1-La restauration
– La Première
Restauration et les Cent-Jours : 1814-1815.
– Le règne de
Charles X (1824-1830).
2-La monarchie de
Juillet (1830-1848)
– Du ministère
Thiers au ministère Guizot.
– Abdication de
Louis-Philippe (24 février 1848)
6 avril 1814
Abdication de Napoléon 1er
à Fontainebleau.
Le Sénat appelle au trône
Louis Stanislas Xavier, frère de Louis XVI, pour devenir Louis XVIII .
4 juin 1814
Une "Charte
Constitutionnelle" est promulguée. C’est un compromis entre l'Ancien
Régime et les acquis de la Révolution et de l'Empire. Ce nouveau régime
politique veut s'inspirer du régime anglais:
– Pouvoir législatif
appartenant à deux Chambres: la Chambre des Pairs et la Chambre des
Députés. Les lois seront adoptées par les 2 Assemblées. Le budget devra
d’abord être présenté aux députés.
La Chambre des députés est
dominée par les grands propiétaires fonciers aristocrates (il faut payer
300 F d'impôts directs pour pouvoir voter).
– Pouvoir exécutif: le roi
nomme les ministres responsables, et a l'initiative des lois et de la
dissolution de l’Assemblée. En cas de nécessité, l'article 14 permet au
gouvernement de légiférer par ordonnances.
Le catholicisme est
religion d'État. Ce nouveau régime, qui favorise les émigrés et
l'Église, provoque le mécontentement de l'opinion.
1er mars 1815
Les Cent jours
Napoléon a quitté l’Ile
d’Elbe; son retour en France est triomphal.
18 juin 1815
Waterloo. Napoléon abdique
quelques jours plus tard (22 juin)
8 juillet 1815
Louis XVIII, qui s'était
réfugié à Gand, est de retour à Paris.
14-22 août 1815
Election de la "Chambre
Introuvable"
1815-1830
Louis XVIII et les trois
courants
Trois grands courants
dominent la scène politique:
– les ultras, partisans de
l'Ancien Régime.
– les Constitutionnels,
partisans de la Charte (Decazes, Cousin, Guizot etc), veulent conjuguer
royauté et libertés.
– les libéraux,
bonapartistes et héritiers de la Révolution rejettent l'Ancien Régime.
Leurs théoriciens sont Benjamin Constant, Daunou et de Tracy. Ils
demandent un gouvernement représentatif bourgeois.
Il existe d’autres courants
politiques, minoritaires:
– les Bonapartistes,
vétérans des guerres impériales réduits à la demi-solde, et une partie
de la bourgeoisie qui doit la consolidation de son pouvoir à Napoléon.
– Les Républicains, peu
nombreux, qui se disent patriotes et se retrouvent dans des sociétés
secrètes où la police a ses indicateurs.
24 septembre 1815:
Premier Ministère Richelieu.
"Richelieu n'aime pas la
Révolution, a horreur de Bonaparte, craint la liberté de la presse (...)
mais il a des qualités de bon sens et de modération, et surtout des
qualités morales..."[1] Il
veut une politique modérée, s'appuyant sur le parti constitutionnel.
5 septembre 1816: La
dissolution de la Chambre Introuvable satisfait Richelieu. Une
nouvelle Chambre est élue: sur 238 députés élus il n’y a plus que 90
ultras.
Février 1817
La Loi électorale Lainé loi
favorise la bourgeoisie urbaine.
Mars 1818
Loi Gouvion-Saint Cyr
organise le recrutement militaire.
Octobre 1818
Après le Congrès
d'Aix-la-Chapelle, un accord décide le retrait des troupes étrangères du
territoire français.
29 décembre 1818:
Minitère Decazes
Le ministère de Decazes est
modéré, et se veut ministère d'union.
L'influence des libéraux se
fait plus grande à la Chambre, ce qui inquiète les ultras, lesquels
aimeraient se débarrasser de Decazes partisan d'une monarchie tempérée.
13 février 1820
Assassinat du duc de Berry et chute de Decazes.
21 février 1820-14
décembre 1821: Deuxième Ministère Richelieu et dernier
gouvernement modéré. Richelieu s'entoure de royalistes constitutionnels.
Une nouvelle loi électorale avantage les ruraux, par conséquent les
ultras.
