. Le courage et la force qui sont en moi ne viennent pas de moi, mais
de Celui qui demeure en moi par l’Eucharistie.
Mon Jésus que l’incompréhension est grande ! Parfois, sans l’Eucharistie, je
n’aurais pas le courage d’aller plus loin sur la voie que Vous m’indiquez.
92. L’humiliation est ma nourriture de chaque jour. Je comprends que l’épouse
participe à tout ce qui concerne son Epoux, donc son manteau d’injures oit me
couvrir aussi. Aux moments où je souffre beaucoup, je tâche de me taire, car je
me méfie de ma langue qui, en de tels moments, est encline à parler de soi,
alors qu’elle doit me servir à louer Dieu pour tant de bienfaits et de dons
accordés. Quand je reçois Jésus dans la Sainte Communion, je Le prie avec
ferveur de guérir ma langue pour que par elle, je n’offense ni Dieu, ni le
prochain. Je veux qu’elle ne cesse de rendre gloire à Dieu. Les fautes que
commet la langue sont graves. L’âme ne parviendra pas à la sainteté si elle ne
maîtrise pas sa langue.
93. Abrégé du catéchisme des vœux religieux
Question : Qu’est-ce qu’un vœu ?
Réponse : Le vœu est une promesse volontaire, faite à Dieu d’accomplir un acte
plus parfait.
Question : Est-ce que le vœu oblige dans une matière ordonnée
par un commandement ?
Réponse : Oui. La réalisation d’un acte dans la matière ordonnée par un
Commandement est à double valeur et mérite ; et sa négligence est double
transgression et perversité, car si on viole un vœu, on ajoute alors au péché
contre le Commandement, celui du sacrilège.
Question : Pourquoi les vœux religieux ont-ils une telle
valeur ?
Réponse : Parce qu’il sont le fondement de la vie religieuse approuvée par l’Eglise,
dans laquelle les membres réunis en une communauté religieuse, s’engagent à
tendre toujours vers la perfection par trois vœux religieux : de pauvreté, de
chasteté et d’obéissance, observé selon les règles.
Question : Que veut dire : tendre à la perfection ?
Réponse : Tendre à la perfection veut dire que l’état religieux n’exige pas de
perfection déjà acquise, mais oblige, sous peine de péché à un travail quotidien
pour l’atteindre. Donc, le religieux qui ne veut pas se perfectionner, néglige
son principal devoir d’état.
Question : Que sont les vœux religieux solennels ?
Réponse : Les vœux religieux solennels sont tellement absolus que, dans les cas
extraordinaires, seul le Saint Père peut en relever.
Question : Que sont les vœux simples ?
Réponse : Ce sont des vœux moins absolus – Le Saint Siège peut relever des vœux
perpétuels et des vœux simples.
Question : Quelle est la différence entre le vœu et la vertu
?
Réponse : Le vœu renferme seulement ce qui est commandé sous peine de péché. La
vertu s’élève plus haut et facilite l’exécution de vœu. Au contraire en violant
le vœu, on manque à la vertu et on la blesse.
Question : A quoi engagent les vœux religieux ?
Réponse : Les vœux engagent à s’efforcer d’acquérir les vertus et à se soumettre
complètement à ses Supérieurs et aux Règles en vigueur ; ainsi le religieux
donne sa personne à la Communauté, renonce à tout droit sur elle et sur ses
actions qu’il sacrifie au service de Dieu.
Le vœu de pauvreté
Le vœu de pauvreté est un renoncement volontaire au droit de
propriété ou à l’usage de cette propriété dans le but de plaire à Dieu.
Question : Quels objets concernent le vœu de pauvreté ?
Réponse : Tous les biens et objets appartenant à la Communauté, Tout ce que l’on
a donné, choses ou argent : lorsque ces dons ont été acceptés, on y a plus
droit. Tous les dons ou les présents à titre de remerciement ou autre,
appartiennent de droit à la Communauté. On ne peut employer, sans violer le vœu,
tout payement de travail y compris la rente viagère.
