CHEMIN DE SAINTETÉ

adveniat regnum tuum

La PASSION de JÉSUS
selon
Maria de AGREDA
(1602-1665)

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L’Agonie et l’arrestation du Seigneur

Avertissement

Il est curieux de lire, chez Maria d’Agreda, que lorsque Jésus quitta le Cénacle pour se rendre au Gethsémani, il était suivi de ses douze apôtres, Judas compris! “Judas laissa avancer son adorable Maître et les autres apôtres sans qu’ils s’en aperçussent alors, et aussitôt qu’ils furent un peu éloignés, il courut en toute hâte à sa perte.” (1203)

Il faut avouer que, dans un premier temps, ce texte a de quoi surprendre… Pourtant  dans les Évangiles, les choses ne sont pas aussi simples. Chez Matthieu et chez Marc, il est clair que Judas est présent lors de l'institution de l'Eucharistie, mais le moment du départ de Judas n'est pas indiqué. Si les disciples ont vu la sortie de Judas après que ce dernier eût reçu la bouchée de pain présentée par Jésus, ils ont probablement dû penser qu'il allait revenir bientôt. Ensuite, pris par l'atmosphère dramatique des enseignements de Jésus, ils n'ont peut-être pas remarqué son absence jusqu'au moment de l'arrestation de Jésus. Il en est de même pour Luc. Seul Jean mentionne le départ de Judas immédiatement après avoir pris la bouchée trempée dans le plat.

L’Agonie de Jésus

L’agonie du Seigneur est décrite ici avec beaucoup moins de réalisme que chez les autres voyantes. Par contre abondent toutes sortes de considérations sur la prière de Jésus, le genre humain et l’instruction future de l’Église.

“Notre Sauveur... passa le torrent du Cédron, et entra dans le jardin de Gethsémani. s'adressant aux apôtres, il leur dit: “Assoyez-vous ici pendant que je m’en irai là pour prier, et priez de votre côté de peur que vous n’entriez en tentation.” Notre Seigneur leur dit aussi qu’ils seraient tous scandalisés cette nuit de ce qu’ils lui verraient souffrir... Ensuite Jésus appela Pierre, Jacques et Jean, et “se retira avec eux dans un autre endroit où ils ne pouvaient être vus ni entendus des huit autres apôtres.” Jésus pria et s’offrit de nouveau au Père pour satisfaire sa justice... Il dit aux trois apôtres: “Mon âme est triste jusqu’à la mort... (1210) Il fut aussi nécessaire, pour satisfaire l’amour immense que notre Sauveur avait pour nous, de permettre à cette tristesse mystérieuse de le plonger dans une mortelle agonie...” Jésus, en effet, devait confirmer la foi de ses trois disciples, “cette foi qui devait leur faire croire que le Sauveur était aussi un homme véritable et passible. Il fut convenable qu’ils le vissent de leurs propres yeux, triste et affligé comme un homme véritable, et qu’avec le témoignage de ces trois apôtres privilégiés par de telles faveurs, la Sainte Église pût étouffer les erreurs que le démon prétendrait y semer touchant la réalité de l’humanité de Notre Seigneur Jésus-Christ..., et enfin, que les autres fidèles trouvassent dans cet exemple un grand motif de consolation lorsqu’ils seraient dans les afflictions et dans la tristesse.”  (1211)

Jésus s’éloigna ensuite des trois en leur recommandant de “veiller et de prier”. Puis se prosternant le visage contre terre, il pria le Père: “Mon Père, s’il est possible, que ce calice soit détourné de moi.” (1212) La raison de cette prière est donnée: l’amertume de ce calice venait de ce que Notre Seigneur savait que ses souffrances et sa mort seraient “non seulement inutiles aux réprouvés, mais qu’elles leur seraient une occasion de scandale et leur attireraient un châtiment plus terrible, à cause de l’abus et du mépris qu’ils en feraient... Et Jésus suppliait que, sa mort étant inévitable, personne, s’il était possible, ne se perdît, puisque la rédemption qu’il offrait était surabondante pour tous les hommes.” (1214)

Par trois fois Jésus refit cette prière; et sachant que sa passion ne serait pas mise à profit par tous, “il sua de grosses gouttes de sang en si grande abondance qu’elles découlaient jusqu’à terre... Le Père Éternel lui envoya l’archange Saint Michel afin qu’il le fortifiât... Saint Michel dit au Sauveur... qu’il n’était pas possible que ceux qui ne voudraient pas se sauver fussent sauvés; mais qu’au gré divin le nombre des prédestinés était inestimable, quoiqu’il fût moindre que celui des réprouvés..."

