5
Le portement de croix
Pilate prononça
la sentence par laquelle il condamnait Jésus de Nazareth à mourir de la mort de
la croix. On remit à Jésus ses propres habits, y compris la tunique sans
couture, et les soldats chargèrent, “sur
les épaules délicates et meurtries de Jésus la lourde croix sur laquelle il
devait être crucifié... et afin qu’Il pût la tenir et la porter, ils lui
délièrent les mains, sans délier pourtant le corps.” (1360)
Saint Jean fut le seul des
apôtres qui se trouvât présent à ce spectacle, car, en se tenant auprès de la
bienheureuse Vierge Marie, il fut témoin de tout ce qui se passa quoiqu’ils
restassent un peu à l’écart de la multitude.(1356)
Remarque:
Curieusement Maria d’Agreda
relate que Saint Jean et les saintes femmes se trouvèrent mal en voyant Jésus et
qu’ils furent réconfortés par Marie. Chez les autres mystiques c’est le
contraire qui se produit: Marie, parfois défaillante est soutenue par Jean et
par ses compagnes. Au fond cela est sans importance, car, si l’on se reporte à
la remarque du chapitre 4, on peut supposer que les faits rapportés se sont
produits successivement: tantôt Marie soutenait ses compagnes, et tantôt
c’étaient les saintes femmes qui apportaient du réconfort à la pauvre Mère
affligée.
Sur le chemin du Calvaire
“Les soldats, abjurant tout
sentiment de pitié naturelle, menaient notre Sauveur avec une cruauté
incroyable; Les uns le tiraient avec les cordes par devant pour hâter sa marche,
les autres par derrière pour augmenter ses peines. Les pierres qu’il rencontrait
en tombant le blessèrent surtout aux genoux... le poids de la croix lui causa en
outre, un grand ulcère à l’épaule... et par les secousses qu’on lui imprimait,
tantôt la croix heurtait contre sa tête, et tantôt sa tête contre la croix, et
alors les épines de la couronne s’enfonçaient davantage dans les parties les
plus vives de la chair... Ils aggravaient les douleurs de leur victime par des
blasphèmes exécrables et en couvrant sa face divine de leurs immondes crachats
et de poussière. Ils lui en jetaient avec un tel acharnement qu’ils lui en
remplissaient les yeux.” (1367)
Bientôt Marie, Jean,
Madeleine et les autres femmes rencontrèrent Jésus. Le Fils et la mère se
regardèrent avec une immense douleur, mais ils ne se parlèrent pas. (1368)
Ce fut enfin la rencontre
avec d’autres femmes de Jérusalem qui pleuraient et s’affligeaient de voir Jésus
si maltraité. Jésus eut encore le courage de les consoler, mais bientôt ses
forces l’abandonnant il fallut faire appel à Simon de Cyrène. (1370 et 1371)
Instructions de Marie
“Il y a beaucoup de gens qui
disent qu’ils désirent suivre Jésus-Christ; mais le nombre de ceux qui se
disposent véritablement à l’imiter est fort petit; car aussitôt que la croix des
souffrances se fait sentir, on la rejette et on lui tourne le dos... (1372)
Autre illusion commune: celle des personnes qui s’imaginent suivre Jésus-Christ,
leur divin Maître, sans souffrir et sans agir; elles se contentent de n’être pas
fort hardies à commettre les péchés, et font consister toute la perfection en
une espèce de prudence ou d’amour tiède qui leur permet de ne rien refuser à
leur volonté, et de se dispenser de la pratique des vertus qui sont pénibles à
la chair... (1373)
On peut noter que la
tiédeur est condamnée par la Sainte Vierge, sans appel.
“Pour vous, ma fille.., il
faut que dans le cours de la vie passagère, vous trouviez votre gloire dans les
persécutions, le mépris, les maladies, les outrages, la pauvreté, les
humiliations, et dans tout ce qui est pénible et contraire à la chair
mortelle.... Tenez pour règle générale que toutes les consolations humaines
amènent des imperfections et des dangers. Vous ne devez recevoir que celles que
Très-Haut vous enverra par soi-même ou par ses saints anges” (1374).
Remarque
Ce discours de Marie à
l’attention de Marie d’Agreda, qui vivait au 17ème siècle, est d’une actualité
de plus en plus brûlante. Didier Rance dans l’un de ses derniers ouvrages: Un
siècle de témoins - Les martyrs du 20ème siècle (publié en 2000 par le
département Le Sarment de la Librairie Arthème Fayard) fait remarquer que
Jésus, qui présentait ses Béatitudes à la troisième personne “Heureux les
cœurs purs, car ils verront Dieu!” change brusquement d’interlocuteur
lorsqu’Il arrive à la dernière, et dit: “Bienheureux êtes-vous si l’on vous
persécute...” Autrement dit, selon Didier Rance, “il n’y a pas
d’échappatoire, pas d’autre voie pour le bonheur que la situation de
persécution.” Car le martyre est la preuve suprême de l’amour, que le
martyre soit physique ou moral.
Jésus a donné l’exemple.
Mais Jésus est mort et, pour l’atteindre, les persécuteurs, ceux que Didier
Rance appelle les loups, ne peuvent que s’en prendre à ses disciples. Cela est
constamment actuel, et le 20ème siècle, siècle de la persécution à grande
échelle par excellence, a assisté au martyre de millions de témoins, au martyre
d’hommes et de femmes qui ont préféré souffrir et mourir dans des conditions
souvent atroces, plutôt que de renier Jésus. |