1-1-L'enfance de Perrine
La famille Éluère appartenait à la
classe des artisans, mais ses revenus étaient insuffisants pour que Pierre
Éluère, serrurier,
puisse voter. D'un premier mariage, Pierre avait eu une fille, mais devenu veuf,
il épousa ensuite, en avril 1809, Françoise Portier qui lui donna 12 enfants,
dont Perrine fut le numéro cinq. Perrine naquit à Rennes le 4 octobre 1816.
Enfant remuante, "insupportable", c'était une vraie bretonne: coléreuse,
entêtée, farouchement attachée à ses idées. Mais ses parents surent lui donner
l'éducation qui lui convenait ainsi que le sens du bien et du mal. Elle écrira
plus tard: "Quand j'avais été méchante et que mes parents me punissaient, je
ne me révoltais point contre eux, car je voyais que cela me faisait du bien, et
je sentais des touches de la grâce qui me reprochaient ma malice."
À six ans et demi, au printemps de
1823, elle se confessa pour la première fois, et ce fut pour elle le point de
départ de nombreux efforts personnels en vue d'améliorer son caractère. Par
ailleurs un vif amour de la Sainte Vierge lui fut enseigné: cela faisait aussi
partie de la formation chrétienne des tout petits. Et elle aimait beaucoup le
Petit Jésus des crèches, pendant les périodes de Noël.
Quand elle eut dix ans, en 1827,
elle fit sa première communion et s'y prépara par une confession générale, et
son cœur fut, à ce moment fortement touché par la grâce. C'est alors que
commença pour elle une très douloureuse crise de scrupules qui dura longtemps.
(1828-1829)
La petite Perrine fut également
impressionnée par les récits de la Passion de Jésus, et elle se prit de passion
pour le Chemin de Croix qu'elle faisait soit dans sa paroisse les vendredis de
carême, soit seule dans son église déserte. Déjà elle voulait "consoler Jésus".
Peu à peu les traits principaux de sa future spiritualité: l'esprit de l'Enfance
de Jésus et la contemplation de la Sainte Face, s'esquissaient en elle.
La famille Éluère était heureuse.
Malheureusement, la maman mourut, épuisée, après la naissance de son douzième
enfant, le 26 juillet 1829. Perrine avait douze ans. La famille fut désemparée.
Perrine se confia à la Vierge Marie, la priant de lui servir de mère. Fanny, la
sœur aînée, fille du premier mariage de Pierre Éluère, dut prendre en charge la
grande famille. Malheureusement Perrine jugeait Fanny trop autoritaire et les
relations entre les deux sœurs étaient parfois difficiles.
1-2-L'adolescence
Dès qu'elle eut treize ans, Perrine
fut placée chez ses tantes couturières. L'atelier des demoiselles Éluère fut son
lieu de travail jusqu'en 1839, c'est-à-dire pendant dix ans. L'une des tantes de
Perrine étant supérieure de la Congrégation de la Sainte Vierge, destinée aux
ouvrières, Perrine y fut admise. La Vierge Marie devenait pour elle de plus en
plus sa mère.
Pendant longtemps la ferveur de
Perrine avait été grande, mais peu à peu cette ferveur s'estompait et Perrine
relâchait ses efforts, notamment la pratique de l'oraison. Sa conscience n'était
pas à l'aise. Vers l'âge de 17 ans, croyant trouver mieux que son confesseur
habituel, le curé de sa paroisse Saint-Germain, elle se tourna vers le vicaire
général de Rennes, confesseur de Fanny. Hélas! Ce dernier, plus ou moins
janséniste éloigna Perrine de la communion fréquente,
et il exigea la confession hebdomadaire.
Par ailleurs, et trop souvent, il
venait trouver Fanny pour demander "des nouvelles "de Perrine. Comme les deux
sœurs ne s'entendaient pas très bien, on devine les drames intérieurs que cela
pouvait susciter chez Perrine. Cela dura de 1833 à 1835. Perrine avoue que
"sa conscience lui reprochait fortement ses infidélités à un Dieu plein de
bonté." Pourtant, elle ne voulait pas céder devant son aînée... Elle
s'adressa à la Sainte Vierge à qui elle s'était consacrée. Elle raconte: "La
fête de la Purification approchait. Je m’y préparai par une neuvaine; je
célébrai ce beau jour avec une grande pitié, et j’offris même un cierge pour
être brûlé devant l’autel de Marie. Aussitôt je sentis mon cœur tout touché, mes
liens brisés. Je reconnus qu’il y avait nécessité pour moi de revenir à mon
ancien confesseur."