Question : Quand rompt-on ou viole-t-on le vœu selon le
septième commandement ?
Réponse : On le rompt ou on le viole, lorsque sans permission :
- On prend pour soi ou pour quiconque une chose appartenant à la maison ;
- On garde une chose pour se l’approprier ;
- On vend ou on échange une chose appartenant à la Communauté ;
- On emploie un objet à un autre usage que celui auquel le Supérieur l’avait
destiné ;
- On donne ou on accepte n’importe quoi ;
- On détruit ou abîme par négligence ;
- On emporte avec soi quelque chose en changeant de maison.
En cas de rupture de vœu, le religieux est obligé à la restitution envers la
Communauté.
La vertu de pauvreté
C’est une vertu évangélique qui contraint le cœur à se
libérer de l’attachement aux choses temporelles ; en vertu de sa profession, le
religieux y est strictement obligé.
Question : Quand pèche-t-on contre la vertu de pauvreté ?
Réponse : Lorsqu’on désire une chose contraire à cette vertu. Lorsqu’on
s’attache à quelque chose et lorsqu’on emploie des choses superflues.
Question : Quels sont les degrés de pauvreté ?
Réponse : Il y a pratiquement quatre degrés de pauvreté selon la profession :
- Ne disposer de rien ; dépendre des Supérieurs : la stricte matière du vœu.
- Eviter le luxe, se contenter des choses indispensables, cela dépend de la
vertu.
- Se contenter volontiers des choses les moins bonnes en ce qui concerne la
cellule, le vêtement, la nourriture etc. et en éprouver du contentement
intérieur.
- Se réjouir de la gène.
Le vœu de chasteté
Question : A quoi oblige ce vœu ?
Réponse : A renoncer au mariage et à éviter tout ce qui est interdit par le
sixième et le neuvième Commandements.
Question : Est-ce que une faute contre cette vertu est une
violation de vœu ?
Réponse : Chaque faute contre cette vertu est en même tems une violation du vœu,
car ici il n’y a pas de différence, comme dans la pauvreté ou l’obéissance,
entre le vœu et la vertu.
Question : Est-ce que chaque mauvaise pensée est un péché ?
Réponse : Non, chaque mauvaise pensée n’est pas un péché, elle le devient
seulement lorsque la complaisance de la volonté et le consentement se joignent à
la considération de l’esprit..
Question : Qu’est-ce qui, outre les péchés contre la
chasteté, nuit à cette vertu ?
Réponse : La liberté des sens, la liberté de l’imagination et la liberté des
sentiments, la familiarité et les tendres amitiés, nuisent à cette vertu.
Question : Par quels moyens conserve-t-on cette vertu ?
Réponse : En repoussant les tentations intérieures par la pensée de la présence
de Dieu et en les combattant sans peur. Et pour les tentations extérieures, en
évitant les occasions de pécher.
Il y a en tout sept principaux moyens :
-Surveiller les sens ;
-Eviter les occasions ;
-Eviter l’oisiveté ;
-Eloigner promptement les tentations ;
-S’écarter de toute amitié, notamment des amitiés particulières ;
-Cultiver l’esprit de mortification ;
-Révéler toutes les tentations à son confesseur.
Outre cela il y a encore cinq moyens de préserver cette vertu :
-l’humilité ;
-l’esprit d’oraison ;
-la modestie ;
-la fidélité à la règle :
-une sincère dévotion à la Sainte Vierge Marie.
Vœu d’obéissance
Le vœu d’obéissance est supérieur aux deux premiers, car il
est, à vrai dire, un holocauste. Et il est le plus nécessaire, parce qu’il forme
et anime le corps monastique.
Question : A quoi oblige le vœu d’obéissance ?
