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L’Agonie et l’arrestation du Seigneur
Avertissement
Il est curieux
de lire, chez Maria d’Agreda, que lorsque Jésus quitta le Cénacle pour se rendre
au Gethsémani, il était suivi de ses douze apôtres, Judas compris!
“Judas laissa avancer son adorable Maître et les
autres apôtres sans qu’ils s’en aperçussent alors, et aussitôt qu’ils furent un
peu éloignés, il courut en toute hâte à sa perte.” (1203)
Il faut avouer que, dans un
premier temps, ce texte a de quoi surprendre… Pourtant dans les Évangiles, les
choses ne sont pas aussi simples. Chez Matthieu et chez Marc, il est clair que
Judas est présent lors de l'institution de l'Eucharistie, mais le moment du
départ de Judas n'est pas indiqué. Si les disciples ont vu la sortie de Judas
après que ce dernier eût reçu la bouchée de pain présentée par Jésus, ils ont
probablement dû penser qu'il allait revenir bientôt. Ensuite, pris par
l'atmosphère dramatique des enseignements de Jésus, ils n'ont peut-être pas
remarqué son absence jusqu'au moment de l'arrestation de Jésus. Il en est de
même pour Luc. Seul Jean mentionne le départ de Judas immédiatement après avoir
pris la bouchée trempée dans le plat.
L’Agonie de Jésus
L’agonie du Seigneur est
décrite ici avec beaucoup moins de réalisme que chez les autres voyantes. Par
contre abondent toutes
sortes
de considérations sur la prière de Jésus, le genre humain et l’instruction
future de l’Église.
“Notre Sauveur... passa le
torrent du Cédron, et entra dans le jardin de Gethsémani. s'adressant aux
apôtres, il leur dit: “Assoyez-vous ici pendant que je m’en irai là pour prier,
et priez de votre côté de peur que vous n’entriez en tentation.”
Notre Seigneur leur dit aussi qu’ils seraient tous scandalisés cette nuit de ce
qu’ils lui verraient souffrir... Ensuite Jésus appela Pierre, Jacques et Jean,
et “se retira avec eux dans un autre endroit où ils ne pouvaient être vus ni
entendus des huit autres apôtres.” Jésus pria et s’offrit de nouveau au Père
pour satisfaire sa justice... Il dit aux trois apôtres: “Mon âme est triste
jusqu’à la mort... (1210) Il fut aussi nécessaire, pour satisfaire l’amour
immense que notre Sauveur avait pour nous, de permettre à cette tristesse
mystérieuse de le plonger dans une mortelle agonie...” Jésus, en effet,
devait confirmer la foi de ses trois disciples, “cette foi qui devait leur
faire croire que le Sauveur était aussi un homme véritable et passible. Il fut
convenable qu’ils le vissent de leurs propres yeux, triste et affligé comme un
homme véritable, et qu’avec le témoignage de ces trois apôtres privilégiés par
de telles faveurs, la Sainte Église pût étouffer les erreurs que le démon
prétendrait y semer touchant la réalité de l’humanité de Notre Seigneur
Jésus-Christ..., et enfin, que les autres fidèles trouvassent dans cet exemple
un grand motif de consolation lorsqu’ils seraient dans les afflictions et dans
la tristesse.” (1211)
Jésus s’éloigna ensuite des
trois en leur recommandant de “veiller et de prier”. Puis se prosternant
le visage contre terre, il pria le Père: “Mon Père, s’il est possible, que ce
calice soit détourné de moi.” (1212) La raison de cette prière est donnée:
l’amertume de ce calice venait de ce que Notre Seigneur savait que ses
souffrances et sa mort seraient “non seulement inutiles aux réprouvés, mais
qu’elles leur seraient une occasion de scandale et leur attireraient un
châtiment plus terrible, à cause de l’abus et du mépris qu’ils en feraient... Et
Jésus suppliait que, sa mort étant inévitable, personne, s’il était possible, ne
se perdît, puisque la rédemption qu’il offrait était surabondante pour tous les
hommes.” (1214)
Par trois fois
Jésus refit cette prière; et sachant que sa passion ne serait pas mise à profit
par tous, “il sua de grosses gouttes de
sang en si grande abondance qu’elles découlaient jusqu’à terre... Le Père
Éternel lui envoya l’archange Saint Michel afin qu’il le fortifiât... Saint
Michel dit au Sauveur... qu’il n’était pas possible que ceux qui ne voudraient
pas se sauver fussent sauvés; mais qu’au gré divin le nombre des prédestinés
était inestimable, quoiqu’il fût moindre que celui des réprouvés..."
Quand on lit ces phrases, et
quelle que soit la crédibilité qu'on veuille bien leur donner, il est impossible
de ne pas penser au terrible "J'ai soif!" de Jésus peu de temps avant de
mourir. En effet, Jésus était venu pour sauver toutes les âmes, il mourait pour
accomplir la Rédemption totale de tout le genre humain. Or Jésus savait
maintenant que de nombreuses âmes refuseraient son amour et le salut qu'il leur
proposait. Jésus savait que des âmes qu'il aimait s'en iraient volontairement à
la damnation. La souffrance morale endurée par Jésus dut être particulièrement
atroce, et on comprend la sueur de sang… Mais heureusement, il y avait les
sauvés qui faisaient qque sa mort n'était pas inutile.