Novembre 1820
Aux élections partielles à
la Chambre, les ultras remportent des sièges. Cette poussée ultra va
contraindre Richelieu à la démission: les libéraux n'avaient plus que 80
représentants sur 430 membres.
14 décembre 1821-janvier
1828 Ministère Villèle et retour des ultras
Louis XVIII n'a plus aucun
pouvoir. Il laisse Villèle mener une politique ultra. Celui-ci cherche à
s'assurer d'une majorité à la Chambre. La "Chambre retrouvée" de 1824
dépasse ses espérances.
Avril 1823
Début de l'intervention
française en Espagne : la France soutient Ferdinand VII contre les
Libéraux espagnols.
1824 Mort de Louis XVIII
26 février-6 mars 1824
Élection de la "Chambre
retrouvée": 19 opposants libéraux sur 430 membres. Les ultras au pouvoir
musèlent toute opposition: les cours d'histoire de Guizot et celui de
philosophie de Cousin sont supprimés, l’École de médecine et l’École de
Droit sont placées sous surveillance, le corps professoral est épuré.
Mgr Frayssinous,
grand-maître de l'Université, place le plus grand nombre possible
d'ecclésiastiques dans les collèges, et on multiplie les écoles
religieuses. Mais certaines lois, jugées réactionnaires, notamment celle
du "milliard" des émigrés (en dédommagement de la vente des biens
nationaux, 700 000 francs seront versés aux anciens propriétaires)
exaspèrent les mécontentements et l’opposition s’en trouve même
renforcée.
Novembre 1827
5 novembre: dissolution de
la Chambre et nouvelles élections. Les libéraux obtiennent 250 sièges
contre 200 pour les ultras. Mais à Lyon la misère est telle que les
canuts se révoltent.
Janvier 1828-août 1829
Ministère Martignac
Martignac fit voter deux
ordonnances dont une loi sur la presse (24 juin 1828, plus libérale) et
sur l'école qui exclut les jésuites des collèges (juin 1828). Pourtant
les libéraux trouvent la politique Martignac trop timorée... Martignac
est remplacé.
Août 1829-juillet 1830
Ministère Polignac.
Les ultras reviennent au
pouvoir. Ce gouvernement est attaqué par la presse libérale, et le 16
mars 1830 la Chambre demande au roi l'instauration d'un régime
parlementaire. Charles X refuse et renvoie la Chambre. Les élections de
juillet 1830 sont favorables à l'opposition.
Juillet 1830, ce sont
les Trois Glorieuses et la chute de Charles X
Louis-Philippe est au
pouvoir. La France entre dans une période d'instabilité politique. Le
premier gouvernement veut poursuivre les réformes et aller aussi loin
que possible. Ce courant représente la moyenne bourgeoisie.
Février 1831
Vague anticléricale. On
saccage St-Germain-l'Auxerrois pendant la célébration d’un office
funèbre à la mémoire du duc de Berry. Le climat social est explosif. Les
graves problèmes économiques ajoutés au mécontentement populaire
obligent Louis-Philippe à appeler Casimir Périer au gouvernement.
Août 1831
Intervention des Français
en Belgique envahie par l'armée des Pays-Bas.
21-22 novembre 1831
Insurrection à Lyon des
canuts. Périer rétablit l'ordre au moyen d'une armée de 20 000 hommes.
Il y a eu à Lyon plus de 600 tués ou blessés.
26 mars 1832 :
Le choléra fait son
apparition à Paris.:plus de 18000 morts dont 12733 en avril. Casimir
Périer en meurt le 16 mai.
5 juin 1832 :
A l'occasion des obsèques
du général Lamarque (mort du choléra), les Républicains provoquent une
émeute. Plusieurs quartiers sont en état d'insurrection.
27-28 août procès
des saint-simoniens.
Mars 1833: Début de
la conquête d'Algérie.
28 juin 1833 :
Loi sur l'instruction
primaire (Loi Guizot) dont le but est de moraliser les classes
populaires qui, plus instruites ne songeront plus à se révolter.
Avril 1834
A Lyon nouvelles émeutes.
L'armée intervient. 300 victimes de part et d'autre. A Paris, des
barricades se forment. En province des troubles éclatent à Marseille,
Clermont-Ferrand, Grenoble.