1-3-La jeunesse
Âgée de dix-neuf ans, Perrine fit
une retraite fermée de huit jours, probablement au printemps 1835, et elle prit
conscience de la gravité de ses petits péchés à la lumière des souffrances de
Jésus. Elle écrit: "J'avais prié la très sainte Vierge avec ferveur pour
l'heureux résultat de ma retraite; mes vœux furent exaucés. La grâce agissait
fortement dans mon âme, aussi les instructions des bons missionnaires
produisirent sur moi la plus salutaire impression. Je fis une confession
générale, et voyant clairement tous mes péchés et la bonté de Dieu que j'avais
si longtemps méprisée, puis considérant les plaies de mon crucifix, qui
semblaient me reprocher ma perfidie, je sentis mon cœur blessé par un trait de
contrition des plus vifs; mes yeux versèrent d'abondantes larmes, et je promis à
mon Dieu une inviolable fidélité."
Perrine était convertie, et elle
fut admise à la communion fréquente.
Et voilà qu'elle se prend à vouloir être religieuse: "Je m’attachai à la très
sainte Vierge par une dévotion toute particulière; j'admirais avec quelle
miséricorde cette divine Mère m'avait retirée de l'abîme. Ma confiance en elle
augmentant, il me vint en pensée de Lui demander la grâce qu'elle fît de moi une
religieuse. Marie, sans doute, entendit ma prière, car bientôt je sentis ces
désirs de quitter le monde se fortifier dans mon âme. Mais que faire?"
Nous sommes en 1835. Perrine a
dix-huit ans et demi; elle veut être religieuse, mais sous quelle forme? Le
confesseur de Perrine reconnaît qu'elle a une solide vocation religieuse, mais
devant s'absenter un long temps pour des raisons de santé, il la confie à l'abbé
Panager, responsable de plusieurs communautés religieuses. Commencent alors pour
Perrine cinq années de formation, de discernement et d'épreuves. Le grand
conseil de l'Abbé Panager, c'est: "Appliquez-vous à vous connaître et à
connaître Dieu, car plus vous le connaîtrez, plus aussi vous l'aimerez. Ayez
toujours l'air joyeux et ne soyez point comme ces personnes tristes qui ont
l'air, en portant le joug du Seigneur, de porter un fardeau."
Perrine se rapprochait de plus en
plus de la Sainte Famille, et la Sainte Famille l'amena à venir en aide à une
famille très démunie. Bientôt le Père Panager lui permit aussi de communier
trois fois par semaine en plus des dimanches. Et Perrine est inondée de grâces
de lumière et de paroles intérieures. Elle en parlait à son père spirituel qui
se taisait et se donnait le temps de discerner si ces communications venaient de
Dieu. Perrine voudrait entrer au carmel, mais l'abbé Panager ne se décidait pas:
il fallait encore attendre.
Perrine avait encore besoin de
grandir en humilité. Mais seules les humiliations venant de Dieu sont efficaces:
les humiliations préparées par les hommes, non seulement ne sont pas efficaces,
mais elles peuvent conduire à un résultat inverse: l'orgueil, se glorifiant des
humiliations apparemment acceptées.
Les mois passent. Perrine est
devenue la conseillère de ses compagnes d'atelier sur le plan spirituel. Les
difficultés familiales sont grandes: nécessité de payer une somme importante à
un volontaire pour dégager et remplacer un des fils Éluère qui a tiré un mauvais
numéro, et doit partir à l'armée, et maladie grave de Fanny. Que faire, et qui
s'occupera des plus jeunes enfants si Perrine part au carmel? Le curé de
Saint-Germain conseilla à Pierre, le papa, de se remarier avec la servante du
presbytère. Le mariage fut célébré le 11 février 1836. Rose, la dernière des
enfants Éluère n'avait que onze ans.
1-4-Quel carmel pour Perrine?
1-4-1-L'attente
Dans quel carmel Perrine
pourrait-elle être reçue? Au Mans, cela était peu probable, la maison étant si
pleine que l'évêque avait interdit la venue de toute nouvelle recrue. Au carmel
d'Orléans ou à Blois? L'abbé Panager semblait indécis. Et puis, où trouver la
dot indispensable alors pour entrer dans une communauté carmélitaine? Perrine
priait et se faisait pressante auprès de saint Martin. Pourtant elle était sûre
qu'elle serait religieuse un jour. Elle priait aussi sainte Thérèse d'Avila.
Perrine entreprit un pèlerinage au
sanctuaire de la Peinière, à Saint-Didier, situé à environ vingt cinq kilomètres
de Rennes. Pendant son séjour, après une communion, elle crut entendre:
"Allez à ma Mère, c'est par elle que je vous exaucerai!" Et le Seigneur lui
fit comprendre que la grâce de la vocation était si importante qu'il donnait
tous les moyens de la réaliser, même de trouver l'argent pour la dot.
Un jour, Perrine eut une vision.