Réponse : Par le vœu d’obéissance, le religieux promet à Dieu d’être obéissant à
ses Supérieurs légitimes en tout ce qu’ils ordonneront au om de la règle. Le vœu
d’obéissance rend le religieux dépendant de son supérieur, au nom de la règle,
dans toute sa vie et toutes ses affaires. Le religieux commettra un péché grave
contre ce vœu, chaque fois qu’il désobéira à un ordre donné.
La vertu d’obéissance
La vertu d’obéissance va plus loin que le vœu, elle embrasse
les règles, les règlements et même les conseils des supérieurs.
Question : Est-ce que la vertu d’obéissance est indispensable
au religieux ?
Réponse : La vertu d’obéissance lui est tellement indispensable que, même s’il
faisait des bonnes actions en dehors de l’obéissance, elles deviendraient
mauvaises ou sas mérite.
Question : Peut-on pécher gravement contre la vertu
d’obéissance ?
Réponse : On pèche gravement quand on méprise l’autorité ou l’ordre du
Supérieur. Quand un dommage spirituel ou temporel pour la Communauté résulte de
la désobéissance.
Question : Quelles fautes mettent le vœu en danger ?
Réponse : Etre prévenu contre le Supérieur ou avoir de l’antipathie pour lui-les
murmures ou critiques, la lenteur et la négligence.
Les degrés de l’obéissance
1. L’exécution prompte et entière. 2. L’obéissance de la
volonté, lorsque la volonté décide la raison à se soumettre à l’avis du
Supérieur. Pour faciliter l’obéissance, Saint Ignace suggère trois moyens :
-Toujours voir Dieu dans son Supérieur, quel qu’il soit.
-Justifier en soi l’ordre ou l’avis du Supérieur.
-Accepter chaque ordre comme un ordre de Dieu, sans examiner ou réfléchir.
Moyen général : l’humilité par laquelle rien n’est difficile.
94. O mon Seigneur, enflammez mon cœur d’amour pour Vous,
pour que mon esprit ne se lasse pas parmi les orages, les souffrances et les
épreuves. Vous voyez comme je suis faible. L’amour peut tout.
95. La connaissance plus profonde de Dieu peut effrayer
l’âme. Au commencement, Dieu se révèle comme Sainteté, Justice, Bonté,
c’est-à-dire Miséricorde. L’âme ne connaît pas tout à la fois, mais par étapes
ou lueurs successives, qui la rapprochent, chaque fois de Dieu. Ces lueurs sont
de courte durée, car l’âme ne pourrait supporter l’intensité de cette lumière.
C’est pendant l’oraison que l’âme reçoit les éclairs de cette lumière, qui
rendent impossible son ancienne manière de faire oraison. L’âme peut faire les
efforts qu’elle voudra pour revenir à l’ancienne oraison, ce sera en vain ; il
lui devient complètement impossible de continuer à prier de la même façon
qu’avant d’avoir reçu cette lumière. La lumière qui a touché l’âme brille en
elle, sans que rien puisse l’étouffer, ni l’obscurcir. Cette lueur de la
connaissance de Dieu attire l’âme et allume son amour pour Lui. Mais cette vive
clarté révèle en même temps à l’âme son état particulier ; elle se voit
intérieurement toute entière dans la lumière d’en haut, et elle se lève effrayée
et alarmée. Mais elle ne reste pas sous l’effet de cette frayeur et commence à
se purifier, à s’humilier et à s’abaisser devant le Seigneur. Et ces lumières
deviennent plus fortes et plus fréquentes. Plus l’âme s’épure et plus ces
lumières sont pénétrantes. Dieu comble de Ses consolations et Se donne de
manière sensible à l’âme qui répond fidèlement et courageusement à ces premières
grâces. Elle entre par instants dans une sorte d’intimité avec Dieu et en
éprouve une grande joie. Elle croit déjà avoir atteint le degré de perfection
qui lui était destiné; ses imperfections et ses défauts sommeillent toujours en
elle, mais elle croit les avoir perdus. Rien ne lui semble difficile, elle est
prête à tout. Elle commence à se plonger en Dieu et à En goûter les délices.