21 juin 1834
Élections: écrasement de la
"gauche"
Année 1835
"A partir de 1835 le régime
va vivre ses plus belles années, au point d'apparaître même à ceux qui
ne l'aiment pas comme installé pour l'éternité." (François Furet - La
Révolution t II p.165 Hachette - coll Pluriel).Mais, en réalité, le
temps des complots n’est pas loin:
– 12-13 mai 1835,
insurrection et emprisonnement de Barbès.
– 28 juillet 1835, attentat
contre Louis-Philippe. L'attentat fait 18 victimes. Le pouvoir se sent à
la merci de n'importe quelle bombe, républicaine, légitimiste ou
bonapartiste.
Le 28 juin 1835, Abd
el-Kader attaque avec succès les troupes françaises dans le défilé de la
Macta.
Février 1836-août 1836
Ministère Thiers de centre gauche
Thiers est membre du parti
de la Résistance. Mais à la différence d'un Guizot ou d'un Molé qui
souhaitent donner les coudées franches au roi, Thiers souhaite limiter
les prérogatives du roi ("le roi règne mais ne gouverne pas").
25 juin 1836
Nouvel attentat contre le
roi. L'auteur, Alibaud sera condamné à mort et exécuté.
Août 1836
Thiers souhaite intervenir
militairement en Espagne contre les Carlistes (ennemi des libéraux).
Louis-Philippe refuse
d'intervenir. Thiers démissionne. D’août 1836 au 8 mars 1839, c’est le
Ministère Molé qui laisse le roi gouverner.
6 novembre 1836
Mort de Charles X à Goritz
27 décembre 1836
Nouvel attentat contre
Louis-Philippe.
Avril 1837
La bonne situation
économique encourage l'Etat à réaliser des travaux d'intérêt général:
routes et canaux. Le 24 août 1837, c’est l’inauguration de la ligne de
chemin de fer Paris-St Germain.
Pendant ce temps les
interventions extérieures continuent: le 13 octobre 1837, prise de
Constantine par le général Valée, et en novembre 1838 la France envoie
une escadre au Mexique.
2 mars 1839
Elections législatives. Les
candidats gouvernementaux sont minoritaires. Pour la première fois, le
chef de gouvernement est choisi par le parti majoritaire à la Chambre,
en l'occurence Thiers.
Avril-mai 1839
Nouvelles émeutes
républicaines à Paris.
12 mai 1839 - 20 février
1840 Ministère Soult
Louis-Philippe forme un
gouvernement énergique pour tenir la rue.
Insurrection de la Société
des Saisons (Blanqui, Barbès).
1er mars 1840
- 18 octobre 1840 Nouveau Ministère Thiers.
Tensions en Orient. Traité
de Londres sans la France sur la question d'Egypte. La France va t-elle
entrer en guerre contre des puissances européennes pour sauver son
influence en Méditerranée ? Thiers, qui désire la guerre contre
l'Angleterre, doit quitter le pouvoir.
Septembre 1840
Rassemblement d'ouvriers
grévistes à Paris.
15 octobre 1840
Nouvel attentat contre le
roi Louis-Philippe.
Ministère Guizot
Le nouveau gouvernement
inspire confiance. C'est un gouvernement bourgeois par excellence. Cet
ancien professeur d'histoire à la Sorbonne, Nîmois calviniste, veut le
progrès dans l'ordre. Sa politique est très favorable à la bourgeoisie
possédante et aux grands intérêts privés. Guizot ne veut pas modifier le
système électoral. Celui-ci reste donc favorable à une petite élite
sociale. Louis-Philippe s'entend bien avec lui: "C'est ma bouche!" dira
t-il de son chef de gouvernement. L'opposition le juge oppressif,
démodé, conformiste. Ce mouvement d'opposition gagne progressivement la
société: Musset, Hugo, Dumas, Delacroix, Courbet, Daumier, Michelet,
Saint-Simon, Fourier sont les animateurs de cette résistance à Guizot.
15 décembre 1840
Retour des cendres de
Napoléon aux Invalides.
12 mars 1841
Vote de la première loi
sociale par la Chambre sur le travail des enfants.
15 juillet 1841
Règlement de la question
d'Égypte
Septembre 1842
Ledru-Rollin, chef du parti
radical, défend avec Lamartine, le suffrage universel.
18 mai 1843
Prise de la smala d'Abd-el-Kader.
27 janvier 1844
A la Chambre des Pairs,
Montalembert se bat pour la liberté de l'enseignement.
Mai-août 1844
Tensions très vives avec
l'Angleterre (affaire Pritchard).
