“Père!
Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font.”
Avertissement
Les Évangélistes sont
relativement discrets lorsqu’ils parlent de la Passion de Jésus. On peut les
comprendre: ils s’étaient tous enfuis, sauf Jean... Au pied de la Croix il n’y
avait que Marie, Jean, et Marie-Madeleine... Vinrent ensuite Joseph d’Arimatie
et Nicodème, mais Jésus était déjà mort...
Avec juste raison, l’Église
est très prudente face aux révélations privées. Pourtant, dans quelques cas
rarissimes, elle a proclamé bienheureux, et même saints, certains mystiques qui
ont “vécu” dans leur chair la Passion de Jésus, ou qui y ont “assisté”. À une
époque où les contrevérités s’efforcent d’étouffer la vérité, où tant de gens
émettent des opinions souvent erronées qui sèment le doute dans les cœurs, il a
semblé utile de faire revivre la Passion de Jésus racontée par des mystiques
dont la sainteté est certaine. Naturellement, il n’est pas question de prendre
leurs récits au pied de la lettre, mais simplement de méditer, grâce à eux, tout
ce que Jésus a accepté de souffrir pour nous sauver, nous qui sommes pécheurs,
car Il nous aime.
L’auteur de la présente
étude a retenu quatre mystiques bien connues: Angèle de FOLIGNO (1248-1309),
Marie d’AGREDA (1602-1665), Anne Catherine EMMERICH (1774-1824) et Maria
VALTORTA (1897-1961). Même si parfois l’auteur ajoute quelques méditations
personnelles, aucun commentaire n’accompagne les textes cités. Seuls des résumés
de chapitres ou de paragraphes ont été introduits, afin d’assurer une bonne
compréhension.
Il ne faut surtout pas
oublier que tout ce qui suit n’est qu’une longue méditation. Avec tous ceux qui
se sont penchés avec amour sur la Passion de Jésus, et, en parallèle sur celle
de Marie, les lecteurs pourront parfois réagir, mais ils ne devront jamais
perdre de vue que Jésus a vécu sa Passion pour sauver tous les hommes. Et ils
verront combien Il y a asssocié sa Mère. Jésus et Marie étaient sans péché, ce
qui n’est pas le cas des hommes. Tous les hommes sont pécheurs; il est donc
juste et normal que, parfois, d’une manière ou d’une autre, ils deviennent
participants de ce drame dont l’ampleur est véritablement à la taille du cosmos.
Remarque d’ordre général
Les révélations privées ne
sont pas articles de foi; la Révélation, en effet, est close depuis la mort du
dernier des apôtres. Cependant Dieu peut accorder à certains voyants des
éclairages jusque-là passés sous silence ou inaperçus, ou encore donner quelques
compléments susceptibles de fortifier la foi des fidèles amenés à vivre, à
certaines époques, des évènements douloureux ou déconcertants.
Les révélations privées ne
sont pas articles de foi. Elles peuvent parfois surprendre, voire choquer, mais
elles ne laissent jamais le lecteur indifférent. Souvent même, certains aspects
sont appelés à devenir des sujets de méditation fructueux.
Méditation préparatoire
Avant de commencer une étude
contemplative sur la Passion du Christ, il est indispensable de prier
longuement. Cette prière conduit forcément au pardon. En effet, une des toutes
dernières paroles de Jésus sur la Croix, quelques instants avant de mourir, a
été d’implorer le Père pour qu’Il pardonne à ses bourreaux, ces derniers ne
“sachant pas vraiment ce qu’ils faisaient”.
Humainement parlant, ils
croyaient au contraire bien savoir ce qu’ils faisaient: ils avaient condamné un
homme qui s’était dit le Fils de Dieu, le Fils du Très-Haut, blasphème horrible
pour les juifs de cette époque. Il y avait une autre raison, moins avouable,
celle-là: ils avaient aussi très peur que ce Messie vers qui tout le peuple
courait ne les supplantât et ne prît un jour leur place...
Pourquoi alors Jésus dit-Il:
”Ils ne savent pas ce qu’ils font”? Il faut ici étendre ce “ils” à tous les
Chrétiens qui se confessent, ou qui ne se confessent plus, car eux non plus, en
péchant, ne savaient pas vraiment ce qu’ils faisaient...
Nous Chrétiens qui nous
confessons, nous pensons avoir simplement égratigné la justice, avoir mal aimé
nos frères, avoir transgressé la Loi ou la morale. Ce faisant, nous pensons
surtout à nous. Nous avons aussi un peu la crainte de Dieu, mais crainte prise
dans son sens le plus restrictif et vengeur d’une justice purement humaine, et
nous exprimons le regret de nos fautes. Mais soyons francs: ce regret nous
concerne essentiellement, nous voulons mettre notre conscience en ordre, et, si
nous savons vraiment ce que nous faisons, nous avons également peur de mettre en
cause notre devenir éternel. Quand nous récitons l’acte de contrition, même si
cette récitation n’est pas trop machinale, elle reste le plus souvent entachée
de craintes très humaines et très égoïstes.
