Monsieur le Curé,
Vous m’avez demandé si
la voix qui m’entretenait m’avait jamais parlé de mon directeur de
manière à former là-dessus une instruction. Je vous ai déjà répondu
que oui.
Le Sauveur Jésus, car
il me semble que c'est bien lui qui me parle, m’a donné plusieurs
avis sur ma manière d’agir vis-à-vis de mon directeur. Je l’ai
rappelé dans mes cahiers quand j’en ai trouvé l’occasion. Mais,
outre cela, il m'a parlé d’une manière toute particulière de mon
directeur dès le commencement où j'ai eu le bonheur d’entendre sa
voix. Il m'a parlé trois fois de suite sur ce sujet et dans l’ordre
suivant : Premièrement, de la nécessité d’un directeur; secondement,
de la manière d’agir avec un directeur; troisièmement, des qualités
d'un directeur.
Je vais rapporter le
premier entretien, savoir : de la nécessité d'un directeur.
« Ma fille, me dit un
jour le Sauveur Jésus après la sainte messe, je vous ai souvent
recommandé de parler à celui qui vous dirige de ce que vous éprouvez
dans vos relations avec moi. Vous ne vous êtes jamais demandé à
vous-même le motif de cette recommandation. Vous le comprendrez plus
tard. Vous ne vous êtes jamais demandé non plus pourquoi vous avez
non seulement un confesseur, mais aussi un directeur dans celui à
qui vous faites connaître les secrets de votre âme. Je veux vous le
faire comprendre et vous montrer comment il est nécessaire qu'il en
soit ainsi.
Depuis la révolte du
premier homme, tous les hommes sont plongés dans les ténèbres; ils
ont des yeux et ils sont néanmoins incapables de se conduire
eux-mêmes dans la voie qui mène à Dieu. La vie, en effet, est
entourée de dangers, de périls, de précipices; les ennemis de
l'homme se dressent partout sur son passage, et voilà pourquoi il
faut à l'homme une lumière autre que celle de son œil ou de son
intelligence, pour qu'il puisse marcher sûrement, et c'est ainsi, à
l’aide de directeurs ou de conseillers, que tous les hommes doivent
poursuivre leur carrière vers l’éternité.
Telle est la volonté
de Dieu. L'homme a péché par orgueil et voulu marcher par sa propre
lumière, il est puni par où il a péché, et jusqu'à la fin des
siècles l'homme marchera dans la voie du salut d'après les lumières
d’autrui.
Vous savez ce qui se
passait dès le commencement du monde. Les chefs de famille étaient
les conseillers de toute la famille; et comme ils ne pouvaient
trouver dans leurs enfants les conseillers dont ils avaient besoin
pour eux-mêmes, c'était Dieu qui leur faisait entendre sa voix et
leur prêtait ses lumières et ses conseils. Tels étaient les chefs de
famille, les patriarches, les législateurs, les juges, les prophètes
et les pontifes du peuple de Dieu. Les conseils de ces hommes
inspirés de Dieu étaient la lumière du peuple.
Quand le moment fut
venu, je vins moi-même pour être le conseiller universel de
l’humanité. Je vins lui rendre la lumière, la vérité et la vie. J’ai
répandu cette lumière, cette vérité et cette vie dans mes apôtres,
et, à travers les générations, elles passent par le sacerdoce de
ceux que j'ai choisis pour mes ministres, éclairant les
intelligences, les nourrissant de la seule nourriture véritable, les
vivifiant et les portant chaque jour par une vie plus forte et plus
généreuse au centre de la vie qui ne finira jamais.
Ainsi donc, ma fille,
l'homme doit se servir d'un conseiller ou d’un directeur, parce que
Dieu a réglé ainsi le commerce de la vie surnaturelle.
Voyez l'homme, ma
fille dans le commerce de la vie naturelle; il consulte, il demande
avis, conseil et lumière; fût-il le plus savant, le plus éclairé, le
plus sage des hommes, il se défie de lui-même, il a recours à
autrui. La vie surnaturelle, à plus forte raison, demande qu'on
agisse ainsi, si l’on veut marcher droit dans cette vie, ne point se
perdre ni faire fausse route.