Juillet 1845
Dispersion des jésuites en
France.
23 octobre 1847
Reddition d'Abd-El-Kader.
22 février 1848
Nouvelles manifestations
populaires à Paris. 23 février 1848, Guizot doit démissionner.
24 février 1848
Abdication de
Louis-Philippe.
Auguste Cochin
(1823-1872), homme politique
"Ce n'était pas seulement
l'amitié ni l'admiration, c'était un enthousiasme. Il n'y avait pas
seulement dans cet homme des vertus, il y avait un charme... Il
n'exerçait pas seulement son action sur ses amis mais également sur des
protestants comme Guizot, des philosophes comme Cousin et Villemain, de
complets incrédules comme Fauriel, Renan, Havet. C'était, sans doute, sa
surhumaine bonté qui les courbait tous devant sa foi...Ozanam était un
être inspiré."
Alphonse de Lamartine
(1790-1869), poète et homme politique
"Il ressemblait, par la
physionomie, par l'âme, par la sérénité du regard, par le timbre
monotone, affectueux de sa voix, à un brahme chrétien venu des Indes
pour prêcher l'évangile de la science calme, de la contemplation
mystique et de l'adoration extatique à notre monde de discorde et de
contention. Il croyait, comme nous, que la Vérité était à plus forte
dose dans le cœur que dans l'esprit... Son orthodoxie parfaite pour
lui-même était une charité d'esprit parfaite aussi pour les autres... Sa
tolérance n'était pas une concession, c'était un respect."
Léonce Curnier
(1813-1894)
Le fondateur de la première
Conférence à Nîmes (1834), déclare: "J'ai vu de près cette nature
d'élite qu'on n’approchait pas sans devenir meilleur."
François Guizot
(1787-1874), homme politique et historien
"Ozanam fut le modèle de
l'homme de lettres chrétien."
Jean-Jacques Ampère
(1800-1864) écrivain et historien, fils d'André-Marie Ampère
(1775-1836), physicien
"Ceux qui n'ont pas entendu
professer Ozanam ne connaissaient pas ce qu'il y avait de plus personnel
dans son talent: préparations laborieuses, recherches opiniâtres dans
les textes et science accumulée avec de grands efforts, et puis,
improvisation brillante, parole entraînante et colorée, tel était
l'enseignement d'Ozanam. Il est rare de réunir au même degré les deux
mérites du professeur: le fond et la forme, le savoir et l'éloquence. Il
préparait ses leçons comme un bénédictin et les prononçait comme un
orateur."
Henri Lacordaire[2]
(1802-1861)
Restaurateur de l'ordre
dominicain en France
"Vous fûtes le maître de
beaucoup, le consolateur de tous... Le pauvre vous vit à son chevet, la
tribune littéraire debout devant une génération, et la presse, cet autre
instrument du bien et du mal, eut en votre personne un honnête et
religieux artisan. Vous n'avez laissé de blessure à aucun, si ce n'est
cette blessure qui guérit de la mort, parce que c'est la charité qui la
fait."
Victor Pavie, président
des Conférences d'Angers en 1883
"A cette distance de
nous... la figure de nos devanciers revêt un prestige d'idéal qui les
rehausse et les consacre. C'est Ozanam, électrique et vibrant!..."
Mgr Marie-Dominique
Sibour, archevêque de Paris de 1848 à 1857
"Comme père de la grande
famille que l'Eglise m'a donnée, j'ai eu le coeur déchiré. Ma douleur a
été comme celle d'un père qui perd son fils le plus tendrement chéri..."
(tiré du Dossier de Presse réalisé par le Conseil National de la
Société de St Vincent de Paul)
Félicité, Robert de La
Mennais ou Lamennais fut un ultramontain décidé à libérer l'Eglise du
pouvoir temporel. Ennemi de l'Université, il exposa ses idées dans ses
Réflexions sur l'état de l'Eglise de France... en 1808. Prêtre
en 1816, il devient célèbre en publiant son Essai sur l'indifférence
en matière de religion (1817-1823). Son traité De la religion
considérée dans ses rapports avec l'ordre politique et social (1825)
lui valut des poursuites.
En 1830, Lammenais fonda le
journal l'Avenir et l'Agence générale pour la défense de la
liberté religieuse. Sa propriété de La Chesnaye devint le lieu de
rendez-vous de la jeunesse libérale catholique (Lacordaire,
Montalembert, etc.)