Écoutons maintenant la
prière de Jésus, sur la Croix : “Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils
font.” Écoutons-Le avec le cœur et essayons de le comprendre., essayons de
découvrir tout ce que contiennent ces quelques mots.
Quand on fait cette
expérience on peut parfois être comme saisi d’une épouvante métaphysique.
Soudain nous savons ce que nous faisons quand nous commettons un péché, et nous
sommes atterrés... Car en fait, quand nous péchons, nous blessons l’Amour, nous
faisons souffrir Dieu Lui-même; pas seulement le Fils qui souffre sa Passion et
continue à verser telle goutte de sang pour chacun de nous, aujourd’hui. Mais
nous touchons le Cœur du Père, nous Le blessons réellement dans son amour. Car
l’Amour, fût-il Dieu, l’Amour pleure quand celui qu’Il aime ne répond pas à son
Amour. Nous faisons pleurer Dieu quand, par notre péché, nous refusons son
amour!…
L’Amour a façonné chacun de
nous avec un Amour indicible. L’Amour nous a tout donné et, en plus, Il a voulu
se donner Lui-même à nous. Il a voulu nous faire participants de sa vie, nous
faire vivre de sa propre vie. Il voulait se donner à nous, nous unir à Lui, nous
partager son bonheur... Et nous, nous disons non, et nous ne savons pas
pourquoi! Nous refusons l’amour que Dieu nous donne, et nous ne savons pas
pourquoi!!!...
Comment exprimer ce que nous
ressentons, ce qui ne peut pas être dit avec des mots humains, car ces mots
n’existent pas. Prenons un exemple: un vieux couple. Regardons-les, cet homme et
cette femme, qui marchent la main dans la main pour se soutenir mutuellement.
Jeunes, ils ont connu un grand amour, un amour passionné, celui qui donne la
vie. Puis cet amour s’est élargi à chacun des enfants et à toute la famille, aux
conjoints des enfants, aux petits enfants et maintenant aux arrière petits
enfants. Depuis si longtemps qu’ils vivent ensemble ils n’ont même plus besoin
de parler pour se comprendre: un simple regard suffit à dire un besoin, une
affection, une tendresse. Car leur amour est devenu une immense tendresse qui
les enveloppe, les attache l’un à l’autre de telle sorte qu’ils ne font plus
qu’un. Ils pensent la même chose, ils aiment les même personnes, ils connaissent
les même joies et ont les mêmes désirs. Ils ont les mêmes expressions, les mêmes
intonations de voix. Et même physiquement ils se ressemblent. Et puis, on dirait
qu’ils ont créé entre eux une extraordinaire complicité.
Dieu voulait nous aimer
ainsi, nous envelopper de sa tendresse infinie. Et nous, nous avons dit non. A
la tendresse de Dieu, à l’onction de l’Amour, nous avons préféré des
bagatelles... Chaque fois que nous commettons un péché, nous refusons la
tendresse de Dieu, nous refusons l’Amour. Et nous blessons le Cœur de Dieu...
C’est inoui! Cela le savions-nous? Y avions-nous jamais pensé...
Jésus le savait, Lui, le
Fils bien-aimé du Père, le Fils unique, qui a aimé jusqu’à vivre sa Passion,
“son Baptême”, jusqu’à accepter une croix d’infamie, une croix qui n’était pas
encore la Croix glorieuse. Jésus connaissait la tendresse du Père, son Amour
infini qui se donne sans cesse, infiniment, tendrement comme une mère attentive.
Jésus savait exactement ce que faisaient ses bourreaux, Jésus savait ce que font
vraiment les hommes quand ils pèchent, quand ils disent non à Dieu, même par
légèreté, parce qu’ils n’ont rien compris à l’amour, parce qu’ils ne savent pas
ce qu’ils font, parce qu’ils ne savent pas que pécher, c’est faire de la peine à
Dieu...
Faire de la peine à Dieu?
Blesser le Cœur de Dieu? Mon Dieu! Nous ne savions pas. Nous ne savions pas ce
que nous faisions quand nous nous éloignions de Vous.
Nous ne savions pas que
chaque fois que nous préférons autre chose que Vous et votre amour, chaque fois
que nous péchons, nous Vous faisons mal, Vous que pourtant nous prétendons
aimer. Seigneur, pardonnez-nous, nous n’avions rien compris. Nous ne savions pas
que Vous nous aimiez à ce point, jusqu’à sacrifier l’humanité de votre Fils
unique.
Maintenant nous pouvons
méditer la Passion de Jésus. Mais, Seigneur, tenez sans cesse nos cœurs en
éveil dans votre tendresse, votre tendresse de Dieu.
Et puis, faites-nous
souvenir aussi Seigneur, que si Vous êtes tendresse et amour, si Vous êtes
pitié, Vous êtes aussi justice, et qu’on ne bafoue pas indéfiniment votre
justice. La contemplation de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, avec vos
mystiques, en apporte une preuve irréfutable. |