Elle raconte: "Notre-Seigneur ayant recueilli mon âme dans son divin Cœur, il
me sembla y voir beaucoup de personnes qui étaient enchaînées par une chaîne
d'or; elles portaient toutes une croix. C'étaient sans doute des âmes
religieuses, car je reconnus une de mes amies qui était en communauté. Il me
parut que j'étais enchaînée avec ces âmes; je priai Notre-Seigneur de vouloir
bien aussi me donner une croix. Il me fit entendre qu'il fallait conformer ma
volonté à la sienne et attendre l'accomplissement de ses desseins avec
résignation, m'insinuant que cette croix me suffisait pour le présent.
– Mais quand vous serez entrée
en religion, me dit-il, je vous donnerai une autre à porter.
Cette promesse resta gravée dans
ma mémoire."
1-4-2-Perrine est admise au carmel de
Tours
Perrine rentra à Rennes, revit
l'abbé Panager qui lui proposa d'entrer chez les Religieuses Hospitalières. Mais
vraiment, Perrine ne se sentait pas appelée à soigner les malades! C'est alors
que l'abbé Panager lui dit, tout de go, quelques jours plus tard: "Ma fille,
vous êtes reçue chez les carmélites de Tours." On était au début septembre
1839, et l'entrée était fixée pour les jours qui suivaient la Toussaint. Perrine
fit ses adieux à sa famille et à son pays. Elle alla également dire au revoir au
Père qui l'avait dirigée. Ce dernier lui dit:
– Ma fille, tâchez de suivre une
route toute commune; quand une religieuse est conduite par une voie
extraordinaire, elle est obligée de demander des confesseurs extraordinaires, et
cela n’est point commode en communauté.
Puis, comme dernier présage, il
ajouta:
– Faites vite ce que vous avez à
faire; hâtez-vous de vous sanctifier, car je prévois que votre course ne sera
pas longue.
Pierre Éluère accompagna lui-même
sa fille jusqu'au carmel de Tours. Le père et sa fille ne devaient plus jamais
se revoir... Les distances étaient trop grandes à cette époque et trop
coûteuses, pour les gens aux moyens modestes, quand il n'y avait pas de
nécessité absolue.
1-5-Perrine entre au carmel de Tours
1-5-1-Le carmel de Tours
Après bien des vicissitudes, les
carmélites de Tours avaient pu réintégrer leur ancien monastère d'avant la
Révolution, là où avait vécu la Bienheureuse Anne de Saint-Barthélémy, une
compagne de sainte Thérèse d'Avila. Ce monastère avait été érigé sous le vocable
de l'Incarnation et de la Sainte Famille. En 1839 lors de l'arrivée de Perrine
Éluère, plusieurs anciennes carmélites qui avaient connu l'expulsion de 1792,
vivaient encore. La prieure en charge lors de l'arrivée de Perrine était Mère
Marie de l'Incarnation, une femme remarquable. En elle, Perrine trouva une mère
qui saura la comprendre, et elle se sentit tout de suite à l'aise dans la maison
et au milieu de ses sœurs. Six mois plus tard elle reçut l'habit et entrait au
noviciat (le 21 mai 1840).
À partir de 1842 la ville de Tours
chercha à s'embellir, et le carmel fut exproprié: il fallait partir, mais pour
aller où? La communauté se mit en prière et Sœur Marie-Pierre reçut de Jésus, à
l'oraison, l'avis suivant: "si le monastère était construit selon l’esprit de
sainte Thérèse, il payerait tout, et l’on verrait arriver des aumônes de divers
côtés." Cette communication rejoignait tellement les conseils de Sainte
Thérèse d'Avila que la Mère prieure, impressionnée, se rangea à cet avis.
1-5-2-La novice et la professe
Le 8 juin 1841, Perrine avait fait
sa profession et était devenue Sœur Marie de Saint-Pierre. Or, peu de temps
après sa profession, le Seigneur commença à révéler à la jeune sœur ce qui
serait l'essentiel de sa mission sur la terre; la glorification du Saint Nom de
Dieu, la réparation des blasphèmes, puis la vénération de la Sainte Face de
Jésus meurtrie par les péchés des hommes. Trouvant la petite Sœur souvent trop
recueillie, la Révérende Mère lui confia bientôt l'office de portière. Cet
office, très prenant, s'exerce uniquement à l'intérieur de la clôture,
contrairement à celui de tourière qui met la sœur directement en contact avec
les gens de l'extérieur.
Mère Marie de l'Incarnation en effet, se méfiait du quiétisme
qui avait tellement imprégné la vie religieuse en France; aussi, après avoir
permis à Sœur Marie de Saint-Pierre de s'abandonner à l'Esprit de Dieu, lui
conseillait-elle de ne point rester "dans l'inaction, quand cette grâce
serait passée."
Vers septembre 1844, le couvent des
carmélites dut déménager pour aller, provisoirement, dans un bâtiment peu
commode, situé place Grégoire de Tours. Sœur Marie de Saint-Pierre, constamment
dérangée, ne pouvait plus se recueillir comme elle l'aurait souhaité; elle
demanda à la prieure de la décharger de sa charge de portière, mais sans succès.