Portée par la grâce, elle ne se rend pas du tout compte que le temps de
l’épreuve peut venir. Et en effet, cet état ne dure pas longtemps. Voici venir
des moments d’une autre nature. Mais je dois souligner que l’âme répond plus
fidèlement à la grâce divine, si elle a un confesseur éclairé à qui elle confie
tout.
96. Les épreuves de Dieu dans une âme particulièrement aimée
de Lui. Tentations et ténèbres, Satan.
L’amour de Dieu, en cette âme, n’est pas encore tel que Dieu
l’exige. Elle perd tout-à-coup le sentiment de la présence de Dieu, toutes
sortes de fautes et de défauts, qu’elle doit combattre avec acharnement, se
lèvent en elle. Toutes ses propres imperfections réapparaissent, mais sa
vigilance est grande. Au lieu de sentir la présence de Dieu, elle connaît la
sécheresse spirituelle. Elle ne se sent plus aucun goût pour les exercices
spirituels. Elle ne peut plus prier, ni comme autrefois, ni comme elle priait
désormais. Elle s’élance de tous cotés et ne trouve nulle part de satisfaction.
Dieu s’est caché d’elle,et elle ne trouvera de consolation en
rien ni en personne. L’âme désire passionnément Dieu, mais elle voit sa propre
misère et commence à ressentir la justice divine. Elle croit avoir perdu tous
les dons de Dieu, sa raison en est comme affaiblie. Les ténèbres l’envahissent
toute entière. C’est le commencement de tourments inconcevables. Elle tente
d’exposer son état intérieur à son confesseur qui ne la comprend pas. Son
trouble augmente encore. Satan commence son œuvre.
97. La foi de l’âme commence à chanceler, c’est une lutte
acharnée. L’âme fait des efforts ; par un acte de volonté, elle reste auprès de
Dieu.
Satan, avec la permission de Dieu, avance encore plus loin :
l’espérance et l’amour sont mis à l’épreuve. Ces tentations sont terribles.
Secrètement, sans qu’elle le sache, Dieu soutient l’âme ; autrement il lui
serait impossible de se maintenir, et Dieu sait combien il peut permettre à
l’âme de souffrir. L’âme est tentée par l’infidélité envers les vérités
révélées, par le manque de franchise envers son confesseur. Satan lui dit : «
Vois, personne ne te comprend, à quoi bon parler de tout cela ? »
Des paroles effrayantes sonnent à ses oreilles, et il lui
semble qu’elle les prononce contre Dieu. Elle voit ce qu’elle ne voudrait ne pas
voir. Elle entend ce qu’elle voudrait ne pas entendre ; et il est terrible en de
tels moments, de ne pas avoir de confesseur expérimenté.
Elle porte seule tout le fardeau ; cependant, autant qu’il est en son pouvoir,
elle doit s’efforcer de trouver un confesseur éclairé, car ‘elle risque de
succomber sous le poids, ce qui la mènerait au bord du précipice.
Toutes ces épreuves sont dures et pénibles ; et Dieu ne les
envoie pas à une âme qui n’aurait pas d’abord été admise à une profonde intimité
avec Lui, et qui n’aurait pas goûté aux délices divines. Il a aussi, dans tout
cela, Ses desseins, qui nous sont impénétrables. Souvent, Dieu prépare de cette
manière les âmes à de futurs desseins et à de grandes œuvres. Il veut les
éprouver comme l’or pur, mais ce n’est pas encore la fin.
Il reste l’épreuve suprême : le complet délaissement de l’âme par Dieu.
98. L’épreuve suprême, le délaissement complet. Le désespoir.
L’âme sort victorieuse des batailles précédentes, même si
elle a trébuché, elle se bat vaillamment ; elle appelle Dieu en toute humilité :
« Sauvez-moi, je péris ! » Elle est encore capable de combattre.