Les idées de Lammenais
parurent trop d’avant-garde. Aussi, dans l'encyclique Mirari vos,
en 1832, le pape Grégoire XVI les condamna-t-il. Au lieu de se soumettre
momentanément comme tant de grands esprits ont su le faire, Lamennais
se révolta. Sa rupture avec l’Église, il la traduisit par son ouvrage
Paroles d'un croyant, en 1834. Ce livre fut condamné par
l'encyclique Singulari nos la même année. Lamennais versa alors
dans un socialisme humanitaire, une philosophie mystique et démocratique
(les Affaires de Rome, 1836-1837; le Livre du peuple, 1838
; l'Esclavage moderne, 1839). Elu député en 1848, il rentra
bientôt dans la retraite.
Fils d'un médecin rallié
aux idées de 1789, Lacordaire étudie au lycée de Dijon (1812-1819) puis
à l'École de droit (1819-1822). Au cours d'un stage d'avocat à Paris
(1822-1824), il retrouve la foi chrétienne et entre au séminaire d'Issy
(mai 1824), où il surprend ses supérieurs par sa franchise, sa liberté
et son attention au monde. Après son ordination en 1827, il est nommé
chapelain du monastère de la Visitation à Paris (1828), et, un an plus
tard, on lui confie la charge de second aumônier du Lycée Henri IV.
Le tournant de 1830
De 1815 à 1830, la France
est déchirée par des affrontements entre tenants de la Restauration et
libéraux. Les premiers, à qui l'Église accorde son soutien, n'ayant
«rien appris ni oublié» de tous les événements de la Révolution
aspirent au retour à l'Ancien Régime; les autres se sont ralliés à la
religion nouvelle des droits de l'homme, droits plus politiques que
sociaux. Aussi, après les journées révolutionnaires de 1830, qui
prennent parfois la forme d'une agitation anticléricale (sac de
séminaires, d'églises), Lacordaire comprend la nécessité d'une
réconciliation de l'Église avec le monde post-révolutionnaire.
Il crée alors une école
libre (1831) et rejoint un groupe de catholiques réunis autour de
Lamennais où il rencontre Gerbet, Salinis puis Montalembert. Ceux-ci
fondent en 1830 l'Avenir, un quotidien qui défend les libertés
religieuses d'enseignement, de presse, d'association et de suffrage.
Dans le domaine de la politique extérieure, ils réclament la liberté des
peuples, l'union de l'Europe et le désarmement général.
Mais ce nouveau courant, le
catholicisme libéral, est désavoué par le Vatican qui publie, le 15 août
1832, Mirari Vos. Cette encyclique qui condamne explicitement les
thèses de l'Avenir. Lacordaire s'y soumet, sans renoncer pour autant au
libéralisme, contrairement à Lamennais, qui, malheureusement, après de
longues hésitations, se sépare de l'Église. (Lettre sur le Saint-Siège,
1837).
Le prédicateur de
Notre-Dame
En décembre 1833,
Lacordaire inaugure une série de conférences pour les étudiants du
collège Stanislas. Son rapide succès lui ouvre la chaire de Notre-Dame,
où il prêche les carêmes de 1835 et 1836 puis de 1843 à 1851. Il se rend
également en province, dans les cathédrales de Metz, Bordeaux, Nancy,
Grenoble, Lyon et Toulouse. L'amour de son temps et la rencontre avec
Jésus-Christ sont les deux pôles de ses prédications qui suscitent un
engouement considérable.
À une époque où l'utilité
sociale du christianisme était conçue comme le contrôle de la moralité,
où la grande affaire était le salut individuel, le prédicateur ouvre un
nouvel horizon. Il écrira plus tard: «Ne dites pas: je veux me
sauver. Dites-vous: je veux sauver le monde. C'est là le seul horizon de
la charité». (Lettre à un jeune homme sur la vie chrétienne).
Restauration de l'ordre
des Frères prêcheurs
Au cours d'un séjour à Rome
(1836-1838) naît en lui le projet de restaurer en France l'ordre
dominicain. Il revêt l'habit à Rome (1839), prenant le nom, en religion,
de frère Henri-Dominique et prononce ses vœux le 12 avril 1840. Le
Mémoire et la Vie de Saint Dominique qu'il écrit durant son noviciat lui
rallient des disciples. Dès mai 1840, il regroupe à Sainte-Sabine des
postulants, dont plusieurs buchéziens (mouvement animé par l'utopie d'un
socialisme chrétien). En 1848, il devint député de Marseille à la
Constituante, mais ne s'attarde guère à la politique, préférant se
consacrer à la province dominicaine et à l'enseignement (fondation du
tiers ordre enseignant et reprise du collège de Sorèze). En 1854,
lorsqu'il achève son premier mandat de provincial, quatre-vingt-deux
frères auront fait profession et cinq couvents seront érigés.