Cependant restait l'espoir de rejoindre un jour une nouvelle maison: le terrain
avait été acheté, et la première pierre solennellement posée et bénite. En
attendant le Seigneur se manifestait à elle de plus en plus souvent. Sœur Marie
de Saint-Pierre continuait d'avoir recours à sa Sainte Enfance de Jésus, mais
elle sentait aussi le besoin de participer aux souffrances du Rédempteur.
La vie intérieure de la petite sœur
s'intensifiait en effet, et le Seigneur commençait à lui demander de travailler
à la fondation d'une œuvre en vue de la réparation des blasphèmes. M. Dupont, le
saint homme de Tours, tenu au courant des révélations de la petite sœur, assista
à la cérémonie de la pose de la première pierre du futur carmel.
C'est à ce moment que la prieure du
carmel lui demanda de rédiger un résumé de tout ce qu'elle avait reçu,
concernant l'œuvre de la Réparation, en reprenant l'ensemble de tous les billets
qu'elle avait écrits auparavant.
Le travail fut terminé le 19
novembre 1844. Sept mois plus tard, le 7 juin 1845, Sœur Marie de Saint-Pierre
fut reçue par Mgr Morlot. L'archevêque restait hésitant tant les difficultés
étaient grandes pour lui de créer une association à partir de révélations
privées. Un peu plus tard il approuva les prières de Réparation composées par la
sœur, après y avoir apporté quelques corrections. Enfin, il donnait
l'autorisation de les imprimer. L'abbé Salmon, le supérieur du carmel composa un
petit opuscule sur le blasphème intitulé "Association de prières" qui
reprenait à la fin les prières de la Réparation. Les frais d'impression furent
couverts par M. Dupont. Ce petit ouvrage se répandit très rapidement
1-5-3-Qui était la prieure?
Mère Marie de l'Incarnation était
née à Paimbœuf le 9 janvier 1795. On l'inscrivit à la mairie sous le nom de
Marie-Angélique auquel on ajouta celui de "Vertu". Sa famille eut
beaucoup à souffrir de la Révolution, et sa mère, devenue veuve, s'installa à
Tours. Marie-Angélique entra au carmel de Tours dès l'âge de quinze ans, en
1810, et en devint la prieure en 1834. Dans son gouvernement elle unissait la
fermeté à la douceur et elle possédait un jugement éprouvé; le meilleur de ses
dons était probablement le discernement des esprits. Son critère infaillible de
jugement était l'obéissance. Pour mieux se rendre compte de l'esprit qui animait
sœur Marie de Saint-Pierre, elle lui demandait d'écrire à chaque fois les
communications qu'elle recevait; puis elle prenait le papier sans mot dire, et
le mettait de côté.
1-6-Les derniers mois de Sœur Marie de
Saint-Pierre
1-6-1-L'Œuvre de la Réparation est
érigée canoniquement
Dans les Annales du carmel de
Tours, il est écrit :
“Dans l’été de 1847, l’œuvre
réparatrice fut canoniquement érigée; notre chère sœur en ressentit une joie
extrême. Déchargée de ce fardeau qui rendait sa marche si pénible, elle revint
en quelque sorte à la vie; son âme fut inondée de délices; le bonheur était
peint sur ses traits; sa santé même sembla reprendre sa première vigueur; elle
se trouva en état de soutenir le carême suivant, et l’observa effectivement avec
exactitude; mais au moment même où l’Église rappelle la passion du Sauveur,
commença pour cette chère sœur le long martyre qui devait terminer une vie si
pleine de mérites.”
1-6-2-La maladie
Après les "révélations" de Février
1848 concernant la France et l'Europe, après le refus de Mgr Morlot de
développer davantage l'Œuvre de la Réparation, Sœur Marie de Saint-Pierre se
concentra de plus en plus sur la dévotion à la Sainte Face. Elle écrivait en
mars 1848, à sa prieure: "Ce bon Jésus m’a promis qu’il aurait pitié de la
France. Ayons donc grande confiance; son Nom tout-puissant sera notre bouclier
et sa Face adorable notre divin rempart... Il m’appliquait à contempler sa
Sainte-Face."
Mais l'heure approchait pour la
petite sœur. Le 30 mars 1848, Jésus lui dit: "Votre pèlerinage s’avance!...
La fin du combat approche!... Vous verrez bientôt ma Face dans le ciel!... Je
vous ai appliqué la vertu de ma face pour rétablir en vous l’image de Dieu. Ceux
qui contempleront les plaies de ma Face sur la terre, la contempleront un jour
rayonnante de gloire dans le ciel!