"Parmi les sauvés se
trouvait au premier rang sa sainte Mère..., les patriarches, les prophètes, les
apôtres, les martyrs, les vierges et les confesseurs... L’ange lui nomma
plusieurs de ceux-ci après les apôtres, entre autres les fondateurs des ordres
religieux, dont il lui marqua les qualités particulières.” (1216)
Le reste est connu par les
Évangiles.
Pendant ce temps, au
Cénacle, Marie vivait, dans la lumière divine, tous les divins mystères “que
son très saint Fils opérait dans le jardin. Elle pleura aussi la perte des
réprouvés, parce qu’elle découvrit mieux alors, les grands mystères de la
prédestination... Et pour imiter en tout le Rédempteur du monde et coopérer avec
lui, elle eut une sueur de sang semblable à celle du Seigneur, et l’archange
Gabriel lui fut envoyé, par ordre de la très Sainte Trinité...” (1219 et
1220)
La Sainte Vierge explique
ensuite le mystère de la prédestination: (1221) Il faut prendre très au
sérieux cette affaire de la prédestination ou réprobation éternelle des âmes,
cause de sa sueur de sang. Attention! Il ne s’agit pas ici de la prédestination
telle que la concevaient les jansénistes. Chaque homme, en effet, a de quoi se
sauver. “ La mort de Jésus ne peut profiter à tous, à cause de la malice avec
laquelle les réprouvés se rendent indignes de participer à ses effets.”
(1221 et 1222)
Remarques personnelles de
l'auteur à propos de la prédestination
Nous sommes tous prédestinés
au bonheur. Nous sommes tous destinés à occuper, dans le Corps mystique du
Christ, la place qui nous a été préparée de toute éternité, la place pour
laquelle nous sommes faits, et où, en Dieu, nous trouverons notre bonheur, la
place qu'il nous faut préparer activement durant notre passage sur la terre.
Oui, nous sommes
prédestinés, mais prédestinés au bonheur, à la place qui nous est préparée de
toute éternité, et cela dès cette vie. Alors, pourquoi tant de malheurs sur la
terre? Pourquoi tant de misères? Pourquoi tant de désespoirs? Pourquoi tant de
détresses? Pourquoi les pécheurs? Et pourquoi les saints? Et pourquoi les
damnés?
Il n'est
certainement pas inutile de rappeler ici quelques phrases de saint Augustin,
extraites de son Traité sur la Prédestination des saints. Il est écrit, en
effet: "La prédestination des saints a
éclaté au plus haut degré chez le Saint par excellence. Qui pourrait donc la
nier, parmi ceux qui comprennent bien les paroles de vérité? Car nous avons
appris que le Seigneur de Gloire a été prédestiné, en tant que cet Homme est
devenu fils de Dieu.
Jésus a donc été prédestiné,
si bien que Celui qui devait être le fils de David selon la chair, devrait être
cependant le Fils de Dieu en toute puissance, selon l'Esprit de sanctification,
et cela parce qu'Il est né de l'Esprit-Saint et de la Vierge Marie. C'est ainsi
que s'est réalisée, de façon inexprimable, cette adoption sans précédent d'un
homme par le Verbe qui est Dieu, au point qu'on pourrait le dire proprement et
véritablement tout ensemle Fils de Dieu et fils d'homme: fils d'homme, parce que
c'est un homme qui est accueilli, et Fils de Dieu, parce que c'est le Fils
unique de Dieu qui accueille l'homme…
Cette exaltation prédestinée
de la nature humaine est telle, si sublime et si souveraine, qu'on n'en peut
concevoir de plus élevée… De même que cet être unique a été prédestiné à être
notre chef, ainsi avons-nous été prédestinés, si nombreux que nous soyons à être
ses membres. On
peut ajouter ici une autre considération: jamais il n'a été dit, et nulle part,
ni dans les Écritures, ni chez les Pères de l'Église, ni par aucun saint ni
aucun prophète, qu'un homme, même un seul, ait été prédestiné au malheur et
particulièrement au malheur suprême: la damnation. Nous sommes tous prédestinés
au bonheur.
On peut buter sur ce texte
de saint Augustin car on n'a pas l'habitude de penser que l'homme-Jésus avait
été, lui aussi, prédestiné: prédestiné à recevoir le Verbe de Dieu, prédestiné à
devenir le Rédempteur, prédestiné à porter les péchés du monde et à les expier
en mourant sur une croix. Certes, Jésus avait été annoncé par les prophètes; ses
souffrances et sa mort ignominieuse étaient prévues, mais d'une manière
tellement cachée dans les Écritures, que même après sa Réssurrection, Jésus dut
prendre la peine de les expliquer à ses apôtres et de leur montrer tout ce qui
le concernait.