Quand on lit ces phrases, et quelle que soit la crédibilité qu'on veuille bien leur donner, il est impossible de ne pas penser au terrible "J'ai soif!" de Jésus peu de temps avant de mourir. En effet, Jésus était venu pour sauver toutes les âmes, il mourait pour accomplir la Rédemption totale de tout le genre humain. Or Jésus savait maintenant que de nombreuses âmes refuseraient son amour et le salut qu'il leur proposait. Jésus savait que des âmes qu'il aimait s'en iraient volontairement à la damnation. La souffrance morale endurée par Jésus dut être particulièrement atroce, et on comprend la sueur de sang… Mais heureusement, il y avait les sauvés qui faisaient qque sa mort n'était pas inutile.

"Parmi les sauvés se trouvait au premier rang sa sainte Mère..., les patriarches, les prophètes, les apôtres, les martyrs, les vierges et les confesseurs... L’ange lui nomma plusieurs de ceux-ci après les apôtres, entre autres les fondateurs des ordres religieux, dont il lui marqua les qualités particulières.” (1216)

Le reste est connu par les Évangiles.

Pendant ce temps, au Cénacle, Marie vivait, dans la lumière divine, tous les divins mystères “que son très saint Fils opérait dans le jardin. Elle pleura aussi la perte des réprouvés, parce qu’elle découvrit mieux alors, les grands mystères de la prédestination... Et pour imiter en tout le Rédempteur du monde et coopérer avec lui, elle eut une sueur de sang semblable à celle du Seigneur, et l’archange Gabriel lui fut envoyé, par ordre de la très Sainte Trinité...”  (1219 et 1220)

La Sainte Vierge explique ensuite le mystère de la prédestination: (1221) Il faut prendre très au sérieux cette affaire de la prédestination ou réprobation éternelle des âmes, cause de sa sueur de sang. Attention! Il ne s’agit pas ici de la prédestination telle que la concevaient les jansénistes. Chaque homme, en effet, a de quoi se sauver. “ La mort de Jésus ne peut profiter à tous, à cause de la malice avec laquelle les réprouvés se rendent indignes de participer à ses effets.” (1221 et 1222)

Remarques personnelles de l'auteur à propos de la prédestination

Nous sommes tous prédestinés au bonheur. Nous sommes tous destinés à occuper, dans le Corps mystique du Christ, la place qui nous a été préparée de toute éternité, la place pour laquelle nous sommes faits, et où, en Dieu, nous trouverons notre bonheur, la place qu'il nous faut préparer activement durant notre passage sur la terre.

Oui, nous sommes prédestinés, mais prédestinés au bonheur, à la place qui nous est préparée de toute éternité, et cela dès cette vie. Alors, pourquoi tant de malheurs sur la terre? Pourquoi tant de misères? Pourquoi tant de désespoirs? Pourquoi tant de détresses? Pourquoi les pécheurs? Et pourquoi les saints? Et pourquoi les damnés?

Il n'est certainement pas inutile de rappeler ici quelques phrases de saint Augustin, extraites de son  Traité sur la Prédestination des saints. Il est écrit, en effet: "La prédestination des saints a éclaté au plus haut degré chez le Saint par excellence. Qui pourrait donc la nier, parmi ceux qui comprennent bien les paroles de vérité? Car nous avons appris que le Seigneur de Gloire a été prédestiné, en tant que cet Homme est devenu fils de Dieu.

Jésus a donc été prédestiné, si bien que Celui qui devait être le fils de David selon la chair, devrait être cependant le Fils de Dieu en toute puissance, selon l'Esprit de sanctification, et cela parce qu'Il est né de l'Esprit-Saint et de la Vierge Marie. C'est ainsi que s'est réalisée, de façon inexprimable, cette adoption sans précédent d'un homme par le Verbe qui est Dieu, au point qu'on pourrait le dire proprement et véritablement tout ensemle Fils de Dieu et fils d'homme: fils d'homme, parce que c'est un homme qui est accueilli, et Fils de Dieu, parce que c'est le Fils unique de Dieu qui accueille l'homme…

Cette exaltation prédestinée de la nature humaine est telle, si sublime et si souveraine, qu'on n'en peut concevoir de plus élevée… De même que cet être unique a été prédestiné à être notre chef, ainsi avons-nous été prédestinés, si nombreux que nous soyons à être ses membres. On peut ajouter ici une autre considération: jamais il n'a été dit, et nulle part, ni dans les Écritures, ni chez les Pères de l'Église, ni par aucun saint ni aucun prophète, qu'un homme, même un seul, ait été prédestiné au malheur et particulièrement au malheur suprême: la damnation. Nous sommes tous prédestinés au bonheur. 

On peut buter sur ce texte de saint Augustin car on n'a pas l'habitude de penser que l'homme-Jésus avait été, lui aussi, prédestiné: prédestiné à recevoir le Verbe de Dieu, prédestiné à devenir le Rédempteur, prédestiné à porter les péchés du monde et à les expier en mourant sur une croix. Certes, Jésus avait été annoncé par les prophètes; ses souffrances et sa mort ignominieuse étaient prévues, mais d'une manière tellement cachée dans les Écritures, que même après sa Réssurrection, Jésus dut prendre la peine de les expliquer à ses apôtres et de leur montrer tout ce qui le concernait.