Récit de la Mère prieure
Sœur Marie de Saint-Pierre s'offrit
de nouveau en victime. Le Vendredi-Saint 21 avril 1848, elle se sentit soudain
très malade. La Mère prieure écrit: "Depuis longtemps notre chère sœur
prévoyait le terme de son exil; dans plusieurs de ses lettres, elle dit
ouvertement que Notre-Seigneur le lui avait fait connaître, et qu’il lui restait
bien peu de temps à vivre. Elle nous l’avoua en particulier de la manière la
plus positive, et quoiqu’elle en connût pas le moment précis de sa mort, elle en
parlait comme d’une chose très prochaine...
Le 30 mars 1848, Notre-Seigneur
lui annonça qu’elle touchait au terme de ses espérances. Depuis cette
communication elle ne pensait qu’au ciel, ne désirait que le ciel: elle aimait à
s’en entretenir et laissait échapper, comme malgré elle, quelques traits
enflammés qui décelaient un peu la sainte ardeur dont son âme était embrasée.
Les événements qui venaient d’avoir
lieu en France
avaient excité de nouveau sa ferveur et son zèle; la vue des maux qu’elle avait
annoncés, et qui menaçaient sa patrie, la porta à un acte vraiment héroïque de
charité et de dévouement. Le vendredi saint, à trois heures, elle se prosterna
contre terre pour adorer Jésus-Christ mourant, et à cet instant, elle connut que
le poids énorme de la colère de Dieu allait s’appesantir sur les hommes;
aussitôt, renouvelant son acte d’abandon parfait, elle s’offrit pour détourner
les coups de cette redoutable justice. Le Seigneur semblait attendre ce dernier
et généreux effort pour immoler sa courageuse victime: immédiatement se déclara
une maladie qui la réduisit à l’extrémité... Nous allons la suivre jusqu’au
terme de ses douleurs.
La maladie de Sœur Saint-Pierre
était une phtisie pulmonaire fortement caractérisée ; d’autres maux vinrent s’y
joindre, et firent sur tout son corps les plus affreux ravages. Une fièvre
ardente et continue la dévorait; sa gorge était ulcérée; sa langue et sa bouche
étaient sans cesse comme percées par de cruelles épines: ce qui est à remarquer,
car Notre-Seigneur lui avait dit qu’elle devait prier et souffrir pour les
blasphémateurs.
Les nuits s’écoulaient sans lui
laisser prendre aucun repos; chaque position sur son lit de douleur devenait un
nouveau martyre; elle fut donc obligée de garder longtemps la même situation;
alors des plaies se formèrent et ajoutèrent à ses souffrances. Pendant deux mois
et demi que dura sa maladie, elle ne prit aucun aliment: quelques liquides en
petite quantité furent toute sa subsistance; elle en vint même à ne vouloir que
l’eau pure; deux fois par jour elle y ajoutait un peu de lait; ce lait, qu’elle
offrait toujours à la sainte Vierge avant de le boire, ne lui fit jamais mal,
bien qu’elle ne pût avaler, sans les rejeter à l’instant, d’autres boissons plus
légères. Par suite de tous ces maux, son corps devint comme un squelette; la vue
en faisait frémir; sa peau collée à ses os était desséchée comme si elle eût
passé par le feu; sa figure seule resta fraîche et vermeille... (Extrait des
Annales du carmel)
1-6-3-L'obéissance de Sœur Marie de
Saint-Pierre
La vie de Sœur Marie de
Saint-Pierre au carmel fut des plus simples et des plus humbles. Portière, elle
était chargée de faire toutes les commissions entre la sœur tourière en contact
avec le monde extérieur, et les sœurs cloîtrées. Cette charge lui pesait
souvent, car elle trouvait que son recueillement en était affecté, mais elle se
soumit avec simplicité, en conservant toujours bonne humeur et affabilité. Car
elle avait compris que ce que le Seigneur voulait d'elle, c'était d'abord son
obéissance. D'ailleurs, nous avons vu, tout au long de cette étude que sa vertu
dominante était vraiment l'obéissance.
Outre sa charge de portière, nous
avons remarqué qu'en de très nombreuses occasions elle se trouva comme écartelée
entre ce que le Seigneur lui demandait, et l'attitude de ses supérieurs. Mais,
quand elle demandait conseil à Jésus, ce dernier répondait toujours: "Obéit à
tes supérieures."
1-7-La mort de Sœur Marie de Saint-Pierre
Sœur Marie de Saint-Pierre était
animée de la plus tendre confiance en Dieu et d’un ardent désir du ciel; à la
pensée de sa mort, elle tressaillait d’allégresse:
– Mon heure est venue,
disait-elle, bientôt tous mes liens seront brisés. Quand vous
contemplerai-je, ô céleste séjour? Quand, ô mon Dieu, vous verrai-je face à face
et sans voile?...