" Vous comprenez, en
effet, ma fille, que la vie surnaturelle est d'une importance bien
autre que la vie naturelle qui est pour le temps, tandis que l’autre
est pour l’éternité. Voilà pourquoi, si vous examinez le monde
surnaturel, vous verrez tous les saints, les plus grands docteurs,
le docteur des nations lui-même, frappé sur le chemin de Damas,
demander à autrui conseil et lumière pour marcher vers Dieu.
Seul, je puis me
passer de conseil et de lumière, parce que je suis le conseil et la
lumière de tous; mais tous les hommes sont soumis à marcher d’après
la lumière d’autrui, non d’après leur lumière et leurs conseils.
Les hommes les plus
savants et les plus sages pour diriger les autres ressemblent à des
aveugles qui se trouvent sur un chemin seuls et sans guide, quand
ils veulent marcher d’après leur propre sagesse. Ils tâtonnent, ils
vont à pas lents pendant quelques jours et puis ils tombent dans des
abîmes. Car l'homme est aveugle pour ce qui le concerne lui-même, il
prend aisément ce qui est vicieux et défectueux pour le bien ou la
vertu, et l’erreur est pour lui une cause de chute et de mort. Il
tombe, parce qu'il n'a personne pour le guider; il meurt, parce
qu'il n'a point le secours d'un ami qui le retire d'un précipice.
Vous devez voir
clairement, ma fille, que si Dieu a voulu que tous les hommes
eussent un directeur, et si un directeur est chose si nécessaire que
même sans la volonté expresse de Dieu tous les hommes devraient en
avoir un, combien il vous importe d'être dirigée dans le chemin du
salut par un guide autre que vous-même.
Oui, ma fille, vous
avez besoin d'un directeur, afin qu'il vous apprenne ce que vous
ignorez : la science du salut, la science de la vie surnaturelle.
Bien que par bonté pour vous je veuille vous instruire moi-même, il
est nécessaire que vous soumettiez mes instructions à votre
directeur, afin que vous appreniez par lui et que vous sachiez d'une
manière certaine que vous pouvez recevoir mes enseignements, et vous
y conformer parce qu'ils ne renferment rien de contraire à la vérité
sur l’objet de votre foi, de votre espérance, de votre charité et
des actions de toute votre vie. Vous craignez d'être victime
d’illusions; qui vous rassurera, si ce n'est votre directeur?
Vous avez besoin d'un
directeur, afin qu'il vous exerce dans la pratique de toutes les
vertus, afin qu'il vous indique les moyens d’éviter les péchés et
qu'il règle votre discrétion dans l’accomplissement de vos devoirs
envers Dieu.
Vous avez besoin d'un
directeur pour accroître vos mérites de l’éternité et votre couronne
du ciel, par votre obéissance et votre soumission à tout ce qu'il
vous prescrira. L’obéissance à la voix de votre directeur vous
donnera une plus grande ressemblance avec moi qui faisais toujours
sur la terre la volonté de mon Père.
Vous avez besoin d’un
directeur, parce que la vie est pleine de misères, de tribulations
et d’épreuves; il faut donc une parole pour consoler dans les
tribulations, un secours pour fortifier dans les combats. Or, voilà
ce que vous trouverez dans votre directeur.
Enfin, ma fille, vous
avez besoin d'un directeur, parce que vous êtes, comme tous les
enfants d’Adam, victime du péché, entraînée au mal, sujette à
offenser Dieu.
Suivez donc les
lumières, les conseils et les avis que vous recevrez de votre
directeur. Ne vous affligez pas si je vous ai enlevé celui qui vous
avait le premier montré la voie. Je vous le dis en vérité, vous
bénirez ma providence un jour de vous avoir placée entre les mains
de celui que je vous ai envoyé. »
Tel a été, Monsieur le
Curé, le premier entretien. Je vous livrerai les deux autres dans le
courant de la semaine; mes occupations ne me permettent pas de les
écrire aujourd’hui.
Je vous offre, Monsieur
le Curé, mes sentiments les plus respectueux et je vous prie de me
croire,
Votre très humble servante,
Marie.
Mimbaste, 1er mai 1842.
SOURCE : http://jesusmarie.free.fr/
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