Lacordaire est élu à
l'Académie française en 1860 puis rédige une autobiographie que
Montalembert publiera après sa mort sous le titre Testament.
Quand Soeur Rosalie
rencontra Frédéric Ozanam, elle était Fille de la Charité; elle avait 47
ans (1786-1856). Supérieure de sa petite communauté depuis une quinzaine
d'années, elle était déjà renommée pour sa charité exemplaire.
Jeanne-Marie Rendu, future
Sœur Rosalie, est née le 9 septembre 1786 dans le pays de Gex (Ain). Ses
parents sont des cultivateurs aisés. Armand de Melun, confident et
biographe de la religieuse brossera de la jeune Jeanne-Marie le portrait
suivant: "Vive, espiègle, toujours en mouvement, au regard spirituel
et fin, à la malicieuse physionomie; capricieuse, volontaire, comme on
l'est à cet âge, se dépêchant, disait-elle (plus tard) de faire toutes
les méchancetés possibles afin de n'avoir plus de fautes à commettre dès
qu'elle aurait atteint l'âge de raison; taquinant ses sœurs, aimant à
jeter leurs poupées dans le jardin du voisin, plus occupée de papillons
que de livres, n'étant au jeu ni la dernière ni la plus modérée ..."
(d’après Armand de Melun cité dans les pièces du procès de
béatification, Positio, Rome 193, p.3).
Le père de Jeanne décède à
l'âge de 33 ans le 12 mai 1796 laissant à sa femme le soin de finir
d'élever leurs quatre filles : Jeanne-Marie (née en 1786) future Sœur
Rosalie, Marie-Claudine (née en 1788), Jeanne-Antoinette (née en 1793)
et Jeanne-Françoise (née 1796) qui mourra quelques mois plus tard.
Jeanne-Marie quitte la
demeure familiale dès l’âge de 13 ans. Son éducation est assurée par
divers pensionnats de religieuses. Pendant quatre années (1799-1802)
elle apprendra surtout les arts ménagers. Une note de l'enquête (Positio
p.14) précise: "c'est plus tard ce genre d'éducation qu'elle donna
elle-même aux filles de son quartier. A la fin de sa vie, elle écrivit
elle-même à l'impératrice pour se plaindre de l'éducation, selon elle
non adaptée, qu'on donnait dans les écoles publiques aux filles du
peuple à Paris; elle craignait que cela puisse nuire à ces filles et les
rendre malheureuses en leur donnant ce qui ne sert pas aux habitants des
quartiers pauvres et démunis.” (Positio p. 5)
La jeune Jeanne-Marie se
sentit appelée à la vie religieuse très tôt. "Une visite qu'elle fit
avec sa mère à la supérieure de l'hôpital de Gex (une Fille de la
Charité) ne fit que la confirmer dans sa résolution..." (Positio
p.14) Jeanne-Marie entra au noviciat des Filles de la Charité le 25 mai
1802, au séminaire de la rue du Vieux-Colombier, dans une maison
destinée à l'éducation des orphelines.
Après quelques mois,
la petite Rendu (16-17 ans) est envoyée dans la communauté de la rue des
Francs-Bourgeois-Saint-Marcel (1802), quartier St Médard, à la maison de
secours. Elle instruit les enfants des milieux défavorisés. "Dans ses
heures de loisir, pendant les vacances scolaires surtout, sœur Rosalie
était invitée à visiter les pauvres. Elle portait dans ces visites des
bons de pain et de viande, vêtements de lainage, secours de toutes
sortes mais là aussi son âme compatissante et bienveillante, son doux
regard, son visage souriant, faisait que sa visite était attendue et
aimée.” (Positio p.23) Copyright Yahoo
Initié par Frédéric Ozanam,
le catholicisme social est l'application des principes moraux du
catholicisme aux problèmes économiques et sociaux. Il est né en pleine
révolution industrielle au XIXe
siècle, d'une réaction humanitaire devant la misère ouvrière, alors que
les théories économiques libérales déclaraient irrémédiables les
conditions de vie des pauvres et prêchaient la résignation, et que les
pouvoirs publics, sous prétexte de la liberté de l'industrie et du
commerce, et en vertu du respect absolu de la propriété, proscrivaient
les associations de travailleurs supprimées par la Révolution, et
refusaient de réglementer les conditions de travail.