Au commencement de juin, elle se
trouva si mal, qu’elle-même demanda les derniers sacrements: le danger pressait,
on se hâta de la satisfaire. Elle reçut le saint viatique et l’Extrême-Onction
avec de grands sentiments de piété. Elle demanda pardon à la communauté de la
manière la plus touchante.” À la fin de sa maladie, elle fut honorée de la
visite de Monseigneur Morlot; le vénérable archevêque daigna se transporter près
d’elle pour la bénir une dernière fois: consolation bien grande, que la chère
mourante sut vivement apprécier! Elle fut aussi assistée du supérieur de la
communauté, et elle aimait à en témoigner sa joie et sa reconnaissance.
L’âme si pure de notre
languissante victime avait recouvré sa paix et sa tranquillité premières;
cependant son corps était toujours en proie à d’inexprimables douleurs, et elles
devenaient de plus en plus aiguës à mesure que le terme approchait. Le vendredi
7 juillet, elle entra tout à fait en agonie, mais elle conserva sa connaissance
jusqu’à sa dernière heure. Comme on pensait qu’elle ne passerait pas la nuit, on
lui fit dès le soir les prières de la recommandation de l’âme. Cette nuit
suprême fut très pénible pour notre chère mourante; elle demandait souvent de
l’eau bénite et s’unissait à Dieu par de ferventes aspirations.
Depuis cet instant jusqu’à son
dernier soupir, elle ne cessa pas de prier; les sueurs de la mort la couvraient,
son corps était déjà glacé, et cependant ses lèvres froides et livides disaient
encore: “Jésus, Marie, Joseph! Venez, Seigneur Jésus! Sit Nomen Domini
benedictum!...” Ce sont les dernières paroles que nous ayons pu comprendre; car
le mouvement de ses lèvres continua, mais d’une manière inintelligible. Bientôt
elle n’entendit plus, ses yeux se fermèrent, et, pour dernier trait de
ressemblance avec son divin Maître, elle jeta un cri, et expira doucement en
présence de toute la communauté.
La pieuse mort de Marie de
Saint-Pierre arriva le 8 juillet 1848, vers midi. C’était un samedi, jour
consacré à Marie; car notre chère sœur avait prié la sainte Vierge de présenter
son âme à Dieu. Elle avait encore demandé à ne pas mourir la nuit, afin que
toutes ses sœurs se trouvassent à sa mort et ne fussent pas effrayées. Ce désir
de charité a été aussi exaucé, tant il est vrai que le Seigneur fait la volonté
de ceux qui l’aiment."
(D'après les Annales du Carmel de Tours) Sœur Marie
de Saint-Pierre avait trente et un ans. Elle laissait un souvenir inoubliable.
1-8-Après la mort de Sœur Marie de Saint-Pierre
Le corps de la petite sœur fut
déposé dans le cimetière de Saint-Jean-des-coups. M. Dupont prit soin de la
tombe et y envoya de nombreux pèlerins. Après les grandes inondations de la
Loire, de 1856, M. Dupont obtint que les restes de la petite sœur fussent
transférés dans le monastère, dans la salle du chapitre.
“Immédiatement après la mort de
Sœur Marie de Saint-Pierre, beaucoup de ceux qui la connaissaient crurent à sa
sainteté: on la priait plus qu'on ne priait pour elle. Bien que dans sa
communauté on ignorât encore les rares faveurs et les communications dont le
Seigneur l'avait comblée, elle devint cependant l’objet de la vénération
générale; sa figure respirait un air de paix et de bonheur; ses membres, qui
pendant sa maladie étaient raides par l’excès de sa maigreur et de ses
souffrances, devinrent souples et flexibles aussitôt après son décès.
Tant que le corps de la sœur fut
exposé au chœur, sur son lit funèbre, un grand nombre de personnes du dehors
vinrent la visiter; on la regardait avec bonheur et plusieurs répétaient: 'Elle
est comme un ange! ah! qu’elle prie pour nous!' Une affluence considérable
assista à son convoi; tous, et particulièrement ceux qui l’avaient davantage
connue, donnaient des larmes et des bénédictions à sa mémoire.
On remarqua, pendant la
cérémonie des funérailles, qui dura environ une heure et demie, que les quatre
cierges, placés aux angles du cercueil, brûlaient sans se consumer. En divers
endroits fort éloignés les uns des autres, on s’aperçut que des petites
parcelles de ses vêtements exhalaient une odeur balsamique très prononcée, qui
ne ressemblait à aucun autre parfum connu: c’était un baume céleste qui
pénétrait jusqu’aux âmes, dans lesquelles il excitait l’amour de Dieu et de la
vertu. Des personnes de grande considération, religieuses et séculières, ont
attesté le fait." (D'après la Circulaire du Carmel)
1-9-Sœur Marie de Saint-Pierre et M. Dupont
1-9-1-Entretien avec la Mère prieure
M. Dupont écrit :
“En 1846, vers les
premiers jours du mois de septembre, à la veille de partir avec ma famille pour
Saint-Servan...
la Révérende Mère (du carmel) et moi-même, nous
nous entretînmes ensuite de la sœur Marie de Saint-Pierre :
– Voici ce qu’elle vient de me
dire, ajouta la Révérende Mère.