Nous sommes tous prédestinés
à être heureux, dans le Corps mystique du Christ, à la place qui nous a été
préparée de toute éternité, mais le péché a tout faussé, tout bousculé, tout
dérangé. Le péché, refus de Dieu, refus de l'Amour, a introduit la souffrance et
les douleurs sous toutes leurs formes. La Création originelle, que Dieu
contemplait et trouvait bonne, a été comme écartelée. Les hommes et les choses
ne retrouveront leur place e tleurs fonctions dans la Création que lorsque le
péché aura été vaincu, que lorsque la Rédemption sera totalement accomplie, que
lorsque le Corps mystique sera enfin reconstruit dans sa totalité et dans sa
pureté. Chaque âme peut, et doit se dire: "Je suis prédestinée à être heureuse,
même dès ce monde, mais seulement quand, purifiée de toutes mes fautes, j'aurai
enfin retrouvé l'harmonie qui naît de l'Amour et d'une volonté reconstruite dans
la Volonté de Dieu.
Quand on a compris cela,
alors bien des choses s'éclairent, car la prédestination au bonheur éternel
implique, sur la terre, un certain nombre de contraintes, de gênes, et même de
souffrances qui sont la condition sine qua non de la Rédemption et du salut.
L’arrestation de Jésus
Les faits
essentiels de l’arrestation de Jésus sont, à quelques détails près, ceux
racontés dans les Évangiles. En attendant l’arrivée de ses bourreaux qu’il
entendait venir, Jésus pria avec intensité. Pendant que Judas lui donnait le
baiser du traître, Jésus lui fit connaître “l’horrible
noirceur de sa trahison et le châtiment dont il était menacé s’il ne réparait
son crime par une sincère pénitence; et que, s’il voulait y recourir, il
obtiendrait son pardon de la divine clémence. Mais Judas résista à la divine
miséricorde et s’abandonna au désespoir...” (1227)
Suivent les scènes où Jésus
demande: “Qui cherchez-vous?”, la blessure à l’oreille du dénommé Malchus, et sa
guérison, et l’ordre de Jésus de remettre l’épée au fourreau. Ces scènes
suscitent à Maria d’Agreda de nombreuses réflexions parmi lesquelles on peut
extraire:
“Que les enfants de l’Église
sachent que les victoires de Jésus-Christ se remportent en confessant la vérité
et en laissant passer la colère; en imitant sa douceur et son humilité de
cœur...
“Que la loi de l’Évangile
n’enseigne point à combattre et à vaincre le démon, le monde et la chair avec
des épées matérielles, mais par l’humilité, la patience, la douceur et la
charité parfaite. (1232)
Maria d’Agreda note, au §
1234, que Marie était très au courant de ce qui arriva au Seigneur lors de son
arrestation, et qu’elle en pénétrait par l’intelligence, tous les mystères que
renfermaient les paroles et les oeuvres de son divin Fils. “Lorsqu’on attacha
notre Sauveur, la très pure Mère sentit aussitôt les douleurs que les cordes et
les chaînes lui causèrent... Elle ressentit aussi tous les coups et les mauvais
traitements.” (1236)
La Vierge Marie
donne ensuite quelques instructions à Maria: méditer sur la Passion, les
douleurs et la mort de Jésus crucifié est la science des saints que les gens du
monde ignorent,”c’est le pain de vie et
d’intelligence qui rassasie les petits et leur donne la sagesse... Si Jésus a
bien voulu être la voie et la vie des hommes par le moyen de la passion et de la
mort..., ne faut-il pas, pour marcher dans cette voie et pour embrasser la
vérité, qu’ils passent par les outrages, par les afflictions, par la
flagellation et par le crucifiement de Jésus-Christ? ‘(1237) C’est en méditant
sur la Passion, en vous en pénétrant, que vous parviendrez au sommet de la
perfection, et que vous acquerrez l’amour d’une véritable épouse.” (1239)
La fuite des apôtres
Quand les apôtres virent que
l’on attachait leur Maître, ils passèrent de la tristesse à un grand trouble et
leur foi commença à chanceler. Ils profitèrent du fait que les soldats étaient
occupés à ficeler Jésus et à le maltraiter pour s’enfuir sans que les juifs s’en
aperçurent... Ils se séparèrent pour fuir en divers endroits. Seuls Pierre et
Jean suivaient Jésus de loin.
Marie, considérant la
fragilité des apôtres, redoubla ses prières à leur intention.(1245) Dans ses
instructions elle ajoute, à l’attention de Maria d’Agreda: “Je veux ma fille,
que vous considériez dans la chute des apôtres le danger de la fragilité des
hommes qui s’accoutument facilement à une grossière ingratitude et à une
inconcevable négligence, jusqu’au milieu des faveurs dont les comble le
Seigneur... Ce danger vient de ce que les hommes sont naturellement sensibles et
enclins à tout ce qui est apparent et terrestre; de ce que ce penchant a été
dépravé par le péché, et de ce qu’ils s’accoutument à vivre et à agir plus pour
les choses terrestres et charnelles que selon l’esprit. (1255) |