Sous la monarchie de
Juillet, l'expansion industrielle et la paupérisation qui s'ensuivit
furent telles que la charité privée était devenue largement
insuffisante. Devant l’ampleur du désastre, elle ne pouvait plus jouer
qu’un rôle marginal. Qui savait qu’une femme qui travaillait douze
heures par jour avait juste de quoi se nourrir, et encore? Qui savait
que de très jeunes enfants, en France, à partir de sept ans,
travaillaient, eux aussi douze heures par jours pour des salaires de
misère?
La masse catholique
semblait indifférente, car elle ne savait pas. Qui le lui apprendrait?
Les évêques et le clergé semblaient très réservés car peu renseignés, ou
peu curieux...
Cependant, entre 1830 et
1848, un courant catholique commença à se dessiner et dès 1833 Frédéric
Ozanam créait les conférences de Saint-Vincent-de-Paul. Certains
catholiques, dits «progressistes», souvent issus de la noblesse
campagnarde, s'épouvantaient des progrès du machinisme industriel et de
ses conséquences humaines. Ils prêchaient le retour à une société
agricole. D'autres, issus de milieux bourgeois ou populaires, rêvaient à
une sorte de socialisme chrétien. Ils eurent fort peu d'influence car,
après la révolution de 1848, l'Église catholique française s'absorba
dans des dissensions internes et des discussions politiques.
Après Ozanam, l'importance
de la question sociale resta, malheureusement, encore longtemps
inaperçue. Mais après la guerre de 1870, et la Commune en 1871, les
efforts de deux aristocrates, anciens officiers, Albert de Mun
(1841-1914) et René de La Tour du Pin (1834-1924), réussirent à
intéresser une minorité active.
Albert de Mun donna une
nouvelle impulsion au mouvement du catholicisme social en fondant, en
1871, l'œuvre des cercles catholiques ouvriers qui associaient patrons
et ouvriers dans des réunions, et s'occupaient d'instruction et
d'assistance. Ainsi se répandit dans la bourgeoisie industrielle,
redevenue catholique, le souci des intérêts ouvriers. Un patronat
chrétien se constitua, très important dans le nord de la France. Des
allocations familiales, véritable salaire familial, furent créées.
De son côté, René de La
Tour du Pin souhaitait reconstituer les corporations qui avaient pendant
longtemps protégé les travailleurs, mais que la Révolution avait
supprimées: l’idée des futurs syndicats était en train de naître. Ces
corporations professionnelles réuniraient patrons et ouvriers dans la
gestion de leurs intérêts communs et limiteraient les droits de la
propriété. Cette doctrine ne s'est pas développé, mais l'idée d'une
entente entre le capital et le travail trouve ici son origine.
Le mouvement français a
rayonné en établissant des liens avec les catholiques d'autres pays
(Belgique, Allemagne, Italie). Après l'échec des Cercles, Albert de Mun
participa activement aux débats parlementaires sur les syndicats, les
accidents et la durée du travail. Le catholicisme social trouva, après
la Première Guerre mondiale, un second souffle dans l'encadrement des
jeunesses catholiques. En 1880, Albert de Mun fonda l'ACJF (Action
catholique de la jeunesse française).
En 1891, le pape Léon XIII,
dans un document solennel, l'encyclique Rerum novarum, exposa
l'ensemble de la doctrine sociale de l'Église, approuvant officiellement
les idées des catholiques sociaux: Ozanam, Lacordaire, Montalembert,
etc...
Léon XIII condamnait la
théorie marxiste de la lutte des classes, contraire à la fraternité
religieuse des croyants et à la fraternité naturelle des hommes. Il
demandait de respecter la propriété privée, garantie de l'indépendance
réelle de l'homme dans la société; il préconisait l'institution de
corporations et de syndicats chrétiens.
[1] La
France des notables t.1 par A.Jardin/A.-J. Tudesq
(Seuil,1973 p.37)
[2] Voir
ci-dessous, paragraphe 3-2-2
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