Et comme au même instant je me
trouvais un crayon à la main, j’écrivis ce qui suit: Notre-Seigneur s’adressant
à la sœur, lui dit:
– Ma mère a parlé aux hommes de
ma colère; elle veut la fléchir; elle m’a montré son sein et m’a dit: voilà le
sein qui vous a nourri, laissez-lui répandre des bénédictions sur mes autres
enfants. Alors elle est descendue, pleine de miséricorde, sur la terre; ayez
donc confiance en elle.
Je mis ces lignes dans mon livre
de prières et je n’y pensai plus. Ne me trouvais-je pas devant un langage
mystérieux, où le passé se confondait avec le présent et le futur? Je me
contentai donc de me maintenir, d’une manière un peu vague, dans la conviction
où j’étais depuis longtemps, que la sœur était la confidente de Notre-Seigneur.”
M. Dupont avait été mis au
courant des évènements de La Salette du 19 septembre 1846 par le curé de Corps.
Il remarqua que ces évènements étaient comme l’accomplissement de la prédiction
donnée à la petite sœur dès les premiers jours de septembre. Il s'était fait une
loi de ne rien révéler des communications de la Sœur Marie de Saint-Pierre, mais
dès lors il communiqua avec le curé de Corps au sujet de ses écrits . En effet
la Révérende Mère "ordonnait toujours à la sœur de mettre par écrit ce
qu’elle voulait lui rapporter," n'ayant pas toujours le temps de l'écouter.
Et M. Dupont constate: "Il est touchant,
plus qu’on ne peut penser et dire, de voir notre auguste Mère confier à de
pauvres petits enfants les amertumes de son cœur maternel. N’est-il pas
suffisant qu’elle ait été arrosée du sang de son divin Fils sur le Calvaire?
Faut-il aujourd’hui qu’une génération impie, le blasphème à la bouche, rappelle
les affreuses stations des rues de Jérusalem? Et que deviendrons-nous, si Marie
ne peut plus retenir le bras de Jésus?...»
1-9-2-La peine de M. Dupont après la
mort de sœur Marie de Saint-Pierre
Monsieur Dupont fut profondément
touché par la mort de sœur Marie de Saint-Pierre... Quand il reçut du Carmel la
notice nécrologique, il la lut avec un véritable transport d’admiration. Il
écrivit à la prieure du carmel de Tours: "Nous touchons, je crois, à la
réalisation des vœux de la vénérable sœur, apôtre de l’œuvre réparatrice. Il est
impossible que la circulaire ne produise pas un grand effet dans le monde
chrétien, et le monde chrétien s’occupera à demander grâce et miséricorde. Que
Dieu en soit bénit, et son saint Nom glorifié à jamais!”
Dès lors une des pratiques de M.
Dupont fut d’aller souvent prier sur la tombe de cette sœur vénérée et de
veiller à son entretien. Il se rendait de la tombe de sa fille à la tombe de la
carmélite, et lui recommandait toutes les affaires qui l’intéressaient...
1-9-3-Réflexions ultérieures de M.
Dupont. Liens entre Tours, la Salette et Lourdes
Voici le constat que fit plus tard
M. Dupont, concernant les évènements de Tours, de La Salette et de Lourdes :
“À Tours, Notre-Seigneur parle à sa servante, lui annonce les miséricordieuses
visites de sa très sainte Mère. À La Salette, Marie, assise sur la pierre, verse
des larmes ; elle porte sur elle les insignes de la Passion, se plaint amèrement
des blasphèmes qui blessent la majesté divine, prédit des fléaux; mais, pour que
sa présence sur la terre ne soit pas stérile, elle dit et répète de faire passer
ses plaintes à son peuple: c’est-à-dire, sans doute, aux petits et aux simples;
car les prétendus savants n’étaient pas de force à adopter le miracle de
l’apparition. Les petits, au contraire, ont cru dès le premier moment ; ils
auront prié, et l’on peut penser qu’ils ont obtenu au moins un répit, puisque,
quelques années après, en 1858, la très sainte Vierge se montrait à Lourdes
revêtue d’un vêtement de fête ; elle ouvre les mains qu’elle tenait cachées à La
Salette, elle se nomme triomphalement l’Immaculée Conception, elle demande, ce
qu’on peut prendre pour un gage de paix, l’érection d’une église: toutes choses
qui peuvent nous faire espérer un meilleur avenir.”