Maintenant de terribles ténèbres enveloppent l’âme. Elle ne
voit en elle que péché. Elle souffle cruellement. Elle se voit complètement
abandonnée de Dieu, elle a le sentiment d’être pour Lui un objet de haine ; elle
est au bord du désespoir. Elle se défend de son mieux, elle tâche d’éveiller la
confiance. Mais l’oraison n’est pour elle qu’une plus grande peine ; il lui
semble qu’elle attise la colère de Dieu. Elle se tient sur un sommet qui se perd
dans les nuées, mais qui surplombe un gouffre.
L’âme brûle du désir d’être près de Dieu, mais elle se sent
repoussée. Tous les supplices du monde ne sont rien, comparés au sentiment dont
elle est la proie ; l’abandon de Dieu.
Personne ne peut la soulager. Elle voit qu’elle est toute seule, qu’elle n’a
personne pour la défendre. Elle lève les yeux au ciel, mais elle sait qu’elle
n’a rien à en attendre ;pour elle, tout est perdu. Elle tombe dans des ténèbres
de plus en plus épaisses ; Il lui semble qu’elle a perdu Dieu pour toujours, ce
Dieu qu’elle a tant aimé. Cette pensée lui cause un tourment indescriptible.
Mais elle n’y consent pas. Elle tente de regarder vers le ciel, en vain : et
cela redouble son tourment.
Personne n’éclairera cette âme si Dieu veut la maintenir dans
les ténèbres. Elle a le sentiment aigu et terrifiant d’être rejetée de Dieu. Des
élans douloureux jaillissent de son cœur si douloureux, qu’aucun prêtre ne les
comprendra, à moins qu’il ne soit lui-même passé par ces épreuves. Et en tout
cela, Satan ajoute encore aux souffrances de l’âme par ses moqueries : « Tu vois
bien ! Resteras-tu encore fidèle ? Voilà ton sort, tu es en notre pouvoir ! »
Mais Satan n’a pas plus d’influence sur cette âme que Dieu ne le permet, et Dieu
sait combien nous pouvons supporter. – « A quoi cela t’a-t-il servi de te
mortifier ?
D’être fidèle à la règle ? A quoi bon tous ces efforts ? Tu es rejetée de Dieu !
» dit Satan.
– Ce mot « rejetée » devient un feu qui brûle chaque nerf ; il transperce tout
l’être jusqu’à
la moelle des os. Le moment le plus important de cette épreuve arrive. L’âme ne
cherche plus d’aide nulle part : elle se plonge en elle-même, perd tout le reste
de vue. C’est comme si elle acceptait ce supplice du délaissement. C’est un
moment que je ne saurais décrire. C’est l’agonie de l’âme
99. La première fois que j’eus à vivre un tel moment, j’en
fus arrachée en vertu de la Sainte Obéissance. La Mère Maîtresse, effrayée à ma
vue, m’envoya me confesser ; mais le confesseur ne me comprit pas, je ne sentis
pas l’ombre d’un soulagement. O Jésus, donnez-nous des prêtres expérimentés !
Quand je lui dit que mon âme traversait les tourments de l’enfer, il me répondit
qu’il était tranquille quant à l’état de mon âme, car il y voyait une grande
grâce de Dieu. Mais je ne comprenais rien à tout cela, et pas un rayon de
lumière ne pénétra dans mon âme.
100. Puis les forces physiques commencèrent à me manquer ; Je
n’étais plus en état de remplir mes devoirs. Je ne pouvais plu dissimuler mes
souffrances, bien que n’en disant rien à personne, car la douleur que reflétait
mon visage, me trahissait. La Supérieure me dit que les Sœurs venaient lui dire
qu’elles étaient prises de pitié lorsqu’elles me voyaient à la chapelle, tant ma
mine était effrayante. Malgré ses efforts, l’âme n’est plus en état de
dissimuler cette souffrance.
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