Nous sommes tous prédestinés à être heureux, dans le Corps mystique du Christ, à la place qui nous a été préparée de toute éternité, mais le péché a tout faussé, tout bousculé, tout dérangé. Le péché, refus de Dieu, refus de l'Amour, a introduit la souffrance et les douleurs sous toutes leurs formes. La Création originelle, que Dieu contemplait et trouvait bonne, a été comme écartelée. Les hommes et les choses ne retrouveront leur place e tleurs fonctions dans la Création que lorsque le péché aura été vaincu, que lorsque la Rédemption sera totalement accomplie, que lorsque le Corps mystique sera enfin reconstruit dans sa totalité et dans sa pureté. Chaque âme peut, et doit se dire: "Je suis prédestinée à être heureuse, même dès ce monde, mais seulement quand, purifiée de toutes mes fautes, j'aurai enfin retrouvé l'harmonie qui naît de l'Amour et d'une volonté reconstruite dans la Volonté de Dieu.

Quand on a compris cela, alors bien des choses s'éclairent, car la prédestination au bonheur éternel implique, sur la terre, un certain nombre de contraintes, de gênes, et même de souffrances qui sont la condition sine qua non de la Rédemption et du salut.

L’arrestation de Jésus

Les faits essentiels de l’arrestation de Jésus sont, à quelques détails près, ceux racontés dans les Évangiles. En attendant l’arrivée de ses bourreaux qu’il entendait venir, Jésus pria avec intensité. Pendant que Judas lui donnait le baiser du traître, Jésus lui fit connaître “l’horrible noirceur de sa trahison et le châtiment dont il était menacé s’il ne réparait son crime par une sincère pénitence; et que, s’il voulait y recourir, il obtiendrait son pardon de la divine clémence. Mais Judas résista à la divine miséricorde et s’abandonna au désespoir...” (1227)

Suivent les scènes où Jésus demande: “Qui cherchez-vous?”, la blessure à l’oreille du dénommé Malchus, et sa guérison, et l’ordre de Jésus de remettre l’épée au fourreau. Ces scènes suscitent à Maria d’Agreda de nombreuses réflexions parmi lesquelles on peut extraire:

“Que les enfants de l’Église sachent que les victoires de Jésus-Christ se remportent en confessant la vérité et en laissant passer la colère; en imitant sa douceur et son humilité de cœur...

“Que la loi de l’Évangile n’enseigne point à combattre et à vaincre le démon, le monde et la chair avec des épées matérielles, mais par l’humilité, la patience, la douceur et la charité parfaite. (1232)

Maria d’Agreda note, au § 1234, que Marie était très au courant de ce qui arriva au Seigneur lors de son arrestation, et qu’elle en pénétrait par l’intelligence, tous les mystères que renfermaient les paroles et les oeuvres de son divin Fils. “Lorsqu’on attacha notre Sauveur, la très pure Mère sentit aussitôt les douleurs que les cordes et les chaînes lui causèrent... Elle ressentit aussi tous les coups et les mauvais traitements.” (1236)

La Vierge Marie donne ensuite quelques instructions à Maria: méditer sur la Passion, les douleurs et la mort de Jésus crucifié est la science des saints que les gens du monde ignorent,”c’est le pain de vie et d’intelligence qui rassasie les petits et leur donne la sagesse... Si Jésus a bien voulu être la voie et la vie des hommes par le moyen de la passion et de la mort..., ne faut-il pas, pour marcher dans cette voie et pour embrasser la vérité, qu’ils passent par les outrages, par les afflictions, par la flagellation et par le crucifiement de Jésus-Christ? ‘(1237) C’est en méditant sur la Passion, en vous en pénétrant, que vous parviendrez au sommet de la perfection, et que vous acquerrez l’amour d’une véritable épouse.” (1239)

La fuite des apôtres

Quand les apôtres virent que l’on attachait leur Maître, ils passèrent de la tristesse à un grand trouble et leur foi commença à chanceler. Ils profitèrent du fait que les soldats étaient occupés à ficeler Jésus et à le maltraiter pour s’enfuir sans que les juifs s’en aperçurent... Ils se séparèrent pour fuir en divers endroits. Seuls Pierre et Jean suivaient Jésus de loin.

Marie, considérant la fragilité des apôtres, redoubla ses prières à leur intention.(1245) Dans ses instructions elle ajoute, à l’attention de Maria d’Agreda: “Je veux ma fille, que vous considériez dans la chute des apôtres le danger de la fragilité des hommes qui s’accoutument facilement à une grossière ingratitude et à une inconcevable négligence, jusqu’au milieu des faveurs dont les comble le Seigneur... Ce danger vient de ce que les hommes sont naturellement sensibles et enclins à tout ce qui est apparent et terrestre; de ce que ce penchant a été dépravé par le péché, et de ce qu’ils s’accoutument à vivre et à agir plus pour les choses terrestres et charnelles que selon l’esprit. (1255)

   

 

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