Et M. Dupont d'ajouter :
"Nous
touchons, je crois, à la réalisation des vœux de la vénérable sœur, apôtre de
l’œuvre réparatrice...Que Dieu en soit béni, et son saint Nom glorifié à
jamais! »
1-9-4-Et après ? Que deviendront l'Œuvre
de la Réparation et le culte de la Sainte Face?
La jeune carmélite, Sœur Marie de
Saint-Pierre est décédée. Le message qu'elle avait reçu de Jésus concernant la
réparation des blasphèmes et la dévotion envers la sainte Face devrait-il
disparaître après sa mort ?
Sœur Marie de Saint-Pierre vénérait
le visage du Christ, mais elle ne l'avait jamais vu, ni en image, ni en vision.
À Saint-Pierre de Rome on vénérait, depuis le XIIème siècle, un voile portant
l'image de la face douloureuse. Suite à des prodiges
survenus en janvier 1849, pendant l'exil du pape Pie IX à Gaète, il y eut une
recrudescence de la dévotion à son égard. De nombreuses reproductions furent
imprimées et répandues dans le monde. Mère Marie de l'Incarnation, la prieure du
carmel de Tours en donna deux grandes reproductions réalisées à Arras, dans le
Monastère des Bénédictines, à M. Dupont, le dimanche des Rameaux 1851, soit
trois ans après la mort de la petite carmélite.
M. Dupont, le saint homme de Tours,
tout heureux, en confia une à l'œuvre de l'Adoration nocturne et fit encadrer
l'autre pour lui. Il la mit dans son salon et plaça devant une petite lampe à
huile. Nous sommes le mercredi saint, 16 avril 1851. Tout aurait pu en rester là
si le samedi-saint suivant un miracle signalé ne s'était produit chez M. Dupont
après onction de l'huile de la lampe sur les yeux malades d'une visiteuse. Puis
les miracles se succédèrent... Les nombreux miracles qui se produisaient après
les onctions faites avec l'huile de la lampe qui brûlait auprès de la sainte
Face dans le salon de M. Dupont confirmaient le lien existant entre la
Réparation et la vénération des fidèles pour la Sainte Face de Jésus.
La Sainte Face de Jésus, présentée
au Père en esprit de réparation devint un véritable objet de culte et de
pèlerinage, tandis que M. Dupont, s'enfonçait de plus en plus dans l'humilité,
la charité et l'esprit d'Enfance, à la manière de Sœur Marie de Saint-Pierre.
Mais pour comprendre un tel mystère, il faut en effet beaucoup d'humilité, et
Sœur Marie de Saint-Pierre avait compris que seul un cœur pur, animé par un
véritable esprit d'enfance, à l'image de l'Enfance de Jésus, pouvait vivre
pleinement la glorification du Nom de Dieu et la Réparation de tout ce qui
portait atteinte à sa gloire et à son amour.
Après la mort de M. Dupont, le 18
mars 1876, les carmélites purent racheter la maison du saint homme de Tours. Le
salon fut transformé en oratoire. Mgr Collet, Archevêque de Tours bénit cet
oratoire le 29 juin 1876.
Il y célébra la première messe, et érigea canoniquement la Confrérie
Réparatrice des Blasphèmes et de la Profanation du Dimanche, confrérie
placée également sous le patronage de la Sainte face.
Les désirs de la petite carmélite
devenaient réalité, mais il avait fallu attendre trente ans!
Mais ce n'est pas tout...
Le culte de la sainte Face se
répandit largement dans la France entière. Le 26 avril 1885, la famille Martin
tout entière: M. Martin, Marie, Céline, Léonie et Thérèse, était agrégée à la
confrérie réparatrice de Tours. Thérèse avait douze ans; elle lut les vies de M.
Dupont et de Sœur Marie de Saint-Pierre. Quand elle entra comme religieuse au
carmel de Lisieux, elle put voir l'image de la sainte Face et découvrit que sœur
Marie de Saint-Pierre y était connue et vénérée.
Thérèse Martin, Sœur Thérèse de
l'Enfant Jésus et de la Sainte Face, s'appliqua à développer auprès de ses
novices la dévotion à la Sainte Face et à faire connaître Sœur Marie de
Saint-Pierre. Et c'est ainsi, grâce à Sœur Marie de Saint-Pierre que Thérèse de
Lisieux eut une connaissance plus approfondie de l'Enfance de Jésus, et
découvrit une nouvelle "petite voie", la voie d'enfance spirituelle.
Thérèse de l'Enfant Jésus et de la
Sainte Face, a été canonisée, et elle est universellement connue. Sœur Marie de
Saint-Pierre et M. Dupont, le saint homme de Tours sont restés dans l'oubli.
Pourtant tout semble confirmer leur sainteté à eux aussi. Ne nous inquiétons
pas: il arrive parfois que le Seigneur fasse attendre ses dons afin de nous les
offrir plus beaux encore, et surtout au moment où le monde en a le plus besoin.
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